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N° 722

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 septembre 2017

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

relative aux études d' impact des projets de loi ,

PRÉSENTÉE

Par Mme Élisabeth LAMURE, MM. Olivier CADIC, Philippe ADNOT, Mme Annick BILLON, MM. Gilbert BOUCHET, René DANESI, Michel FORISSIER, Jean-Marc GABOUTY, Alain JOYANDET, Antoine KARAM, Guy-Dominique KENNEL, Mmes Anne-Catherine LOISIER, Patricia MORHET-RICHAUD, MM. Claude NOUGEIN, Michel VASPART et Philippe DOMINATI,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, l'article 39 de la Constitution précise que la présentation des projets de loi « répond aux conditions fixées par une loi organique » . La loi organique du 15 avril 2009, destinée notamment à la mise en oeuvre de cet article, dispose que les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact comportant un exposé précis sur des points longuement énumérés.

Conçues comme un instrument pour aider à combattre l'inflation législative et améliorer la qualité des lois, les études d'impact ont été définies de manière particulièrement ambitieuse. Leur consécration quasi-constitutionnelle impose, en principe, le plus strict respect de cette exigence.

Pourtant, comme le soulignait le rapport n° 509 (2014-2015) de notre collègue Hugues PORTELLI, les effets de ce nouveau dispositif « sont loin d'être concluants » : le rapport relève « la désinvolture fréquente avec laquelle les études d'impact de nombreux projets de loi sont élaborées » et estime que les nouvelles obligations n'ont « nullement remédié à la crise de la production législative ».

Plus récemment, le Conseil d'État a reconnu, dans son étude annuelle de 2016, que « l'étude d'impact est généralement élaborée après le texte normatif ». Dans son rapport intitulé Simplifier efficacement pour libérer les entreprises - n° 433 (2016-2017) -, la délégation sénatoriale aux entreprises a précisé le diagnostic et déploré que les études d'impact soient « conçues comme une formalité juridique plutôt que comme un outil d'aide à la décision publique ».

Ce bilan paraît d'autant plus décevant que l'échec des tentatives précédentes pour généraliser la pratique des études d'impact avait été attribué à l'absence d'obligation légale. Seul un dispositif contraignant, pensait-on, entraînerait des résultats probants.

En réalité, la contrainte introduite par la loi organique du 15 avril 2009 s'est avérée plus formelle que réelle.

L'article 39 de la Constitution a certes prévu un mécanisme de contrôle : la conférence des présidents de la première assemblée saisie peut, dans un délai de dix jours suivant le dépôt du texte, constater la méconnaissance des règles fixées par la loi organique, ce qui fait alors obstacle à l'inscription du projet de loi à l'ordre du jour. Le Conseil constitutionnel peut, dans ce cas, être saisi par le Premier ministre ou le Président de l'assemblée concernée ; il statue dans les huit jours.

Ce mécanisme n'a joué qu'une fois et a montré à cette occasion qu'il ne constituait pas une garantie suffisante. La conférence des présidents du Sénat ayant constaté que l'étude d'impact accompagnant le projet de loi NOTRe ne respectait pas les prescriptions de la loi organique, le Premier ministre a saisi le 26 juin 2014 le Conseil constitutionnel, qui a jugé que la loi organique avait été respectée, alors même que les lacunes de l'étude en cause étaient particulièrement manifestes.

Par ailleurs, lorsqu'il a été saisi, dans le cadre du contrôle a priori prévu à l'article 61 de la Constitution, d'un recours invoquant parmi ses moyens l'insuffisance de l'étude d'impact, le Conseil constitutionnel a constamment rejeté ce moyen sans entrer dans un examen approfondi.

Ainsi, les règles susceptibles de donner toute sa portée à l'obligation d'étude d'impact se sont révélées inopérantes .

Si le choix par le Conseil constitutionnel de n'exercer qu'un contrôle de pure forme sur les études d'impact a suscité diverses critiques - et entraîné par protestation le dépôt, par plusieurs sénateurs du groupe RDSE, d'une proposition de loi organique n° 776 tendant à supprimer les dispositions les plus importantes de la loi organique du 15 avril 2009, au motif que le Conseil constitutionnel n'en contrôlait pas l'effectivité -, il faut cependant admettre que l'attitude du Conseil constitutionnel n'est sans doute pas sans rapport avec le nombre et la nature des obligations qui ont été introduites par le législateur pour les études d'impact. La liste des obligations à respecter est bien longue - pas moins de neuf ! -, le respect de certaines d'entre elles est particulièrement difficile à apprécier, et peut prêter à toutes les controverses. S'engager dans un contrôle effectif, sur la base du texte actuel, aurait pu conduire le Conseil à assumer un rôle excédant celui qu'il se reconnaît.

Un réel contrôle par le Conseil constitutionnel, sur un sujet pouvant avoir des incidences sur l'ordre du jour des assemblées, suppose que les objectifs de l'étude d'impact soient davantage ciblés et raisonnablement ambitieux, afin de pouvoir faire l'objet d'un contrôle indiscutable .

Par ailleurs, la décision du Gouvernement, prise en avril 2015, de rendre publics les avis du Conseil d'État sur les projets de loi doit conduire, en tout état de cause, à une redéfinition du champ des études d'impact. En effet, l'avis du Conseil d'État fournit à tous une analyse juridique du projet, avec l'impartialité qui s'attache aux activités de la Haute juridiction, ce qui fait double emploi avec les dispositions actuelles de la loi organique de 2009 prévoyant que l'étude d'impact expose l'impact juridique du projet de loi, à savoir son articulation avec le droit européen, l'état du droit dans les domaines visés par ce texte, les modalités de son application outre-mer...

