Publicité et financement des partis politiques européens (PPRE) - Tableau de montage - Sénat

N° 122

SÉNAT

                  

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

21 mars 2022

                                                                                                                                             

RÉSOLUTION EUROPÉENNE

sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la transparence et au ciblage de la publicité à caractère politique, COM(2021) 731 final, et la proposition de refonte du règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes, COM(2021) 734 final







Est devenue résolution du Sénat, conformément à l'article 73 quinquies, alinéas 2 et 3, du Règlement du Sénat, la résolution adoptée par la commission des lois dont la teneur suit :

                                                                                                                                             

Voir les numéros :

Sénat : 524 (2021-2022).




Résolution européenne sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la transparence et au ciblage de la publicité à caractère politique, COM(2021) 731 final, et la proposition de refonte du règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes, COM(2021) 734 final

Le Sénat,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 5, 10 et 12 du traité sur l’Union européenne (TUE),

Vu l’article 224 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévoyant que le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, fixent par voie de règlements le statut et les modalités de financement des partis politiques européens,

Vu le protocole  2 sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’article 12 de la charte européenne des droits fondamentaux,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 3 décembre 2020 relative au plan d’action pour la démocratie européenne, COM(2020) 790 final,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2021 relatif à la transparence et au ciblage de la publicité à caractère politique, COM(2021) 731 final,

Vu la proposition du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2021 de refonte du règlement  1141/2014 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques, COM(2021) 734 final,



Vu les propositions de directives du Conseil du 25 novembre 2021 de refonte de la directive 93/109/CE du Conseil du 6 décembre 1993 fixant les modalités de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants, COM(2021) 732 final, et de la directive 94/80/CE du Conseil du 19 décembre 1994 fixant ces mêmes modalités pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils n’ont pas la nationalité, COM(2021) 733 final.



Sur la proposition de règlement relatif à la transparence et au ciblage de la publicité à caractère politique :



Considérant que, si l’Union européenne dispose de prérogatives pour fixer les lignes directrices de l’élection des députés européens et pour garantir le droit de vote et d’éligibilité des citoyens de l’Union dans leur État membre de résidence, pour les élections européennes et pour les élections municipales, elle n’a en revanche aucune compétence pour réguler l’organisation des élections nationales et locales dans les États membres et l’activité des partis politiques nationaux ;



Considérant que le droit électoral français comprend des dispositions encadrant strictement la publicité politique en période de campagne électorale afin d’éviter toute pression sur les électeurs, en particulier l’article L. 52-1 du code électoral qui prohibe, dans les six mois précédant un scrutin, toute utilisation de la publicité commerciale à des fins de propagande électorale ;



Considérant que ladite proposition soumettrait les prestataires de service de publicité politique à des obligations de déclaration des publicités politiques, de transmission d’informations relatives à ces publicités, aux autorités de contrôle compétentes et à des tiers nommés « entités intéressées » qui en font la demande, de tenue de registres rassemblant ces informations et d’établissement de rapports périodique au sujet de ces prestations ;



Considérant, dans le cadre de l’obligation déclarative, la nécessité pour les prestataires de service de publicité politique d’accompagner chaque annonce publicitaire ou campagne de publicité politique par un « avis de transparence » ;



Considérant que la transmission d’un « avis de transparence » dûment complété par le prestataire à l’éditeur de publicité politique conditionne la mise à disposition de l’annonce publicitaire à caractère politique concernée ;



Considérant aussi les incertitudes engendrées par la rédaction non aboutie de ce dispositif, qui exige que chaque « avis de transparence » comprenne a minima l’identité du parraineur et ses coordonnées, la période de diffusion de l’annonce publicitaire, les montants perçus par le prestataire pour réaliser l’annonce ou la campagne de publicité et, « le cas échéant », l’indication des élections ou référendums concernés, et les liens vers les répertoires de publicité en ligne ;



Considérant que le règlement envisagé obligerait les commanditaires – « parraineurs » – d’une publicité politique à déclarer si la publicité dont ils sont commanditaires constitue un service de publicité à caractère politique et accepter la transmission d’informations les concernant aux autorités de contrôle et aux « entités intéressées » précitées, par les prestataires de services agissant pour leur compte et que ces obligations seraient ainsi applicables aux candidats à une élection nationale ou locale comme aux partis politiques nationaux en tant que « parraineurs » ;



Considérant l’ambiguïté de la rédaction de certaines définitions posées par la proposition de règlement examinée, ce qui nuit à sa compréhension et ne permet pas de cerner la portée exacte du dispositif envisagé ;



