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ETUDE D'IMPACT

Projet de loi

de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

NOR : JUST1806695L/Bleue-1

19 avril 2018

TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION

Article

Objet de l'article

Nature du texte d'application

Objet du texte d'application

Administration compétente

2

Généraliser le pouvoir d'injonction du juge de rencontrer un médiateur et élargir le domaine de la tentative de résolution amiable préalable

Décret en Conseil d'Etat

Matières entrant dans le champ des conflits de voisinage ou montant au-delà duquel la tentative de résolution amiable n'est pas obligatoire

Ministère de la Justice

3

Sécuriser le cadre juridique de l'offre en ligne de résolution amiable des différends

Décret en Conseil d'Etat

Cas dans lesquels la certification est exigée, procédures de délivrance et de retrait de la certification, conditions de publicité

Ministère de la Justice

5

Confier aux notaires divers actes non contentieux

Décret en Conseil d'Etat

Coordination des dispositions du code de procédure civile

Ministère de la Justice

6

Expérimenter une autre procédure de révision des pensions alimentaires

Ordonnance

Définir les termes du dispositif expérimental

Ministère de la Justice

7

Régimes matrimoniaux

Décret en Conseil d'Etat

Coordination des dispositions du code de procédure civile

Ministère de la Justice

9

Confier la gestion des fonds issus de la saisie des rémunérations et des sommes consignées dans le cadre d'une expertise à la Caisse des dépôts

Ordonnance

Conditions de transfert à la Caisse des dépôts et des consignations de la gestion des saisies de rémunérations

Ministère de la Justice

10

Moderniser la délivrance des apostilles et des légalisations

Ordonnance

Modalités de délégation des formalités d'apostille et de légalisation

Ministère de la Justice

11

Suppression de la requête en divorce

Décret en Conseil d'Etat

Coordination des dispositions du code de procédure civile

Ministère de la Justice

12

Règlement des litiges sans audience

Décret en Conseil d'Etat

Montant en-dessous duquel une demande devant le TGI peut être traitée dans le cadre d'une procédure dématérialisée

Ministère de la Justice

13

Création d'une juridiction nationale de traitement dématérialisé des injonctions de payer

Décret en Conseil d'Etat

Date d'entrée vigueur

Ministère de la justice

14

Harmonisation du « En la forme des référés »

Ordonnance

Harmonisation de la formulation des textes

Ministère de la Justice

16

Externalisation des comptes de gestion

Décret en Conseil d'Etat

Modalités de la mesure de désignation d'une personne qualifiée

Ministère de la Justice

17

Améliorer l'efficacité en permettant l'exécution forcée des décisions du JAF

Décret en Conseil d'Etat

Mesures préalables visant à déterminer les modalités d'exécution les plus adaptées

Ministère de la Justice

19

Concilier publicité de la justice et vie privée dans le cadre notamment de la délivrance des décisions de justice

Décret en Conseil d'Etat

Autorités habilitées à prendre les décisions de non délivrance de copies

Conditions d'application de la mise la disposition du public à titre gratuit sous forme électronique des décisions des juridictions judiciaires

Ministère de la Justice

22

Permettre le recrutement de juristes assistants

Décret en Conseil d'État

Modalités d'application des dispositions relatives au recrutement des juristes assistants au Conseil d'Etat et dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel

Ministère de la Justice

26

Possibilité de porter plainte en ligne

Décret

Cas et modalités de dépôt de plainte en ligne

Ministère de la Justice

30

Statut et compétence de la police judiciaire

Décret

Seuil en-dessous duquel les OPJ peuvent procéder à une réquisition sans autorisation du procureur

Ministère de la Justice

43

Expérimentation de l'extension du travail d'intérêt général au profit de personnes morales de droit privé relevant de l'économie sociale et solidaire

Décret en Conseil d'Etat

Conditions d'habilitation et obligations mises à la charge de ces personnes

Ministère de la Justice

50

Simplification du fonctionnement de la commission d'application des peines

Octroi de permissions de sortir

Décret

Modalités de fonctionnement de la commission d'application des peines (règles de quorum, cas et modalités des délibérations par voie dématérialisée)

Modalités d'octroi par le chef d'établissement pénitentiaire de permissions de sortir

Ministère de la Justice

53

Améliorer l'efficacité en première instance

Décret en Conseil d'Etat

Liste des matières civiles, délits et contraventions pouvant faire l'objet d'une spécialisation d'un TGI ;

Cas de renvoi à la formation collégiale pour les affaires portées devant le TGI

Ministère de la Justice

Décret

Fixation des TGI compétents sur un département pour connaître de certaines matières civiles et certains délits ou contraventions ;

Siège, ressort et compétences matérielles des chambres détachées dénommées « tribunaux d'instance » ;

Modalités du service du livre foncier ;

Liste des TGI dans un département dans lesquels il n'y a pas de juge d'instruction ;

Liste des TGI dans lesquels un ou plusieurs magistrats du siège sont chargés des fonctions de juge de l'application des peines

54

Améliorer l'efficacité en appel

Décret en Conseil d'Etat

Décret

Liste des matières civiles dont peuvent connaître les cours d'appel spécialisées

Désignation des chefs de cour d'appel exerçant des fonctions de coordination et d'animation

Désignation des cours d'appel spécialisées

Ministère de la Justice

59

Dispositions diverses

Ordonnance

Tirer les conséquences dans les textes de la suppression du tribunal d'instance

Ministère de la Justice

TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS MENÉES

Article

Objet de l'article

Consultations obligatoires

Consultations facultatives

2

Généraliser le pouvoir d'injonction du juge de rencontrer un médiateur et élargir le domaine de la tentative de résolution amiable préalable

Néant

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

3

Sécuriser le cadre juridique de l'offre en ligne de résolution amiable des différends

Néant

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

4

Etendre la représentation obligatoire

Néant

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

Conseil national des barreaux

Organisations syndicales et représentatives des agriculteurs

5

Confier aux notaires divers actes non contentieux

Néant

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

Conseil supérieur du notariat

6

Expérimenter une autre procédure de révision des pensions alimentaires

Néant

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

7

Régimes matrimoniaux

Néant

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

8

Alléger le contrôle a priori du juge des tutelles pour les actes de gestion patrimoniale

Néant

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

9

Confier la gestion des fonds issus de la saisie des rémunérations et des sommes consignées dans le cadre d'une expertise à la Caisse des dépôts

Comité technique des services judiciaires

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières

10

Moderniser la délivrance des apostilles et des légalisations

Néant

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

11

Simplification de la méthode de régulation des tarifs réglementés de certains professionnels du droit

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

Organisations professionnelles concernées

Autorité de la concurrence

12

Suppression de la requête en divorce

Comité technique des services judiciaires

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

13

Règlement des litiges sans audience

Comité technique des services judiciaires

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

14

Création d'une juridiction nationale de traitement dématérialisé des injonctions de payer Traitement dématérialisé des injonctions de payer au sein d'une juridiction à compétence nationale

Comité technique des services judiciaires

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

16

Habilitation familiale

Néant

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

17

Externalisation des comptes de gestion

Comité technique des services judiciaires

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

18

Améliorer l'efficacité en permettant l'exécution forcée des décisions du JAFAméliorer l'efficacité des décisions en matière familiale

Comité technique des services judiciaires

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

19

Concilier publicité de la justice et vie privée dans le cadre notamment de la délivrance des décisions de justice

Comité technique des services du Conseil d'Etat

Comité technique spécial des greffes des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Commission supérieure du Conseil d'Etat

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel

Comité technique des services judiciaires

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

1920

Allonger la durée de l'expérimentation de la procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Conseil national d'évaluation des normes

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

21

Elargir les possibilités de recours aux magistrats honoraires

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

22

Permettre le recrutement de juristes assistants

Commission supérieure du Conseil d'Etat

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

23

Tenir compte de l'intérêt du service public de la justice pour apprécier les mérites d'une demande de maintien en activité au-delà de la limite d'âge

Commission supérieure du Conseil d'Etat

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

24

Permettre au juge des référés précontractuels et contractuels de statuer en formation collégiale

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

25

Renforcer l'effectivité des décisions de justice

Commission supérieure du Conseil d'Etat

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Conseil national d'évaluation des normes

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

30

Statut et compétence de la police judiciaireHabilitation des officiers et agents de police judiciaire

Conseil national d'évaluation des normesNéant

Conseil national d'évaluation des normes

32

Visite des navires et engins flottants

Néant

Conseil supérieur de la marine marchande

Chambre nationale de la batellerie artisanale

34 à 36

3

Dispositions propres à l'instruction

Faciliter le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique

Comité technique de l'administration pénitentiaire

Comité technique des services pénitentiaires insertion et probation

Néant

40 et 41II

Dispositions relatives à la compétence du juge unique et à l'ordonnance pénale - travail d'intérêt général

Comité technique de l'administration pénitentiaire

Comité technique des services pénitentiaires insertion et probation

Néant

42

Dispositions relatives au jugement des crimes

Comité technique des services judiciaires

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

43 à 50

Dispositions relatives aux peines encourues et au prononcé de la peine, à la probation et à l'exécution des peines

Comité technique ministériel

Comité technique des services judiciaires

Comité technique de l'administration pénitentiaire

Conseil technique ministériel

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

51

Favoriser la construction d'établissements pénitentiaires

Comité technique des services pénitentiaires insertion et probation

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

52

Accueil temporaire extérieur dans le cadre d'un placement en CEF et expérimentation d'une mesure éducative d'accueil de jour

Comité technique de la protection judiciaire de la jeunesse

Ensemble des acteurs dans le cadre des chantiers de la Justice

53 à 55

Renforcer l'organisation des juridictions

Comité technique des services judiciaires

Commission permanente d'études du ministère de la justice

TITRE I ER : DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBJECTIFS DE LA JUSTICE ET A LA PROGRAMMATION FINANCIERE

Article 1 er : Objectifs de la justice et programmation financière

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

Le budget du ministère de la justice représente 8,7 milliards d'euros en crédits de paiements et 9 milliards d'euros en autorisations d'engagement dans la loi de finances initiale pour 2018, dont 5,5 milliards d'euros de crédits de rémunérations (titre 2) et 3,2 milliards d'euros de crédits de paiement et 3,5 milliards d'euros d'autorisations d'engagement pour les autres titres (fonctionnement, investissement, interventions). Le plafond d'autorisations d'emplois s'élève à 84 969 équivalents temps plein travaillés.

Le budget de la mission « Justice » est en progression constante depuis dix ans. Il affiche une progression moyenne de 3,2 % par an entre 2007 et 2017, avec une inflexion en 2014
(+ 1,5 %) et 2015 (+ 1,1 %), puis une reprise en 2016 et 2017, du fait notamment des deux plans de lutte contre le terrorisme. Le ministère a par ailleurs bénéficié de créations d'emplois importantes :plus de 12 000 équivalents temps plein créés entre 2007 et 2017.

Pour autant, la part relative du budget de la mission « Justice » dans le budget de l'État, hors engagements financiers de l'État, régimes sociaux et de retraite, relations avec les collectivités territoriales et remboursements et dégrèvements, s'est stabilisée à environ 3,2 % depuis 2012.

Par ailleurs, en dépit de la progression de ses moyens, le ministère de la justice connaît une certaine paupérisation : malgré plusieurs programmes de constructions pénitentiaires, les prisons françaises souffrent d'une sur-occupation importante qui altère les conditions de réinsertion des détenus et pèse sur les personnels ; les moyens des tribunaux ne leur permettent pas de réduire fortement les délais de jugement, les conditions de travail des magistrats et des fonctionnaires sont dégradées, les fournisseurs peuvent être payés avec retard ; le patrimoine immobilier de la protection judiciaire de la jeunesse est fortement dégradé ; l'informatique ministérielle souffre d'un sous-investissement et les infrastructures comme les applications sont largement obsolètes.

La transformation de la justice nécessite donc un investissement dans la durée.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

La dernière loi de programmation pour le ministère de la justice remonte à 2002 : loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.

Dans le contexte actuel, une nouvelle loi de programmation est indispensable, pour permettre de programmer dans la durée l'augmentation des moyens de la justice nécessaires à l'accomplissement des réformes en profondeur qui sont lancées : transformation numérique du ministère, simplification de la procédure civile et de la procédure pénale, refonte des peines, renforcement de l'organisation judiciaire.

Le budget du ministère de la justice est marqué par l'importance de grands programmes d'investissement, qu'il s'agisse des constructions de nouvelles places de prisons, de la rénovation, la restructuration ou l'extension des palais de justice ou du déploiement de projets informatiques structurants. Ces projets de long terme nécessitent de disposer d'une visibilité sur les moyens accordés.

Par ailleurs, la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, le développement des alternatives à l'incarcération et du suivi des personnes placées sous main de justice, l'augmentation du nombre de magistrats et de fonctionnaires pour améliorer les délais de jugement, le développement des applications informatiques du ministère, le renforcement de l'accompagnement des jeunes suivis par la protection judiciaire de la jeunesse vont conduire à une forte augmentation des volumes de recrutements dans tous les métiers du ministère de la justice. En donnant des perspectives à cinq ans, la loi de programmation permettra de garantir des recrutements de qualité dans la durée.

Enfin, les différentes transformations en profondeur induites par les dispositions législatives proposées dans le cadre de la loi de programmation pour la justice doivent, compte tenu de leur ampleur, s'appuyer dans un cadre financier stable afin de pouvoir être conduites dans les meilleures conditions.

La loi de programmation pour la justice s'inscrit dans le cadre de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Celle-ci prévoit à son article 22 que « lors du dépôt au Parlement d'un projet de loi de programmation autre qu'un projet de loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement remet au Parlement un rapport permettant de s'assurer de la cohérence du projet de loi avec la trajectoire de finances publiques figurant dans la loi de programmation des finances publiques en vigueur ».

La loi de programmation des finances publiques fixe une trajectoire ambitieuse correspondant à une baisse d'un point de PIB du niveau des prélèvements obligatoires, de plus de trois points de PIB de la dépense publique, et de plus de cinq points de PIB de la dette publique. Pour respecter ces objectifs, en particulier sur le périmètre de la norme pilotable de l'État, l'évolution de la dépense en 2018 s'élèvera à + 1,0 % en volume, puis à - 0,5 % en volume en 2019, soit + 1,6 milliards d'euros par rapport à 2018. Sur la période 2020-2022, alors que la charge de la dette augmentera de l'ordre de 0,1 point de PIB par an, le taux d'évolution en volume de la dépense sous norme pilotable sera de - 1 % par an.

Pour les années couvertes par la loi de programmation des finances publiques, la loi de programmation pour la justice est cohérente avec les plafonds en crédits fixés par mission du budget général à l'article 15 de la loi de programmation des finances publiques et aux créations d'emplois sous-jacentes, ce qui garantit sa soutenabilité.

Ainsi, sur le périmètre de la mission « Justice », les ressources programmées hors pensions évolueront comme suit entre 2018 et 2022 :

Milliards d'euros courants

2018

2019

2020

2021

2022

Crédits de la mission « Justice »

7,0

7,3

7,7

8,0

8,3

La trajectoire en effectifs prévoit la création de 6 500 équivalents temps plein sur la période 2018-2022.

2018

2019

2020

2021

2022

TOTAL

2019-2023

Évolution des effectifs

1 100

1 300

1 620

1 260

1 220

6 500

Il est prévu une actualisation de la programmation avant la fin de l'année 2021, afin de vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés, les réalisations et les moyens consacrés.

3. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

Ces ressources supplémentaires permettront de mettre en oeuvre les chantiers de transformation de la justice.

Les moyens accordés à l'administration pénitentiaire permettront notamment :

- la construction de 7 000 places de prison d'ici 2022 et l'amélioration de l'entretien du parc existant ;

- le développement des alternatives à la détention et l'amélioration de l'accompagnement des personnes placées sous main de justice, par un développement de l'insertion et de la probation, en vue de lutter contre la récidive ;

- le renforcement de la sécurité des établissements et du renseignement pénitentiaire ;

- l'amélioration des conditions de travail des personnels, notamment par une diminution des vacances de postes et par une meilleure reconnaissance professionnelle.

Les moyens accordés à la justice judiciaire, associés aux réformes de procédures et d'organisation, permettront de rénover profondément les méthodes de travail des juridictions, par une résorption des vacances de postes, par la constitution d'équipes autour du magistrat, par la numérisation des procédures. Un effort important est consenti pour améliorer le fonctionnement des juridictions et la rénovation des palais de justice.

Les moyens accordés à la protection judiciaire de la jeunesse permettront la construction de 20 centres éducatifs fermés dans le quinquennat et une diversification des modes de prises en charge, afin d'adapter la réponse apportée à la problématique particulière de chaque jeune.

Les moyens accordés à l'accès au droit et à l'aide aux victimes permettront de garantir, dans ce contexte en transformation très profonde, que tous les justiciables, et en particulier les plus faibles, pourront bénéficier d'un accès au droit et au service public de la justice.

Enfin, les moyens accordés au secrétariat général du ministère permettront la remise à niveau des infrastructures informatiques et télécommunications et le déploiement de nouvelles applications en vue d'une justice plus simple, plus efficace et plus proche des citoyens et de conditions de travail améliorées pour tous les agents et partenaires du ministère. Par ailleurs, un effort important est entrepris en faveur de l'action sociale au bénéfice des agents.

TITRE II : SIMPLIFIER LA PROCEDURE CIVILE

SOUS-TITRE I ER : REDEFINIR LE ROLE DES ACTEURS DU PROCES

CHAPITRE I ER : DEVELOPPER LA CULTURE DU REGLEMENT AMIABLE DES DIFFERENDS

Article 2 : Généraliser le pouvoir d'injonction du juge de rencontrer un médiateur et l'obligation de tentative de résolution amiable préalable à la saisine de la juridiction

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

La conciliation s'est développée dès l'époque révolutionnaire auprès des juges de paix, ancêtres des tribunaux d'instance. Le pouvoir du juge de tenter une conciliation a par la suite été généralisé, l'article 21 du code de procédure civile disposant désormais qu' « il entre dans la mission du juge de concilier les parties ». Par conséquent, tout juge peut, lorsqu'il est saisi d'un litige et s'il l'estime opportun, tenter de concilier les parties.

Pour certains contentieux, tels que pour les litiges prud'homaux ou devant le tribunal paritaire des baux ruraux, ce pouvoir de conciliation du juge est devenu un préalable obligatoire. Par ailleurs, pour les tribunaux d'instance et les autres juridictions d'exception connaissant une procédure orale, ont été créés, par un décret n°78-381 du 20 mars 1978, les conciliateurs de justice, auxiliaires bénévoles du service public de la justice qui ont notamment pour mission d'assurer, par délégation, la conciliation que peut décider le juge. Les conciliateurs de justice peuvent en outre être directement saisis par les parties, dans un cadre extrajudiciaire, avant que le litige ne soit porté devant le juge.

Le nombre de tentatives de conciliation judiciaires (par le juge ou le conciliateur de justice désigné par lui) effectuées dans le cadre d'une saisine du tribunal d'instance , juridiction principalement concernée en pratique, était faible jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article 4 de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle instaurant la tentative de conciliation préalable obligatoire. Depuis l'entrée en vigueur de cette disposition, la part des tentatives de conciliation par rapport aux affaires nouvelles introduites au fond augmente comme le démontre ci-après le tableau des tentatives préalables de conciliation devant le tribunal d'instance et la juridiction de proximité, avant sa suppression

Devant le tribunal d'instance

Devant le juge de proximité

Tentatives de conciliation par le juge ou le conciliateur délégué par lui

Affaires introduites au fond*

%

Tentatives de conciliation par le juge ou le conciliateur délégué par lui

Affaires introduites au fond*

%

2010

4 365

305 407

1,4

477

102 908

0,5

2011

2 700

281 701

1,0

812

93 434

0,9

2012

2 365

284 800

0,8

1 488

76 594

1,9

2013

2 580

282 161

0,9

1 654

74 764

2,2

2014

2 191

297 646

0,7

1 817

84 990

2,1

2015

2 567

284 596

0,9

2 161

81 418

2,7

2016

3 083

267 261

1,2

2 265

78 825

2,9

2017p**

4 630

291 684

1,6

1 185

30 179

3,9

Source : Exploitation statistique du Répertoire général civil par Secrétariat général / Sous-direction de la statistique et des études et Direction des affaires civiles et du sceau / Pôle d'évaluation de la justice civile.

* hors contentieux général : hors tutelles, surendettement

** : données provisoires, extraction au 26 février 2018

Ces chiffres, qui ne concernent que les conciliations effectuées par le juge ou à sa demande, doivent être mis en perspective avec l'activité globale des conciliateurs de justice qui, entre 2001 et 2015, a vu le nombre de saisines (hors et au cours d'une instance) passer de 106 300 à 142 100 affaires (Infostat justice février 2017 n° 148 ( http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_Infostat_148.pdf )

Parallèlement aux conciliations, la médiation s'est développée depuis les années 1990, plus particulièrement en matière familiale. Un diplôme d'État de médiateur familial a été créé. La médiation s'est aussi développée dans les autres matières civiles, notamment en matière de consommation à la suite de l'ordonnance n°2015 - 1033 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation ainsi qu'en matière commerciale.

La médiation s'entend de tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur 1 ( * ) , Celui-ci peut être choisi par les parties dans un cadre extrajudiciaire ou désigné par le juge mais toujours avec l'accord des parties.

La médiation est payante puisqu'il s'agit d'une activité libérale et les tarifs sont libres. Ils peuvent être fonction du montant ou du type de litige, de la qualité des parties (professionnels ou particuliers), du temps passé (le coût horaire de médiation est alors variable de 100 euros à plus de 500 euros), même si des forfaits, assortis d'un tarif pour chaque heure supplémentaire effectuée, sont souvent proposés (de 500 euros à 1 500 euros). Les coûts sont répartis entre les parties à la médiation.

En revanche, la médiation familiale fait l'objet d'un financement public, par la Caisse nationale des allocations familiales, la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, le ministère de la justice et certaines collectivités locales signataires d'un schéma départemental de développement de la médiation familiale, qui en réduit le coût pour les particuliers. Si le médiateur familial est conventionné par la Caisse nationale des Allocations familiales, il prend en considération la situation financière de chaque partie et un barème s'impose (de 2  à 131 euros par partie et par séance selon le revenu des parties).

Si la médiation nécessite l'accord des parties, le juge peut enjoindre à celles-ci de rencontrer un médiateur pour qu'il les informe sur l'objet et le déroulement d'une mesure de médiation : en matière familiale, l'article 373-2-10 du code civil prévoit que le juge aux affaires familiales peut enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur familial. De même, l'article 22-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative permet à tout juge, dans les cas de tentative préalable de conciliation prescrite par la loi, d'enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur. L'objectif de cet entretien est de lever les réticences des parties et d'obtenir leur accord sur une tentative de médiation judiciaire.

Les statistiques relatives aux médiations et injonctions de rencontrer un médiateur ordonnées devant les tribunaux de grande instance ces dernières années sont les suivantes:

Ensemble des affaires TGI (JAF et hors JAF*)

Ensemble des affaires JAF*

Ensemble des affaires hors JAF

Ensemble des affaires terminées*

Envoi en médiation ou injonction de rencontrer un médiateur**

dont envoi en médiation

dont injonction de rencontrer un médiateur

Ensemble des affaires terminées*

Envoi en médiation ou injonction de rencontrer un médiateur

dont envoi en médiation

dont injonction de rencontrer un médiateur

Ensemble des affaires terminées*

Envoi en médiation ou injonction de rencontrer un médiateur

dont envoi en médiation

dont injonction de rencontrer un médiateur

2010

692 336

4 228

2 925

1 303

286 910

3 996

2 697

1 299

405 426

232

228

4

2011

676 573

3 480

2 821

659

277 104

3 234

2 576

658

399 469

246

245

1

2012

695 904

3 413

3 080

333

279 686

3 115

2 784

331

416 218

298

296

2

2013

685 755

3 792

3 352

440

270 160

3 390

2 950

440

415 595

402

402

0

2014

706 064

4 071

3 650

421

272 214

3 349

2 928

421

433 850

722

722

0

2015

720 023

3 910

3 532

378

278 757

3 396

3 019

377

441 266

514

513

1

2016

730 643

4 134

3 716

418

285 853

3 401

2 985

416

444 790

733

731

2

2017p

736 342

3 764

3 486

278

282 703

3 005

2 727

278

453 639

759

759

0

Source SDSE-RGC ; DACS PEJC

* hors divorce par consentement mutuel, hors jonction

** y compris prononcés dans le cadre de la mise en état 2017

p : données provisoires

Source : Exploitation statistique du Répertoire général civil par Secrétariat général/ Sous-direction de la statistique et des études et Direction des affaires civiles et du sceau / Pôle d'évaluation de la justice civile

Introduite par la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 2 ( * ) suite aux préconisations de la commission de réflexions sur la répartition des contentieux, dite « commission Guinchard », la procédure participative est inspirée du droit collaboratif nord - américain. Aux termes de l'article 2062 du code civil, la convention de procédure participative est une convention par laquelle les parties à un différend, assistées par leurs avocats respectifs, s'engagent à oeuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

L'introduction de dispositions relatives aux modes alternatifs de résolution des différends doit préserver le principe de recours effectif au juge tel qu'il résulte de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme de 1789. En effet, le Conseil constitutionnel considère qu'il ressort de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.

