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N° 363

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 mars 2018

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 octies du Règlement, portant avis motivé sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l' évaluation des technologies de la santé et modifiant la directive 2011/24/UE, Texte E12773 - COM (2018) 51 final,

PRÉSENTÉE

Par Mmes Pascale GRUNY et Laurence HARRIBEY,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des affaires sociales.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les technologies de la santé englobent les médicaments, le matériel médical et les modes opératoires. L'évaluation de celles-ci est un processus pluridisciplinaire qui synthétise les informations sur les questions d'ordre médical, social, économique et éthique. Elle peut être faite à différents stades du développement de celles-ci.

La Commission européenne a présenté un texte visant à coordonner l'action des États membres dans le domaine de l'évaluation de ces technologies de la santé. Pour cela, elle souhaite instituer un groupe de coordination composé de représentants des États membres qu'elle co-présidera et auquel elle apportera un soutien logistique et financier.

Ce groupe de coordination agira à quatre niveaux :

- l'identification des technologies de la santé émergentes ;

- l'organisation de consultations scientifiques communes pour les technologies en développement ;

- l'approfondissement de la coopération volontaire dans le domaine de l'évaluation des technologies de la santé ;

- la réalisation d'évaluations cliniques communes des technologies sur le marché.

Concernant les trois premiers niveaux d'action, le principe de subsidiarité n'est pas remis en cause.

Tout d'abord, le texte prévoit de donner au groupe de coordination un rôle prospectif. Il est en effet chargé d'identifier, après avoir notamment consulté les associations de patients, les technologies de la santé émergentes. Cette disposition n'a aucune incidence sur les prérogatives des États membres.

De plus, les consultations scientifiques communes doivent permettre aux développeurs de technologie de la santé de s'informer des éléments susceptibles d'être requis dans le cadre d'une évaluation clinique commune en amont.

Il est précisé que ces consultations ne lient ni les États membres ni le groupe de coordination dans le cadre d'une évaluation clinique. Toutefois, il est prévu que les États membres n'organisent pas de consultation scientifique ou une consultation équivalente concernant une technologie de la santé pour laquelle une consultation scientifique commune a été entamée. Si cette disposition peut être contestée, elle ne remet pas nécessairement en cause le principe de subsidiarité dans la mesure où le contenu de ces consultations n'est pas défini. En outre, ces consultations scientifiques n'ont pas pour but de permettre la mise en oeuvre de la politique de santé des États membres.

Enfin, le groupe de coordination aura également pour mission de soutenir et d'encourager la coopération et l'échange d'informations scientifiques volontaires entre les États membres. Cette coopération, basée sur le volontariat, ne remet pas en cause le principe de subsidiarité.

En revanche, le quatrième niveau d'action du groupe de coordination relatif à l'organisation commune des évaluations cliniques des technologies de santé présentes sur le marché remet en cause les prérogatives des États membres.

En effet, cette évaluation est aujourd'hui de leur ressort. Elle constitue un des éléments de l'évaluation globale des technologies de la santé qui recouvre un domaine clinique basé sur des données scientifiques et un domaine non clinique généralement basé sur des études économiques, sociales et sociétales. Cette évaluation sert à fonder les décisions relatives à la répartition des ressources budgétaires dans le domaine de la santé, notamment en ce qui concerne la tarification et les niveaux de remboursement. Elle est différente de celle faite pour la mise sur le marché qui est davantage axée sur des questions de sécurité et de qualité et qui relève aujourd'hui de l'Agence européenne des médicaments.

Par conséquent, la commission des affaires européennes a estimé que la proposition de règlement ne respecte pas le principe de subsidiarité et a adopté la proposition de résolution suivante :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE PORTANT AVIS MOTIVÉ

La proposition de règlement COM (2018) 51 final a notamment pour objectif de coordonner l'évaluation clinique des technologies de la santé. Ces technologies, qui regroupent aussi bien les médicaments que le matériel médical ou les modes opératoires, sont aujourd'hui évaluées par les États membres, tant sur les aspects cliniques qu'économiques, sociétaux ou éthiques. Ces évaluations servent de base aux États membres pour notamment définir le tarif de ces technologies et les conditions de remboursement.

