Document "pastillé" au format PDF (570 Koctets)

N° 641

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juillet 2017

PROPOSITION DE LOI

d' orientation et de programmation pour le redressement de la justice ,

PRÉSENTÉE

Par M. Philippe BAS,

Sénateur

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La justice va mal. La réforme de l'institution judiciaire et la mise à niveau de ses moyens sont une urgence pour notre État de droit.

Telle est la conclusion essentielle des travaux de la mission d'information de votre commission des lois sur le redressement de la justice, dont rend compte son rapport (n° 495, 2016-2017) 1 ( * ) .

L'enjeu essentiel du redressement de la justice n'est pas le bouleversement de l'institution judiciaire, mais la modernisation de son fonctionnement.

Jamais ou presque la question du manque d'indépendance n'a spontanément été soulevée dans le cadre des travaux de la mission, sauf pour ce qui concerne l'achèvement de la révision constitutionnelle relative à la nomination et à la discipline des magistrats du parquet. C'est pourquoi la mission a concentré ses réflexions et ses propositions sur la question des moyens, de l'organisation et de la gestion des juridictions plutôt que sur la conception de réformes institutionnelles sans portée concrète. Solidement établie, en rien menacée, l'indépendance n'est pas non plus un obstacle à la modernisation nécessaire de l'activité juridictionnelle.

Alors que les délais s'allongent et que le stock d'affaires en attente d'être jugées augmente, le nombre de magistrats et de fonctionnaires de greffe reste insuffisant et les vacances de postes sont devenues endémiques : près de 500 postes de magistrats et 900 de greffiers ne sont pas pourvus aujourd'hui. Chaque année, ce sont plus de 2,7 millions d'affaires civiles et plus de 1,2 million d'affaires pénales nouvelles dont les juridictions sont saisies.

En dépit des augmentations de crédits intervenues au cours des dix dernières années, le fonctionnement de la justice judiciaire et de l'administration pénitentiaire n'apparaît pas digne d'une grande démocratie. L'institution judiciaire est proche de l'embolie, en matière civile, pour traiter les litiges de la vie courante de nos concitoyens, comme en matière pénale.

Le constat de départ est simple. Les crédits du ministère de la justice ont progressé année après année, en moyenne de 6,52 % par an entre 2002 et 2007, de 3,58 % entre 2007 et 2012 et de 2,93 % entre 2012 et 2017. Même si cette progression a profité davantage à l'administration pénitentiaire, les crédits destinés à la justice judiciaire ont aussi augmenté régulièrement. Pour autant, l'insuffisance des moyens des juridictions, humains et financiers, est manifeste au regard de l'ampleur de leurs activités. Les juridictions restent le parent pauvre du budget du ministère de la justice, pour ses effectifs comme pour ses crédits immobiliers ou encore de fonctionnement courant.

La chaîne pénale se caractérise par un phénomène de saturation, combinant lenteur des délais de mise à exécution des peines d'emprisonnement et surpopulation carcérale, alors que la préoccupation de la prévention de la récidive, et plus généralement celle de la réinsertion des condamnés, demeurent insuffisamment prises en compte par notre système pénitentiaire. Les modalités de la détention ne sont adaptées ni à la diversité des situations des condamnés et des prévenus ni à l'exigence d'un suivi individualisé de qualité pour prévenir la récidive.

L'inflation et l'instabilité législatives pèsent aussi sur le travail des juridictions. Souvent des lois peu utiles accroissent leur charge de travail. Une pause législative dans le domaine de la justice civile et pénale - ou tout au moins une modération législative - est nécessaire, sans préjudice d'un utile travail de simplification et d'allègement des procédures, notamment dans la perspective de leur dématérialisation.

Les innovations technologiques dans le domaine du droit et de la justice sont également un défi à relever. L'exemple le plus caractéristique est offert par ce que certains appellent la « justice prédictive », source d'inquiétude comme de progrès, appuyée sur l'exploitation massive des données des décisions de justice. Ces évolutions peuvent conduire à des dérives, mais elles peuvent aussi être un facteur de modernisation, tant par l'utilisation de nouveaux outils et la dématérialisation des procédures au sein de l'institution judiciaire que par le développement régulé des nouveaux acteurs du marché numérisé du droit, pour prévenir le contentieux ou pour améliorer le processus judiciaire. Ces innovations doivent être maîtrisées.

L'effort de redressement de la justice passe donc incontestablement par la remise à niveau de ses moyens humains et matériels, permettant d'améliorer son classement parmi les pays européens comparables à la France, autant que par de profondes réformes d'organisation, seules de nature à justifier une hausse substantielle et durable de ses crédits budgétaires dans un contexte très contraint pour les finances publiques.

Cet effort budgétaire doit se traduire dans une nouvelle loi de programmation quinquennale pour la justice, rapidement soumise à l'examen du Parlement. Tel est l'objet de la présente proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, qui prévoit l'augmentation des crédits et des effectifs du ministère de la justice pour la période de 2018 à 2022. La dernière loi de programmation pour la justice remonte à 2002.

La présente proposition de loi prévoit ainsi de porter les crédits de la mission « Justice » à 10,902 milliards d'euros en 2022, soit une progression moyenne de 5 % par an, et de créer 13 728 emplois supplémentaires pour atteindre le plafond de 96 954 emplois en 2022.

Outre la programmation des crédits et des effectifs, la présente proposition de loi comporte les réformes d'organisation et de structure qui doivent être mises en oeuvre sur la même période, pour celles qui relèvent de la compétence du législateur. L'accroissement des moyens doit aller de pair avec les réformes, voire dans certains cas les précéder. La réforme judiciaire ne doit pas être un succédané du manque de moyens, comme cela a trop souvent été le cas au cours des dernières années, au risque de ne pouvoir atteindre réellement ses objectifs.

L'institution judiciaire doit être, demain, à l'abri des soubresauts résultant des alternances politiques, à l'instar des autres grandes fonctions régaliennes que sont la défense, les affaires étrangères ou la lutte contre le terrorisme, mais aussi des à-coups budgétaires, de façon à sanctuariser ses crédits, comme pour les autres autorités de rang constitutionnel.

Sans esprit de système, avec pragmatisme et dans le souci d'améliorer le fonctionnement au quotidien du service public de la justice, la mission d'information a formulé 127 propositions dans les domaines qu'elle a jugés prioritaires, compte tenu de la situation actuelle des juridictions judiciaires et des prisons, certaines très opérationnelles, d'autres fixant des orientations ou ouvrant des pistes de réflexion à approfondir. La présente proposition de loi reprend celles de ces propositions qui relèvent du domaine de la loi ou qui nécessitent une assise législative. Elle est complétée par une proposition de loi organique, pour celles de ces propositions qui entrent dans le domaine de la loi organique.

D'un point de vue méthodologique, les propositions ainsi formulées sont complémentaires, liées les unes aux autres, formant une réforme d'ensemble cohérente en vue du redressement de la situation de l'institution judiciaire. Le rapport annexé à la proposition de loi rend compte de cette cohérence d'ensemble, en présentant tous les axes de réforme, qu'ils relèvent de la loi, du pouvoir réglementaire, de l'organisation ou de la pratique de l'administration.

Ces propositions s'articulent autour de plusieurs orientations principales, qui revêtent une importance plus structurante :

- relever dans la durée le budget et les effectifs de la justice ;

- moderniser le service public de la justice grâce aux technologies numériques ;

- créer le tribunal unique de première instance pour renforcer l'accessibilité de la justice et sa proximité avec le justiciable ;

- proposer une justice capable de régler rapidement les litiges de la vie courante en développant la conciliation et en la rendant plus efficace ;

- fonder un nouveau modèle de cour d'appel pour améliorer l'efficacité de la justice ;

- renforcer l'équipe de collaborateurs qui entoure le juge, pour lui permettre de se recentrer sur sa fonction de juger ;

- assurer un financement structurel de l'aide juridictionnelle, tout en renforçant le contrôle de son attribution et en mobilisant davantage la protection juridique assurantielle ;

- rendre plus efficace l'exécution des peines ;

- créer 15 000 nouvelles places de prison, adaptées et diversifiées.

Face au manque de moyens et aux dysfonctionnements quotidiens, le dévouement des magistrats et des fonctionnaires doit être salué. Notre justice fonctionne encore grâce à ce dévouement : une telle situation ne peut se prolonger indéfiniment. La réforme de la justice ne doit pas seulement améliorer son fonctionnement, au service des justiciables qui la sollicitent, mais aussi redonner confiance aux magistrats et aux fonctionnaires qui la servent.

À l'égard de nos concitoyens en demande de justice, les tribunaux doivent avant tout répondre à un impératif de service public : qualité, facilité d'accès, simplicité de fonctionnement, rapidité et, bien sûr, effectivité de l'exécution des jugements. Il suffit d'énoncer toutes ces exigences pour mesurer le chemin qui reste à accomplir pour que la justice réponde pleinement aux attentes des Françaises et des Français.

Outre les dispositions relatives à l'orientation et à la programmation du redressement de la justice, comportant la progression des crédits et des effectifs de la mission « Justice » et de ses programmes sur la période de 2018 à 2022, les différents chapitres de la présente proposition de loi correspondent aux grands axes du rapport d'information appelant une intervention du législateur.

Le rapport annexé à la présente proposition de loi présente les objectifs du redressement de la justice ainsi que les mesures permettant de les atteindre, au-delà des seules mesures relevant du domaine de la loi ordinaire ou de la loi organique.

Le chapitre I er de la proposition de loi traite des objectifs du redressement de la justice et regroupe les dispositions d'orientation et de programmation en faveur de la justice.

Les articles 1 er à 3 visent à traduire la proposition n° 126 du rapport d'information, qui préconise de « présenter au début de la prochaine législature un projet de loi de programmation, sur cinq ans, du redressement des crédits et des effectifs ainsi que des réformes d'organisation et de fonctionnement de la justice ».

L' article 1 er approuve les objectifs du redressement de la justice, les moyens qui lui sont consacrés et les réformes envisagées pour les années 2018 à 2022, qui sont présentés dans un rapport annexé.

L' article 2 présente ainsi la progression des crédits de paiement de la mission « Justice », répartis selon les programmes budgétaires qui la composent, sur la période 2018 à 2022, pour atteindre un montant de 10,902 milliards d'euros en 2022, soit un taux annuel moyen de progression de 5 % et un taux global de progression sur la période quinquennale de 27,63 %.

L' article 3 fait la même présentation d'une programmation sur cinq années à compter de 2018, concernant les effectifs de la mission « Justice », pour atteindre un plafond de 96 954 emplois en 2022.

Les articles 1 er à 3 permettent également de traduire l'ensemble des autres propositions du rapport, qui s'inscrivent dans le cadre de cette programmation budgétaire pluriannuelle.

En premier lieu, en matière de renforcement des capacités de pilotage du ministère de la justice et de modernisation du service public de la justice, il en est ainsi des propositions n os 2, 7, 8, 10, 14, 18, 20, 23, 35 et 42, qui préconisent notamment de « résorber les vacances de postes de magistrats et de greffiers », en renforçant « l'attractivité de certaines juridictions » et des fonctions administratives des services judiciaires, tout en assurant le financement de la remise à niveau de l'immobilier judiciaire. Il s'agit également de renforcer les équipes du secrétariat général et de la direction des services judiciaires, ainsi que, plus globalement, les compétences et l'expertise du ministère de la justice, notamment dans les domaines de l'informatique et de l'immobilier.

En deuxième lieu, les articles 1 er à 3 de la présente proposition de loi traduisent également les propositions du rapport sur le redressement de la justice précité visant à rendre l'institution judiciaire plus proche des citoyens, et notamment la proposition n° 55, afin qu'au préalable de la création du tribunal de première instance, il soit possible de « combler les vacances de postes de magistrats et de greffiers dans les juridictions et moderniser l'informatique judiciaire civile pour assurer un fonctionnement effectif du service d'accueil unique du justiciable », ainsi que la proposition n° 64, qui préconise de revaloriser les moyens mis à la disposition des conciliateurs de justice ainsi que leurs indemnités.

En troisième lieu, les propositions n° 71, visant la poursuite de « la remise à niveau des moyens de fonctionnement courant des juridictions », et n° 75, préconisant le « [ renforcement ] des équipes de gestion des chefs de cour et de juridiction », sont également incluses dans la programmation budgétaire proposée, afin d'améliorer l'organisation et le fonctionnement des juridictions en première instance et en appel, tout comme les propositions n os 87 et 91 qui préconisent respectivement d'« accorder une revalorisation statutaire pour les missions de magistrat coordonnateur ou responsable de pôle », et d'« expérimenter le déploiement de greffiers assistants du magistrat auprès des magistrats du siège ».

En quatrième lieu, l'augmentation des crédits de paiement dédiés à la mission « Justice » a également pour objet de traduire la proposition n° 123 du rapport précité, afin de « construire de nouveaux établissements pénitentiaires, permettant d'accroître le parc pénitentiaire d'au moins 15 000 places supplémentaires, en axant le programme principalement sur les maisons d'arrêt, notamment les centres pour courtes peines ».

L' article 4 de la proposition de loi vise à traduire un autre aspect de la proposition n° 64 du rapport sur le redressement de la justice précité, qui préconise notamment de « lancer un ambitieux plan de recrutement de conciliateurs de justice, pour qu'ils soient en nombre suffisant pour accomplir les missions qui leur sont confiées sur l'ensemble du territoire ». Il prévoit ainsi le recrutement de 1 500 conciliateurs de justice supplémentaires entre 2018 et 2022, pour atteindre le nombre de 3 420 conciliateurs de justice au terme de cette même période.

Enfin, l' article 5 prévoit, pour la durée de la programmation, la remise d'un rapport annuel au Parlement, préalablement au débat d'orientation budgétaire, sur l'exécution de la présente loi de programmation.

Le chapitre II de la proposition de loi regroupe les mesures de niveau législatif tendant à moderniser le service public de la justice en innovant et en maîtrisant la révolution numérique et visant à faire du ministère de la justice le « ministère de l'innovation » dans le domaine du droit et de la justice. Les évolutions en cours, apportant de nouveaux services aux justiciables, doivent à la fois être encouragées et encadrées, pour mieux contribuer à l'intérêt général. De nombreuses propositions du rapport d'information, complémentaires, ne relèvent pas de la compétence du législateur, mais sont développées dans le rapport annexé.

L'institution judiciaire doit s'impliquer davantage dans l'accompagnement de ces évolutions, pour ne pas les subir mais les orienter, au service de l'intérêt général.

L' article 6 vise à traduire la proposition n° 43 du rapport d'information précité, tendant à fixer un cadre juridique et déontologique plus précis et approprié pour la mise à disposition du public des décisions de justice.

La loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique applique le principe d'ouverture des données publiques aux décisions de justice judiciaire et administrative, mais sans y apporter toutes les garanties nécessaires. Elle a simplement prévu que ces décisions étaient mises à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées, cette mise à disposition devant être précédée d'une simple analyse du risque de ré-identification des personnes. Le respect de la vie privée n'englobe sans doute pas le fait de ne pas mentionner le nom des juges dans les données publiées.

En l'état, les enjeux de protection des données personnelles, pour les justiciables mais aussi pour les magistrats ou les avocats, ne semblent pas suffisamment pris en compte. En effet, au-delà de l'anonymisation de la décision, des informations non nominatives permettent tout de même d'identifier les parties, en raison de leurs qualités ou de la nature du contentieux.

En outre, dans les nombreuses affaires jugées à juge unique, les décisions publiées pourraient permettre de connaître le profil de chaque juge. Plus largement, il serait possible de dresser un profil moyen des jugements rendus par chaque juridiction dans tel ou tel type de contentieux. Il peut en résulter un risque de « forum shopping », si les critères de l'affaire s'y prêtent, c'est-à-dire la faculté pour le justiciable de choisir le tribunal le plus à même de satisfaire sa demande, en fonction de sa jurisprudence, mais aussi un risque d'atteinte à la liberté d'appréciation du magistrat et indirectement à l'impartialité des juridictions. En l'état du droit, l'exploitation des données judiciaires peut donc faire courir un risque de perturbation de l'office du juge et du cours normal de la justice.

La proposition de loi veut éviter ces dérives possibles, en prévoyant que les modalités de la mise à disposition des décisions de justice doivent prévenir tout risque de ré-identification des magistrats, des avocats, des parties et de toutes les personnes citées dans les décisions, ainsi que tout risque, direct ou indirect, d'atteinte à la liberté d'appréciation des magistrats et à l'impartialité des juridictions. Il appartiendra au décret en Conseil d'État prévu par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 d'y veiller concrètement.

L' article 7 vise à traduire la proposition n° 45 du rapport d'information précité, tendant à fixer un cadre juridique plus précis pour les sites internet de prestations juridiques et d'aide à la saisine de la justice, en renforçant les garanties de protection pour les justiciables et en favorisant la complémentarité entre ces nouveaux acteurs numériques, qui apportent un service utile et répondent à un besoin de simplicité, et les acteurs traditionnels du droit.

En effet, même si la Cour de cassation n'y a pas vu d'atteinte à l'exercice de la profession d'avocat 2 ( * ) , le développement de ces nouveaux services d'aide à la saisine des juridictions par internet, lorsque le ministère d'avocat n'est pas obligatoire, peut soulever des difficultés pour le justiciable, s'il n'est pas en mesure de connaître la procédure dans laquelle il peut s'engager inconsidérément ainsi que ses conséquences, notamment en raison de l'absence de conseil personnalisé sur le bien-fondé de sa demande.

La question se pose plus largement pour tous les services de diffusion d'information et de renseignement en matière juridique, qui sont aujourd'hui très consultés, concernant la fiabilité des informations et des documents mis à disposition du public.

L'intervention ponctuelle de la Cour de cassation ne peut pas être le seul mode de régulation de ce nouveau marché du droit numérisé. La protection du justiciable est un objectif d'intérêt général, qui justifie d'encadrer par la loi l'activité de ces nouveaux acteurs.

La proposition de loi instaure ainsi, sous peine de sanctions, des obligations déontologiques ainsi que des obligations d'information, qui s'ajouteraient à celles déjà prévues de manière générale par les articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation en matière d'information précontractuelle des consommateurs. Ces obligations seraient précisées par un décret en Conseil d'État. La proposition de loi introduit ces dispositions au sein du chapitre de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques qui encadre la consultation juridique.

Le régime des sanctions pénales prévues en cas de manquement à ces obligations reprend celui déjà prévu par l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dans un contexte similaire.

Enfin, la proposition de loi confirme que ces nouveaux services ne peuvent consister en des actes d'assistance et de représentation, qui relèvent de la profession d'avocat. L'exercice illicite de ces actes est déjà puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende par l'article 72 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 précitée.

L' article 8 vise à traduire la proposition n° 46 du rapport d'information précité, tendant à fixer un cadre juridique plus précis, protecteur pour le justiciable, permettant le développement du règlement alternatif des litiges en ligne et tendant à mettre en place un dispositif public de résolution des litiges en ligne, sous l'égide du ministère de la justice.

En complément des modes alternatifs de règlement des litiges plus traditionnels, à l'instar de la conciliation ou, dans le domaine de la consommation, de la médiation, les services d'aide à la résolution de litiges en ligne méritent d'être encouragés, notamment avec le développement du commerce électronique. Ils apportent une réponse plus simple et rapide que la justice pour des petits litiges de la vie courante, sans encombrer les juridictions civiles. Pour autant, les justiciables doivent bénéficier de garanties suffisantes lorsqu'ils ont recours à ces services, car ils sont souvent proposés par des opérateurs privés.

Ainsi, d'une part, la proposition de loi instaure pour ces acteurs, sous peine de sanction, des obligations d'information préalable, d'impartialité, de compétence, de diligence et, sauf accord contraire des parties, de confidentialité, qui seront précisées par un décret en Conseil d'État. Le régime des sanctions est fixé comme à l'article précédent.

D'autre part, la proposition de loi prévoit la mise en place d'une plate-forme publique et gratuite de résolution amiable des litiges civils en ligne, sous l'égide du ministère de la justice, en lien avec les autres acteurs du droit. Un tel dispositif pourrait fonctionner à l'aide de conciliateurs de justice ou de professionnels du droit habilités à cet effet, au vu des informations fournies par une partie et de l'accord de l'autre partie pour participer à cette méthode de résolution du litige. Une telle intervention publique serait complémentaire du rôle de l'institution judiciaire et des acteurs des modes alternatifs qui y participent ; elle favoriserait l'application de règles protectrices par tous les acteurs.