S'il peut donc être imposé aux parties de tenter une conciliation ou une médiation avant de saisir le juge, cela suppose que soient réunies deux conditions :

- la structure de conciliation ou de médiation doit être aisément accessible, ce qui signifie qu'elle doit pouvoir être rapidement disponible pour pouvoir recevoir les parties qui doivent justifier au moins d'une tentative de conciliation ou de médiation ;

- le coût de cette conciliation ou de cette médiation doit être nul ou d'une somme très modique.

C'est la réunion de ces deux conditions qui permet que l'étape obligatoire de tentative de conciliation ou de médiation ne retarde pas démesurément la saisine du tribunal, ne constitue pas une entrave à l'accès au juge, ni une charge supplémentaire à supporter en plus de celles relatives à la procédure judiciaire.

L'accès direct au juge doit par ailleurs être assuré pour des cas d'urgence.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Les engagements internationaux, en particulier les dispositions de la convention européenne des droits de l'homme, garantissent le droit d'accès à un juge. En effet, l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme reconnaît à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Dans de nombreux pays, les parties sont incitées à se renseigner sur la médiation, mais pas à y recourir. En Angleterre ou en Espagne, la médiation n'est jamais une phase obligatoire, mais il existe des mécanismes incitatifs. Au Québec, les parties sont tenues d'assister à une séance d'information sur la médiation familiale, même si elles ne sont pas obligées de recourir à la médiation. En Roumanie, les séances d'information sur les avantages de la médiation sont gratuites pour les parties. Aux Etats-Unis, les cours fédérales ont l'obligation de promouvoir les modes alternatifs de résolution des différends. Enfin, en Italie, le juge peut obliger les parties à tenter une conciliation en ordonnant aux parties de recourir à la médiation, qui ne se poursuivra cependant qu'avec leur accord recueilli par le médiateur en présence de leurs avocats qui les assistent durant la médiation.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif poursuivi par ces dispositions est de développer les modes alternatifs de résolution des différends afin que ne soient portées devant le juge que les affaires les plus contentieuses, pour lesquelles les parties n'ont pu trouver ensemble de solution amiable et afin d'apaiser autant que possible les échanges entre les parties. Il s'agit de permettre au juge de conduire les parties, qui n'avaient initialement pas envisagé un mode alternatif de résolution des différends, à tenter une médiation, et de faire de la résolution amiable un principe général.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les possibilités d'injonction à rencontrer un médiateur pour un entretien informatif ouvertes par l'article 22-1 sont aujourd'hui encore peu utilisées. La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a pourtant consacré le rôle des conseils départementaux de l'accès au droit dans la mise en oeuvre de la politique locale de résolution amiable des différends.

Il est nécessaire d'amener plus systématiquement les parties à rechercher un mode alternatif de résolution des différends, ce qui nécessite une disposition législative. Le présent projet de loi vise à franchir une étape supplémentaire par rapport à celles déjà instituées pour favoriser les modes alternatifs de résolution des différends, en dernier lieu avec la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 susmentionnée car les effets de cette dernière restent somme toute trop limités.

Pour favoriser l'émergence d'accords issus de médiation non seulement en début mais également au cours de l'instance, le gouvernement a la volonté de généraliser la possibilité pour le juge d'enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur, ce qui implique de modifier la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ÉCARTÉE

L'option consistant à permettre au juge saisi d'ordonner une conciliation ou médiation, même en cas d'opposition d'une ou des parties n'a pas été retenue. Une telle obligation apparaîtrait contraire à l'adhésion que les accords supposent de la part des parties. En effet, le succès de ces processus nécessite leur adhésion. En outre, cela implique une accessibilité et une disponibilité des structures de conciliation ainsi qu'un financement de ces structures, ce qui n'est dans l'immédiat pas envisageable.

3.2. DISPOSITIF RETENU

Le dispositif envisagé comprend plusieurs mesures.

En cohérence avec la suppression de l'audience de non-conciliation, il est proposé de supprimer le premier alinéa de l'article 22-1 qui interdit au juge de désigner un médiateur pour procéder aux tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi en matière de divorce et séparation de corps.

Il est proposé par ailleurs d'affirmer dans ce même article que le juge peut enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur en tout état de la procédure, y compris en appel, lorsque le juge estime qu'une résolution amiable est possible. Il n'existera ainsi plus de restriction tenant à la nature du contentieux ou à la juridiction saisie. Il ne s'agit pas d'imposer aux parties une médiation mais de les renvoyer vers une séance d'information sur l'objet et le déroulement d'une mesure de médiation, qui pourra les inciter à en réaliser une.

Il est enfin proposé de permettre au juge aux affaires familiales -cette fois nécessairement avec l'accord des parties- d'ordonner une médiation dans la décision statuant définitivement sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale.

Le projet de loi prévoit d'étendre la tentative préalable obligatoire de résolution amiable, actuellement prévue pour les litiges devant le tribunal d'instance, aux litiges portés dorénavant devant le tribunal de grande instance lorsque la demande n'excède pas un montant défini par décret en Conseil d'Etat ou lorsqu'elle a trait à un conflit de voisinage. La tentative de résolution amiable consistera, au choix des parties, en une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative. A défaut, le juge déclarera la demande irrecevable.

Toutefois, à l'instar de ce qui était prévu pour la tentative de conciliation préalable obligatoire issue de l'article 4 de la loi n° 2016-1547, l'obligation ne s'appliquera pas dans les cas suivants :

- lorsque les parties sollicitent conjointement l'homologation d'un accord ;

- lorsque l'exercice d'un recours préalable est obligatoire devant l'autorité ayant pris la décision (cf. les contestations en matière de sécurité sociale qui donnent lieu à un recours préalable devant la caisse de sécurité sociale à compter du 1 er janvier 2019) ;

- lorsque les parties peuvent justifier d'un motif légitime pour être dispensées de la tentative préalable de conciliation ;

- si le juge doit, en vertu d'une disposition particulière, procéder à une tentative de conciliation (cf. le tribunal paritaire des baux ruraux qui relèvera dorénavant du TGI)

Les conflits de voisinage s'entendront stricto sensu des conflits entre parties relatifs aux fonds dont ils sont propriétaires ou occupants titrés, tels que les demandes en bornage ou les demandes relatives aux servitudes. Ces contentieux ont fait l'objet de 3 705 saisines du tribunal d'instance et 4 965 saisines du tribunal de grande instance en 2016.

4. ANALYSE DES IMPACTS DE LA DISPOSITION ENVISAGÉE

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

L'article 22-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative d'une part et l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle d'autre part seront modifiés.

Plus précisément, la disposition d'élargissement du champ de l'obligation de tentative de résolution amiable préalable envisagée dans le cadre du présent projet de loi constitue une extension de l'article 4 de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 relative à la modernisation de la justice du XXIème siècle instituant un préalable obligatoire de conciliation par un conciliateur de justice, dans certains cas 3 ( * ) et à certaines conditions 4 ( * ) . Il s'agit d'instaurer une tentative obligatoire de résolution amiable dès lors que la juridiction de droit commun (le tribunal de grande instance) et le tribunal d'instance sont saisis d'une demande n'excédant pas un certain montant déterminé par décret en Conseil d'Etat ou est relative à un conflit de voisinage. Les demandes en paiement d'opérations de crédits à la consommation ne seront pas concernées par la tentative préalable obligatoire de résolution amiable.

La disposition d'extension du pouvoir d'injonction du juge à rencontrer un médiateur envisagée ne contrevient pas à ce droit effectif dans la mesure où elle n'oblige pas les parties à procéder à une médiation mais permet au juge de les obliger à s'informer, auprès du médiateur, sur le recours à cette mesure.

Dans ce cadre, s'agissant de l'articulation avec le droit international et le droit de l'Union européenne, il convient de préciser que les garanties prévues par les dispositions envisagées sont suffisantes pour assurer le respect de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme garantissant le droit d'accès à un juge.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Ces dispositions devraient permettre, à terme, une réduction significative de la durée des procédures et du nombre de contentieux portés devant le juge et par conséquent diminuer la charge de travail des juridictions. Mais il est difficile d'en chiffrer les effets, d'autant plus qu'il n'existe pas en l'état d'éléments permettant de calibrer la charge de travail des magistrats et des fonctionnaires en cas de recours à la médiation lors d'une procédure.

L'impact de la disposition relative à la tentative préalable obligatoire de résolution amiable est en outre dépendant du montant qui sera défini par décret en Conseil d'Etat et des contentieux qui seront qualifiés de conflits de voisinage. Ce périmètre sera fixé d'une part en fonction des données statistiques de l'activité en 2017 des conciliateurs de justice qui permettront de mesurer l'impact de la réforme de 2016, d'autre part de la capacité des conciliateurs à faire face à ces nouvelles demandes.

En 2016, les conciliateurs de justice ont été saisis de 133 428 affaires nouvelles 5 ( * ) . Le taux de réussite de la conciliation est de 54 %, constant ces dernières années, et atteint donc un niveau particulièrement élevé. 70 nouveaux conciliateurs ont été recrutés en 2017 pour atteindre le chiffre de 2 021 personnes exerçant cette mission à la fin de l'année. Près de 94% sont des retraités. Les conciliateurs sont remboursés de leurs frais de transport et perçoivent une indemnité forfaitaire annuelle pour leurs menues dépenses comprise entre 464 et 926 euros par mois. Les conciliateurs sont majoritairement saisis directement par les particuliers, ce qui représentait 125 000 saisines en 2015. Les saisines par le juge s'élèvent à 16 000 sur la même période.

S'il est difficile de quantifier les effets exacts de la disposition, il est à prévoir une augmentation significative de l'activité des conciliateurs, nécessitant d'importantes campagnes de recrutement pour voir leurs effectifs augmenter dans des proportions similaires.

L'impact sur le budget des juridictions sera limité et fonction du volume de saisine préalable obligatoire des conciliateurs. L'accroissement de l'activité des conciliateurs nécessitera de renforcer la qualité de leurs conditions de travail, au besoin en collaboration avec les autres autorités publiques s'agissant par exemple des locaux de consultation.

A terme, ce dispositif permettra de réduire significativement la charge de travail des juges et des greffiers compte-tenu de l'extension significative du champ de cette tentative préalable obligatoire.

En effet, les affaires conciliées préalablement à toute saisine seront autant de dossiers qui ne seront pas soumis au juge, ou ne le seront que dans le cadre de la procédure d'homologation :

- dans le premier des cas, l'impact en terme humain et matériel est très important puisqu'il diminue d'autant le nombre de saisines du juge ;

- dans le second cas, l'impact est moindre dans la mesure où le dossier devra faire l'objet d'un enregistrement par le greffe et d'une décision du juge, mais l'homologation implique une procédure rapide et simple.

Si l'on fait l'hypothèse d'un recrutement de 100 conciliateurs supplémentaires par an de 2019 à 2022, soit 400 en plus en fin de période, traitant en moyenne 66 affaires, avec un taux de réussite d'environ 50 %, ce sont 13.200 affaires qui n'iraient pas devant le juge ou seulement pour une homologation, soit une économie d'emplois d'environ 11 magistrats et 16 greffiers.

Si l'on parvient en parallèle à accroître le nombre d'affaires traitées par conciliateur pour atteindre 100 affaires, le potentiel est de 20 000 affaires pour les nouveaux recrutements et 34 300 affaires pour les 2 021 conciliateurs en fonction, soit 54 300 affaires. Dans cette fourchette haute, l'économie en fin de période pourrait atteindre 43 magistrats et 65 greffiers.

4.3. IMPACTS BUDGÉTAIRES

S'agissant de l'aide juridictionnelle et l'accès au droit, l'injonction de rencontrer un médiateur pour un entretien d'information est surtout développée actuellement dans le cadre de la médiation familiale (article 373-2-10 du code civil). Cet entretien est réalisé par les médiateurs familiaux conventionnés avec la Caisse nationale des allocations familiales, sans frais pour le justiciable. Le référentiel national de financement partenarial des services de médiation familiale précise que « l'information individuelle et collective comme l'entretien préalable, gratuits pour les parties, sont pris en charge par les financeurs publics de la médiation familiale... ».

En dehors du champ de la médiation familiale, les conseils départementaux de l'accès au droit pourront conventionner avec des médiateurs pour organiser l'offre d'entretien préalable d'information à titre gracieux. Les CDAD ont, d'ores et déjà, pour mission, de participer à la politique locale de résolution amiable des différends depuis la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle (art 54 : « Il participe à la mise en oeuvre d'une politique locale de résolution amiable des différends. Il peut participer au financement des actions poursuivies. ») venue consacrer une pratique préexistante. Ainsi, des conciliations ont lieu dans les PAD, RAD et MJD et, en matière de médiation, des réunions d'information peuvent être organisées. Celles-ci sont non payantes pour les parties, à l'instar de toutes les permanences d'intervenants organisées dans les CDAD. Le coût pour les conseils départementaux de l'accès au droit devrait être relativement limité dans la mesure où les médiateurs ont un intérêt direct à ces entretiens, qui sont de nature à accroître leur activité en débouchant dans un certain nombre de cas sur une médiation rémunérée.

La rencontre avec un médiateur, à visée informative, pourra se dérouler dans un local mis à disposition par la juridiction, dans une maison de justice et du droit, ou au lieu d'exercice du médiateur.

L'impact sur l'aide juridictionnelle dépend du développement de la médiation qu'a vocation à générer cette mesure. La loi de finances pour 2016 a en effet créé une aide à la médiation permettant la rétribution tant de l'avocat que du médiateur, dont les modalités ont été précisées par le décret n° 2016-1876 du 27 décembre 2016 portant diverses dispositions relatives à l'aide juridique. La rétribution du médiateur s'élève à 256 € HT par partie bénéficiant de l'aide juridictionnelle, dans la limite de 512 € HT pour l'ensemble des parties. Celle de l'avocat est de 4 UV, soit 128 € HT. Les frais engagés au titre de l'aide juridictionnelle en matière de médiation (rétribution des médiateurs et éventuellement des avocats) sont estimés aujourd'hui à 1,2 M€ pour 2 300 médiations (données définitives 2017 non encore disponibles).

La conciliation, dans la mesure où elle est réalisée par des conciliateurs bénévoles, est sans impact direct sur l'aide juridictionnelle.

Le développement de la conciliation et de la médiation pourra à terme avoir un impact à la baisse sur l'aide juridictionnelle en réduisant le nombre de contentieux, plus coûteux.

4.4. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

4.4.1 Impacts sur les auxiliaires de justice

La généralisation du pouvoir d'injonction de rencontrer un médiateur n'a en soi aucun impact sur les auxiliaires de justice. L'usage de ce pouvoir peut cependant avoir un impact sur leur activité qu'il est difficile d'estimer. L'avocat peut accompagner son client aux réunions de médiation. A contrario , l'impact espéré en termes de réduction des contentieux peut avoir un impact à la baisse sur son activité. Toutefois, une partie des auxiliaires de justice exerce également en tant que médiateur et peut donc bénéficier directement d'un développement de la médiation.

Les avocats peuvent également être sollicités pour assister les justiciables dans le cadre de tentatives préalables de conciliation.

Enfin, le développement de la procédure participative aura un impact bénéfique pour la profession d'avocat, l'assistance d'un avocat étant obligatoire.

4.4.2 Impacts sur les particuliers

L'entretien d'information sur la médiation sera sans impact financier sur les particuliers. Si les parties décident d'engager une médiation, les frais de médiation seront en revanche à leur charge (cf indication de tarifs donnée au 1.1), sauf pour les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle. Comme indiqué précédemment, s'agissant de la médiation familiale, le coût est réduit en fonction du niveau de ressources des parties, pour une médiation réalisée par un médiateur conventionné par la CNAF.

L'obligation d'une tentative préalable de résolution amiable des différends pour certains litiges n'a pas d'impact financier automatique sur les particuliers puisqu'ils peuvent entreprendre une conciliation avec un conciliateur de justice, qui est gratuite. Le recours à une médiation ou une procédure participative payante est laissé au choix des parties.

Les modes alternatifs de résolution des différends ouvrent la perspective pour le justiciable d'un règlement plus rapide de leur litige et d'une pacification des rapports entre les parties.

4.4.3 Impacts sur les collectivités territoriales

Ces dispositions n'ont pas d'impact automatique sur les collectivités locales. Certaines d'entre elles participent au financement des conseils départementaux d'accès au droit (2,9 M€ de financements apportés par les collectivités territoriales en 2016) et peuvent souhaiter apporter des financements pour des actions en faveur de la politique de résolution amiable des différends, sans que cela constitue pour elles une obligation. Certaines collectivités locales concourent également au financement de la médiation familiale en participant aux schémas départementaux de médiation familiale.

5. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

La loi sera d'application immédiate.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Cet article est applicable en Guadeloupe, à La Réunion, en Martinique, en Guyane, à Mayotte, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

• S'agissant du I, en vertu des dispositions de l'article 82 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, « Le I de l'article 5 et les articles 7 à 17 et 20 de la présente loi sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna ».

Dès lors que la disposition modifie l'article 22 de ladite loi qui n'a jamais été rendue applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, elle ne saurait s'y appliquer. La disposition y est d'autant moins applicable que ces collectivités sont devenues compétentes en matière de procédure civile, item auquel doivent être rattachées les dispositions relatives à la médiation.

Bien que l'Etat demeure compétent en matière de procédure civile à Wallis-et-Futuna, les règles relatives à la médiation n'y ont jamais été étendues historiquement pour des raisons d'opportunité liées à l'importance de la coutume pour le règlement des litiges.

Il résulte de ce qui précède que les dispositions du I sont inapplicables dans les trois collectivités du Pacifique. A défaut de mention expresse d'application, elles ne s'appliquent pas dans les TAAF.

• S'agissant du II, en vertu des dispositions de l'article 112-II-B de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, l'article 4 est applicable dans les îles Wallis et Futuna.

Une mention expresse d'application au bénéfice des îles Wallis et Futuna est nécessaire afin que la réforme puisse y trouver application.

En revanche, le II du présent article n'a pas vocation à s'appliquer en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française en raison de la compétence propre de ces collectivités en la matière.

5.3. TEXTES D'APPLICATION

Un décret en Conseil d'État sera pris pour la mise en oeuvre de la mesure envisagée.

Article 3 : Sécuriser le cadre juridique de l'offre en ligne de résolution amiable des différends

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

Alors que le législateur étend les hypothèses dans lesquelles la tentative de résolution amiable constitue un préalable obligatoire à la résolution du litige, l'offre d'aide à cette résolution se développe rapidement grâce à l'outil numérique, y compris au moyen d'algorithmes, mais sans garantie pour le justiciable sur la qualité du service apporté.

Si les conciliateurs ont pour l'instant seulement créé un site internet facilitant la prise de rendez-vous, le développement de la médiation en ligne est beaucoup plus conséquent.. Par ailleurs, le développement de l'offre en ligne concerne également l'arbitrage, mode de justice non étatique qui implique l'intervention d'une autorité (l'arbitre) qui tient son pouvoir de juger, non d'une délégation permanente de l'Etat ou d'une institution internationale, mais de la convention des parties (clause compromissoire). Ces nouveaux dispositifs de résolution des litiges, utiles pour le justiciable car simples et rapides, proposent des prestations payantes, variant de 400 euros à plus de 14.000 euros en fonction de la complexité de la matière, montant auquel peut s'ajouter un surcoût tenant au nombre de pièces produites, au recours à la visioconférence, à l'existence d'une demande reconventionnelle présentée par le défendeur.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La médiation en ligne étant une activité libérale, la régulation de l'offre d'alternatives au règlement des différends doit être conciliée avec la liberté d'entreprendre. Il ne s'agira pas d'empêcher les plateformes offrant un service de conciliation, de médiation ou d'arbitrage d'opérer sur ce marché, mais d'offrir aux utilisateurs un gage de qualité des plateformes grâce à la certification

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La disposition envisagée visant à la certification de services en ligne de conciliation, de médiation ou d'arbitrage, dans la mesure où elle n'est pas rendue obligatoire, doit être en conformité avec le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, notamment son article 42.3 qui dispose que « La certification est volontaire et accessible via un processus transparent ».

La certification de services en lignes ne constitue pas au sens strict une mesure technique au sens de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société d'information.

Cependant, dans la mesure où la certification sera nécessaire pour le raccordement au service public de la justice et où les utilisateurs de plateformes seront donc incités à aller vers celles certifiées, une telle certification pourrait être assimilée à une règle technique "de facto" mentionnée au :

- f) i) « les dispositions législatives, réglementaires ou administratives d'un État membre qui renvoient soit à des spécifications techniques ou à d'autres exigences ou à des règles relatives aux services, soit à des codes professionnels ou de bonne pratique qui se réfèrent eux-mêmes à des spécifications techniques ou à d'autres exigences ou à des règles relatives aux services, dont le respect confère une présomption de conformité aux prescriptions fixées par lesdites dispositions législatives, réglementaires ou administratives ; »

- f) iii) : « les spécifications techniques ou d'autres exigences ou les règles relatives aux services liées à des mesures fiscales ou financières qui affectent la consommation de produits ou de services en encourageant le respect de ces spécifications techniques ou autres exigences ou règles relatives aux services; ne sont pas concernées les spécifications techniques ou autres exigences ou les règles relatives aux services liées aux régimes nationaux de sécurité sociale » 6 ( * ) .

A titre de précaution, une notification à la Commission européenne, sur le fondement de la directive (UE) 2015/1535 précitée, semble donc préférable.

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Il existe aux Pays-Bas un site officiel qui fournit des informations juridiques et propose une aide à la résolution des litiges, grâce à l'intelligence artificielle. Le logiciel couvre le droit de la famille, le droit de la consommation, le droit des baux d'habitation, le droit du travail et le droit administratif. S'il propose une aide en ligne à la résolution des différends, il ne fait pas l'objet d'une labellisation.

Un projet de plateforme de médiation en ligne des litiges de consommation s'est également développé au Canada. La plateforme a été peu utilisée en raison notamment d'un manque de visibilité auprès du grand public. Ce constat a récemment conduit un tribunal canadien spécialisé dans les conflits affectant des copropriétés à s'emparer de cette plateforme pour son propre contentieux.

Ces exemples illustrent la nécessaire visibilité dont les sites internet de résolution amiable des différends ont besoin et l'apport indéniable que constituera leur certification par des organismes accrédités, afin que les citoyens puissent avoir recours à un site présentant les garanties indispensables à la médiation.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

Compte tenu de la diversité des plateformes et solutions techniques proposées en matière de résolution des différends ne faisant pas appel à la justice étatique, le ministère de la justice considère nécessaire de mettre en adéquation « offre » et « demande du public » en matière de conciliation, de médiation ou d'arbitrage en ligne, dans un cadre sécurisé. La certification de sites proposant des solutions exclusivement issues de traitements algorithmiques ou automatisés n'est pas envisagée. La régulation de l'offre de conciliation, de médiation et d'arbitrage doit reposer sur l'information et le consentement des utilisateurs quant au fonctionnement partiel du site sur un algorithme. Il est également proposé d'imposer à ces services de s'assurer que les personnes physiques opérant pour leur compte respectent des conditions d'impartialité, de compétence et de diligence.. La mise en place d'une certification par un organisme accrédité nécessite une disposition de nature législative.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ÉCARTÉES

La proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice émanant de Monsieur Philippe Bas, adoptée au Sénat le 24 octobre 2017, prévoyait en son article 8 la régulation « des prestations d'aide à la résolution amiable des litiges » d'une part et la création d'un service public en ligne d'autre part 7 ( * ) . Le rapport d'amélioration et de simplification de la procédure civile remis à la ministre de la justice le 15 janvier 2018 se prononçait aussi en faveur d'une offre publique. Le développement d'un service public de résolution amiable des différends a toutefois été écarté car cette option aurait nécessité des investissements techniques considérables, alors même que des opérateurs privés se développent sur ce terrain, en proposant des solutions numériques innovantes.

