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N° 67

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 octobre 2018

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer une contribution obligatoire aux frais d' incarcération des détenus ,

PRÉSENTÉE

Par M. Jean Louis MASSON, Mmes Christine HERZOG et Claudine KAUFFMANN,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Selon la Direction de l'administration pénitentiaire (DAP) la population carcérale s'établit au 1 er juillet 2018 à 70 710 détenus (dont 22 % d'étrangers) pour une capacité d'accueil de 59 704 places. Le taux d'occupation est en moyenne de 118 % et atteint même 200 % en Île-de-France et en outre-mer. La situation serait bien pire encore, si on appliquait strictement les peines de prison prononcées par la justice et dont 80 000 seraient, à ce jour, en attente d'exécution.

Ce constat entraîne une propagation de la violence dans notre pays. D'une part en dehors des prisons, par l'absence de réponse pénale immédiate qui suscite un sentiment d'impunité chez les délinquants. Et d'autre part, par la surpopulation carcérale qui fait de la France la lanterne rouge des pays européens. Surpopulation qui crée un climat de tension généré par la cohabitation contrainte entre des « petits » délinquants et des criminels, voire des terroristes.

Pour remédier à cette situation de promiscuité malsaine, le Gouvernement a choisi la facilité des peines alternatives. Nous pensons au contraire qu'il faut maintenir le principe de privation de liberté, mais dans des conditions dignes, par l'encellulement individuel et la responsabilisation des détenus.

Il faudrait par ailleurs rétablir la double peine comme cela existe dans de nombreux pays (expulsion automatique et définitive des détenus de nationalité étrangère après leur période de détention). Quand on connaît le nombre d'étrangers qui sont dans nos prisons et, pire encore, le nombre de récidivistes parmi eux, il est clair que cette mesure réduirait considérablement la surpopulation carcérale.

Pour arriver à ces objectifs, il faut construire un minimum de 40 000 places de prison. Le coût de l'investissement doit être pris en charge par l'État. Toutefois, pour le fonctionnement, ce coût pourrait être en partie assumé par les détenus eux-mêmes, à l'instar d'autres pays comme les Pays-Bas, le Danemark, certains cantons suisses et la Californie notamment.

Sachant qu'un détenu coûte en moyenne 100 € 1 ( * ) par jour, on pourrait imaginer une participation à hauteur de 20 %.

En effet, tout malade qui se fait soigner dans un hôpital, doit acquitter un forfait hospitalier s'établissant depuis le 1 er janvier 2018 à 20 € par jour 2 ( * ) . Est-il normal que les malades, qui n'ont pas choisi leur état, soient pénalisés alors que les détenus, qui ont fait le choix de transgresser la loi, ne le soient pas ?

Pour leur permettre d'acquitter cette contribution, il faudra à terme rétablir l'obligation de travailler en prison qui a été supprimée par la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire.

Dans l'attente de ce rétablissement, et pour assumer ce coût, trois formules peuvent être envisagées : le prélèvement sur les biens propres du détenu, le recours à sa famille ou, enfin, la possibilité de travailler en prison (ce qui n'est actuellement le cas que pour environ 29,2 % des détenus).

La présente proposition de loi tend donc à instaurer une contribution obligatoire aux frais d'incarcération des détenus afin d'alléger le coût de fonctionnement des prisons pour le contribuable et de réinsérer les détenus par le travail.

Proposition de loi visant à instaurer une contribution obligatoire
aux frais d'incarcération des détenus

Article 1 er

L'article 23 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Il est instauré une contribution forfaitaire pour chaque jour d'incarcération.

« Les détenus s'acquittent de cette contribution sur leurs ressources personnelles, celles de leur famille lorsqu'ils sont mineurs ou, à défaut, par l'exécution d'un travail en prison.

« Le montant de cette contribution sera fixé par décret en Conseil d'État et sera de l'ordre de 20 % du coût moyen d'incarcération journalier d'un détenu. »

Article 2

L'article 27 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'administration pénitentiaire est tenue de proposer, à tout détenu majeur qui en fait la demande, un travail en atelier adapté à son âge et ses capacités intellectuelles et physiques. Ce travail sera géré par l'intermédiaire du service de l'emploi pénitentiaire. »

Article 3

Les éventuelles conséquences financières résultant pour l'État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés à l'article 575 du code général des impôts.


* 1 Source : Observatoire international des prisons (OIP)

https://oip.org/en-bref/combien-coute-la-prison-quel-est-le-cout-compare-des-alternatives-a-la-prison/

* 2 Source : Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM)

https://www.ameli.fr/assure/remboursements/reste-charge/forfait-hospitalier

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