L' article 9 vise à traduire les propositions n° 47 à 49 du rapport d'information précité, tendant à encourager le développement régulé de l'exploitation des données judiciaires, en particulier ce que certains appellent la « justice prédictive », au service du bon fonctionnement de la justice, sous le pilotage de la Cour de cassation, en lien avec sa mission d'harmonisation des jurisprudences et de diffusion des décisions de justice.

Favoriser le développement de tels outils, tout en l'encadrant pour prévenir les dérives possibles et les risques de finalités contraires à l'intérêt public, pourrait permettre de prévenir davantage le contentieux en matière civile, mais aussi de contribuer à l'harmonisation des jurisprudences ainsi qu'à la prévisibilité et à la qualité des décisions de justice.

La « justice prédictive », même si elle n'a pas vocation à prédire la décision du juge de façon certaine, offre au justiciable comme à l'avocat la possibilité d'anticiper statistiquement une solution et de s'appuyer sur cette anticipation pour renoncer à saisir le juge ou s'engager dans un mode alternatif de règlement des litiges.

La liberté d'appréciation des magistrats doit rester entière : elle résulte de leur indépendance autant que de la nature même de leur mission, consistant à appliquer la règle de droit à une situation particulière. Le calcul statistique ne peut dicter la solution d'une affaire particulière, compte tenu du nombre de paramètres et des particularités de cette affaire.

Ainsi, la proposition de loi dispose que le premier président de la Cour de cassation veille à ce que l'exploitation des décisions de justice favorise l'harmonisation des jurisprudences, prévienne le contentieux en matière civile, contribue à améliorer la qualité des décisions de justice et ne porte pas atteinte à la liberté d'appréciation des magistrats et à l'impartialité des juridictions. À cette fin, il devra développer ses relations avec les différents acteurs publics et privés de l' open data judiciaire et pourra s'appuyer sur le service de documentation et d'études de la Cour, placé sous son autorité et déjà impliqué dans ces missions.

Le chapitre III de la proposition de loi regroupe les mesures de niveau législatif tendant à rendre l'institution judiciaire plus proche des citoyens, en créant le tribunal départemental unique de première instance et en renforçant la conciliation.

La section 1 du chapitre III est consacrée au tribunal de première instance.

L' article 10 vise à traduire les propositions n° 51 à 54 du rapport d'information précité, tendant à instaurer un tribunal unique de première instance, départemental dans la plupart des cas, qui regrouperait le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance, comporterait plusieurs sites, sous forme de chambres détachées en dehors de son siège, et s'appuierait dans ses relations avec les justiciables sur le service d'accueil unique du justiciable. Compte tenu de leur forte identité juridictionnelle et de leurs particularités, le conseil de prud'hommes et le tribunal de commerce n'entreraient pas dans le schéma du tribunal de première instance.

Le tribunal de première instance ne doit pas être conçu comme une réforme organisationnelle, à visée uniquement gestionnaire, destinée à mutualiser la pénurie actuelle de moyens humains et matériels, ou comme une nouvelle étape de rationalisation de la carte judiciaire, suivant d'autres voies. Ce regroupement de juridictions doit s'envisager, sauf exceptions locales, avec un maintien des implantations judiciaires actuelles, ce qui présente au demeurant l'avantage de ne pas soulever de problématiques immobilières nouvelles.

Le tribunal de première instance est conçu comme un mode d'organisation qui doit permettre de rapprocher l'institution judiciaire du justiciable, s'agissant du contentieux civil et pénal appelant un traitement dans la proximité. En outre, il pourrait également en résulter une amélioration de l'organisation et du fonctionnement des juridictions en première instance, sous la double condition préalable que soit mise à niveau l'informatique judiciaire civile, en particulier le projet Portalis , dont l'échéance est annoncée pour 2022, et que soit résorbé le phénomène récurrent des vacances de postes de magistrats et de fonctionnaires de greffe.

Le concept de tribunal de première instance doit aussi reposer sur la notion de taille efficiente de juridiction, largement partagée par les acteurs du monde judiciaire. Le regroupement des effectifs de magistrats et de fonctionnaires et des moyens de plusieurs tribunaux de grande instance d'un même département, au sein du tribunal de première instance, apparaît comme une solution pertinente pour rendre plus efficace le fonctionnement des juridictions, outre qu'une telle formule est facteur de simplicité d'accès pour le justiciable. Le tribunal de première instance doit être constitué, en principe, à l'échelon du département. Toutefois, dans certains départements, en raison de leur population particulièrement élevée ou éventuellement de leur configuration géographique, le tribunal unique de première instance départemental ne sera pas la formule la plus pertinente, de sorte que deux tribunaux pourraient exister.

Les avantages de la création du tribunal de première instance sont nombreux.

Outre un traitement des divers contentieux de la vie courante dans une plus grande proximité, par la projection dans les chambres détachées du tribunal de première instance d'une partie du contentieux actuellement traité par le tribunal de grande instance, la mise en place du tribunal de première instance offrirait aussi aux justiciables une meilleure lisibilité de l'organisation de la justice en première instance, du fait d'une architecture simplifiée, ainsi qu'une plus grande accessibilité des juridictions.

Le tribunal de première instance contribuerait aussi à améliorer les relations des juridictions, notamment des parquets, avec leurs partenaires institutionnels.

Le tribunal de première instance permettrait plus facilement de maintenir, et à moindre coût, les sites judiciaires existants, comme d'en créer de nouveaux, sans nécessairement la présence permanente de magistrats dans tous les sites extérieurs du tribunal de première instance.

Il donnerait une plus grande souplesse dans l'affectation et la gestion des magistrats et des fonctionnaires au sein d'une juridiction dotée d'effectifs et d'un périmètre plus importants. La vulnérabilité de la juridiction aux conséquences de la mobilité des personnels et des vacances de postes, ainsi que du développement du travail à temps partiel et des arrêts et congés, s'en trouverait réduite. Le tribunal de première instance améliorerait aussi l'organisation et l'encadrement des greffes.

Une telle organisation permettrait de mutualiser à une échelle supérieure certaines fonctions spécialisées chez les magistrats, dans les ressorts les moins peuplés, par exemple celles de juge des libertés et de la détention ou les fonctions du parquet, qui exigent des permanences ou sont moins attractives en raison des contraintes qu'elles induisent.

Un nombre plus important de magistrats au sein de la juridiction permettrait aussi, en dehors des contentieux traités dans la proximité, une plus grande spécialisation et donc in fine une meilleure qualité des décisions rendues en première instance.

Les problèmes d'attractivité de certaines petites juridictions s'en trouveraient réduits, car les magistrats affectés dans ces petites juridictions participeraient à des équipes plus importantes, propices à un meilleur exercice professionnel. En effet, la petite taille des équipes et la solitude des magistrats constituent, avec la localisation géographique, un facteur important de manque d'attractivité de certaines juridictions.

Le tribunal de première instance, conçu sur une base départementale, permettrait de renforcer la cohérence de l'action publique dans la répression des infractions entre, d'une part, le procureur de la République et, d'autre part, le préfet de département et les responsables des autres services compétents de l'État. Le préfet n'aurait plus face à lui, comme c'est le cas aujourd'hui dans nombre de départements, y compris des départements qui ne sont pas les plus peuplés, deux ou trois procureurs de la République.

Ainsi, la création du tribunal de première instance permettrait de renforcer la proximité et l'accessibilité des juridictions, en maintenant les lieux de justice actuels, tout en rationalisant leur organisation et leur fonctionnement. En effet, le modèle du tribunal de première instance ne présente un intérêt significatif que s'il permet un renforcement de la proximité pour le justiciable et une amélioration du traitement des contentieux.

Le concept de chambre détachée, utilisé ces dernières années pour opérer certains ajustements à la réforme de la carte judiciaire, permet de répondre de façon pertinente à cet objectif d'organisation territoriale dans la proximité, en particulier pour les justiciables fragiles et vulnérables. Les implantations du tribunal de première instance extérieures à son siège - notamment les anciens tribunaux d'instance - seraient constituées sous forme de chambres détachées, dotées d'un socle minimal de compétences de proximité en matière civile et pénale, fixé par décret, de nature à renforcer la proximité par rapport à la situation actuelle. Cette compétence minimale devrait comprendre, outre l'actuel contentieux des tribunaux d'instance, le contentieux des affaires familiales, actuellement traité par les tribunaux de grande instance, mais qui relève de façon naturelle de la proximité. En matière pénale, elle se limiterait aux réponses pénales les plus simples (mesures alternatives aux poursuites, notification des ordonnances pénales ou comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité en matière routière). La compétence de chaque chambre détachée pourrait être accrue, en fonction des particularités contentieuses du ressort, sur décision des chefs de cour, prise sur proposition des chefs de juridiction, après avis de l'assemblée générale des magistrats du tribunal de première instance 3 ( * ) .

Cette organisation territoriale permettrait aussi de soutenir localement l'activité des avocats des barreaux regroupés dans le cadre d'un unique tribunal de première instance.

Lorsque l'enjeu de proximité est moindre, le siège du tribunal de première instance resterait compétent, pour des contentieux plus complexes ou moins courants pour les justiciables, pour lesquels le ministère d'avocat est généralement obligatoire, au nom du principe de spécialisation. Des magistrats plus nombreux et plus spécialisés, au siège du tribunal de première instance, pourraient prendre en charge ces contentieux.

La mise en place du tribunal de première instance devra se faire de façon progressive, sur la période de la loi de programmation, en fonction de l'évolution des effectifs et des moyens et de la concertation locale. Ainsi, le tribunal de première instance pourrait être créé de façon échelonnée, département par département, au fur et à mesure du processus de comblement des vacances de postes, sans préjudice de la préfiguration du nouveau tribunal, au sein de chaque département, sous l'autorité des chefs de cour, par des chefs de juridiction et des directeurs de greffe désignés à cet effet pour conduire ce projet. Aussi la proposition de loi prévoit-elle une entrée en vigueur à une date fixée par décret, au plus tard le 1 er janvier 2022, avec la possibilité d'une application différenciée dans le temps, département par département.

Le regroupement au sein du tribunal de première instance du contentieux dévolu actuellement au tribunal d'instance et de celui traité par le tribunal de grande instance ne doit pas conduire à étendre ou à modifier le champ de l'obligation de représentation par ministère d'avocat.

L' article 11 vise à traduire les propositions n° 56 et 57 du rapport d'information précité, destinées à apporter, dans la loi, des garanties statutaires aux magistrats et aux personnels de greffe dans la nouvelle structure du tribunal de première instance. Ces garanties s'ajouteraient au fait que le tribunal de première instance devrait se mettre en place progressivement, en fonction de la progression des moyens humains et matériels de la justice.

S'agissant des magistrats du siège, ils devraient être affectés au tribunal de première instance, puis répartis entre les différents pôles, services et chambres du tribunal, ainsi qu'entre le siège de la juridiction et les chambres détachées, selon la procédure actuelle de l'ordonnance de roulement, prise par le président du tribunal après avis de l'assemblée des magistrats du siège. En l'état du droit, il existe déjà une certaine souplesse, puisqu'un magistrat chargé du service d'une chambre détachée d'un tribunal de grande instance peut être appelé à siéger au tribunal de grande instance ou peut partager son service entre plusieurs chambres détachées. Une telle organisation ne remet pas en cause le principe d'inamovibilité des magistrats du siège.

Ainsi, des magistrats pourront assurer leur service, de façon totale ou partielle, au siège du tribunal de première instance ou dans une de ses chambres détachées. On peut assez aisément concevoir qu'un magistrat partage sa semaine, voire son mois, de service entre le siège du tribunal et une chambre détachée ou, à l'inverse, que l'activité de la chambre détachée requière le service permanent d'un ou de plusieurs magistrats.

S'agissant des magistrats du parquet, la question ne soulève guère de difficulté, d'autant que l'activité pénale des chambres détachées n'appellerait sans doute pas la présence permanente d'un représentant du ministère public. Un magistrat du parquet pourra se rendre ponctuellement dans une chambre détachée, l'essentiel de son service s'effectuant au siège de la juridiction.

S'agissant des fonctionnaires des greffes, indépendamment de la question de leurs effectifs, l'exigence de stabilité est plus importante, d'autant qu'ils n'ont pas d'obligation de mobilité, à la différence des magistrats. La proposition de loi prévoit donc de garantir une affectation géographiquement stable aux fonctionnaires, dans un site judiciaire donné, que ce soit au siège du tribunal de première instance ou dans une chambre détachée.

Une telle garantie serait globalement comparable à la situation actuelle : les fonctionnaires sont affectés au greffe d'une juridiction, qu'il s'agisse du tribunal d'instance ou du tribunal de grande instance, et ne peuvent être temporairement affectés au sein d'une autre juridiction dans le ressort du tribunal de grande instance que par un mécanisme de délégation. Au sein du tribunal de première instance, le mécanisme de la délégation devrait donc être organisé, entre le siège et les chambres détachées : la délégation résulterait d'une décision conjointe des chefs de juridiction, prise après avis du directeur des services de greffe judiciaires, pour nécessité de service et pour une durée limitée. Un régime indemnitaire spécifique devrait être prévu pour la durée de la délégation.

La section 2 du chapitre III renforce la conciliation.

L' article 12 est la traduction législative de la proposition n° 63 du rapport d'information précité. Il vise à renforcer les effets de la procédure de conciliation menée par les conciliateurs de justice, pour les litiges relevant, en raison de leur nature ou de leur montant, de la compétence du juge chargé des contentieux de proximité.

Il permet de donner force exécutoire aux accords trouvés par les parties dans le cadre de la conciliation préalable à la saisine du juge ou réalisée au cours de la procédure judiciaire.

En cas de désaccord total ou partiel, et dans l'hypothèse où les parties envisageraient de poursuivre la procédure judiciaire, cet article prévoit que le conciliateur transmet au juge le bulletin de non-conciliation, accompagné de sa proposition de règlement du litige, dans le respect du secret des échanges qui ont eu lieu au cours de la conciliation.

Le juge aurait alors la possibilité d'avaliser directement cette proposition sans appeler les parties à l'audience, à moins que l'une d'entre elles demande à être entendue.

Cette disposition n'a pas été introduite à l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle, car elle a vocation à s'appliquer à toutes les tentatives de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge d'instance, et pas seulement aux hypothèses de saisine par déclaration au greffe visées par l'article 4 4 ( * ) , ainsi qu'aux tentatives de conciliation ordonnées par le juge en cours d'instance.

L' article 13 est la traduction législative de la proposition n° 65 du rapport d'information précité. Il vise à permettre aux juges chargés des contentieux de proximité d'être assistés de « délégués du juge », recrutés sous le statut de juristes assistants auxquels ils pourraient confier leur mission de conciliation et, en cas d'échec de celle-ci, qui seraient compétents pour rédiger un projet de jugement.

Ces « délégués du juge » pourraient également être issus du corps des greffiers. À cet égard, il faudra envisager une modification des dispositions réglementaires qui régissent le statut des greffiers 5 ( * ) .

En outre, cet article procède également à une coordination entre le statut des juristes assistants et celui des assistants de justice.

Le chapitre IV de la proposition de loi regroupe les mesures de niveau législatif visant, en complément de celles tendant à rapprocher l'institution judiciaire des citoyens, à améliorer l'organisation et le fonctionnement des juridictions en première instance et en appel.

La section 1 du chapitre IV concerne la compétence des tribunaux de commerce, renommés tribunaux des affaires économiques.

Les articles 14 et 15 visent à traduire la proposition n° 60 du rapport d'information précité, consistant à étendre la compétence du tribunal de commerce à l'ensemble des entreprises, pour en faire un réel tribunal des affaires économiques et ainsi, de ce fait, recentrer la mission civile du tribunal de première instance sur les litiges intéressant les particuliers, et à élargir en conséquence le corps électoral des juges consulaires.

Le premier article, applicable dès le 1 er janvier 2018, élargit le corps électoral, tandis que le second article, applicable au plus tard le 1 er janvier 2022, étend la compétence du tribunal, dans le livre VI du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises comme dans le livre VII relatif à l'organisation et aux compétences du tribunal de commerce.

En effet, en fonction de leur secteur d'activité, toutes les entreprises ne relèvent pas aujourd'hui du tribunal de commerce. Celui-ci est compétent pour les personnes ayant le statut de commerçant et les sociétés commerciales et, à compter du 1 er janvier 2022, à l'initiative du Sénat dans la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle, pour les artisans. En revanche, le tribunal de grande instance demeure aujourd'hui compétent pour les exploitants agricoles et les professionnels libéraux, à moins qu'ils aient opté pour un statut de société commerciale, ainsi que pour les personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique.

Puisque les contentieux et les difficultés économiques auxquels peuvent être confrontées les entreprises relevant de la compétence du tribunal de grande instance sont similaires à ceux que peuvent connaître les entreprises relevant du tribunal de commerce, l'ensemble des entreprises, quels que soient leur statut et leur secteur d'activité, devraient relever de la même juridiction, permettant un traitement plus homogène, cohérent et efficace des affaires, dans une logique de bloc de compétence et de simplification. Ainsi, un contentieux concernant des professionnels libéraux, des exploitants agricoles ou des organismes non lucratifs ayant une activité économique, ou encore une procédure de redressement judiciaire concernant ces mêmes entreprises, devrait relever du tribunal de commerce.

La proposition de loi prévoit donc que les litiges professionnels concernant les agriculteurs, les professionnels libéraux, y compris pour les professions réglementées, et les personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique relèveront de la compétence du tribunal de commerce, dont la dénomination serait en conséquence modifiée en tribunal des affaires économiques.

Une telle extension de la compétence des tribunaux de commerce exige un élargissement de leur corps électoral aux membres de ces professions - plus exactement un élargissement du corps électoral des délégués consulaires, qui forment eux-mêmes le collège électoral des juges consulaires, dans le cadre d'un scrutin indirect. Cet élargissement suppose de disposer, pour l'organisation des opérations électorales, de listes fiables des entrepreneurs pouvant avoir la qualité d'électeur. La proposition de loi mentionne ainsi les agriculteurs inscrits au registre des actifs agricoles situés dans le ressort du tribunal, ainsi que les personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, situées dans ce même ressort, inscrites à un ordre professionnel ou déclarées auprès de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF). Toutefois, la proposition de loi n'étend pas le corps électoral aux personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique, compte tenu de la difficulté à en établir la liste.

En outre, même si la présente proposition de loi ne le prévoit pas, d'autres contentieux de nature économique et relevant aujourd'hui du tribunal de grande instance pourraient à terme être transférés au tribunal des affaires économiques, dès lors que rien ne justifie plus cette compétence du tribunal de grande instance. Il en est ainsi, en particulier, des litiges entre bailleur et preneur en matière de baux commerciaux.

La section 2 du chapitre IV concerne l'organisation du conseil de prud'hommes.

L' article 16 vise à traduire la proposition n° 62 du rapport d'information précité, pour ce qui relève du domaine de la loi, en permettant de modifier de façon permanente, en cours de mandat, la répartition des conseillers entre les sections de chaque conseil de prud'hommes, pour l'adapter à l'évolution de l'activité contentieuse au sein de chaque section (agriculture, industrie, commerce, activités diverses et encadrement), résultant des évolutions économiques et de l'emploi de long terme propre à chaque secteur économique, mais aussi des contentieux de masse liés au contexte local (fermeture d'un site industriel...) et des éventuelles vacances de mandat de conseiller.

En effet, en l'état du droit, l'affectation d'un conseiller dans une autre section ne peut être que temporaire, alors que le nombre de conseillers par section est fixé par décret, ce qui rend plus difficile leur modification pour tenir compte de l'évolution différenciée de la charge d'activité de chaque section. On constate aujourd'hui un déséquilibre entre le nombre de conseillers et le volume des affaires entre les sections de beaucoup de conseils de prud'hommes.

En cas de difficulté provisoire de fonctionnement d'une section, le président du conseil de prud'hommes, après avis conforme du vice-président et avec l'accord du conseiller intéressé, peut affecter un conseiller dans une section autre que celle à laquelle il a été désigné initialement, pour une durée de six mois renouvelable deux fois. Il s'agit d'une mesure d'administration judiciaire, prise par ordonnance non susceptible de recours.