Par ailleurs, a été écartée la piste de la création d'une commission de certification au sein du ministère de la justice. L'option d'une extension de la compétence de la commission de médiation de la consommation a également été écartée en raison de son champ d'application spécifique et du fait que son existence même est requise par le droit de l'Union européenne.

3.2. DISPOSITIF RETENU

Contrairement aux deux rapports précités, le rapport relatif à la transformation numérique de la justice, remis à la ministre de la justice le 15 janvier 2018, affichait une nette préférence pour l'initiative privée en la matière. C'est cette orientation qui a été retenue en décidant de procéder à la certification d'opérateurs numériques privés par des organismes accrédités.

C'est pourquoi il est envisagé d'imposer aux services en ligne fournissant des prestations d'aide à la résolution amiable des différends de s'assurer que les personnes physiques opérant pour leur compte respectent des conditions d'impartialité, de compétence et de diligence et d'assurer l'information des parties lorsque la médiation sera proposée à l'aide d'un algorithme. Le respect de la confidentialité des informations détenues par les personnes oeuvrant sur ou pour ces services en ligne sera pénalement assuré.

La certification des plateformes devra également leur ouvrir la possibilité, dans l'avenir, de se raccorder au système d'information de la justice. Ce raccordement sera subordonné au respect de prescriptions précisées par arrêté technique du garde des sceaux, ministre de la justice, pris après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés.

Il conviendra d'accorder la certification aux médiateurs justifiant de leur inscription sur la liste prévue à l'article L. 615-1 du code de la consommation au titre de leur activité de médiation de consommation. En effet, la commission d'évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation s'assure du respect par les candidats des conditions garantissant leur indépendance à l'égard des professionnels. La commission veille à l'éventuelle porosité des personnes ou organisations sollicitant l'inscription sur la liste de médiateurs de la consommation et des entreprises dont ils pourraient procéder. Elle est également très attentive au statut des personnes travaillant avec le médiateur de la consommation inscrit sur la liste qu'elle établit. L'examen approfondi auquel procède la commission d'évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation justifie que les personnes physiques ou morales inscrites sur cette liste bénéficient de la certification objet de la présente disposition de plein droit (73 médiateurs de la consommation ont été inscrits par la commission d'évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation sur la liste des médiateurs de la consommation à la date du 19 février 2018).

De même, la certification sera accordée aux personnes inscrites, dans le ressort d'une cour d'appel, sur la liste des médiateurs prévue à l'article 22-1 A de loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. Cette liste est dressée par l'assemblée générale des magistrats de la cour d'appel, en veillant au respect de critères de compétence et de probité déterminés par le décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 relatif à la liste des médiateurs auprès de la cour d'appel et après prestation de serment du médiateur.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Trois articles supplémentaires, 4-1,4-2 et 4-3 relatifs à la sécurisation de l'offre en ligne de résolution amiable des différends seront insérés dans la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle.

Le premier article :

- Impose aux personnes qui proposent un service de conciliation, médiation, arbitrage en ligne, de respecter les obligations relatives à la protection des données personnelles et, sauf accord des parties, de confidentialité, ainsi que de garantir un accès direct aux informations relatives au processus en question ;

- Enonce que le service de conciliation, médiation ou arbitrage implique l'intervention d'une personne physique qui accomplit sa mission avec diligence et compétence, en toute indépendance et impartialité, dans le cadre d'une procédure efficace et équitable ;

- A ce titre, le service en question ne peut résulter exclusivement d'un algorithme ou d'un traitement automatisé. Lorsque le service est proposé à l'aide d'un tel outil, l'intéressé doit avoir connaissance et y consentir expressément ;

- Soumet au secret professionnel les personnes qui concourent à la fourniture ou au fonctionnement de ce service, au-delà du médiateur déjà tenu par une obligation de confidentialité.

Le deuxième article prévoit que les services en question peuvent faire l'objet d'une certification par un organisme accrédité. C'est le Comité français de l'accréditation (COFRAC) qui accréditera ces organismes certificateurs. Le COFRAC, créé en 1994 sous le régime de la loi du 1er juillet 1901 (association de droit privé à but non lucratif) a été désigné comme unique instance nationale d'accréditation par le décret du 19 décembre 2008, reconnaissant ainsi l'accréditation comme une activité de puissance publique. Afin de tenir compte des expertises déjà acquises dans ce domaine, et pour éviter les doublons administratifs,  seront certifiés de plein droit les conciliateurs de justice, les médiateurs de la consommation (au titre de l'activité de médiation de consommation) et les personnes inscrites, dans le ressort d'une cour d'appel sur la liste des médiateurs tenue pour l'information des juges. En effet, le cadre législatif et réglementaire applicable dans chacun de ces domaines permet de considérer que les garanties sont réunies pour que le service en ligne satisfait aux exigences précitées.

Le dernier article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir les cas dans lesquels la certification est exigée (ce pourra être le cas pour l'interconnexion de ces services au système d'information de la justice), la procédure de délivrance et de retrait de la certification et les conditions dans lesquelles est assurée la publicité de la liste des services en question.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

La régulation de l'offre de résolution amiable des différends en ligne a vocation à favoriser son développement et ainsi réduire, à terme, les saisines contentieuses des tribunaux.

Le raccordement des plateformes de médiation en ligne aux systèmes d'information de la justice nécessitera des travaux importants qui ne pourront être engagés qu'une fois la nouvelle chaîne applicative civile déployée entre 2020 et 2022. En effet, les applications informatiques civiles existantes, installées sur des serveurs locaux ne permettent pas, sauf à engager de très coûteux et lourds développements de s'interfacer avec des applications externes au ministère de la justice.

A noter également que le nouveau cadre juridique de l'offre en ligne de résolution amiable des différends introduit par le projet de loi trouvera à s'appliquera également dans le cadre des litiges portés devant les juridictions administratives au cours desquels des médiations pourraient être menées à l'initiative des parties, sur le fondement de l'article L. 213-5 du code de justice administrative, ou à l'initiative du juge, sur le fondement de l'article L. 213-7 du même code.

4.3. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

4.3.1 Impacts sur les auxiliaires de justice

La régulation de l'offre d'aide à la résolution des litiges en ligne pourrait aboutir à une réduction des saisines contentieuses et donc potentiellement aux besoins d'assistance et de représentation par un conseil dans la phase contentieuse.

En revanche, l'activité de médiation n'a pas d'impact sur l'activité, distincte, de conseil juridique qui est réglementée et relève principalement de la profession d'avocat et, à titre accessoire, d'autres professions du droit (notamment les huissiers de justice, les notaires). Le besoin de conseil juridique sera en outre très fort dans la phase amiable puisque celle-ci a vocation à aboutir à un accord homologable par le juge.

Enfin, les avocats, les notaires, les huissiers de justice peuvent exercer une activité de médiation. Les services en ligne développés par ces professionnels pourront prétendre à la certification prévue par l'article 3.

4.3.2 Impacts sur les particuliers

La certification envisagée sera un gage de sécurité de l'offre en ligne de résolution amiable des différends et permettra aux particuliers de saisir ces services de façon plus confiante. Leur volonté de rechercher une solution amiable au problème rencontré trouvera écho auprès d'un opérateur de qualité. Il en est attendu un gain indéniable pour les particuliers.

5. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

L'entrée en vigueur de ces dispositions est immédiate, sous réserve des dispositions d'application pour les procédures de délivrance et de retrait de la certification.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Cet article est applicable en Guadeloupe, à La Réunion, en Martinique, en Guyane, à Mayotte, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Elles ne sont pas applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française et à Wallis-et-Futuna. Elles nécessitent une mention expresse d'application pour les territoires des Terres Australes et Antarctiques Françaises, prévue dans le présent projet de loi.

5.3. TEXTES D'APPLICATION

Un décret en Conseil d'État sera pris pour la mise en oeuvre de la mesure envisagée.

CHAPITRE II : ETENDRE LA REPRESENTATION OBLIGATOIRE

Article 4 : Étendre la représentation obligatoire

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

En première instance, sont actuellement sans représentation obligatoire l'ensemble des contentieux relevant des tribunaux d'instance, tribunaux de commerce, conseils de prud'hommes, tribunaux des affaires de sécurité sociale, tribunaux du contentieux de l'incapacité, cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail et tribunaux paritaires des baux ruraux. Cela signifie que les parties peuvent se défendre elles-mêmes devant ces juridictions sans avoir l'obligation de prendre un avocat.

A l'inverse, les contentieux attribués aux tribunaux de grande instance sont en principe soumis au principe de représentation obligatoire des parties par un avocat, sous réserve des exceptions suivantes : les référés (sauf demande de main levée d'opposition au paiement d'un chèque, article 32, alinéa 2, du décret-loi du 30 octobre 1935), les procédures collectives (livre VI du code de commerce), les demandes de délégation, déchéance ou retrait partiel de l'autorité parentale (article 1203 du code de procédure civile), le changement de sexe (article 1055-7 du même code), la présomption d'absence (article 1062 du même code), l'incapacité des mineurs (émancipation, administration légale, tutelle ; articles 1217 et suivants du même code), la demande de consentement à une procréation médicalement assistée avec tiers donneur (article 1157-2 du même code) et l'adoption simple ou plénière si l'adopté a moins de 15 ans (article 1168 du même code).

La représentation est en principe obligatoire devant la cour d'appel, sauf exceptions. Elles sont nombreuses et concernent principalement : les appels contre les décisions des tribunaux paritaires des baux ruraux, des tribunaux des affaires de sécurité sociale, des juges des enfants, des juges des tutelles (des majeurs et des mineurs), des juges de l'expropriation, des juges des libertés et de la détention en matière de droit des étrangers et de visites domiciliaires, le surendettement, certains recours en matière de procédures collectives, certains recours contre les décisions prises par certaines instances professionnelles des professions réglementées 8 ( * ) , ainsi que certains recours contre les décisions prises par les autorités administratives indépendantes. Le ministère d'avocat n'est pas non plus obligatoire dans les affaires portées devant la cour nationale de l'incapacité et de la tarification des accidents du travail statuant sur appel des décisions rendues par les tribunaux du contentieux de l'incapacité.

1.2. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Il y a deux grands groupes de pays au sein de l'Union européenne : ceux au sein desquels, par principe, l'institution de l'avocat n'est pas obligatoire (Belgique, Royaume-Uni, Estonie) ; ceux, à l'inverse, plus nombreux, qui ont généralisé la représentation obligatoire, avec une exception pour les petits litiges (Italie, Pays-Bas, et Allemagne).

Au Royaume-Uni, les parties en personne (litigants in person) peuvent toujours ester en justice. Un nombre croissant de personnes saisissent la juridiction civile sans être représentées, et ce, notamment en raison d'une réduction constante ces dernières années du budget de l'aide juridictionnelle en matière civile et familiale.

En Belgique, à l'exception du contentieux devant la Cour de cassation, le justiciable a le droit de se défendre personnellement en justice sans recourir à un avocat. Le juge peut cependant lui interdire de présenter lui-même ses conclusions et défenses si « la passion ou l'inexpérience l'empêche de s'exprimer avec la défense convenable ou la clarté nécessaire » (art. 758 du Code judiciaire).

En Estonie , en principe, une partie peut ester en justice en personne sans l'assistance d'un avocat. Elle peut aussi se faire assister par une personne ayant un Master de droit reconnu par l'Etat ou une qualification étrangère équivalente.

S'agissant des pays qui ont généralisé le recours à l'avocat, rares sont les exceptions permettant au justiciable de plaider directement devant le juge sans être représenté par un conseil.

En Italie, le recours à un avocat est obligatoire dans la majorité des contentieux puisqu'il s'impose pour toutes les demandes supérieures à 1 100 euros. Toutefois, le juge d'instance (giudice di pace) peut autoriser une partie à participer à l'instance sans avocat en fonction de la nature et de la gravité de l'affaire.

Aux Pays-Bas, le recours à la représentation obligatoire est généralisé, à l'exception du juge de canton qui traite les affaires civiles inférieures à 25 000 euros et du contentieux du travail.

Lorsqu'un appel est ouvert contre une décision du juge de canton, il est nécessaire de constituer avocat.

En Allemagne, l'article 78 du code de procédure civile allemand prévoit que la représentation est obligatoire à l'exception des litiges devant le tribunal d'instance (Amtsgericht).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

Si l'absence de représentation obligatoire est généralement justifiée par la préservation de l'accès au juge (contentieux sociaux, familiaux liés à la capacité ou à l'état des personnes, étrangers) ou par les difficultés économiques des parties (procédures collectives, surendettement), il s'avère que de nombreuses questions revêtent en réalité une complexité certaine. L'intervention d'un spécialiste du droit est alors bénéfique pour le justiciable, mais également pour le juge. En effet, le conseil juridique délivré par l'avocat au justiciable et sa plus-value pour faire valoir les intérêts de son client, la présentation des pièces, moyens et arguments par cet auxiliaire de justice sont souvent indispensables pour que la défense de ces intérêts soit effective. En outre, il aide le juge dans sa prise de décision.

C'est pourquoi il apparaît opportun d'étendre la représentation obligatoire tout en préservant la possibilité, pour l'administration, d'être représentée par ses agents dans les contentieux fiscaux, douaniers et de l'expropriation en raison des compétences particulières qu'ils ont développées en ces matières. Cette extension doit concerner la première instance et l'appel.

Ainsi, si la représentation des parties devant les juridictions de l'ordre judiciaire relève principalement de dispositions de nature réglementaire, la réalisation de l'objectif poursuivi impose de modifier quelques dispositions législatives.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ÉCARTÉES

L'introduction de la représentation obligatoire dans les contentieux relevant actuellement de la compétence du tribunal d'instance a été envisagée pour les demandes excédant 5 000 euros. Elle était préconisée par le rapport du groupe de travail sur l'amélioration et la simplification de la procédure civile 9 ( * ) . Taux du ressort et représentation obligatoire auraient ainsi été liés puisque la possibilité d'interjeter appel n'aurait été ouverte que dans les contentieux avec représentation obligatoire. Cette option a toutefois été écartée car il est apparu qu'elle limitait l'accès au juge de manière trop importante. Il en est de même s'agissant de la matière familiale hors divorce.

3.2. DISPOSITIF RETENU

En première instance , le principe donnant la faculté aux parties de se défendre seules dans les contentieux qui relèvent de la compétence actuelle du tribunal d'instance est maintenu, afin de préserver l'accès au juge dans des contentieux qui sont, selon les cas, des contentieux de proximité touchant des justiciables vulnérables, des contentieux peu techniques, ou dans lesquels l'importance de l'office du juge paraît de nature à préserver les intérêts des parties même non représentées. Deux contentieux actuellement traités dans l'enceinte des tribunaux d'instance basculent cependant en représentation obligatoire : celui des élections professionnelles et des baux ruraux. Il s'agit en effet de contentieux complexes. La représentation restera facultative devant le juge de l'exécution lorsque le litige portera sur une créance inférieure à 10 000 euros (il pourra s'agir ainsi d'une contestation relative à une mesure d'exécution portant sur une créance inférieure à ce montant ou encore d'une contestation tenant à la liquidation d'une astreinte inférieure à ce montant).

Devant le tribunal de grande instance, relèveront ainsi de la représentation obligatoire les baux ruraux, les élections professionnelles, les loyers commerciaux, les référés portées devant le président du tribunal de grande instance, le changement de sexe, l'adoption d'un enfant recueilli avant l'âge de 15 ans, les contentieux de la révision de la prestation compensatoire, de la délégation et du retrait total ou partiel de l'autorité parentale et du délaissement parental, la matière fiscale les demandes relatives à des créances supérieures à 10 000 euros devant le juge de l'exécution 10 ( * ) , l'expropriation et le contentieux douanier.

Dans un objectif de simplification des règles de procédure applicables devant le tribunal de grande instance, l'introduction de la représentation obligatoire en matière douanière est liée à l'alignement de la procédure dans cette matière avec la procédure de droit commun applicable devant le tribunal de grande instance.

Les procédures actuellement traitées par les tribunaux des affaires de sécurité sociale et les tribunaux du contentieux de l'incapacité qui relèveront du tribunal de grande instance à compter du 1 er janvier 2019 resteront sans représentation obligatoire. En revanche, le contentieux actuellement porté en premier et dernier ressort devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail relèvera de la procédure avec représentation obligatoire. Une disposition est prévue dans la loi afin de permettre aux caisses d'être dispensées du ministère d'avocat, pour qu'elles puissent se défendre elles-mêmes, ce qui est gage de maîtrise des dépenses de ces organismes de droit privé investis d'une mission de service public. Pour mémoire, ce contentieux oppose exclusivement les entreprises aux caisses et est particulièrement technique.

En appel, la représentation obligatoire sera généralisée à la plupart des contentieux, à l'exception notamment du surendettement des particuliers ou des procédures collectives.

En matière de sécurité sociale et d'aide sociale, la procédure deviendra avec représentation obligatoire. Néanmoins, une disposition législative permet aux caisses de sécurité sociale d'être dispensées du ministère d'avocat, pour qu'elles puissent se défendre elles-mêmes, ce qui est gage de maîtrise des dépenses pour ces organismes de droit privé investis d'une mission de service public. Il en ira de même pour les conseils départementaux et les maisons départementales des personnes handicapées concernant le contentieux de l'aide sociale et le contentieux technique.

La possibilité d'être représenté par un défenseur syndical en matière prud'homale sera maintenue.

Les recours formés devant la cour d'appel de Paris contre les décisions prises par les autorités administratives indépendantes 11 ( * ) resteront sans représentation obligatoire puisqu'il ne s'agit pas d'appels formés contre des décisions rendues par une juridiction de l'ordre judiciaire mais de simples recours.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Afin de couvrir l'ensemble des domaines dans lesquels la représentation par avocat deviendra obligatoire, il faut modifier la loi n° 90-85 du 23 janvier 1990 complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social, la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, et des dispositions législatives du code des procédures civiles d'exécution, du code de la sécurité sociale et du code des douanes.

Tirant les conséquences de la disparition des tribunaux d'instance, cette réforme prévoit, dans les contentieux sans représentation obligatoire devant le nouveau tribunal de grande instance, les mêmes possibilités d'assistance et de représentation des parties que celles qui sont actuellement ouvertes dans les contentieux relevant de la compétence des tribunaux d'instance.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

La réforme n'induit aucune charge supplémentaire pour les services judiciaires, mais une modification des méthodes de travail dans les contentieux dans lesquels la représentation sera obligatoire. La procédure suivie dans ces contentieux sera en effet désormais une procédure écrite menée par un avocat et non plus une procédure orale. Cela implique la mise en place d'échanges dématérialisés entre les parties et le greffe du tribunal ainsi que le respect de règles strictes relatives au délai d'accomplissement des actes de la procédure.

Une amélioration de la qualité juridique des litiges soumis aux juridictions est par ailleurs attendue dans les contentieux dans lesquels la représentation obligatoire sera étendue. Elle est de nature à simplifier tant le travail du magistrat que celui du greffe.

Les contentieux concernés par cette extension représentent des volumes très différents tant en première instance qu'en appel.

a) En première instance

Au global, les contentieux concernés par la réforme (dans ses volets législatif et réglementaire) représenteront plus de 160 000 affaires. Toutefois, dans beaucoup d'entre elles, les parties font d'ores et déjà le choix d'être représentées par un avocat :

- les référés portés devant le président du tribunal de grande instance : 97 000 affaires en moyenne par an ;

- les demandes relatives à des créances supérieures à 10 000 euros devant le juge de l'exécution (hors demandes relatives à l'exécution d'une décision d'expulsion, qui resteront sans représentation obligatoire) : au global 39 000 affaires en moyenne par an ;

- les contentieux de la révision de la prestation compensatoire, de la délégation et du retrait total ou partiel de l'autorité parentale et du délaissement parental : 5 700 affaires en moyenne par an ;

- l'expropriation : 4 400 affaires en moyenne par an ;

- le contentieux relevant du tribunal paritaire des baux ruraux : en moyenne 2 860 affaires par an au cours des quatre dernières années ;

- le contentieux douanier : en moyenne 1 075 affaires par an au cours des quatre dernières années (ce contentieux est en augmentation constante au cours de cette période) ;

- les autres contentieux (l'adoption d'un enfant recueilli avant l'âge de 15 ans, le contentieux des élections professionnelles, le changement de sexe, la matière fiscale, les loyers commerciaux) plus faibles en volume représentent au total de l'ordre de 16 500 affaires en moyenne par an.

b) En appel

Au total, les contentieux concernés représenteront plus de 30 000 affaires, sans qu'il ne soit là encore possible de distinguer les affaires dans lesquelles les parties ont déjà fait le choix d'être représentées par un avocat :

- les appels contre les décisions des tribunaux des affaires de sécurité sociale : 10 400 affaires en moyenne par an mais le contentieux augmente de manière régulière et devrait encore s'accroître dans les années à venir (13 000 affaires en 2017), ce d'autant que les appels des décisions rendues par les TCI viendront s'ajouter à ce contentieux à compter de 2019 (7 000 affaires supplémentaires) ;

- les appels contre les décisions des juges des enfants : 7 800 affaires en moyenne par an ;

- les appels contre les décisions des juges des tutelles (des majeurs et des mineurs) : 6 800 affaires en moyenne par an ;

- les appels contre les décisions des tribunaux paritaires des baux ruraux ou des juges de l'expropriation : 1 700 affaires en moyenne par an.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Enfin, l'impact sur les systèmes d'information du ministère est modéré dès lors que le périmètre de la communication électronique obligatoire n'intègre pas les contentieux de proximité actuellement traités par les tribunaux d'instance et gérés par des applications informatiques différentes de celles des tribunaux de grande instance.

D'un point de vue technique et budgétaire, il est peu opportun d'étendre la communication électronique à partir des applications existantes compte tenu de leur ancienneté et des travaux engagés sur le portail des juridictions à horizon de 2020. Ce portail intègre en effet les fonctionnalités de communication dématérialisée avec non seulement les avocats mais également les tiers et dans ce cadre, le périmètre de la communication électronique pourra être facilement étendu.

4.4. IMPACTS BUDGÉTAIRES

L'estimation de l'impact sur la dépense d'aide juridictionnelle de l'extension de la représentation obligatoire se heurte à deux difficultés :

- l'impossibilité de connaître le nombre de bénéficiaires potentiels de l'aide juridictionnelle qui est vraisemblablement assez variable selon les types de contentieux concernés. Il a donc été retenu un taux uniforme de bénéficiaires de l'aide juridictionnelle (9,8 % correspondant au nombre d'admissions à l'aide juridictionnelle au civil rapporté au nombre d'affaires nouvelles au civil) ;

- l'impossibilité de connaître pour une partie des contentieux le nombre d'affaires dans lesquelles les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle étaient déjà assistés d'un avocat. A cet égard, il est vraisemblable qu'un grand nombre de justiciables sollicitent actuellement l'aide d'un avocat dans les litiges où la représentation n'est pas obligatoire dans la mesure où il est pris en charge par l'aide juridictionnelle.

Le coût en matière d'aide juridictionnelle de l'extension de la représentation obligatoire résultant des dispositions législatives et réglementaires a été estimé en multipliant le nombre d'affaires concernées par l'extension de la représentation obligatoire (environ 200 000), par le nombre moyen de parties par affaire actuellement non représentées par un avocat (fixé par hypothèse à deux par affaire), par le taux de pénétration de l'aide juridictionnelle (9,80 %), puis par le coût moyen d'une mission d'aide juridictionnelle en matière civile en première instance (525 € HT) et enfin par le taux de T.V.A. applicable (17,59 %). Il n'est pas tenu compte des éventuels contentieux qui seraient évités ou réorientés (conciliation, médiation) du fait de la présence obligatoire d'un avocat, qui peut être de nature à dissuader les justiciables de former un recours.

Le montant ainsi calculé s'élève à 24 M€. Il représente moins le coût estimé de la mesure qu'un coût maximum, compte tenu notamment de la part vraisemblablement élevée des bénéficiaires de l'aide juridictionnelle qui sont déjà aujourd'hui représentés par un avocat. Il excède en outre le coût des seules dispositions législatives, en intégrant plus généralement les extensions de la représentation obligatoire envisagées par voie réglementaire.

4.5. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

4.5.1 Impacts sur les auxiliaires de justice

Les dispositions prévues auront des retombées économiques positives pour les avocats, dont l'intervention sera imposée dans de nouveaux contentieux. Il n'est pas possible d'en mesurer l'ampleur, qui dépend à la fois du nombre d'affaires dans lesquelles les justiciables n'ont actuellement pas choisi de se faire assister et du niveau d'honoraires des avocats, par définition variable selon les avocats et les contentieux.

