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N° 467

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 mai 2018

PROPOSITION DE LOI

interdisant la dissimulation du visage lors d'une manifestation sur la voie publique ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Édouard COURTIAL, Jérôme BASCHER, Arnaud BAZIN, Mme Anne-Marie BERTRAND, MM. François BONHOMME, Bernard BONNE, Max BRISSON, Jean-Claude CARLE, Patrick CHAIZE, Alain CHATILLON, Mme Marie-Christine CHAUVIN, MM. Pierre CUYPERS, Philippe DALLIER, René DANESI, Marc-Philippe DAUBRESSE, Mmes Annie DELMONT-KOROPOULIS, Catherine DEROCHE, Jacky DEROMEDI, Nicole DURANTON, Jacqueline EUSTACHE-BRINIO, M. Christophe-André FRASSA, Mmes Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Colette GIUDICELLI, MM. Guy-Dominique KENNEL, Benoît HURÉ, Mme Corinne IMBERT, MM. Alain JOYANDET, Roger KAROUTCHI, Claude KERN, Daniel LAURENT, Antoine LEFÈVRE, Henri LEROY, Mmes Viviane MALET, Brigitte MICOULEAU, MM. Alain MILON, Louis-Jean de NICOLAY, Philippe PEMEZEC, Stéphane PIEDNOIR, Jackie PIERRE, Ladislas PONIATOWSKI, Mmes Catherine PROCACCIA, Frédérique PUISSAT, MM. Jean-François RAPIN, Charles REVET, Michel SAVIN, Alain SCHMITZ, Jean-Pierre VIAL et Jean Pierre VOGEL,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les violences qui ont émaillé le défilé du premier mai ont donné lieu à des scènes de guérilla urbaine d'une violence inédite se traduisant par 102 gardes à vue. Les actes de vandalisme et de destruction du mobilier urbain qui en découlent ont occasionné des dégâts très importants pour les collectivités, l'État et les entreprises privées. Elles remettent en cause l'autorité républicaine et envoient au monde entier une image lamentable de la France.

Ces faits de délinquance ne sont malheureusement pas des cas isolés. Dorénavant, quasiment chaque manifestation est infiltrée par certains individus mal intentionnés et donne lieu peu ou prou à des actes de cette nature.

En témoignent les rassemblements à Nantes ou Rennes contre le projet de Notre-Dame-des-Landes, les casseurs en marge des manifestations des cheminots, cette voiture de police prise d'assaut avec son équipage avant d'être incendiée le 18 mai 2016, le saccage de l'hôpital Necker cette même année.

À chaque fois, on retrouve des individus masqués ou cagoulés, venus se livrer à toutes sortes d'exactions et désireux d'en découdre avec les forces de l'ordre qui doivent déplorer de nombreux blessés dans leurs rangs malgré leur professionnalisme et un énorme sang-froid. Pareils agissements demeurent trop souvent impunis faute de pouvoir retrouver les responsables, qui ont toujours soin de dissimuler leurs traits afin de ne pas être identifiés.

Or l'état actuel du droit ne donne pas aux forces de l'ordre de base juridique efficace pour empêcher ces individus de rejoindre une manifestation avant que les violences débutent.

En effet, le décret n° 2009-724 du 19 juin 2009 (dit « anti-cagoule ») relatif à l'incrimination de dissimulation illicite du visage à l'occasion de manifestations sur la voie publique a inséré dans le code pénal un article R. 645-14, aux termes duquel constitue une contravention « le fait pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique, de dissimuler volontairement son visage afin de ne pas être identifiée dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l'ordre public ». Mais la nature contraventionnelle de cette infraction ne permet pas aux policiers ou aux gendarmes d'interpeller puis de placer en garde à vue l'auteur d'un tel acte.

Seule une peine délictuelle autorisant l'emploi de la coercition permettrait d'éloigner de la voie publique un individu identifié comme potentiellement violent ou dangereux. Ce cadre juridique applicable aux risques de troubles à l'ordre public dans un contexte de manifestations a ultérieurement été complété par la loi n° 2010-201 du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public. Cette loi a instauré une circonstance aggravante lorsque certains faits de violences ou de dégradations sont commis par des personnes qui dissimulent volontairement leur visage pour échapper à toute identification et donc à toute poursuite judiciaire. L'article 431-4 du code pénal issu de la loi précitée fait ainsi de la dissimulation du visage une circonstance aggravante du délit consistant à « continuer volontairement à participer à un attroupement après les sommations ». De même, l'article 431-5 du code pénal fait de la dissimulation du visage une circonstance aggravante du délit de participation à un attroupement en étant porteur d'une arme. Le droit en vigueur n'autorise donc l'interpellation que lorsque la dissimulation du visage s'accompagne de la commission d'un délit ou de la tentative de commettre un délit.

Aussi, la présente proposition de loi vise-t-elle à créer un délit de dissimulation du visage lors d'une manifestation.

Il nous faut lutter contre le sentiment d'impunité des casseurs en interdisant une telle dissimulation lors des manifestations et des réunions publiques. De fait, seuls les manifestants qui ont l'intention de se livrer à des actions violentes et de verser dans l'illégalité ont intérêt à ne pouvoir être reconnus.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Après l'article 431-10 du code pénal, il est inséré un article 431-10-1 ainsi rédigé :

« Art. 431-10-1 . - I. - Le fait de dissimuler volontairement en tout ou partie son visage afin de ne pas être identifié dans le cadre d'une manifestation ou d'une réunion publique est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

« II. - Le I ne s'applique pas si la tenue est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires, si elle est justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels, ou si elle s'inscrit dans le cadre de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles. »

Article 2

À l'article L. 211-12 du code de la sécurité intérieure, après les mots : « en étant porteur d'une arme », sont insérés les mots : « ou en ayant volontairement dissimulé en tout ou partie son visage afin de ne pas être identifié ».

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