Responsabilité des donneurs d'ordre (PPL) - Texte déposé - Sénat

N° 642 rect.

SÉNAT


SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 31 mai 2022

PROPOSITION DE LOI


portant sur la responsabilité des donneurs d’ordres vis-à-vis des sous-traitants, des emplois et des territoires,


présentée

Par M. Fabien GAY, Mmes Cathy APOURCEAU-POLY, Éliane ASSASSI, MM. Jérémy BACCHI, Éric BOCQUET, Mmes Céline BRULIN, Laurence COHEN, Cécile CUKIERMAN, Michelle GRÉAUME, MM. Gérard LAHELLEC, Pierre LAURENT, Mme Marie-Noëlle LIENEMANN, MM. Pierre OUZOULIAS, Pascal SAVOLDELLI et Mme Marie-Claude VARAILLAS,

Sénatrices et Sénateurs


(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)




Proposition de loi portant sur la responsabilité des donneurs d’ordres vis-à-vis des sous-traitants, des emplois et des territoires


Article 1er

La section 1 du chapitre III du titre III du livre II du code de commerce est complétée par un article L. 233-5-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 233-5-2. – La relation entre un donneur d’ordres et un sous-traitant est établie, en présence d’une relation commerciale établie de caractère stable, suivie et habituelle, dès lors que le donneur d’ordres est une entreprise qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins 1 000 salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes, quel que soit le lieu de leur siège social, ou dont la relation avec le sous-traitant représente au moins 30 % du chiffre d’affaires du sous-traitant sur les trois dernières années.

« Le changement de capital social, de forme juridique ou de dénomination du sous-traitant est sans effet sur l’appréciation de la condition de durée lorsque le site de production est inchangé. »


Article 2

I. – Avant le dernier alinéa du II de l’article L. 2331-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Un comité de groupe de sous-traitance est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée donneur d’ordres au sens de l’article L. 233-5-2 du code de commerce, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises sous-traitantes au sens du même article L. 233-5-2. »

II. – L’article L. 2334-2 du code du travail est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « an » est remplacé par le mot : « semestre » ;

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les membres du comité bénéficient d’heures de délégation, dont le contingent annuel est fixé par voie d’accord de branche ou, à défaut, par décret. » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le comité se réunit également sur demande expresse et motivée de l’un au moins des représentants d’une entreprise sous-traitante lorsque celui-ci estime que l’entreprise à laquelle il appartient est susceptible de rencontrer des difficultés en raison de décisions prises par le donneur d’ordres. »


Article 3

I. – L’article L. 2332-1 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Après avoir consulté le comité social et économique sur les orientations stratégiques à moyen et long termes en application de l’article L. 2312-24, l’entreprise donneuse d’ordres communique immédiatement au comité de groupe de sous-traitance les conséquences de ses orientations sur le recours à la sous-traitance.

« Si un projet de développement, de restructuration ou de suppression d’activité est de nature à affecter le volume de chiffre d’affaires ou d’emploi d’une entreprise sous-traitante, l’entreprise donneuse d’ordres en informe immédiatement le comité de groupe de sous-traitance. Le comité de groupe procède, le cas échéant, à une étude d’impact financée par l’entreprise donneuse d’ordres. »

II. – L’article L. 2334-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les représentants des sous-traitants au sens de l’article L. 233-5-2 du code de commerce participent également avec voix consultative à la réunion du comité de groupe pour l’examen des éléments mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2332-1 du présent code. »


Article 4

Après le 5° du I de l’article L. 225-102-4 du code de commerce, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Lorsqu’un changement d’orientation technique, normatif ou économique ayant un impact sur l’activité d’un sous-traitant est envisagé par le donneur d’ordres direct ou indirect, une étude d’impact est réalisée en amont, rendue publique et communiquée au comité de groupe. »


Article 5

I. – Après l’article L. 1233-62 du code du travail, il est inséré un article L. 1233-62-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1233-62-1. – Lorsqu’à la suite de la restructuration ou de la compression d’effectifs du donneur d’ordres mentionné à l’article L. 233-5-2 du code de commerce, des licenciements collectifs pour motif économique sont envisagés par le sous-traitant, une négociation collective inter-entreprises s’engage sur la contribution du donneur d’ordres au contenu du plan de sauvegarde de l’emploi du sous-traitant.