4.5.2 Impacts sur les entreprises et sur les particuliers

Qu'il s'agisse d'entreprises ou de particuliers, les justiciables non éligibles à l'aide juridictionnelle devront payer un avocat dans les contentieux dans lesquels la représentation obligatoire sera étendue. En particulier, à l'exception des procédures collectives et de quelques contentieux marginaux, les entreprises devront désormais toujours recourir à un avocat dans les affaires soumises au tribunal de commerce, et donc supporter ce coût.

A titre d'exemple, des forfaits sont proposés sur les sites internet des avocats pour une procédure devant le tribunal le tribunal de grande instance en première instance à partir de 1 600 €, hors honoraires de résultat et à partir de 800 € pour une procédure devant le juge de l'exécution.

En outre, la charge des frais d'avocat de la partie gagnante peut être assumée par la partie perdante dans le cadre de la condamnation aux frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile, dont le rapport pour l'amélioration et la simplification de la procédure civile propose une large application, au regard de la facture d'honoraires produite par les avocats.

Il est en contrepartie attendu une amélioration de la qualité des écritures des parties et donc de la qualité des décisions rendues, qui bénéficiera à tous ces justiciables.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS FACULTATIVES

Le Conseil National des barreaux a été consulté, ainsi que les organisations syndicales et représentatives des agriculteurs.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

L'entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives à la représentation obligatoire sera concomitante à celle de la fusion des tribunaux d'instance et de grande instance, à l'exception des dispositions relatives à l'appel en matière de sécurité sociale et d'aide sociale, qui entreront en vigueur au plus tard à la date fixée au I de l'article 114 de la loi n° 2016-1547 de modernisation de la justice du XXIème siècle. Cette date correspond à la date à laquelle les tribunaux des affaires de la sécurité sociale et les tribunaux du contentieux de l'incapacité disparaîtront, avec un transfert des procédures en cours aux tribunaux de grande instance spécialement désignés pour connaître de ces contentieux. Cette entrée en vigueur différée permettra de déployer les outils informatiques nécessaires.

L'abrogation de l'article 83 de la loi n° 90-85 du 23 janvier 1990 complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social prendra effet au jour de la disparition des tribunaux d'instance.

L'article 367 du code des douanes, article unique du A de la section 5 du chapitre III du titre XII de ce code, sera abrogé en même temps qu'entreront en vigueur les dispositions relatives à la représentation obligatoire. Il est repris au nouvel article 364 pour les juridictions pénales.

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Se rattachant aux règles régissant la profession d'avocat, la présente disposition relève de la compétence de l'Etat sur l'ensemble du territoire de la République.

Cet article est donc applicable de plein droit en Guadeloupe, à La Réunion, en Martinique, en Guyane, à Mayotte, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

1°) S'agissant du I, l'article 83 de la loi n° 90-85 du 23 janvier 1990 n'ayant pas été étendu en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les TAAF, il ne s'y applique pas.

2°) S'agissant du II, en vertu des dispositions de l'article 30 de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, modifiée par l'ordonnance n° 2017-1491, « Pour l'application du I de l'article 2 de la présente loi dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, les mots : en matière prud'homale sont remplacés par les mots : devant le tribunal du travail ».

Il en résulte que cet article 2-I a été étendu avec adaptation à ces collectivités.

Par conséquent, une mention expresse d'application du II de cet article est nécessaire au bénéfice des collectivités d'outre-mer susmentionnées.

3°) S'agissant du III qui concerne des dispositions du code des douanes, il n'a pas vocation à s'appliquer en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, collectivités compétentes en la matière.

4°) S'agissant du IV, qui concerne la modification d'une disposition (L.121-4) du code des procédures civiles d'exécution, en vertu des dispositions de l'article L.641-1-1° du CPCE, « Le livre Ier, à l'exception du 6° de l'article L. 112-2 et de l'article L. 162-2 ; » est applicable dans les îles Wallis et Futuna. Les dispositions de l'article L.121-4 y sont incluses.

Par conséquent, une mention expresse d'application du IV de cet article est nécessaire au bénéfice de Wallis-et-Futuna.

5°) S'agissant du V, qui concerne la modification d'une disposition (L.142-9) du code de la sécurité sociale, il n'a pas vocation à s'appliquer en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon, et à Mayotte, cet article du code de la sécurité sociale n'est pas applicable dans ces collectivités dont certaines sont en outre compétentes en la matière.

6°) S'agissant du VI, qui concerne la modification d'une disposition (L.134-4) du code de l'action sociale et des familles, il n'a pas vocation à s'appliquer en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. En effet, cette disposition est issue du 2° du II de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, lequel n'a pas été étendu aux trois collectivités du Pacifique.

5.4. TEXTE D'APPLICATION

Un décret en Conseil d'État déterminera les critères de dispense de représentation obligatoire par un avocat.

CHAPITRE III : REPENSER L'OFFICE DES JURIDICTIONS

Article 5 : Confier aux notaires divers actes non contentieux

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

1.1.1 Actes de notoriété constatant la possession d'état en matière de filiation

Le code civil permet, dans différentes situations, de prouver une situation juridique par l'établissement d'un acte de notoriété :

- preuve de la date et du lieu de naissance suppléant l'absence d'acte de naissance en cas de projet de mariage (article 71 du code civil) ;

- preuve de la qualité d'héritier (article 730-1 du code civil) ;

- constat de la possession d'état établissant la filiation (article 317 du code civil).

Les deux premiers sont établis par le notaire, tandis que le dernier est dressé par le juge d'instance. L'article 317 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2011, prévoit que chacun des parents ou l'enfant peut demander au juge du tribunal d'instance du lieu de naissance ou de leur domicile que lui soit délivré un acte de notoriété qui fera foi de la possession d'état jusqu'à preuve contraire.

La filiation établie par la possession d'état constatée dans l'acte de notoriété est mentionnée en marge de l'acte de naissance de l'enfant. Ni l'acte de notoriété, ni le refus de le délivrer ne sont sujets en eux même à recours. Mais en cas de refus de délivrance de l'acte, il reste possible de saisir le tribunal de grande instance d'une demande en constatation de la possession d'état ; en cas de délivrance de l'acte, la filiation peut être contestée par toute personne qui y a intérêt en rapportant la preuve contraire. L'acte de notoriété ne fait ainsi présumer de la filiation que jusqu'à preuve contraire.

L'acte de notoriété est établi sur la foi des déclarations d'au moins trois témoins et, si le juge l'estime nécessaire, de tout autre document produit, qui attestent une réunion suffisante de faits au sens de l'article 311-1 du code civil.

1.1.2 Actes de notoriété suppléant les actes de l'état civil

La loi du 20 juin 1920 ayant pour objet de suppléer par des actes de notoriété à l'impossibilité de se procurer des expéditions des actes de l'état civil dont les originaux ont été détruits ou sont disparus par suite de faits de guerre a pour objet de suppléer par des actes de notoriété établis par le juge d'instance l'impossibilité de se procurer des expéditions des actes de l'état civil dont les originaux ont été détruits ou sont disparus par suite d'un sinistre ou de faits de guerre.

En effet, la loi n° 68-671 du 25 juillet 1968 modifiée relative à l'état civil des Français ayant vécu en Algérie ou dans les anciens territoires français d'outre-mer ou sous tutelle devenus indépendants a par ailleurs prévu des modalités particulières de reconstitution ou d'établissement des actes d'état civil des Français ayant vécu en Algérie ou dans les anciens territoires français d'outre-mer ou sous tutelle devenus indépendants, en prévoyant le recueil des déclarations de témoins par le juge d'instance.

Par ailleurs, des facilités de preuves ont été instituées par l'ordonnance n° 62-800 du 16 juillet 1962 pour les actes de l'état civil dressés en Algérie avant l'indépendance et en faveur des personnes qui ont vécu en Algérie quelle que soit leur nationalité.

1.1.3 Recueil de consentement en matière d'assistance médicale à la procréation

Tous les couples qui ont recours à une assistance médicale à la procréation doivent préalablement consentir à cette technique après avoir reçu une information. Dans le cadre d'une insémination artificielle, sans intervention d'un tiers donneur, c'est le médecin qui se charge d'informer le couple sur le processus médical et de recueillir leur consentement. Dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation avec intervention d'un tiers donneur, les formalités du consentement donné par le couple sont plus rigoureuses en raison des conséquences qu'entraîne le recours à cette technique au regard de la filiation de l'enfant conçu par ce moyen.

L'article 311-20 du code civil prévoit ainsi que les époux ou les concubins doivent préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement au juge ou au notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation. Cette disposition est reprise dans le code de la santé publique à l'article L. 2141-10. Le juge ou le notaire enregistre la déclaration de consentement sans exercer aucun contrôle d'opportunité, ni émettre aucun avis ou question relative à l'intérêt de l'enfant ou le mode de vie familiale des intéressés. La justification des conditions médicales ouvrant l'accès à l'assistance médicale à la procréation ne sont pas non plus du ressort du juge ou du notaire, même s'il est admis qu'ils pourraient refuser de recevoir le consentement d'un couple qui ne remplirait manifestement pas les exigences légales. Les formalités entourant le recueil du consentement visent avant tout à s'assurer de la bonne information du couple et à pouvoir attester de la réalité du projet parental commun en cas de refus ultérieur de l'un des membres du couple de reconnaître l'enfant issu de la procréation médicalement assistée.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif premier poursuivi est celui de recentrer l'institution judiciaire sur les missions juridictionnelles et les questions nécessitant la prudence et l'autorité du juge. La déjudiciarisation de l'acte de notoriété s'inscrit dans la continuité des missions actuelles confiées aux notaires qui dressent déjà des actes de notoriété en matière de filiation et de succession. De la même manière, le maintien de compétences concurrentes entre le juge et le notaire pour le recueil de consentement en matière de procréation médicale assistée ne paraît pas justifié.

Le second objectif poursuivi est l'uniformisation des règles de compétence régissant les actes de notoriété régis par le code civil. En effet, en matière civile, l'acte de notoriété destiné à suppléer l'impossibilité pour un époux de se procurer un extrait d'acte de naissance avec indication de sa filiation en vue de son mariage (article 71 du code civil) et l'acte de notoriété destiné à établir la qualité d'héritier en matière de succession (article 730-1 du code civil) sont à la charge des notaires. Depuis dix ans, plusieurs mesures sont intervenues pour simplifier la délivrance des actes de notoriété en transférant des compétences du juge d'instance vers les notaires. Il résulte de cet état du droit et de ce mouvement de déjudiciarisation, qu'en matière civile l'acte de notoriété est principalement dressé par le notaire, l'acte de notoriété en matière de filiation faisant désormais figure d'exception.

En conséquence, il est nécessaire pour confier désormais ces compétences aux notaires de modifier des articles législatifs du code civil ainsi que plusieurs lois.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ÉCARTÉE

Les actes de notoriété auraient pu être confiés aux officiers d'état civil. Cependant, les officiers d'état civil sont chargés de tenir les registres de l'état civil et de dresser lesdits actes d'état civil. Or ici il s'agit de recueillir le témoignage de trois personnes et d'apprécier si ces témoignages suffisent à justifier d'une possession d'état. Cet acte de notoriété ne relève ainsi pas de leur office naturel alors qu'il entre parfaitement dans le champ de compétence des notaires. Enfin, pour atteindre l'objectif d'uniformisation des règles concernant les actes de notoriété, il n'y avait pas d'autre option possible que confier les actes de notoriété en matière de filiation et les actes de notoriété supplétifs d'acte d'état civil au notaire.

L'option permettant de confier à l'avocat le recueil du consentement, qui avait notamment fait l'objet d'un amendement parlementaire lors de l'examen de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, n'a pas été retenue. En effet, l'avocat et le notaire n'exercent pas leur devoir de conseil dans la même perspective. La mission de l'avocat vise plutôt à conseiller ses clients eu égard à leurs intérêts individuels ou dans l'élaboration d'une convention. Dans le cas présent, l'information est générale et ne vise pas à protéger des intérêts particuliers. Il apparaît donc qu'une telle mission doive être assurée de façon préférentielle par un officier public et ministériel qui a d'ores et déjà la charge de recueillir des consentement dans d'autres domaines, comme le consentement à l'adoption par exemple.

3.2. DISPOSITIF RETENU

Il entre dans les missions traditionnelles du notaire d'informer les parties, de recueillir le consentement et de dresser des actes authentiques. Les actes de notoriété en matière de filiation et en matière d'actes supplétifs d'état-civil sont donc confiés aux notaires.

S'agissant de l'assistance médicale à la procréation, la modification proposée vise à supprimer la compétence concurrente du notaire et du juge prévue par l'article 311-20 du code civil pour recueillir le consentement des couples.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

La réforme envisagée nécessite que soit modifié le dispositif prévu par l'article 317 du code civil. Ce texte modifié, qui attribue aux notaires compétence pour établir un acte de notoriété, ne suppose pas d'autres modifications au niveau législatif. En particulier, les articles 310-1, 310-3 et 335 du code civil demeurent inchangés. Au niveau règlementaire, il conviendra de supprimer les articles 1157 et 1157-1 du code de procédure civile.

En outre, dès lors que l'acte de notoriété sera délivré par un notaire, il n'y a plus lieu de faire une allusion à l'impossibilité de former un recours puisque ce terme ne s'applique qu'au juge. S'agissant du notaire, la mise en cause de son action ou de son inaction relève des règles classiques de la responsabilité et non pas de recours juridictionnels. L'alinéa correspondant a ainsi été supprimé.

Les modifications envisagées sur les actes supplétifs aux actes d'état-civil nécessitent que soit modifié le dispositif prévu par la loi du 20 juin 1920. Ce dernier sera intégré pour partie au code civil, au sein des dispositions générales concernant les actes d'état civil afin de clarifier les règles, et pour partie dans des dispositions règlementaires à venir s'agissant des modalités d'information du greffe du tribunal de grande instance et du service central d'état civil.

Ce nouveau texte, qui attribue aux notaires compétence pour établir un acte de notoriété pris en application de la loi du 20 juin 1920, nécessite de procéder à la coordination des dispositions de l'ordonnance n° 62-800 du 16 juillet 1962 facilitant la preuve des actes de l'état civil dressés en Algérie et de la loi n° 68-671 du 25 juillet 1968 relative à l'état civil des Français ayant vécu en Algérie ou dans les anciens territoires français d'outre-mer ou sous tutelle devenus indépendants, lesquelles font référence aux actes de notoriété réglementés par la loi du 20 juin 1920.

Par ailleurs, eu égard au transfert de compétence au profit des notaires, la référence aux sanctions pénales applicables aux fausses déclarations en justice doit être modifiée au profit de celles applicables aux faux commis dans les écritures authentiques.

S'agissant de l'assistance médicale à la procréation, seul l'article 311-20 du code civil a besoin d'être modifié pour supprimer la mention du juge dans le premier alinéa. L'article L. 2141-10 du code de la santé publique est également modifié pour assurer la concordance des textes. Les articles 1157-2 et 1157-3 du code de procédure civile organisant les modalités du recueil de consentement sont de nature réglementaire et seront modifiés par la suite.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Ces mesures ont un impact résiduel en termes d'effectifs dans les tribunaux, mais elles sont en cohérence avec le recentrage de l'office des juridictions et la poursuite d'un objectif de simplification.

Le bénéfice pour les services judiciaires n'est quand même pas tout à fait négligeable s'agissant du recueil de consentement pour l'assistance médicale à la procréation, puisqu'il permettra l'économie de près de 2 000 procédures par an, nombre qui pourrait avoir en outre vocation à augmenter à l'issue de la révision des lois bioéthique.

4.3. IMPACTS SOCIAUX

La réforme impliquera, pour les personnes concernées, la nécessité de passer par un notaire et donc d'avoir recours à un acte payant. Le coût de cet acte est réglementé : conformément à l'arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des notaires, l'émolument fixe serait de 57,69 euros pour les actes de notoriété et 76 euros pour le recueil de consentement.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. CONSULTATIONS FACULTATIVES

Le Conseil Supérieur du notariat a été consulté et est favorable à ces mesures.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

La disposition sera d'application immédiate et entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi conformément à l'article 1 er du code civil.

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Cet article est applicable en Guadeloupe, à La Réunion, en Martinique, en Guyane, à Mayotte, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

1°) S'agissant du I, qui consiste à modifier un article du code civil (art. 317), cette disposition ne peut être étendue en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, en raison de leur compétence propre en la matière. En revanche, une extension dans les îles Wallis et Futuna est à prévoir.

Par conséquent, une mention expresse d'application du I de cet article est nécessaire au bénéfice de Wallis-et-Futuna.

2°) S'agissant du II, qui consiste à modifier un article du code civil concernant les actes de l'état civil (art. 46), cette disposition ne peut être étendue en Nouvelle-Calédonie en raison de sa compétence propre en la matière.

En revanche, en Polynésie française, l'état et la capacité des personnes relève de la compétence de l'Etat. En vertu du 4° de l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, cette matière est applicable de plein droit en Polynésie française.

Il en est de même dans les îles Wallis et Futuna en application des dispositions combinées des articles 1 er et 3 de la loi n° 70-589 du 9 juillet 1970 relative au statut civil de droit commun dans les territoires d'outre-mer.

Le cas est identique dans les TAAF où la compétence de l'Etat est applicable de plein droit en vertu du 4° de l'article 1-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de Clipperton.

3°) S'agissant des III, IV et V qui concernent des textes liés aux actes d'état civil, le régime est identique à celui décrit pour le II.

4°) S'agissant des VI et VII, qui concernent le recueil du consentement en matière d'assistance médicale à la procréation, item relevant de la matière « garanties des libertés publiques », son extension doit être prévue pour les trois collectivités du Pacifique ainsi que pour les TAAF.

Par conséquent, une mention expresse d'application VI et VII de cet article est nécessaire au bénéfice de Wallis-et-Futuna, de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des TAAF.

5.4. TEXTE D'APPLICATION

Un décret en Conseil d'État est nécessaire pour coordonner les dispositions du code de procédure civile.

Article 6 : Expérimenter une déjudiciarisation de la fixation des révisions des pensions alimentaires

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

L'obligation, pour chacun des parents, quelle que soit l'organisation familiale (que les parents vivent ensemble ou non, avec les enfants ou non, et indépendamment de leur statut marital), de contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant, relève de l'autorité parentale et résulte de l'article 371-2 du code civil.

Selon l'article 373-2-5 du même code, le parent qui assume à titre principal la charge d'un enfant majeur qui ne peut lui-même subvenir à ses besoins peut demander à l'autre parent de lui verser une contribution à son entretien et à son éducation.

L'article 373-2-2 dudit code dispose que les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont alors fixées par accord des parties, dans une convention homologuée, ou, à défaut, par le juge.

Aux termes de l'article 373-2-13 du code civil, les dispositions contenues dans la convention homologuée ou dans la convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d'un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d'un notaire ainsi que les décisions relatives à l'exercice de l'autorité parentale peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande des ou d'un parent ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non.

Ainsi, l'obtention d'un titre exécutoire lors de la modification du montant de la pension alimentaire relève exclusivement du contentieux judiciaire. Même en cas d'accord des parents sur le montant révisé, il leur faut obtenir une décision du juge aux affaires familiales pour disposer d'un titre exécutoire dans l'hypothèse où le débiteur de la pension ne s'acquitterait plus volontairement de son paiement.

L'article 41 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour l'année 2017 prévoit toutefois qu'à compter du 1 er avril 2018, le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales donnera force exécutoire à l'accord par lequel les parents qui se séparent fixent le montant de la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants (article L. 582-2 du code de la sécurité sociale).

La décision du directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales permettra donc le recouvrement forcé. Le directeur de la Caisse d'allocations familiales (CAF) peut délivrer des titres exécutoires pour les couples non mariés qui se séparent :

- dès lors qu'aucune créance n'a précédemment été fixée pour l'enfant par une décision de justice, par convention de divorce ou acte authentique ;

- et que les accords sont conclus par les parents conformément au barème des pensions alimentaires utilisés par la CAF.

1.2. CADRE CONVENTIONNEL

Plusieurs instruments juridiques internationaux auxquels la France est partie visent à faciliter la reconnaissance et l'exécution des décisions relatives aux obligations alimentaires. Ainsi, au sein de l'Union européenne, le règlement n°4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires prévoit un mécanisme de reconnaissance de la force exécutoire sans aucune procédure entre les Etats liés par le protocole de la Haye de 2007 pour les « décisions » exécutoires rendues par une juridiction dans un Etat membre, y compris les accords judiciairement homologués ou conclus devant une juridiction, ou les actes authentiques portant sur une obligation alimentaire.

Aux fins du règlement 4/2009, la notion de « juridiction » inclut les autorités administratives des États membres compétentes en matière d'obligations alimentaires, pour autant que ces autorités offrent des garanties en ce qui concerne leur impartialité et le droit des parties à être entendues, et que les décisions qu'elles rendent conformément à la législation de l'État membre où elles sont établies :

a) puissent faire l'objet d'un recours devant une autorité judiciaire ou d'un contrôle par une telle autorité, et

b) aient une force et un effet équivalent à une décision d'une autorité judiciaire dans la même matière.

Les autorités administratives compétentes sont mentionnées, à la demande de l'État membre concerné, en annexe du règlement. Cette annexe peut être modifiée.

Si l'expérimentation est confiée à une autorité administrative, il conviendrait de mobiliser ces dispositions sous peine d'entraver la circulation au sein de l'Union des décisions de modification de pensions alimentaires prises en France dans le cadre de l'expérimentation.

Par ailleurs, l'article 48 du règlement 4/2009 indique que les actes authentiques exécutoires dans un Etat membre sont reconnus et exécutoires dans les autres Etats membres dans les mêmes conditions que les décisions.

En dehors des hypothèses prises en compte par le règlement 4/2009, aucune disposition ne permet de garantir la circulation dans les autres Etats membres des décisions de modification de pensions alimentaires prises en France dans le cadre de l'expérimentation.

En-dehors de l'Union européenne, la convention de La Haye de 2007, dont les dispositions ont inspiré le règlement européen 4/2009, ne lie pour l'instant les Etats membres de l'Union européenne qu'au Kazakhstan et à la Serbie. Avec ces deux Etats, l'analyse développée pour le règlement européen peut être reprise.

Un autre instrument multilatéral permet un recouvrement facilité avec un nombre bien plus important d'Etats : la convention des Nations-Unies sur le recouvrement des aliments à l'étranger conclue à New York le 20 juin 1956. Mais seules les décisions judiciaires fixant ou modifiant le montant d'une pension alimentaire bénéficient de ce dispositif dont seraient donc exclues les décisions issues de l'expérimentation. De même, s'agissant des conventions bilatérales qui prévoient des mécanismes simplifiés d'exequatur, seules les décisions de justice en bénéficient mais les actes authentiques jouissent souvent d'une reconnaissance de plein droit.

1.3. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

A titre de comparaison, plusieurs pays ont déjà choisi de confier la fixation de la pension alimentaire à des autorités non judiciaires (Québec, Royaume-Uni, certains États des États-Unis, Nouvelle-Zélande...). Ainsi, la compétence de la fixation est parfois donnée aux parties elles-mêmes qui sont habilitées à décider sur le sujet lorsqu'elles s'accordent, sur la base d'un barème. En cas de désaccord, une administration viendra fixer le montant de la pension.

Dans d'autres cas, la fixation et la modification relèvent d'une administration, le juge n'intervenant que si les parties contestent la décision prise par l'administration.

Par exemple au Québec, le service administratif de rajustement des pensions alimentaires pour enfants (SARPA) est compétent pour décider de la réévaluation de la pension. Ainsi le parent qui demande la réévaluation de la pension saisit le SARPA en produisant les pièces justificatives de sa demande. Le SARPA sollicite de l'autre parent les éléments utiles à l'instruction de la demande. Si le parent qui n'a pas formé la demande produit des pièces qui permettent d'évaluer la nouvelle pension alimentaire, le SARPA procède au rajustement par un avis notifié aux parties. Si en revanche il ne produit pas ses pièces, ce service augmente d'un minimum de 15 % le montant précédent de la pension, et en informe les parties.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les objectifs de l'expérimentation visent à la fois les parents-usagers et l'autorité judiciaire.

Pour les usagers , l'expérimentation vise à offrir aux parents la possibilité d'obtenir rapidement un titre exécutoire. Actuellement, la durée moyenne de traitement des demandes de modification des dispositions régissant la vie des enfants (résidence habituelle, droit de visite et d'hébergement, pension alimentaires) présentées aux juges aux affaires familiales n'est pas inférieure à 6 mois et tend à augmenter.

