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N° 589

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 juin 2017

PROPOSITION DE LOI

visant à simplifier et mieux encadrer le régime d' ouverture des établissements privés hors contrat ,

PRÉSENTÉE

Par Mmes Françoise GATEL, Catherine MORIN-DESAILLY, MM. Alain MILON, Philippe BAS, André REICHARDT, Henri de RAINCOURT, Joël GUERRIAU, Mme Nathalie GOULET, M. Jean-François LONGEOT, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Guy-Dominique KENNEL, Alain DUFAUT, Benoît HURÉ, André TRILLARD, Yves DÉTRAIGNE, Cyril PELLEVAT, Alain MARC, Gilbert BOUCHET, Mme Dominique ESTROSI SASSONE, MM. Alain VASSELLE, Jean-Noël GUÉRINI, Pierre MÉDEVIELLE, Daniel CHASSEING, Mme Jacky DEROMEDI, M. Gérard BAILLY, Mmes Pascale GRUNY, Catherine DI FOLCO, MM. Patrick CHAIZE, Vincent CAPO-CANELLAS, Loïc HERVÉ, Charles REVET, Mmes Élisabeth DOINEAU, Corinne IMBERT, M. Henri TANDONNET, Mme Colette MÉLOT, MM. Pierre CUYPERS, Michel RAISON, Mme Annick BILLON, M. Michel CANEVET, Mmes Françoise FÉRAT, Fabienne KELLER, Sophie PRIMAS, MM. Hervé MARSEILLE, Olivier HENNO, Jean-Claude LUCHE, Jean-François LONGEOT, Mmes Jocelyne GUIDEZ, Anne-Catherine LOISIER, Sonia de la PROVÔTÉ, Michèle VULLIEN, Dominique VÉRIEN, MM. Jean-Pierre MOGA, Alain CAZABONNE, Mme Denise SAINT-PÉ, M. Jean-Marie MIZZON, Mme Sylvie GOY-CHAVENT, MM. Bernard DELCROS, Jean-Marie JANSSENS, Claude KERN, Mme Nassimah DINDAR, M. Jean-Marie VANLERENBERGHE, Mme Agnès CANAYER et M. Daniel DUBOIS,

Sénateurs

(Envoyée à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'ouverture d'un établissement privé d'enseignement scolaire relève d'un régime déclaratif qui se décline en trois procédures distinctes, en fonction de la nature de l'enseignement dispensé par l'établissement (premier degré, second degré général ou enseignement technique), qui ont été définies respectivement par les lois « Goblet » du 30 octobre 1886, « Falloux » du 15 mars 1850 et « Astier » du 25 juillet 1919.

Détaillées dans une circulaire n° 2015-115 du 17 juillet 2015, ces procédures font intervenir, à chaque fois, de manière différente, le maire, l'autorité académique, le préfet ainsi que le procureur de la République. Ces derniers peuvent s'opposer à l'ouverture de l'établissement pour des motifs liés aux bonnes moeurs, à l'hygiène et, pour le seul enseignement technique, pour des considérations d'ordre public et liées à la nature de l'enseignement dispensé.

L'administration a la possibilité de s'opposer à l'exercice de cette activité mais dans des délais souvent très courts et pour des motifs trop restreints pour garantir aux enfants une instruction de qualité et prévenir les dérives potentielles (risque de radicalisation, insuffisance pédagogique...).

Or, la progression du nombre d'établissements au cours des dix dernières années est exponentielle ; on dénombre ainsi 93 écoles créées en 2016, contre 31 en 2011.

Dans le cadre du projet de loi Égalité et citoyenneté, le Gouvernement avait voulu modifier par ordonnance la législation relative aux modalités d'ouverture de ces établissements en prévoyant notamment d'y substituer un régime d'autorisation préalable.

Or, l'habilitation du Gouvernement à mettre en oeuvre un régime d'autorisation préalable portait une atteinte disproportionnée à la liberté constitutionnelle d'enseignement, indissociable de la liberté d'association. La disposition a, de fait, été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017.

Pour autant, le régime d'ouverture, tel qu'il existe aujourd'hui, n'est pas satisfaisant tant par la complexité de la procédure, le sentiment de faits accomplis dans lequel il place élus locaux et services de l'État, que par les leviers d'actions trop limités qu'il offre.

L'actualité récente montre ainsi quelques exemples de ces difficultés avec notamment le cas de l'école Al-Badr à Toulouse, ou encore un rapport d'inspection de l'académie de Versailles faisant état « d'inquiétantes dérives » et de « faillite éducative ».

La proposition vise donc à simplifier et harmoniser les procédures ainsi que mieux encadrer et renforcer le régime de déclaration.

L' article premier simplifie la législation existante en fusionnant les trois régimes existants. Elle renforce le contrôle exercé par le maire et par les services de l'État en allongeant les délais d'opposition, en les portant respectivement à deux et trois mois, et en unifiant les motifs d'opposition. Elle en ajoute également de nouveaux, permettant au maire de s'opposer à l'ouverture pour des motifs liés à la sécurité et à l'accessibilité des locaux, et aux services de l'État en cas de non-respect des conditions de titres et de moralité du chef d'établissement et des enseignants. Les sanctions en cas d'ouverture d'un établissement en dépit d'une opposition sont renforcées et le directeur académique des services de l'Éducation nationale (DASEN) peut mettre immédiatement les parents d'élèves en demeure de scolariser leurs enfants dans un autre établissement.

