EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque année, plus de 14 millions de jeunes filles sont mariées de force dans le monde. Près de 70 000 françaises seraient concernées par ce fléau.

La France a pourtant pris des engagements à l'échelle internationale pour se mobiliser contre ces pratiques attentatoires aux droits fondamentaux des femmes et des jeunes filles :

• -  La Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 1948, qui garantit dans son article 16 le droit des femmes à consentir librement et pleinement au mariage.

• -  La Convention supplémentaire à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage de 1956 qui interdit qu'une femme soit « sans qu'elle ait le droit de refuser, promise ou donnée en mariage moyennant une contrepartie en espèces ou en nature versée à ses parents, à son tuteur ou à sa famille »

• -  La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) de 1979 qui précise dans son article 16 que les hommes et les femmes ont le même droit de contracter mariage et de choisir librement leur conjoint.

• -  La Convention du Conseil de l'Europe de 2011 (« Convention d'Istanbul ») sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique qui définit le mariage forcé dans son article 37-1 comme « le fait, lorsqu'il est commis intentionnellement, de forcer un adulte ou un enfant à contracter un mariage » et invite les États signataires dans son article 12-5 à « veiller à ce que la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu « honneur » ne soient pas considérés comme justifiant des actes de violence couverts par la champ d'application de la présente convention ».

En droit français, l'article 222-14-4 du Code Pénal interdit « Le fait, dans le but de contraindre une personne à contracter un mariage ou à conclure une union à l'étranger, d'user à son égard de manoeuvres dolosives afin de la déterminer à quitter le territoire de la République » et le punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Si cette disposition législative est nécessaire pour lutter contre les mariages forcés, elle ne semble pas être assez dissuasive.

D'après les associations et les élus de terrain, les garanties offertes par les articles 144 (âge du mariage fixé à 18 ans révolus), 146 (pas de mariage sans consentement), 146-1 (le mariage d'un Français requiert sa présence même à l'étranger), 202-1 (consentement des époux) du Code Civil ne suffisent pas toujours à prévenir la contraction de mariages forcés.

Il faut donc punir plus fermement leurs auteurs, par exemple en punissant les mariages forcés comme l'est la traite d'êtres humains. C'est l'objet de cette proposition de loi.

La Convention supplémentaire à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l'esclavage de 1956 que la France a ratifié interdit qu'une femme soit « sans qu'elle ait le droit de refuser, promise ou donnée en mariage moyennant une contrepartie en espèces ou en nature versée à ses parents, à son tuteur ou à sa famille ». Le lien entre mariage forcé et traite des êtres humains est donc déjà reconnu par la France.

Une telle modification de la législation serait bien plus dissuasive que les dispositions actuelles. La traite des êtres humains est en effet punie de 7 ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende (et de 10 ans d'emprisonnement et de 1 500 000 euros d'amende lorsqu'elle est commise contre des mineurs ou des personnes vulnérables), contre 3 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende pour les mariages forcés.

Elle permettrait d'envoyer un signal fort témoignant de l'implication de la France dans la lutte contre les violences faites aux jeunes filles et aux femmes.

Cette proposition de loi traduit par conséquent au sein du code pénal les engagements internationaux de la France sur les mariages forcés. Elle harmonise les peines encourues par les auteurs de mariage forcée avec celles encourues par les auteurs de traite d'être humain.

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