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N° 251

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 janvier 2018

PROPOSITION DE LOI

visant à préserver le tissu social des centres-villes ,

PRÉSENTÉE

Par MM. François PILLET, Philippe BAS, Jean BIZET, Jean-Marie BOCKEL, François BONHOMME, Gilbert BOUCHET, Jean-Marc BOYER, Max BRISSON, François-Noël BUFFET, François CALVET, Christian CAMBON, Mme Agnès CANAYER, MM. Michel CANEVET, Vincent CAPO-CANELLAS, Jean-Noël CARDOUX, Patrick CHAIZE, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Olivier CIGOLOTTI, René DANESI, Mme Laure DARCOS, MM. Mathieu DARNAUD, Marc-Philippe DAUBRESSE, Mmes Catherine DEROCHE, Jacky DEROMEDI, Chantal DESEYNE, M. Yves DÉTRAIGNE, Mme Catherine DI FOLCO, M. Alain DUFAUT, Mmes Catherine DUMAS, Nicole DURANTON, Dominique ESTROSI SASSONE, Jacqueline EUSTACHE-BRINIO, Françoise FÉRAT, MM. Alain FOUCHÉ, Bernard FOURNIER, Mmes Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Frédérique GERBAUD, MM. Bruno GILLES, Jordi GINESTA, Mme Colette GIUDICELLI, M. François GROSDIDIER, Mme Nathalie GOULET, MM. Charles GUENÉ, Daniel GREMILLET, Mme Pascale GRUNY, MM. Benoît HURÉ, Jean-François HUSSON, Mmes Corinne IMBERT, Sophie JOISSAINS, M. Alain JOYANDET, Mme Fabienne KELLER, MM. Guy-Dominique KENNEL, Claude KERN, Marc LAMÉNIE, Mmes Élisabeth LAMURE, Florence LASSARADE, MM. Daniel LAURENT, Dominique de LEGGE, Antoine LEFÈVRE, Jean-Pierre LELEUX, Henri LEROY, Mmes Brigitte LHERBIER, Anne-Catherine LOISIER, MM. Jean-François LONGEOT, Gérard LONGUET, Mme Vivette LOPEZ, MM. Pierre LOUAULT, Michel MAGRAS, Mme Viviane MALET, MM. Didier MANDELLI, Pierre MÉDEVIELLE, Mmes Marie MERCIER, Brigitte MICOULEAU, MM. Alain MILON, Jean-Marie MIZZON, Jean-Marie MORISSET, Philippe MOUILLER, Olivier PACCAUD, Cyril PELLEVAT, Robert del PICCHIA, Jackie PIERRE, Ladislas PONIATOWSKI, Mmes Sophie PRIMAS, Frédérique PUISSAT, MM. Jean-François RAPIN, Charles REVET, René-Paul SAVARY, Mme Catherine TROENDLÉ, MM. Michel VASPART, Jean Pierre VOGEL, Mme Michèle VULLIEN, MM. Cédric PERRIN, Michel RAISON, Hervé MARSEILLE et Loïc HERVÉ,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les centres-villes des villes petites et moyennes sont aujourd'hui trop souvent délaissés au profit de zones commerciales et pavillonnaires qui se développent continûment en lisière des villes. Ainsi, les zones urbaines s'étendent au détriment des zones rurales et agricoles, causant entre autres difficultés de transport, pollution et déclin rapide de la biodiversité. Certaines de ces zones finissent d'ailleurs par se transformer en friches, compte tenu du caractère souvent médiocre des constructions qui s'y trouvent, et en raison de l'absence de pensée urbanistique à l'origine de leur conception. Parallèlement, les centres-villes historiques se meurent, perdant chaque année plus de commerces et d'habitants.

On peut s'interroger sur le choix que font nombre de nos concitoyens d'acquérir un pavillon neuf en périphérie d'une petite ville, quand de nombreux bien anciens, en centre-ville, ne parviennent pas à trouver preneur. Il semble que la nécessité de rénover ces biens anciens, souvent vétustes, soit un obstacle à leur acquisition.

Par ailleurs, le déclin des centres-villes est un cercle vicieux qui ne favorise pas l'arrivée de nouveaux habitants, compte tenu de leur manque de dynamisme. C'est la raison pour laquelle il semble utile d'imaginer, au sein de politiques plus globales de redynamisation des centres-villes, des mécanismes nouveaux, susceptibles de rendre les logements anciens de ces centres-villes plus attractifs.

L' article unique a pour objet de créer deux outils contractuels qui, en élargissant la gamme des possibilités ouvertes pour accéder à un logement, ont vocation à favoriser l'occupation des logements dans les zones souffrant d'un fort déséquilibre entre l'offre et la demande.

