EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

«?Le maintien des liens familiaux, condition fondamentale de la réinsertion des personnes placées sous main de justice et de la prévention de la récidive, est une des principales missions de l'administration pénitentiaire?» soutient, depuis plus d'un an, le ministère de la justice à travers l'interface de son site internet.

Le caractère fondamental du maintien des liens familiaux fait l'unanimité, aussi bien en matière de socialisation et donc de réinsertion de l'individu que pour sa contribution à la bonne exécution de la peine. Cependant, en pratique, les liens familiaux ne se maintiennent que difficilement.

Confrontées à des frais de transports, d'hébergement, ainsi qu'à des contraintes de temps, les familles se trouvent bien trop souvent démunies, désemparées et découragées, dès lors que le proche est détenu dans un lieu éloigné du domicile familial.

Nous devons cependant être conscients qu'une demande de rapprochement familial ne peut toujours garantir le déplacement de la personne détenue.

Ainsi, pour les besoins de l'enquête, une personne prévenue doit nécessairement être détenue à proximité de son juge d'instruction.

De même, des questions de sécurité ou bien relatives aux conditions de détention peuvent constituer des obstacles légitimes à une demande de rapprochement familial.

Pour autant, la situation des personnes détenues en exécution de peine mérite d'être repensée de façon réaliste afin d'assurer leur droit au maintien des liens familiaux.

La situation des personnes détenues condamnées éloignées de leur famille est certes considérée par notre droit, mais de façon encore insatisfaisante.

Pour répondre à leur désarroi, les premières unités de vie familiale ont été créées en 2003. Elles permettent aux personnes en exécution de peine de recevoir leurs proches jusqu'à 72 heures si elles le souhaitent.

Pour autant, ces unités ne peuvent, à elles seules, permettre le maintien effectif des liens familiaux. En effet, si elles ont bien le mérite d'éliminer les frais d'hébergement, elles ne diminuent aucunement les coûts liés au déplacement des proches.

Par ailleurs, notre droit est lacunaire, lorsqu'il fait mention du rapprochement familial, soit en ce qu'il ne mentionne pas les personnes détenues condamnées 1 ( * ) , soit parce qu'il affirme le droit au maintien des liens familiaux de ces dernières sans toutefois s'intéresser à la faisabilité des visites 2 ( * ) .

La question est d'autant plus préoccupante que les règles pénitentiaires européennes (RPE), recommandées par le Conseil de l'Europe, prévoient l'affectation géographique des détenus en fonction du domicile familial. La règle n° 17.1 des RPE dispose ainsi que «?les détenus doivent être répartis autant que possible dans des prisons situées près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale?».

La réflexion quant au rapprochement familial doit se faire dans un triple objectif : celui de l'efficacité, du réalisme et du souci de la sécurité. Elle doit, en outre, résoudre trois injustices fondamentales :

- celle que ressentent les détenus, injustement différenciés selon qu'ils soient prévenus ou condamnés, les prévenus pouvant, au contraire des condamnés, bénéficier du rapprochement familial?;

- celle qui touche les familles, injustement affectées par l'éloignement d'un proche?;

- celle, enfin, qui fait que les familles se voient touchées différemment par l'éloignement du fait de leur lieu de résidence. Ainsi, si les frais et l'aspect psychologique entraînés par l'éloignement du détenu sont communs à toutes les familles françaises, certaines doivent supporter des conséquences plus lourdes en matière financière, mais aussi en termes de fréquence des visites. Les résidents de départements insulaires, comme la Corse par exemple, doivent supporter des frais plus importants, devant nécessairement recourir à des moyens de transport coûteux tels que l'avion ou le bateau.

La présente proposition de loi a donc pour objet d'élargir le droit au rapprochement familial à toute personne détenue sous réserve que la sécurité et les conditions de détention ne s'en trouvent pas altérées.


* 1 Article 34 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

* 2 Article 35 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

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