EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise sanitaire n'est pas derrière nous : alors que plus de 28 000 Français ont perdu la vie, le covid-19 continue de circuler dans nos territoires et demande une vigilance de tous les instants. Les « gestes barrières » doivent faire partie de notre quotidien, que ce soit dans notre vie personnelle, sociale ou civique.

Initialement prévu le 22 mars 2020, le second tour des élections municipales et communautaires n'a pas pu avoir lieu. Le processus électoral a été interrompu dans 4 857 communes, dont 3 455 communes de moins de 1 000 habitants et 1 442 communes de 1 000 habitants et plus. 16,5 millions d'électeurs n'ont pas pu élire leur maire.

Conformément à la loi d'urgence du 23 mars dernier 1 ( * ) , deux solutions sont envisageables en fonction de l'évolution de la crise sanitaire : tenir le second tour en juin ou organiser ultérieurement une nouvelle élection à deux tours.

Le comité de scientifiques a rendu son avis le 18 mai dernier. Il souligne que « la tenue d'un seul tour de scrutin, quelle que soit la date retenue, est de nature à réduire les risques sanitaires ». Il émet toutefois plusieurs préconisations pour renforcer la sécurité sanitaire du scrutin, mettant en exergue les risques auxquels s'exposent les candidats, les électeurs et les personnes participant aux opérations de vote.

La décision de convoquer les électeurs relève du Gouvernement, comme le confirme la loi d'urgence du 23 mars dernier.

Les pratiques électorales devront toutefois s'adapter à la crise sanitaire, quelle que soit la décision du Gouvernement. Alors qu'elles se sont toujours nourries de rencontres et de débats, les campagnes électorales seront strictement encadrées. Les réunions publiques, les réunions d'appartement ou le « porte à porte » sont aujourd'hui impossibles, les rassemblements publics étant limités à dix personnes.

La proposition de loi part d'un constat simple : l'impératif sanitaire doit primer en toute circonstance, y compris lorsque les citoyens exercent leurs droits civiques. La République doit donc mieux protéger ses candidats et ses électeurs, en particulier si le second tour des élections municipales peut finalement se tenir en juin prochain.

Il s'agit d'une exigence sanitaire mais également démocratique :

- les citoyens doivent pouvoir s'exprimer en toute sécurité pour l'élection de leur maire, quelle que soit la taille de la commune ;

- les membres des bureaux de vote, les scrutateurs et les agents municipaux doivent pourvoir exercer leur devoir sans craindre pour leur santé.

Le chapitre I er précise ainsi le cadre général de la proposition de loi.

Ce texte est circonscrit au second tour des élections municipales et communautaires, dans l'hypothèse où celui-ci serait organisé en juin prochain ( article 1 er ).

Il a vocation à s'appliquer sur l'ensemble du territoire de la République, y compris dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, régies par le principe de spécialité législative. Il s'agit ainsi de préserver nos outre-mer, alors que leur situation sanitaire est aujourd'hui moins dégradée qu'en métropole.

L' article 2 oblige le Gouvernement à consulter le comité de scientifiques au plus tard quinze jours avant l'élection, pour qu'il se prononce sur l'état de l'épidémie de covid-19 et sur les risques sanitaires attachés à la tenue du scrutin.

Comme l'a indiqué le comité dans son avis du 18 mai, « il est encore trop tôt pour évaluer le niveau de circulation (du virus) durant le mois de juin 2020. Les premières estimations ne seront sans doute disponibles que dans quelques semaines. Cette évaluation pourrait alors motiver, selon ses résultats, une nouvelle interruption du processus électoral. »

Le chapitre II vise à faciliter l'établissement des procurations. Il s'adresse prioritairement aux électeurs qui, du fait de l'épidémie, ne pourront pas se rendre jusqu'à leur bureau de vote.

La procuration permet à un citoyen (le mandant) de confier son droit de vote à un autre électeur (le mandataire).

En raison de la crise sanitaire, l' article 3 autorise le mandataire à disposer de deux procurations établies en France, contre une seule actuellement (article L. 73 du code électoral) 2 ( * ) .

Il assouplit également le régime applicable afin d'étendre le « vivier » des mandataires.

Actuellement, le mandataire doit être inscrit sur la liste électorale de la même commune que le mandant.

Cette règle permet de contrôler le nombre de procurations détenues par un même mandataire. Elle paraît toutefois trop contraignante : certaines personnes âgées ou fragiles sont isolées et n'ont personne à qui confier leur procuration.

