EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité 1 ( * ) , publiée par la Commission européenne en février dernier, vise à favoriser un comportement durable et responsable des entreprises tout au long des chaînes de valeur mondiales . Elle s'inscrit dans le prolongement des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'Homme 2 ( * ) et des principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales 3 ( * ) . Elle est en outre en cohérence avec le Pacte vert pour l'Europe et le socle européen des droits sociaux.

Il s'agit d'un projet ambitieux , qui doit conduire les entreprises concernées à placer le devoir de vigilance au coeur de leur stratégie 4 ( * ) , dans la mesure où il est proposé d'établir un « devoir de vigilance contraignant », dont la méconnaissance est susceptible de conduire à la prise de mesures contraignantes et est passible de sanctions pécuniaires . Il est en effet attendu des entreprises qu'elles définissent une politique interne de vigilance, incluant une approche sur le long terme, en particulier qu'elles établissent un plan de vigilance et un code de conduite décrivant les principales règles déclinées au service de cette politique.

Concrètement, toute entreprise dite « concernée » doit mettre en oeuvre des obligations de moyens pour identifier, prévenir, réduire et, si possible, supprimer, les incidences négatives, effectives ou potentielles, de ses activités sur les droits de l'Homme et sur l'environnement , qu'il s'agisse de ses propres opérations, de celles de ses filiales ou des opérations réalisées dans ses chaînes de valeur par des entités avec lesquelles elle a une relation commerciale établie. Les petites et moyennes entreprises (PME), qui ne relèvent pas directement du champ d'application du texte, peuvent donc y être indirectement attraites dès lors qu'elles interviennent dans la chaîne de valeur d'une entreprise assujettie .

Si le principe d'un cadre européen harmonisé en matière de devoir de vigilance des entreprises fait l'objet d'un large consensus, l'équilibre, que la Commission qualifie de « raisonnable », est discuté et apparaît discutable à plusieurs égards. A l'issue de nombreuses auditions et de l'analyse des positions des différentes parties prenantes, les trois rapporteurs ont proposé à la commission des affaires européennes de recommander plusieurs aménagements, précisions et compléments .

1. Un cadre de vigilance européen transversal et harmonisé

a. Prévenir la fragmentation du marché intérieur

Plus d'une douzaine d'États membres ont adopté - ou sont en voie de le faire - des législations nationales en matière de devoir de vigilance des entreprises, dont les champs d'application et les périmètres sont différents 5 ( * ) .

La France a été la première à se doter en 2017 d'une loi sur le devoir de vigilance 6 ( * ) , qui fait obligation aux entreprises de plus de 5 000 salariés (en consolidé) d'élaborer, publier et mettre en oeuvre des mesures adaptées d'identification des risques dans leurs chaînes d'approvisionnement (donc en amont) et de prévention des atteintes aux droits de l'Homme et aux libertés fondamentales, à la santé et à la sécurité des personnes, à l'environnement.

De son côté, l' Allemagne a adopté en 2021 une législation qui oblige les entreprises ayant plus de 3 000 salariés en 2023 puis 1 000 salariés, à partir de 2024, à se doter d'un plan de vigilance sur l'ensemble de la chaîne de valeur, donc en amont et en aval 7 ( * ) ; toutefois, la vigilance s'applique à l'égard des seules obligations ou interdictions limitativement énumérées.

En outre, de nombreuses entreprises ont adopté des dispositifs de vigilance reprenant les recommandations de l'OCDE. Selon une enquête citée par la Commission, 30% des entreprises européennes appliqueraient déjà des politiques en matière de devoir de vigilance.

La définition d'un cadre européen transversal 8 ( * ) et harmonisé en matière de devoir de vigilance des entreprises s'impose donc pour éviter la fragmentation en cours des règles applicables sur le marché intérieur et le développement de nouvelles sources de distorsions de concurrence , au bénéfice notamment d'entreprises de pays tiers actives dans ce marché.

