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N° 319

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 janvier 2017

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

PRÉSENTÉE

au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la réforme européenne du droit d' auteur ,

Par Mme Colette MÉLOT et M. Richard YUNG,

Sénateurs

(Envoyée à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Comme elle l'avait annoncé lors de sa communication de décembre 2015 « Vers un cadre moderne et plus européen pour le droit d'auteur 1 ( * ) » , la Commission a choisi de décomposer la refonte de la directive de 2001 2 ( * ) , dite « Société de l'information » , qui adapte le droit d'auteur à l'ère du numérique, sous la forme d'un paquet législatif constitué de quatre propositions présentées en septembre dernier :

- une directive qui modernise le régime des exceptions au droit d'auteur et crée un droit voisin au profit des éditeurs - COM (2016) 593 final ;

- un règlement qui reprend les contours de la directive de 1993 dite « câble et satellite » et l'adapte aux services accessoires aux diffusions en ligne comme les services multi support ou la télévision de rattrapage - COM (2016) 594 final ;

- deux textes, un règlement et une directive, qui mettent en oeuvre le traité de Marrakech visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés aux oeuvres publiées - COM (2016) 595 final et COM (2016) 596 final.

Il conviendrait par ailleurs d'inclure dans ce paquet au sens large d'autres propositions législatives déposées antérieurement par la Commission européenne, à savoir :

- proposition de règlement « Portabilité des contenus » qui a fait l'objet d'une communication en octobre 2016 3 ( * ) ;

- proposition de révision de la directive « Services des médias audiovisuel »s sur laquelle la commission des affaires européennes s'est prononcée en novembre dernier 4 ( * ) .

L'analyse du paysage législatif en matière de droits d'auteur et voisins est entré dans une phase complexe de refonte qui peut faire craindre un manque de cohérence globale de la législation européenne relative aux droits et voisins d'auteur et nécessite dès lors une analyse approfondie de la part du Sénat.

Les industries culturelles et créatives de l'Union européenne représentaient en 2013 536 milliards d'euros, soit 4,2 % du PIB européen, et employaient plus de 7 millions de personnes. Le marché des biens culturels dans l'Union européenne est un marché mature à croissance faible. Le développement du numérique représente ainsi une opportunité pour les entreprises du secteur. Mais le développement de nouveaux circuits de distribution s'est accompagné de l'émergence de nouveaux acteurs sur ce marché : les géants de l'internet que sont les GAFA, acronyme constitué des entreprises les plus connues (Google, Apple, Facebook, Amazon). Ces derniers captent une large partie de la valeur générée par la création en ligne. Par leur position dominante, ils menacent les acteurs historiques de l'industrie créative et culturelle, titulaires de droits au titre de la propriété littéraire et artistique, ainsi que la diversité culturelle deux thèmes auxquels la France est traditionnellement très attachée. Une législation adaptée du droit d'auteur permettrait de rétablir une juste redistribution au sein des nouvelles chaînes de valeurs créées par le développement du numérique. Ces textes nécessitent ainsi une position ferme sur le sujet.

Quel est le contexte ?

La législation européenne en matière de droits d'auteur et voisins date de 2001. Cette directive constituait alors une mise en conformité du droit européen avec les traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) de 1996 dont l'Union européenne est partie. Cette législation n'avait pu anticiper l'évolution des technologies de diffusion ou l'émergence des GAFA, qui structurent aujourd'hui les réseaux. Ceux-ci perçoivent une large part de la valeur engendrée par les oeuvres créatives. Pour combler ce « value gap » subi par les auteurs, titulaires de droits voisins et ayants droit et pérenniser l'existence d'une économie créative en Europe, il était nécessaire de réviser la législation européenne. La France a largement anticipé cette évolution puisqu'elle a adopté en 2016 la loi « pour une République numérique » , promulguée le 6 octobre, et la loi du 7 juillet relative à « la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine » . Une vigilance supplémentaire s'impose dès lors pour assurer la conciliation entre les dispositifs européens proposés et le contexte législatif français toujours soucieux de protéger les créateurs, artistes-interprètes, producteurs et autres titulaires de droits.