Ce texte propose de mettre en place une évaluation clinique commune de ces technologies, les évaluations non cliniques restant du ressort des États membres. Dans ce but, un groupe de coordination composé de représentants des États membres et co-présidé par la Commission européenne sera chargé de déterminer les évaluations cliniques qui seront réalisées en commun - les évaluations cliniques communes - sous le contrôle de la Commission européenne qui vérifiera les conditions matérielles et procédurales. Les États membres pourront réaliser les évaluations cliniques des technologies que le groupe de coordination n'aura pas inscrites à son programme de travail en respectant une procédure définie par la Commission européenne.

Une fois approuvée par la Commission européenne, l'évaluation clinique commune d'une technologie de la santé devra obligatoirement être reprise par les États membres qui procèdent à l'évaluation globale de cette technologie. Les États membres devront notifier à la Commission les résultats de l'évaluation globale d'une technologie de la santé ayant fait l'objet d'une évaluation clinique commune dans les 30 jours suivant son achèvement.

La Commission déterminera par le biais d'actes d'exécution les règles de procédure, la méthodologie et le contenu des dossiers pour permettre la réalisation des évaluations cliniques communes et des évaluations cliniques réalisées par les États membres. Elle fixera également par ce biais les conditions de coopération avec l'Agence européenne des médicaments. Ainsi, la Commission souhaite associer cette agence chargée d'instruire les dossiers d'autorisation de mise sur le marché aux travaux du groupe de coordination.

Vu l'article 88-6 de la Constitution,

Le Sénat fait les observations suivantes :

- la Commission s'appuie sur l'article 114 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne pour justifier cette proposition de règlement. Celui-ci lui permet de prendre des mesures permettant le rapprochement des dispositions en vigueur au sein des États membres dans le domaine de la santé, en prenant pour base un niveau de protection élevé. Or, le niveau de protection offert par le présent texte ne peut être évalué. En effet, les dispositions relatives à la méthodologie pour la réalisation des évaluations cliniques ne sont pas connues à ce jour et ne seront définies qu'ultérieurement dans des actes d'exécution. Il convient, en outre, de rappeler que les actes d'exécution ne sont pas soumis au contrôle de subsidiarité ;

- l'article 6 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne précise que l'Union européenne ne dispose que d'une compétence d'appui en ce qui concerne la protection et l'amélioration de la santé humaine. Son rôle est de compléter et de coordonner l'action des États membres. Or, ce texte prévoit que le groupe de coordination fixera le programme des évaluations cliniques qui seront menées en commun. En outre, ces évaluations cliniques communes devront obligatoirement être reprises par les États membres qui ne pourront pas procéder à de nouvelles évaluations. Le groupe de coordination se substitue donc aux États membres, ce qui est contraire au traité ;

- l'article 168 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dans ses paragraphes 2 et 5, précise bien que l'Union encourage la coopération des États membres dans le domaine de la santé publique. Elle ne peut donc pas imposer une coopération dans ce domaine ;

- l'article 168 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dans son paragraphe 7, stipule que l'action de l'Union est menée dans le respect des responsabilités des États membres en ce qui concerne la définition de leur politique de santé, ainsi que l'organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux. Ces responsabilités incluent l'allocation des ressources notamment financières affectées aux soins. Les évaluations cliniques étant un élément indispensable pour permettre aux États membres de déterminer la politique de tarification et de remboursement des technologies de la santé, elles relèvent donc bien de la responsabilité des États membres ;

- la Commission européenne souhaite associer l'Agence européenne des médicaments aux travaux d'évaluation menés par le groupe de coordination. Or, cette agence a été créée pour assurer des normes élevées de sécurité et de qualité des médicaments, objectif qui correspond aux dispositions de l'article 168 paragraphe 4 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Elle n'a pas aujourd'hui pour mission de réaliser des évaluations nécessaires à la mise en place des politiques nationales de santé. Il s'agit là de deux missions aux finalités distinctes, l'une relevant de l'Union européenne et l'autre des États membres.

Pour ces raisons, le Sénat estime que la proposition de règlement COM (2018) 51 final ne respecte pas le principe de subsidiarité.

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