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N° 597

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2008-2009

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 juillet 2009

PROPOSITION DE LOI

visant à encadrer l' offre préalable obligatoire de reclassement d'un salarié faisant l' objet d'un licenciement pour motif économique ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Yvon COLLIN, Nicolas ALFONSI, Michel CHARASSE, Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, Mme Anne-Marie ESCOFFIER, M. François FORTASSIN, Mme Françoise LABORDE, MM. Jacques MÉZARD, Jean MILHAU, Aymeri de MONTESQUIOU, Jean-Pierre PLANCADE, Robert TROPEANO et Raymond VALL,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, messieurs

L'article L. 1233-4 du code du travail impose à tout employeur envisageant le licenciement pour motif économique d'un de ses salariés de réaliser un effort de formation et d'adaptation au profit de celui-ci, ou de lui proposer un reclassement au sein de l'entreprise ou d'une entreprise du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement doit de surcroît concerner un emploi relevant de la même catégorie, à défaut équivalent, ou de catégorie inférieure si le salarié l'accepte.

La procédure de licenciement pour motif économique ne peut être mise en oeuvre que si l'ensemble de ces efforts a été réalisé, sous réserve pour l'employeur d'avoir recherché et proposé de bonne foi au salarié un poste disponible.

Pour autant, l'actualité montre que certains employeurs n'hésitent pas à proposer cyniquement à des salariés, sous couvert de légalité, un reclassement à l'étranger aux conditions salariales du pays d'accueil. En 2005, une entreprise alsacienne avait proposé à ses salariés des postes en Roumanie rémunérés 110 euros par mois. Plus récemment, une entreprise textile de Castres vient de proposer à neuf salariés sur le point de subir un licenciement d'être reclassés en Inde, pour un salaire brut mensuel de 69 euros pour six jours de travail par semaine, l'assurance santé étant très généreusement prise en charge par l'employeur.

Ces exemples illustrent les difficultés de la jurisprudence à interpréter et faire appliquer l'obligation de reclassement de l'article L. 1233-4 du code du travail dans l'intérêt des deux parties, a fortiori lorsque cette obligation concerne une entreprise du groupe auquel elle appartient. La jurisprudence a en effet déjà considéré que l'obligation de reclassement était respectée dès lors qu'une société mère avait proposé en dernière extrémité à un salarié un emploi, même de catégorie inférieure, dans une filiale à l'étranger par avenant au contrat de travail (Soc., 19 décembre 2000).

S'agissant du groupe, la Cour de cassation a précisé qu'il faut considérer les entreprises « dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail ou d'exploitation » permettent « la permutation de tout ou partie du personnel » (Soc., 5 avril 1995, et Soc., 4 mars 2009). Elle a également précisé que les sociétés situées à l'étranger font partie du groupe de reclassement, sauf si la loi nationale y fait obstacle (Soc., 7 octobre 1998).

Mais appelé à se prononcer sur le même problème, le Conseil d'État a jugé que cette obligation s'applique aux « entreprises du groupe dont les activités ou l'organisation offrent la possibilité d'exercer des fonctions comparables » (CE, 17 novembre 2000, Goursolas ). Cette interprétation est donc bien plus restrictive, alors que le Conseil d'État n'est que rarement amené à statuer sur ce sujet.

L'Administration considère enfin de son côté que des propositions de postes au sein du groupe, dans des unités de production situées à l'étranger, pour des salaires très inférieurs au SMIC, ne peuvent être regardées comme sérieuses (Instruction DGEFP n° 2006-01).

Il existe ainsi une difficulté juridique d'autant plus majeure que sont en jeu les conditions de vie de salariés confrontés à l'épreuve d'un licenciement et au cynisme d'employeurs indélicats. Il appartient par conséquent au législateur d'encadrer ces situations, de mettre fin aux divergences jurisprudentielles et d'inscrire définitivement dans la loi les limites qui s'imposent aux employeurs.

La présente proposition de loi a donc pour objet d'encadrer l'obligation préalable de reclassement d'un salarié faisant l'objet d'un licenciement pour motif économique en précisant que l'offre doit nécessairement prendre en compte le lien entre la capacité du salarié à prendre un poste à l'étranger et son niveau hiérarchique, afin de prohiber de fait toutes les offres proposant un salaire largement inférieur au SMIC.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Avant le dernier alinéa de l'article L. 1233-4 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À défaut d'offre de reclassement pouvant procurer au salarié, au sein de l'entreprise, un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou un emploi équivalent, l'offre qui vise un poste situé à l'étranger, au sein du groupe auquel appartient l'entreprise, ne peut être regardée comme sérieuse que si elle justifie d'un lien entre la capacité du salarié à prendre un poste à l'étranger et son niveau hiérarchique. »

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