L'exercice d'élaboration de la législation européenne était délicat. En effet, deux logiques différentes devaient ici être conciliées : celle de l'Union européenne dans la perspective d'un marché intérieur sans frontière, tel qu'elle l'avait décrit dans sa « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe 5 ( * ) » et celle d'un droit d'auteur et de droits voisins construits sur le principe de territorialité. Ce dernier implique que le contenu et la portée des droits sur des créations et leurs exploitations soient confinés au territoire géographique sur lequel ces droits ont été établis.

La première version du rapport rendu au Parlement européen par Mme Julia Reda sur la mise en oeuvre de la directive de 2001 présentait ainsi un arbitrage très favorable à l'utilisateur européen et très éloigné des préoccupations des auteurs, titulaires de droits voisins et ayants droit. La version définitive du rapport du Parlement européen et les textes qui constituent aujourd'hui le paquet « droit d'auteur » sont finalement plus équilibrés. Certains sujets très controversés sont même évités. Une communication jointe au paquet législatif renvoie ainsi à des travaux ultérieurs à la mise en place de l'exception pour liberté de panorama, qui permet de reproduire toute oeuvre du domaine public, et l'exception autorisant les bibliothèques et autres établissements à permettre la consultation d'oeuvres à l'écran dans leurs locaux, à des fins de travaux de recherche ou d'études privées 6 ( * ) .

Ces textes sont par ailleurs présentés alors qu'un litige concernant la société Sky et six grands studios de cinéma américains 7 ( * ) est en cours d'examen à la Commission. Chacun de ces six studios, et Sky UK, avaient convenu sur une base bilatérale d'instaurer des restrictions contractuelles empêchant Sky UK de permettre aux consommateurs de l'Union européenne d'avoir accès, par satellite ou en ligne, à des services de télévision payante disponibles au Royaume-Uni et en Irlande lorsqu'ils ne se trouvent pas dans ces pays. Sur ce sujet, on s'attend à une probable levée prochaine de l'interdiction des « ventes passives » 8 ( * ) de services audiovisuels. Sky, ou tout autre acteur, pourrait alors, à défaut de pouvoir démarcher des clients à l'étranger, vente active qui restera interdite, répondre favorablement à leur demande d'abonnement. Le risque serait que faute de pouvoir contractuellement empêcher les ventes passives, les ayants droit ne puissent plus s'opposer à la diffusion de leurs oeuvres dans des pays pour lesquels aucun droit n'a été acquitté au départ. Une telle décision rendrait alors inopérant le dispositif prévu par la proposition de règlement COM (2016) 594 final.

Un arrêt, du Conseil d'État cette fois, est aussi en attente en ce qui concerne les oeuvres indisponibles. Par le biais d'une question préjudicielle, la Cour de justice de l'Union européenne a, le 16 novembre 2016 dernier, sanctionné le dispositif français ReLIRE ou registre des livres indisponibles en réédition électronique. Ce projet géré par la Bibliothèque nationale de France met en place un mécanisme de gestion collective des droits numériques des livres indisponibles du XXe siècle, publiés en France avant le 1 er janvier 2001, sous droits, mais qui ne sont plus exploités commercialement. Dans ce dispositif, une société privée numérise et commercialise une liste d'oeuvres gérée par la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit (SOFIA). Celle-ci intègre de nouvelles oeuvres chaque année après information par voie de presse, sauf opposition expresse des auteurs et ayants droit. C'est plus particulièrement sur ce point que le dispositif a été invalidé. Il faut faire également preuve de vigilance sur ce sujet au regard des propositions présentées par la Commission pour assurer la pérennité de ce dispositif.

Le traité de Marrakech du 28 juin 2013 vise quant à lui à remédier à la pénurie d'offre culturelle au profit des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés aux oeuvres publiées, on a d'ailleurs pu parler à ce sujet de « famine littéraire ». La disponibilité des oeuvres pour les personnes souffrant d'une déficience visuelle dans le monde est en effet aujourd'hui extrêmement limitée puisque seuls 5 % des livres publiés sont disponibles dans un format accessible aux déficients visuels, taux qui s'élève à à peine 1 % dans les pays en développement qui ne disposent pas des moyens suffisants pour pouvoir adapter eux-mêmes les oeuvres. L'Organisation mondiale de la santé estime par ailleurs les déficients visuels à environ 285 millions, dont 39 millions d'aveugles. En France, seuls 3,5 % des 70000 titres de littérature générale enregistrés au dépôt légal à la Bibliothèque Nationale de France (BNF) en 2012 ont été adaptés. La Fédération des aveugles et déficients visuels de France estime à 207 000 le nombre d'aveugles ou malvoyants profonds et à 932 000 celui des malvoyants.

