N° 470

SÉNAT

Session ordinaire de 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 30 juin 1999

PROJET DE LOI

ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE
EN PREMIERE LECTURE,

relatif à l'action publique en matière pénale

et modifiant le code de procédure pénale.

L'Assemblée nationale a adopté le projet de loi dont la teneur suit :

Voir les numéros : 957 et 1702.

Droit pénal.

Chapitre I er

Dispositions relatives à l'action publique en matière pénale

Article 1 er

Il est inséré, dans le titre I er du livre I er du code de procédure pénale, après l'article 29, un chapitre I er ainsi rédigé :

" Chapitre I er bis

" Du ministre de la justice

" Art. 30. - Le ministre de la justice définit les directives générales de la politique pénale. Il les adresse aux magistrats du ministère public pour application et aux magistrats du siège pour information.

" Il ne peut donner aucune instruction dans les affaires individuelles.

" Art. 30-1. - Lorsque le ministre de la justice estime, en l'absence de poursuites pénales, que l'intérêt général commande de telles poursuites, il met en mouvement l'action publique.

" Lorsque le ministre estime, en l'absence d'appel ou de pourvoi en cassation contre une décision de refus d'informer, de non-lieu ou de relaxe dans une procédure pour laquelle il a été fait application des dispositions de l'alinéa précédent, que l'intérêt général commande un tel recours, il interjette appel ou forme un pourvoi en cassation.

" Le ministre saisit par voie de réquisitoire ou de citation directe la juridiction compétente. Il ne peut à cette fin déléguer sa signature.

" Une copie de l'acte de poursuite, d'appel ou de pourvoi est adressée, par l'intermédiaire du procureur général, au parquet compétent. En cas d'urgence, ces transmissions peuvent se faire par tout moyen, à charge de joindre l'original de l'acte de poursuite à la procédure dans les meilleurs délais. Les délais d'appel et de pourvoi du ministre de la justice sont les mêmes que ceux du procureur général. La procédure se déroule dans les mêmes conditions que si l'acte émanait du ministère public.

" Art. 30-2. - Le ministre de la justice rend publiques les directives générales mentionnées à l'article 30.

" Il informe chaque année le Parlement, par une déclaration pouvant être suivie d'un débat, des conditions de mise en oeuvre de ces directives générales. Il précise également le nombre et la qualification des infractions pour lesquelles il a fait application des dispositions de l'article 30-1. "

Article 1 er bis (nouveau)

Il est inséré, dans le même code, un article 497-1 ainsi rédigé :

" Art. 497-1. - En cas de jugement de relaxe, l'association reconnue d'utilité publique, partie civile, qui a fait appel sur ses intérêts civils peut demander au procureur de la République de faire appel de la décision sur l'action publique. Dans les dix jours de la décision et s'il n'y donne pas suite, le procureur de la République informe la partie civile des motifs de sa décision. A défaut d'appel du procureur de la République dans le délai de dix jours ou en cas de non-réponse ou de réponse négative, la partie civile peut former un recours devant le procureur général qui, s'il n'interjette pas appel, l'informe des motifs de sa décision.

" L'application des dispositions de l'alinéa qui précède n'entraîne pas de modification des délais du procureur de la République et du procureur général prévus aux articles 498 et 505. "

Article 1 er ter (nouveau)

L'article 620 du même code est ainsi rédigé :

" Art. 620. - Le ministre de la justice peut saisir le procureur général près la Cour de cassation des actes judiciaires, arrêts ou jugements contraires à la loi. Le procureur général défère à la chambre criminelle dans un délai de dix jours.

" La Cour de cassation rend son arrêt dans un délai de six mois. "

Article 2

Les articles 35 à 37 du même code sont remplacés par les articles 35 à 37-2 ainsi rédigés :

" Art. 35. - Le procureur général veille à l'application de la loi pénale dans le ressort de la cour d'appel. Il a autorité sur tous les magistrats du ministère public de son ressort. Il a, dans l'exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la force publique.

