EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La crise sanitaire qui frappe actuellement le monde place les responsables politiques devant un défi sans précédent, aux dimensions multiples et avant tout humaines.

Dire que la France, entre autres pays, n'y était pas préparée relève de l'évidence.

Ne pas en tirer les leçons qui s'imposent relèverait, pour les décideurs publics, d'un manquement grave à leurs responsabilités.

La preuve est dramatiquement faite, pour ceux qui auraient pu en douter, que le risque de pandémie n'est pas une invention des auteurs de science-fiction. Il nous atteint aujourd'hui et nous menacera donc demain. Il est du devoir des pouvoirs publics de prendre toutes les initiatives pour prévenir sa réitération mais également, si elle devait par malheur se révéler inévitable, donner à notre pays les moyens de la surmonter dans les meilleures conditions possibles.

La présente proposition de loi s'inscrit dans le souci de répondre à l'un des défis majeurs auquel nous exposeraient les mesures prises dans le cadre d'une nouvelle menace ou d'une crise sanitaire grave telles que l'interdiction d'ouvrir des établissements ou le confinement de la population : la survie des entreprises.

Le risque sanitaire se double en effet d'un risque systémique auquel il convient absolument d'obvier. Encore faut-il s'en donner les moyens.

Pour ce faire, et sans préjudice de toutes les initiatives qui pourraient être prises par d'autres acteurs, des collectivités territoriales à l'Union européenne, il est proposé de mettre en place dès à présent un « paratonnerre économique » qui protégerait nos entreprises des pertes d'exploitation consécutives à une menace ou à une crise sanitaire grave pour assurer leur prise en charge par les assurances et l'État en définissant et coordonnant leurs rôles et responsabilités respectifs et en leur donnant les moyens de les assumer.

Les assurances auraient pour mission de couvrir obligatoirement les entreprises, dès lors qu'elles souscrivent un contrat de protection de leurs biens (en l'occurrence contre le risque incendie), contre les pertes d'exploitation générées par les mesures prises dans le cadre d'une menace ou d'une crise sanitaire grave (autrement dit dans le cadre du titre III du livre I er de la troisième partie du code de la santé publique).

Afin d'éviter des différences dans le niveau de protection en fonction des contrats, le concept de « pertes d'exploitation », au sens de cette protection, serait défini dans la loi. Les pertes d'exploitation correspondraient (en substance, puisque la porte reste évidemment ouverte à des précisions ou aménagements dans le cadre de la discussion parlementaire) à la baisse du résultat de l'entreprise (hors impôt et taxes) pendant la période couverte par les mesures prises dans le cadre de la menace ou de la crise sanitaire par rapport au résultat moyen constaté lors des trois derniers exercices clos (des aménagements étant prévus pour les entreprises créées depuis moins de trois ans). Toutefois, dans l'appréciation de cette baisse, ne seraient pas prises en compte, outre les impôts et taxes, les dépenses relatives aux personnels, dont la prise en charge relève de l'État dans le cadre des dispositifs relatifs au chômage partiel.

Pour encourager les entreprises dans les initiatives susceptibles de limiter ces pertes, serait prévue une franchise, qu'il appartiendrait au pouvoir réglementaire de fixer (dans une fourchette comprise entre 10 et 30 %).

Les assureurs seraient tenus de verser les indemnisations rapidement afin de limiter autant que possible les difficultés de trésorerie des entreprises. Il est proposé un délai de trente jours à compter de la fin d'application de la dernière mesure de crise (délai qui semble fort raisonnable dès lors que le calcul de l'indemnisation dépendrait de données chiffrées rapidement disponibles, sans qu'une expertise ait nécessairement à être organisée), la porte restant ouverte aux parties pour décider d'un délai plus court.

Le financement de cette garantie serait assuré par une cotisation additionnelle au contrat principal. Toutefois, pour en limiter le coût, les compagnies d'assurance recevraient un soutien d'un fonds de l'État.

C'est donc par cet outil nouveau qu'est organisé le rôle de l'État, en plus du rôle de soutien dont il est déjà chargé par la loi (prise en charge du chômage partiel) et des efforts auxquels il pourrait consentir dans le cadre très particulier d'une crise sanitaire grave (report d'impôts et de charges, complément de prise en charge du chômage partiel, etc.).

Ce fonds se verrait attribuer chaque année un minimum de 500 millions d'euros, sous la forme d'un prélèvement à opérer sur les cotisations acquittées dans le cadre des contrats d'assurance sur les biens (lesquelles ont dépassé 56 milliards d'euros en 2018). L'enveloppe disponible lors d'une crise sanitaire majeure serait répartie entre les compagnies d'assurance, au prorata des indemnisations qu'elles auraient versées (système qui apparaît beaucoup plus expédient que celui qui consisterait à répartir cette enveloppe entre les millions d'entreprises victimes de la crise). Il est bien évident que la perspective de cette aide de l'État devrait être prise en compte par lesdites compagnies lors du calcul de la cotisation additionnelle correspondant à la couverture du risque de pertes d'exploitation.

Cette proposition de loi dispose nécessairement pour l'avenir : elle vise à le sécuriser par une définition des rôles qui devront être ceux de l'État et des compagnies d'assurance lorsque notre pays se trouvera de nouveau confronté à une crise telle que celle qui le frappe aujourd'hui.

Pour autant, est-il besoin de le souligner, elle ne saurait s'interpréter comme déchargeant ces deux acteurs des obligations qui sont les leurs à l'égard des entreprises victimes des mesures prises pour lutter contre la propagation du Covid19.

S'agissant en particulier des assurances, s'il est juridiquement impossible de leur imposer rétroactivement d'indemniser des préjudices pour lesquels elles n'ont pas perçu de cotisations, il est parfaitement justifié de considérer que des obligations morales s'imposent également à elles : les mesures pour lutter contre l'épidémie actuelle, au premier rang desquelles le confinement et la fermeture d'établissements, ont entraîné et entraîneront encore pendant plusieurs semaines une baisse considérable de la sinistralité. Les cotisations d'hier, calculées sur la base d'un risque pour aujourd'hui bien supérieur à la réalité, ont donc à l'évidence été surévaluées, générant pour les compagnies d'assurance des profits qu'elles ne pouvaient anticiper. Néanmoins, le contraste entre ces économies imprévues et le désarroi subi par leurs assurés est trop fort pour ne pas reconnaître qu'un devoir moral d'intervention et de soutien s'impose aux entreprises d'assurance pour compenser, dans toute la mesure du possible, les conséquences du second. Cette compensation pourrait prendre la forme d'une contribution au fonds d'indemnisation des très petites entreprises...

Les réserves des compagnies d'assurance, dépassant largement le ratio de solvabilité auxquelles elles sont tenues, leur ouvrent même une « marge de solidarité » supplémentaire à l'égard des assurés qui leur permet d'aller au-delà d'une contribution calculée sur la base des seules dépenses non engagées du fait de la baisse actuelle de sinistralité.

Dans ce contexte, les auteurs de la présente proposition de loi ne doutent pas que les efforts des compagnies d'assurance viendront dès la crise actuelle compléter ceux de l'État.

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