La proposition de loi reprend ce dispositif d'affectation temporaire dans une autre section déjà prévu par le code du travail, pour concevoir un dispositif similaire en cas de difficulté durable de fonctionnement d'une section, permettant une affectation définitive dans une autre section. Compte tenu du caractère définitif de la décision, elle devrait être prise par le président, après avis conforme du vice-président et accord de l'intéressé, comme c'est déjà le cas, mais également avec l'approbation du premier président de la cour d'appel. Une telle approbation permettrait de développer le dialogue entre le président du conseil de prud'hommes et le premier président, sur le fonctionnement du conseil.

La section 3 du chapitre IV concerne l'adaptation de la carte judiciaire.

L' article 17 vise à traduire la proposition n° 80 du rapport d'information précité, consistant à instaurer un mécanisme de réévaluation périodique de la carte judiciaire, au moins tous les cinq ans, voire permanent, sur la base de critères rationnels, objectifs et partagés, pour faire évoluer le réseau et l'implantation des sites judiciaires de première instance, en fonction des évolutions locales et de l'exigence de proximité.

Un tel dispositif permanent de suivi et de réévaluation de la carte judiciaire, sur la base d'un ensemble de critères rationnels et objectifs, permettrait d'assurer la sérénité des débats sur la carte judiciaire, en les focalisant sur les enjeux locaux d'organisation judiciaire, au plus près des justiciables. Il systématiserait l'exercice réalisé par le rapport remis en février 2013 au garde des sceaux par M. Serge DAËL sur l'évaluation de la carte judiciaire.

La proposition de loi prévoit un examen au moins tous les cinq ans, au vu des observations des chefs de cour et dans un rapport rendu public, du siège et du ressort des tribunaux de première instance et de leurs chambres détachées, ainsi que des autres juridictions de première instance, afin de déterminer s'il y a lieu de les modifier ou bien de créer ou de supprimer des juridictions ou des chambres détachées. Ce rapport pourrait être élaboré par un comité permanent d'évaluation de la carte judiciaire, comprenant les différentes parties prenantes.

Un tel mécanisme permettrait de gérer de façon plus fluide et locale, moins brutale et globale, l'évolution de la carte, sans les bouleversements ni les traumatismes suscités par la réforme de 2008. Il permettrait de réévaluer périodiquement l'implantation des chambres détachées du tribunal de première instance. Au surplus, avec l'organisation du tribunal de première instance, il serait plus simple de créer une nouvelle implantation judiciaire, sous forme de chambre détachée, que de créer aujourd'hui un nouveau tribunal de plein exercice. Cette souplesse doit permettre de faire évoluer de façon plus harmonieuse la carte judiciaire, dans le sens de la proximité.

Le chapitre V de la proposition de loi regroupe les mesures de niveau législatif tendant à accroître la maîtrise des dépenses de justice dans le domaine de l'aide juridictionnelle. Les propositions de la mission d'information relatives à la maîtrise des frais de justice, quant à elles, ne sont pas de niveau législatif.

L' article 18 est la traduction législative de la proposition n° 103 du rapport d'information précité. Il vise à rétablir la contribution pour l'aide juridique supprimée par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

La suppression de ce financement, qui représentait chaque année plus de 50 millions d'euros, a été compensée par une prise en charge par l'État, à travers une « rebudgétisation », et par la hausse de diverses taxes au fil du temps. Cependant, ces mesures, relevant tout au plus d'ajustements ponctuels, n'ont pas permis d'assurer un financement structurel suffisant de l'aide juridictionnelle.

La contribution pour l'aide juridique apporte une réponse simple et efficace au besoin de financement de l'aide juridictionnelle, pour un coût modique pour le justiciable.

Par ailleurs, la mission a estimé qu'il était pertinent que les usagers du service public de la justice participent au financement de son fonctionnement, à travers une contribution permettant à ceux qui ne disposent pas des ressources nécessaires de faire valoir leurs droits, sur le modèle de ce qui est pratiqué en matière de santé avec le ticket modérateur.

Le rétablissement de la contribution pour l'aide juridique aurait également pour effet de responsabiliser les justiciables tentés d'engager des recours de manière abusive.

En revanche, pour éviter qu'elle ne dissuade les justiciables de saisir le juge dans le cas de litiges de faible valeur, il est prévu que cette contribution sera modulée, de 20 à 50 euros, en fonction du type d'instance engagée.

Comme lors de sa mise en place en 2011, la contribution n'aurait pas à être acquittée pour certains contentieux, auxquels cet article ajoute les procédures engagées par les salariés devant les conseils de prud'hommes. Comme par le passé, les personnes éligibles à l'aide juridictionnelle ne seraient pas redevables de la contribution.

L' article 19 est la traduction législative de la proposition n° 110 du rapport d'information précité. Il prévoit la consultation obligatoire d'un avocat préalablement au dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle, à l'exception des actions pour lesquelles le justiciable est défendeur ou, en matière pénale, des demandes relevant de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle en raison de leur caractère urgent.

Il vise à rendre effectif le filtre actuellement prévu par l'article 7 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, qui n'est jamais appliqué. Cet article prévoit que l'aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l'action n'apparaît pas, manifestement, irrecevable ou dénuée de fondement.

Cette consultation serait rétribuée comme un acte d'aide juridictionnelle, dès lors que le demandeur de l'aide remplit bien les autres conditions que celles relatives au bien-fondé de son action.

L' article 20 est la traduction législative de la proposition n° 106 du rapport d'information précité. Il vise à rendre obligatoire la consultation par les bureaux d'aide juridictionnelle des services ou des organismes sociaux pour apprécier les ressources du demandeur.

Cette mesure doit s'accompagner de la mise en place d'un outil informatique simple et efficace permettant aux bureaux d'aide juridictionnelle d'octroyer ou de retirer l'aide juridictionnelle.

L' article 21 est la traduction législative de la proposition n° 111 du rapport d'information précité. Il vise à permettre une meilleure application du principe de subsidiarité, en vertu duquel l'aide juridictionnelle n'est accordée que si les frais de l'action du demandeur ne sont pas déjà couverts par une protection juridique assurantielle.

Il permet ainsi aux bureaux d'aide juridictionnelle de vérifier auprès des compagnies d'assurance que le demandeur ne bénéficie pas d'une couverture assurantielle de tout ou partie des frais couverts par l'aide juridictionnelle sollicitée.

Cet article s'inspire notamment du dispositif de recherche des contrats d'assurance vie en cas de décès du souscripteur, mis en place par les lois n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance et n° 2007-1775 du 17 décembre 2007 permettant la recherche des bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie non réclamés et garantissant les droits des assurés. Ce dispositif est confié à l'association pour la gestion des informations sur le risque en assurance (AGIRA). Il permet notamment à toute personne physique ou morale de s'informer sur l'existence d'une stipulation effectuée à son bénéfice dans une police souscrite par une personne physique dont elle apporte, par tout moyen, la preuve du décès.

L' article 22 est la traduction législative de la proposition n° 109 du rapport d'information précité. Il vise à améliorer le taux de recouvrement des sommes versées au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à la suite d'une décision de retrait de l'aide ou auprès de la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès dès lors que celle-ci n'est pas bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, en confiant ce recouvrement au Trésor public.

En pratique, le retrait de l'aide juridictionnelle n'est que rarement ordonné - il représente environ 0,1 % du nombre d'admissions annuel - et, quand il l'est, les sommes ne sont recouvrées que dans 3 ou 4 % des cas.

Le chapitre VI de la proposition de loi regroupe les mesures visant à redresser la justice pénale, concernant la procédure d'appel et de cassation en matière pénale et visant à redonner un sens à la peine d'emprisonnement.

La section 1 du chapitre VI adapte la procédure d'appel et de cassation en matière pénale.

L' article 23 est la traduction législative de la proposition n° 83 du rapport précité. Il vise à étendre le droit d'appel à l'ensemble des contraventions de police.

Actuellement, le droit d'appel des contraventions est limité aux seules contraventions de la cinquième classe, aux jugements de police rendus pour les contraventions de la troisième à la quatrième classe dès lors que la peine d'amende prononcée est supérieure à 150 euros et tous les jugements de police dès lors qu'ils prononcent une peine de suspension du permis de conduire.

La création d'une voie de recours en appel pour toutes les contraventions de police permet de moderniser l'organisation des voies de recours : la Cour de cassation ne serait plus saisie que des seuls recours en cassation et les appels seraient traités par la cour d'appel, composée du seul président de la chambre des appels correctionnels, siégeant à juge unique en application de l'article 547 du code de procédure pénale.

L' article 24 est la traduction législative de la proposition n° 84 du rapport précité. Il vise à sanctionner les appels et les pourvois abusifs en matière correctionnelle 6 ( * ) par une amende civile.

À l'inverse de la procédure civile qui sanctionne par une amende civile de 10 000 euros l'action en justice dilatoire ou abusive (article 32-1 du code de procédure civile), l'appel principal dilatoire ou abusif (article 559 du code de procédure civile), le recours dilatoire ou abusif (article 581 du code de procédure civile) et le pourvoi en cassation abusif (628 du code de procédure civile), aucune sanction n'est prévue en matière pénale contre l'exercice abusif ou dilatoire de voies de recours. Seule la constitution de partie civile abusive ou dilatoire est actuellement sanctionnée d'une amende civile.

L' article 25 est la traduction législative de la proposition n° 85 du rapport précité. Il vise à permettre au condamné et au ministère public de ne faire appel, en matière criminelle, que du quantum , de la nature ou des modalités de la peine.

En matière criminelle, l'appel n'est pas dévolutif comme en matière correctionnelle : en matière correctionnelle, l'acte d'appel peut ne pas être général et limiter les points sur lesquels la cour peut statuer.

Dès lors, en l'absence de fondement juridique, la cour d'assises statuant en appel doit réexaminer l'intégralité de l'affaire et tout acte d'appel non général est considéré comme irrecevable.

Le présent article répond à cet état du droit qui prive actuellement les condamnés et le ministère public de la possibilité de ne faire appel que de la peine, par exemple.

L' article 26 est la traduction législative de la proposition n° 86 du rapport précité. Il vise à rendre obligatoire la représentation devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.

À la différence de la procédure de cassation devant les chambres civiles de la Cour de cassation, la procédure de cassation en matière pénale n'impose pas que les pourvois soient soutenus par un avocat aux conseils.

Malgré l'apparence d'un plus large accès au juge pour le justiciable, les chances pour ce dernier de voir aboutir ses pourvois sont en réalité réduites eu égard à la technicité du droit pénal. En 2014, 56 % des mémoires personnels ont abouti à une décision de non-admission contre seulement 9 % des pourvois soutenus par un avocat aux Conseils.

L'absence de représentation obligatoire ne permet pas aux avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation de jouer leur rôle habituel de conseil, qui permet de dissuader les justiciables de former des pourvois voués à l'échec, et oblige la Cour de cassation à se prononcer sur de très nombreux pourvois manifestement infondés, au détriment de sa mission de garantir la bonne application du droit.

La section 2 du chapitre VI concerne l'exécution des peines.

L' article 27 est la traduction législative des propositions n° 119, 120 et 121 du rapport précité. Il vise à clarifier le régime d'exécution des peines d'emprisonnement.

Actuellement, les condamnations à une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à deux ans, ou un an si le condamné est en récidive légale, ne peuvent être exécutées, si le prévenu comparaissait libre ou s'il était absent à l'audience, sans le préalable obligatoire d'un examen systématique de sa situation par le juge de l'application des peines, chargé de définir les modalités d'exécution de la peine.

Or l'obligation d'examen des peines d'une durée inférieure ou égale à deux ans d'emprisonnement - ou un an en état de récidive légale -, procédure définie à l'article 723-15 du code de procédure pénale, a formalisé une déconnexion entre le prononcé de la peine et son exécution.

D'une part, cette procédure permet au juge de l'application des peines d'aménager intégralement des peines d'emprisonnement, c'est-à-dire réduire la durée ou prévoir une modalité différente d'exécution (sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, conversion en jours-amende, semi-liberté, placement extérieur, placement sous surveillance électronique, fractionnement), très rapidement après le prononcé de la condamnation par la juridiction de jugement.

D'autre part, en l'absence de mandat de dépôt décerné à l'audience, si le condamné est libre, sa peine peut ne pas être exécutée, selon les modalités initiales définies par la juridiction de jugement, avant plusieurs mois, voire plusieurs années.

En conséquence, cet article supprime l'examen obligatoire par le juge de l'application des peines des condamnations à une peine inférieure ou à égale à deux ans d'emprisonnement, car ce dispositif a dénaturé le sens de la peine d'emprisonnement.

Cela permettrait de réaffirmer le rôle des juridictions de jugement dans la détermination de la peine effectivement exécutée par le condamné.

En effet, d'une part, la juridiction de jugement conserverait ses facultés d'aménagement ab initio des peines d'emprisonnement, dès le stade du prononcé, lorsque la situation médicale, professionnelle, familiale ou sociale du condamné le justifie. Elle peut ainsi aujourd'hui aménager les peines d'emprisonnement d'une durée inférieure à deux ans, ou à un an en cas de récidive légale, suivant quatre modalités : la semi-liberté, le placement extérieur, le placement sous surveillance électronique et le fractionnement de la peine. Conservant cette faculté, le présent article propose cependant de réduire le seuil d'aménagement ab initio par la juridiction de jugement aux peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à un an, ou six mois en cas de récidive légale.

D'autre part, cet article propose qu'en remplacement d'un examen obligatoire par le juge de l'application des peines, lorsque la juridiction de jugement ne disposerait pas de suffisamment d'éléments sur la situation du condamné pour prononcer un aménagement, elle pourrait remettre au condamné à une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à un an, ou six mois en cas de récidive légale, une convocation devant le juge de l'application des peines en vue de déterminer les modalités d'exécution de la peine, ainsi qu'une convocation devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation. Le juge de l'application des peines ne serait donc plus obligatoirement saisi.

L' article 28 est la traduction législative de la proposition n° 124 du rapport précité, visant à permettre l'accompagnement des sorties d'incarcération par un suivi socio-judiciaire.

Comme le recommandait le rapport de la commission présidée par M. Bruno COTTE, président honoraire de la chambre criminelle de la Cour de cassation, cet article vise à faire du suivi socio-judiciaire une peine complémentaire de portée générale susceptible d'être prononcée pour tous les délits et les crimes, contrairement à l'état du droit actuel qui exige une prévision législative expresse pour chaque infraction. Cela permettrait de soumettre tous les condamnés, une fois leurs peines d'emprisonnement purgées, à des obligations particulières pendant une certaine durée.

Fixée par la juridiction de jugement, cette durée ne pourrait excéder trois années pour un délit, dix ans pour les délits commis en récidive et pour certains délits relatifs à des infractions sexuelles ou commises sur des mineurs et vingt ans pour un crime. Par dérogation, cette durée pourrait être portée à vingt ans pour certains délits lorsque la juridiction le motiverait spécialement, à trente ans pour les crimes punis de trente ans de réclusion criminelle, voire ne pas connaître de limite dans le temps pour les crimes punis de la réclusion criminelle à perpétuité.

Contrairement aux aménagements de peine intervenant en cours de détention, la peine de suivi socio-judiciaire est prononcée dès le stade de la condamnation par la juridiction de jugement et permet un suivi au-delà de l'exécution de la peine d'emprisonnement.

Cet article modifie également les règles de compétence quant à la sanction de l'inexécution du suivi socio-judiciaire : si le juge de l'application des peines reste compétent pour assurer le contrôle et l'effectivité de ce suivi, qu'il peut modifier, c'est le président du tribunal de grande instance ou un juge qu'il délègue qui serait compétent pour mettre à exécution la durée de l'emprisonnement prononcée en cas de non-respect des obligations d'un suivi socio-judiciaire.

Le chapitre VII de la proposition de loi regroupe les dispositions finales.

L' article 29 traite des conséquences financières pour l'État de la proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

CHAPITRE I ER

ORIENTATION ET PROGRAMMATION DU REDRESSEMENT DE LA JUSTICE

Article 1 er

Sont approuvés les objectifs du redressement de la justice et les moyens qui lui sont consacrés pour les années 2018 à 2022, figurant dans le rapport annexé à la présente loi.

Article 2

La progression des crédits de paiement de la mission « Justice », en euros courants, entre 2018 et 2022 s'effectuera selon le calendrier suivant :

2018

2019

2020

2021

2022

Mission « Justice »

8 733 512 142

8 974 042 001

9 420 059 278

10 059 867 430

10 902 216 303

dont programme justice judiciaire

3 420 144 300

3 522 748 629

3 628 431 088

3 737 284 021

3 849 402 542

dont programme administration pénitentiaire

3 691 892 789

3 802 649 572

4 106 861 538

4 599 684 923

5 289 637 661

dont programme conduite et pilotage de la politique de la justice

378 405 668

397 325 952

425 138 768

454 898 482

486 741 376

dont programme accès au droit et à la justice

406 623 117

410 689 349

414 796 242

418 944 205

423 133 647

dont programme protection judiciaire de la jeunesse

831 878 444

836 037 836

840 218 025

844 419 115

848 641 211

dont programme Conseil supérieur de la magistrature

4 567 823

4 590 663

4 613 616

4 636 684

4 659 867

Article 3

La progression des effectifs de la mission « Justice », en équivalents temps plein travaillé, entre 2018 et 2022 s'effectuera selon le calendrier suivant :

2018

2019

2020

2021

2022

Plafond d'emplois de la mission « Justice »

85 748

88 377

91 118

93 975

96 954

dont programme justice judiciaire

33 239

33 738

34 244

34 758

35 279

dont programme administration pénitentiaire

41 167

43 226

45 387

47 656

50 039

dont programme conduite et pilotage de la politique de la justice

2 200

2 244

2 289

2 335

2 382

dont programme protection judiciaire de la jeunesse

9 119

9 147

9 174

9 202

9 229

dont programme conseil supérieur de la magistrature

22

23

24

25

25

Article 4

La progression du nombre de conciliateurs de justice entre 2018 et 2022 s'effectuera selon le calendrier suivant :

2018

2019

2020

2021

2022

Nombre de conciliateurs de justice

2 220

2 520

2 820

3 120

3 420

Article 5

Jusqu'en 2022, le Gouvernement présente chaque année au Parlement, préalablement au débat sur les orientations des finances publiques, un rapport sur l'exécution de la présente loi.

CHAPITRE II

MODERNISER LE SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE EN INNOVANT ET EN MAÎTRISANT LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

Article 6

I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 111-13 du code de l'organisation judiciaire est ainsi rédigé :

« Les modalités de cette mise à disposition préviennent tout risque de ré-identification des magistrats, des avocats, des parties et de toutes les personnes citées dans les décisions, ainsi que tout risque, direct ou indirect, d'atteinte à la liberté d'appréciation des magistrats et à l'impartialité des juridictions. »

II. - Le troisième alinéa de l'article L. 10 du code de justice administrative est ainsi rédigé :

« Les modalités de cette mise à disposition préviennent tout risque de ré-identification des juges, des avocats, des parties et de toutes les personnes citées dans les décisions, ainsi que tout risque, direct ou indirect, d'atteinte à la liberté d'appréciation des juges et à l'impartialité des juridictions. »

Article 7

Après l'article 66-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, il est inséré un article 66-1-1 ainsi rédigé :

« Art. 66-1-1 . - Les personnes proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne fournissant des prestations d'information et de renseignement en matière juridique ou d'aide à la saisine des juridictions respectent des obligations d'information préalable du public et de déontologie définies par un décret en Conseil d'État.

« Elles ne peuvent réaliser, de quelque manière que ce soit, aucun acte d'assistance ou de représentation au sens de l'article 4 de la présente loi sans recourir à un avocat.

« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, pour une personne physique ou le dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale exerçant l'activité définie au premier alinéa, de ne pas avoir respecté les prescriptions de ce même alinéa.

« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de ces infractions dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal. Elles encourent une peine d'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du même code, ainsi que les peines mentionnées aux 2° et 9° de l'article 131-39 dudit code. L'interdiction mentionnée au 2° de cet article est prononcée pour une durée maximale de cinq ans et porte sur l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise. »

Article 8

Après l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle, sont insérés deux articles 4-2 et 4-3 ainsi rédigés :

« Art. 4-2 . - Les personnes proposant, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne fournissant des prestations d'aide à la résolution amiable des litiges respectent des obligations d'information préalable, d'impartialité, de compétence, de diligence et, sauf accord contraire des parties, de confidentialité précisées par un décret en Conseil d'État.

« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, pour une personne physique ou le dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale exerçant l'activité définie au premier alinéa, de ne pas avoir respecté les prescriptions de ce même alinéa.

« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de ces infractions dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal. Elles encourent une peine d'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du même code, ainsi que les peines mentionnées aux 2° et 9° de l'article 131-39 dudit code. L'interdiction mentionnée au 2° de cet article est prononcée pour une durée maximale de cinq ans et porte sur l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise.

« Art. 4-3 . - Il est institué un service public gratuit en ligne d'aide à la résolution amiable des litiges, conforme aux prescriptions du premier alinéa de l'article 4-1 de la présente loi. »

Article 9

Après l'article L. 421-7 du code de l'organisation judiciaire, il est inséré un article L. 421-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 421-7-1 . - Le premier président veille à ce que la réutilisation des informations figurant dans les décisions mises à la disposition du public en application de l'article L. 111-13 favorise l'harmonisation des jurisprudences, prévienne le contentieux en matière civile, contribue à améliorer la qualité des décisions de justice et ne porte pas atteinte à la liberté d'appréciation des magistrats et à l'impartialité des juridictions. »

CHAPITRE III

RENDRE L'INSTITUTION JUDICIAIRE PLUS PROCHE DES CITOYENS

Section 1

Créer le tribunal départemental unique de première instance

Article 10

I. - Le livre I er du code de l'organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article L. 121-1, les mots : « , les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance » sont remplacés par les mots : « et les tribunaux de première instance » ;

2° Au premier alinéa de l'article L. 121-4, les mots : « d'instance et de grande » sont remplacés par les mots : « de première » ;

3° Au premier alinéa de l'article L. 122-1 et à l'article L. 122-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

4° À l'article L. 123-1, les mots : « grande instance, les tribunaux d'instance, les tribunaux d'instance ayant compétence exclusive en matière pénale » sont remplacés par les mots : « première instance » ;

5° À la deuxième phrase de l'article L. 123-4, les mots : « d'instance, des tribunaux de grande instance et » sont supprimés.

II. - Le livre II du code de l'organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° Le titre I er est ainsi modifié :

a) Dans l'intitulé, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

b) À la première phrase de l'article L. 211-1, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

c) L'article L. 211-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 211-2 . - Il y a un tribunal de première instance dans chaque département.

« Par dérogation au premier alinéa, un même département peut comporter deux tribunaux de première instance, lorsque son importance démographique ou sa configuration géographique le justifie. » ;

d) Dans l'intitulé de la sous-section 1 de la section 1 du chapitre I er , le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

e) Aux articles L. 211-3 et L. 211-4, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

f) Après l'article L. 211-4-1, sont insérés deux articles L. 211-4-2 et L. 211-4-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 211-4-2 . - Le tribunal de première instance connaît des demandes formées en application :

« 1° Du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer ;

« 2° Du règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges.

« Art. L. 211-4-3 . - Le tribunal de première instance connaît des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel. » ;

g) L'article L. 211-5 est abrogé ;

h) Aux articles L. 211-6, L. 211-7, L. 211-8 et L. 211-9-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

i) Dans l'intitulé de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre I er , le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

j) Aux articles L. 211-10, L. 211-11, L. 211-11-1, L. 211-12, L. 211-13 et L. 211-14, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

k) À l'article L. 212-1, au premier alinéa de l'article L. 212-2, à l'article L. 212-3, au premier alinéa de l'article L. 212-4 et à l'article L. 212-6, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

l) Le chapitre II est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Les chambres détachées

« Art. L. 212-7 . - Le tribunal de première instance peut comprendre des chambres détachées, dont les compétences matérielles minimales sont fixées par décret en Conseil d'État.

« Des compétences supplémentaires peuvent être attribuées à une chambre détachée, sur décision conjointe du premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouve le siège du tribunal et du procureur général près cette cour, prise sur proposition du président du tribunal et du procureur de la République près ce tribunal. » ;

m) Dans l'intitulé de la sous-section 1 de la section 1 du chapitre III, les mots : « de grande instance » sont supprimés ;

n) Aux articles L. 213-1 et L. 213-2, aux premier et troisième alinéas de l'article L. 213-3 et au premier alinéa de l'article L. 213-4, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

o) Après la sous-section 3 de la section 1 du chapitre III, est insérée une sous-section 3 bis ainsi rédigée :

« Sous-section 3 bis

« Le juge des tutelles des majeurs

« Art. L. 213-4-1 . - Dans chaque tribunal de première instance, un ou plusieurs magistrats du siège sont délégués dans les fonctions de juge des tutelles des majeurs.

« Le juge des tutelles connaît :

« 1° De la sauvegarde de justice, de la curatelle, de la tutelle des majeurs et de la mesure d'accompagnement judiciaire ;

« 2° Des actions relatives à l'exercice du mandat de protection future ;

« 3° Des demandes formées par un époux, lorsque son conjoint est hors d'état de manifester sa volonté, aux fins d'être autorisé à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de ce dernier serait nécessaire, ou aux fins d'être habilité à le représenter ;

« 4° De la constatation de la présomption d'absence ;

« 5° De l'habilitation familiale prévue par la section 6 du chapitre II du titre XI du livre I er du code civil. » ;

p) Aux premier et second alinéas de l'article L. 213-5, au premier alinéa de l'article L. 213-7 et au premier alinéa de l'article L. 213-9, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

q) À la première phrase de l'article L. 214-1 et à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 214-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

r) L'article L. 215-1 est ainsi modifié :

- Au premier alinéa, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

- Après les mots : « siège du tribunal », la fin du second alinéa est ainsi rédigée : « de première instance. » ;

s) À l'article L. 215-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

t) Le chapitre V est complété par quatre articles L. 215-3 à L. 215-6 ainsi rédigés :

« Art. L. 215-3 . - Le greffe du tribunal de première instance, sous le contrôle du juge, tient les registres de publicité légale tenus au greffe du tribunal de commerce.

« Art. L. 215-4 . - Les fonctions de tribunal pour la navigation du Rhin sont exercées par un tribunal de première instance spécialement désigné, conformément à la convention révisée pour la navigation du Rhin, signée à Mannheim le 17 octobre 1868.

« Les fonctions de tribunal de première instance pour la navigation de la Moselle sont exercées par un tribunal de première instance spécialement désigné, conformément à la loi n° 66-379 du 15 juin 1966 déterminant, en application de la convention franco-luxembourgeoise du 27 octobre 1956, les juridictions compétentes pour la navigation de la Moselle.

« Art. L. 215-5 . - Le service du livre foncier est assuré au sein du tribunal de première instance selon des modalités fixées par décret.

« Art. L. 215-6 . - Le tribunal de première instance connaît :

« 1° De la tutelle, des administrations légales et des curatelles de droit local ;

« 2° Du partage judiciaire et de la vente judiciaire d'immeubles, des certificats d'héritier et des scellés ;

« 3° Des registres des associations et des registres des associations coopératives de droit local. » ;

u) Aux articles L. 216-1 et L. 216-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

v) Dans l'intitulé du chapitre VII, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

w) Aux articles L. 217-1 et L. 217-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

2° Le titre II est abrogé.

III. - Le code de commerce est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 621-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

2° Le livre VII est ainsi modifié :

a) Aux première et seconde phrases du premier alinéa de l'article L. 722-4 et au dernier alinéa de l'article L. 722-7, à l'article L. 722-10, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

b) Le titre III est ainsi modifié :

- À l'article L. 731-1, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

- À la fin de l'article L. 731-2, les mots : « , à l'exception des affaires qui relèvent de la compétence du tribunal d'instance en application des dispositions du chapitre III du titre II du livre II du code de l'organisation judiciaire » sont supprimés ;

- À la première phrase de l'article L. 731-3, à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 732-3 et à l'article L. 732-4, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;

c) Au premier alinéa (deux fois) de l'article L. 743-4, à la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 743-6, aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 743-7, au second alinéa de l'article L. 743-8, à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 743-9, à l'article L. 743-10 et à l'article L. 744-1, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première ».

IV. - Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1 er janvier 2022. Ce décret peut prévoir une entrée en vigueur à une date différente selon les départements.

À cette date, les procédures en cours devant les tribunaux d'instance et les tribunaux de grande instance sont transférées en l'état aux tribunaux de première instance territorialement compétents. Les convocations et citations données aux parties peuvent être délivrées avant la date d'entrée en vigueur du présent article pour une comparution postérieure à cette date devant la juridiction nouvellement compétente. Il n'y a pas lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus antérieurement au transfert des procédures, à l'exception des convocations et citations données aux parties qui n'auraient pas été suivies d'une comparution devant la juridiction antérieurement compétente. Les parties ayant comparu devant la juridiction antérieurement compétente sont informées par l'une ou l'autre des juridictions qu'il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure devant la juridiction à laquelle les procédures sont transférées. Les archives et les minutes du greffe des juridictions antérieurement compétentes sont transférées au greffe des tribunaux de première instance compétents. Les frais de transfert de ces archives et minutes sont imputés sur le crédit ouvert à cet effet au budget du ministère de la justice.

Article 11

I. - Le titre II du livre I er du code de l'organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l'article L. 121-3 est ainsi modifié :

a) Les mots : « , le président du tribunal de grande instance, et le magistrat chargé de la direction et de l'administration du tribunal d'instance » sont remplacés par les mots : « et le président du tribunal de première instance » ;

b) Après le mot : « différents », sont insérés les mots : « pôles, chambres et » ;

c) Sont ajoutés les mots : « et, s'il y a lieu, chambres détachées » ;

2° Après l'article L. 123-1, il est inséré un article L. 123-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 123-1-1 . - Les fonctionnaires des greffes des tribunaux de première instance sont affectés soit au siège du tribunal soit dans une chambre détachée. Par décision conjointe du président du tribunal et du procureur de la République près ce tribunal, prise après avis du directeur des services de greffe judiciaires, leur affectation peut être modifiée, pour nécessité de service et pour une durée limitée. »

II. - Le présent article entre en vigueur à la date fixée au IV de l'article 10 de la présente loi.

Section 2

Renforcer la conciliation

Article 12

Après l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, il est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :

« Art. 4-1 . - Lorsque le conciliateur de justice dresse un procès-verbal de conciliation, celui-ci a force exécutoire. Il fait l'objet d'un dépôt au greffe du tribunal. Il est notifié aux parties.

« En cas d'échec partiel ou total de la conciliation, le conciliateur de justice dresse un bulletin de non-conciliation qui comporte, le cas échéant, une proposition de règlement de tout ou partie du litige dans le respect du secret des échanges qui ont eu lieu au cours de la conciliation.

« Le juge statue sur la proposition de règlement sans débat, à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties ou que les parties demandent à être entendues.

« Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »

Article 13

I. - Le chapitre III bis du titre II du livre I er du code de l'organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° L'intitulé est complété par les mots : « et les assistants de justice » ;

2° Avant la dernière phrase de l'article L. 123-4, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Dans les tribunaux de première instance, le juge peut leur déléguer sa mission de conciliation. » ;

3° Il est ajouté un article L. 123-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 123-5. - Des assistants de justice sont institués auprès des juridictions. Peuvent être nommées en qualité d'assistants auprès des magistrats des tribunaux de première instance, des cours d'appel, de la Cour de cassation ainsi qu'à l'École nationale de la magistrature les personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation juridique d'une durée au moins égale à quatre années d'études supérieures après le baccalauréat et que leur compétence qualifie particulièrement pour exercer ces fonctions. Ces assistants de justice sont nommés, à temps partiel, pour une durée maximale de deux années, renouvelable deux fois. Ils sont tenus au secret professionnel. Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article. »

II. - L'article 20 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative est abrogé.

CHAPITRE IV

AMÉLIORER L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS EN PREMIÈRE INSTANCE ET EN APPEL

Section 1

Étendre la compétence des tribunaux de commerce

Article 14

I. - Le livre VII du code de commerce est ainsi modifié :

1° Le 1° de l'article L. 713-7 est ainsi modifié :

a) Après le b, sont insérés un b bis et un b ter ainsi rédigés :

« b bis ) Les agriculteurs inscrits au registre des actifs agricoles situés dans ce ressort ;

« b ter ) Les personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, inscrites à un ordre professionnel ou déclarés auprès de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, situées dans ce ressort ; »

c) Le c est complété par les mots : « ainsi que les conjoints des personnes énumérées au b ter qui collaborent à l'activité de leur époux sans autre activité professionnelle » ;

2° Après le mot : « en », la fin du premier alinéa de l'article L. 713-11 est ainsi rédigée : « six catégories professionnelles correspondant, respectivement, aux activités commerciales, artisanales, agricoles, libérales, industrielles ou de services. » ;

3° Au 5° de l'article L. 723-4 du même code, les mots : « ou au répertoire des métiers » sont remplacés par les mots : « , au répertoire des métiers ou au registre des actifs agricoles » et la référence : « au d » est remplacée par les références : « aux b ter et d ».

II. - Le présent article est applicable à compter du 1 er janvier 2018.

Article 15

I. - Le livre VI du code de commerce est ainsi modifié :

1° Le I de l'article L. 611-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « ou une entreprise individuelle, commerciale ou artisanale » sont remplacés par les mots : « , une entreprise individuelle commerciale ou artisanale, une personne morale de droit privé ou une personne physique exerçant une activité agricole ou indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Par exception, lorsque la personne physique ou morale concernée exerce la profession d'avocat, d'administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire ou d'officier public ou ministériel, le président du tribunal ne procède qu'à l'information de l'ordre professionnel ou de l'autorité compétente dont elle relève, sur les difficultés portées à sa connaissance relativement à la situation économique, sociale, financière et patrimoniale du professionnel. » ;

2° L'article L. 611-2-1 est abrogé ;

3° La première phrase du premier alinéa de l'article L. 621-2 est ainsi rédigée :

« Le tribunal compétent est le tribunal des affaires économiques si le débiteur exerce une activité commerciale, artisanale, agricole ou indépendante ou s'il est une personne morale de droit privé non commerçante ayant une activité économique. »

II. - Le livre VII du code de commerce est ainsi modifié :

1° Dans l'intitulé, le mot : « commerciales » est remplacé par le mot : « économiques » ;

2° Le titre I er est ainsi modifié :

a) À l'article L. 713-6, aux a et e du 1° de l'article L. 713-7 et au premier alinéa de l'article L. 713-11, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

b) Au I de l'article L. 713-12 du code de commerce, la première occurrence des mots : « de commerce » est remplacée par les mots : « des affaires économiques » ;

3° Le titre II est ainsi modifié :

a) Dans l'intitulé, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

b) À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa de l'article L. 721-1 et à l'article L. 721-2 (deux fois), les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

c) Dans l'intitulé de la section 1 du chapitre I er , les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

d) L'article L. 721-3 est ainsi modifié :

- Au premier alinéa, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

- Au deuxième alinéa, dans sa rédaction résultant de l'article 95 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, après le mot : « artisans, », sont insérés les mots : « entre agriculteurs, entre personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, entre personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique, » ;

e) À l'article L. 721-3-1 et au premier alinéa de l'article L. 721-4, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

f) L'article L. 721-5 est abrogé ;

g) Au premier alinéa des articles L. 721-6 et L. 721-7, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

h) Dans l'intitulé de la section 2 du chapitre I er , les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

i) L'article L. 721-8 est ainsi modifié :

- Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Des tribunaux des affaires économiques spécialement désignés connaissent, lorsque le débiteur exerce une activité commerciale, artisanale, agricole ou indépendante ou est une personne morale de droit privé non commerçante ayant une activité économique : » ;

- Aux neuvième et dixième alinéas, à la première phrase du onzième alinéa, à la première phrase de l'avant-dernier alinéa (deux fois) et au dernier alinéa (deux fois), les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

j) Dans l'intitulé de la section 1 du chapitre II, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

k) À l'article L. 722-1, aux articles L. 722-2 et L. 722-3, à l'article L. 722-3-1 (deux fois), à la première phrase du premier alinéa (deux fois) et au second alinéa de l'article L. 722-4 et aux première et deuxième phrases de l'article L. 722-5, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

l) Dans l'intitulé de la section 2 du chapitre II, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

m) Aux première et seconde phrases du premier alinéa et au second alinéa de l'article L. 722-6, aux premier (deux fois) et second (deux fois) alinéas de l'article L. 722-6-1, au premier alinéa de l'article L. 722-6-2, aux première et deuxième phrases de l'article L. 722-6-3, aux premier et dernier (deux fois) alinéas de l'article L. 722-7, au premier alinéa de l'article L. 722-8, à la première phrase du premier alinéa et au second alinéa de l'article L. 722-9, à l'article L. 722-10, au premier alinéa (deux fois) et à la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 722-11, au premier alinéa de l'article L. 722-12, à l'article L. 722-13, aux premier et second alinéas de l'article L. 722-14 et aux articles L. 722-15 et L. 722-16, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

n) Aux premier et second alinéas de l'article L. 722-17, dans sa rédaction résultant de l'article 95 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

o) Aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 722-18, à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 722-19, au premier alinéa de l'article L. 722-20, aux premier, deuxième et troisième alinéas du I de l'article L. 722-21, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

p) Dans l'intitulé du chapitre III, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

q) Aux premier et dernier alinéas de l'article L. 723-1, aux première et seconde phrases du premier alinéa de l'article L. 723-3, aux premier, deuxième (deux fois) et dernier (deux fois) alinéas de l'article L. 723-4, au premier alinéa (deux fois) et à la première phrase du second alinéa de l'article L. 723-7, aux premiers alinéas des articles L. 723-9, L. 723-10 et L. 723-11 et à l'article L. 723-12, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

r) Dans l'intitulé du chapitre IV, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

s) À l'article L. 724-1, à l'article L. 724-1-1 (deux fois), à l'avant-dernier alinéa (deux fois) de l'article L. 724-2, à l'article L. 724-3, au premier alinéa de l'article L. 724-3-1, à la première phrase (deux fois) du premier alinéa, aux deuxième et quatrième alinéas, aux première et deuxième phrases du neuvième alinéa et au douzième alinéa de l'article L. 724-3-2, aux première (deux fois) et dernière phrases de l'article L. 724-4 et à l'article L. 724-7, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

4° Le titre III est ainsi modifié :

a) Dans l'intitulé, le mot : « commerciales » est remplacé par le mot : « économiques » ;

b) À l'article L. 731-2, au premier alinéa de l'article L. 731-4 et aux articles L. 732-1 et L. 732-2, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

c) L'article L. 732-3 est ainsi modifié :

- à la première phrase du premier alinéa, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

- le second alinéa est ainsi rédigé :

« Le greffe des tribunaux mixtes des affaires économiques est assuré par un greffier de tribunal des affaires économiques. » ;

d) À l'article L. 732-4 (deux fois), à la première phrase de l'article L. 732-5, à l'article L. 732-6 (deux fois) et à la deuxième phrase de l'article L. 732-7, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

5° Le titre IV est ainsi modifié :

a) Dans l'intitulé, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

b) Au premier alinéa de l'article L. 741-1, au premier alinéa (deux fois), à la première phrase du sixième alinéa et au dernier alinéa de l'article L. 741-2, au premier alinéa de l'article L. 742-1 et à l'article L. 742-2, à la première phrase de l'article L. 743-1, au premier alinéa de l'article L. 743-2, à la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 743-3, au premier alinéa (trois fois) de l'article L. 743-4, à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 743-5, à la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 743-6, au premier alinéa de l'article L. 743-7, aux premier et second alinéas de l'article L. 743-8, à la première phrase (deux fois) de l'article L. 743-12 et aux première (deux fois) et seconde (trois fois) phrases du premier alinéa, aux première (deux fois) et seconde phrases du deuxième alinéa et au dernier alinéa (trois fois) de l'article L. 743-12-1, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

c) Dans l'intitulé de la section 3 du chapitre III, les mots : « des greffiers des tribunaux de commerce » sont supprimés ;

d) Au premier alinéa de l'article L. 743-13, à la première phrase de l'article L. 723-14, au premier alinéa et à la seconde phrase du second alinéa de l'article L. 723-15, à l'article L. 744-1 (trois fois), à l'article L. 744-2 (quatre fois), les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques ».

