Lutte contre les violences pornographiques (PPR) - Texte déposé - Sénat

N° 260

SÉNAT


SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 janvier 2023

PROPOSITION DE RÉSOLUTION



en application de l’article 34-1 de la Constitution,


appelant à faire de la lutte contre les violences pornographiques une priorité de politique publique,


présentée

Par Mmes Annick BILLON, Alexandra BORCHIO FONTIMP, Laurence COHEN, Laurence ROSSIGNOL, Éliane ASSASSI, MM. Patrick KANNER, Claude MALHURET, Hervé MARSEILLE, François PATRIAT, Jean-Claude REQUIER, Bruno RETAILLEAU, Mmes Cathy APOURCEAU-POLY, Viviane ARTIGALAS, Catherine BELRHITI, Esther BENBASSA, Martine BERTHET, Christine BONFANTI-DOSSAT, Céline BOULAY-ESPÉRONNIER, Toine BOURRAT, Valérie BOYER, Isabelle BRIQUET, Céline BRULIN, Agnès CANAYER, Marie-Arlette CARLOTTI, Maryse CARRÈRE, Samantha CAZEBONNE, Anne CHAIN-LARCHÉ, Marie-Christine CHAUVIN, Marta de CIDRAC, Catherine CONCONNE, Hélène CONWAY-MOURET, Cécile CUKIERMAN, Laure DARCOS, Véronique DEL FABRO, Nathalie DELATTRE, Annie DELMONT-KOROPOULIS, Patricia DEMAS, Catherine DEROCHE, Chantal DESEYNE, Brigitte DEVÉSA, Catherine DI FOLCO, Nassimah DINDAR, Élisabeth DOINEAU, Sabine DREXLER, Catherine DUMAS, Françoise DUMONT, Nicole DURANTON, Dominique ESTROSI SASSONE, Jacqueline EUSTACHE-BRINIO, Françoise FÉRAT, Martine FILLEUL, Amel GACQUERRE, Laurence GARNIER, Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Françoise GATEL, Frédérique GERBAUD, Béatrice GOSSELIN, Nathalie GOULET, Michelle GRÉAUME, Pascale GRUNY, Jocelyne GUIDEZ, Véronique GUILLOTIN, Laurence HARRIBEY, Nadège HAVET, Christine HERZOG, Corinne IMBERT, Annick JACQUEMET, Micheline JACQUES, Victoire JASMIN, Else JOSEPH, Marie-Pierre de LA GONTRIE, Sonia de LA PROVÔTÉ, Florence LASSARADE, Christine LAVARDE, Annie LE HOUEROU, Valérie LÉTARD, Brigitte LHERBIER, Marie-Noëlle LIENEMANN, Anne-Catherine LOISIER, Vivette LOPEZ, Monique LUBIN, Viviane MALET, Monique de MARCO, Colette MÉLOT, Marie MERCIER, Michelle MEUNIER, Brigitte MICOULEAU, Marie-Pierre MONIER, Catherine MORIN-DESAILLY, Laurence MULLER-BRONN, Sylviane NOËL, Guylène PANTEL, Vanina PAOLI-GAGIN, Évelyne PERROT, Kristina PLUCHET, Émilienne POUMIROL, Angèle PRÉVILLE, Sophie PRIMAS, Frédérique PUISSAT, Daphné RACT-MADOUX, Isabelle RAIMOND-PAVERO, Marie-Pierre RICHER, Sylvie ROBERT, Denise SAINT-PÉ, Elsa SCHALCK, Patricia SCHILLINGER, Nadia SOLLOGOUB, Lana TETUANUI, Claudine THOMAS, Sabine VAN HEGHE, Marie-Claude VARAILLAS, Anne VENTALON, Dominique VÉRIEN, Sylvie VERMEILLET, MM. Pascal ALLIZARD, Jean-Claude ANGLARS, Maurice ANTISTE, Jean-Michel ARNAUD, Stéphane ARTANO, Serge BABARY, Jean BACCI, Jérémy BACCHI, Jérôme BASCHER, Arnaud BAZIN, Arnaud de BELENET, Bruno BELIN, Guy BENARROCHE, Christian BILHAC, Éric BOCQUET, François BONHOMME, François BONNEAU, Philippe BONNECARRÈRE, Michel BONNUS, Gilbert BOUCHET, Yves BOULOUX, Hussein BOURGI, Max BRISSON, Bernard BUIS, Laurent BURGOA, Henri CABANEL, Alain CADEC, Olivier CADIC, Christian CAMBON, Michel CANÉVET, Vincent CAPO-CANELLAS, Alain CAZABONNE, Yan CHANTREL, Pierre CHARON, Daniel CHASSEING, Patrick CHAUVET, Guillaume CHEVROLLIER, Olivier CIGOLOTTI, Édouard COURTIAL, Thierry COZIC, Mathieu DARNAUD, Vincent DELAHAYE, Bernard DELCROS, Stéphane DEMILLY, Yves DÉTRAIGNE, Gilbert-Luc DEVINAZ, Alain DUFFOURG, Jérôme DURAIN, Gilbert FAVREAU, Jacques FERNIQUE, Bernard FIALAIRE, Jean-Luc FICHET, Philippe FOLLIOT, Bernard FOURNIER, Christophe-André FRASSA, Fabien GAY, Fabien GENET, Hervé GILLÉ, Éric GOLD, Guillaume GONTARD, Jean-Pierre GRAND, Daniel GREMILLET, Jacques GROSPERRIN, Charles GUENÉ, Jean-Noël GUÉRINI, Joël GUERRIAU, Olivier HENNO, Loïc HERVÉ, Jean HINGRAY, Jean-Michel HOULLEGATTE, Xavier IACOVELLI, Jean-Marie JANSSENS, Patrice JOLY, Alain JOYANDET, Roger KAROUTCHI, Claude KERN, Éric KERROUCHE, Christian KLINGER, Laurent LAFON, Jean-Louis LAGOURGUE, Gérard LAHELLEC, Marc LAMÉNIE, Michel LAUGIER, Daniel LAURENT, Pierre LAURENT, Ronan LE GLEUT, Jacques LE NAY, Antoine LEFÈVRE, Dominique de LEGGE, Henri LEROY, Pierre-Antoine LEVI, Martin LÉVRIER, Jean-François LONGEOT, Pierre LOUAULT, Jean-Jacques LOZACH, Victorin LUREL, Didier MANDELLI, Didier MARIE, Pascal MARTIN, Hervé MAUREY, Pierre MÉDEVIELLE, Thierry MEIGNEN, Franck MENONVILLE, Jean-Marie MIZZON, Jean-Pierre MOGA, Thani MOHAMED SOILIHI, Philippe MOUILLER, Louis-Jean de NICOLAŸ, Pierre OUZOULIAS, Olivier PACCAUD, Philippe PAUL, Cyril PELLEVAT, Cédric PERRIN, Stéphane PIEDNOIR, Gérard POADJA, Rémy POINTEREAU, Jean-Paul PRINCE, Jean-François RAPIN, Stéphane RAVIER, Claude RAYNAL, Damien REGNARD, Olivier RIETMANN, Jean-Yves ROUX, Daniel SALMON, Hugues SAURY, Stéphane SAUTAREL, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Pascal SAVOLDELLI, Vincent SEGOUIN, Bruno SIDO, Laurent SOMON, Jean-Pierre SUEUR, Philippe TABAROT, Jean-Marc TODESCHINI, Mickaël VALLET, Jean-Marie VANLERENBERGHE, Yannick VAUGRENARD, Pierre-Jean VERZELEN, Cédric VIAL et Dany WATTEBLED,