Considérant notamment que des « entités intéressées » sont susceptibles de demander et d’obtenir des informations sur les publicités politiques auprès de prestataires de services de publicité politique, aux termes des articles 11 et 13 de la proposition de règlement ; et qu’une telle entité serait de fait peu définie, susceptible d’être un chercheur agréé, un journaliste, « un acteur politique autorisé en vertu du droit national », des observateurs électoraux nationaux ou internationaux accrédités, mais également « les membres d’une organisation de la société civile dont les objectifs statutaires sont de protéger et de promouvoir l’intérêt public » habilitée ;



Prend acte de l’objectif de la proposition de règlement examinée, à savoir renforcer la transparence de la publicité politique afin de préserver la sérénité des débats démocratiques et l’intégrité des élections contre toute tentative de manipulation de ces dernières ;



Reconnaît que le choix d’un règlement permettra opportunément de garantir une harmonisation rapide des législations nationales en matière de publicité politique mais regrette l’absence d’association des Parlements nationaux par la Commission européenne, à l’élaboration de cette proposition ;



Salue le fait que, pour renforcer la transparence de la publicité politique, la proposition de règlement examinée impose de nouvelles obligations au donneur d’ordre (ou parraineur) commanditaire d’une annonce ou d’une campagne de publicité politique, au prestataire de services chargé d’élaborer cette annonce ou cette campagne de publicité, et aux médias ou plateformes (ou éditeurs) chargés de diffuser cette annonce ou cette campagne de publicité politique, instituant ainsi une chaîne de responsabilités ;



S’inquiète du champ étendu des « parraineurs » concernés par les obligations d’information envisagées et l’immixtion de la proposition de règlement examinée dans les règles nationales du droit électoral susceptible d’en résulter, et s’interroge sur la nécessité de ce dispositif et la pertinence de la base juridique choisie, à savoir l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, relatif à l’établissement et à l’approfondissement du marché intérieur, même si ce dispositif vise, pour l’essentiel, à réguler des prestations de service effectuées contre une rémunération ;



Demande en conséquence que les considérants  13 et  25 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement examinée, qui précisent, d’une part, que cette dernière « ne devrait pas affecter le contenu matériel de la publicité à caractère politique ni les règles régissant l’affichage de celle-ci, y compris les périodes dites de silence précédant les élections ou les référendums » et, d’autre part, « ne devrait pas avoir d’incidence sur les définitions nationales des partis politiques, des objectifs politiques ou des périodes de campagne au niveau national » soient insérés dans le dispositif de la proposition de règlement, par exemple à l’article 3, pour acquérir une valeur normative et écarter toute immixtion – même involontaire – de l’Union européenne dans les règles nationales relatives à la propagande électorale et à l’organisation des scrutins ;



Estime que les incertitudes sur les informations demandées dans les « avis de transparence » sont susceptibles de paralyser la mise en œuvre de ces avis ou de la rendre dépendante de l’interprétation qu’en fera chaque éditeur de publicité politique, au risque d’une limitation disproportionnée de la liberté d’expression et d’une multiplication des contentieux ; demande en conséquence une définition précise de ces informations, qui pourrait retenir les actuelles informations qu’il est envisagé de rendre obligatoires ainsi que l’indication des élections ou référendums concernés ;



Soutient qu’un texte ayant des conséquences sur la liberté d’opinion des citoyens et leur droit de vote doit impérativement respecter les principes de clarté et de sécurité juridiques ; insiste donc sur la nécessité de délimiter exactement les personnes physiques et morales pouvant être les destinataires de la transmission d’informations sur les publicités politiques ; estime à cet égard que la notion d’« acteur politique » n’est pas juridique et s’inquiète que le considérant  23 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement examinée y assimile les « fonctionnaires non élus », en contradiction avec les obligations de neutralité et de réserve qui doivent s’imposer aux agents publics ;



Juge adaptées les règles explicites que la proposition de règlement examinée, dans ses articles 12 et 13, prévoit pour poser une interdiction de principe des techniques de ciblage et d’amplification impliquant le traitement de données à caractère personnel à des fins de publicité politique, et encadrer ces techniques lorsqu’un tel traitement n’est pas prévu ;



Estime pertinente la base juridique choisie pour fonder ce dispositif, à savoir l’article 16 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relatif à la protection des données personnelles, et cohérente cette proposition avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD), ainsi qu’avec l’initiative législative sur les services numériques (Digital Services Act ou DSA), en cours de négociation ;