La ratification du traité de Marrakech s'est heurtée à quelques difficultés. En mars 2014, la Commission européenne, soutenue depuis par le Parlement européen, a estimé que la ratification du traité était de son ressort, ce que plusieurs pays contestaient. Au total 7 pays, dont l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni et Chypre, ont constitué une minorité de blocage au Conseil. En juillet 2015, la Commission a introduit auprès de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) une demande d'avis portant sur la nature de la compétence de l'UE pour conclure le traité de Marrakech, l'avis 3/15 est à ce jour toujours en cours d'instruction. Dans ses conclusions rendues le 8 septembre 2016, l'avocat général a cependant tranché en faveur d'une compétence exclusive de l'Union européenne pour conclure le traité de Marrakech. Dans le même temps, la France a de son côté introduit en droit français 9 ( * ) en juillet 2016 l'exception prévue par le traité de Marrakech.

Quelles sont les propositions de la Commission ?

La proposition de directive COM (2016) 593 met en place trois exceptions obligatoires au droit d'auteur et aux droits voisins, là où auparavant le choix des exceptions applicables relevait des États membres. Il s'agit de l'illustration pédagogique en ligne, de la fouille de texte et de données et de la conservation des oeuvres détenues par les institutions patrimoniales.

Elle crée par ailleurs un droit voisin au profit des éditeurs de presse. Les droits voisins sont des droits accordés à des personnes qui ne sont pas des créateurs, et ne peuvent bénéficier du droit d'auteur. Ils sont aujourd'hui reconnus aux artistes interprètes, aux producteurs de phonogrammes, aux producteurs de vidéogrammes et aux entreprises de communication audiovisuelle. Seraient reprises les mêmes exceptions que pour le cinéma, à savoir la parodie et la critique

D'autres mesures visent à assurer une répartition équitable de la valeur générée au sein des nouveaux circuits de distribution numériques :

- filtrage automatisé et systématique des contenus mis en ligne, à l'image du système ContentID développé par Youtube ;

- nécessité de conclure des contrats dès lors qu'il y a acte de communication au public par le fait d'un fournisseur de service en ligne dit « actif » ;

- obligation générale de transparence dans les contrats entre ayants droit et plateformes ;

-- information appropriée et suffisante des auteurs quant à l'exploitation de leurs oeuvres et les revenus engendrés ;

- mécanisme d'ajustement de la rémunération des auteurs en cas de succès.

Enfin, pour améliorer la diffusion des oeuvres, la directive prévoit notamment la mise en place de mécanismes de négociation entre les parties.

La proposition de règlement COM (2016) 594 est identifiée sous le terme « câble et satellite », en référence à la directive éponyme de 1993 applicable à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble 10 ( * ) . Cette proposition législative concerne la retransmission via le système IPTV 11 ( * ) . Elle reprend deux principes fondateurs de cette directive qu'elle adapte aux services de diffusion en ligne des radiodiffuseurs : le principe du pays d'origine et le modèle d'une gestion collective obligatoire. Au lieu de négocier les droits d'auteur et de s'en acquitter pays par pays, le radiodiffuseur pourra s'acquitter dans son pays d'origine des droits permettant de rendre accessible le programme dans les autres États membres. Une organisation en charge de la gestion collective des droits sera mandatée d'office pour gérer les droits de ceux n'ayant adhéré à aucune organisation similaire.

Enfin, les projets de directive COM (2016) 595 et de règlement COM (2016) 596 se proposent d'introduire en droit européen les dispositions du traité de Marrakech. Ce traité vise à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés aux oeuvres publiées. Il a été signé par l'Union européenne en avril 2014.

