Discours de M. le Président du Sénat
Colloque Changeons de regard sur le chômage
lundi 11 mai 2015 - Salle Clemenceau


Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général de la CFDT,
Cher Jean-Baptiste de Foucauld,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Cher Alexandre Jardin,
Mesdames et Messieurs,

Je tiens d’abord à vous dire combien j’ai été heureux d’accorder mon parrainage à votre colloque. Les questions sociales sont au cœur de mon engagement, que ce soit comme maire de Rambouillet, comme président de la commission des Affaires économiques du Sénat, comme ministre de l’emploi bien sûr aux côtés de Jean-Louis Borloo, et c’est un souvenir fort de ma vie publique avec le bonheur de voir baisser le chômage mais nous avions de la croissance !, et encore et toujours comme président du Sénat.

Comment ne pas être sensible à l’approche que vous avez choisie pour ce colloque, anniversaire de vos 30 ans, « changeons de regard sur le chômage » et par les deux sujets de vos tables rondes : « demain le plein emploi » et « territoires, solutions au chômage ».  Vous avez réuni un panel d’intervenants qui sont, je crois, tous des « faizeux » ; ce qui montre d’ailleurs que l’envie de faire et de faire bouger les choses et les institutions est partagée par des personnes de qualité différente.

Je souhaite tout d’abord rendre hommage à votre association et à son action :

« Solidarités nouvelles face au chômage » a effectivement un autre regard sur l’emploi et le chômage. Elle part du terrain, elle prend appui sur la solidarité, elle prend en compte la réalité des situations vécues par les personnes et par ceux qui les accompagnent. Elle est en quelque sorte un aiguillon pour l’ensemble de ceux, administrations, pôle emploi, missions locales, maison de l’entreprise et de l’emploi, associations qui mettent en œuvre notre politique de l’emploi et luttent contre les phénomènes d’exclusion.

Je voudrais, avec vous, très rapidement rassurez-vous (mais vous aurez compris que je ne pouvais pas me satisfaire d’une ouverture protocolaire) insister sur les enjeux actuels de notre politique de l’emploi et tenter de dégager quelques perspectives. Et cela à la lumière du rapport que je viens de remettre au Président de la République sur l’engagement républicain, rapport dont certains d’entre vous récuseront, sans doute, certaines analyses ou propositions. C’est normal. Ce rapport est un élément du débat sur notre nation et les valeurs qui l’animent. Mais j’ai d’abord voulu nommer les choses, affronter le réel, c’est-à-dire la crise identitaire de notre pays et les dangers du communautarisme. Notre devoir d’homme politique est de donner du sens, de montrer la direction que nous souhaitons pour notre pays !

De la même manière que l’on ne peut isoler l’économique et le social, on ne peut séparer la solidarité et la responsabilité individuelle. Cette articulation est au cœur de nos politiques de l’emploi.

Car est-il besoin de rappeler que seule une économie en bonne santé, compétitive, donc intégrée dans la mondialisation peut créer massivement de l’emploi, emploi permettant aux jeunes d’accéder au marché du travail, aux plus âgés de ne pas en être évincés et aux travailleurs immigrés de s’intégrer ? « Croissance, compétitivité et emploi », tel était le titre du Livre blanc de J. Delors en 1993, au moment où il s’apprêtait à quitter la présidence de la Commission européenne.

Est-il besoin de rappeler que seule une économie en bonne santé permettra de financer nos dépenses sociales et de ne pas accumuler de la dette pour les générations futures pour payer nos propres prestations ?!

Est-il besoin de rappeler que le poids des conservatismes et des corporatismes entrave la mise en œuvre des réformes qui sont nécessaires et qui pourraient, au-delà des attaches partisanes, réunir une majorité de français ?!

J’ai eu l’occasion dans cette même salle, il y a quelques jours de prononcer un discours à l’occasion du 70ème anniversaire de l’ordonnance de 1945 créant la sécurité sociale, ordonnance du Général de Gaulle. Et j’y faisais allusion à la crise de notre protection sociale, crise qui reflète, je crois, les contradictions profondes de notre société.

Je constatais que dans l’esprit des fondateurs de la sécurité sociale la responsabilité de la gestion de la sécurité sociale devait revenir aux représentants des assurés. Ce n’était pas qu’une question de gestion paritaire par les organisations patronales et syndicales. C’était avant tout une conception philosophique marquée par l’esprit de la Résistance et l’idée selon laquelle chaque assuré ou ayant droit est responsable de sa sécurité sociale, qu’il saura en user à bon escient et dans l’intérêt collectif. Mais dans une société de plus en plus marquée par l’individualisme, l’idéal collectif de 1945 est très décalé… Cette analyse sur la protection sociale, on peut également la faire pour nos politiques de l’emploi.

Comme vous, je sais que derrière toute politique publique ou toute action associative, il y a des personnes. Et celles-ci sont sacrées. C’est pourquoi, je récuse tout discours démagogique sur l’assistanat ; le seul « cancer » qui ronge notre pays, c’est le chômage et l’exclusion. Notre devoir est d’accompagner les demandeurs d’emploi, de leur fournir l’aide dont ils ont besoin pour retrouver un emploi ou accéder à une formation. Mais est-ce que cela nous empêche d’avoir conscience que derrière des droits, il y aussi des devoirs et qu’il faut s’attaquer aussi aux abus ou aux excès ? Non seulement je ne le crois pas, mais je crois au contraire que c’est ainsi que notre modèle social sera légitime pour nos concitoyens et que nous pourrons l’adapter.

Et bien sûr, il sera d’autant plus légitime que grâce à des associations comme la vôtre, grâce à des militants comme vous, les valeurs de solidarité et de partage seront vivantes. C’est ce que Jean-Baptiste de Foucauld appelle un Pacte civique. Là non plus, nous n’en partageons pas, probablement, toutes les composantes ou toutes les approches. Mais en tout cas, le plus important n’est-il pas toujours ce qui unit, ce qui élève ?! Le plus important n’est-il pas de débattre, de s’écouter, de prendre le temps du dialogue ? C’est d’ailleurs l’esprit de la loi de 2007, une loi que je connais… Une loi qui pour autant ne signifie pas qu’un gouvernement doit se réfugier dans l’inaction : il doit prendre ses responsabilités, toutes ses responsabilités lorsque le moment de l’action est venu.

Prendre ses responsabilités pour aider, accompagner celles et ceux qui en ont besoin, c’est bien votre action au quotidien. Et c’est à cela que je tenais à rendre hommage ce soir !

Mais aujourd’hui, voici venu le moment pour vous de prendre le temps de la réflexion et de vous interroger sur les évolutions à donner à vos actions. Que ce colloque porte ainsi tous ses fruits !