La prévisibilité du montant de la pension alimentaire, dans les situations qui n'imposent pas une individualisation particulière, sera forte, dès lors que ce montant sera fixé selon un barème des pensions alimentaires.

Au surplus, l'expérimentation pourrait permettre d'éviter, lorsque le seul point de désaccord parental concerne le montant de la pension alimentaire, que le passage obligé devant l'autorité judiciaire, pour un motif purement financier, envenime les relations, notamment lorsque la révision du montant de la pension alimentaire fournit l'occasion d'une surenchère de demandes portant sur d'autres aspects (demande de modification des modalités d'exercice du droit de visite et d'hébergement du débiteur de la pension par exemple).

Pour l'autorité judiciaire , la déjudiciarisation de la modification des pensions alimentaires pour enfants devrait réduire le délai de traitement des demandes et alléger en partie le stock d'affaires soumises au juge aux affaires familiales.

Si les outils statistiques dont nous disposons ne permettent pas de connaître le nombre de demandes correspondant précisément au cadre de l'expérimentation, il peut être indiqué que chaque année, environ 170 000 nouvelles demandes sont présentées aux juges aux affaires familiales par des parents désireux de voir modifier les dispositions régissant la vie de leurs enfants.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Récemment, de nombreuses mesures sont intervenues pour simplifier le contentieux des pensions alimentaires. Ainsi, la loi n° 2016-1828 du 23 décembre 2016 citée plus haut a prévu que le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales donne force exécutoire, sous certaines conditions, à l'accord par lequel les parents qui se séparent fixent le montant de la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants. En outre, le décret n° 2016-1906 du 28 décembre 2016 relatif à la procédure d'homologation judiciaire des conventions parentales prévue à l'article 373-2-7 du code civil simplifie la procédure en dispensant les parents de comparaître systématiquement devant le juge sauf si celui-ci l'estime nécessaire.

La poursuite du mouvement de simplification notamment par une déjudiciarisation de la modification du montant des pensions alimentaires est une piste proposée par le rapport portant amélioration et simplification de la procédure civile de Madame Frédérique Agostini et de Monsieur Nicolas Molfessis remis à la garde des sceaux le 15 janvier 2018 estimant qu'il s'agirait « d'offrir au parent créancier la possibilité d'obtenir plus rapidement un titre exécutoire et de permettre d'éviter, envenime les relations, notamment lorsque la révision du montant de la pension alimentaire fournit l'occasion d'une surenchère de demandes portant sur d'autres aspects. »

En effet, les modifications les plus simples liées à une modification des revenus, c'est-à-dire celles qui n'appellent pas d'appréciation circonstanciée des éléments du cas d'espèce, ne requièrent pas l'intervention du juge.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ÉCARTÉE

Il aurait pu être envisagé de conserver la compétence des juges aux affaires familiales quant à la modification des pensions alimentaires, tout en simplifiant la procédure en prévoyant l'application de manière systématique d'un barème, plutôt que de motiver sa décision sur les éléments d'une espèce déterminée (en énonçant les revenus, la situation des parents...).

Toutefois, aux termes de l'article 5 du code civil, « il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises . ».

Par ailleurs, la Cour de cassation sanctionne dans d'autres domaines l'utilisation de barème sans rechercher in concreto des éléments permettant la prise de la décision, ou bien la référence à des règles établies à l'avance pour justifier une décision, ou encore la décision qui se fonde sur une table de référence sans considération de l'espèce.

Cette option a donc été écartée.

3.2. DISPOSITIF RETENU

Il est proposé, à titre expérimental, pour une durée limitée à 3 ans et dans quelques départements seulement, de confier aux organismes débiteurs des prestations familiales ou à des officiers publics et ministériels, la délivrance de titres exécutoires portant sur la modification du montant d'une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, lorsque les conditions suivantes sont réunies afin de circonscrire l'expérimentation aux hypothèses les plus simples :

1° la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants a antérieurement fait l'objet d'une fixation par l'autorité judiciaire, d'une convention homologuée, ou d'une convention de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats et déposé au rang des minutes d'un notaire ;

2° la demande modificative est formée par un créancier résidant ou ayant élu domicile dans l'un des départements dont la liste est fixée par arrêté du ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, ou par un débiteur à l'égard d'un créancier résidant ou ayant élu domicile dans l'un de ces départements ;

3° la demande est fondée sur l'évolution des ressources des parents ou sur l'évolution, par accord des parties, des modalités d'exercice du droit de visite et d'hébergement ;

4° aucune demande portant sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale à l'égard des enfants concernés par la contribution à l'entretien et à l'éducation n'est pendante devant le juge aux affaires familiales.

Les conditions retenues tendent à faciliter la tâche de l'autorité chargée de la délivrance de titres exécutoires en lui permettant, dans le cadre de l'expérimentation d'utiliser, pour apprécier le montant de la nouvelle pension alimentaire à fixer, la table de référence valant barème indicatif en matière de contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. Pour déterminer les frais d'entretien et d'éducation des enfants, le barème se fonde sur les travaux économétriques de l'INSEE, menés à partir de l'enquête “Budget de famille”, qui propose une valeur moyenne du coût relatif de l'enfant, sans tenir compte ni de son âge, ni de son rang dans la fratrie, ni du niveau de revenu de ses parents. En effet, les travaux réalisés sur ces différents paramètres ne se sont pas avérés concluants, à l'exception de ceux relatifs à l'évolution du coût de l'enfant en raison de son âge.

L'établissement d'un barème repose sur des moyennes. Lorsque la situation examinée présente des particularités qui l'éloignent trop de celles-ci pour que l'application du barème aboutisse à un résultat juste et approprié, une appréciation circonstanciée est nécessaire. Ont ainsi été écartées du champ de l'expérimentation les modifications complexes, imposant une appréciation circonstanciée des éléments du cas d'espèce. Ainsi, le juge continuerait à examiner les cas de déménagement entraînant une évolution du coût de logement et/ou une évolution des frais de trajet relatif à l'exercice du droit de visite et d'hébergement et d'inscription de l'enfant dans un établissement privé, d'arrêt d'une activité sportive onéreuse, etc.

De même, la première fixation d'une pension alimentaire, qui nécessite une première analyse globale de la situation familiale et sert ensuite de référence, apparaît encore devoir relever de l'expertise juridictionnelle.

En cas de carence d'un parent pour produire les renseignements et documents requis à l'autorité chargée de fixer le montant de la pension alimentaire, il conviendra de prévoir la possibilité de moduler forfaitairement le montant de la contribution à l'entretien et à l'éducation.

Enfin, sur le modèle de l'article L. 582-2 du code de la sécurité sociale dans sa version à venir au 1 er avril 2018, en cas de refus de délivrer le titre exécutoire, les parents pourront, ensemble ou séparément, saisir le juge aux affaires familiales aux fins de fixation du montant de la pension.

Par ailleurs, si l'une des parties est insatisfaite du montant fixé, un recours suspensif devant le juge aux affaires familiales sera prévu.

Un décret devra notamment préciser la procédure applicable pour former les demandes de modification de pension alimentaire, en fonction de l'autorité ou de l'officier public et ministériel désigné(e), pour instruire les dossiers et notifier les décisions prises, ainsi que la procédure applicable pour le recours judiciaire subsistant.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse précise des incidences de la mesure envisagée sera effectuée dans la fiche d'impact retraçant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation. Néanmoins, il peut d'ores et déjà être fait état des impacts suivants :

4.1. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

On dénombre environ 170 000 demandes annuelles de fixation ou de modification de pensions alimentaires dans le cadre d'un contentieux portant spécifiquement sur la pension alimentaire ou dans celui, plus large, portant notamment sur le changement de résidence. Ces données comprennent, en particulier, les demandes de fixation du montant de la pension alimentaire (or la réforme n'est envisagée que pour les demandes de révision) ainsi que les demandes d'homologation du montant de cette dernière (dont le traitement est confié aux CAF à compter de 2018 en application de l'article L.582-2 du code de la sécurité sociale).

Pour les magistrats, le traitement de ces 170 000 dossiers représente environ 50 ETPT, dont une fraction seulement est consacrée au seul traitement des demandes de révisions. Pour le greffe, il ne saurait représenter plus de 10% des effectifs dédiés à l'activité JAF, soit 40 ETPE.

Si l'on fait l'hypothèse qu'un tiers du temps de travail des magistrats et la moitié du temps de travail des fonctionnaires consacrés aux 170 000 dossiers correspond à des demandes de révision, l'ordre de grandeur de l'économie d'emplois serait donc de 17 ETP de magistrats et 20 ETP de greffiers. Cette économie correspond toutefois à une estimation du gain potentiel de la mesure sur tout le territoire et non uniquement de l'expérimentation.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La révision des pensions pourrait être confiée à une autorité non judiciaire, notamment aux caisses d'allocations familiales qui pourront déjà, à compter du 1 er avril prochain, délivrer des titres exécutoires en matière de pensions alimentaires dans un certain nombre de cas. L'objectif a été de limiter l'impact sur l'autorité à laquelle la révision des pensions serait confiée, en limitant aux cas les plus simples, où il est possible de se référer à un barème. L'impact a vocation à être estimé plus précisément lors de l'élaboration des ordonnances et de la délimitation du périmètre de l'expérimentation.

On peut penser que l'impact pourrait être moindre pour les caisses d'allocations familiales que pour d'autres acteurs, dans la mesure où elles interviennent déjà dans ce processus, suivent déjà la plupart des personnes concernées au titre de leurs missions traditionnelles et disposent de pouvoirs de contrôle facilitant leur accès à l'information.

Les impacts informatiques de cette mesure devraient être faibles pour le ministère de la justice. La mise en oeuvre de cette réforme impose la modification d'un référentiel national (nomenclature des affaires civiles, dit « NAC ») qui permettront d'isoler l'activité de l'expérimentation.

Enfin, s'agissant des auxiliaires de justice, l'impact de l'expérimentation varie selon que la modification des pensions alimentaires sera confiée à une autorité administrative ou à des officiers publics ministériels.

4.3. IMPACTS SOCIAUX

Nonobstant les incidences positives recherchées pour l'usager, déjà exposées, il convient de signaler que le recours à un officier public ministériel n'est pas gratuit et que le parent sollicitant pourrait, si cette option est retenue, ne plus bénéficier de la gratuité que le recours au juge sans avocat obligatoire lui offre actuellement.

5. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

Compte tenu de la technicité du sujet, le dispositif prévoit l'habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnance dans un délai de 9 mois à compter de la publication de la loi pour définir les termes du dispositif expérimental prévu pour une durée de trois ans.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l'ordonnance.

Article 7 : Régimes matrimoniaux

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

Si longtemps la règle a été celle de l'immutabilité des régimes matrimoniaux - les époux ne pouvaient modifier leur contrat de mariage - ce principe a progressivement été assoupli.

Le juge n'intervient qu'à titre résiduel, de manière obligatoire lorsqu'il existe un ou plusieurs enfants mineurs et de manière facultative en présence d'enfants majeurs ou de créanciers, l'homologation n'étant indispensable dans ce dernier cas que si ces derniers souhaitent faire valoir leur droit d'opposition. Il demeure toutefois, dans tous les cas, que les époux doivent toujours attendre deux ans après la célébration de leur mariage, avant de pouvoir réaliser la première modification de leur régime matrimonial que celui-ci soit légal ou conventionnel. Ce délai s'impose également entre deux modifications.

Afin de rendre effectif le droit d'opposition des enfants majeurs ou de créanciers, ceux-ci sont informés personnellement de la modification envisagée (enfants majeurs) ou par voie de publication d'un avis dans un journal d'annonces légales (créanciers), cette communication faisant partir un délai de d'opposition de trois mois. En cas d'opposition formulée devant le notaire, celui-ci en avise les époux à qui il appartient de présenter une requête en homologation de l'acte notarié. Cette procédure d'homologation se déroule, depuis un décret du 20 janvier 2012, devant le juge aux affaires familiales et non plus devant le tribunal de grande instance (article 1300-4 du code de procédure civile) et relève de la matière gracieuse (article 1301 du code de procédure civile).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le sixième alinéa de l'article 1397 du code civil, qui fixe différemment la date de prise d'effet entre les époux du changement de régime matrimonial selon que l'acte notarié prévoyant ce changement est soumis ou non à homologation judiciaire, a été jugé conforme à la Constitution et le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi a été écarté 12 ( * ) . Le Conseil constitutionnel a en effet considéré que les époux dont le changement de régime matrimonial doit faire l'objet d'un acte notarié soumis à homologation par le juge, que ce soit en raison de l'opposition formée par les titulaires de ce droit ou de la présence d'enfants mineurs, ne se trouvaient pas dans la même situation que les époux dont le changement de régime matrimonial n'est pas soumis à une telle procédure, qui vise à protéger des personnes dont les intérêts sont ou pourraient être lésés. Le Conseil constitutionnel a estimé en conséquence que le législateur a établi une différence de traitement justifiée en matière d'opposabilité et de fixation de la date à laquelle le changement de régime matrimonial est acquis.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Le cadre conventionnel en matière de régime matrimonial tient principalement à l'application de deux conventions internationales :

- d'une part la convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux ratifiée par la France le 26 septembre 1979, applicable aux mariages présentant un élément d'extranéité et célébrés à compter du 1er septembre 1992. Cette convention avait pour objectif de créer des règles de conflit de lois uniformes et permettre de déterminer la loi applicable ainsi que les modalités du changement -volontaire ou automatique- de loi applicable au régime matrimonial. Elle ne comporte en revanche aucune règle matérielle relative aux régimes matrimoniaux.

- d'autre part le règlement UE 2016/1103 du 24 juin 2016 mettant en oeuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l'exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux qui n'entrera toutefois en vigueur que le 29 janvier 2019 et dont les règles sont assez proches de celles de la convention de La Haye de 1978. Les deux principales différences sont l'impossibilité de morceler le régime matrimonial pour le soumettre à plusieurs lois et l'absence de mutabilité automatique de la loi applicable lorsque les époux n'ont pas choisi la loi applicable à leur régime matrimonial au jour de leur mariage.

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Il ressort de l'annexe au Livre Vert sur le règlement des conflits de lois en matière de régime matrimonial du Conseil de l'Union européenne établi en 2006 qu'à l'origine tous les pays confèrent au contrat de mariage un caractère immutable et seulement réalisable avant le mariage, car celui-ci était considéré comme un « pacte de famille » auquel prenaient part principalement les parents afin de maintenir les biens à l'intérieur de famille. Il est cependant notamment relevé que l'évolution des mentalités et l'allongement de la durée de vie, et donc de la durée des mariages, ont conduit la plupart des Etats à abandonner le principe de l'immutabilité des conventions matrimoniales au profit d'une mutabilité plus ou moins contrôlée (avec ou sans contrôle judiciaire, avec ou sans certaine publicité).

Actuellement, seul le Portugal maintient la règle de l'immutabilité. Les autres droits internes autorisent la mutabilité du régime matrimonial. Si les droits internes prévoyaient majoritairement à l'origine l'intervention du tribunal aux fins d'homologuer toute modification du régime matrimonial afin d'éviter toute atteinte aux intérêts de la famille ou à ceux des créanciers, on observe ces dernières années un mouvement contraire de déjudiciarisation au bénéfice de la passation d'actes solennels devant notaires (Allemagne, Autriche, Belgique, Italie, Luxembourg, notamment), considérant que cette formalité est longue et coûteuse pour les époux et d'une efficacité douteuse. Malte et la Lituanie ont cependant conservé l'exigence d'une autorisation judiciaire.

Seul le Luxembourg et la Roumanie exige un délai mini mal avant toute modification du régime (deux ans au Luxembourg, un an en Roumanie).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les critiques quant au contrôle obligatoire du juge sont anciennes et la demande de déjudiciarisation n'a jamais cessé. La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a entendu remédier à ces critiques en supprimant l'exigence d'homologation judiciaire hors les cas d'opposition des enfants majeurs ou des créanciers et les cas où il existe des enfants mineurs.

Cependant, la question de la suppression systématique de l'homologation judiciaire du changement de régime matrimonial, même en présence d'enfants mineurs, a continué de se poser. Ainsi, par exemple, dans le projet relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures déposé au Sénat le 26 novembre 2013 figurait un article 2 visant à cette suppression. Si cette proposition a été écartée lors de la discussion parlementaire, par souci de maintenir un niveau suffisamment élevé de protection des enfants mineurs, la question doit cependant être revue à la lumière des réformes intervenues depuis, notamment la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 portant déjudiciarisation du divorce par consentement, la compétence du juge n'ayant été maintenue qu'en cas de demande d'audition par l'enfant mineur ainsi que l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 en matière d'administration légale ayant reposée sur le postulat d'une présomption de bonne gestion des biens du mineur par ses représentants légaux.

L'évolution récente de la législation incite à proposer une procédure qui, tout en assurant une protection des personnes intéressées par le changement de régime matrimonial envisagé, serait plus rapide, moins coûteuse, et dans laquelle l'intervention judiciaire serait à la fois mieux comprise par les époux et plus facile pour les juges. Aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités. Les régimes matrimoniaux relèvent ainsi du domaine de la loi et la modification des dispositions de l'article 1397 du code civil nécessite ainsi une intervention législative.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le premier objectif poursuivi est l'assouplissement du délai de deux ans. En effet, ce délai ne correspond plus à l'heure actuelle à la nécessité pour des époux de pouvoir adapter leur régime à leur situation professionnelle. Il sera rappelé que pour le partenariat civil une modification de la convention initiale ou même d'une précédente convention modificative est possible à tout moment, et que souvent, le changement de convention matrimoniale intervient soit pour préparer une succession, notamment lorsque les époux choisissent la communauté universelle avec attribution au dernier vivant, soit pour adapter le régime à une nouvelle situation professionnelle pour protéger la famille, par exemple dans le cas d'une séparation de biens.

Le second objectif poursuivi est la simplification de la procédure en présence d'enfants mineurs. La première critique est que l'homologation par le juge allonge la procédure de changement de régime, alors pourtant qu'en définitive les cas de rejet d'homologation sont rares. Les statistiques ne permettent pas d'isoler le nombre de décisions concernant des demandes d'homologation suite à une saisine rendue obligatoire en présence d'enfants mineurs. Cependant les chiffres du ministère de la justice 13 ( * ) font état de 1 500 décisions rendues en matière d'homologation de changement de régime matrimonial en 2017 ayant statué sur la demande (saisine compte tenu de la présence d'enfants mineurs ou d'une opposition d'un créancier ou enfant majeur), dont 1415 décisions d'acceptation totale (94.33%). Le taux de rejet total était de 2.27% et celui de rejet partiel de 3.40%. Par ailleurs, cette phase judiciaire, qui se trouve soumise aux règles procédurales applicables à la matière gracieuse devant le tribunal de grande instance, représente un coût pour les époux, qui sont dans l'obligation de recourir aux services d'un avocat pour le dépôt de leur requête conjointe en homologation. En outre, la nécessité d'attendre l'homologation du juge pour que le changement de régime puisse être effectif est susceptible de conduire à d'importantes difficultés, notamment en cas de décès de l'un des époux avant que n'ait pu être rendu le jugement d'homologation.

A cela s'ajoute enfin le fait que le contrôle du juge en cette matière, et particulièrement son évaluation de l'opportunité du changement souhaité, est souvent vécu par les époux comme une incursion difficilement tolérable dans leur sphère privée.

Enfin, le dernier objectif est celui de la clarification des dispositions applicables en présence d'enfants majeurs protégés. En effet, l'article 1397 du code civil, dans sa rédaction actuelle, ne prend pas expressément en compte le cas d'enfants qui, bien que majeurs, ne sont pas en état de manifester clairement leur volonté vis-à-vis du changement de régime souhaité par leurs parents. Dans ces situations l'application du droit commun est source d'interrogations notamment sur le point de savoir si l'opposition est un droit patrimonial nécessitant une autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ÉCARTÉES

3.1.1 S'agissant du délai d'indisponibilité du régime matrimonial, il a été envisagé de réduire le délai plutôt que de le supprimer afin d'éviter des mutations à répétition. Toutefois, le coût du changement de régime matrimonial, qui nécessite un acte notarié et parfois un acte de partage, n'est pas anodin et permet d'écarter cette crainte.

3.1.2 S'agissant de la suppression de l'exigence d'homologation judiciaire en présence d'enfants mineurs, il a été envisagé d'aménager le double dispositif d'information et d'opposition, actuellement prévue uniquement pour les enfants majeurs et créanciers, aux enfants mineurs via un représentant de l'enfant, dans lequel la formulation d'une opposition au changement de régime matrimonial comme le fait de ne pas s'y opposer relèveraient de ce représentant, sans qu'il y ait nécessité d'une autorisation du juge.

Cependant, compte tenu de la lourdeur du mécanisme qui aurait nécessité quasiment systématiquement une intervention du juge des tutelles mineurs pour la désignation d'un administrateur ad hoc, cette option a été finalement écartée. Il a été considéré que l'intervention du notaire rédacteur de la convention modificative du régime qui, en tant qu'officier public, se trouve tenu d'un devoir renforcé d'information et de conseil et doit donc faire part aux époux de ses doutes éventuels sur la concordance entre le changement qu'ils envisagent et le respect de l'intérêt de leurs enfants, est suffisante.

Cette hypothèse de désignation systématique d'un administrateur ad hoc était par ailleurs contraire à la réforme de l'administration légale par l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille ayant reposé sur le postulat d'une présomption de bonne gestion des biens du mineur par ses représentants légaux.

3.2. DISPOSITIF RETENU

3.2.1 S'agissant du délai d'indisponibilité du régime matrimonial, il a été choisi de le supprimer totalement, la fixation d'un délai plus réduit ne permettant pas de répondre efficacement à l'objectif de simplification souhaité.

3.2.2 S'agissant de la suppression de l'exigence d'homologation judiciaire en présence d'enfants mineurs, il a été jugé préférable de tirer toutes les conséquences de l'ordonnance du 15 octobre 2015 susmentionnée, considérant que le droit commun de l'administration légale tel que résultant de l'ordonnance était suffisant. Il sera ici rappelé que les articles 385 et 386 du code civil prévoient un régime de responsabilité des administrateurs légaux pour une faute quelconque commise dans la gestion des biens du mineurs, avec un délai d'action en responsabilité de cinq ans à compter de la majorité de l'intéressé ou de son émancipation. Par ailleurs, il existera toujours la possibilité pour le notaire de saisir le juge des tutelles lorsque l'acte qu'il s'apprête à diligenter lui paraît compromettre manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou porter un préjudice grave à ceux-ci (article 387-3 du code civil), ce qui permettra au juge, s'il l'estime nécessaire, d'ordonner un contrôle renforcé soumettant à son autorisation préalable le changement de régime matrimonial et obligera les parents à le saisir d'une requête aux fins d'autorisation. Ce mécanisme est d'ailleurs expressément rappelé par le texte modifié. La proposition de modification conduit ainsi à reporter sur les parents, la famille et les époux, la charge de préserver les intérêts des enfants, et à présumer de leur aptitude à assumer ce rôle, de même qu'à permettre à des tiers de jouer un rôle d'alerte du juge des tutelles.

S'agissant en revanche des mineurs placés sous tutelle, ne prévoir aucun mécanisme de protection des intérêts des mineurs n'était pas envisageable. La tutelle s'ouvre en effet lorsque les deux parents sont décédés ou se trouvent privés de l'exercice de l'autorité parentale (article 390 du code civil), ou par une transformation de l'administration légale en tutelle pour cause grave (article 391 du code civil), cette cause grave étant le plus souvent une carence du parent dans la gestion des biens du mineur. Il s'agit ainsi de cas dans lesquels une présomption de bonne gestion par le parent ne saurait s'appliquer et pour lesquels un contrôle du tuteur apparaît indispensable. Le double mécanisme d'information et d'opposition applicable aux enfants majeurs a ainsi été mis en place au profit du tuteur, lequel représente le mineur (article 408 du code civil). Certes, le tuteur pourrait être le parent concerné par le changement de régime matrimonial. Il s'agit cependant d'une hypothèse peu probable et en tout état de cause, les textes de droit commun permettent en ce cas la représentation du mineur par le subrogé tuteur (article 410 al. 1er du code civil). Quant à l'étendue des pouvoirs du tuteur, ou subrogé tuteur, l'autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles a été écartée afin que le tuteur (ou subrogé tuteur) puisse prendre seul la décision.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

La modification du régime applicable au changement de régime matrimonial ne suppose pas d'autres modifications législatives que celles de l'article 1397 du code civil.