Le premier, dénommé « bail à réhabilitation avec option d'achat », permettrait à des personnes de s'installer dans un logement ancien nécessitant des travaux qu'elles s'engageraient à réaliser en échange d'un loyer dont le montant serait de ce fait nécessairement réduit par rapport à celui qui aurait été fixé, toutes choses égales par ailleurs, dans le cadre d'un bail « traditionnel ». Une durée du bail serait déterminée afin de garantir au preneur une sorte d'amortissement des dépenses engagées pour la réhabilitation. Le preneur, à qui serait conféré sur le bien un droit réel immobilier, pourrait, en activant un droit d'option, en acquérir la propriété à l'expiration de la durée du bail.

Le second outil consiste à faciliter l'occupation des logements par le recours à un contrat dénommé « bail viager ». Largement régi par les dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, il s'en distinguerait sur deux points essentiels : d'une part, au niveau de la durée puisque, comme l'indique son appellation, ce contrat courrait en principe jusqu'au décès du preneur (ou des preneurs pour un couple) ; d'autre part, au niveau du prix, qui ne donnerait pas lieu à loyer, mais à versement d'un montant forfaitaire, valant en quelque sorte « loyer une fois pour toute ».

Ce montant forfaitaire serait nécessairement inférieur, et de manière significative, à la valeur vénale du bien puisque son propriétaire le resterait et en retrouverait la jouissance au décès du preneur. Ce faisant, le bail viager faciliterait la fluidité des transactions : d'un côté, il permettrait à des personnes le désirant de s'installer durablement dans un logement qu'elles n'ont pas les moyens d'acheter ; d'un autre côté, en particulier dans les zones où les logements trouvent difficilement acquéreur, le propriétaire pourrait obtenir une somme conséquente d'un bien qui demeurerait dans son patrimoine et qui, à défaut de bail viager, risquerait de se délabrer (ou de constituer une charge lourde).

Afin que le preneur ne se trouve pas « prisonnier » d'un logement que, pour des raisons diverses (décès de son conjoint, inadaptation des lieux...), il souhaiterait un jour quitter, il disposerait d'un droit de résiliation et, dans ce cas, d'un remboursement partiel du montant versé au propriétaire (pour une somme bien entendue réduite au prorata de la durée d'occupation). Ce droit au remboursement conduit à réserver, pour l'heure, la possibilité de contracter un bail viager à titre de bailleur aux personnes morales de droit public : une personne privée pourrait avoir dépensé le montant reçu lors de la transaction et se retrouver dans une situation financière empêchant de fait le preneur d'obtenir ce remboursement partiel ; ce risque semble bien moindre avec une personne morale de droit public qui, au nom du principe de prudence, devrait, en application du 29° de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales pour une commune, constituer des provisions afin de faire face à de telles éventualités.

À l'inverse, et cette fois afin que le preneur ait la garantie de jouir de son logement jusqu'à son décès, la collectivité propriétaire ne saurait, sauf raison impérieuse d'intérêt général (et moyennant un préavis suffisamment long pour permettre alors au preneur de « se retourner »), demander la résiliation du contrat.

Enfin, au-delà des deux nouveaux outils contractuels précités, l'article unique a également pour objet d'instituer un portail dématérialisé destiné à permettre aux propriétaires de logements vacants, dans les zones souffrant d'un fort déséquilibre entre l'offre et la demande, d'y publier leurs offres de vente, de location ou de mise à disposition à titre gratuit.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

Cette proposition de loi est le premier de deux textes, déposés par le même auteur, dont l'objectif est de permettre l'émergence d'une véritable politique de préservation des centres-villes. Elle n'aurait aucune conséquence financière pour les collectivités territoriales ou l'État, sa mise en oeuvre à moyens constants pouvant donc être envisagée rapidement. L'autre texte présente des pistes complémentaires, dont certaines sont de nature fiscale.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

La partie législative du code de la construction et de l'habitation est complétée par un livre VIII ainsi rédigé :

« LIVRE VIII

« MESURES VISANT À FAVORISER L'OCCUPATION DES LOGEMENTS DANS LES ZONES CARACTÉRISÉES PAR UN NIVEAU ÉLEVÉ DE LOGEMENTS INOCCUPÉS

« TITRE I ER

« BAIL À RÉHABILITATION AVEC OPTION D'ACHAT

« CHAPITRE UNIQUE

« Art. L. 742-1 . - Est qualifié de bail à réhabilitation avec option d'achat et soumis aux dispositions du présent chapitre le contrat par lequel une personne s'engage à réaliser dans un délai déterminé des travaux d'amélioration sur l'immeuble du bailleur et à le conserver en bon état d'entretien et de réparations de toute nature en vue de disposer sur le bien d'un droit d'usage et d'habitation pendant toute la durée du bail.