Sénatrices et Sénateurs





Proposition de résolution appelant à faire de la lutte contre les violences pornographiques une priorité de politique publique

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu le chapitre XVI du Règlement du Sénat,

Vu la résolution du Parlement européen du 17 décembre 1993 sur la pornographie,

Vu la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil,

Vu les articles 225-4-1, 225-5, 227-23 et 227-24 du code pénal,

Vu les articles L. 312-16 à L. 312-17-2 du code de l’éducation relatifs à l’éducation à la santé et à la sexualité,

Vu la loi  2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées,

Vu la loi  2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales,



Vu la loi  2022-300 du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à Internet,



Vu le rapport d’information  900 (2021-2022) « Porno : l’enfer du décor », de Mmes Annick BILLON, Alexandra BORCHIO FONTIMP, Laurence COHEN et Laurence ROSSIGNOL, fait au nom de la délégation aux droits des femmes du Sénat, déposé le 27 septembre 2022,



Considérant que l’industrie de la pornographie a connu une mutation au milieu des années 2000 avec l’apparition de plateformes de diffusion massive en ligne de contenus majoritairement gratuits et libres d’accès ;



Considérant que les vidéos pornographiques représentent aujourd’hui plus d’un quart de tout le trafic vidéo en ligne dans le monde ;



Considérant que l’exploitation et la marchandisation du corps et de la sexualité des femmes sont devenues une industrie à l’échelle internationale qui génère plusieurs milliards d’euros de profits chaque année ;