Il est à noter que ce cadre européen est d' harmonisation minimale et n'interdit donc pas aux États membres de se doter de dispositifs internes plus exigeants 9 ( * ) ou dont le champ d'application ou la base légale sont distincts, dès lors qu'ils n'affaiblissent pas la portée de la directive sur le périmètre que définit celle-ci.

b. Satisfaire le large consensus sur le principe d'un cadre européen harmonisé

Dans leurs réponses à la consultation publique organisée par la Commission, 95,9% des ONG, 68% des entreprises (75,5 % des grandes entreprises et 58,7% des PME) et 59,6% des fédérations professionnelles se sont déclarées favorables au principe de la définition d'un cadre européen.

De leur côté, les États membres participants se sont déclarés favorables à une approche transversale plutôt que sectorielle ou thématique, également applicable aux entreprises des pays tiers exerçant des activités en Europe.

c. Impulser une dynamique au niveau mondial

S'appliquant sur les chaînes de valeur, en amont et en aval, y compris hors du territoire européen, ainsi qu'aux entreprises de pays tiers actives dans l'Union, ce cadre devrait en outre avoir des effets d'entraînement à l'échelle mondiale, et faciliter le fléchage des investissements .

2. À la recherche d'un équilibre acceptable

La proposition de directive a fait l'objet de travaux préparatoires nourris 10 ( * ) , à la recherche d'un « bon équilibre » 11 ( * ) , qui soit acceptable tant par les partenaires sociaux que par les organisations de protection des droits de l'Homme et de l'environnement 12 ( * ) ainsi que par les entreprises soumises au devoir de vigilance.

Annoncée par la Commission européenne lors la présentation de son programme de travail pour 2021, mais plusieurs fois repoussée en raison de la difficulté de trouver un équilibre acceptable tant par les partenaires sociaux et les organisations de protection des droits de l'Homme et de l'environnement que par les entreprises, la publication de la proposition de directive par la Commission est finalement intervenue le 23 février 2022 .

Initialement préparé par la direction générale des affaires juridiques (DG JURI), sous l'égide du commissaire Didier Reynders, avant que le commissaire Thierry Breton, en charge du marché intérieur, de l'industrie, de l'entrepreneuriat et des PME, et donc la direction générale dite DG GROW, y soit associée, le texte a connu des évolutions substantielles , en particulier quant à la définition des entreprises concernées, dont toutes les conséquences n'ont d'ailleurs pas été pleinement évaluées 13 ( * ) .

De son côté, le Parlement européen 14 ( * ) a adopté, le 10 mars 2021, une résolution, adressée à la Commission, contenant des recommandations sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises, accompagnée d'un projet de directive sur les obligations de vigilance dans les chaînes de valeur 15 ( * ) .

Quant au Conseil , face à la multiplication des régimes nationaux, il a demandé à la Commission, dans ses conclusions du 1 er décembre 2020 , de présenter une proposition de cadre juridique de l'UE sur la gouvernance d'entreprise durable, comprenant des obligations de vigilance intersectorielles applicables tout au long des chaînes de valeur mondiales .

Les trois rapporteurs, désignés par la commission des affaires européennes pour étudier la proposition de la Commission, ont procédé à plus d'une vingtaine d'auditions , dont une partie à Bruxelles, afin de recueillir les points de vues et analyses de représentants d'entreprises, de syndicats européens et nationaux et d'ONG, de juristes, des deux DG compétentes de la Commission européenne, de l'un des shadow rapporteurs du Parlement européen 16 ( * ) , du directeur des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice et de la direction générale du trésor du ministère de l'économie et des finances.

L'élément clé de l'équilibre recherché réside dans la proportionnalité dans la définition et la mise en oeuvre des obligations : proportionnalité à la gravité des incidences négatives, également aux capacités des différents opérateurs économiques, y compris au regard des contextes locaux, qui peuvent rendre, pour les entreprises concernées, la tâche très difficile, voire impossible, en raison de la situation de certaines populations ou de l'absence de droit syndical.

3. Des aménagements, précisions et compléments sont nécessaires

• La définition à ajuster des entreprises soumises au devoir de vigilance

La proposition de directive vise les entreprises européennes répondant à des critères cumulés en matière de chiffre d'affaires et d'effectifs salariés, et prévoit un dispositif spécifique pour les entreprises dont les activités ont un fort impact sur l'environnement et les droits de l'Homme, comme le textile, l'exploitation de ressources minérales ou l'agroalimentaire.