Pour ce faire, deux mesures principales sont notamment prévues par le traité et reprises par les deux propositions de la Commission :

• Les pays ratifiant le Traité doivent introduire une exception à leur loi nationale sur le droit d'auteur à l'intention des personnes aveugles et déficientes visuelles. La directive (COM (2016) 594 final) reprend cette disposition.

• Le traité permet l'importation et l'exportation de versions accessibles des livres et autres oeuvres soumises au droit d'auteur, sans autorisation du titulaire de ce dernier. C'est l'objet du règlement (COM (2016) 595 final).

Quelles conclusions faut-il en tirer ?

Il s'agit aujourd'hui de rester vigilant quant à la protection des titulaires de droits et du modèle économique, parfois fragile, de l'industrie de la création. Cette protection repose sur trois axes : la défense du financement de la création, c'est-à-dire le respect du principe de territorialité, une juste redistribution de ce financement aux auteurs, titulaires de droits et ayants droit et la stricte proportion des exceptions à ce système de rémunération. Plusieurs dispositions du paquet droit d'auteur s'affranchissent de ces considérations, sans que soient pour autant mis en balance de bénéfices suffisants.

Davantage de souplesse pourrait être recherchée dans plusieurs des dispositifs proposés. Par exemple, l'exception relative aux oeuvres indisponibles exclue toute fin commerciale, ce qui limite l'attrait quant à une numérisation de ces oeuvres et écarte tout mécanisme tel que le système français ReLIRE. Il serait aussi nécessaire de préciser plusieurs termes et notions auxquels le dispositif législatif proposé fait référence. Pour caractériser l'acte de communication au public par exemple, la Cour de Justice de l'Union européenne fait aujourd'hui appel à pas moins de 16 concepts différents, pour la plupart extrêmement complexes 12 ( * ) .

Présenté comme un texte technique, la proposition de règlement COM (2016) 594 porte en fait atteinte à la clé de voûte du droit d'auteur et des droits voisins, du financement de la création qu'est la territorialité des droits sans pour autant mettre en balance d'avantages équivalents ou proposer de garde-fou adéquat. En effet, vendre les droits territoire par territoire permet de financer par ailleurs des programmes moins rentables, mais nécessaires au nom de la diversité culturelle ou répondant au besoin d'information locale. En ce qui concerne le modèle de gestion collective obligatoire, une souplesse supplémentaire pourrait, dans certains cas, être recherchée, puisqu'elle porte atteinte sans justification à la liberté contractuelle.

Les deux textes adaptant le traité de Marrakech du 28 juin 2013 s'éloignent quant à eux du dispositif prévu par la France. Celui-ci prévoit notamment la possibilité d'une compensation financière et pose la condition de l'absence d'un format adapté disponible sur le marché. Pour le moment, ces deux points sont expressément interdits par les textes proposés par l'Union européenne. Il serait nécessaire de rétablir la flexibilité que le traité de Marrakech lui-même n'excluait pas.

Pour ces raisons, votre commission des Affaires européennes a conclu au dépôt de la proposition de résolution qui suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
Paquet « droit d'auteur »

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission (COM (2015) 192 final) au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil du 6 mai 2015 « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe »,

Vu la communication de la Commission (COM (2015) 626 final) au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil du 9 décembre 2015 « Vers un cadre moderne et plus européen pour le droit d'auteur »,

Vu la proposition de directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique (COM (2016) 593),

Vu la proposition de règlement établissant des règles sur l'exercice du droit d'auteur et des droits voisins applicables à certaines diffusions en ligne d'organismes de radiodiffusion et retransmissions d'émissions de télévision et de radio (COM (2016) 594),

Vu la proposition de règlement relatif à l'échange transfrontière, entre l'Union et des pays tiers, d'exemplaires en format accessible d'oeuvres et d'autres objets protégés par le droit d'auteur et les droits voisins en faveur des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés (COM (2016) 595),

Vu la proposition de directive (COM (2016) 596) sur certaines utilisations autorisées d'oeuvres et d'autres objets protégés par le droit d'auteur et les droits voisins en faveur des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés et modifiant la directive 2001/29/CE sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information,

Considérant que les industries culturelles et créatives de l'Union européenne représentaient, en 2013, 536 milliards d'euros, soit 4,2% du PIB européen, et employaient plus de 7 millions de personnes ;