" Art. 36. - Le procureur général anime l'action des procureurs de la République de son ressort et coordonne l'application par ceux-ci des directives générales du ministre de la justice. Il précise et, le cas échéant, adapte ces directives générales en fonction des circonstances propres au ressort. Il procède à l'évaluation de leur application par les procureurs de la République.

" Art. 37. - Le procureur général peut dénoncer aux procureurs de la République de son ressort les infractions à la loi pénale dont il a connaissance.

" Il peut leur enjoindre par des instructions, écrites et motivées qui sont versées au dossier, d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des réquisitions écrites qu'il juge opportunes. Il ne peut donner aucune instruction faisant obstacle à la mise en mouvement de l'action publique dans les affaires individuelles.

" Art. 37-1. - Le procureur général informe, au moins une fois par an, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel des conditions de mise en oeuvre, dans le ressort, des directives générales du ministre de la justice.

" Cette information est rendue publique.

" Art. 37-2. - Le procureur général informe le ministre de la justice des affaires lui paraissant devoir être portées à sa connaissance ainsi que du déroulement des procédures dans lesquelles il a été fait application des dispositions de l'article 30-1. Le ministre de la justice est informé à sa demande de toute autre affaire dont les parquets sont saisis.

" Le procureur général adresse chaque année au ministre de la justice un rapport sur la mise en oeuvre, dans son ressort, des directives générales du ministre. "

Article 3

Il est inséré, après l'article 39 du même code, les articles 39-1 à 39-5 ainsi rédigés :

" Art. 39-1. - Le procureur de la République fait assurer l'application de la loi pénale dans le ressort du tribunal de grande instance. Il a, dans l'exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la force publique.

" Art. 39-2. - Il met en oeuvre les directives générales mentionnées à l'article 36, qui lui sont transmises par le procureur général pour application. Il précise et, le cas échéant, adapte ces directives générales en fonction des circonstances propres au ressort.

" Art. 39-3. - Le procureur de la République prend des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données dans les conditions prévues aux articles 37 et 48-1.

" Il met en mouvement l'action publique lorsque la commission prévue à l'article 48-2 lui en fait la demande.

" Art. 39-4. - Le procureur de la République informe, au moins une fois par an, l'assemblée générale des magistrats du tribunal de grande instance des conditions de mise en oeuvre, dans le ressort, des directives générales du ministre de la justice.

" Cette information est rendue publique.

" Art. 39-5. - Le procureur de la République informe le procureur général des affaires lui paraissant devoir être portées à sa connaissance ainsi que du déroulement des procédures dans lesquelles il a été fait application de l'article 30-1. Le procureur général est informé à sa demande de toute autre affaire dont le procureur est saisi.

" Le procureur de la République adresse chaque année au procureur général un rapport sur la mise en oeuvre, dans son ressort, des directives générales du ministre de la justice. "

Chapitre II

Dispositions relatives aux classements sans suite

Article 4

Il est inséré, après l'article 40 du code de procédure pénale, un article 40-1 ainsi rédigé :

" Art. 40-1. - Le procureur de la République notifie par écrit la décision de classement de l'affaire au plaignant, ainsi qu'à la victime lorsque celle-ci est identifiée. Cette décision est motivée en distinguant les considérations de droit et de fait.

" La décision précise les conditions dans lesquelles la victime, le plaignant ou la personne ayant dénoncé les faits peuvent, selon les cas, soit engager des poursuites par voie de citation directe ou de plainte avec constitution de partie civile, ainsi que les conditions dans lesquelles elles peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle, soit exercer un recours contre la décision de classement dans les conditions prévues aux articles 48-1 à 48-5.

" Cette décision rappelle également les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale relatives aux dénonciations calomnieuses et aux constitutions de partie civile abusives ou dilatoires. "

Article 5

Il est inséré, après l'article 48 du même code, une section 5 ainsi rédigée :

" Section 5

" Des recours contre les classements sans suite

" Art. 48-1. - Dans le cas prévu à l'article 40-1, toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République et n'ayant pas qualité pour se constituer partie civile peut, si elle justifie d'un intérêt suffisant, former un recours contre la décision de classement prise à la suite de cette dénonciation.