Au niveau réglementaire, il conviendra de modifier l'article 1300 du code de procédure civile.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Les homologations par le juge représentent environ 1 500 décisions par an. La réforme n'entraînera pas un allègement très significatif en termes d'effectifs dans les tribunaux de grande instance, mais la mesure est en cohérence avec le recentrage de l'office des juridictions et la poursuite d'un objectif de simplification.

4.3. IMPACTS BUDGÉTAIRES

L'impact à la baisse de cette mesure sur les demandes d'aide juridictionnelle est faible.

4.4. IMPACTS SOCIAUX

Le changement de régime matrimonial sera tout à la fois plus rapide et moins coûteux. Par ailleurs l'intervention judiciaire étant désormais limitée aux cas d'opposition formulée par le tuteur de l'enfant ou par l'alerte effectuée notamment par le notaire, elle sera mieux comprise par les époux et le cadre d'intervention du juge sera plus lisible.

5. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

La disposition sera d'application immédiate et entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi conformément à l'article 1 er du code civil.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Cet article est applicable de plein droit en Guadeloupe, à La Réunion, en Martinique, en Guyane, à Mayotte, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Plus précisément, en vertu de l'article LO 6213-1 du code général des collectivités territoriales, les dispositions législatives et réglementaires sont également applicables de plein droit à Saint-Barthélemy, à l'exception de celles intervenant dans les matières de la compétence de la collectivité en application de l'article LO 6214-3 du même code parmi lesquelles ne figurent pas les régimes matrimoniaux. Il en est de même pour Saint-Martin en application des articles LO 6313-1 et LO 6314-3 du code général des collectivités territoriales, et pour Saint-Pierre et Miquelon conformément aux articles LO 6413-1 et LO 6414-1 du code général des collectivités territoriales.

Également, en Polynésie française, l'état et la capacité des personnes relève de la compétence de l'Etat. En vertu du 4° de l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, cette matière est applicable de plein droit en Polynésie française.

Il en est de même dans les îles Wallis et Futuna en application des dispositions combinées des articles 1er et 3 de la loi n° 70-589 du 9 juillet 1970 relative au statut civil de droit commun dans les territoires d'outre-mer.

Le cas est identique dans les TAAF où la compétence de l'Etat est applicable de plein droit en vertu du 4° de l'article 1-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de Clipperton.

En revanche, cette disposition ne peut être étendue en Nouvelle-Calédonie en raison de sa compétence propre en la matière.

5.3. TEXTE D'APPLICATION

Un décret en Conseil d'État est nécessaire pour coordonner les dispositions du code de procédure civile.

Article 8 : Alléger le contrôle a priori du juge des tutelles pour les actes de gestion patrimoniale

1. ÉTAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ÉTAT DES LIEUX

L'ensemble des dispositions gouvernant la gestion du patrimoine des mineurs et majeurs en tutelle est regroupé au sein du Titre XII du code civil depuis la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.

Le premier chapitre du Titre XII, intitulé “Des modalités de la gestion tutélaire” prévoit des dispositions spécifiques, au sein d'une section II consacrée aux “actes du tuteur”, concernant les actes que le tuteur effectue sans autorisation, ceux qu'il effectue avec une autorisation et ceux qui lui sont interdits.

Ainsi, le partage amiable est soumis à autorisation du conseil de famille ou du juge, l'état liquidatif devant être soumis à l'approbation d'un de ces organes. Il en est de même de l'acceptation pure et simple d'une succession, à condition que l'actif dépasse manifestement le passif.

La conclusion par le tuteur d'un contrat pour la gestion des valeurs mobilières ou des instruments financiers de la personne protégée est subordonnée à l'autorisation préalable du juge des tutelles ou du conseil de famille, de même que l'intégration dans le budget de la rémunération des administrateurs particuliers désignés par le tuteur.

1.2. CADRE CONVENTIONNEL

Le cadre conventionnel en matière de protection des majeurs tient principalement à la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par la France le 18 février 2010, dont l'article 12 stipule que : « Les États Parties font en sorte que les mesures relatives à l'exercice de la capacité juridique soient assorties de garanties appropriées et effectives pour prévenir les abus, conformément au droit international des droits de l'homme. Ces garanties doivent garantir que les mesures relatives à l'exercice de la capacité juridique respectent les droits, la volonté et les préférences de la personne concernée, soient exemptes de tout conflit d'intérêt et ne donnent lieu à aucun abus d'influence, soient proportionnées et adaptées à la situation de la personne concernée, s'appliquent pendant la période la plus brève possible et soient soumises à un contrôle périodique effectué par un organe compétent, indépendant et impartial ou une instance judiciaire. Ces garanties doivent également être proportionnées au degré auquel les mesures devant faciliter l'exercice de la capacité juridique affectent les droits et intérêts de la personne concernée . ».

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

En matière de partage amiable, le mouvement de déjudiciarisation a été impulsé avec la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités. Récemment, la procédure de partage amiable a été totalement déjudiciarisée pour les mineurs dans le régime de l'administration légale, par l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille, considérant qu'il existait une présomption de bonne gestion des administrateurs légaux.

Cette facilitation du recours au partage amiable, plus rapide et moins onéreux, doit être poursuivie à l'égard des mineurs ou majeurs sous tutelle, dans la mesure où le principe légal est désormais celui du partage amiable et où le notaire, qui a un devoir de conseil à cet égard, vérifie que tous les intérêts sont sauvegardés.

Dans tous les cas, le contrôle du juge est maintenu pour approuver l'état-liquidatif du partage et s'assurer ainsi que l'équilibre du partage respecte bien les intérêts de la personne protégée.

Par ailleurs, sur l'intégration de la rémunération des administrateurs particulie rs au titre du budget, l'autorisation du juge des tutelles apparaît superfétatoire depuis la loi n°2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures qui l'a déchargé de la mission d'établir le budget. En effet, c'est aujourd'hui le tuteur qui, aux termes de l'alinéa 1 er de l'article 500 du code civil, établit le budget « en fonction de l'importance des biens de la personne protégée et des opérations qu'implique leur gestion, les sommes annuellement nécessaires à l'entretien de celle-ci et au remboursement des frais d'administration de ses biens » et en informe le conseil de famille ou, à défaut le juge. Les intérêts du majeur protégé ou du mineur sont sauvegardés par la mention de l'article 452 du code civil selon laquelle les actes autorisés à l'administrateur ne peuvent emporter ni paiement ni encaissement de somme d'argent par ou pour la personne protégée.

La conclusion d'un contrat de gestion des valeurs mobilières et d'instruments financiers peut être considérée comme un acte ne nécessitant pas d'autorisation du juge des tutelles, sachant qu'aucune autorisation n'est aujourd'hui requise pour sa résiliation.

Compte tenu de la responsabilité du notaire en charge de la succession et de son devoir de conseil, l'autorisation du juge des tutelles pour permettre au tuteur d'accepter purement et simplement une succession lorsque le passif dépasse manifestement l'actif ne constitue pas une garantie nécessaire du respect des droits de la personne protégée. En effet, le juge ne peut autoriser l'acceptation qu'au vu d'un état provisoire de la succession et en pratique, les juges des tutelles exigent soit une déclaration de succession soit une attestation du notaire pour apprécier si l'actif dépasse manifestement le passif. Une attestation notariée en date de l'autorisation suffit donc à préserver les droits du majeur protégé.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif poursuivi est ainsi celui de recentrer l'institution judiciaire sur les questions nécessitant la prudence et l'autorité du juge. Certaines autorisations du juge apparaissent aujourd'hui superfétatoires au regard de l'intervention d'un professionnel, qui est déjà astreint à une obligation de conseil renforcée à l'égard d'une personne protégée (notaire pour le partage amiable et l'acceptation d'une succession, professionnel financier pour la gestion des valeurs mobilières ou des instruments financiers). A droit constant, les droits de la personne protégée sont garantis par la mise en jeu possible de la responsabilité du tuteur ou du curateur et la responsabilité du professionnel cocontractant.

3. DISPOSITIF RETENU

La proposition de réforme réserve le cas où il existe une opposition d'intérêts, le juge devant alors être saisi pour autoriser ou refuser le recours au mode amiable de partage, le cas échéant avec la possibilité de désigner un tuteur ad hoc pour procéder à cette opération.

L'autorisation préalable du juge des tutelles est supprimée pour :

- le recours au partage amiable sauf en présence d'un conflit d'intérêts (article 507 du code civil) ou l'acceptation d'une succession échue lorsque l'actif dépasse manifestement le passif (article 507-1 du code civil) ;

- l'intégration dans le budget de la rémunération des administrateurs particuliers désignés par le tuteur, cette rémunération devant relever de la seule responsabilité du tuteur au regard des diligences effectuées (article 500, alinéa 2 du code civil) ;

- la conclusion d'un contrat de gestion des valeurs mobilières, le tuteur étant compétent pour déterminer si ce contrat est nécessaire (article 500, alinéa 3 du code civil).;

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Diverses dispositions du code civil sont modifiées concernant les majeurs sous tutelle.

Ces modifications s'appliqueront aux mineurs sous tutelle, par renvoi des articles 401 et 408 du code civil aux dispositions du titre XII.

Enfin, en ce que les dispositions du partage amiable en présence d'un majeur protégé sont modifiées, il y a lieu par coordination de modifier le texte concerné pour les présumés absents, c'est-à-dire l'article 116 du code civil.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Le nombre de saisines des juges des tutelles va nécessairement diminuer. Toutefois il est difficile d'évaluer cet impact car :

- il n'existe pas a priori de données permettant d'identifier le nombre des mesures visées par les nouvelles dispositions ;

- en outre, s'agissant des magistrats, la charge de travail des juges des tutelles est évaluée à partir du nombre de dossiers en cours et non du nombre de saisines.

S'agissant des fonctionnaires, il faudrait 2 000 saisines en moins en matière de gestion patrimoniale pour économiser environ un ETPT.

4.3. IMPACTS SOCIAUX

Les actes patrimoniaux concernés par la déjudiciarisation seront plus rapides et les démarches seront simplifiées, sans risque pour la bonne protection des intérêts de la personne sous tutelle.

5. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Les dispositions seront d'application immédiate et entreront en vigueur au lendemain de la publication de la loi conformément à l'article 1 er du code civil.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Cet article est applicable de plein droit en Guadeloupe, à La Réunion, en Martinique, en Guyane, à Mayotte, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Plus précisément, en vertu de l'article LO 6213-1 du code général des collectivités territoriales, les dispositions législatives et réglementaires sont également applicables de plein droit à Saint-Barthélemy, à l'exception de celles intervenant dans les matières de la compétence de la collectivité en application de l'article LO 6214-3 du même code parmi lesquelles ne figurent pas les régimes matrimoniaux. Il en est de même pour Saint-Martin en application des articles LO 6313-1 et LO 6314-3 du code général des collectivités territoriales, et pour Saint-Pierre et Miquelon conformément aux articles LO 6413-1 et LO 6414-1 du code général des collectivités territoriales.

Également, en Polynésie française, l'état et la capacité des personnes relève de la compétence de l'Etat. En vertu du 4° de l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, cette matière est applicable de plein droit en Polynésie française.

Il en est de même dans les îles Wallis et Futuna en application des dispositions combinées des articles 1er et 3 de la loi n° 70-589 du 9 juillet 1970 relative au statut civil de droit commun dans les territoires d'outre-mer.

Le cas est identique dans les TAAF où la compétence de l'Etat est applicable de plein droit en vertu du 4° de l'article 1-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de Clipperton.

En revanche, cette disposition ne peut être étendue en Nouvelle-Calédonie en raison de sa compétence propre en la matière.

Article 9 : Confier la gestion des fonds issus de la saisie des rémunérations et des sommes consignées dans le cadre d'une expertise à la Caisse des dépôts

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

Tout créancier bénéficiant d'un titre exécutoire peut demander au juge d'instance d'ordonner la saisie des rémunérations de son débiteur. S'il y fait droit, l'employeur du débiteur doit prélever chaque mois, sur son salaire, une somme dont le montant est fixé par décret. Lorsqu'il n'y a qu'un seul créancier, l'employeur lui verse directement la somme ainsi saisie. En cas de pluralité de créanciers, il n'appartient pas à l'employeur de calculer la somme revenant à chacun d'entre eux. Aussi, le code du travail prévoit-il dans cette hypothèse qu'il verse chaque mois la somme saisie au régisseur du tribunal d'instance qui répartit périodiquement les fonds entre les créanciers selon les règles de répartition fixées par les articles L. 3252-8 et D. 3252- 34-1 du code du travail. En 2016, les régisseurs des tribunaux d'instance ont ainsi traité 129 697 procédures de saisie des rémunérations et géré à leur titre environ 211,5 M€, outre 46 439 demandes d'intervention dans des procédures en cours. La balance annuelle des comptes de l'ensemble des tribunaux d'instance au titre des saisies des rémunérations s'élevait à près de 168 M€ au 31 décembre 2017. Le nombre total de saisies des rémunérations en cours atteignait 359 634 affaires au 31 décembre 2016 (dossiers comptant un ou plusieurs créanciers).

Par ailleurs, lorsqu'un magistrat du tribunal de grande instance ou du tribunal d'instance ordonne une expertise, les sommes versées par les parties à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert sont consignées sur le compte de la régie du tribunal auquel il appartient conformément à l'article R. 123-24, 5° du code de l'organisation judiciaire. Le montant des sommes consignées à la fin de l'année 2017 s'élevait à près de 209 M€.

Pour permettre la gestion de ces fonds, une régie d'avances et de recettes est constituée auprès de chaque tribunal de grande instance et de chaque tribunal d'instance (article R. 123-20 du code de l'organisation judiciaire). Il s'agit d'un mode de gestion particulier des deniers publics, dérogatoire au principe de séparation des ordonnateurs et des comptables selon lequel le comptable est seul habilité à détenir et à manier les deniers publics, à l'exclusion de l'ordonnateur. Le régisseur, qui est habilité à encaisser certaines recettes et/ou à effectuer certaines dépenses à partir d'avances de fonds faites par le comptable, est en effet nommé par l'ordonnateur. Dans les tribunaux d'instance, il s'agit d'un fonctionnaire du tribunal, et non d'un comptable. Cette situation pose les difficultés suivantes :

- faible formation des greffiers régisseurs, qui ne maîtrisent pas toujours les règles de la comptabilité publique ;

- faible vivier de greffiers acceptant d'assurer cette tâche : les fonctions de régisseur sont incompatibles avec celles de directeur de greffe (article R. 123-21 du code de l'organisation judiciaire) et de greffier chargé de la gestion des saisies des rémunérations, et la fonction de régisseur est financièrement peu attractive au regard de la responsabilité pécuniaire personnelle du régisseur ; dans les petits tribunaux d'instance, il est ainsi souvent difficile de trouver une personne susceptible statutairement d'assurer ces fonctions et l'acceptant.

Ces difficultés sont accrues par la charge de travail globale des greffes qui ne permet pas toujours au régisseur d'accomplir l'ensemble des tâches qui lui sont confiées. Les tribunaux d'instance dans lesquels les sommes détenues en régie au titre des saisies des rémunérations ne sont pas réparties tous les six mois, comme cela est pourtant prévu par l'article R. 3252-34 du code du travail, mais selon des périodicités plus longues. Cette situation pénalise les créanciers, mais aussi les débiteurs lorsque la saisie se poursuit au-delà du montant fixé par le juge. C'est pourquoi il est nécessaire de ne plus confier ces tâches aux greffiers régisseurs.

1.2. CADRE CONVENTIONNEL

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le présent article de loi a pour objet d'organiser une gestion plus rigoureuse des fonds qu'il vise. A cette fin, la réception, la gestion et la répartition des sommes versées par le tiers saisi au titre des saisies des rémunérations du travail, ainsi que la réception et le reversement des sommes consignées dans le cadre d'une expertise judiciaire, doivent être confiées à un professionnel dont les qualités comptables permettront d'améliorer le service rendu aux justiciables en ces matières.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les missions de la Caisse des dépôts et consignations sont prévues par l'article 2 de l'ordonnance du 3 juillet 1816, qui a valeur législative. Elles comprennent la réception et le reversement des sommes versées à titre de consignation, pour laquelle elle dispose d'un monopole, mais ne permettent pas de lui confier une mission en matière de saisie des rémunérations. Une disposition législative est donc nécessaire pour élargir ses missions.

En outre, il résulte de l'article L. 518-23 du code monétaire et financier que les fonds reçus par la Caisse des dépôts et consignations sur des comptes de dépôt ainsi qu'au titre des consignations de toute nature sont rémunérés. Toute dérogation à ce principe impose une disposition législative.

La déjudiciarisation de la gestion des fonds reçus en matière de saisie des rémunérations et d'expertise impose la mise en place d'outils de gestion élaborés, notamment informatiques, afin d'assurer une transmission rapide, fiable et sécurisée des informations entre les tribunaux et la Caisse des dépôts et consignations. Ce projet ne peut être mené qu'au terme d'une concertation fine tenant compte des possibilités et des besoins du ministère de la justice et de la Caisse des dépôts et consignations. C'est pourquoi la réforme sera effectuée au moyen d'une ordonnance prise sur habilitation, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1.1 Option écartée

Il a été envisagé de permettre au Gouvernement de confier la réception, la gestion et la répartition des sommes versées par le tiers saisi au titre des saisies des rémunérations du travail, ainsi que la réception et le reversement des sommes consignées dans le cadre d'une expertise ordonnée par le tribunal de grande instance, à un ou plusieurs prestataires de services bancaires autres que la Caisse des dépôts et consignations.

Cette option a été écartée pour les saisies des rémunérations en raison d'une part des conflits d'intérêts qui n'auraient pas manqué de survenir fréquemment lorsque le prestataire chargé de la gestion des fonds perçus au titre de la saisie des rémunérations aurait été parallèlement créancier saisissant du débiteur, et d'autre part des missions qui sont déjà confiées à la Caisse des dépôts et consignations, et en particulier du fait que les fonds issus des saisies des rémunérations sont déjà versés par le régisseur du tribunal d'instance sur un compte ouvert auprès d'elle en application de l'article R. 3252-10 du code du travail.

Cette option a été écartée pour les fonds consignés pour le paiement des expertises ordonnées par le tribunal de grande instance au regard du monopole dont bénéficie la Caisse des dépôts et consignations pour recevoir et reverser les consignations, en application des articles 2, 14° de l'ordonnance du 3 juillet 1816 et L. 518-23 du code monétaire et financier.

3.1.2 Dispositif retenu

Au regard des missions qui sont déjà les siennes (article 2 de l'ordonnance du 3 juillet 1816 relative aux attributions de la Caisse des dépôts et consignations) et conformément à la proposition en ce sens du groupe de réflexion sur l'amélioration et la simplification de la procédure civile, la possibilité de confier la gestion de ces sommes à la Caisse des dépôts et consignations a été retenue dans le cadre de la présente habilitation.

S'agissant des saisies des rémunérations, ce choix permettra aux juridictions et aux parties d'avoir un interlocuteur unique qui ne sera pas sujet à conflit d'intérêts.

Ce choix permettra par ailleurs d'unifier le régime applicable aux consignations pour expertise ordonnées par les tribunaux de grande instance. Celles-ci sont en effet déjà versées à la Caisse des dépôts et consignations en l'absence de régie constituée auprès de la juridiction qui ordonne l'expertise, comme c'est le cas pour les tribunaux du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle ainsi que pour les Conseils de prud'hommes.

4. ANALYSE DES IMPACTS DE LA DISPOSITION ENVISAGÉE

L'analyse précise des incidences de la mesure envisagée sera effectuée dans la fiche d'impact retraçant les dispositions de l'ordonnance prise sur le fondement de la présente habilitation. Néanmoins, il peut d'ores et déjà être fait état des impacts suivants :

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

La réforme de la gestion des fonds issus de la saisie des rémunérations et des sommes consignées dans le cadre d'une expertise devra respecter l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, selon lequel :

« 1. Les Etats membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus.

« 2. Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de l'Union.

« 3. La Commission veille à l'application des dispositions du présent article et adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux États membres . »

Enfin, le transfert de la gestion des fonds issus de la saisie des rémunérations et des sommes consignées dans le cadre d'une expertise pourra conduire à la modification, par ordonnance, de l'ordonnance du 3 juillet 1816 relative aux attributions de la Caisse des dépôts et consignations créée par la loi du 28 avril 1816 et du code monétaire et financier.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Le transfert à la Caisse des dépôts et consignations de la gestion des fonds issus de la saisie des rémunérations et des sommes consignées dans le cadre d'une expertise devrait permettre de recentrer l'activité des greffes sur la répartition des sommes et non plus sur le respect des normes comptables. Les saisies de rémunérations ont donné lieu à 430 000 dossiers de répartitions en 2016 14 ( * ) . La mesure visant à confier la gestion des fonds à la Caisse des dépôts pourrait générer un gain maximum de 140 ETPT de fonctionnaires. Mais ce transfert devra être accompagné par une adaptation des outils informatiques. C'est pourquoi, l'économie d'emplois ne pourra être constatée qu'en fin de quinquennat et montera en puissance progressivement, du fait de la période transitoire à prévoir où seuls les nouveaux dossiers seront transférés.

4.1. IMPACTS INFORMATIQUES

Cette réforme aura des impacts informatiques. Les travaux à mener par le ministère de la justice, notamment pour mettre en place une interopérabilité entre les logiciels de traitement des saisies-rémunération (SATI) et la Caisse des dépôts, à l'instar de ce qui existe aujourd'hui avec le logiciel des régies (REGINA) doivent être précisément évalués avant de s'engager sur une date de réalisation. De son côté, la Caisse des dépôts est en charge d'évaluer l'impact de la mise en oeuvre de cette loi sur son propre système d'information. En tout état de cause, ce chantier majeur ne saurait être conduit en moins de deux années.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

4.2.1 Impacts sur les entreprises

Pour estimer la volumétrie des opérations réalisées et transférées à la Caisse des dépôts et consignations, la méthode suivante a été retenue. En partant du montant global des sommes réparties en 2016 sur les 20 tribunaux d'instance parisiens, une extrapolation sur le plan national est réalisée en reliant ce montant au pourcentage d'activité "saisies-rémunération" que représentent les juridictions parisiennes par rapport au plan national.

Ainsi, 129 697 procédures ont été réalisées en 2016, dont 3 480 procédures sur les 20 tribunaux d'instance parisiens, ce qui représente 2,7 % de l'activité nationale. Ces juridictions parisiennes ont procédé à la répartition de 5,7 M€ sur la même année, ce qui, projeté au plan national, représenterait un volume estimatif de 211 M€.

L'ordonnance déterminera les conditions dans lesquelles les prestations de la Caisse des dépôts et des consignations pourront être rémunérées. Il pourrait notamment être envisagé qu'elle soit rémunérée sur les produits financiers générés par les sommes saisies.

4.2.2 Impacts sur les particuliers

Ce transfert devrait à terme améliorer les délais de répartition dans les tribunaux d'instance au sein desquels les sommes détenues en régie au titre des saisies des rémunérations ne sont pas réparties tous les six mois, comme cela est pourtant prévu par l'article R. 3252-34 du code du travail.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. CONSULTATIONS OBLIGATOIRES

Le comité technique des services judiciaires a été consulté le 4 avril 2018 et a émis un vote défavorable.

5.2. CONSULTATIONS FACULTATIVES

Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières a été consulté le 12 avril 2018 et a rendu un avis favorable.

5.3. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

La technicité des dispositions à adopter justifie le recours à une habilitation. Le délai proposé de douze mois permettra de porter une attention particulière à l'ensemble des mesures concernées et ainsi de disposer à son expiration d'une rédaction totalement consolidée. Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois suivant la publication des ordonnances prises.

5.4. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Les conditions d'application de la réforme sur le territoire national, dans les collectivités d'outre-mer et dans les départements d'outre-mer seront déterminées par l'ordonnance prise sur l'habilitation du Parlement.

Article 10 - 1 ère partie : Moderniser les conditions de délivrance des apostilles et des légalisations

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

Les actes publics français (actes d'état civil, jugements, diplômes, extraits de casier judiciaire, extraits Kbis, certificats de libre vente ou d'exportation, etc.), pour pouvoir circuler à l'étranger, doivent faire préalablement l'objet, hors cas de dispense, d'une légalisation ou d'une apostille, afin d'établir la véracité de la signature ainsi que la qualité de leur signataire. La détermination de la formalité à effectuer est fonction du pays de destination de l'acte public.

La légalisation est une formalité qui découle de la coutume internationale et qui s'impose pour la circulation internationale de tout acte public, hors convention internationale contraire. La légalisation d'un acte public français destiné à être produit à l'étranger se fait en deux temps :

1) légalisation par le ministère des affaires étrangères (bureau des légalisations), qui permet d'attester de la signature de l'auteur de l'acte ;

2) légalisation par l'ambassade ou le consulat de l'Etat étranger sur le territoire duquel l'acte doit produire ses effets (attestation de l'authenticité du cachet du ministère de l'Europe et des affaires étrangères).

