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N° 85

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

28 mars 2018

RÉSOLUTION

tendant à mieux maîtriser le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à la pratique et aux équipements sportifs

Le Sénat a adopté la résolution dont la teneur suit :

Voir les numéros :

Sénat : 255 (2017-2018).

Le Sénat,

Vu l'article 34-1 de la Constitution,

Considérant la nécessité de simplifier l'édifice normatif applicable aux collectivités territoriales afin de desserrer les contraintes et d'alléger les coûts pesant sur elles ;

Considérant que les collectivités territoriales sont aujourd'hui garantes du dynamisme sportif dans les territoires et les principaux financeurs du milieu sportif avec chaque année près de 13 milliards d'euros investis dans le sport pour 36 millions de pratiquants dans notre pays ;

Considérant, selon le recensement des équipements sportifs (RES) réalisé par les services du ministère des sports, que les collectivités territoriales sont propriétaires de 80 % des 330 000 équipements sportifs en France ;

Considérant que les collectivités territoriales mettent ces infrastructures à la disposition des clubs et doivent faire face aux travaux d'entretien ou de rénovation, voire de construction de nouveaux équipements, et que ces charges sont largement impactées par l'activité réglementaire exercée par les fédérations sportives ;

Considérant que les exigences formulées par les fédérations sportives, parfois pour des motifs d'ordre commerciaux, sont jugées de plus en plus excessives par les collectivités territoriales ;

Considérant qu'il existe 400 000 normes, réglementations et prescriptions applicables aux équipements sportifs des collectivités territoriales, dont 33 000 normes AFNOR ;

Considérant que le coût induit par ces normes entre 2008 et 2014 s'est élevé à 6 milliards d'euros (selon l'ANDES) pour les collectivités territoriales ;

Considérant la nécessité de faire preuve d'engagements financiers raisonnables, y compris pour faire vivre le mouvement sportif, dans un contexte de raréfaction des ressources publiques ;

Considérant que dans le contexte d'efforts demandés aux collectivités territoriales pour réduire leurs dépenses, il est important que celles-ci soient bien associées en amont de toutes les mesures ayant un impact sur leur financement ;

Estime nécessaire :

- de préserver la Commission d'examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (CERFRES) dans son rôle d'instance de concertation privilégiée entre les collectivités territoriales, l'État et le monde sportif, en envisageant un renforcement de ses prérogatives ;

- d'allonger les délais d'examen des projets de règlements fédéraux de deux à trois mois pour la phase de consultation de la notice d'impact produite par la fédération sportive concernée à l'appui de toute norme nouvelle ; cet allongement des délais devrait permettre aux différents acteurs de bénéficier d'un temps supplémentaire pour effectuer une analyse plus approfondie et, en particulier, permettre aux fédérations une fertilisation croisée des initiatives et aux collectivités territoriales une meilleure évaluation des impacts financiers des normes nouvelles ;

- de sensibiliser les fédérations sportives sur la nécessité de bien veiller à laisser aux collectivités territoriales un délai raisonnable pour la mise en conformité de leurs équipements ou infrastructures aux normes nouvelles ; un tel principe doit pouvoir guider les fédérations lors de l'élaboration des notices d'impact ; en particulier, inciter les fédérations à élaborer des échéanciers prévoyant une date butoir d'opposabilité des normes nouvelles, tenant compte par exemple de la taille de la collectivité ; la progressivité dans la mise aux normes doit être fixée selon les contraintes locales et les réalités territoriales ;

- d'envisager, avec les associations d'élus concernées (Association des maires de France, l'Assemblée des départements de France, Régions de France, France urbaine, l'Assemblée des communautés de France), un élargissement de la composition de la CERFRES afin de mieux prendre en compte le monde rural ainsi que les intercommunalités de plus en plus nombreuses à exercer des compétences en matière de sport ;