En conséquence, il paraît souhaitable de recentrer les études d'impact sur les aspects qu'elles sont seules à pouvoir fournir , et d'éliminer les aspects qui, par leur nature, ne peuvent qu'inciter le juge constitutionnel à s'en tenir à un contrôle de pure forme. Il paraît exclu que le Conseil constitutionnel admette un jour l'insuffisance d'une étude d'impact au motif que « l'évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales » du projet de loi n'aurait pas été poussée assez loin. De ce fait, n'ayant pas à craindre de sanction, le Gouvernement peut aisément s'en tenir à des généralités teintées d'optimisme qui ne contribuent guère à la qualité de l'examen parlementaire. Maintenir ce type d'obligation n'apporte rien et empêche le contrôle prévu de jouer. L'étude d'impact doit quitter le terrain des appréciations au moins en partie qualitatives pour se concentrer sur les points pour lesquels l'objectivité peut être recherchée, et les méthodes employées faire l'objet d'un examen critique. Comme détaillé dans le rapport n° 433 déjà cité, la délégation sénatoriale aux entreprises a pu constater dans plusieurs États membres de l'Union européenne qu'une telle quantification des charges induites par les normes sur les entreprises était possible et sujette à discussions publiques, ce qui implique la plus grande transparence sur les hypothèses et méthodes retenues ; elle a même constaté l'efficacité des stratégies de réduction des coûts induits par la norme dans plusieurs de ces pays.

Dans cet esprit, l'étude d'impact devrait se concentrer sur les conséquences financières du projet de loi, en particulier pour les entreprises , qui supportent le plus souvent l'essentiel de ces coûts, mais aussi pour les collectivités territoriales , également très affectées par l'inflation normative et les coûts qu'elle entraîne . Cet aspect essentiel d'un projet de loi est, dans bien des cas, l'un de ceux sur lesquels les parlementaires reçoivent l'information la plus réduite . Le caractère sérieux de l'étude d'impact sur ce point est plus aisément vérifiable et pourrait faire l'objet d'un contrôle autre que formel. Cette règle doit également s'appliquer aux dispositions des projets de loi de transposition des directives européennes qui vont au-delà d'une stricte transposition.

En ce qui concerne les amendements apportés aux textes examinés au Parlement, les contraintes de l'examen parlementaire ne permettent pas d'envisager que chaque amendement soit assorti d'une étude d'impact. Néanmoins, pour éclairer le vote final du Parlement, il apparaît nécessaire de prévoir que le Gouvernement actualise l'étude d'impact après la première lecture dans chaque assemblée.

Par ailleurs, un aspect aujourd'hui absent des études d'impact pourrait, en contrepartie, être ajouté dans les obligations à remplir. Pour répondre à une demande souvent exprimée par les entreprises, les collectivités territoriales et les citoyens, il serait utile que l'étude d'impact mentionne les conséquences du projet de loi en termes de simplification du droit , afin d'inciter le gouvernement à mieux intégrer cet impératif et de permettre aux parlementaires de disposer d'un élément d'appréciation sur ce point correspondant à une forte attente. Un aspect de cette simplification est que l'étude d'impact justifie les dates prévues pour l'entrée en vigueur du projet de loi afin de favoriser le regroupement des dates d'application des différents textes et de préserver la stabilité des situations en cours.

Enfin, comme l'a démontré la délégation sénatoriale aux entreprises dans son rapport n° 433, l'étude d'impact ex ante n'est qu'un aspect de la rationalisation du travail législatif : un autre aspect essentiel est l'évaluation ex post . Il est souhaitable à cet égard que l'étude d'impact précise les critères d'évaluation qui permettront de mesurer l'efficacité de la loi au regard de ses objectifs initiaux. Cette précision orientera utilement la collecte des données nécessaires pour faciliter l'évaluation de la loi au terme de quelques années et nourrir un processus d'amélioration continue.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi organique.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article 1 er

La loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution est ainsi modifiée :

1° L'article 8 est ainsi modifié :

a) Les quatrième à onzième alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« - l'évaluation des coûts induits par le projet de loi pour les entreprises et les collectivités territoriales, en indiquant la méthode de calcul retenue ;

« - l'apport des dispositions envisagées en termes de simplification du droit, y compris en ce qui concerne le choix des dates d'entrée en vigueur ;

« - les mesures prévues pour faciliter l'évaluation de la loi dans un délai de cinq ans après son entrée en vigueur. » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Ils sont mis à jour par le Gouvernement, si nécessaire, à l'issue de la première lecture par chaque assemblée du projet de loi auxquels ils se rapportent. » ;

2° L'article 11 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « aux deuxième à septième alinéas et à l'avant-dernier alinéa de » sont remplacés par le mot : « à » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L'article 8 est applicable aux dispositions des projets de loi tendant à la transposition d'un acte législatif européen qui excèdent les exigences minimales de cet acte. »

Article 2

La loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances est ainsi modifiée :

1° Au 8° de l'article 51, les mots : « aux dix derniers alinéas de » sont remplacés par le mot : « à » ;

2° Au 4° de l'article 53, les mots : « aux dix derniers alinéas de » sont remplacés par le mot : « à ».

Article 3

Au 10° du III de l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale, les mots : « aux dix derniers alinéas de » sont remplacés par le mot : « à ».

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