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N° 796

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 septembre 2011

PROPOSITION DE LOI

tendant à garantir l' immunit é pénale aux professionnels de santé qui signalent des suspicions de maltraitance ou de violences sexuelles faites aux mineurs ,

PRÉSENTÉE

Par Mmes Nicole BORVO COHEN-SEAT, Éliane ASSASSI, Josiane MATHON-POINAT , M. François AUTAIN , Mme Marie-France BEAUFILS, M. Michel BILLOUT, Mme Annie DAVID, M. Jean-Claude DANGLOT , Mmes Michelle DEMESSINE, Évelyne DIDIER, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mmes Brigitte GONTHIER-MAURIN, Gélita HOARAU , M. Robert HUE, Mme Marie-Agnès LABARRE , M. Gérard LE CAM, Mme Isabelle PASQUET, MM. Jack RALITE , Ivan RENAR , Mmes Mireille SCHURCH, Odette TERRADE , MM. Bernard VERA, Jean-François VOGUET , Christian FAVIER, Éric BOCQUET, Mmes Laurence COHEN, Cécile CUKIERMAN, MM. Michel LE SCOUARNEC, Paul VERGÈS et Dominique WATRIN

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La procédure de signalement constitue un élément essentiel de la lutte contre les maltraitances et les violences sexuelles faites aux mineurs.

Alors que la législation de la protection de l'enfance ne cesse de se renforcer, de nombreux médecins font encore l'objet de poursuites juridiques après avoir signalé leur suspicion de maltraitances sexuelles chez les mineurs aux termes de l'article 226-14 du code pénal.

Les médecins sont ainsi confrontés à un dilemme éthique. S'ils signalent leurs présomptions de maltraitance en appliquant l'article 226-14 du code pénal et l'article 44 du code de déontologie, ils sont passibles de poursuites disciplinaires, civiles et pénales.

L'obtention préalable de la sanction des professionnels par leur ordre peut influencer les procédures civiles et pénales du présumé agresseur.

S'ils ne les signalent pas, ils sont susceptibles de poursuites au titre de des articles 223-6, 434-1 et 434-3 du code pénal pour non-assistance à enfant en péril ou entrave à la saisine de la justice si ces violations sont démontrées.

Dans ces deux cas, les jeunes patients demeurent exposés à de nouveaux risques de répétition de la maltraitance.

Depuis 1997, le chiffre des condamnations des professionnels de santé ne cesse d'augmenter. Cette inflation a pour conséquence de dissuader les médecins d'effectuer leur signalement sereinement et de créer un malaise profond dans la profession. Condamner les médecins au silence revient à faire taire les victimes.

Ces condamnations interviennent notamment à l'occasion de dénonciation d'incestes. Dans le cadre du développement des outils tendant à renforcer la prévention des maltraitances, il est temps que la société admette que la famille peut aussi être un lieu dangereux pour l'enfant.

Si la législation française impose à tout officier public ou fonctionnaire (médecins de santé scolaire, médecins agents des DASS, médecins de PMI) de signaler une suspicion de maltraitance au procureur, ce n'est pas le cas de la grande majorité des médecins.

Dans certains pays européens, tels l'Italie, l'Allemagne ou l'Angleterre, le médecin a le devoir d'alerter les autorités judiciaires. Le Canada et les États-Unis ont également assorti cette obligation d'une immunité pénale.

Il est donc urgent de remédier aux lacunes de notre législation en la matière.

C'est la raison pour laquelle cette proposition de loi, composée d'un article unique, modifie la rédaction de l'article 226-14 du code pénal en rendant obligatoire le signalement dès lors qu'il y a une suspicion de maltraitance. Il précise également que les professionnels de santé qui appliquent l'article 226-14 du code pénal de bonne foi ne peuvent faire l'objet de poursuites judiciaires.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Les trois derniers alinéas de l'article 226-14 du code pénal sont ainsi rédigés :

« 2° Au médecin et aux professionnels de santé qui, avec l'accord de la victime présumée, sont tenus de porter sans délai à la connaissance du procureur de la République ou des autorités administratives ou judiciaires les sévices ou privations qu'ils ont constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l'exercice de leur profession et qui leur permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime présumée est mineure ou une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n'est pas nécessaire.

« 3° Aux professionnels de la santé ou de l'action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police, du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu'elles détiennent une arme ou qu'elles ont manifesté leur intention d'en acquérir une.

« Le médecin ou le professionnel de santé qui applique cet article de bonne foi ne peut être poursuivi sur le plan disciplinaire ou en justice. »

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