Son article 2 affirme le principe d'un contrôle annuel de chaque établissement ou classe hors contrat et prévoit que les services de l'éducation nationale devront prévenir le préfet et le procureur de la République  s'il apparaît que l'enseignement dispensé est contraire à la moralité ou aux lois ou que des activités menées au sein de l'établissement sont de nature à troubler l'ordre public.

Enfin, son article 3 étend aux directeurs et enseignants du second degré général les conditions d'âge, de nationalité et de capacité qui n'existaient jusqu'alors que pour leurs homologues du second degré technique. Il établit l'obligation, pour le directeur d'un établissement d'enseignement du second degré privé, d'avoir exercé pendant cinq ans au moins les fonctions de professeur ou de surveillant dans un établissement scolaire du second degré.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Le chapitre I er du titre IV du livre IV de la deuxième partie du code de l'éducation est ainsi rédigé :

« CHAPITRE I ER

« L'ouverture des établissements d'enseignement privés

« Art. L. 441-1 . - Tout Français ou ressortissant d'un autre État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, âgé de vingt-cinq ans au moins et n'ayant encouru aucune des incapacités mentionnées à l'article L. 911-5, peut ouvrir un établissement d'enseignement privé.

« Le demandeur doit préalablement déclarer son intention au maire de la commune où il souhaite établir l'établissement et lui désigner les locaux affectés à l'établissement. La même déclaration doit être faite en cas de changement des locaux de l'école, ou en cas d'admission d'élèves internes. Un décret fixe la liste des pièces constitutives du dossier de déclaration.

« Le maire remet immédiatement au demandeur un récépissé de sa déclaration et fait afficher celle-ci pendant deux mois.

« Si le maire juge que les locaux ne sont pas convenables pour des raisons tirées des bonnes moeurs, de l'hygiène, des exigences de sécurité et d'accessibilité, il forme, dans un délai de deux mois, opposition à l'ouverture de l'établissement et en informe le demandeur.

« Art. L. 441-2 . - Simultanément, le demandeur adresse une déclaration à l'autorité compétente de l'État en matière d'éducation, qui lui en donne récépissé et la transmet au représentant de l'État dans le département et au procureur de la République.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités de la déclaration et la liste des pièces qui la constituent. Elle comprend le nom et les titres du chef d'établissement et des enseignants, le projet pédagogique et les modalités de financement de l'établissement, les programmes et les horaires de l'enseignement devant être dispensé, le plan des locaux affectés à l'établissement et, si le déclarant appartient à une association ou si l'établissement projeté est financé par une association, une copie des statuts de cette association. Elle comprend, en outre, l'acte de naissance et l'extrait du casier judiciaire du déclarant, ainsi que l'indication des lieux où il a résidé et des professions qu'il a exercées pendant les dix années précédentes.

« L'autorité compétente de l'État en matière d'éducation, le représentant de l'État dans le département et le procureur de la République peuvent former opposition à l'ouverture de l'établissement, dans l'intérêt de l'ordre public, des bonnes moeurs, de l'hygiène, si les conditions de titres et de moralité du chef d'établissement ou des enseignants ne sont pas remplies ou s'il résulte des programmes de l'enseignement que le projet de l'établissement ne correspond pas à l'enseignement qu'il prévoit de dispenser ou que l'établissement projeté n'a pas le caractère d'un établissement scolaire.

« À défaut d'opposition, l'établissement est ouvert à l'expiration d'un délai de trois mois, sans autre formalité ; ce délai a pour point de départ le jour où la déclaration a été adressée par le demandeur à l'autorité compétente de l'État en matière d'éducation.

« Art. L. 441-3 . - L'ouverture d'un établissement d'enseignement privé en dépit d'une opposition formulée par les autorités compétentes ou sans remplir les conditions prescrites au présent chapitre ainsi qu'aux articles L. 911-5, L. 914-4 et L. 914-5 est punie de 15 000 € d'amende et de la fermeture de l'établissement.

« L'autorité compétente de l'État en matière d'éducation saisit le procureur de la République des faits constitutifs d'infraction au présent chapitre. Dans cette hypothèse, elle met en demeure les parents des élèves scolarisés dans l'établissement d'inscrire leur enfant dans un autre établissement, dans les quinze jours suivant la notification. »

Article 2

L'article L. 442-2 du code de l'éducation est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les mots : « peut prescrire » sont remplacés par le mot : « prescrit » ;

2° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« S'il apparaît à l'occasion de ce contrôle que l'enseignement dispensé est contraire à la moralité ou aux lois, que des activités menées au sein de l'établissement sont de nature à troubler l'ordre public ou en cas de refus de ce contrôle, l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation en informe le représentant de l'État dans le département et le procureur de la République. » ;

3° A l'avant-dernier alinéa, les mots : « sa part » sont remplacés par les mots : « la part du directeur de l'établissement ».

Article 3

L'article L. 914-5 du code de l'éducation est ainsi modifié :

1° Aux premier, deuxième et dernier alinéas, le mot : « technique » est remplacé par les mots : « du second degré ».

3° Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le candidat fournit un certificat de stage constatant qu'il a rempli, pendant cinq ans au moins, les fonctions de professeur ou de surveillant dans un établissement d'enseignement du second degré public ou privé d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Ce certificat de stage est délivré par le recteur sur l'attestation des chefs des établissements où le stage a été accompli, après avis du conseil académique de l'éducation nationale.

« Le fait, pour un chef d'établissement d'enseignement du second degré privé ou public, de délivrer une fausse attestation, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. »

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