La proposition de résolution européenne approuvée par la commission des affaires européennes estime que des ajustements sont nécessaires sur plusieurs aspects importants du texte proposé.

Ø Privilégier une approche groupe

Tout d'abord, il apparaît préférable de privilégier une approche groupe, comme en matière d'information relative à la responsabilité sociale et environnementale (RSE), plutôt qu'une approche par entreprise.

En effet, seule une approche consolidée permet d'apprécier le poids économique réel . En outre, seul le groupe peut établir une cartographie complète des incidences négatives de ses activités et de celles de ses chaînes de valeur, et dispose des moyens nécessaires, en particulier en raison de la centralisation de certaines politiques au niveau du groupe , par exemple en matière d'achats. Cette approche allègera d'autant la charge des filiales et sous-filiales 17 ( * ) .

Ø Relever les seuils d'application

Les entreprises visées par la Commission le sont en raison de leur puissance économique (groupe 1) ou du fort impact de leurs activités sur l'environnement et les droits humains (groupe 2). La puissance économique est appréciée au regard du chiffres d'affaires et du nombre de salariés.

Pour ce qui est du seuil d'effectifs salariés des entreprises du groupe 1 , la Commission l'a finalement fixé à 500 salariés . Il en résulte que seraient concernées non seulement les grandes entreprises, comme le prévoit la loi française de 2017, qui a retenu un effectif (consolidé) de 5 000 salariés, mais aussi des entreprises de moindre importance. De son côté, la loi allemande, retient un effectif de 3 000 salariés en 2023 puis 1 000 à compter de 2024.

Tandis que les deux rapporteurs de l'opposition sénatoriale défendaient le maintien de la position de compromis figurant dans la proposition de la Commission européenne en faisant en particulier valoir que les incidences négatives n'étaient pas nécessairement proportionnées à la taille des entreprises, la majorité de la commission des affaires européennes a estimé, sur proposition de la rapporteure Christine Lavarde, que le seuil d'effectifs de 1 000 salariés était plus raisonnable car il permettrait de ne pas surcharger les entreprises de plus petite taille.

S'agissant ensuite des entreprises dont l'activité est considérée comme à fort impact (groupe 2) , les seuils proposés font que des PME seraient directement soumises au devoir de vigilance. Dans la mesure où la Commission ne justifie pas cette approche, il est demandé que le seuil de chiffre d'affaires soit aligné sur celui de la recommandation de 2003 actualisée définissant les PME/TPE, soit 50 millions d'euros, au lieu des 40 millions prévus .

Ø Identifier précisément les activités à fort impact

Le texte désigne des activités à fort impact sur les droits de l'Homme et l'environnement, comme le textile, l'exploitation de ressources minérales ou l'agroalimentaire. Il est souhaitable qu'il renvoie à la nomenclature européenne statistique dite NACE (2006 ), qui permet de distinguer entre les différentes étapes des processus de production (extraction, cueillette, production, affinage, transformations etc.), pour ne retenir que celles qui ont effectivement un fort impact.

Ø Préciser le périmètre de la chaîne de valeur

La chaîne de valeur est un élément central du dispositif car elle définit le périmètre des obligations des entreprises en matière de vigilance. La proposition de directive cible l'amont et l'aval et vise, au-delà des liens capitalistiques, les entreprises avec lesquelles existent des « relations commerciales établies », tout en introduisant un principe de proportionnalité dans les moyens mis en oeuvre pour identifier les conséquences négatives, potentielles ou réelles, de l'activité de ces partenaires.

Afin de limiter les incertitudes et de donner aux entreprises un niveau acceptable de sécurité juridique , la portée de ces termes et les critères d'évaluation doivent être précisés plus avant.

• Un périmètre de vigilance à compléter et à actualiser

À la différence de la loi française, qui a une portée générale, la proposition de directive liste en annexe des obligations et interdictions précises , issues de conventions et accords internationaux , qui concernent les droits de l'Homme (déclaration universelle des droits de l'Homme, pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, convention de l'OIT ou encore pacte international relatif aux droits civils et politiques etc.) ou la protection de l'environnement (conventions de Minamata sur le mercure, de Stockholm sur les polluants organiques persistants, de Bâle sur les déchets dangereux etc.).