III. - Le livre II du code de l'organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° À la fin du premier alinéa de l'article L. 215-1, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » ;

2° À la fin du deuxième alinéa de l'article L. 261-1, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques ».

IV. - Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1 er janvier 2022.

À cette date, les procédures relatives aux litiges entre agriculteurs ou personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante et les procédures ouvertes en application du livre VI du code de commerce concernant ces mêmes professionnels en cours devant les tribunaux de grande ou de première instance sont transférées en l'état aux tribunaux des affaires économiques territorialement compétents. Les convocations et citations données aux parties peuvent être délivrées avant la date d'entrée en vigueur pour une comparution postérieure à cette date devant la juridiction nouvellement compétente. Il n'y a pas lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus antérieurement au transfert des procédures, à l'exception des convocations et citations données aux parties qui n'auraient pas été suivies d'une comparution devant la juridiction antérieurement compétente. Les parties ayant comparu devant la juridiction antérieurement compétente sont informées par l'une ou l'autre des juridictions qu'il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure devant la juridiction à laquelle les procédures sont transférées. Les archives et les minutes du greffe des juridictions antérieurement compétentes sont transférées au greffe des tribunaux des affaires économiques compétents. Les frais de transfert de ces archives et minutes sont imputés sur le crédit ouvert à cet effet au budget du ministère de la justice.

Section 2

Assouplir l'organisation interne du conseil de prud'hommes

Article 16

L'article L. 1423-10 du code du travail est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque le président du conseil de prud'hommes constate une difficulté durable de fonctionnement d'une section, il peut, après avis conforme du vice-président, sous réserve de l'accord des intéressés et de l'approbation du premier président de la cour d'appel, affecter définitivement les conseillers prud'hommes d'une section à une autre section pour connaître des litiges relevant de cette dernière.

« À défaut de décision du président du conseil de prud'hommes ou lorsque le vice-président a émis un avis négatif, le premier président de la cour d'appel, saisi sur requête du procureur général, peut constater la difficulté de fonctionnement et procéder lui-même, après accord des intéressés, aux affectations mentionnées au troisième alinéa. » ;

2° Au dernier alinéa, le mot : « temporaire » est supprimé.

Section 3

Simplifier l'adaptation de la carte des implantations judiciaires

Article 17

I. - Le titre II du livre I er du code de l'organisation judiciaire est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Siège et ressort des juridictions

« Art. L. 124-1 . - Tous les cinq ans au moins, le siège et le ressort des tribunaux de première instance et de leurs chambres détachées donnent lieu à un examen, au vu des observations présentées par les premiers présidents des cours d'appel dans le ressort desquelles se trouve le siège de ces tribunaux et les procureurs généraux près ces cours, afin de déterminer s'il y a lieu de les modifier ou s'il y a lieu de créer ou de supprimer des tribunaux ou des chambres détachées. Il est rendu compte de cet examen dans un rapport public.

« La même procédure est applicable aux tribunaux pour enfants ainsi qu'aux juridictions mentionnées à l'article L. 261-1.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article, notamment les critères sur la base desquels la création ou la suppression de juridictions et de chambres détachées peut être proposée. »

II. - Le I du présent article entre en vigueur à compter de la date fixée au IV de l'article 10 de la présente loi.

CHAPITRE V

ACCROÎTRE LA MAÎTRISE DES DÉPENSES D'AIDE JURIDICTIONNELLE

Article 18

L'article 1635 bis Q du code général des impôts est ainsi rétabli :

« Art. 1635 bis Q. - I. - Par dérogation aux articles 1089 A et 1089 B, une contribution pour l'aide juridique de 20 à 50 € est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud'homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction administrative.

« II. - La contribution pour l'aide juridique est exigible lors de l'introduction de l'instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance.

« III. - Toutefois, la contribution pour l'aide juridique n'est pas due :

« 1° Par les personnes bénéficiaires de l'aide juridictionnelle ;

« 2° Par l'État ;

« 3° Pour les procédures introduites devant la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, devant le juge des enfants, le juge des libertés et de la détention et le juge des tutelles ;

« 4° Pour les procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers et les procédures de redressement et de liquidation judiciaires ;

« 5° Pour les procédures introduites par les salariés devant un conseil de prud'hommes ;

« 6° Pour les recours introduits devant une juridiction administrative à l'encontre de toute décision individuelle relative à l'entrée, au séjour et à l'éloignement d'un étranger sur le territoire français ainsi qu'au droit d'asile ;

« 7° Pour la procédure mentionnée à l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

« 8° Pour la procédure mentionnée à l'article 515-9 du code civil ;

« 9° Pour la procédure mentionnée à l'article L. 34 du code électoral.

« IV. - Lorsqu'une même instance donne lieu à plusieurs procédures successives devant la même juridiction, la contribution n'est due qu'au titre de la première des procédures intentées.

« V. - Lorsque l'instance est introduite par un auxiliaire de justice, ce dernier acquitte pour le compte de son client la contribution par voie électronique.

« Lorsque l'instance est introduite sans auxiliaire de justice, la partie acquitte cette contribution par voie de timbre mobile ou par voie électronique.

« Les conséquences sur l'instance du défaut de paiement de la contribution pour l'aide juridique sont fixées par voie réglementaire.

« VI. - La contribution pour l'aide juridique est affectée au Conseil national des barreaux.

« VII. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article. »

Article 19

Après l'article 18 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, il est inséré un article 18-1 ainsi rédigé :

« Art. 18-1 . - Toute demande d'aide juridictionnelle est précédée de la consultation d'un avocat. Celui-ci vérifie que l'action envisagée n'apparaît pas manifestement irrecevable ou dénuée de fondement.

« Cette consultation n'est pas exigée du défendeur à l'action, de la personne civilement responsable, du témoin assisté, de la personne mise en examen, du prévenu, de l'accusé, du condamné et de la personne faisant l'objet de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

« La rétribution due à l'avocat pour cette consultation est prise en charge au titre de l'aide juridictionnelle si le demandeur remplit les conditions pour en bénéficier, à l'exception de celles fixées à l'article 7.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. »

Article 20

L'article 21 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « peut recueillir » sont remplacés par le mot : « recueille » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« À cet effet, il consulte les services de l'État et des collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales. Ceux-ci sont tenus de lui communiquer, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tous renseignements permettant de vérifier que l'intéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l'aide juridictionnelle. »

Article 21

I. - Après l'article 21 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, il est inséré un article 21-1 ainsi rédigé :

« Art. 21-1 . - Le bureau d'aide juridictionnelle consulte l'organisme professionnel représentatif des sociétés d'assurance et des organisations professionnelles intervenant dans ce secteur, pour être informé de l'existence d'une prise en charge des frais couverts par l'aide juridictionnelle au titre d'un contrat d'assurance de protection juridique ou d'un système de protection souscrit par le demandeur. »

II. - Après l'article L. 127-8 du code des assurances, il est inséré un article L. 127-9 ainsi rédigé :

« Art. L. 127-9 . - Lorsqu'il est saisi d'une demande en ce sens par un bureau d'aide juridictionnelle, l'organisme professionnel représentatif, habilité à cet effet par arrêté du ministre chargé de l'économie, l'informe à bref délai de l'existence d'un contrat d'assurance de protection juridique ou d'un système de protection souscrit par le demandeur couvrant tout ou partie des frais d'aide juridictionnelle. »

Article 22

Au premier alinéa de l'article 44 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, le mot : « étrangères » est remplacé par le mot : « relatives ».

CHAPITRE VI

REDRESSER LA JUSTICE PÉNALE

Section 1

Adapter et simplifier la procédure d'appel et de cassation en matière pénale.

Article 23

Le premier alinéa de l'article 546 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Les jugements rendus par le tribunal de police peuvent être attaqués par la voie de l'appel. La faculté d'appeler appartient au prévenu, à la personne civilement responsable, au procureur de la République, au procureur général et à l'officier du ministère public près le tribunal de police. »

Article 24

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Les articles 497 et 546 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile dont le montant ne peut excéder 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés. » ;

2° L'article 567-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le demandeur en cassation dont le pourvoi n'est pas admis peut, en cas de recours jugé abusif, être condamné à une amende civile dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. »

Article 25

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° La section 1 du chapitre IX du titre I er du livre II est complétée par un article 380-8-1 ainsi rédigé :

« Art. 380-8-1. - L'affaire est dévolue à la cour d'appel statuant en appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant. » ;

2° Après le premier alinéa de l'article 380-12, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La déclaration peut indiquer que l'appel est limité aux peines prononcées, à certaines d'entre elles ou à leurs modalités d'application. »

Article 26

I. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L'article 567 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le ministère d'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation est obligatoire pour le demandeur en cassation et les autres parties, sauf pour la déclaration de pourvoi prévue aux articles 576 et 577.

« Cet avocat est choisi par le demandeur en cassation ou par la partie ou, à sa demande, désigné par le président de l'ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation. La désignation intervient dans un délai maximal de huit jours lorsque le pourvoi porte sur les matières dans lesquelles la chambre criminelle est tenue de statuer dans un délai légal en application des articles 567-2, 574-1 et 574-2. » ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa des articles 567-2, 574-1 et 574-2, les mots : « ou son avocat » sont supprimés ;

3° Les articles 584 et 585 sont abrogés ;

4° L'article 585-1 est ainsi rédigé :

« Art. 585-1. - Sauf dérogation accordée par le président de la chambre criminelle, et sous réserve des articles 567-2, 574-1 et 574-2, la déclaration de l'avocat qui se constitue au nom d'un demandeur en cassation doit parvenir au greffe de la Cour de cassation un mois au plus tard après la date du pourvoi. » ;

5° À la fin de la première phrase de l'article 586, les mots : « , une expédition de l'acte de pourvoi et, s'il y a lieu, le mémoire du demandeur » sont remplacés par les mots : « et une expédition de l'acte de pourvoi » ;

6° Au début de l'article 588, les mots : « Si un ou plusieurs avocats se sont constitués, » sont supprimés ;

7° L'article 590-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « et n'a pas déposé son mémoire dans le délai prévu à l'article 584 » sont supprimés ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « n'ayant pas constitué avocat » sont supprimés ;

8° L'article 858 est abrogé.

II. - Le second alinéa de l'article 58 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigé :

« Au-delà d'un délai de dix jours après la déclaration de pourvoi, la partie civile pourra transmettre son mémoire directement au greffe de la Cour de cassation sans le ministère d'un avocat à la Cour de cassation. Le mémoire devra être accompagné d'autant de copies qu'il y a de parties en cause. »

III. - L'article 49 de la loi n° 83-520 du 27 juin 1983 rendant applicable le code pénal, le code de procédure pénale et certaines dispositions législatives dans les territoires d'outre-mer est abrogé.

Section 2

Redonner du sens à la peine d'emprisonnement

Article 27

I. - Le code pénal est ainsi modifié :

1° Aux premier et avant-dernier alinéas des articles 132-25 et 132-26-1, les mots : « deux ans » sont remplacés par les mots : « un an » et les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « six mois » ;

2° À l'article 132-27, les mots : « de deux ans » sont remplacés par les mots : « d'un an » et les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « six mois » ;

II. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L'article 474 est ainsi rédigé :

« Art. 474. - Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine égale ou inférieure à un an d'emprisonnement ou, pour une personne en état de récidive légale, une peine égale ou inférieure à six mois, elle peut décider, au regard de la personnalité, de la situation matérielle, familiale, médicale ou sociale du condamné, de le convoquer devant le juge de l'application des peines, dans un délai qui ne saurait excéder trente jours, en vue de déterminer les modalités d'exécution de la peine.

« En cas de condamnation d'une personne non incarcérée à une peine d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve, à une peine d'emprisonnement avec sursis assortie de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ou à une peine de travail d'intérêt général, la personne condamnée est convoquée à comparaître devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation, dans un délai qui ne saurait être supérieur à quarante-cinq jours, en vue de déterminer les modalités d'exécution de la peine.

« Si la personne est présente à l'audience, l'avis de convocation à comparaître lui est remis à l'issue de l'audience. » ;

2° L'article 723-15 est ainsi rédigé :

« Art. 723-15. - En application de l'article 474, préalablement à la mise à exécution de la ou des condamnations, le ministère public informe le juge de l'application des peines de cette ou de ces décisions en lui adressant toutes les pièces utiles, parmi lesquelles une copie de la ou des décisions et le bulletin n° 1 du casier judiciaire de l'intéressé. » ;

3° À la première phrase de l'article 723-15-1, après le mot : « convocation, » sont insérés les mots : « mentionnée à l'article 474 » ;

4° À la première phrase de l'article 723-17 et à la première phrase du premier alinéa de l'article 723-17-1, les mots : « mentionnée à l'article 723-15 » sont remplacés par les mots : « à une peine égale ou inférieure à un an d'emprisonnement, ou pour laquelle la durée de la détention restant à subir est inférieure ou égale à un an, ou en cas de cumul de condamnations concernant la même personne si le total des peines prononcées ou restant à subir est inférieur ou égal à un an » ;

5° Au premier alinéa de l'article 747-2, les mots : « ou de l'article 723-15 » sont supprimés.

Article 28

I. - Le code pénal est ainsi modifié :

1° L'article 131-36-1 est modifié :

a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « En matière criminelle ou correctionnelle, la juridiction de jugement ... ( le reste sans changement). » ;

b) Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le suivi socio-judiciaire emporte, pour le condamné, l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines et pendant une durée déterminée par la juridiction de jugement, à des mesures de surveillance et d'assistance, prévues à l'article 132-44 et à l'article 132-45, destinées à prévenir la récidive et à assurer sa réinsertion sociale.

« La durée du suivi socio-judiciaire ne peut excéder trois ans en cas de condamnation pour un délit, dix ans pour un délit commis en récidive ou mentionné à l'article 706-47 du code de procédure pénale ou vingt ans en cas de condamnation pour crime. Toutefois, en matière correctionnelle, cette durée peut être portée à vingt ans par décision spécialement motivée de la juridiction de jugement ; lorsqu'il s'agit d'un crime puni de trente ans de réclusion criminelle, cette durée est de trente ans ; lorsqu'il s'agit d'un crime puni de la réclusion criminelle à perpétuité, la cour d'assises peut décider que le suivi socio-judiciaire s'appliquera sans limitation de durée, sous réserve de la possibilité pour le tribunal de l'application des peines de mettre fin à la mesure à l'issue d'un délai de trente ans, selon les modalités prévues par l'article 712-7 du même code. » ;

b) À la dernière phrase du troisième alinéa, les mots : « juge de l'application des peines » sont remplacés par les mots : « président du tribunal de grande instance ou le juge par lui désigné » ;

2° Les articles 131-36-2 et 131-36-3 sont abrogés ;

3° À la dernière phrase du premier alinéa de l'article 131-36-4 et au second alinéa de l'article 131-36-12, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;

4° Les articles 221-9-1, 221-15, 222-65, 224-10, 227-31 et 421-8 sont abrogés ;

5° L'article 222-48-1 est ainsi rédigé :

« Art. 222-48-1. - En cas de condamnation pour une infraction définie aux articles 222-8, 222-10, 222-12, 222-13, 222-14 et 222-18-3 commise sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime, le suivi socio-judiciaire est obligatoire en matière correctionnelle lorsqu'il s'agit de violences habituelles, sauf en cas de condamnation à une peine d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve ou si le tribunal correctionnel considère, par décision spécialement motivée, qu'il n'y a pas lieu de prononcer cette mesure ; en matière criminelle, la cour d'assises délibère de façon spécifique sur le prononcé d'un suivi socio-judiciaire. »

II. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article 763-3, les références : « aux articles 131-36-2 et 131-36-3 » sont remplacées par la référence : « au deuxième alinéa de l'article 131-36-1 » ;

2° La première phrase du premier alinéa de l'article 763-5 est ainsi rédigée :

« En cas d'inobservation des obligations mentionnées à l'article 131-36-1 du code pénal ou de l'injonction de soins, le juge de l'application des peines saisit, d'office ou sur réquisitions du procureur de la République, par requête motivée, le président du tribunal de grande instance ou un juge par lui désigné afin que soit mis à exécution tout ou partie de l'emprisonnement fixé par la juridiction en application du quatrième alinéa de l'article 131-36-1 du code pénal. » ;

3° Au quatrième alinéa de l'article 763-10, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».

CHAPITRE VII

DISPOSITIONS FINALES

Article 29

Les conséquences financières résultant pour l'État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

ANNEXE

La loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice se situe dans le cadre de l'article 34 de la Constitution, selon lequel « des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État ». La programmation budgétaire prévue par la présente loi sera déclinée dans les lois de finances successives sur la période de 2018 à 2022.

Elle a pour objectifs de mieux maîtriser les délais de la justice, d'améliorer la qualité des décisions de justice, de renforcer la proximité de la justice et d'assurer l'effectivité de l'exécution des peines. Ces objectifs sont précisés par le présent rapport. Ils orienteront les grands axes de réforme de l'institution judiciaire pour la période de 2018 à 2022, présentés dans le présent rapport.

Ces objectifs exigent de mobiliser des ressources plus importantes qu'aujourd'hui, ce qui doit se traduire par une revalorisation notable et durable des crédits et des effectifs alloués au ministère de la justice, tant au bénéfice des juridictions judiciaires que de l'administration pénitentiaire, comme des autres services du ministère.

Ces objectifs s'inscrivent en conséquence dans le cadre de la progression budgétaire prévue par le chapitre I er de la présente loi d'orientation et de programmation.

Les crédits de paiement globalement alloués à la mission « Justice » devront progresser à un taux moyen annuel de 5 % par an sur la période de 2018 à 2022, pour atteindre dans la loi de finances pour 2022 le montant de 10,902 milliards d'euros, soit une progression de 27,63 % sur la période. Corollairement, les effectifs de la mission « Justice », en équivalents temps plein travaillé, devront être portés à 96 954 emplois dans la loi de finances pour 2022.

Outre l'augmentation des moyens, des évolutions de l'organisation et du fonctionnement de la justice doivent aussi contribuer à atteindre ces objectifs. Rationaliser l'organisation et le fonctionnement de la justice doit aussi permettre d'améliorer la qualité du service public de la justice. L'amélioration de la capacité de pilotage et d'évaluation du ministère de la justice paraît aussi nécessaire, pour assurer le bon emploi des moyens qui lui sont alloués et renforcer l'efficacité du fonctionnement des juridictions judiciaires et de l'administration pénitentiaire.

À terme, le redressement de la justice doit ainsi conduire à l'amélioration de la qualité du service public rendu, dans l'intérêt des justiciables, en veillant aux conditions dans lesquelles travaillent les magistrats et les fonctionnaires des services judiciaires et pénitentiaires.

Enfin, la révision constitutionnelle relative au statut du parquet doit être définitivement adoptée, dans le texte déjà voté en termes identiques par les deux assemblées. En effet, l'accroissement régulier des prérogatives du ministère public dans le cadre de la procédure pénale, notamment vis-à-vis des personnes mises en cause, suppose de renforcer les garanties statutaires d'indépendance des magistrats du parquet.

I. - LES OBJECTIFS DU REDRESSEMENT DE LA JUSTICE : JUGER PLUS VITE ET JUGER MIEUX

A. - Mieux maîtriser les délais de la justice

En premier lieu, d'un point de vue quantitatif, il est indispensable de permettre aux juridictions de faire face au flux des affaires nouvelles, civiles et pénales, de façon à pouvoir les traiter dans des délais raisonnables, alors que la situation s'aggrave au vu de l'évolution année après année du stock d'affaires en attente de jugement.

Cet objectif exige de renforcer les moyens humains des juridictions, pour traiter plus rapidement le flux des affaires, mais aussi d'améliorer les outils informatiques pour simplifier et accélérer les procédures. Renforcer les moyens humains des juridictions consiste d'abord à résorber les vacances récurrentes de postes de magistrats et de fonctionnaires.

