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N° 404

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 février 2016

PROPOSITION DE LOI

renforçant la prévention et la lutte contre le cyber harcèlement ,

PRÉSENTÉE

Par M. Roland COURTEAU,

Sénateur

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les jeunes français doivent faire face à des menaces virtuelles aux conséquences bien trop réelles : 40 % des élèves disent avoir déjà été victimes d'une agression ou d'une méchanceté en ligne. À cause de leurs différences, de leurs centres d'intérêts, de rumeurs sur leurs activités sexuelles, certains adolescents deviennent la cible d'un lynchage, ce qui a déjà mené plusieurs d'entre eux à mettre fin à leurs jours. Pris pour cible parce qu'ils sont différents, ne cèdent pas aux codes vestimentaires, n'exhibent pas le produit de consommation dernier cri, certains deviennent ainsi le réceptacle d'injures et de menaces de mort sur les réseaux sociaux. Chez les jeunes, pas de quartier : on est « populaire » ou "boloss", pour reprendre une terminologie qui leur est propre.

Le comportement des mineurs, nouvelle génération Y sur l'Internet mobile, rend urgente la prise de mesures préventives et éducatives afin d'aider les jeunes en difficulté. La raison en est simple : l'Internet mobile participe à la construction de l'identité et de la personnalité de nos enfants. D'ailleurs, le problème ne concerne pas que les jeunes ; il va bien au-delà et les conséquences du cyber harcèlement n'en sont pas moins graves.

La prévention est le premier moyen de lutter contre toutes formes de harcèlement. Ainsi toute personne doit être initiée à la protection de ses informations personnelles et à la gestion de ses paramètres de confidentialité, l'utilisation du téléphone mobile au sein des établissements scolaires doit être encadrée. La prévention du cyber-harcèlement doit faire partie intégrante de la politique de gestion du harcèlement et de la violence à l'école comme sur le lieu de travail.

Afin de sensibiliser les élèves, dès leur plus jeune âge, un module relatif à la lutte contre le cyber harcèlement doit être intégré dans la formation des élèves comme des enseignants. L' article 1 er de la présente proposition de loi complète, à cet effet, la définition de l'enseignement d'éducation civique prévu à l'article L. 312-15 du code de l'éducation 1 ( * ) et les missions des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) prévues à l'article L. 721-1 du code de l'éducation. Les personnels enseignants pourront s'adjoindre des intervenants extérieurs pour les aider à dispenser cet enseignement.

L'actualité nous rappelle malgré tout que la prévention ne suffit pas toujours. Tout comme les harceleurs en chair et en os, les cyber-harceleurs font intrusion dans les vies de leurs victimes de manière imprévisible et menaçante. Ce harcèlement a des conséquences sur tous les aspects de la vie et de la réputation d'une personne, sa santé physique et psychique. Le plus souvent, le harceleur n'est pas identifié et demeure inconnu de sa victime. L'imprévisibilité qu'ajoute l'anonymat rend encore plus difficile la possibilité pour la victime d'évaluer les risques au quotidien et peut donc accroître son degré d'anxiété et de peur.

L'univers numérique implique qu'un harceleur ait accès aux informations à tout moment. Cela non seulement nourrit son obsession, mais lui fournit aussi les outils dont il a besoin pour surveiller, contacter, intimider ou humilier sa victime. Les harceleurs n'ont plus besoin d'être physiquement présents, ni de faire l'effort de poster une lettre pour importuner une victime. Il leur suffit de se servir de leur ordinateur ou de leur téléphone portable pour se livrer à de tels agissements.

C'est donc bien la publicité donnée à cette présentation déformée et peu flatteuse de la victime qui explique l'importance du préjudice, fonde la gravité du comportement et justifie l'importance de la sanction.

Au cours des travaux préparatoires à l'élaboration de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, le Sénat avait introduit par amendement un article incriminant spécifiquement le cyber harcèlement. Cette initiative n'a finalement pas vu le jour. Aujourd'hui, la répression du cyber harcèlement est assurée par référence au délit général de harcèlement prévu à l'article 222-33-2-2 du code pénal. Mais, ces faits sont moins sévèrement punis que le vol à l'étalage ou le recel d'une bicyclette. Remédier à cette situation, c'est aussi reconnaître les victimes dans leurs droits. C'est pourquoi, il est proposé de porter la peine encourue à trois ans lorsqu'il est fait usage d'un réseau de communication au public en ligne et à cinq ans lorsque les faits ont été suivis du suicide de la victime ( article 2 ).

Tel est le sens de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Le code de l'éducation est ainsi modifié :

1° Le chapitre II du titre I er du livre III de la deuxième partie est complété par une section 12 ainsi rédigée :

Section 12

« Lutte contre le cyber-harcèlement »

« Art. L. 312-20. - Une information consacrée à la détection et la lutte contre le cyber-harcèlement est dispensée à tous les stades de la scolarité. Les établissements scolaires, y compris les établissements français d'enseignement scolaire à l'étranger, peuvent s'associer à cette fin avec des associations et des personnels concourant à la prévention et à la répression du cyber-harcèlement. » ;

2° À la deuxième phrase de l'avant dernier alinéa de l'article L. 721-2, après les mots : « la lutte contre les discriminations », sont insérés les mots : « et le cyber-harcèlement ».

Article 2

Le 4 ème et le dernier alinéa de l'article 222-33-2-2 du code pénal sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende :

« a)° Lorsqu'ils sont commis dans deux des circonstances mentionnées aux 1° à 3° ;

« b)° Lorsqu'ils ont été commis par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne.

« Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende lorsqu'ils ont été suivis du suicide de la personne harcelée. »


* 1 Celui-ci comporte actuellement une formation aux valeurs de la République, à la connaissance et au respect des droits de l'enfant, au handicap et à l'égalité entre les hommes et les femmes.

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