Si cette approche, inspirée de la loi allemande, peut être acceptée dans son principe, car elle apporte de la sécurité juridique aux entreprises, son caractère très limitatif doit être revu à au moins deux égards.

Ø Ajouter des textes internationaux fondamentaux

On peut ainsi songer, par exemple, à la convention européenne des droits de l'Homme ou à la charte sociale européenne , sans oublier certains textes clés en matière de protection de l'environnement.

Il est à noter, à cet égard, qu'il n'est pas fait mention des accords de Paris sur la lutte contre le changement climatique, dans la mesure où l'article 15 de la proposition de directive prévoit par ailleurs que les entreprises concernées devront établir un plan visant à garantir que le modèle d'entreprise et la stratégie d'entreprises sont compatibles avec la transition climatique et en particulier la limitation du réchauffement à 1,5°.

Ø Inclure la dimension santé-sécurité au travail

Comme le montrent en particulier les lois française et allemande ainsi que les principes et droits fondamentaux au travail que vient d'adopter la conférence internationale du travail dans le cadre de l'OIT , la dimension santé-sécurité au travail, qui est particulièrement importante, ne saurait être laissée de côté et doit donc être incluse dans le périmètre de vigilance.

Ø Prévoir un dispositif d'actualisation

Un mécanisme de mise à jour de l'annexe doit être prévu pour permettre la prise en compte de nouvelles conventions dans le périmètre de vigilance et garantir ainsi leur respect par les entreprises.

• Accompagner les entreprises dans la mise en oeuvre du devoir de vigilance

Il est indispensable de faciliter la mise en place des mesures de vigilance. À cet égard, la directive pourrait en particulier :

Ø prévoir la publication de lignes directrices sectorielles , comprenant des indicateurs , afin de guider l'évaluation des incidences négatives potentielles ou réelles ;

Ø préciser que le cadre contractuel que les entreprises concernées sont invitées à mettre en place avec leurs partenaires commerciaux ne doit pas conduire à un transfert de responsabilité .

En effet, la Commission prévoit de publier des clauses types facultatives, mais la capacité de négociation risque d'être limitée s'il s'agit de PME/TPE. Il est donc indispensable de préciser que les conventions ainsi conclues ne peuvent pas conduire à reporter les responsabilités des entreprises concernées sur lesdits partenaires .

• Renforcer et différencier le rôle des parties prenantes

L'un des gages de l'efficacité du dispositif de vigilance réside dans la participation des parties prenantes, internes comme externes, pour accompagner sa construction et sa mise en oeuvre . Or il apparaît que certaines d'entre elles ne sont pas mentionnées dans le texte de la Commission, en particulier les représentants des salariés , les syndicats ainsi que les organisations de la société civile actives en matière de défense des droits de l'environnement. Il convient donc de les intégrer aux différentes étapes du processus, selon des modalités tenant compte de leurs rôles respectifs.

Concernant le processus de recueil de plaintes que les entreprises doivent mettre en place, il est en outre recommandé que le plaignant soit informé des suites de sa plainte.

• Charger les autorités de contrôle nationales d'une mission d'accompagnement

Il est proposé que le contrôle du respect des obligations des entreprises en matière de vigilance soit confié à des autorités administratives nationales, réunies au sein d'un réseau européen pour faciliter les échanges d'information et harmoniser les pratiques.

Cette approche, dont il nous a été indiqué qu'elle ne conduirait pas à créer de nouvelles structures mais prendrait appui sur des autorités existantes, permettra d'assurer un contrôle effectif sur le respect de leurs obligations par les entreprises concernées.

Il semble également indispensable que ces autorités accompagnent les entreprises dans la mise en oeuvre de leur devoir de vigilance et soient pour elles des interlocuteurs sur le sujet . Elles devraient également être dotées d'une capacité de médiation en cas de conflit.

• Faciliter l'accès des victimes à la justice

La responsabilité civile des entreprises est susceptible d'être recherchée par les victimes de dommages résultant d'incidences négatives que les entreprises auraient dû identifier, supprimer ou réduire. La proposition de directive subordonne ainsi la responsabilité civile à un ensemble de conditions et de limites et prévoit des exemptions.