Considère que les informations qui doivent être transmises par les prestataires de service de publicité politique et les responsables de traitement ayant recours à des techniques de ciblage et d’amplification constituent des éléments essentiels de la proposition de règlement ; estime en conséquence que les articles 7, 12 et 19 de la proposition de règlement examinée, en confiant à la seule Commission européenne le pouvoir, par la voie des actes délégués prévus à l’article 290 du TFUE, de modifier la liste de ces informations paraissent aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de transparence recherché et privent indûment les Parlements nationaux de toute possibilité de contrôle sur ces actes ; demande donc que la liste de ces informations soit arrêtée dans le règlement lui-même.



Sur la proposition de règlement relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes :



Considérant que, conformément à l’article 10 du traité sur l’Union européenne et à l’article 12 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, les partis politiques au niveau européen contribuent à la formation de la conscience politique européenne et à l’expression de la volonté des citoyens de l’Union européenne ;



Considérant qu’un parti politique européen est susceptible de recevoir des dons de personnes physiques ou morales d’une valeur maximale de 18 000 euros par an et par contributeur ainsi que des contributions de ses membres, et de demander à bénéficier d’un financement par le budget général de l’Union européenne ; et que l’octroi d’un tel financement serait désormais conditionné aux efforts du parti en faveur d’une représentation équilibrée entre hommes et femmes ;



Considérant qu’en l’état du droit, les partis politiques européens ne peuvent accepter de financement, ni d’un État membre ou d’un pays tiers, ni d’une entreprise sur laquelle une telle autorité publique peut exercer une influence, ni d’une « entité privée implantée dans un pays tiers » ou de « personnes d’un pays tiers qui ne sont pas autorisées à voter aux élections au Parlement européen » ;



Considérant que le financement des partis politiques par des personnes morales, ayant de surcroît leur siège dans un pays tiers, est également interdit dans plusieurs États membres dont la France ;



Considérant que le Conseil d’État, dans un avis  397096 rendu public le 19 mars 2019, a estimé que la participation financière d’un parti politique européen à la campagne électorale des élections européennes en France était possible, malgré les réserves de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) ;



S’interroge sur l’opportunité de maintenir la possibilité pour les partis politiques européens d’être financés par des personnes morales, au regard de l’objectif poursuivi de préserver l’intégrité des élections contre toute tentative de manipulation de ces dernières ;



Prend acte de l’actualisation de la législation européenne relative au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes par la proposition de règlement examinée, qui tend en particulier à s’assurer du respect des valeurs de l’Union européenne par les partis politiques européens, à favoriser un équilibre entre hommes et femmes dans leur gouvernance, et à clarifier leurs modes de financement ;



Affirme que, pour remplir leur mission d’expression de la volonté des citoyens de l’Union européenne en bénéficiant de la confiance de ces derniers, les partis politiques européens doivent assurer une réelle transparence de leur financement mais également refuser tout financement qui serait susceptible de jeter le doute sur leur indépendance ;



Estime que l’autorisation que donnerait l’article 22 du règlement aux partis politiques européens de bénéficier, dans la limite de 10 % des contributions totales versées par leurs membres, de contributions financières versées par des partis membres ayant leur siège dans un pays appartenant au Conseil de l’Europe favorise un risque d’ingérence étrangère dans le fonctionnement et dans les positions publiques qu’ils défendent, au risque de menacer leur liberté d’action et leur indépendance ;



Souhaite en conséquence le retrait de ce dispositif de la proposition de règlement envisagée ;



Sur la proposition de directive facilitant les modalités de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants et la proposition de directive facilitant les modalités de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils n’ont pas la nationalité :



Estime que tout citoyen de l’Union européenne qui est inscrit sur les listes électorales de son État membre de résidence pour les élections européennes ou municipales doit pouvoir participer au financement de la campagne électorale d’un candidat à ces élections dans les mêmes conditions qu’un ressortissant de cet État membre ;



Demande, en cas de décision favorable de l’État membre de résidence d’un citoyen de l’Union à sa demande d’inscription sur la liste électorale pour voter aux élections européennes, au titre de l’article 11 de la directive 93/109/CE du Conseil du 6 décembre 1993 précitée, que l’État membre d’origine informe son ressortissant des mesures appropriées qu’il prend en conséquence et des voies de recours possibles ;



Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours et à venir au Conseil.

Devenue résolution du Sénat le 21 mars 2022.

Le Président,

Signé : Gérard LARCHER

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