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N° 1

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 octobre 2016

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

tendant à ce que les dépenses engagées pour une élection primaire soient intégrées dans le compte de campagne des candidats ,

PRÉSENTÉE

Par M. Jean Louis MASSON,

Sénateur

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Pour sélectionner leur candidat à l'élection présidentielle, les deux partis dominants à l'Assemblée nationale et au Sénat ont introduit le processus dit « des primaires ». Qui plus est, certains envisagent d'étendre ponctuellement cette démarche à d'autres élections, notamment aux élections législatives.

Ce processus est cependant une transposition dévoyée des usages en vigueur aux États-Unis. En effet, aux États-Unis, l'élection présidentielle se déroule à un seul tour et la primaire y a un rôle de clarification. Au contraire, en France l'élection présidentielle est déjà à deux tours et il n'est pas souhaitable d'ajouter encore deux tours de primaires... soit au total quatre tours !

De plus, les élections primaires sont contraires à l'esprit de la V ème République tel que le concevait le Général de Gaulle. Pour lui, l'élection présidentielle était la rencontre d'un homme avec le peuple, alors que les primaires sont un retour au régime des partis.

Les partis dominants de la droite et de la gauche parlementaires ayant généralisé la pratique des élections primaires, une clarification juridique est indispensable pour éviter que les candidats issus des primaires soient indûment avantagés au détriment des autres candidats à l'élection présidentielle.

En effet, il est évident que la victoire de M. François HOLLANDE à la primaire de la gauche en 2012 lui a fait bénéficier d'une mise en valeur médiatique considérable et a contribué à son élection finale. Le même constat résultera de la primaire actuelle du parti « Les Républicains ». En outre, lorsque les communes fournissent gratuitement des moyens publics pour l'organisation des primaires, il s'agit aussi d'un avantage supplémentaire pour les intéressés.

Certes, il n'y a pas de raison d'empêcher un ou plusieurs partis, d'instrumentaliser une pseudo-consultation pour la désignation d'un candidat. Toutefois, cela doit alors rester une démarche privée n'ayant aucun caractère officiel et ne bénéficiant d'aucun passe-droit, notamment en matière de comptes de campagne ou en matière d'interdiction d'utiliser des moyens publics.

En l'état actuel de la jurisprudence, un avis du 31 octobre 2013 de la section de l'Intérieur du Conseil d'État indique : « ... il a été jugé, dans le cadre d'une élection primaire organisée par un parti politique en vue de l'investiture de son ou ses candidats, que les dépenses d'un candidat ayant eu pour but de promouvoir et de favoriser auprès des adhérents de son parti politique sa candidature à l'investiture de ce parti ne sont pas engagées ou effectuées en vue de l'obtention des suffrages des électeurs ; par conséquent, elles n'ont pas à figurer au compte de campagne que ce candidat doit tenir en application de l'article L. 52-12 du code électoral (Élections municipales d'Argenteuil, 23 juillet 2009, n° 322425).

Il résulte de ce qui précède que les dépenses faites par un candidat, lors d'une campagne en vue d'une élection primaire avant son investiture par un parti politique, ne peuvent s'ajouter, pour l'application de l'article L. 52-12 du code électoral, aux dépenses de la campagne postérieure à cette investiture que pour autant que les premières dépenses puissent être regardées comme engagées ou effectuées en vue de l'obtention des suffrages des électeurs lors de l'élection ... ».

À l'évidence, les candidats à la primaire vont prétendre que la quasi-totalité de leurs dépenses ont été engagées pour la primaire et non pour les élections présidentielles ou autres.

C'est sur ces bases que pour l'élection présidentielle de 2012, la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Finances Politiques (CNCCFP) a réintégré une somme tout à fait dérisoire de moins de 300 000 € dans le compte de campagne du candidat HOLLANDE.

Afin que le système des primaires ne déséquilibre pas le déroulement d'une élection au profit des candidats concernés, la présente proposition de loi comporte les deux mesures suivantes :

• Intégrer dans le compte de campagne des candidats aux primaires, toutes les dépenses qu'ils ont engagées pour ces primaires, postérieurement à l'ouverture de la période des comptes de campagne.

• Interdire à toute personne morale, publique ou privée d'apporter gratuitement quelque concours que ce soit à l'organisation d'une élection primaire pendant la période des comptes de campagne.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article 1 er

Après le troisième alinéa du II de l'article 3 de la loi n°62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du président de la République au suffrage universel, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Toutes les dépenses engagées postérieurement à l'ouverture de la période des comptes de campagne pour promouvoir un candidat à l'investiture d'un parti ou groupement politique sont incluses dans le plafond prévu à l'alinéa précédent ».

Article 2

Après le quatrième alinéa du II de l'article 3 de la loi n°62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du président de la République au suffrage universel, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À compter de l'ouverture de la période des comptes de campagne, aucun candidat, ni aucun parti ou groupement politique ne peut bénéficier du concours gratuit, direct ou indirect, d'une personne morale, publique ou privée pour les opérations en vue de l'investiture. »

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