La commission des affaires européennes a considéré que les victimes devaient pouvoir être accompagnées, en particulier être représentées en cas de plainte ou de contentieux par un syndicat, une association ou une organisation de la société civile, sous certaines réserves, afin notamment de prévenir les détournements orchestrés par exemple par un concurrent.

En revanche, elle n'a pas retenu la proposition de ses rapporteurs Didier Marie et Jacques Fernique préconisant une inversion partielle de la charge de la preuve qui aurait exigé de l'entreprise qu'elle démontre avoir mis en oeuvre les mesures de vigilance qui lui incombaient. Dans un domaine qui relève de la compétence des États membres, elle a en effet estimé préférable de s'en remettre aux règles nationales applicables en matière de responsabilité civile .

• La gouvernance de l'entreprise

La proposition de directive prévoit que le devoir de vigilance doit être intégré dans les politiques de l'entreprise et définit les responsabilités en matière de devoir de vigilance de ceux qu'elle qualifie d'« administrateurs ». Elle précise qu'ils seraient redevables de la prise en compte des conséquences de leurs décisions sur les droits humains, le changement climatique et l'environnement à court, moyen et long termes.

Or, dirigeants exécutifs et structures collectives jouent des rôles différents au sein des entreprises et le droit européen n'a pas vocation à s'immiscer dans ce fonctionnement interne des entreprises .

• Des compléments nécessaires

Ø Inciter à la prise en compte du respect des obligations de vigilance dans les appels d'offres publics

Le devoir de vigilance ne s'applique pas aux organismes publics, néanmoins il paraît opportun qu'il puisse être pris en compte par les opérateurs publics grâce à l'introduction d'un mécanisme incitatif en ce sens dans la commande publique.

Ø Veiller à l'articulation avec d'autres législations européennes

Dans la mesure où il s'agit d'une législation transversale, il conviendra de veiller très attentivement à son articulation avec d'autres législations, par exemple la proposition de directive « publication d'information en matière de durabilité par les entreprises » ( CSRD ), qui est en voie d'adoption, les régimes sectoriels en matière de vigilance ou encore les textes annoncés par la Commission sur la lutte contre le travail forcé ou le travail des enfants.

Ø Promouvoir le devoir de vigilance dans le cadre des négociations commerciales et au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC)

Il est particulièrement nécessaire que le devoir de vigilance s'impose au niveau mondial, motif pour lequel il est demandé à la Commission européenne de promouvoir activement le devoir de vigilance dans le cadre des négociations commerciales et au sein de l'OMC.

• Une entrée en vigueur progressive mais un lancement rapide

L'identification de l'ensemble des intervenants dans les chaînes de valeur, en amont comme en aval, peut être en pratique complexe et demander du temps. Pour autant, l'entrée en vigueur des obligations de vigilance ne doit pas être retardée , quitte à prévoir des avancées progressives au-delà des premiers rangs lorsque cela est justifié.

Il convient en effet d'être pragmatique, sans mettre en risque les entreprises européennes, et d'impulser sans tarder une mise en place mondiale du devoir de vigilance ; le poids de l'économie européenne permet en effet de faire bouger les lignes et les conséquences réputationnelles ne sauraient être négligées.

La commission des affaires européennes a entendu le 28 juin 2022 la communication présentée par les rapporteurs.

Après en avoir débattu, elle a conclu au dépôt de la proposition de résolution européenne suivante :


* 1 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937 - COM(2022) 71 final.

* 2 Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'Homme : Mettre en oeuvre le cadre de référence « protéger, respecter et réparer » des Nations unies, 2011.

* 3 Les instruments internationaux (Nations-Unies, OCDE, Organisation internationale du travail - OIT) n'engagent que les États signataires et ne sont donc pas contraignants par eux-mêmes à l'égard des entreprises.

* 4 En complément, la Commission a présenté le même jour une Communication au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen, qui définit les politiques intérieures et extérieures que l'UE utilise pour réaliser les objectifs du travail décent dans le monde, en plaçant ces objectifs au coeur d'une reprise inclusive, durable et résiliente après la pandémie (COM(2022) 66 final). Elle a également annoncé préparer un instrument d'interdiction des produits issus du travail forcé.

* 5 Les Pays-Bas ont ainsi adopté, en 2019, une loi qui introduit un devoir de diligence pour empêcher la fourniture de biens et de services provenant du travail d'enfants.