Considérant que la consommation de contenus pornographiques est banalisée ;



Considérant que les contenus pornographiques sont aujourd’hui accessibles à toutes et à tous, sans aucun contrôle de la preuve de majorité des internautes, en violation du code pénal ;



Considérant que deux tiers des enfants de moins de quinze ans et un tiers des enfants de moins de douze ans ont déjà eu accès à de tels contenus ;



Considérant la toxicité pour les consommateurs, mineurs comme majeurs, de contenus pornographiques de plus en plus violents ;



Considérant que ces contenus véhiculent des représentations sexistes, racistes, homophobes, constitutives d’infractions pénales ;



Considérant la dimension systémique des violences sexuelles, physiques et verbales à l’encontre des femmes dans le milieu de la pornographie ;



Considérant que les diffuseurs, plateformes comme réseaux sociaux, ignorent sciemment leurs responsabilités ;



Considérant que les nombreux contenus illicites publiés ne sont jamais intégralement supprimés, même après leur signalement ;



Considérant que la pornographie est un lieu d’apprentissage de la sexualité par défaut, qui engendre une vision déformée et violente de la sexualité, des traumatismes, une sexualisation précoce et un développement de conduites à risque ;



Considérant que les violences commises dans un contexte de pornographie ont récemment fait l’objet d’un traitement judiciaire en France, dans le cadre d’instructions pénales ;



Appelle à une prise de conscience collective de la réalité des pratiques de l’industrie pornographique et de leurs conséquences ;



Souhaite faire de la lutte contre les violences que cette industrie génère et véhicule une priorité de politique publique et pénale ;



Invite à cette fin le Gouvernement à mettre en œuvre un plan interministériel de lutte contre ces violences ;



Appelle à la sensibilisation des juridictions et, en premier lieu, des parquets au traitement pénal des violences commises dans un contexte de pornographie ;



Apporte son soutien à toutes les victimes de ces violences et aux associations et aux conseils qui les accompagnent ;



Estime nécessaire de mieux informer, accueillir et protéger les victimes de violences commises dans un contexte de pornographie, en particulier en formant les forces de l’ordre et les intervenants du numéro national 3919 à leur écoute afin de favoriser l’émergence de plaintes ;



Appelle de ses vœux un renforcement de l’arsenal pénal, des effectifs et des moyens matériels à disposition des services enquêteurs et des magistrats afin de lutter contre les violences pornographiques et d’empêcher la diffusion de contenus violents illicites ;



Recommande de créer une catégorie « violences sexuelles » sur la Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos) afin de faciliter et de mieux comptabiliser les signalements ;



Invite le Gouvernement à explorer toutes les mesures fiscales permettant de taxer l’activité de l’industrie pornographique et les milliards d’euros de profits qu’elle génère chaque année ;



Appelle à protéger la jeunesse en bloquant tout site ou réseau proposant des contenus pornographiques sans exiger une preuve de majorité des utilisateurs et en imposant l’affichage d’un écran noir tant que ce contrôle n’a pas été effectué ;



Invite l’Agence de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à publier des lignes directrices définissant des critères exigeants d’évaluation des procédés techniques de vérification de l’âge des utilisateurs, afin d’encourager le développement de tels dispositifs ;



Recommande de doter l’Arcom d’un pouvoir de police administrative lui permettant de prononcer des amendes dissuasives à l’encontre des sites diffusant des contenus pornographiques sans contrôle de l’âge des utilisateurs ;



Plaide pour une généralisation des dispositifs de contrôle parental et de navigation sécurisée, qui pourraient être activés par défaut dès lors qu’un abonnement téléphonique est souscrit pour l’usage d’un mineur ;



Encourage l’organisation de campagnes de communication destinées à sensibiliser les parents comme les professionnels de l’éducation et de l’enfance aux dangers du numérique et à les informer sur les ressources et les outils disponibles ;



Alerte sur la nécessité d’appliquer les trois séances annuelles d’éducation à la vie affective et sexuelle prévues par la loi depuis 2001, dans l’enseignement primaire et secondaire ;



Estime nécessaire d’aborder lors de ces séances les sujets relatifs à la marchandisation des corps et à la pornographie ;



Juge indispensable de recruter des professionnels de santé, formés en matière d’éducation à la santé et de conduite de projet, dans les établissements scolaires ;



Invite enfin le Gouvernement à se saisir des recommandations du rapport sénatorial précité sur l’industrie de la pornographie, dans leur dimension interministérielle, et à tout mettre en œuvre pour que cessent les violences systémiques induites par les pratiques de cette industrie.

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