Pour les actes publics français, notamment les actes d'état civil, les administrations publiques et les organismes contrôlés par l'Etat ne peuvent exiger la légalisation ou la certification matérielle des signatures apposées par les autorités françaises sur les pièces qui leur sont remises ou présentées en vertu de l'article113-5 du code des relations entre le public et l'administration, sauf exception (consentement à mariage des père et mère ou aïeuls et aïeules devant être produit aux autorités étrangères).

Pour les actes publics étrangers, le principe de légalisation résultait, en droit interne, de l'ordonnance touchant la marine du mois d'août 1681 qui a été abrogée par l'ordonnance n°2006-460 du 21 avril 2006 ratifiée par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009. Toutefois, ce principe reste applicable car la Cour de cassation a retenu la coutume internationale comme source du principe exigeant la légalisation des actes étrangers 15 ( * ) . Or s'agissant d'une source internationale de droit, elle a une valeur supérieure à celle d'une norme interne et s'impose donc sur toute interprétation d'une disposition du code civil.

L'apostille, prévue par la convention de la Haye du 5 octobre 1961, est une formalité allégée unique : elle consiste, après la vérification de la qualité, du sceau et de la signature de l'auteur de l'acte, en l'apposition sur l'acte lui-même d'un timbre, l'« apostille », conforme à un modèle annexé à la convention. Cet acte peut ensuite être produit dans l'Etat étranger partie à la convention.

Ainsi, chaque année, en France, environ 230 000 actes publics (destinés à être produits à l'étranger sont apostillés par les parquets généraux et 130 000 légalisés par le bureau des légalisations du ministère des affaires étrangères. Ces formalités, effectuées quasi exclusivement manuellement à partir de registres de signatures « papier », ne sont plus adaptées aux actes électroniques et ne répondent plus aux attentes des particuliers comme des entreprises. Le système présente en outre des lacunes puisque les registres de signatures à vérifier ne sont pas systématiquement actualisés, ce qui conduit souvent à une absence de contrôle effectif des actes.

1.2. CADRE CONVENTIONNEL

La convention de la Haye supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers du 5 octobre 1961 prévoit que l'apostille est délivrée par l'autorité compétente de l'Etat requis (article 3). Chaque Etat contractant désigne les autorités prises ès qualité auxquelles est attribuée compétence pour délivrer l'apostille et notifie toute modification dans la désignation de ces autorités au Ministère des affaires étrangères des Pays-Bas, dépositaire de la Convention (article 6). La France est donc libre de modifier les autorités à qui elle entend confier la délivrance de l'apostille, sous réserve d'une notification en temps utile au dépositaire.

La France a également ratifié de nombreuses conventions qui emportent dispense de légalisation des actes de l'état civil : conventions de la Commission internationale de l'état civil n°2 et 17, nombreuses conventions bilatérales portant dispenses de légalisation (Protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962, accord franco-béninois du 27 février 1975, accord franco-camerounais du 21 février 1974, accord franco-centrafricain du 18 janvier 1965, convention franco-congolaise du 1 er janvier 1974...).

La Commission européenne dans son livre vert relatif à la libre circulation des documents publics et à la reconnaissance des effets des actes de l'état civil publié le 14 décembre 2010 a relevé également que « les formalités administratives telles que la légalisation et l'apostille des documents publics dans les États membres de l'Union sont caractérisées par un cadre juridique fragmenté entre plusieurs sources: des droits nationaux très différents les uns des autres; de nombreuses conventions internationales multilatérales ou bilatérales, qui ont été ratifiées par un nombre à la fois varié et limité de pays [...]. Il en résulte une absence de clarté et une réglementation qui n'offre pas la sécurité juridique que les citoyens européens peuvent attendre face à des questions qui ont un impact direct sur leur vie quotidienne. »

Enfin, le Règlement de l'Union européenne dit « légalisation des documents publics », adopté le 6 juillet 2016, permet de dispenser de légalisation et d'apostille les certains documents publics (actes d'état civil et relevés de casier judiciaires vierges principalement). L'Etat de réception du document public doit informer le citoyen que l'apostille ou la légalisation n'est pas nécessaire. En cas de « doute raisonnable » en ce qui concerne l'authenticité des actes de l'état civil, une demande d'information peut être faite par l'intermédiaire d'une plateforme dédiée. Le règlement s'appliquera à partir du 16 février 2019.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

En ce qui concerne les apostilles, l'effet recherché est de décharger les parquets généraux d'une tâche purement administrative et chronophage, conformément à leur demande. Pour les usagers, la déjudiciarisation de la délivrance des apostilles devrait également faciliter les démarches.

S'agissant de la légalisation des documents publics qui repose sur la coutume internationale, laquelle est évolutive, la Cour de cassation rappelle chaque année dans ses rapports, depuis 2009, la nécessité de rétablir dans la loi l'exigence de légalisation des actes publics étrangers. Il est donc opportun de réintroduire dans la loi française le principe de la légalisation des actes publics étrangers, dans la mesure où il a été abrogé par erreur dans le cadre d'une loi de simplification.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La réforme à venir relative à la compétence des parquets généraux en matière d'apostille et du ministère des affaires étrangères français en matière de légalisation pourrait à la fois toucher les autorités compétentes ainsi que les circuits des procédures d'authentification, dans la mesure où ces procédures touchent à la force probante même des actes en cause, laquelle relève de la loi. Une disposition législative est donc nécessaire.

La réforme de la délivrance des apostilles et de la légalisation des documents publics devra s'accompagner d'une modernisation des procédures et impose une évaluation des moyens nécessaires à cette modernisation, ainsi qu'une concertation avec les autorités non judiciaires et les officiers publics et ministériels à qui cette délivrance est susceptible d'être déléguée. C'est pourquoi la réforme sera effectuée au moyen d'une ordonnance prise sur habilitation, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution.

Le rétablissement du principe de légalisation dans la loi permettrait de surcroît d'assurer une certaine sécurité juridique et une meilleure lisibilité de la loi nécessaires tant pour les usagers que pour les administrations.

3. DISPOSITIF RETENU

Les modalités de la réforme de la délivrance de l'apostille n'ont pas encore été arrêtées. Une mission conjointe de l'inspection du ministère de la justice et du ministère des affaires étrangères est en cours. Il lui a notamment été demandé de réfléchir à la possibilité que ces formalités puissent s'effectuer en ligne, via un guichet unique, et éventuellement déléguées, totalement ou partiellement, à des autorités non judiciaires ou aux officiers publics et ministériels. Les différentes options de modernisation devront être présentées dans le courant du mois d'avril2018.

Concernant le principe de légalisation, il est proposé de reprendre la définition de la légalisation issue du droit international 16 ( * ) et reprise en droit interne 17 ( * ) comme la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Les actes publics concernés et les modalités de la légalisation sont renvoyés à un décret pris en Conseil d'Etat.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

Les différents impacts - sociaux, économiques et financiers, - seront développés à la lumière des contours définitifs de l'ordonnance qui sera prise sur le fondement de la présente habilitation. Il peut néanmoins d'ores et déjà être avancé les éléments suivants :

4.1. S'AGISSANT DE L'APOSTILLE

4.1.1 Les apostilles ont représenté 232 239 délivrances d'actes en 2016.En fonction de l'option retenue (délégation partielle ou totale de la délivrance de l'apostille), les services des parquets généraux près les cours d'appels seront partiellement ou totalement déchargés de la délivrance des apostilles.

4.1.2 En outre, le projet de délivrance des apostilles en ligne via un guichet unique n'est pas intégré dans les feuilles de route des applications civiles existantes ou à venir à court terme. Ce projet de délivrance des apostilles en ligne est cependant identifié au titre des besoins pour la justice civile dans le cadre du schéma directeur numérique ministériel.

La gestion des apostilles, si elle restait confiée en tout ou partie aux parquets généraux, pourrait être intégrée dans le portail des juridictions version cour d'appel dont le déploiement n'interviendra pas avant 2020.

Les entreprises se verront offrir un service moderne et rapide de délivrance des apostilles lorsqu'elles souhaitent investir à l'étranger. L'apostille est en revanche susceptible d'être rendue payante.

Les particuliers pourront effectuer leur demande de délivrance de l'apostille de manière dématérialisée, sans avoir besoin de solliciter les différentes cours d'appel concernées par les actes dont l'apostille est nécessaire (par exemple : la cour d'appel du lieu de naissance et celle dans le ressort de laquelle se trouve l'université qui a délivré un diplôme). L'apostille est en revanche susceptible d'être rendue payante.

4.2. S'AGISSANT DE LA LÉGALISATION DES ACTES PUBLICS

Afin de décharger les autorités compétentes de leur compétence en matière de légalisation, il conviendra de prévoir, par des dispositions réglementaires, les actes publics concernés par la légalisation et les modalités de la légalisation. Le décret n° 2007 - 1205 du 10 août 2007 relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères, des ambassadeurs et des chefs de poste consulaire en matière de légalisation d'actes sera modifié et recentré sur les modalités de la légalisation.

4.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

La réforme relative à l'apostille et à la légalisation pourra s'appliquer dans les collectivités d'outre-mer et dans les départements d'outre-mer sans difficulté.

Dans les collectivités régies par le principe de spécialité législative, ces dispositions seront applicables de plein droit en raison de leur objet :

- pour la Polynésie française en application de l'article 7 in fine de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- pour la Nouvelle Calédonie en application de l'article 6-2 in fine de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- pour Wallis-et-Futuna en application de l'article 4, a) de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer.

En revanche, s'agissant du II, ces dispositions sont sans objet en Polynésie française, en Nouvelle Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le Conseil supérieur du notariat et la Chambre nationale des huissiers de justice ont été consultés.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

La réforme relative à l'apostille et à la légalisation interviendra par ordonnance, que le Gouvernement est autorisé à prendre dans un délai de douze mois à compter de la date de publication de la présente loi.

Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois suivant la publication des ordonnances prises.

5.3. .MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Les conditions d'application de la réforme sur le territoire national, dans les collectivités d'outre-mer et dans les départements d'outre-mer seront déterminées par l'ordonnance prise sur l'habilitation du Parlement.

Un décret en Conseil d'État précisera les actes publics concernés par la mesure envisagée et déterminera les modalités de la légalisation.

Article 10 - 2 ère partie : Décharger les parquets généraux de leur compétence en matière d'obligation d'émettre un avis dans des procédures de changement irrégulier d'usage d'un local

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

L'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation prévoit que dans certaines grandes villes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable.

Initialement, l'article L. 651-2 du même code attribuait au seul ministère public la compétence pour mettre en oeuvre les procédures ayant pour objet d'assurer la remise en usage de logement des locaux irrégulièrement transformés.

Modifié par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, l'article L. 651-2 donne désormais compétence aux maires ou à l'Agence nationale de l'habitat pour engager ces procédures, en qualité de partie principale. Ils connaissent en effet les locaux concernés et ont intérêt au premier chef à engager ces procédures, afin d'augmenter l'offre de logement, dans les zones où le marché est tendu.

L'article L. 651-2 prévoit néanmoins encore que le procureur de la République doit produire des conclusions, quand une amende civile est prononcée par la juridiction à la demande du pas nécessaire.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

Modifier la loi relative à l'obligation d'émettre un avis dans des procédures de changement irrégulier d'usage d'un local vise à décharger les parquets d'une attribution qui ne présente plus d'utilité pour la mise en oeuvre de ces procédures.

En effet, les mairies et l'Agence nationale de l'habitat peuvent désormais saisir directement les juridictions, par le biais d'un avocat, et solliciter la remise en état des locaux irrégulièrement transformés, y compris sous astreinte, ainsi que le prononcé d'une amende civile. L'intervention obligatoire du ministère public n'apparaît donc plus nécessaire dans ces procédures.

3. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

3.1. IMPACTS JURIDIQUES

Afin de décharger le ministère public de l'obligation de communiquer son avis dans les procédures de changement irrégulier d'usage de locaux d'habitation, il est nécessaire de modifier l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation.

3.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Il n'y a pas de statistiques au niveau national permettant de déterminer avec précisions le nombre de procédures engagées sur le fondement de l'article L. 652-1 du code de la construction et de l'habitation.

D'après les éléments recueillis auprès du Parquet du tribunal de grande instance de Paris, le nombre de procédures a largement augmenté depuis l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 18 novembre 2016, ces procédures étant désormais à l'initiative des mairies et de l'Agence nationale de l'habitat, non plus à l'initiative du Parquet. Ce nombre reste cependant limité (environ une centaine de procédures par an pour cette seule juridiction).

En tout état de cause, la mesure envisagée entend décharger le Parquet d'une tâche limitée et devenue accessoire, ce qui concourt à la modernisation de notre justice.

4. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

4.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le Conseil supérieur du notariat et la Chambre nationale des huissiers de justice ont été consultés.

4.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

La disposition relative à la décharge du parquet de l'obligation d'émettre un avis dans des procédures de changement irrégulier d'usage d'un local entrera en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal Officiel. Afin d'éviter toute difficulté concernant les procédures en cours, il est prévu que les dispositions nouvelles s'appliquent aux procédures introduites à compter de l'entrée en vigueur de la loi.

4.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

En application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, la procédure d'autorisation de changement d'usage ne concerne que les « communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ». Seuls les parquets comprenant dans leur ressort territorial ces communes sont donc concernés. Sous cette réserve, les modifications apportées à l'article L. 651-2 seront applicables en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin.

Elles ne seront pas applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon (article L. 661-1 al. 2 du même code), à la Polynésie française (article L. 662-1 du code) ni à la Nouvelle-Calédonie.

Article 11 : Simplification de la méthode de régulation des tarifs réglementés de certains professionnels du droit

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

* L'article 50 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a instauré un nouveau dispositif de régulation tarifaire de sept professions règlementées du droit (administrateurs judiciaires, avocats pour les prestations de postulation, commissaires-priseurs judiciaires, greffiers des tribunaux de commerce, huissiers de justice, mandataires judiciaires et notaires), basé sur le principe d'orientation des tarifs vers les coûts. La loi a codifié ce nouveau dispositif aux articles L. 444-1 et suivants du code de commerce. Les tarifs de ces professionnels prennent désormais en compte les coûts pertinents et une rémunération raisonnable tout en permettant une péréquation des tarifs applicable à l'ensemble des prestations servies par la profession concernée (article L. 444-2 du code de commerce). Cette méthode de régulation tarifaire est directement issue des recommandations de l'Inspection Générale des Finances dans son rapport de 2013 sur les professions réglementées ainsi que de celles de l'Autorité de la concurrence, dans son avis 15-A-02 du 9 janvier 2015 relatif aux questions de concurrence concernant certaines professions réglementées.

Pris en application de cette loi, le décret n° 2016-230 du 26 février 2016 est venu préciser, d'une part, les modes d'évaluation des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable et, d'autre part, les caractéristiques de la péréquation. Par ailleurs, l'article 12 du décret du 26 février 2016 précité a autorisé le gouvernement, dans l'attente du recueil des données économiques nécessaires, à fixer provisoirement les tarifs à partir de ceux applicables avant l'entrée en vigueur du décret dans la limite d'une variation de 5 %. Cette mesure transitoire a permis au gouvernement de tarifer les prestations des professionnels du droit concernés selon une méthode globale de prise en compte des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable, sur la base du taux de rentabilité moyen de la profession concernée.

* Les professionnels du droit peuvent en outre consentir des remises lorsque le tarif de la prestation est fixé proportionnellement à la valeur du bien ou du droit en cause et lorsque l'assiette de ce tarif est supérieure à un seuil défini par arrêté. Le taux des remises ainsi octroyé est fixe, identique pour tous et compris dans des limites définies par voie règlementaire. Pris en application de la loi « croissance et activité » du 6 août 2015, le décret n°2016-230 du 26 février 2016, codifié au Titre IV bis du Livre IV du code de commerce, est venu préciser les modalités de mise en oeuvre des remises consenties par les professionnels du droit. L'article R. 444-10 du code de commerce dispose ainsi que le taux de remise que peut consentir un professionnel ne peut excéder 10% du montant de son émolument, cette limite étant portée à 40% pour l'immobilier d'entreprise, l'immobilier commercial et industriel et dans le secteur des logements sociaux. S'agissant des notaires, l'article A. 444-174 du code de commerce prévoit que la remise de 10% est applicable à la part d'émolument calculée sur les tranches d'assiette supérieures ou égales à 150 000€, et que la remise de 40% est applicable à la part d'émolument calculée sur les tranches d'assiette supérieures ou égales à 10 millions d'euros.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

La mesure vise deux objectifs, clarifier le mode de fixation des tarifs et modifier le mode de détermination des remises pour certaines prestations.

* Tout d'abord, la mesure est nécessaire pour assurer une meilleure lisibilité du droit, et pour lever tout risque juridique concernant les tarifs des professionnels du droit au regard de l'interprétation que fait le Conseil d'Etat du dispositif de régulation tarifaire. Saisi de plusieurs recours contre le décret du 26 février 2016 précité contestant la possibilité pour le Gouvernement d'arrêter des tarifs selon une méthode globale de prise en compte des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable, le Conseil d'État par un arrêt du 24 mai 2017, a rejeté ces recours et a clarifié le fait que les dispositions de l'article L. 444-2 du code de commerce, éclairées par les travaux parlementaires, ont entendu permettre que, par dérogation à la méthode de tarification acte par acte, les tarifs peuvent être fixés en tenant compte d'une péréquation entre les prestations en cause dès lors qu'elle a pour effet de garantir une rémunération raisonnable globale aux professionnels concernés.  Toutefois, le 16 février 2016, lors de l'examen du projet de décret, la section de l'intérieur avait considéré que l'intention du législateur était de rapprocher chaque tarif des coûts réels de chaque prestation de manière à prévenir une rémunération excessive, assimilable à une rente. Cette interprétation est de surcroît rappelée dans le rapport du Conseil d'Etat pour l'année 2016.

Deuxièmement, une tarification acte par acte impose que soit mise en place une comptabilité analytique complète dans l'ensemble des offices ou études, avec une mesure précise du temps passé par les professionnels pour chacune de leurs prestations afin de déterminer les coûts pertinents de chacune d'entre elles. Les instances professionnelles ont souligné que la mise en place d'une comptabilité analytique représenterait un coût très élevé pour les professionnels, en particulier pour les petites structures qui constituent l'essentiel de la profession et nécessiterait en particulier de lourds investissements financiers informatiques, et une formation spécifique des personnels.

Il est donc nécessaire d'apporter une clarification au sujet de l'articulation des principes de régulation des tarifs des professions du droit codifiés aux articles L. 444-1 et suivants du code de commerce par l'article 50 de la loi « croissance et activité » du 6 août 2015 afin de renforcer la sécurité juridique du dispositif de régulation tarifaire qui permet de fixer les tarifs à partir de la rentabilité globale des professionnels, et d'éviter ainsi tout contentieux s'agissant de la méthode utilisée pour réguler les tarifs. Il convient dès lors de préciser que la prise en compte des coûts pertinents, de la rémunération raisonnable, et de la péréquation entre les tarifs se traduit pas un objectif de taux de résultat moyen pour l'ensemble des prestations servies par la profession concernée.

* Le deuxième objectif visé par la mesure concerne une amélioration du mode de fixation des remises pour certaines prestations. Le montant des émoluments du notaire est un élément important du choix de l'investisseur. Or, le caractère « fixe et identique pour tous » des remises, imposé par la loi, freine la fluidité de ces transactions et instaure une rigidité dans la négociabilité des remises consenties par le notaire. La remise majorée de 40% a considérablement renchéri la rémunération due aux notaires pour un grand nombre des actes concernés, dans des proportions très variables selon les actes. Il est rappelé en effet que dans le dispositif antérieur à la loi « Croissance et activité », lorsque le montant des émoluments afférents à un acte déterminé était supérieur à 80 000 euros, le notaire et son client pouvaient convenir d'une réduction, voire d'une renonciation, d'émoluments pour la partie de la rémunération dépassant ce seuil de 80 000€. La négociabilité des émoluments était donc possible pour des transactions supérieures à 10 millions d'euros. S'agissant de l'immobilier d'entreprise et de l'immobilier commercial et industriel, les notaires ont exprimé la crainte qu'une limitation excessive des remises ne dissuade les investisseurs de recourir à un Asset deal , plutôt qu'à un Share deal (pour lequel le recours à un notaire n'est pas requis). Le développement des share deals pourrait alors avoir un impact sur la sécurité des transactions, le risque de contournement du droit de préemption et les recettes fiscales tirées des droits de mutation. Dans le secteur des logements sociaux, les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales craignent que le caractère « fixe et identique pour tous » des remises n'entraîne un surcoût important pouvant affecter significativement leur budget. À partir d'exemples d'opérations portant sur des biens de valeur importante réalisées au 1 er trimestre 2016, alors que l'ancien tarif (avec la faculté de remise précédente) était encore applicable, le calcul des émoluments du notaire, (en appliquant le plafonnement de la remise à 40%) montre que le renchérissement des émoluments notariaux est significatif.

La mesure proposée vise à simplifier et fluidifier les conditions de négociation des émoluments entre les clients et les professionnels, afin de favoriser la diminution des émoluments très élevés perçus par ces derniers pour des prestations portant sur des biens d'une valeur importante La mesure proposée prévoit que, pour certaines prestations, et au-delà d'un montant d'émolument fixé par un arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre de l'économie, le professionnel et son client peuvent convenir du taux de remise applicable. Cette mesure, que les professionnels et les clients eux-mêmes appellent de leurs voeux, pourra notamment s'appliquer aux appels d'offres lancés par les clients institutionnels dans le cadre d'opérations immobilières relatives aux logements sociaux ou d'opérations poursuivant un objectif d'intérêt général.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'objectif poursuivi par la mesure vise à simplifier la méthode de fixation de la tarification applicable à certains officiers publics et ministériels et mandataires de justice et à modifier le mode de fixation des remises pour certaines prestations. L'article 34 de la Constitution prévoit que la loi détermine les principes fondamentaux du régime des obligations civiles et commerciales. L'encadrement de l'exercice des fonctions d'officier public et ministériel et des mandats de justice relève du seul niveau législatif.

3. DISPOSITIF RETENU

* Pour ce qui concerne la mesure relative au mode de détermination des tarifs, le projet a pour objet d'apporter une clarification à l'article L. 444-2 du code de commerce, au sujet de l'articulation des principes de régulation des tarifs des professions du droit codifiés aux articles L. 444-1 et suivants du code de commerce par l'article 50 de la loi « croissance et activité » du 6 août 2015. Le projet insère un alinéa après le deuxième alinéa de l'article L. 444-2 du code de commerce disposant que l'arrêté conjoint prévu à l'article L. 444-3 fixe les tarifs sur la base d'un objectif de taux de résultat moyen pour l'ensemble des prestations servies de chaque profession.  En outre, il précise au 1° de l'article L. 444-7 du code de commerce que cette prise en compte est faite sur la base des totaux annuels sur l'ensemble des prestations services par la profession concernée à partir d'agrégats de chiffres d'affaires et de résultats.

* Pour ce qui concerne la mesure relative à la modification du mode de détermination des remises, la mesure proposée a pour objet d'insérer un 5° à l'article L. 444-7 du code de commerce prévoyant que les conditions dans lesquelles, pour certaines prestations et au-delà d'un montant d'émolument, le professionnel et son client peuvent convenir du taux des remises, seront précisées par décret en Conseil d'État. Il est également prévu d'insérer à la dernière phrase du cinquième alinéa de l'article L. 444-2 du code de commerce une précision selon laquelle le caractère fixe et identique pour tous des remises consenties par le professionnel s'applique sans préjudice de la dérogation que constitue cette possibilité de négocier librement les remises dans certaines conditions.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉESS

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

En clarifiant et simplifiant le dispositif de régulation tarifaire des professionnels du droit, la mesure envisagée relative au mode de détermination des tarifs est de nature à garantir une meilleure conformité de la régulation des tarifs de ces professionnels aux principes que le législateur a entendu consacrer dans la loi « croissance et activité » du 6 août 2015. La mesure proposée nécessitera que soit modifié le décret du 26 février 2016 afin de préciser les modalités selon lesquelles les coûts pertinents et la rémunération raisonnable mentionnés au premier alinéa de l'article L. 444-2 sont évalués au regard de leurs totaux annuels sur l'ensemble des prestations servies par la profession concernée à partir d'agrégats de chiffres d'affaires et de résultats.

