Discours d’ouverture - Colloque de la Cour des comptes
sur la comptabilité générale de l’État
Dix ans après : engager une nouvelle étape ?
30 juin 2016



Monsieur le Premier président de la Cour des comptes,
Madame la Présidente de la commission des finances,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, chers collègues,
Monsieur le député européen,
Monsieur le député,
Mesdames et Messieurs les membres de la Cour des comptes,
Mesdames et Messieurs les directeurs d’administration,
Monsieur le Président de la fondation internationale de finances publiques,
Mesdames et Messieurs,

Monsieur le Premier président de la Cour des comptes, cher Didier Migaud, je suis très heureux de vous accueillir à nouveau au Sénat. Je dis bien à nouveau parce que nos deux institutions entretiennent des liens à la fois anciens et étroits.

Jamais l’intensité de nos relations n’a été aussi forte et je me fais l’interprète de tous mes collègues pour vous dire combien nous nous félicitons de pouvoir bénéficier de votre expertise pour exercer les missions de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques qui sont les nôtres.

Chaque année, vous venez nous présenter le rapport annuel de la Cour des comptes ainsi que les rapports prévus par la loi organique relatives aux lois de finances - la LOLF - sur la gestion budgétaire, la certification des comptes de l’État ou la situation et perspectives des finances publiques. La Cour est en outre très régulièrement sollicitée par les différentes commissions permanentes et délégations du Sénat.

L’exercice qui nous réunit aujourd’hui est plus inhabituel et je suis très heureux, Monsieur le Premier président, d’ouvrir avec vous ce colloque organisé par le Sénat et la Cour des comptes sur la comptabilité générale de l’État.

Tout d’abord, je veux vous remercier de m’avoir proposé en janvier dernier d’organiser ensemble ce séminaire pour dresser, dix ans après la mise en place de la comptabilité générale de l’État, un bilan d’étape, pour mesurer les résultats obtenus au regard des ambitions initiales et poser de nouveaux jalons pour l’avenir.

Monsieur le Premier président, je sais l’engagement qui a été le vôtre et celui de notre ancien collègue Alain Lambert pour faire naitre la LOLF. Vous étiez, à l’époque, pour l’un, Rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale et, pour l’autre, Président de la commission des finances du Sénat.

Il y a donc, pour ce qui vous concerne, cher Didier Migaud, une forme de continuité à organiser aujourd’hui ce retour sur expérience, en tant que Premier président de la Cour des comptes.

Je me réjouis de voir l’assistance aussi nombreuse et diverse. Cela confirme l’intérêt et la pertinence de la démarche.


* * *

À travers la LOLF, le législateur organique visait un double objectif :

1) moderniser la gestion publique de l’État
2) et rénover le rôle du Parlement dans le contrôle de la procédure budgétaire, notamment en renforçant l’information mise à sa disposition.

Les pratiques de la gestion publique se devaient d’évoluer, en passant d’une logique de moyens vers une logique de performance. Il s’agissait, par rapport à la situation née de l’ordonnance 59-2 du 2 janvier 1959, d’améliorer l’efficacité de la dépense publique et de faire en sorte que les crédits soient utilisés à bon escient et dans l’intérêt des contribuables.

Pour reprendre les mots d’Alain Lambert, il fallait en finir une « conception archaïque de la pratique budgétaire ».

La LOLF devaient également à enrichir la qualité de l’information budgétaire et financière, destinée notamment au Parlement. Les Parlementaires avaient, de longue date, souligné les insuffisances du système de comptabilité régi par l’ordonnance de 1959 qui ne facilitaient l’accomplissement de leur mission budgétaire :

- manque de transparence sur la situation financière de l’État et sa soutenabilité à moyen terme ;
- atteintes à la sincérité du débat budgétaire ;
- absence de vision consolidée de la situation des administrations publiques.

Pour éclairer l’autorisation budgétaire de l’année, il apparaissait nécessaire d’améliorer la connaissance de la situation financière de l’État, son patrimoine et l’ensemble de ses droits et obligations susceptibles d’avoir un impact financier immédiat ou futur.

Dès octobre 2000, dans son rapport d’information sur l’ordonnance de 1959,  notre collègue Alain Lambert avait émis le souhait «  d’instaurer un vrai système comptable » afin de « redonner du sens aux lois de finances ».

En réponse à cette invitation, la LOLF a donc organisé un système dual.

D’un côté, la comptabilité budgétaire de l’État qui constitue le support de l’autorisation donnée chaque année par le Parlement.

De l’autre, la comptabilité générale, inspirée de celle des entreprises, qui retrace ex post les opérations budgétaires de l’État dans une optique patrimoniale.

Ainsi la mise en place de la comptabilité générale de l’État visait à retracer fidèlement le patrimoine de l’État et ses obligations et à rénover les pratiques de gestion de l’État. Elle devait constituer un facteur essentiel de la modernisation des systèmes d’information comptables et du renforcement de la qualité de l’information délivrée au Parlement.

* * *

Dix ans après sa mise en place, je crois pouvoir dire que la comptabilité générale de l’État a amené certains progrès.

Elle a contribué à améliorer la connaissance de la situation financière de l’État, de ses actifs comme de ses passifs qui, comme vous le savez, ne se limitent pas à sa dette financière. Ces nouvelles informations complètent utilement celles tirées de la comptabilité budgétaire. C’est un élément auquel le Parlement est très attaché.

Les pratiques des services gestionnaires et comptables ont commencé d’évoluer, même si cela n’a pas été nécessairement au rythme souhaité initialement.
En même temps, ce processus a mobilisé des ressources significatives au sein des services gestionnaires.

Je souhaite à cette occasion adresser un message de reconnaissance à l’ensemble des administrations, aux gestionnaires et comptables publics, qui se sont beaucoup investis pour mettre sur pied et faire vivre cette nouvelle comptabilité. C’est une œuvre complexe, ardue et exigeante.

S’ils sont visibles, les progrès accomplis n’apparaissent pas totalement achevés. Et dix ans après, un certain nombre de questions doivent être posées :

- La comptabilité générale a-t-elle pleinement répondu aux attentes du législateur que j’ai rappelées brièvement à l’instant ?
- Comment tirer pleinement profit de l’investissement important, consenti depuis le vote de la LOLF en 2001 ?
- Comment faire en sorte que cette nouvelle comptabilité contribue plus significativement à la transparence et l’efficacité de la gestion publique auxquelles le Parlement est très attaché ?
- Faut-il aller au-delà de la LOLF et franchir de nouvelles étapes ?

Telles sont quelques-unes des questions que vous allez aborder cet après-midi à l’occasion des deux tables rondes, qui vont animées respectivement par M. Renaud Dorandeu, professeur à l’université Paris Dauphine, et M. Gilles-Pierre Lévy, président de chambre à la Cour des comptes.

Je saisis cette occasion pour saluer à nouveau et remercier les personnalités qui interviendront et contribueront activement à vos réflexions.

Je pense plus particulièrement à nos anciens collègues, Alain Lambert, retenu dans son département de l’Orne mais qui interviendra grâce à une vidéo, ainsi que Jean Arthuis, député européen et président de la commission des budgets du Parlement européen. Tous les deux ont beaucoup contribué avec vous, Monsieur le Premier président de Cour des comptes, à la genèse de la LOLF. Leur témoignage et leurs réflexions seront, je n’en doute pas, extrêmement précieux pour poursuivre sa dynamique.

Malheureusement mon agenda ne me permet pas de suivre l’intégralité de vos travaux. Vous voudrez bien m’en excuser.

Je vous souhaite néanmoins un excellent et fructueux colloque. Je vous remercie.