« Le contrat indique la nature des travaux, leurs caractéristiques techniques et le délai de leur exécution. Il précise également la valeur du bien avant travaux.

« Le bail à réhabilitation est consenti par ceux qui ont le droit d'aliéner et dans les mêmes conditions et formes que l'aliénation. Il ne peut se prolonger par tacite reconduction.

« Le présent article s'applique aux immeubles soumis ou non au statut de la copropriété prévu par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, situés sur le territoire des communes dont le taux de vacance des logements est supérieur à des seuils fixés par décret en Conseil d'État, et dont la construction est achevée depuis au moins quinze ans. Dans le cas d'un immeuble soumis au statut de la copropriété, il peut s'appliquer à un ou plusieurs lots.

« Art. L. 742-2 . - Par dérogation à l'article 23 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée, si le bail à réhabilitation porte sur un ou plusieurs lots dépendant d'un immeuble soumis au statut de la copropriété, le preneur est de droit le mandataire commun prévu au second alinéa du même article. Par dérogation au troisième alinéa du I de l'article 22 de la même loi, ce preneur peut recevoir plus de trois délégations de vote des bailleurs.

« Le preneur du bail à réhabilitation supporte seul, pendant la durée du bail, toutes les provisions prévues aux articles 14-1 et 14-2 de ladite loi.

« Le preneur mandataire commun doit disposer d'un mandat exprès du bailleur avant de voter sur les décisions relatives à des travaux de toute nature qui ne sont pas mis à la charge du preneur par le contrat de bail à réhabilitation et dont la prise en charge n'est pas prévue dans le bail à réhabilitation ou dont le paiement n'incombera pas à titre définitif au preneur.

« Le bail à réhabilitation précise la répartition des charges en fin de bail et le sort des avances et provisions appelées pendant la durée du bail à réhabilitation ainsi que des régularisations de charges intervenant après la fin du bail. Ces clauses sont inopposables au syndicat des copropriétaires.

« Art. L. 742-3 . - Le preneur est titulaire d'un droit réel immobilier. Ce droit peut être hypothéqué ; il peut être saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. Ce droit est cessible nonobstant toute convention contraire.

« Art. L. 742-4 . - Six mois avant l'expiration du bail à réhabilitation, le preneur fait savoir au bailleur s'il souhaite acquérir à l'issue du bail la propriété du bien au prix prévu au contrat.

« Si le preneur ne souhaite pas acquérir le bien, il est déchu de tout titre d'occupation sur le logement à l'expiration du bail à réhabilitation, nonobstant la possibilité pour les parties de conclure d'un commun accord un contrat de bail d'habitation portant sur l'immeuble.

« TITRE II

« BAIL VIAGER

« CHAPITRE UNIQUE

« Art. L. 742-5 . - Constitue un contrat dénommé “bail viager” le bail par lequel une personne relevant des dispositions de l'article L. 1311-9 du code général des collectivités territoriales consent à un preneur, pour un montant forfaitaire, un droit d'usage et d'habitation viager sur un logement dont elle est propriétaire.

« Le bail viager est régi par les dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, à l'exception de celles relatives à la durée du contrat de location et au paiement du loyer.

« Art. L. 742-6 . - Un arrêté du ministre chargé du logement détermine à titre indicatif les taux de pondération applicables à la valeur vénale de référence du logement en fonction de l'âge du preneur et, le cas échéant, de son conjoint, à la date de prise d'effet du contrat.

« Art. L. 742-7 . - Sauf raison impérieuse d'intérêt général, le bail viager ne peut être résilié par anticipation qu'à la demande du preneur.

« Toute demande de résiliation est notifiée à l'autre partie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, signifiée par acte d'huissier ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Le délai de préavis applicable à la résiliation est de trois mois lorsque la demande émane du preneur et de douze mois lorsqu'elle émane de la collectivité propriétaire du logement. Il court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l'acte d'huissier ou de la remise en main propre.

« La résiliation entraîne le remboursement au preneur d'une partie du montant forfaitaire qu'il a acquitté, calculée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, notamment en fonction de la durée entre la date de prise d'effet du contrat et celle de sa résiliation. Ce décret prévoit également les conditions dans lesquelles peut s'ajouter une indemnisation du preneur et les modalités de son calcul, lorsque la résiliation intervient à l'initiative du bailleur.

« TITRE III

« PORTAIL DÉMATÉRIALISÉ

« Art. L. 742-8 . - Il est institué un portail national en faveur de l'occupation des logements dans les zones présentant un taux de vacance élevé.

« Ce portail recense les offres de logements situés dans les communes mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 742-1 dont les propriétaires envisagent la vente, la location ou la mise à la disposition d'un tiers à titre gratuit, dès lors que les propriétaires en ont fait la demande. »

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