" Ces dispositions sont applicables aux décisions de classement sans suite prises en application des dispositions de l'article 80.

" Le recours est adressé au procureur général dans le mois suivant la notification du classement ou, à défaut de notification, à l'expiration d'un délai de huit mois à compter de la dénonciation. Le procureur général peut alors enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites. Dans le cas contraire, le procureur général avise la personne dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 40-1.

" Dans un délai d'un mois à compter de la notification de la confirmation du classement par le procureur général ou, à défaut de réponse de ce dernier, à compter d'un délai de deux mois suivant la saisine du procureur général, le requérant peut saisir la commission de recours compétente.

" Art. 48-2. - Les commissions de recours sont compétentes sur le ressort de plusieurs cours d'appel.

" Elles sont composées de magistrats du parquet des différentes cours d'appel situées dans leur ressort, désignés pour cinq ans par les assemblées générales des magistrats du parquet des cours d'appel intéressées. Dans les mêmes formes, il est procédé à la désignation de membres suppléants. Les magistrats titulaires désignent parmi eux le président et le vice-président de la commission.

" Un décret fixe le nombre des commissions de recours, leur ressort territorial, leur siège et le nombre de magistrats de chaque cour d'appel qui les composent.

" Les magistrats de la cour d'appel dans le ressort de laquelle un recours a été formé ne siègent pas lors de l'examen de ce recours.

" Art. 48-3. - Sous peine d'irrecevabilité, le recours formé devant le procureur général en application du troisième alinéa de l'article 48-1 doit faire l'objet d'une requête motivée adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et à laquelle est joint soit l'avis de classement du procureur de la République, soit la copie de la dénonciation adressée initialement à ce magistrat lorsque celle-ci est restée sans réponse.

" La saisine de la commission de recours doit également faire l'objet, à peine d'irrecevabilité, d'une requête motivée adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et à laquelle sont joints l'avis de classement du procureur de la République ainsi que la décision confirmative du procureur général ou, si ce dernier n'a pas répondu dans le délai de deux mois, la justification du recours qui lui a été adressé.

" Art. 48-4. - La commission statue sur dossier, au vu des avis de classement du procureur de la République et du procureur général, et des documents qui lui ont été adressés par le requérant. Elle peut se faire communiquer, s'il y a lieu, copie de la procédure d'enquête ou d'instruction faisant apparaître l'infraction dont la poursuite est sollicitée. Elle peut également demander au requérant ou au procureur général des éléments d'information supplémentaires.

" La commission statue par une décision motivée qui est notifiée au procureur de la République, au procureur général et au requérant. Cette décision n'est pas susceptible de recours.

" Si la commission estime que la poursuite est justifiée, elle demande au procureur de la République de mettre en mouvement l'action publique.

" Art. 48-5. - Quand la commission estime qu'elle a été abusivement saisie par un requérant, elle peut demander au ministère public de citer celui-ci devant le tribunal correctionnel. Le tribunal peut condamner l'auteur du recours abusif à une amende civile dont le montant n'excède pas 10 000 F.

" Art. 48-6 (nouveau). - Les recours formés sur le fondement des articles 48-1 et suivants suspendent, au seul bénéfice du ministère public, la prescription de l'action publique à l'égard des faits dénoncés. "

Chapitre III

Dispositions renforçant le contrôle de l'autorité judiciaire
sur la police judiciaire

Article 6

A l'article 14 du code de procédure pénale, après les mots : " Elle est chargée, suivant les distinctions établies au présent titre ", sont insérés les mots : " et dans le cadre des directives générales mentionnées à l'article 39-2 ".