Considérant que cette industrie peut apporter une contribution essentielle à un marché unique numérique ;

Considérant que son modèle économique repose sur le principe fondateur du droit d'auteur qu'est la territorialité ;

Considérant qu'aujourd'hui des acteurs prépondérants des réseaux numériques s'enrichissent par l'exploitation d'oeuvres créatives au financement desquels ils ne contribuent que peu, voire pas du tout ;

Souligne la nécessité d'analyser attentivement l'ensemble des dispositifs proposés au regard des principes fondamentaux du droit d'auteur et des droits voisins ;

Souhaite que la lutte contre la contrefaçon et le piratage constitue une priorité absolue ;

Salue l'inflexion de l'approche européenne qui a remis au coeur des préoccupations la défense du droit d'auteur, notamment avec les obligations de transparence à l'égard des auteurs, de filtrage automatisé des contenus et l'émergence d'une responsabilisation des plateformes ;

Juge nécessaire que cette inflexion aille au bout de sa logique, en particulier que soient précisées les notions d'acte de communication au public, d'éditeur et d'hébergeur, notamment d'hébergeur actif, ainsi que la portée réelle des droits voisins au profit des éditeurs de presse et leur articulation avec les droits d'auteur des journalistes ;

Insiste sur la nécessité de pérenniser le modèle économique de l'industrie de la création, basée sur le droit à rémunération équitable des auteurs et titulaires de droits voisins, s'interroge à ce titre sur les conséquences d'une rémunération supplémentaire des ayants droit en cas de succès d'une oeuvre, s'oppose en conséquence formellement à la mise en place du principe du pays d'origine aux services en ligne des radiodiffuseurs comme les services multi support ou la télévision de rattrapage ;

Met en garde contre une telle atteinte portée sans justification au principe de territorialité, qui plus est en instaurant une gestion collective obligatoire excluant de fait tout accord contractuel préexistant ;

Approuve au contraire la mise en place d'exceptions proportionnées au droit d'auteur, en tenant compte notamment des réalités du marché ;

Se félicite de l'approche ciblée retenue en ce qui concerne l'illustration pédagogique, juge cependant nécessaire d'en exclure explicitement les manuels scolaires et les partitions de musique ;

Accueille favorablement l'exception relative à la fouille de textes et de données tout en s'inquiétant de son étendue et propose de restreindre cette exception aux seuls textes et données à des fins de recherche et d'en exclure les usages commerciaux ;

Regrette la rigidité du dispositif prévu concernant l'exception relative aux oeuvres indisponibles, à savoir des licences collectives étendues excluant toute fin commerciale ;

Encourage la mise en oeuvre des dispositions du traité de Marrakech adopté le 27 juin 2013 visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux oeuvres ;

Souligne à ce sujet l'importance de respecter l'esprit du traité, et donc de rétablir la possibilité d'une compensation et la vérification de l'absence d'offre commerciale préalable adaptée ;

Invite le gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours.


* 1 Communication de la Commission (COM (2015) 626 final) au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil du 9 décembre 2015 « Vers un cadre moderne et plus européen pour le droit d'auteur »

* 2 Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information

* 3 Communication de M. André Gattolin et Mme Colette Mélot du 6 octobre 2016.

* 4 Proposition de résolution n° 103 (2016-2017) de M. André Gattolin et Mme Colette Mélot, déposée au Sénat le 3 novembre 2016 devenue la résolution n° 35 (2016-2017) adoptée par le Sénat le 9 décembre 2016.

* 5 Communication de la Commission (COM (2015) 192 final) au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil du 6 mai 2015 « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe »

* 6 Il en va de même pour la révision de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle .

* 7 À savoir Disney, NBCUniversal, Paramount Pictures, Sony, Twentieth Century Fox et Warner Bros.

* 8 Demandes non sollicitées par les télédiffuseurs pour leurs services de télévision payante émanant de consommateurs résidant en dehors du territoire pour lequel ils possèdent une licence.

* 9 Loi du 7 juillet relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.

* 10 Directive 93/83/CEE du Conseil relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble.

* 11 Internet Protocol Television, télévision diffusée sur un réseau utilisant les adresses IP.

* 12 Rapport de la mission du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) sur le droit de communication au public.

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