Respect de la dignité en détention (PPL) - Texte déposé - Sénat

N° 387

SÉNAT


SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 février 2021

PROPOSITION DE LOI


tendant à garantir effectivement le droit au respect de la dignité en détention,


présentée

Par MM. Jean-Pierre SUEUR, Patrick KANNER, Mme Marie-Pierre de LA GONTRIE, MM. Jérôme DURAIN, Hussein BOURGI, Mme Laurence HARRIBEY, MM. Éric KERROUCHE, Jean-Yves LECONTE, Didier MARIE et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain,

Sénateurs


(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)




Proposition de loi tendant à garantir effectivement le droit au respect de la dignité en détention


Article unique

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au début du second alinéa de l’article 144-1, sont ajoutés les mots : « Sans préjudice des dispositions de l’article 803-8 garantissant le droit de la personne d’être détenue dans des conditions respectant sa dignité, » ;

2° Le III de l’article 707 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le droit de cette personne d’être incarcérée dans des conditions respectant sa dignité est garanti par les dispositions de l’article 803-8. » ;

3° Après l’article 803-7, il est inséré un article 803-8 ainsi rédigé :

« Art. 803-8. – I. – Sans préjudice de sa possibilité de saisir le juge administratif en application des articles L. 521-1, L. 521-2 ou L. 521-3 du code de la justice administrative, toute personne détenue dans un établissement pénitentiaire en application des dispositions du présent code qui considère que ses conditions de détention sont contraires à la dignité de la personne humaine, peut saisir, selon les modalités prévues au présent article, le juge des libertés ou de la détention, si elle est en détention provisoire, ou le juge de l’application des peines, si elle est en exécution de peine, afin qu’il soit mis fin à ces conditions de détention indignes.

« Si les allégations énoncées constituent des indices de conditions de détention indignes, de sorte qu’elles constituent un commencement de preuve que les conditions de détention de la personne ne respectent pas la dignité de la personne, le juge déclare la requête recevable, fait procéder aux vérifications nécessaires et recueille les observations de l’administration pénitentiaire dans un délai inférieur à dix jours.

« Si le juge estime la requête fondée, il fait connaître à l’administration pénitentiaire les conditions de détention qu’il estime contraires à la dignité de la personne humaine et il fixe un délai inférieur à dix jours pour permettre de mettre fin, par tout moyen, à ces conditions de détention. Le juge peut enjoindre à l’administration pénitentiaire de prendre des mesures déterminées afin de mettre fin aux conditions indignes de détention. Il peut assortir l’injonction de mesures d’une astreinte par jour de retard à l’exécution de ces mesures.

« II. – Si, à l’issue du délai fixé, le juge constate qu’il n’a pas été mis fin aux conditions indignes de détention, il prend l’une des décisions suivantes :

« 1° Soit, si la personne est en détention provisoire, il ordonne sa mise en liberté immédiate, le cas échéant sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique ;



« 2° Soit, si la personne est définitivement condamnée et qu’elle est éligible à une telle mesure, il ordonne un aménagement de peine ;



« 3° Soit il ordonne le transfèrement de la personne dans un autre établissement pénitentiaire à la condition que cette décision ait donné lieu préalablement à un examen approfondi de la situation familiale et sociale de l’intéressé.



« III. – Les décisions prévues au présent article sont motivées. Elles sont prises au vu de la requête et des observations de la personne détenue ou, s’il y a lieu, de son avocat, des observations écrites de l’administration pénitentiaire et de l’avis écrit du procureur de la République. Le requérant peut demander à être entendu par le juge, assisté s’il y a lieu de son avocat. Dans ce cas, le juge doit également entendre le ministère public et le représentant de l’administration pénitentiaire si ceux-ci en font la demande. Ces auditions ne peuvent être réalisées selon un moyen de télécommunication audiovisuelle conformément à l’article 706-71 qu’en cas de force majeure.



« Les décisions prévues au II du présent article peuvent faire l’objet d’un appel devant le président de la chambre de l’instruction ou devant le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel. Lorsqu’il est formé dans le délai de vingt-quatre heures, l’appel du ministère public est suspensif.



« La décision prévue au deuxième alinéa du I doit intervenir dans un délai de dix jours au plus à compter de la réception de la demande. Celle prévue au dernier alinéa du même I doit intervenir dans un délai de dix jours au plus à compter de la précédente décision. Celles prévues au III doivent intervenir dans un délai de dix jours à compter de l’expiration du délai fixé par le juge. À défaut de respect de ces délais, la personne détenue peut saisir directement le président de la chambre de l’instruction ou le président de la chambre de l’application des peines.



« IV. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État.



« Ce décret précise notamment :



« 1° Les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention ou du juge de l’application des peines ;



« 2° La nature des vérifications que le juge peut ordonner en application du deuxième alinéa du I, sans préjudice de sa possibilité d’ordonner une expertise ou de se transporter sur les lieux de détention ;



« 3° Dans quelle mesure, à compter de la décision prévue au dernier alinéa du même I, le juge administratif, s’il a été saisi par la personne condamnée, n’est plus compétent pour ordonner son transfèrement dans un autre établissement pénitentiaire. »

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