* 6 Loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d'ordre.

* 7 Les fournisseurs ou distributeurs indirects ne doivent faire l'objet d'une vigilance raisonnable que si l'entreprise a eu une connaissance précise et étayée de violations de droits qu'ils auraient commises.

* 8 Des textes européens prévoient d'ores et déjà une responsabilité spécifique des entreprises, par exemple en matière de traite des êtres humains ou d'environnement, et deux règlements sectoriels, concernant, respectivement, le bois et ses produits dérivés (règlement (UE) n° 995/2010 du Parlement européen et du Conseil établissant les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché ) et les minéraux provenant de zones de conflits à haut risque (règlement (UE) n° 2017/821 du Parlement européen et du Conseil fixant des obligations liées au devoir de diligence à l'égard de la chaîne d'approvisionnement pour les importateurs de l'Union qui importent de l'étain, du tantale et du tungstène, leurs minerais et de l'or provenant de zones de conflit ou à haut risque), imposent un devoir de vigilance aux entreprises dont la méconnaissance est passible de sanctions.

Par ailleurs, la gouvernance durable des entreprises est encouragée par la directive 2014/95/UE sur la publication d'informations non financières, dite NFRD, qui met à la charge de plus de 12 000 entreprises européennes des obligations d'information concernant les risques, les incidences, les mesures et les politiques liés aux questions environnementales, aux questions sociales et aux droits de l'Homme.

* 9 En cas de législation nationale préexistante plus exigeante en tout ou en partie - comme c'est le cas en France -, la transposition de la directive devra a minima conserver les obligations plus contraignantes pour les entreprises auxquelles elles s'appliquent d'ores et déjà.

* 10 Consultation en 2020 auprès d'entreprises, puis consultation publique ouverte d'octobre 2020 à février 2021, (473 461 réponses), enfin consultation spéciale des partenaires sociaux. Ateliers et réunions avec les parties intéressées, des fédérations professionnelles et des entreprises, des ONG et des organisations internationales, en particulier l'OCDE.

* 11 Comme indiqué aux rapporteurs par la DG JURI de la Commission.

* 12 Depuis plusieurs années, la société civile - en particulier des ONG et des syndicats professionnels - documente des cas de violations des droits humains mettant en cause des sociétés transnationales. De nombreuses ONG ont ainsi appelé à une législation européenne ; elles ont publié des recommandations en décembre 2020 sur la législation européenne alors en cours d'élaboration. Ces organisations mettent en particulier l'accent sur la notion de « diligence raisonnable », la définition du périmètre des chaînes de valeur, l'accès des victimes à la justice, en particulier en prévoyant un renversement de la charge de la preuve, et l'association des parties prenantes aux dispositifs que les entreprises doivent mettre en place dans le cadre de leur devoir de vigilance.

* 13 Deux versions successives de l'étude d'impact ont été considérées comme insuffisantes par le comité d'examen de la régulation (RSB). Dans l'exposé des motifs de sa proposition, la Commission indique avoir tenu compte des observations du RSB, notamment en réduisant « considérablement » les obligations des administrateurs et en relevant les seuils pour exclure les PME, en prévoyant un accompagnement et en introduisant une clause de révision.

* 14 Le Parlement européen a publié, en mai 2018, un rapport sur la finance durable invitant la Commission à élaborer une proposition de législation visant à mettre en place « un cadre général et obligatoire de diligence raisonnable comprenant un devoir de vigilance à mettre en place progressivement dans les limites d'une période de transition et en tenant compte du principe de proportionnalité ». En 2020, il a constaté que les progrès réalisés par les entreprises dans l'intégration de la durabilité dans les processus de gouvernance d'entreprise, en particulier pour ce qui est du devoir de vigilance en matière de droits de l'Homme et d'environnement, restaient lents.

* 15 Résolution du Parlement européen du 10 mars 2021 contenant des recommandations à la Commission sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises.

* 16 Axel Voss (Allemagne - PPE - commission des affaires juridiques).

* 17 Une approche comparable devrait également être mise en oeuvre, sous réserve d'adaptation, pour tenir compte du périmètre du groupe présent dans l'Union à l'égard des entreprises étrangères actives dans l'Union.

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