« En l’absence d’accord, le donneur d’ordres contribue à la hauteur de ses moyens au plan de reclassement mentionné à l’article L. 1233-62 du présent code. Le comité de groupe est informé et consulté pour avis sur les mesures envisagées par le donneur d’ordres pour contribuer au contenu du plan de sauvegarde de l’emploi du sous-traitant, même si l’entreprise sous-traitante est en redressement ou en liquidation judiciaire. »

II. – L’article L. 1233-57-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’à la suite de la restructuration ou de la compression d’effectifs du donneur d’ordres mentionné à l’article L. 233-5-2 du code de commerce, des licenciements collectifs pour motif économique sont envisagés par le sous-traitant, le document unilatéral définissant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi est apprécié au regard des moyens de l’ensemble formé par le donneur d’ordres et le sous-traitant. »


Article 6


Le premier alinéa de l’article L. 1233-84 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans tous les cas, un ou des donneurs d’ordres au sens de l’article L. 233-5-2 du code de commerce sont personnellement débiteurs de cette obligation. »


Article 7

Après le deuxième alinéa de l’article L. 1233-4 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’ensemble formé par le donneur d’ordres mentionné à l’article L. 233-5-2 du même code et les sous-traitants constitue un groupe de reclassement au sein duquel les possibilités de reclassement du salarié doivent être recherchées, dès lors que des possibilités de permutation entre tout ou partie du personnel existent. »


Article 8


Au premier alinéa de l’article L. 3245-2 du code du travail, après le mot : « ordre », sont insérés les mots : « , quelles que soient les conditions d’effectif, de volume, et d’ancienneté de la relation de sous-traitance, lorsqu’il est ».


Article 9

L’article L. 160-1 du code de l’environnement est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque l’activité d’un exploitant dépend d’un donneur d’ordres, au sens de l’article 14-2 de la loi  75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, ce dernier est solidairement responsable des dommages causés à l’environnement par l’exploitant sous-traitant, si le dommage causé avait pu raisonnablement être évité avec un plan de vigilance effectif.

« Cette responsabilité solidaire s’adresse aux seules entreprises donneuses d’ordres au sens du même article 14-2, qui sont soumises au titre VI du présent code. »


Article 10

Après le titre III de la loi  75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, il est inséré un titre III bis ainsi rédigé :

« Titre III bis

« Des contrats de sous-traitance industriels

« Art. 14-2. – La relation de sous-traitance industrielle est caractérisée lorsque le donneur d’ordres direct ou indirect est une entreprise d’au moins 1 000 salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes, quel que soit le lieu de leur siège social, ou dont la relation avec le sous-traitant représente au moins 30 % du chiffre d’affaires du sous-traitant sur les trois dernières années.

« Le changement de capital social, de forme juridique ou de dénomination du sous-traitant est sans effet sur l’appréciation de la condition de durée consécutive de trois ans lorsque le site de production est inchangé.

« Art. 14-3. – À peine de nullité, les contrats de sous-traitance dont le montant de la commande dépasse un certain seuil fixé par décret sont conclus par écrit et signés par les parties qui fixent :

« 1° L’objet du contrat, les obligations respectives des parties, notamment un montant minimal de commandes auquel s’engage le donneur d’ordres ;

« 2° Les garanties et responsabilités respectives des parties ;

« 3° Le prix convenu ou les critères permettant de le déterminer, ainsi qu’une clause de renégociation en cas de variation significative du prix de certaines matières premières ou composants clés ;



« 4° Les conditions de facturation et de règlement dans les limites fixées par la loi ;



« 5° Une clause de réserve de propriété jusqu’à complet paiement du prix, y compris en cas d’incorporation ou de transformation du bien ;