Cet objectif peut aussi conduire à alléger la charge des juridictions, qui pèse concrètement sur les magistrats et les greffiers, par la voie de la déjudiciarisation ou de la dépénalisation, ainsi que par l'encouragement des modes alternatifs de règlement des litiges, de nature à limiter le nombre des affaires portées devant la justice, mais également par la voie de la simplification et de la dématérialisation des procédures. L'utilisation des technologies devrait permettre de simplifier davantage le travail au sein des juridictions, sans méconnaître pour autant les risques liés plus globalement aux innovations technologiques.

Des facteurs ponctuels, de nature procédurale ou organisationnelle, peuvent aussi peser sur les délais de la justice. Par exemple, la réforme des extractions judiciaires désorganise le travail des juridictions pénales, rend plus difficile leur maîtrise du temps et contribue dès lors à l'allongement des délais de jugement.

En matière pénale, à la question des délais de jugement s'ajoute celle de la longueur des délais d'exécution des peines de prison, laquelle suscite l'incompréhension de nos concitoyens et fait perdre une large partie de son sens à la peine pour la personne condamnée.

La maîtrise des délais de jugement apparaît ainsi comme le premier défi à relever pour la justice.

B. - Améliorer la qualité des décisions de justice

En deuxième lieu, d'un point de vue qualitatif, il est nécessaire de mieux garantir la qualité des décisions de justice en première instance, d'abord dans l'intérêt de nos concitoyens, qui saisissent la justice pour trancher un litige ou qui attendent d'elle la condamnation des auteurs d'infraction, mais aussi pour limiter le volume des appels et des pourvois en cassation. Atteindre un tel objectif suppose que les magistrats disposent de davantage de temps pour examiner chaque affaire, de façon plus collégiale. La qualité des décisions de justice en appel doit, elle aussi, être améliorée.

À la question des effectifs de magistrats s'ajoute, ici, celle du rôle du juge. Lui permettre de se recentrer sur son office, sur le coeur de sa fonction, c'est-à-dire décider, trancher des litiges, améliorerait la qualité des décisions rendues. À cet effet, le juge doit pouvoir être entouré d'une véritable équipe de collaborateurs et être déchargé de tâches secondaires qui seraient effectuées par d'autres et de la participation à des commissions administratives où sa présence n'est pas indispensable.

En outre, si la mobilité des magistrats est nécessaire, sa fréquence trop forte peut nuire au traitement qualitatif des dossiers et à l'implication dans certaines fonctions. Les règles de mobilité doivent aussi prendre en compte le défaut d'attractivité de certaines juridictions.

Les conditions de travail des magistrats et des fonctionnaires de greffe, indépendamment des difficultés résultant des manques d'effectifs, altèrent la qualité du travail des juridictions. En d'autres termes, d'un point de vue matériel, les juridictions doivent avoir la capacité de faire face aux besoins de leur fonctionnement courant et bénéficier de bâtiments en bon état. Trop souvent, en dépit des efforts réalisés en ce sens, l'immobilier judiciaire n'est pas au niveau de la mission de la justice. L'amélioration des conditions de travail exige également de disposer d'outils informatiques performants et adaptés, rapidement mis à jour pour tenir compte des réformes que les juridictions sont tenues d'appliquer.

La maîtrise de la charge et des conditions et méthodes de travail des différentes catégories de personnel des juridictions apparaît donc comme un deuxième défi pour la justice.

C. - Renforcer la proximité de la justice

En troisième lieu, d'un point de vue là encore qualitatif, en matière de litiges de la vie courante, le justiciable attend un traitement de proximité, avec une institution judiciaire plus simple d'accès, en première instance, sans quoi saisir le juge devient une démarche trop complexe et dissuasive. Quelques années après la réforme de la carte judiciaire, il est nécessaire de rendre la justice plus proche et plus accessible.

Outre l'accroissement des moyens de la justice, une amélioration de son organisation territoriale peut permettre de renforcer son accessibilité et sa proximité pour les justiciables, en particulier pour les plus vulnérables. La proximité peut aussi passer par le développement des modes alternatifs de règlement des litiges, plus simples et rapides, à l'instar de la conciliation.

Renforcer l'accès au juge suppose également, pour le justiciable, un effort en faveur de l'accès à l'avocat, dont le ministère est obligatoire dans de nombreux contentieux. Alors que le plafond de ressources ouvrant droit à l'aide juridictionnelle reste faible, la nécessité d'assurer un financement structurel de l'aide juridictionnelle exige pourtant de mobiliser de nouvelles ressources.

L'amélioration de l'accès à la justice, dans tous ses aspects, apparaît donc comme un troisième défi pour la justice.

D. - Assurer l'effectivité de l'exécution des peines

En dernier lieu, du point de vue de l'exécution des peines, l'objectif qualitatif est double : assurer l'effectivité de l'exécution des peines, par une évolution des textes et des capacités pénitentiaires, et diminuer le risque de récidive, par un meilleur accompagnement des personnes incarcérées, en vue de la préparation à la sortie. Il réside aussi dans une réflexion sur les courtes peines, qui ne permettent pas aujourd'hui un tel accompagnement.

Outre la simplification du droit de l'application des peines, un tel objectif suppose ainsi une mise à niveau des capacités pénitentiaires, à la fois du point de vue du nombre de places de prison et du point de vue des effectifs des personnels, notamment les surveillants et les services d'insertion et de probation.

La réaffirmation effective de la double mission de la prison, punir et réinsérer, constitue un quatrième défi pour la justice.

II. - LES GRANDS AXES DE LA RÉFORME DE L'ORGANISATION ET DU FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE

A. - Renforcer les capacités de pilotage du ministère de la justice

Le redressement de la justice suppose, au préalable, de disposer, au niveau de l'administration centrale, d'une organisation robuste permettant un pilotage global et reposant sur une stratégie claire. Cette stratégie, que le ministère de la justice a vocation à piloter, doit permettre d'assurer les conditions de la bonne exécution du service public de la justice et de répondre aux attentes légitimes des justiciables et des pouvoirs publics.

1. Sanctuariser le budget de l'autorité judiciaire

L'autorité judiciaire, autorité de rang constitutionnel, fonction régalienne et grand service public placé au tout premier rang dans la hiérarchie des fonctions de l'État, doit être exemptée des gels de crédits et disposer dès le début d'année d'une visibilité sur les crédits qui lui sont affectés. Le budget de l'autorité judiciaire, correspondant aux programmes respectivement consacrés aux juridictions judiciaires et au Conseil supérieur de la magistrature, doit être sanctuarisé. La loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances doit être modifiée à cet effet, pour consacrer l'existence du budget de l'autorité judiciaire et l'exonérer des mesures de gel budgétaire.

2. Améliorer la gestion des ressources humaines, pour une réelle gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

Les ressources humaines sont le coeur du ministère de la justice : plus de 80 000 personnes - magistrats, personnels de greffe, surveillants pénitentiaires, conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse et agents administratifs des corps communs - oeuvrent au service du bon fonctionnement de la justice.

a) Résoudre le phénomène récurrent des vacances de postes de magistrats et de fonctionnaires dans les juridictions

Les vacances de postes constituent l'un des principaux sujets de préoccupation au sein des juridictions. De plus, le phénomène apparaît plus important dans certaines juridictions qualifiées de peu attractives. En outre, la durée de la formation est de nature à reporter dans le temps la création des postes en juridictions.

L'effort de recrutement de magistrats et de personnels de greffe doit être poursuivi dans la durée, pour au minimum résorber, en cinq ans, les vacances de postes dans les juridictions, dans le cadre de la progression des emplois alloués à la mission « Justice » prévue par la présente loi.

L'estimation du nombre de postes à créer devra tenir compte des capacités matérielles d'accueil et de formation des écoles du ministère de la justice. Le ciblage du nombre de postes à créer dépend également de l'évolution du volume d'affaires soumises aux tribunaux et de la charge de travail des juridictions. Des outils adaptés de suivi et de pilotage devront permettre d'identifier ces créations de postes.

b) Améliorer l'évaluation qualitative et quantitative des magistrats et des fonctionnaires

Connaître finement la charge de travail des magistrats et des fonctionnaires des juridictions, selon leurs fonctions et les catégories de contentieux, constitue, un enjeu majeur pour l'avenir des services judiciaires, dans la double perspective d'une remise à niveau des moyens et d'une réflexion sur l'organisation et l'activité du service public de la justice. Il s'agit en outre d'un préalable indispensable à l'engagement d'une réelle politique de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences.

Devra être créé un référentiel national d'activité des magistrats, fruit d'une construction de l'ensemble des parties prenantes, puis d'un arbitrage par la chancellerie et d'une validation par l'inspection générale de la justice, garante de l'objectivité du référentiel.

Dans la mise en oeuvre de ce projet, plusieurs principes devront être retenus :

- la spécialisation : évaluer la charge de travail raisonnable d'un magistrat, via un nombre de dossiers et d'affaires à traiter par catégorie de contentieux et par fonction ;

- la complexité : définir des indicateurs de complexité des affaires en matière civile et pénale ;

- la qualité : intégrer le principe de qualité des décisions rendues, via le taux d'appel ou de confirmation des décisions de la juridiction ;

- la collégialité : veiller à respecter ce principe lorsqu'il est prévu par la procédure ;

- le consensus : valider le référentiel en association avec l'ensemble des acteurs judiciaires concernés.

Ce référentiel d'activité devra en outre s'appuyer sur une définition objective de la durée du temps de travail des magistrats et également, à terme, servir de cadre au versement de la prime modulable, dont le taux resterait fixé par le chef de cour ou de juridiction.

En parallèle, Outilgref , outil de gestion et de répartition des emplois de fonctionnaires, devra faire l'objet d'une meilleure adaptation, en concertation avec l'ensemble des parties prenantes et en étroite collaboration avec la démarche du référentiel national d'activité et de carrière des magistrats.

Cette adaptation devra veiller aux trois critères suivants :

- l'adaptation à la taille des juridictions ;

- l'adaptation aux évolutions législatives et réglementaires ;

- la prise en compte de la complexité des tâches.

c) Mettre en oeuvre une politique de mobilité plus harmonieuse pour les magistrats et les fonctionnaires

La forte mobilité des magistrats contribue aujourd'hui à désorganiser les juridictions. Elle constitue un sujet important de préoccupation, en lien étroit avec celui des vacances de postes dans les juridictions, susceptible de nuire à la qualité des décisions de justice rendues ou au suivi efficace des dossiers. Ce phénomène est plus prégnant dans certaines juridictions moins attractives, dont les magistrats cherchent à partir et qui ne suscitent que peu de candidatures. À l'inverse, certains magistrats ne bougent pas, ou très peu.

Cette situation s'explique également par le cadre juridique actuel, qui fait de la mobilité une condition essentielle de l'avancement de carrière des magistrats. L'accès au premier grade, à l'exercice de certaines fonctions et à la nomination aux emplois placés hors hiérarchie est conditionné statutairement à une certaine mobilité, géographique ou fonctionnelle.

L'exercice de certaines fonctions est toutefois soumis à une durée limitée :

- sept ans pour les chefs de cour et de juridiction ;

- dix ans pour les juges spécialisés, au sein d'une même juridiction : sont concernés le juge d'instruction, le juge des enfants, le juge de l'application des peines, le juge des libertés et de la détention et le juge chargé du service d'un tribunal d'instance.

Toutefois, en dépit de la doctrine du Conseil supérieur de la magistrature, les textes ne prévoient aucune autre durée minimale ou maximale d'exercice des fonctions pour les autres magistrats.

Le régime de mobilité doit donc être mieux encadré, en prévoyant dans le statut de la magistrature des règles de durée minimale et maximale d'exercice des fonctions dans la même juridiction. La durée minimale de droit commun pourrait être fixée à trois ans, portés à quatre ans pour les fonctions spécialisées exercées en cabinet, en raison du nécessaire investissement plus lourd dans les dossiers qu'exigent ces fonctions. La durée maximale pourrait être fixée à dix ans comme c'est d'ores et déjà le cas pour les fonctions spécialisées.

Cet encadrement est prévu par la loi organique pour le redressement de la justice.

En conséquence, le rythme des mouvements annuels devra être revu et leur nombre limité et défini préalablement selon un calendrier annuel.

Afin de compléter cette nouvelle politique de mobilité, l'attractivité de certaines juridictions devra être renforcée, afin d'y encourager les candidatures de magistrats et de fonctionnaires, par la mise en place d'incitations en termes de régime indemnitaire et d'ancienneté.

Cette politique incitative s'appuiera sur l'élaboration d'une série de critères permettant la définition d'une ou plusieurs catégories de juridictions jugées peu attractives, qui pourrait comprendre des éléments quantitatifs, tels que la taille de la juridiction, sa localisation géographique en zone rurale ou dans un quartier éligible à la politique de la ville, le nombre de candidatures de magistrats et de fonctionnaires intervenues au cours des dernières années, et des critères qualitatifs, tels que le type des contentieux traités et les facteurs exogènes pouvant accroître le nombre d'affaires. Ce travail devra s'articuler avec la création du référentiel national d'activité et de carrière des magistrats et l'adaptation d' Outilgref .

Enfin, le chantier de l'harmonisation de la gestion des corps communs du ministère de la justice, dont les régimes sont actuellement très divers en matière indemnitaire, d'évaluation, de temps de travail ou de mobilité, devra être engagé, en vue de renforcer l'équité entre les différentes directions et l'attractivité des fonctions proposées dans les services judiciaires.

d) Mieux garantir la réussite d'une politique de diversification du recrutement du corps de la magistrature

La politique d'ouverture du corps de la magistrature et de diversification de son recrutement devra être poursuivie, tout en maintenant un haut niveau juridique de recrutement, notamment en renforçant la formation initiale à l'École nationale de la magistrature pour les candidats issus des concours complémentaires et les candidats à une intégration directe.

e) Mettre à niveau les effectifs des services pénitentiaires pour un véritable suivi des détenus

En dépit de son rôle crucial pour l'efficacité des politiques pénales et la réinsertion des personnes placées sous main de justice, l'administration pénitentiaire souffre d'un manque d'effectifs et d'un fort taux de vacances de postes, tant pour les personnels de surveillance que pour les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation.

La politique active de recrutement des surveillants pénitentiaires doit être poursuivie et les effectifs des services pénitentiaires d'insertion et de probation doivent être mis au niveau des ambitions d'accompagnement des détenus en vue de leur réinsertion dans la société.

3. Améliorer la programmation et le financement de l'immobilier judiciaire

La dégradation d'une partie de l'immobilier judiciaire justifie un travail de long terme et un investissement accru, dans l'objectif d'améliorer les conditions de travail des personnels et auxiliaires de justice, tout comme les conditions d'accueil des justiciables.

a) Poursuivre l'effort de remise à niveau de l'immobilier judiciaire

Les besoins de financement sont criants dans certains tribunaux dont l'état est extrêmement dégradé, alors que les ressources budgétaires sont en voie de raréfaction, dans le contexte de l'accroissement prévisionnel des dépenses contraintes relatives au financement des bâtiments construits dans le cadre de partenariats public-privé. Les efforts déjà engagés de redressement de l'immobilier judiciaire devront donc être accrus. Les dépenses d'investissement immobilier ne devront pas être sacrifiées aux exigences de la régulation budgétaire.

La programmation de l'immobilier judiciaire devra bénéficier d'un financement régulier et suffisant, complété par la mise en oeuvre d'un programme pluriannuel de maintenance et d'entretien adapté aux spécificités de l'immobilier judiciaire, pour limiter à moyen et long termes les surcoûts résultant du défaut d'entretien.

Enfin, un travail interministériel de diagnostic des enjeux et objectifs en matière d'immobilier judiciaire devra être mené. Il pourra être formalisé par un contrat d'objectifs entre les ministères de l'économie et des finances et de la justice.

b) Renforcer l'organisation et le pilotage de la fonction immobilière pour faire face aux enjeux de moyen et long termes

L'effort de rationalisation de la fonction immobilière au sein du ministère de la justice sera prolongé, par une meilleure articulation entre les directions gestionnaires, en charge de la définition des besoins immobiliers, le secrétariat général, doté d'une compétence renforcée de pilotage, et l'agence publique pour l'immobilier de la justice.

Les compétences et l'expertise des équipes dédiées au pilotage de la fonction immobilière du ministère de la justice et de l'agence publique pour l'immobilier de la justice devront être renforcées, afin d'assurer un suivi performant des partenariats public-privé, notamment pour le nouveau palais de justice de Paris.

4. Adapter l'organisation du ministère de la justice, pour en faire une administration plus moderne et efficace

a) Renforcer le rôle de coordination stratégique du secrétariat général

Les fonctions de coordination sont indispensables, dans la mesure où elles permettent d'assurer le lien entre les différentes entités, la cohérence de l'action du ministère, et sa conformité avec le cadre général défini par l'autorité politique. Ce rôle stratégique de coordination revient en principe au secrétariat général.

À cette fin, le cadre juridique du ministère de la justice doit être mis en conformité avec le décret du 24 juillet 2014 relatif aux secrétaires généraux des ministères, pour en faire une instance stratégique de coordination et de pilotage du ministère de la justice, dotée des compétences nécessaires à l'exercice de ces missions.

Le secrétariat général du ministère de la justice devra disposer de l'expertise pour jouer un rôle essentiel dans le pilotage des réformes, et donc assurer la coordination de l'évaluation ex ante des moyens nécessaires et des conditions de la réussite d'une réforme, ou de la bonne application d'une disposition législative ou réglementaire nouvelle. Sa fonction d'impulsion et de pilotage des grands projets transverses du ministère devra être renforcée.

La formalisation des missions ministérielles et interministérielles confiées personnellement au secrétaire général du ministère de la justice sera accrue, dans une lettre de mission pluriannuelle co-signée par le Premier ministre et le garde des sceaux.

Plus particulièrement, le secrétariat général devra faire aboutir les deux grands projets prioritaires que sont la dématérialisation des procédures, qui inclue la mise en place de la signature électronique, et la conduite d'une politique d'archivage et de gestion des scellés dans les juridictions.

b) Réaffirmer le rôle du secrétariat général dans le pilotage transversal des fonctions support

L'organisation des services du secrétariat général dédiés aux fonctions support devra être améliorée, de sorte que le ministère de la justice dispose d'une vision globale de l'ensemble des fonctions support, assortie d'un réel pilotage transversal.

c) Mieux articuler l'action des services judiciaires du ministère sur le territoire

L'organisation dans les territoires des services délocalisés du secrétariat général, ainsi que leur articulation avec les services déconcentrés, sera simplifiée, sans pour autant méconnaître les spécificités de chaque métier de la justice, notamment des juridictions, qui devront être mieux prises en compte au sein de l'organisation et des procédures des plates-formes interrégionales de service du ministère de la justice. L'action des services délocalisés et déconcentrés du ministère de la justice devra être mieux coordonnée.

d) Renforcer le niveau d'encadrement et diversifier les compétences présentes au sein de la direction des services judiciaires

Les effectifs de la direction des services judiciaires devront être accrus, par le recrutement de compétences diversifiées et adaptées aux enjeux de la direction en termes de gestion budgétaire, de ressources humaines, d'informatique et d'immobilier.

5. Mettre à niveau la fonction de suivi statistique et d'évaluation, pour améliorer la préparation des réformes judiciaires

a) Les nouvelles perspectives offertes par la création récente de l'inspection générale de la justice

La nouvelle inspection générale de la justice sera confortée dans ses nouvelles missions, tout en préservant l'indépendance de l'autorité judiciaire, s'agissant notamment de la compétence de l'inspection à l'égard de la Cour de cassation.

b) Rénover la fonction statistique et en faire un véritable outil d'évaluation de l'activité des juridictions

La fonction statistique au sein du ministère de la justice sera l'objet d'un audit. Sur cette base, l'appareil statistique sera mis à niveau, automatisé et mieux intégré aux outils informatiques existants ou en développement, de façon à disposer de véritables outils d'aide à la décision, mais aussi d'évaluation des politiques menées.

En particulier, le ministère devra investir dans l'évaluation qualitative et quantitative des personnes placées sous main de justice, en réalisant des études de cohortes sur les personnes condamnées pour évaluer les risques de récidive, et en mesurant l'efficacité des peines et la qualité des intervenants du milieu probationnaire.

La mise à niveau de l'outil statistique du ministère devra permettre d'améliorer l'évaluation qualitative et quantitative de l'activité des juridictions.

c) Asseoir le rôle central du ministère de la justice dans la production normative et le pilotage des réformes

Le ministère de la justice est particulièrement exposé aux effets de l'inflation normative et à son impact, notamment procédural, sur l'activité des juridictions.