Article 7

Les deuxième à cinquième alinéas de l'article 41 du même code sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :

" Il a tous les pouvoirs et prérogatives attachés à la qualité d'officier de police judiciaire prévus par la section 2 du chapitre I er du titre I er du présent livre, ainsi que par les lois spéciales.

" En cas d'infractions flagrantes, il exerce les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article 68.

" Le procureur de la République contrôle le déroulement des enquêtes ainsi que les mesures de garde à vue.

" Il dirige l'activité des officiers et agents de police judiciaire dans le ressort de son tribunal. Il leur donne connaissance des directives générales de la politique pénale qui doivent être mises en oeuvre dans son ressort.

" Le procureur de la République et les chefs des services de police ou de gendarmerie se tiennent informés au moins une fois par trimestre des moyens à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés par les directives générales mentionnées à l'article 39-2.

" Lorsque la durée ou la complexité d'une enquête le justifie, le procureur de la République et le chef du service saisi définissent d'un commun accord les moyens à mettre en oeuvre pour procéder aux investigations nécessaires. Ces moyens peuvent être adaptés au cours de l'enquête.

Article 8

Il est inséré, après l'article 75 du même code, les articles 75-1 et 75-2 ainsi rédigés :

" Art. 75-1. - Lorsqu'il donne instruction aux officiers de police judiciaire de procéder à une enquête préliminaire, le procureur de la République fixe le délai dans lequel cette enquête doit être effectuée. Il peut le proroger au vu des justifications fournies par les enquêteurs.

" Lorsque l'enquête est menée d'office, les officiers de police judiciaire rendent compte au procureur de la République de son état d'avancement lorsqu'elle est commencée depuis plus de six mois.

" Art. 75-2. - L'officier de police judiciaire qui mène une enquête préliminaire concernant un crime ou un délit avise le procureur de la République dès qu'une personne à l'encontre de laquelle existent des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction est identifiée. "

Article 9

Il est inséré, après l'article 152 du même code, un article 152-1 ainsi rédigé :

" Art. 152-1. - Les dispositions du septième alinéa de l'article 41 sont applicables aux commissions rogatoires délivrées par le juge d'instruction. "

Article 10

L'article 227 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

" Cette décision prend effet immédiatement. "

Chapitre IV

Dispositions diverses

Article 11

I. - La première phrase de l'article 33 du code de procédure pénale est supprimée.

II. - A l'article 34 et au premier alinéa de l'article 39 du même code, les mots : " sans préjudice des dispositions de l'article 105 du code forestier et de l'article 446 du code rural " sont supprimés.

II bis (nouveau). - Les deuxième et troisième phrases du premier alinéa de l'article 40 du même code sont supprimées.

II ter (nouveau). - L'article 42 du même code est abrogé.

II quater (nouveau). - Dans le premier alinéa de l'article 51 du même code, après les mots : " procureur de la République ", sont insérés les mots : " ou du ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1 ".

III. - Le premier alinéa de l'article 80 du même code est complété par les mots : " ou du ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1 ".

III bis (nouveau). - L'article 497 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

" 7° Au ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1. "

III ter (nouveau). - Dans le premier alinéa de l'article 546 du même code, les mots : " et à l'officier du ministère public près le tribunal de police " sont remplacés par les mots : " , à l'officier du ministère public près le tribunal de police et au ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1 ".

IV. - La première phrase de l'article 551 du même code est complétée par les mots : " ainsi que du ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1 ".

V (nouveau). - Dans le premier alinéa de l'article 567 du même code, après les mots : " ministère public ", il est inséré les mots : " , par le ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1 ".

VI (nouveau). - Après l'article 720 du même code, il est inséré un article 720-1 A ainsi rédigé :

" Art. 720-1 A. - Les députés et sénateurs sont autorisés à visiter à tout moment tout établissement de l'administration pénitentiaire situé dans leur département. "

Article 12

La présente loi est applicable dans les territoires d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans la collectivité territoriale de Mayotte.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 29 juin 1999.

Le Président,

Signé : Laurent FABIUS.

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