« 6° Une clause garantissant le plein respect des droits de propriété intellectuelle du sous-traitant ;



« 7° La durée du contrat, ses modalités de reconduction et de rupture. Un délai de préavis raisonnable est fixé entre les parties ;



« 8° Une clause prévoyant les modalités de la prise en charge par le donneur d’ordres des investissements réalisés par le sous-traitant en cas de rupture brutale ou anticipée des relations commerciales ;



« 9° Une clause de médiation en cas de différend ;



« 10° Une clause aux termes de laquelle le donneur d’ordres s’engage à prendre en compte les spécificités du territoire auquel appartient l’entreprise sous-traitante et à exclure toute limitation de ses commandes dans les secteurs où l’emploi est précaire.



« Art. 14-4. – I. – À défaut de contrat écrit entre les parties s’applique un contrat type de sous-traitance établi au sein de chaque filière.



« II. – Ces contrats types de sous-traitance sont négociés au sein de chaque filière et établis avant le 1er janvier 2023. Ils ne peuvent comporter que des dispositions plus favorables aux entreprises sous-traitantes que celles des lois et règlements en vigueur. Ils sont publiés par décret sur proposition des organismes professionnels du secteur concerné et des comités stratégiques de filières.



« À défaut de contrat type publié le 1er janvier 2023, un contrat type applicable au secteur ou à la filière défaillante est publié par arrêté du ministre chargé de l’économie.



« Art. 14-5. – À défaut de contrat écrit et de contrat type, les conditions générales de vente s’appliquent de plein droit aux relations commerciales entre donneurs d’ordres et sous-traitants.



« Art. 14-6. – Est nul tout contrat reprenant intégralement les conditions générales d’achat du donneur d’ordres. »


Article 11

I. – Le titre Ier de la loi  75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance est complété par un article 3-1 ainsi rédigé :

« Art. 3-1. – Toute entreprise ou personne morale ayant recours à un contrat de sous-traitance assure le sous-traitant contre le risque de non-paiement des sommes qui lui sont dues en exécution du contrat à la date de la décision prononçant le règlement judiciaire ou la liquidation des biens. »

II. – Le régime d’assurance prévu à l’article 3-1 de la loi  75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, dans sa rédaction issue de la présente loi, est mis en œuvre par une association créée, dans le délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, par les organisations nationales professionnelles représentantes des secteurs et des filières professionnelles.


Article 12

L’article L. 441-16 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article sont d’ordre public. Elles s’appliquent à tous les contrats de sous-traitance quel que soit le lieu de facturation du donneur d’ordres dès lors que l’activité du sous-traitant est située sur le territoire national. »


Article 13


Au premier alinéa de l’article 3 de la loi  75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, après le mot : « tenu », sont insérés les mots : « de faire accepter ses sous-traitants au maître de l’ouvrage et au donneur d’ordres lorsque la part sous-traitée représente plus du tiers du contrat ou de la partie de marché dont il est chargé et ».


Article 14

I. – L’article L. 2312-21 du code du travail est ainsi modifié :

1° Au quatrième alinéa, après le mot : « propres », sont insérés les mots : « , la politique d’achat » ;

2° Après le même quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Figurent dans la base au titre de la politique d’achat la pondération des différents critères guidant la politique d’achat ainsi que les critères définissant la rémunération variable de leurs acheteurs et le poids de ces primes variables dans leur rémunération, ainsi que le pourcentage d’acheteurs ayant suivi une formation de sensibilisation à la pondération des critères guidant la politique d’achat. »

II. – Le deuxième alinéa du III de l’article L. 225-102-1 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle comprend en outre des informations relatives aux conséquences de sa politique d’achat. »

III. – L’article 15-1 de la loi  75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance est ainsi rétabli :

« Art. 15-1. – Au sein des entreprises donneuses d’ordres ou d’organismes professionnels, des correspondants peuvent être désignés pour offrir une médiation qui prenne en compte les contraintes des sous-traitants et des territoires dans lesquels ils sont implantés. »

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