Au-delà des exigences organiques actuelles, toutes les dispositions adoptées au cours de l'examen parlementaire devront être évaluées à l'issue de la première lecture afin d'actualiser les études d'impact accompagnant les projets initiaux, pour mieux préparer la mise en oeuvre des réformes.

Le rôle d'évaluation du ministère de la justice doit aussi être renforcé vis-à-vis des textes dont il n'est pas à l'initiative, en particulier en réalisant des études d'impact des propositions de loi réformant les procédures et l'organisation judiciaire et en instaurant des référents magistrats du ministère de la justice dans les directions des affaires juridiques ministérielles. En matière pénale, l'ensemble des modifications normatives seront centralisées auprès de la direction des affaires criminelles et des grâces.

B. - Moderniser le service public de la justice en innovant et en maîtrisant la révolution numérique

Fondée sur les principes d'indépendance et d'impartialité, qu'aucun dispositif technologique ne pourra garantir comme l'intervention du juge, la décision de justice garde toute sa valeur. Pour préserver sa fonction de régulation sociale dans les situations qui l'exigent, l'institution judiciaire doit néanmoins mieux intégrer et accompagner les innovations technologiques.

1. Accélérer la dématérialisation des procédures judiciaires, pour simplifier l'accès et le fonctionnement de la justice

Tant en matière civile qu'en matière pénale, la dématérialisation offre des pistes de réforme porteuses de réels gains de simplification et d'allègement de la charge de travail, pour les personnels comme pour les justiciables. L'accélération de la dématérialisation des procédures suppose une plus grande coordination entre les directions législatives et les directions dites métiers, sous l'égide du secrétariat général, ce dernier devant assurer un pilotage plus stratégique de cette évolution.

a) Dématérialiser et simplifier les procédures en matière civile, pour rendre la justice plus accessible pour le justiciable

L'ensemble des procédures en matière civile sera passé en revue, afin de les modifier selon les deux exigences de simplification et de dématérialisation, sans remise en cause des droits et des garanties pour les justiciables et pour les tiers. La règle de procédure doit dorénavant être conçue pour être mise en oeuvre de façon dématérialisée et informatisée.

Cette perspective suppose la systématisation de la communication électronique, entre les juridictions, les justiciables et les auxiliaires de justice, et la mise en place de la signature électronique dans ces échanges, de façon à supprimer tout courrier. Elle suppose aussi une mise à niveau de l'informatique judiciaire.

Ce projet prioritaire de simplification et de dématérialisation reposera sur une instance ad hoc au sein du ministère de la justice, comportant un comité de pilotage, composé de toutes les compétences utiles, ainsi qu'une direction de projet, plus opérationnelle, assurée par le secrétariat général en lien avec les directions concernées, pour en assurer le suivi permanent. Cette instance devra à la fois superviser les travaux juridiques de simplification et les travaux de développements informatiques pour la dématérialisation, de sorte que l'enjeu de coordination est majeur.

b) Dématérialiser les procédures pénales

La simplification des procédures pénales et l'allègement de la charge d'activité des parquets passent aujourd'hui essentiellement par la dématérialisation. Des progrès notables devront être réalisés dans ce domaine, pour dématérialiser les procédures pénales, en particulier les échanges entre services d'enquête et juridictions pénales.

Les logiciels d'aide à la rédaction des procédures des forces de sécurité intérieure utilisés par la police nationale et par la gendarmerie seront fusionnés.

Des alertes automatiques d'information des services d'enquête seront mises en place pour les informer des suites judiciaires données à leurs procédures.

2. Consolider la conduite des projets informatiques au sein du ministère et organiser l'intégration des innovations

La fonction informatique au sein du ministère de la justice sera mise à niveau, pour assurer un réel pilotage stratégique des projets informatiques.

a) Créer une direction dédiée aux systèmes d'information, facteur essentiel pour la conduite des projets structurants

Une direction des systèmes d'information sera créée au sein du ministère de la justice, pour piloter la transformation numérique du service public de la justice, pour concevoir dans un lieu unique la stratégie numérique et la structure informatique du ministère, pour réduire la dispersion de la conduite des projets et pour limiter le recours à des prestataires extérieurs pour développer, maintenir et faire évoluer rapidement les outils informatiques structurants.

Les juridictions seront encouragées à développer des outils informatiques locaux. L'intégralité des applicatifs utilisés au sein des juridictions sera recensée au sein d'un répertoire national, afin de les partager.

Les juridictions pourront adapter localement certains aspects des outils informatiques nationaux et les utilisateurs seront mieux associés au développement et à l'évolution des applications informatiques.

b) Renforcer la sécurité des systèmes d'information et des traitements automatisés de données

La prise en compte de la question de la sécurité des systèmes d'information sera améliorée et la sécurisation des données à caractère personnel sera renforcée, sans nuire à l'efficacité des juridictions.

c) Mieux utiliser les outils technologiques pour faciliter le travail du juge

Des outils technologiques souples d'aide à la décision et d'aide à la rédaction des jugements pour les magistrats seront développés, pour faciliter le travail quotidien des juridictions et pour gagner du temps, au profit de leur coeur de métier.

L'exploitation des données judiciaires devrait aussi permettre au juge de disposer d'outils plus performants, pour l'éclairer sur la décision à prendre et pour connaître dans des cas similaires les décisions prises dans les autres juridictions.

3. Maîtriser et tirer profit des évolutions technologiques dans le domaine du droit et de la justice

Le ministère de la justice doit jouer pleinement son rôle dans la régulation des innovations technologiques dans le domaine du droit et de la justice, pour encadrer ces nouveaux services, au bénéfice de la justice et des justiciables. Ces nouveaux outils doivent être complémentaires et non concurrents de la justice traditionnelle.

a) Donner au ministère un rôle pilote pour accompagner et intégrer les innovations dans le domaine du droit et de la justice

Les capacités du ministère de la justice devront être revues pour lui permettre de jouer un rôle plus actif dans la connaissance et dans l'accompagnement des innovations technologiques, en intégrant davantage ces enjeux dans son organisation administrative, en lien avec des partenaires publics et privés, notamment la Cour de cassation. Il devra aussi jouer un rôle d'orientation, par le lancement et la dotation d'appels à projets innovants.

b) Maîtriser les risques d'ordre technique et éthique liés aux innovations technologiques

Un cadre juridique et déontologique plus précis et approprié sera fixé pour la mise à disposition du public des décisions de justice, pour assurer une meilleure protection des données personnelles, pour les justiciables mais aussi pour les magistrats et les avocats, et pour écarter les risques de perturbation de l'office du juge et du cours normal de la justice.

Une mise à niveau des outils informatiques est indispensable, afin d'automatiser le processus de traitement et de mise en forme des décisions en vue de leur publication.

Le ministère de la justice devra garantir l'égalité de traitement de tous les justiciables, indépendamment de l'utilisation des technologies, par exemple avec le développement de la visioconférence en matière pénale.

Un cadre juridique plus précis et protecteur pour le justiciable sera fixé pour les plates-formes de prestations juridiques et d'aide à la saisine de la justice.

c) Utiliser les innovations au service d'une meilleure qualité de la justice, notamment pour prévenir le contentieux civil

Un cadre juridique plus précis et protecteur pour le justiciable sera fixé pour permettre le développement du règlement alternatif des litiges en ligne et un dispositif public de résolution des litiges en ligne, piloté par le ministère de la justice, sera créé.

L'exploitation massive des données judiciaires devra être encouragée, tout en étant encadrée, pour contribuer à la prévention du contentieux en matière civile et au développement des modes alternatifs de règlement des petits litiges de la vie courante.

Ces outils nouveaux devront être mis au service du bon fonctionnement de la justice et de la qualité des décisions de justice, tout en prévenant les risques de dérives possibles.

La Cour de cassation sera appelée à jouer un rôle éminent en la matière, en lien avec sa mission d'harmonisation des jurisprudences et de diffusion des décisions de justice.

C. - Rendre l'institution judiciaire plus proche des citoyens

La proximité est une qualité régulièrement exigée de la justice, par les différents acteurs judiciaires, dans l'intérêt du justiciable, en particulier lorsqu'il est vulnérable ou pour des litiges de faible enjeu financier, lorsque la distance avec la juridiction compétente peut le dissuader de la saisir. Une telle exigence est légitime et suppose de maintenir un maillage territorial suffisant des lieux de justice.

Pour autant, l'exigence de proximité, pertinente pour les litiges de la vie courante, ne saurait s'appliquer à tous les contentieux. De plus, la voie contentieuse n'est pas l'unique mode de traitement pour les litiges exigeant de la proximité : les modes alternatifs de règlement des litiges, à commencer par la conciliation, peuvent constituer, dans un certain nombre de cas, un outil plus simple, efficace et rapide pour le traitement de petits litiges.

À côté des contentieux de proximité, il existe des contentieux qui exigent un principe de spécialisation juridique plus marquée dans leur traitement, par des juges plus spécialisés, et pour lesquels le ministère d'avocat est a priori obligatoire en matière civile.

Ainsi, toute évolution de l'organisation judiciaire en première instance doit être conçue du point de vue de la nature des contentieux, afin de mieux répondre aux deux exigences complémentaires de proximité et de spécialisation.

1. Pour renforcer l'accessibilité de la justice et sa proximité avec le justiciable, créer le tribunal départemental unique de première instance

Regroupant dans une juridiction départementale unique le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance, le tribunal de première instance sera mis en place progressivement d'ici 2022, selon les départements et en fonction de la résorption des vacances de postes de magistrats et de greffiers, sans remise en cause des implantations judiciaires existantes.

Compte tenu des spécificités de leur organisation juridictionnelle, le tribunal de commerce et le conseil de prud'hommes seraient conservés en dehors du tribunal de première instance.

Le tribunal de première instance serait créé sur la base de la notion de taille efficiente de juridiction. Ainsi, sauf particularités démographiques ou géographiques locales, un tribunal de première instance unique serait créé par département. Dans chaque département, des chefs de juridiction et des directeurs de greffe seront rapidement désignés chefs de projet pour préparer la mise en place du tribunal de première instance.

Les implantations judiciaires actuelles des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance seraient en principe maintenues, en transformant les sites extérieurs au siège en chambres détachées du tribunal de première instance et en s'appuyant sur le service d'accueil unique du justiciable. Le contentieux de proximité serait traité dans les chambres détachées.

Le socle minimal de compétences attribué aux chambres détachées correspondrait aux litiges de la vie courante, incluant le contentieux actuel des tribunaux d'instance et le contentieux familial, ainsi qu'aux réponses pénales simples. Des compétences supplémentaires pourraient leur être attribuées de façon souple, sur proposition des chefs de juridiction et sur décision des chefs de cour.

La mise à niveau de l'outil informatique civil est un préalable majeur, avec la résorption des vacances de postes, à la mise en place du tribunal de première instance.

Les magistrats affectés au sein du tribunal de première instance seront répartis entre le siège de la juridiction et les chambres détachées selon la procédure actuelle de l'ordonnance de roulement, prise par le président du tribunal après avis de l'assemblée des magistrats du siège.

Des garanties de localisation devront être mises en place pour les personnels du greffe du tribunal de première instance, avec une affectation dans un site donné, au siège de la juridiction ou dans une chambre détachée, tout en aménageant le mécanisme de la délégation entre le siège et une chambre détachée. Le mécanisme de délégation des personnels de greffe au sein du tribunal de première instance devra associer le directeur de greffe à la décision des chefs de juridiction et comporter un accompagnement indemnitaire.

Les règles actuelles en matière de représentation obligatoire par ministère d'avocat, en fonction du type de contentieux, seront maintenues, sans préjudice d'une réflexion ultérieure. Le regroupement au sein du tribunal de première instance des contentieux actuellement dévolus au tribunal d'instance et au tribunal de grande instance sera l'occasion d'ouvrir une réflexion sur la rationalisation et la simplification des modes de saisine du tribunal, en lien avec les enjeux de dématérialisation.

Parallèlement à la mise en place du tribunal de première instance, la politique d'accès au droit dans les territoires et le réseau des structures d'accès au droit devront être renforcés, dans le même objectif de renforcement de la proximité pour le justiciable, sous l'égide des conseils départementaux de l'accès au droit. Cette politique relève d'abord de la responsabilité de l'État. Les maisons de la justice et du droit, dont le nombre sera augmenté et qui seront toutes coordonnées par un greffier, seront de véritables relais du tribunal de première instance, en étant intégrées au sein du service d'accueil unique du justiciable.

2. Des perspectives d'évolution pour le tribunal de commerce et le conseil de prud'hommes

La compétence du tribunal de commerce sera étendue à l'ensemble des entreprises, c'est-à-dire aux agriculteurs, aux indépendants et aux personnes morales non commerçantes ayant une activité économique, pour en faire un réel tribunal des affaires économiques. Le corps électoral des juges consulaires sera élargi en conséquence. La mission civile du tribunal de première instance s'en trouvera recentrée. Cette évolution achèvera le processus de réforme que connaissent les tribunaux de commerce, après l'inclusion des artisans et le renforcement des obligations statutaires et déontologiques des juges consulaires.

Lorsqu'il n'est pas justifié par un nombre important d'affaires, le nombre de conseillers sera réduit dans les conseils de prud'hommes, pour renforcer l'efficacité juridictionnelle et la qualité des décisions, sans dégrader les délais de jugement. Pour mieux tenir compte de l'évolution différenciée du nombre d'affaires de chaque section, résultant des évolutions économiques et de l'emploi propre à chaque secteur et à chaque juridiction, la répartition des conseillers entre les sections de chaque conseil de prud'hommes sera revue et un dispositif permanent permettant de la modifier en cours de mandat sera mis en place.

3. Réaffirmer le rôle essentiel du juge chargé des contentieux de proximité, en renforçant ses capacités de conciliation

Dans le cadre du tribunal de première instance, le juge chargé des contentieux de proximité devra disposer des moyens appropriés pour exercer ses missions. Les conciliateurs seront rattachés au tribunal de première instance.

a) Renforcer les effets de l'intervention des conciliateurs, placés auprès du juge chargé des contentieux de proximité

Force exécutoire sera donnée aux accords trouvés par les parties dans le cadre de la conciliation préalable à la saisine du juge chargé des contentieux de proximité ou réalisée au cours d'une procédure judiciaire.

En cas d'échec de la conciliation, dans l'hypothèse où les parties envisageraient de poursuivre la procédure judiciaire, le conciliateur devra transmettre au juge le bulletin de non-conciliation, accompagné de sa proposition de règlement du litige, dans le respect du secret des échanges qui ont eu lieu au cours de la conciliation. Le juge aura alors la possibilité d'avaliser directement cette proposition sans appeler les parties à l'audience, à moins que l'une d'entre elles demande à être entendue. Le juge ne s'immiscerait pas dans le processus de conciliation et garderait entière son indépendance d'analyse, tout en bénéficiant du travail déjà réalisé par le conciliateur.

Un plan de recrutement de 1 500 conciliateurs de justice en cinq ans sera lancé, afin qu'ils soient en nombre suffisant sur l'ensemble du territoire pour accomplir les missions qui leur sont confiées.

Tout en préservant le caractère bénévole de leur fonction, les conciliateurs de justice seront dotés des moyens matériels indispensables à l'exercice de leurs missions.

b) Créer des « délégués du juge », placés auprès du juge chargé des contentieux de proximité

Pour améliorer la mise en oeuvre de la mission légale de conciliation confiée au juge, à côté du renforcement du rôle des conciliateurs de justice bénévoles, des «  délégués du juge » seront désignés sous le statut de juriste assistant. Ces assistants pourront exercer cette mission de conciliation par délégation du juge, mais aussi proposer la rédaction de jugement, à la suite de l'échec de la conciliation ou pour d'autres contentieux de proximité, et accomplir toute autre mission qui leur serait déléguée par le juge. Ces fonctions seront également proposées aux greffiers, accompagnées d'une revalorisation statutaire adaptée.

La coordination des différents acteurs de la conciliation intervenant auprès du juge chargé des contentieux de proximité devra être organisée, soit par le juge lui-même, soit par un « délégué du juge » issu du corps des greffiers.

D. - Améliorer l'organisation et le fonctionnement des juridictions en première instance et en appel

1. Renforcer l'autonomie de gestion des juridictions

a) Mieux prendre en compte les compétences d'encadrement pour l'accès aux fonctions de chefs de cour et de juridiction

Les critères de sélection des chefs de cour et de juridiction seront mieux définis, notamment les compétences d'administration et d'encadrement, et inscrits dans la loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature. La prise de fonction des magistrats chefs de cour ou de juridiction devra également être mieux préparée.

b) Conforter la responsabilité des chefs de cour et de juridiction dans l'administration de la justice, appuyée sur les directeurs de greffe

L'administration des juridictions constitue une mission essentielle des chefs de cour et de juridiction, qu'ils exercent avec l'appui des fonctionnaires de greffe, placés sous l'autorité d'un directeur de greffe.

L'organisation et les relations hiérarchiques internes des juridictions seront clarifiées, en distinguant mieux l'organisation de la fonction de juger, qui relève directement des chefs de juridiction, de la gestion quotidienne par les directeurs de greffe sous l'autorité et le contrôle des chefs de cour et de juridiction.

Afin de favoriser la vie interne des juridictions, les chefs de juridiction seront incités à réunir davantage les instances de concertation des cours et des juridictions, à savoir les différentes assemblées de magistrats et de fonctionnaires.

c) Mettre à niveau les budgets de fonctionnement courant des juridictions

La remise à niveau des moyens de fonctionnement courant des juridictions est impérative, pour leur permettre de faire face à leurs charges fixes et leur redonner des marges de manoeuvre budgétaire.

d) Accroître l'autonomie de gestion des chefs de cour et de juridiction

Les chefs de cour sont l'échelon de référence en matière de dialogue de gestion budgétaire avec la direction des services judiciaires.

Les procédures de dialogues de gestion budgétaire entre les chefs de cour et le ministère de la justice seront améliorées et les modalités de fixation des dotations, en fonction de critères quantitatifs et qualitatifs, seront revues.

Le pilotage des juridictions suppose une meilleure prévisibilité de l'évolution des ressources pour les chefs de juridiction. Pour leur redonner des marges de manoeuvre, dans le cadre de la sanctuarisation des crédits de l'autorité judiciaire, la totalité de leurs crédits sera déléguée aux chefs de cour en début de gestion et les chefs de juridiction auront la compétence et la responsabilité de gestion de leur budget.

Une telle évolution suppose de renforcer les équipes de gestion autour des chefs de cour et de juridiction, en diversifiant les compétences à leur disposition en matière de gestion des ressources humaines, d'informatique, de marchés publics ou encore de conduite de travaux.

Pour accompagner cette évolution, la contractualisation sera développée entre les juridictions de première instance, les cours d'appel et la direction des services judiciaires, en commençant par les juridictions les plus importantes, assortie d'engagements quantitatifs et qualitatifs, tant pour l'activité juridictionnelle que pour la gestion de la juridiction.

2. Ouvrir le chantier de la réforme des cours d'appel, un enjeu essentiel de l'organisation judiciaire

La situation des cours d'appel appelle une réforme, pour deux motifs majeurs : donner une taille critique suffisante à chaque cour d'appel et assurer une meilleure cohérence de l'action publique avec les services de l'État intervenant à l'échelon régional. Une telle réforme conduit à revoir le nombre des cours d'appel et à actualiser et simplifier leur carte. Elle sera ainsi l'occasion de concevoir un nouveau modèle de cour d'appel.

a) Les objectifs et les principes de la réforme des cours d'appel : pour un nouveau modèle de cour d'appel plus efficace

La situation actuelle des cours d'appel incite à faire évoluer leur nombre afin, d'une part, de leur faire toutes atteindre une taille critique suffisante et, d'autre part, de revoir les limites des ressorts pour assurer une meilleure cohérence avec la carte administrative générale, dans l'intérêt de la protection de l'ordre public au sens large, dont les parquets et les parquets généraux ont la responsabilité du point de vue judiciaire.

À ce stade, il n'est pas proposé de réduire le nombre de cours d'appel à treize, soit une par grande région, ni de supprimer toute implantation judiciaire relevant de l'appel là où une cour serait supprimée.

