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N° 438

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2006-2007

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 2 août 2007

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 septembre 2007

PROPOSITION DE LOI

relative aux frais d' exécution forcée des décisions de justice ,

PRÉSENTÉE

Par M. Laurent BÉTEILLE,

Sénateur.

( Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Restaurer la confiance des Français dans leur justice ».

Cette exigence démocratique, mise en avant par le Président de la République pendant la campagne et inscrite dans le contrat de législature de l'UMP de 2007-2012, répond à une attente forte et unanime de nos concitoyens.

Il s'agit d'un vaste chantier multidirectionnel que le nouveau gouvernement a courageusement engagé dès le début de la session extraordinaire au travers des projets de loi sur la prévention de la récidive et sur le contrôleur général des lieux de privation de liberté.

La présente proposition vise à conforter cet élan en améliorant les conditions dans lesquelles les décisions de justice sont exécutées.

En effet, depuis la loi n° 99-957 du 22 novembre 1999 portant sur diverses professions relevant du ministère de la justice, la procédure civile et le droit comptable, si la partie qui a perdu un procès refuse d'exécuter spontanément la décision de justice, elle n'assume qu'une partie des frais d'exécution forcée par voie d'huissier, l'autre partie demeurant à la charge du créancier qui a pourtant obtenu gain de cause.

Par décret en Conseil d'État n° 2001-212 du 8 mars 2001, le barème a été fixé comme suit pour le créancier :

- 12 % jusqu'à 125 euros ;

- 11 % au-delà de 125 et jusqu'à 610 euros ;

- 10,5 % au-delà de 610 et jusqu'à 1.525 euros ;

- 4 % au-delà de 1.525 euros.

Ainsi pour une créance de 1.525 euros, le justiciable reconnu dans ses droits doit supporter in fine un coût de 164,43 euros qui lors de la saisine de l'huissier de justice, pourra s'ajouter aux frais dont il devra faire l'avance.

En particulier, cette situation est difficilement ressentie par nombre de consommateurs qui obtiennent de la justice la condamnation d'un professionnel parfaitement solvable et qui n'entendent pas abandonner 10 à 12 % de la somme fixée par le juge. Il semble même que certains professionnels agissent de façon dilatoire et comptent sur le coût des frais d'exécution pour décourager le recours à un huissier.

Cette situation est en outre perçue comme une « spoliation » par rapport au jugement.

La présente proposition de loi vise à corriger cette anomalie .

Il convient de rappeler, à cet égard, que la première intention du législateu r a été de faire supporter l'intégralité des frais d'exécution forcée à la partie perdante. En effet, l'article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution disposait que « les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés » . Le gouvernement a ensuite adopté un décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 permettant à l'huissier de percevoir deux rémunérations, l'une à la charge du débiteur, l'autre à la charge du créancier (article 10 du décret). Saisi par les organismes de représentants des avocats, le Conseil d'État a considéré que l'article 10 du décret susvisé était illégal et l'a ainsi annulé avec effet rétroactif à compter du 12 décembre 1996 (arrêt du 5 mai 1999).

Afin de limiter les risques d'insécurité juridique , le Parlement a adopté, sur proposition du député M. Gérard GOUZES, la loi n° 99-957 du 22 novembre 1999 portant sur diverses professions relevant du ministère de la justice, la procédure civile et le droit comptable, avec un double objectif :

- d'une part, il s'agissait de trouver une solution simple et rapide au problème posé par l'annulation partielle du décret tarifaire du 12 décembre 1996. Comme l'indiquait alors le rapport du Sénat 1 ( * ) : « Une mesure de validation législative apparaît en effet nécessaire pour éviter la multiplication des actions en répétition de l'indu qui risquerait de générer un abondant contentieux et une forte insécurité juridique pour les huissiers. En effet, en l'absence de validation, les créanciers seraient fondés à réclamer le remboursement des droits perçus par les huissiers entre l'entrée en vigueur du décret du 12 décembre 1996 et son annulation partielle par le Conseil d'État » ;

- d'autre part, tout en reconnaissant que « la perception systématique d'un droit proportionnel de recouvrement pesant sur le créancier était susceptible de poser des problèmes de principe en matière d'exécution forcée » (rapport précité), le législateur a souhaité rétablir la possibilité d'une perception de droits mis à la charge du créancier, afin de garantir aux huissiers une rémunération suffisante et de ne pas alourdir les droits pesant sur le débiteur, « au demeurant fréquemment insolvable ». Afin d'ouvrir la possibilité de mettre à la charge des créanciers une partie des frais de recouvrement, la loi a ainsi modifié l'article 32 de la loi de 1991 précitée : « À l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.»

Si l'objectif de validation de la période 1996-1999 était louable au regard du principe de sécurité juridique, la mise à la charge du créancier d'une partie des frais d'exécution forcée est, elle, mal comprise par nos concitoyens. Le président de votre commission des Lois, M. Jean-Jacques HYEST, a d'ailleurs interpellé le gouvernement le 1 er mars 2007 par une question écrite (question n° 26410). En réponse, le garde des sceaux, ministre de la justice, a précisé, d'une part, que les débiteurs étaient souvent impécunieux, d'autre part, que le décret n° 2001-212 du 8 mars 2001 avait limité le champ d'application du droit proportionnel à la charge du créancier au regard de ce qui était initialement prévu par les articles 10 et 11 du décret tarifaire. Notamment les créanciers prud'homaux et d'aliments en sont exemptés, et la rémunération maximale de l'huissier de justice, au titre de ce droit, a été réduite de moitié.

La présente proposition de loi vise à trouver une solution équitable et équilibrée permettant à la fois de ne pas alourdir systématiquement la charge des débiteurs qui peuvent, de bonne foi, éprouver de réelles difficultés à honorer la décision de justice mais également de ne pas faire supporter au consommateur les frais de l'exécution forcée lorsque le professionnel condamné est en « état manifeste de régler la créance », par exemple dans le cas où il s'agit d'un professionnel dont la solvabilité ne fait aucun doute (banques, assurances, opérateurs de téléphonie ou d'internet, professionnels de la vente à distance...). C'est au juge qu'il appartiendrait, soit d'office soit à la demande du consommateur, de mettre à la charge de l'entreprise l'intégralité des éventuels frais d'huissier, et ce au regard de l'importance de l'entreprise et du montant du dédommagement alloué. Le professionnel disposerait de huit jours suivant l'acquisition par le jugement du caractère exécutoire pour honorer le jugement.

Ce dispositif permettrait ainsi d'encourager le professionnel à se libérer spontanément et rapidement de sa dette pour éviter d'avoir à supporter, en outre, le coût de recouvrement. En cas de résistance du professionnel, le créancier ne rencontrerait plus l'obstacle des frais laissés à sa charge pour l'exécution forcée de la décision de justice.

Notons que ces nouvelles règles n'auraient aucune incidence sur la rémunération des huissiers, le débiteur solvable assumant seul l'intégralité des frais d'exécution forcée, aujourd'hui divisés entre le créancier et le débiteur.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après l'article L. 141-3 du code de la consommation, il est inséré un article L. 141-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 141-4 . - Lors du prononcé d'une condamnation, le juge peut, même d'office, mettre l'intégralité du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement prévu à l'article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution à la charge du professionnel en état manifeste de régler la créance, dans le cas où il ne s'exécuterait pas de ses obligations dans le délai de huit jours suivant l'acquisition par le jugement du caractère exécutoire ».

* 1 rapport n° 57 (1999-2000) de Nicolas About fait au nom de la commission des Lois, disponible sur internet http://www.senat.fr/dossierleg/ppl98-416.html

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