- de réfléchir, avec les représentants actuels (État, collectivités, monde sportif), à la création de groupes de travail associant en amont la CERFRES et les fabricants d'équipements sportifs, afin de bénéficier de leur expertise mais sans que ceux-ci ne participent aux délibérations de cette instance ;

- de permettre à la CERFRES de se saisir des « normes grises », à mi-chemin entre la norme obligatoire et non obligatoire, que constituent les labels d'ordre commerciaux des ligues professionnelles et autres recommandations non obligatoires des fédérations sportives ressenties comme une pression par les élus locaux ;

- de reconnaitre à la CERFRES un pouvoir d'avis dès lors qu'une décision relative à la compétition a une conséquence directe sur l'exploitation d'un équipement ;

- de rappeler la nécessité que les avis rendus par la CERFRES soient effectivement appliqués par les fédérations pour préserver une régulation souple ;

- de renforcer les compétences d'évaluation de la CERFRES en prévoyant, par exemple, une révision régulière des normes tenant compte de l'expérience des collectivités territoriales ;

- d'encourager la CERFRES à réactiver la procédure existante de saisine du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) afin qu'il puisse examiner tout projet de texte d'une norme fédérale, avant que celle-ci rende son avis définitif ; un usage plus systématique de cette faculté aujourd'hui largement inutilisée autoriserait une meilleure articulation et un échange plus régulier entre ces instances ;

- de veiller à ce que les fédérations sportives adaptent leurs normes à l'usage réel d'un équipement en s'assurant en particulier d'une proportionnalité des prescriptions selon qu'il s'agisse de manifestations sportives locales, régionales ou nationales, de sport amateur et/ou professionnel ;

- de réaliser un classement des équipements sportifs au niveau national afin de permettre une mutualisation au bénéfice des collectivités territoriales, tous les équipements n'ayant pas vocation à accueillir des rencontres internationales ou de haut niveau ;

- d'encourager les fédérations à dialoguer et à s'entendre sur l'utilisation d'un même équipement, à travers, par exemple, la rédaction de « guides d'utilisation commune » des salles et des équipements sportifs ; confrontés à des problèmes de moyens, les collectivités territoriales doivent être en mesure de rendre les infrastructures ou les équipements sportifs « multi-usages », c'est-à-dire accessibles à plusieurs types d'utilisateurs ;

- de mettre en oeuvre le principe de subsidiarité dans l'application des normes, en prévoyant que les textes des fédérations sportives se bornent à fixer des objectifs à atteindre, à charge pour les collectivités territoriales d'en définir les modalités d'application pour y parvenir ; les collectivités doivent définir les moyens selon les besoins locaux et les réalités territoriales ;

- d'envisager une application différenciée des normes et règles d'homologation selon les différents espaces (hall d'accueil, vestiaires, tribunes, espace de restauration, terrain, etc.) d'une même infrastructure sportive pour tenir compte de son usage réel. Un équipement sportif n'étant pas homogène, une forme de « zonage » doit pouvoir être envisagée afin d'appliquer la norme de façon intelligente en fonction des besoins. S'agissant par exemple des normes handicap, il ne s'agit en aucun cas de remettre en cause l'effort nécessaire pour renforcer l'accessibilité des équipements, mais de privilégier une programmation locale souple priorisant les investissements à réaliser plutôt que l'application « automatique » de normes conçues pour l'ensemble des bâtiments accueillant du public ;

- de réfléchir à la mise en place d'une contribution financière des fédérations sportives à l'impact des règlements qu'elles édictent selon une règle du « prescripteur-payeur » ; prévoir que tout surcoût financier pour les collectivités territoriales imputables aux fédérations sportives soit partagé avec ces dernières ;

- d'inciter la CERFRES à s'auto-saisir à la demande d'une collectivité territoriale d'un problème rencontré concernant une norme fédérale.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 28 mars 2018.

Le Président,

Signé : Gérard LARCHER

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