EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis le 1 er janvier 2018, la Corse dispose d'une collectivité dite « unique » en lieu et place de la collectivité territoriale de Corse et des deux départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse.

Outre les conditions de cette réforme incomplète, actée dans l'urgence par voie d'amendement à la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), se pose toujours la question du lien de proximité assumé jusqu'alors par le conseiller départemental.

L'échec du référendum du 6 juillet 2003 sur la collectivité unique est principalement dû à l'attachement des Corses à l'élu de proximité.

C'est bien cet attachement qui a poussé le législateur, sur la proposition de l'Assemblée de Corse, à créer la chambre des territoires au moment même où disparaissaient les élus départementaux.

Or, dans ses compétences comme dans sa composition, il ne s'agit que d'une conférence de coordination avec un nom disproportionné eu égard aux prérogatives réelles qu'elle exerce. D'ailleurs, il a bien été précisé que « les prérogatives de la chambre des territoires sont celles des conférences territoriales de l'action publique (CTAP) ». C'est justement ce que nous contestons, sans compter le caractère opaque et complexe de sa composition et de ses modalités de désignation.

Pour pallier la disparition des conseils départementaux et face au gadget que constitue la chambre des territoires, il est impératif de parvenir à une identification des territoires en modifiant le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse pour tenir compte des réalités locales, propres à chaque bassin de vie.

L'objet de la présente proposition de loi est bien de territorialiser le mode de scrutin actuel, sans modification de la prime majoritaire (11 sièges), de la répartition proportionnelle à la plus forte moyenne, des seuils de maintien (7 %) et de fusion (5 %) des listes pour le second tour, etc... Le seul aménagement réside dans le fait que les 63 sièges à pourvoir seraient répartis en 11 sections territoriales correspondant à des territoires identifiés, en tenant compte de l'aspect démographique.

Ainsi, le bulletin de vote comprendrait une liste présentée sous la forme de 11 listes de territoires. La liste remportant la majorité des suffrages au premier tour ou le plus de suffrages au second tour se verrait attribuer la prime de 11 sièges à raison d'un siège par section. Ensuite, la répartition se ferait au prorata des voix obtenue par section territoriale. Ainsi, on parviendrait à une représentation conforme à la volonté des électeurs au niveau infrarégional.

Il ne s'agit ni plus ni moins que d'un régime similaire à celui en vigueur dans les autres régions métropolitaines (articles L. 338 et L. 338-1 du code électoral), à ceci près que ce sont les départements qui y constituent le cadre électoral des élections régionales.

La répartition exacte des sièges serait fixée par décret, en fonction de la population constatée et selon la méthode de répartition proportionnelle à la plus forte moyenne.

À titre indicatif, en prenant en compte la population actuelle, la répartition des sièges pourrait s'établir comme suit :

Section territoriale

Démographie

Pourcentage par rapport à la population totale

Nombre de sièges par section

Ajaccio 1 (Cantons 1 et 2 )

29 775

9 %

6

Ajaccio 2 (Cantons 3, 4 et 5)

39 603

12 %

7

Ouest Corse + pourtour ajaccien (cantons ouest corse, Gravona-Prunelli, Communauté d'agglomération du Pays ajaccien)

29 384

9 %

6

Taravo-Ornano + Sartenais-Valinco

26259

8 %

5

Grand Sud + Alta Rocca

29 296

9 %

6

Bastia 1 (cantons 1 et 2)

21 584

7 %

4

Bastia 2 (cantons 3 et 4)

22 486

7 %

4

Balagne

22 263

7 %

4

Cap + Conca d'Oro + Nebbiu + Furiani et Biguglia

36 108

11 %

7

Marana - Costa Serena

35 413

11 %

7

Centre Corse - Plaine orientale

37 428

11 %

7

TOTAL

329 599

100 %

63

Le choix de 11 territoires renvoie à la dizaine d'espaces retenue lors du lancement de la politique de territorialisation de la Collectivité Territoriale de Corse en 2008, mais aussi à la mise en oeuvre de la prime majoritaire. Si, pour les régions continentales, la prime est exprimée en pourcentage (25 % des sièges), en Corse, c'est un nombre entier de onze sièges (environ 18 % des sièges) qui est mentionné par le code électoral.

La constitution de onze sections permet aisément l'attribution d'un siège de prime par section à la liste ayant recueilli le plus de suffrages au niveau régional, le reste des sièges étant réparti conformément aux résultats obtenus par section.

La concrétisation de cette proposition de loi, on arriverait à résoudre la question de la proximité et du mode de scrutin que n'avait pas abordé l'article 30 de la loi NOTRe, pour permettre l'ancrage territorial des élus de la Corse.

On se prémunit du risque d'une assemblée hors sol composée d'élus déracinés et déconnectés des territoires, notamment des plus fragiles, ceux ruraux de l'intérieur de l'île. Ce mode de scrutin hybride permettrait à tous les conseillers à l'Assemblée de Corse d'être les élus de la collectivité tout en étant les représentants d'un territoire dont ils se feraient les défenseurs de leurs préoccupations et de leurs difficultés propres. Ces conseillers seraient à la fois élus régionaux et locaux, le juste équilibre en un seul mandat pour exercer au mieux leurs fonctions au service des Corses.

En conséquence, l' article 1 er crée onze sections territoriales au sein de la collectivité de Corse, et renvoie à un décret le découpage de ces sections.

Les articles suivants en tirent les conséquences en ce qui concerne :

- le mode de scrutin, qui se rapprocherait de celui des élections régionales ( articles 2 et 3 ) ;

- la présentation des déclarations de candidature ( article 4 ), en garantissant la représentation de chaque section territoriale mais également le respect du principe de parité ;

- et le remplacement des conseillers à l'Assemblée de Corse ( article 5 ).

Enfin, il est créé ( article 6 ) une annexe au code électoral relative aux onze sections territoriales de Corse dont la composition sera établie par décret.

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