S'il n'est pas nécessaire de maintenir tous les sites judiciaires actuels en appel, car l'exigence de proximité ne présente pas la même acuité en appel qu'en première instance, certaines cours pourront comporter des chambres détachées, dotées d'une compétence territoriale particulière ou d'une compétence matérielle pour l'ensemble du ressort, conformément à un impératif de spécialisation, en vue d'une plus grande qualité juridique des décisions.

En revanche, il est nécessaire de regrouper des cours d'appel et de réunir leurs effectifs et leurs moyens, pour permettre un fonctionnement plus optimal de chacune d'elles, spécialiser davantage les magistrats en appel, améliorer ainsi la qualité juridique des arrêts rendus et mieux harmoniser, dans un ressort plus vaste, les jurisprudences de première instance.

Il est cohérent de constituer des ressorts de cours d'appel plus étendus, dès lors que seront mises en place des juridictions de première instance de taille plus importante. Il s'agirait de constituer sur le territoire, en première instance comme en appel, des juridictions plus solides et plus compétentes, plus à même de répondre à l'exigence de nos concitoyens d'une justice plus rapide et de qualité.

En outre, la cohérence entre les limites des ressorts des cours d'appel et les limites des régions administratives devra être assurée, de façon à ce qu'aucun ressort ne chevauche plusieurs régions administratives.

La réduction du nombre de cours permettra de prévoir un budget opérationnel de programme et un pôle Chorus par cour d'appel, afin de renforcer leur autonomie budgétaire et leur capacité d'initiative.

Une telle évolution du modèle des cours d'appel est un préalable à toute réforme profonde de la procédure ou de la nature même de l'appel.

b) Une réévaluation périodique de la carte judiciaire, sur la base de critères rationnels et objectifs, pour maintenir l'exigence de proximité

Un dispositif permanent de suivi et de réévaluation de la carte judiciaire sera mis en place, sur la base d'un ensemble de critères rationnels et objectifs visant à adapter régulièrement les implantations judiciaires à l'exigence de proximité, en fonction des évolutions locales. Cette adaptation concernera le réseau des chambres détachées des tribunaux de première instance, mais également les tribunaux des affaires économiques et les conseils de prud'hommes.

Ce dispositif de réévaluation périodique, au moins tous les cinq ans, s'appuiera sur les observations des chefs de cour et donnera lieu à des rapports publics élaborés par un comité permanent d'évaluation associant tous les acteurs judiciaires.

c) La nécessaire correspondance entre les différentes cartes administratives du ministère de la justice

La cohérence des limites géographiques des différentes cartes du ministère de la justice sera assurée : cours d'appel, directions interrégionales des services pénitentiaires, directions interrégionales de la protection judiciaire de la jeunesse et plates-formes du secrétariat général.

3. Adapter les procédures d'appel et de cassation, sans remettre en cause l'accès à la justice

a) En matière civile, une rationalisation des voies de recours qui suppose comme préalable incontournable de renforcer la première instance

La réflexion tendant à modifier la procédure d'appel, et en particulier à recentrer l'appel sur la critique de la décision de première instance, ne pourra aboutir qu'une fois la première instance réformée et redressée et à la condition de réunir les conditions nécessaires pour ne pas baisser le niveau des garanties offertes au justiciable par le double degré de juridiction.

b) En matière pénale, une modernisation souhaitable des voies de recours pour en renforcer l'effectivité

En matière pénale, plusieurs modifications seront réalisées pour améliorer l'appel.

Le droit d'appel sera étendu à l'ensemble des contraventions. Le jugement de ce contentieux en appel relèvera néanmoins d'un juge unique, suivant des procédures simplifiées.

Les appels et les pourvois abusifs ou dilatoires seront sanctionnés par une amende civile.

La possibilité sera donnée au condamné et au ministère public, en matière criminelle, de ne faire appel que du quantum ou de la nature de la peine, de façon à éviter que l'ensemble de l'affaire soit à nouveau jugée.

Enfin, la représentation devant la chambre criminelle de la Cour de cassation sera rendue obligatoire, pour donner au droit au pourvoi en cassation plus de chances d'aboutir.

4. Imaginer de nouvelles méthodes de travail au sein des juridictions, pour recentrer le juge sur son office

L'amélioration de l'organisation interne des juridictions, notamment avec la mise en place des magistrats coordonnateurs ou responsables de pôle, sera poursuivie et le juge sera doté d'une véritable équipe ayant pour mission, d'une part, de le décharger de certaines tâches ne relevant pas de son coeur de métier et, d'autre part, de lui apporter une aide à la décision.

a) Encourager le développement de nouveaux outils d'harmonisation des jurisprudences

En cas de divergence de jurisprudences au sein d'une juridiction, le président de la juridiction pourra organiser des échanges entre magistrats du siège concernés ou entre l'ensemble des magistrats du siège réunis en assemblée générale, pour permettre d'apporter aux justiciables des réponses harmonisées.

Pour encourager la diffusion des bonnes pratiques, une revalorisation statutaire sera accordée pour les missions de magistrat coordonnateur ou responsable de pôle.

En matière pénale, la spécialisation des magistrats siégeant en audience correctionnelle sera expérimentée pour favoriser l'harmonisation des décisions et des référentiels de jurisprudence pénale seront mis en place dans chaque juridiction et partagés dans le ressort de la cour d'appel.

b) Revaloriser les missions des greffiers, pour recentrer les magistrats sur la fonction de juger

Parallèlement à la résorption des vacances de postes de greffiers et au relèvement des effectifs de greffe, les potentialités offertes par le statut récemment rénové des greffiers devront être pleinement utilisées, avant de confier aux greffiers d'importantes tâches juridictionnelles.

Le déploiement de greffiers assistants du magistrat sera expérimenté auprès des magistrats du siège. Leur sera notamment confiée la mise en état des affaires civiles.

c) Renforcer la dimension collaborative du travail des magistrats

De nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats seront instaurées, pour permettre à un jeune magistrat sortant de l'École nationale de la magistrature de commencer sa carrière au siège auprès d'un magistrat plus expérimenté, pour parfaire sa formation, soit au cas par cas pour le traitement de certaines affaires plus complexes, sur décision du président de la juridiction, soit dans le cadre de postes conçus à cet effet, dans des juridictions spécialisées. Seul le magistrat en charge de l'affaire endosserait la responsabilité de la décision. Dans le respect de l'indépendance des magistrats du siège, ce dispositif est inspiré du fonctionnement du ministère public.

Par ailleurs, sera encouragée le recours à la procédure existante qui permet de confier à un juge rapporteur la préparation d'une décision rendue ensuite en formation collégiale.

5. Explorer les voies raisonnables de déjudiciarisation et de dépénalisation

Afin d'alléger la charge qui pèse sur les juridictions, les possibilités de déjudiciarisation et de dépénalisation seront examinées avec prudence.

a) La déjudiciarisation en matière civile

La possibilité de confier à la seule autorité administrative l'établissement des procurations de vote sera mise à l'étude. Les réflexions engagées sur la possibilité de permettre aux directeurs des services de greffe judiciaires d'être assistés des agents des finances publiques pour la vérification des comptes de tutelles seront poursuivies. Certaines procédures telles que les saisies immobilières, le changement de régime matrimonial, la délivrance des certificats de nationalité ou l'adoption simple des majeurs capables pourront être simplifiées.

b) La dépénalisation

Pour certains contentieux techniques, concernant notamment le droit de l'environnement, le droit de la construction et de l'urbanisme, le droit de la consommation et de la concurrence, lorsque l'intervention d'une juridiction pénale apparaît coûteuse et peu efficace, des sanctions prononcées par les autorités administratives pourront remplacer des sanctions pénales pour réprimer certains comportements.

Les infractions de faible gravité donnant lieu à des contentieux massifs, principalement le contentieux du code de la route, font déjà souvent l'objet de modes de traitements simplifiés. Si le traitement de ces contentieux est une question incontournable dans la réflexion sur le désencombrement des juridictions pénales, les réponses apportées ne font pas l'objet d'un consensus aujourd'hui. Dès lors, dans un premier temps, un inventaire exhaustif des infractions faisant l'objet d'un contentieux de masse et une évaluation de leur traitement par les juridictions pénales seront réalisés.

6. Alléger la charge d'activité des juridictions pénales

a) Rendre lisibles les politiques pénales nationale et locale

Les priorités de la politique pénale nationale seront consolidées au sein d'un document unique et actualisé et les procureurs de la République auront la liberté de définir une politique pénale locale adaptée, dans le cadre fixé par les procureurs généraux.

b) Assurer un traitement judiciaire de qualité à l'ensemble des enquêtes

Pour améliorer la qualité de la réponse pénale, les procureurs de la République établiront un schéma d'orientation des infractions distinguant celles qui doivent relever de la direction dématérialisée d'enquête et celles qui exigeraient de relever d'un traitement plus approfondi par les bureaux d'enquête. L'édiction d'une telle doctrine au sein des parquets exige de réaffirmer le principe d'opportunité des poursuites des magistrats du parquet.

Si la question de l'articulation entre les enquêtes et l'instruction devra faire l'objet d'une réflexion approfondie, la procédure d'instruction ne sera pas remise en cause. Une réflexion sera également engagée sur les avantages et les risques d'une extension du champ de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité en matière criminelle.

c) Simplifier les jugements en matière pénale

L'inflation législative constante en matière pénale a contribué à faire perdre en lisibilité et en cohérence la structure des peines pouvant être prononcées à titre principal, complémentaire ou accessoire. Le prononcé des peines devra donc être simplifié, en rationalisant la nomenclature des peines.

E. - Accroître la maîtrise des dépenses de justice

Les dépenses d'aide juridictionnelle et les dépenses de frais de justice pèsent particulièrement sur le budget du ministère de la justice, au détriment des autres dépenses.

1. Mobiliser de nouvelles ressources pour contribuer au financement durable de l'aide juridictionnelle

Pour augmenter les capacités de financement de l'aide juridictionnelle, l'exclusion de certains contentieux du champ de l'aide juridictionnelle est une piste écartée, de même que la participation financière de la profession d'avocat ou la taxation de certains actes juridiques. L'effort principal de financement de l'aide juridictionnelle doit être supporté par le biais de la solidarité nationale.

En revanche, sera rétablie la contribution pour l'aide juridique, acquittée par tout justiciable introduisant une instance devant une juridiction judiciaire ou administrative, créée en 2011 avant d'être supprimée en 2013. Pour éviter que cette contribution ne constitue une entrave au droit d'accès à la justice, certaines procédures seront exclues de son champ d'application, comme lors de sa mise en place en 2011, et une modulation de la somme à acquitter, de 20 à 50 euros, sera prévue en fonction de l'instance concernée. Comme en 2011, les personnes éligibles à l'aide juridictionnelle seront exonérées de son paiement.

Outre sa simplicité et sa lisibilité, cette contribution modique permettra d'assurer un financement durable de l'aide juridictionnelle et de jouer également un rôle de régulation en dissuadant les recours abusifs.

Par un renforcement des actions de sensibilisation et par la formation initiale et continue, les magistrats seront encouragés à utiliser davantage le dispositif qui impose de faire payer les frais d'avocat de la partie qui bénéficie de l'aide juridictionnelle par son adversaire, si celui-ci perd le procès.

Enfin, au vu de leur complexité, les règles administratives et financières de gestion de l'aide juridictionnelle seront simplifiées pour améliorer son efficacité et limiter son coût.

2. Assurer un meilleur contrôle de l'attribution de l'aide juridictionnelle

a) Faciliter le contrôle des ressources par les bureaux d'aide juridictionnelle

Pour simplifier le contrôle des ressources des demandeurs et alléger la charge des greffes, la consultation par les bureaux d'aide juridictionnelle des services fiscaux ou des organismes sociaux sera rendue obligatoire, par voie dématérialisée. Les bureaux d'aide juridictionnelle seront dotés d'un outil informatique simple pour octroyer l'aide juridictionnelle, la retirer et recouvrer les sommes indûment versées.

En outre, les bureaux d'aide juridictionnelle devront apprécier très strictement les situations d'urgence justifiant l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle sans contrôle a priori des ressources du demandeur. Le contrôle a posteriori de ces ressources devra être réalisé et, le cas échéant, conduire au recouvrement par l'État des sommes indûment versées.

Les magistrats seront également sensibilisés à l'utilisation des procédures de retrait de l'aide juridictionnelle.

Enfin, le taux de recouvrement des sommes versées au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle à la suite d'une décision de retrait de l'aide ou auprès de la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès dès lors que celle-ci n'est pas bénéficiaire de l'aide juridictionnelle sera amélioré, car ce recouvrement sera confié au Trésor public.

b) Prévoir une appréciation du bien-fondé de l'action par un avocat préalablement au dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle

Toute demande d'aide juridictionnelle devra être précédée de la consultation d'un avocat, de façon à assurer l'effectivité du contrôle du bien-fondé de l'action, déjà prévu par la loi, par les bureaux d'aide juridictionnelle. Actuellement, l'absence d'utilisation de ce filtre explique en partie le taux élevé d'admission à l'aide juridictionnelle en première instance et en appel. Cette obligation ne concernera pas les actions pour lesquelles le justiciable est défendeur ou, en matière pénale, les demandes relevant de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle en raison de leur caractère urgent.

Cette consultation préalable sera rétribuée comme un acte d'aide juridictionnelle.

3. Revoir le rôle de l'assurance de protection juridique

Pour une meilleure application du principe de subsidiarité, selon lequel l'aide juridictionnelle n'est pas accordée lorsque le demandeur peut bénéficier d'une prise en charge par un contrat d'assurance de protection juridique, les bureaux d'aide juridictionnelle pourront vérifier de manière simple auprès des compagnies d'assurance que le demandeur ne bénéficie pas d'une couverture par une assurance de protection juridique.

En outre, un nouveau type de contrat d'assurance de protection juridique sera créé, permettant la prise en charge des frais engagés au titre de certains litiges correspondant aux besoins des justiciables, comportant un avantage fiscal pour inciter à la souscription de tels contrats, sur le modèle des « contrats responsables » qui existent en matière de santé.

4. Développer les outils de maîtrise des frais de justice

Recouvrant l'ensemble des dépenses prescrites dans le cadre d'une procédure judiciaire nécessaires à la manifestation de la vérité, les frais de justice en matière pénale représentent un fort enjeu budgétaire. Les efforts déjà engagés de maîtrise de ces dépenses, dont certaines sont obligatoires et dont les autres dépendent d'une multiplicité de prescripteurs, qui disposent d'une liberté de prescription plus ou moins grande, devront être poursuivis et amplifiés.

En premier lieu, sera mis en place un outil informatique complet d'analyse et de pilotage des dépenses de frais de justice. Cet outil permettra de standardiser certaines prestations, par le biais de référentiels ou d'études comparatives de prix. Il renforcera la connaissance et donc la maîtrise par les juridictions de leurs dépenses en frais de justice.

Les enquêteurs et les magistrats seront mieux informés sur les coûts des frais de justice.

La politique de passation de marchés publics, au niveau ministériel et local, sera poursuivie. La mise en concurrence et, plus généralement, le recours aux règles de la commande publique doivent être un des axes majeurs de l'optimisation de la dépense.

La politique d'internalisation de certaines compétences au sein des juridictions (traduction, interprétariat, expertise informatique...) sera également poursuivie.

Les circulaires de politique pénale seront assorties d'une étude d'impact en termes de frais de justice. La coordination entre magistrats et services d'enquête en matière de contrôle et de prescription des frais de justice sera améliorée et la responsabilité budgétaire des services d'enquête dans ce domaine sera renforcée.

F. - Redonner un sens à la peine d'emprisonnement

Le système d'exécution des peines d'emprisonnement doit être réformé et clarifié, afin de redonner un sens à la peine d'emprisonnement.

1. Exécuter plus rapidement les peines d'emprisonnement

L'examen obligatoire par le juge de l'application des peines, aux fins d'aménagement, pour les peines d'emprisonnement prononcées jusqu'à deux ans, ou un an en cas de récidive, sera supprimé. Il appartiendra à la juridiction de jugement de distinguer explicitement, dès le jugement, les condamnations susceptibles de faire l'objet d'un aménagement avant incarcération et les condamnations entraînant la mise en détention immédiate du condamné.

En outre, l'exécution provisoire et immédiate des peines d'emprisonnement sera facilitée et les juridictions seront encouragées à utiliser davantage la procédure de l'ajournement du prononcé de la peine.

2. Remédier au double scandale de la vétusté et de la saturation des prisons par un vaste programme de création de places

La situation actuelle de surpopulation dans les prisons françaises nécessite une augmentation conséquente et une diversification du nombre de places dans les établissements pénitentiaires pour assurer aux détenus des conditions d'hébergement dignes et respectueuses des droits et améliorer les conditions de travail des personnels, mais aussi pour garantir une réponse pénale plus crédible, par une exécution des peines plus rapide.

La prison doit jouer un double rôle de punition et de réinsertion. Il est donc nécessaire de disposer d'établissements offrant des conditions matérielles propices à la prévention de la récidive, permettant la réalisation de parcours pénitentiaires individualisés, entre unités, voire entre établissements plus ou moins sécurisés.

Dès lors, au-delà de la nécessaire augmentation du nombre de places, un programme équilibré de construction de places sera mis en oeuvre. Si des établissements très sécurisés pour les détenus les plus dangereux, notamment radicalisés, sont nécessaires, des établissements à la sécurité adaptée, proches des villes pour favoriser la réinsertion et permettre un accès facilité à l'emploi, seront également construits pour préparer et accompagner de manière efficace les sorties des condamnés. Ce programme immobilier doit également créer des établissements de proximité qui, en raison de leurs conditions de sécurité allégée, pourront être mis en place plus rapidement. Ces établissements auraient vocation à incarcérer les détenus condamnés à une courte peine dans des conditions permettant leur réinsertion rapide.

Le parc pénitentiaire sera accru de 15 000 places supplémentaires d'ici 2022, sans recourir aux partenariats public-privé, en axant le programme principalement sur les maisons d'arrêt, notamment les centres pour courtes peines.

3. Simplifier le régime de l'application des peines d'emprisonnement et renforcer le suivi post-libération des condamnés détenus

Pour simplifier l'exécution des peines, certaines décisions qui relèvent des juridictions de l'application des peines seront transférées aux directeurs des établissements pénitentiaires, en particulier certaines permissions de sortir, notamment lorsqu'une telle mesure a déjà été octroyée au détenu.

Par ailleurs, l'intégralité des sorties d'incarcération devra être accompagnée par un suivi socio-judiciaire probatoire, grâce au recrutement d'effectifs supplémentaires dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation.

4. Corriger la réforme des extractions judiciaires

Dans le prolongement des correctifs apportés à l'organisation des missions d'extraction et de transfèrements judiciaires, sans remise en cause de cette réforme décidée en 2010, la priorité de toutes les extractions judiciaires dont l'absence de réalisation perturbe l'organisation des juridictions et des procédures pénales sera réaffirmée. Dès lors, si une extraction ne peut pas être réalisée par l'administration pénitentiaire, elle devra l'être par les forces de sécurité de la police ou de la gendarmerie.


* 1 Cinq ans pour sauver la justice ! Rapport d'information n° 495 (2016-2017) de M. Philippe Bas président-rapporteur, et Mme Esther Benbassa, MM. Jacques Bigot, François-Noël Buffet, Mme Cécile Cukierman, MM. Jacques Mézard et François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 4 avril 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-495-notice.html

* 2 Cour de cassation, chambre criminelle, 21 mars 2017, n° 16-82.437.

* 3 Les différents cas dans lesquels l'assemblée générale des magistrats est appelée à se prononcer sont fixés au niveau réglementaire.

* 4 En effet, l'article 829 du code de procédure civile prévoit que lorsque la demande en justice est formée par assignation, elle l'est « à fin de conciliation ». Ce n'est qu'à défaut de conciliation qu'elle est formée à fin de jugement . L'article 831 précise ensuite que « le juge peut déléguer à un conciliateur de justice la tentative préalable de conciliation ».

* 5 Décret n° 2015-1275 du 13 octobre 2015 portant statut particulier des greffiers des services judiciaires.

* 6 L'hypothèse d'un recours abusif ou dilatoire en cas de condamnation en matière criminelle paraît peu crédible. Néanmoins, il est possible de prévoir une sanction également en matière criminelle.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page