La loi « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019 prévoit d'ailleurs de supprimer cette disposition à compter du 1 er janvier 2022, ce qui nécessitera un travail important pour adapter le répertoire électoral unique (REU).

En l'absence de développement informatique, l'article 3 prévoit une dérogation limitée aux seuls membres de la famille « proche » : un électeur pourra disposer d'une procuration dans une autre commune mais uniquement pour voter au nom de ses arrière-grands-parents, grands-parents, parents, enfants, frères ou soeurs. Le nombre de procurations par mandataire restera limité à deux, y compris dans cette hypothèse.

L' article 4 concerne la possibilité d'établir des procurations depuis son domicile, sans se déplacer jusqu'au poste de police ou de gendarmerie.

Le code électoral prévoit aujourd'hui que « les officiers et agents de police judiciaire compétents pour établir les procurations, ou les délégués des officiers de police judiciaire, se déplacent à la demande des personnes qui, en raison de maladies ou d'infirmités graves, ne peuvent manifestement comparaître devant eux » 3 ( * ) .

Ce dispositif est toutefois laissé à la libre appréciation de l'administration.

Il paraît également inadapté face à la nature même du covid-19 : des personnes exposées à un risque de contamination auront l'interdiction de se déplacer pour établir une procuration, y compris en l'absence de symptôme.

Dans ce contexte, l'article 4 consacre le droit, pour certains électeurs, de demander aux autorités compétentes de se déplacer jusqu'à leur domicile pour rédiger leur procuration. Il relève du domaine de la loi en application de l'article 34 de la Constitution qui dispose que « la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ».

Ce droit serait accordé aux personnes souffrant d'une vulnérabilité physique, selon une liste fixée par le Haut Conseil de la santé publique 4 ( * ) . Ce dernier considère ainsi que certaines personnes risquent plus que d'autres de développer des formes graves de covid-19 (personnes âgées de 65 ans et plus, patients ayant une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d'une infection virale, etc .).

Les personnes vulnérables accueillies dans des hébergements collectifs seraient également couvertes, notamment lorsqu'elles résident dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

L'article 4 s'appliquerait, enfin, aux personnes infectées par le covid-19 ou récemment exposées à un risque d'infection, y compris lorsqu'elles sont mises en quarantaine ou placées en isolement dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire 5 ( * ) .

Le chapitre III vise à adapter les opérations de vote pour renforcer les garanties sanitaires le jour du scrutin.

L' article 5 prévoit que des équipements de protection adaptés (masques, visières, etc .) sont mis à la disposition des électeurs qui n'en disposent pas et des personnes participant à l'organisation ou au déroulement du scrutin (membres du bureau de vote, délégués des candidats, scrutateurs et agents municipaux).

Comme l'a indiqué le comité de scientifiques, « le port du masque est préconisé pour les électeurs, qui doivent pouvoir en disposer. Le port de masques chirurgicaux (et non de masques grand public) doit être obligatoire pour les membres du bureau et les personnes participant à l'organisation du scrutin, qui doivent aussi bénéficier d'une visière de protection ».

Cette dépense serait à la charge de l'État et non des communes, par cohérence avec l'article L. 70 du code électoral 6 ( * ) .

L' article 6 renforce la sécurité sanitaire du dépouillement, auquel assiste traditionnellement les membres du bureau de vote, les scrutateurs mais également de nombreux électeurs de la commune.

Bien que fondamental dans le processus démocratique, le dépouillement ne doit pas constituer un risque de propagation de l'épidémie.

Il est donc proposé que chaque président de bureau de vote puisse déterminer le nombre maximal de personnes autorisées à participer ou à assister au dépouillement. Chaque président prendra sa décision en fonction des consignes sanitaires et de la superficie des locaux.

Pour garantir la transparence démocratique du dépouillement, chaque candidat ou liste de candidats aura le droit de disposer d'au moins un représentant. Les résultats du scrutin seront rendus publics dès la fin du dépouillement.


* 1 Loi n° 2020-290 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

* 2 Si cette limite n'est pas respectée, les procurations qui ont été dressées les premières seront les seules valables. La ou les autres procurations seront nulles de plein droit.

* 3 Article R. 72 du code électoral.

* 4 Haut Conseil de la santé publique, 20 avril 2020, Actualisation de l'avis relatif aux personnes à risque de forme grave de Covid-19 et aux mesures barrières spécifiques à ces publics .

* 5 Articles L. 3131-12 et suivants du code de la santé publique.

* 6 Qui prévoit que « les dépenses résultant des assemblées électorales tenues dans les communes sont à la charge de l'État ».

Page mise à jour le

Partager cette page