Pour ce qui concerne la mesure relative à la modification du mode de détermination des remises, la mesure proposée nécessitera également de modifier le décret du 26 février 2016 afin de préciser les modalités selon lesquelles des remises pourront être consenties d'un commun accord entre le professionnel et son client. Il s'agira précisément de fixer par voie règlementaire d'une part les prestations concernées par ce dispositif, et d'autre part l'assiette à partir de laquelle ces remises pourront être librement négociées.

4.2. IMPACTS SUR LES FINANCES PUBLIQUES

La mesure relative au mode de détermination des tarifs permettra de réduire la charge de travail des services des ministères de la justice et de l'économie en matière de régulation tarifaire des professions du droit. Elle réduit les coûts de collecte et de traitement des informations nécessaires à la régulation tarifaire. Elle n'induit aucune dépense budgétaire additionnelle.

La mesure relative à la négociabilité des remises est de nature à maintenir les transactions d'une valeur très importante dans le dispositif d' Asset deal , où la présence du notaire est requise, et par conséquent taxable au titre des droits de mutation. La mesure est de nature à maintenir le niveau des recettes fiscales tirées des droits de mutation perçus sur ces transactions. La mesure proposée n'induit en outre aucune dépense budgétaire additionnelle.

4.3. IMPACT ÉCONOMIQUES, FINANCIERS, SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX

4.3.1 Impacts sur les auxiliaires de justice

La mesure relative au mode de détermination des tarifs permettra d'alléger de manière significative les contraintes administratives et comptables pesant sur les professionnels concernés qui, dans le cadre de la nouvelle régulation de leurs tarifs, doivent transmettre aux administrations certaines données économiques et informations statistiques. Cette clarification permet d'éviter la mise en place d'une comptabilité analytique approfondie par l'ensemble des professionnels du droit. La régulation globale des tarifs peut s'appuyer sur l'analyse de la rentabilité moyenne des professionnels, et donc sur des données comptables et fiscales existantes (chiffre d'affaires et résultat). Dès lors, les obligations comptables des professionnels seront considérablement allégées par rapport à la situation découlant d'une tarification acte par acte.

Pour ce qui concerne la mesure relative à la négociabilité des remises, Les notaires seront plus compétitifs s'agissant des transactions immobilières d'une valeur importante par rapport à d'autres professions comme les avocats. Ils pourront continuer à garantir la sécurité juridique de ce type de transactions (pérennité du mécanisme d'Asset deal , où la présence du notaire est obligatoire).

4.3.2 Impacts sur les entreprises et sur les particuliers

La mesure de clarification du mode de détermination des tarifs n'aura pas d'impact sur les particuliers et les entreprises clientes utilisant les services proposés par les professionnels du droit concernés.

La négociabilité des remises pour des transactions immobilières d'un montant très élevé va favoriser la concurrence entre notaires, dans le cadre d'appels d'offres lancés par les clients institutionnels. La mesure est de nature à favoriser la diminution des émoluments très élevés perçus par ces derniers pour des prestations portant sur des biens d'une valeur importante.

5. CONSULTATIONS MENÉES

Les consultations suivantes ont été menées sur la base du dispositif envisagé :

- sans que la loi ne le requiert, les organisations professionnelles concernées ont été consultées ; la mesure a d'ores et déjà fait l'objet de discussions avec les organisations professionnelles, ces dernières ayant appelé de leurs voeux une telle simplification ;

- concernant la mesure relative à la clarification de la méthode de fixation des tarifs, l'Autorité de la Concurrence, consultée à plusieurs reprises en 2015 et 2016 sur les tarifs des professionnels du droit, avait elle-même préconisé de prévoir une telle mesure dans ses trois avis 15-A-02, 16-A-03 et 16-A-06.

6. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

En tant qu'elle insère des modifications dans le code de commerce (L. 444-2 et L. 444-7), la mesure est applicable aux collectivités d'outre-mer dans les conditions suivantes :

- Applicables en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à La Réunion et à Mayotte (identité législative), sans qu'il soit requis d'en faire mention expresse, ni de prévoir d'adaptations spécifiques ;

- Applicables à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les Terres australes et antarctiques françaises et l'île de Clipperton (spécialité législative, mais applicabilité de plein droit prévue dans les statuts), sans qu'il soit requis d'en faire mention expresse, ni de prévoir d'adaptations spécifiques ;

- Applicables à Wallis-et-Futuna (compétence de l'État), sous réserve d'en faire la mention expresse dans le projet, mais sans qu'il soit besoin de consulter cette collectivité.

- Non-applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française (compétence exclusive des collectivités d'outre-mer concernées).

SOUS-TITRE II : ASSURER L'EFFICACITE DE L'INSTANCE

CHAPITRE I ER : SIMPLIFIER POUR MIEUX JUGER

Article 12 : Suppression de la requête en divorce

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

La procédure applicable aux divorces autres que par consentement mutuel est décrite dans la troisième section du chapitre II du titre VI du livre I er du code civil. La procédure de divorce est actuellement séparée en deux parties successives : la phase de tentative de conciliation qui obéit à la procédure orale et débute avec la requête en divorce puis la phase de divorce proprement dite, qui obéit à la procédure écrite et débute avec l'assignation en divorce.

Lors de l'audience de conciliation, le juge aux affaires familiales procède à la tentative de conciliation en recevant sans leur avocat chacune des parties puis en les réunissant avec leurs avocats. A l'issue de cette audience, à défaut de conciliation, il rend une ordonnance avec des mesures dites « provisoires » pour organiser la séparation du couple dans l'attente du prononcé du divorce et une autorisation d'assigner en divorce qui est valable trente mois. Dans certaines situations, aucune mesure provisoire n'est nécessaire et il est seulement donné une autorisation d'assigner.

L'assignation, qui débute la seconde phase, écrite, de la procédure, doit être faite sur un fondement de divorce déterminé (divorce pour faute sur le fondement de l'article 242 du code civil, pour altération définitive du lien conjugal sur le fondement de l'article 237 ou divorce accepté sur le fondement de l'article 233 du code civil). Pendant la phase écrite du divorce, le juge aux affaires familiales intervient comme juge de la mise en état et peut être amené à rendre des ordonnances sur incident (sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale notamment). Cette phase s'achève avec le jugement de divorce.

Le régime procédural dans son ensemble est particulièrement complexe et voit donc se succéder procédure orale et écrite, un délai de 30 mois pouvant s'écouler entre l'ordonnance rendue par le juge et l'assignation délivrée à l'initiative de l'une des parties. En outre, pour modifier les mesures provisoires, le régime diffère selon que la demande de modification intervient avant la délivrance de l'assignation ou postérieurement. Le juge est saisi par requête dans le premier cas et rend, selon le mode de saisine, une ordonnance ou un jugement. Dans le deuxième cas, les règles relatives à la mise en état s'appliquent et le juge rend une ordonnance d'incident. Pour autant, il peut prononcer, dans les deux cas, les mêmes mesures dans les mêmes conditions.

Déroulement de la procédure par type de divorce

Divorce par consentement mutuel

Divorce par acceptation du principe de la rupture

Divorce pour faute

Divorce pour altération définitive du lien conjugal

L'acceptation du principe du divorce doit résulter d'un écrit signé (procès-verbal signé lors de la tentative de conciliation ou déclaration unilatérale)

Cessation de la communauté de vie, tant affective que matérielle entre les époux :
- durant les deux années précédant la requête initiale en divorce ;
- ou pendant une période de deux ans entre le prononcé de l'ordonnance de non-conciliation et l'introduction de l'instance

Elaboration d'un projet de convention de divorce

Requête initiale commune à tous les divorces contentieux sans indication des motifs

Chaque avocat adresse par LRAR à son client le projet de convention

A défaut de conciliation, le juge aux affaires familiales rend une ordonnance autorisant le requérant à assigner son conjoint en divorce et fixant le cas échéant les mesures provisoires

Après un délai de réflexion de 15 jours, signature de la convention, sous la forme d'un acte sous seing privé contresigné par chacun des avocats des époux

Assignation avec indication de la procédure choisie

Dépôt de la convention au rang des minutes d'un notaire sept jours après la signature

Jugement de divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage

Jugement de divorce pour faute

Jugement de divorce pour altération définitive du lien conjugal

La loi de 2004 n'a pas remis en cause l'organisation en deux temps du tronc commun de la procédure de divorce mais a instauré des « passerelles » procédurales entre certains cas de divorce devant permettre l'élaboration d'accords réglant tout ou partie des conséquences de leur divorce et ainsi éviter une forte « conflictualisation » de cette procédure de séparation.

La procédure de divorce, telle que décrite au 1.1, reste longue et complexe, voulue comme telle à l'origine afin d'inviter les époux à la réflexion avant de rompre leur lien conjugal. Cependant, devenu beaucoup plus fréquent, le divorce est désormais moins considéré comme la sanction d'un manquement à l'une des obligations du mariage que comme la conséquence de l'échec du couple.

Une étude statistique du Ministère de la Justice de 2012 18 ( * ) souligne la forte accélération depuis la réforme de 2004 de la procédure du divorce par consentement mutuel et, dans le même temps, l'allongement de la durée moyenne des divorces contentieux, passant de 17,3 mois en 2004 à 22,1 mois en 2010. Selon cette étude, « un tiers de la durée des divorces contentieux est imputable au délai de réflexion laissé aux époux, qui est de 8,2 mois en moyenne ».

Durées de traitement des divorces contentieux en 2015

Durée en mois

TGI Bobigny

TGI Créteil

TGI Lyon

TGI Paris

Autres TGI

Ensemble des TGI

Durée de conciliation (1)

6,5

6,7

5,9

4,7

4,1

4,3

Durée de réflexion avant assignation (2)

12,8

11,6

9,1

12,3

9,8

9,9

Durée de jugement (3)

15,2

15,9

15,7

14,1

12,5

12,7

Durée totale (1+2+3)

34,6

34,2

30,7

31,0

26,3

26,9

Source : Exploitation statistique du Répertoire général civil par Secrétariat général/ Sous-direction de la statistique et des études.

Or une véritable aspiration à la simplification de la procédure de divorce s'est récemment manifestée comme en témoigne la très bonne appréhension par nos concitoyens du nouveau divorce par consentement mutuel qui se déroule désormais, hors des hypothèses où il existe une demande d'audition d'enfant, en dehors du cadre judiciaire. Entrée en vigueur le 1er janvier 2017, la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel a répondu à une nécessité de simplification, pour permettre une prise en compte plus rapide des décisions des époux sur le divorce et ses conséquences, dans des situations consensuelles. Ainsi, un an après la mise en oeuvre de la réforme, la très grande majorité des divorces par consentement mutuel ne sont plus judiciaires. On compte en moyenne, entre février et novembre 2017, 163 demandes de divorce par consentement mutuel judiciaire par mois, alors que la moyenne sur la même période en 2016 était de 6 350 par mois.

Demandes de divorce en 2016 y compris divorce par consentement mutuel

Année 2016 (avant réforme du divorce par consentement mutuel)

Total des demandes

en divorce

Demandes par

consentement mutuel

Demandes en

divorces contentieux

175 731

86 959

88 772

Source : Exploitation statistique du Répertoire général civil par Secrétariat général / Sous-direction de la statistique et des études.

Divorces prononcés en 2016 hors divorce par consentement mutuel

Année 2016

Total 2016

Divorce accepté

Divorce pour altération du lien conjugal

Divorce pour faute

Non renseigné

29 859

17 071

8 058

712

55 700

Source : Exploitation statistique du Répertoire général civil par Secrétariat général/ Sous-direction de la statistique et des études.

1.2. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

S'il existe dans certains pays un délai minimum avant lequel aucune demande en divorce ne peut être déposée, rares sont les législations qui prévoient un délai entre une demande initiale en divorce et une réitération de cette demande.

Ainsi, à la suite de la réforme opérée en 2005, le divorce en Espagne ne nécessite plus une séparation préalable, ni l'existence de motifs légalement prévus. La demande peut être introduite directement auprès de l'autorité judiciaire. Pour que le divorce puisse être prononcé, il suffit que soient réunies les conditions et les circonstances suivantes :

1. trois mois doivent s'être écoulés depuis la célébration du mariage si le divorce est demandé par les deux conjoints ou par l'un d'eux, avec le consentement de l'autre ;

2. trois mois doivent s'être écoulés depuis la célébration du mariage si le divorce est demandé par un seul des conjoints ;

3. une demande en divorce peut être introduite sans qu'il faille attendre l'écoulement d'un quelconque délai à compter de la célébration du mariage si l'existence d'un risque pour la vie, l'intégrité physique, la liberté, l'intégrité morale ou la liberté et l'intégrité sexuelles du conjoint demandeur ou des enfants des deux ou de l'un quelconque des membres du ménage est avérée.

Il suffit dès lors que l'un des conjoints ne souhaite pas poursuivre le mariage pour que le divorce puisse être demandé et prononcé sans que le défendeur puisse s'y opposer pour des raisons matérielles, après écoulement du délai précité et, même dans ce dernier cas, sans qu'il soit nécessaire d'attendre cette échéance et sans réitération devant le juge de la demande en divorce.

En Angleterre et Pays de Galles, une réitération de la demande en divorce est prévue mais dans des délais beaucoup plus courts qu'en France. Le seul motif de divorce est l'échec irrémédiable du mariage. Afin de prouver l'échec irrémédiable du mariage, il faut établir au moins l'un des cinq «faits» conjugaux (adultère, comportement déraisonnable, abandon du domicile conjugal, séparation depuis deux ans si les époux souhaitent tous deux divorcer, séparation depuis cinq ans en l'absence de consentement de l'autre époux). Le tribunal doit, dans la mesure du possible, vérifier les faits allégués respectivement par le demandeur ( petitioner ) et par l'autre époux ( respondent ). Si le tribunal est convaincu de l'échec irrémédiable du mariage, il rend d'abord un jugement de divorce provisoire ( decree nisi ). Au terme d'un délai de six semaines, le demandeur peut introduire une demande tendant à obtenir le jugement de divorce définitif ( decree absolute ). Sauf circonstances exceptionnelles, la loi ne prescrit pas de délai pour l'introduction de cette demande.

La Suède connait un délai de réflexion d'une durée de six mois à compter du dépôt de la demande qui est exigé uniquement dans deux hypothèses : lorsqu'un seul des époux veut divorcer ou lorsque l'un au moins des époux a un ou plusieurs enfants à charge de moins de 16 ans. A l'issue de ce délai, l'un au moins des époux doit formuler une nouvelle demande pour que le divorce soit prononcé. Toutefois, dans certaines circonstances exceptionnelles, les époux qui se trouvent dans une des situations susvisées ont droit au divorce sans délai de réflexion. Tel est le cas si les époux vivent séparément depuis au moins deux ans. Un époux a également le droit d'obtenir le divorce sans délai de réflexion s'il est vraisemblable qu'il a été contraint au mariage ou s'il s'est marié avant l'âge de 18 ans sans l'autorisation de l'autorité compétente. Si le mariage a été célébré alors que les époux étaient des parents proches ou que l'un d'eux était déjà marié ou avait conclu un partenariat enregistré et que ce mariage ou partenariat précédent n'avait pas été dissous, chaque époux a le droit d'obtenir le divorce sans délai de réflexion préalable.

Le dispositif français, qui repose sur trois séquences différentes (la phase de conciliation, la phase de réflexion qui peut durer jusqu'à 30 mois, la phase de divorce) et deux temps procéduraux, semble relativement isolé. Le cheminement procédural français est d'ailleurs source d'une certaine incompréhension au sein de l'Union européenne lorsqu'il s'agit de déterminer, dans des litiges transfrontières, quel est l'acte, entre la requête et l'assignation, qui a saisi la juridiction du divorce. Les cas de litispendance sont ainsi délicats à traiter lorsqu'une juridiction française est saisie même si la jurisprudence française a établi que la requête est l'acte de saisine en divorce.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

Il s'agit d'adapter le divorce contentieux à notre temps par une procédure unique, simplifiée qui réponde aux attentes du justiciable : celles, pour l'époux qui n'est pas à l'origine de la saisine du juge, de faire face à la séparation pour se reconstruire dans des délais raisonnables, et celles, pour l'époux demandeur, de son aspiration à voir dénouer les liens du mariage qui a échoué.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Bien que s'agissant de rénover le cadre procédural des divorces contentieux, les dispositions du code de procédure civile ne sont pas uniquement concernées. Plusieurs articles du code civil doivent être modifiés.

Afin de simplifier la lisibilité de la procédure et de réduire les délais de traitement notamment dans les situations simples où il n'y a pas d'enfants mineurs ou d'enjeux financiers majeurs, la suppression de la phase judiciaire entamée par la requête en divorce, prévue par le code civil, est nécessaire.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ÉCARTÉE

Contrairement à certaines législations étrangères qui ne retiennent qu'une seule cause de divorce reposant sur le constat de l'échec du couple, le droit français connaît une pluralité de fondements au divorce.

Pour limiter la conflictualité des divorces contentieux dans le cadre d'une réforme de la procédure de divorce, il pourrait être envisagé de supprimer certains fondements juridiques du divorce (en particulier celui de la faute) voire d'unifier de manière radicale les cas de divorce. Il pourrait en effet être imaginé la disparition totale de la notion de motifs du divorce comme c'est déjà le cas dans plusieurs pays européens pour se consacrer aux demandes des parties, à leurs désaccords et aux conséquences du divorce.

Cette perspective de modification majeure de notre législation suppose toutefois d'avoir une appréciation de l'état de l'opinion sur cette éventuelle suppression des différents fondements du divorce. Or aucune enquête récente ne porte sur cette question.

Dès lors, avant de s'engager le cas échéant dans cette voie, une évaluation du niveau de maturité de cette réforme dans l'opinion publique s'avère nécessaire ( appréhension de la problématique des violences conjugales, de l'égalité femmes-hommes, de l'éventuelle perte de sens des obligations du mariage avec la disparition du divorce pour faute et pour altération du lien conjugal ...).

3.2. DISPOSITIF RETENU

La 20 ème proposition du rapport sur le chantier « amélioration et simplification de la procédure civile » tend à « soumettre la procédure de divorce à la procédure de droit commun en supprimant l'audience de conciliation ». Dans la droite ligne de ce rapport qui propose de nombreuses pistes de simplification de la procédure civile, le choix de l'allègement du parcours processuel des époux qui divorcent, avec maintien du pluralisme des cas de divorce, s'est imposé.

Le seul acte de saisine du juge aux affaires familiales sera l'assignation. A l'appel du dossier à la conférence du président, le juge pourra soit fixer un bref calendrier de procédure devant conduire à une clôture et à un jugement rapide notamment lorsque le défendeur n'aura pas constitué avocat ou qu'il n'y aura aucune demande de mesures provisoires, soit fixer une audience pour déterminer les mesures provisoires à condition d'avoir été saisi par au moins une des parties de demandes en ce sens.

Le schéma procédural sera le suivant :

- assignation en divorce ;

- constitution d'avocat par le défendeur ;

- 1 ère audience ;

? option 1 : la procédure est en état ou le défendeur, régulièrement cité, est non comparant : la clôture de l'instruction est prononcée et le dossier est directement fixé à la prochaine audience de plaidoirie utile ;

? option 2 : la procédure n'est pas en état :

- soit l'engagement des parties dans une procédure participative est constaté : la mise en état incombe aux parties,

- soit les parties ont besoin de mesures provisoires : le dossier sera suivi par le juge aux affaires familiales en tant que juge de la mise en état lequel peut fixer un calendrier et fixer une audience à la demande d'au moins une des parties pour prononcer des mesures provisoires afin d'organiser la séparation des époux et les modalités d'exercice de l'autorité parentale pendant la procédure de divorce.

Cette réforme permettra de supprimer des phases de la procédure qui ne sont plus en adéquation avec les évolutions de la société et le rôle du juge (notamment la conciliation sur le principe même du divorce qui s'avère marginale, l'autorisation d'assigner en divorce, la confidentialité des propos tenus par chacun des époux en conciliation, hors la présence de leur avocat). Toutes les mesures qui peuvent être prononcées au stade de l'ordonnance de non conciliation pourront l'être postérieurement à la saisine dans le cadre d'une audience orale sur les mesures provisoires.

Chaque partie sera assistée par un avocat alors qu'auparavant le défendeur n'était pas tenu d'être assisté en phase de conciliation contrairement au demandeur ce qui pouvait générer des déséquilibres.

Dans la procédure actuelle, il existe des dossiers en attente d'assignation qui ne sont pas actifs et alourdissent la gestion par les greffes. Ils sont destinés à disparaitre à la suite de la réforme.

En outre, la lecture du système français sera ainsi simplifiée en droit international privé. En particulier, les cas de litispendance seront plus aisés à déterminer en présence d'un acte unique de saisine.

L'intégration de la procédure participative comme branche pouvant être choisie dans la procédure contentieuse pourra également permettre de donner toute sa place à la recherche d'accords entre les parties qui pourront soumettre au juge des conventions à homologuer sur tout ou partie des conséquences du divorce. A cet égard, il est prévu des mentions obligatoires dans la saisine en divorce sur les possibilités de recourir à la médiation et à la procédure participative.

Toutefois, on pourrait craindre que ce nouveau schéma procédural incite le demandeur au divorce à saisir sur le fondement du divorce pour faute avant de proposer le divorce accepté, ce qui risquerait de rendre plus conflictuelles les premières étapes de la procédure. En effet, le système actuel permet un rapprochement des parties avant l'engagement de la procédure de divorce par assignation. La suppression de la phase de conciliation et de réflexion, temps de « maturation », ainsi que l'énoncé du fondement de la demande et des griefs dans la saisine unique risquent de favoriser la logique d'affrontement.

Pour éviter cette possible « conflictualisation » de la procédure de divorce, il est prévu :

- de permettre au demandeur de ne pas donner le fondement de sa demande en divorce dès la saisine du juge s'il le souhaite. Il sera autorisé à choisir son cas de divorce en cours de procédure et au plus tard au moment de ses premières écritures au fond ;

- de favoriser le recours à la procédure de divorce fondée sur l'article 233 du code civil par l'instauration d'un procès-verbal d'acceptation du principe du divorce par acte contresigné par avocats avant même la saisine du juge aux affaires familiales et par le maintien d'une possibilité de saisine conjointe des époux sur ce fondement ;

- la possibilité pour un conjoint de saisir seul la juridiction sur le fondement de l'article 233 du code civil alors même qu'il n'a pas encore sollicité ou obtenu l'accord de son conjoint sur le principe du divorce, en créant parallèlement une passerelle procédurale nouvelle qui permet à un époux de modifier ultérieurement le fondement de sa demande en divorce pour un divorce pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal si son conjoint refuse d'accepter le principe du divorce (actuellement il n'est possible de changer de fondement de divorce après l'assignation que pour choisir un divorce par consentement mutuel ou un divorce sur demande acceptée en dehors de l'hypothèse des demandes reconventionnelles).

Compte tenu de la disparition de la requête en divorce et de la phase s'écoulant entre l'ordonnance de non-conciliation et l'assignation, il est nécessaire de modifier le moment de l'appréciation du délai de deux ans de séparation caractérisant l'altération définitive du lien conjugal (article 238 du code civil). Le délai de deux ans pourra désormais s'apprécier au plus tard à la date du prononcé du divorce. Cela évitera qu'un demandeur qui a proposé le divorce accepté et se trouve confronté à un refus de son conjoint ne soit purement et simplement débouté de sa demande en divorce une fois qu'il a fondé sa demande sur l'article 238 du code civil.

Ce changement répond aussi à la nécessité de permettre, comme actuellement, à un époux de saisir le juge d'une demande en divorce afin que des mesures provisoires viennent rapidement organiser la séparation du couple s'ils vivent encore sous le même toit alors même qu'une saisine conjointe ou pour faute ne peut être envisagée. Le demandeur placé dans cette situation pourra ainsi demander le divorce pour altération définitive du lien conjugal et le délai de deux ans s'écoulera donc pendant la procédure. Les parties pourront mettre à profit ce délai pour leurs échanges d'écritures sur les conséquences du divorce.

En outre, si l'autre partie conclut aussi au prononcé du divorce, l'altération définitive du lien conjugal pourra être retenue sans que le délai de deux ans ne soit exigé, si le divorce n'est pas prononcé pour faute et que les parties ne se sont pas entendues pour que le divorce soit prononcé sur le fondement de l'article 233 du code civil.

En effet, l'existence de deux demandes en divorce témoigne suffisamment d'une volonté commune des époux de mettre fin à leur mariage, donc d'une altération définitive du lien conjugal, sans qu'il soit nécessaire d'exiger au surplus que le temps ait fait son oeuvre.

Le choix est donc fait de maintenir le pluralisme des cas de divorce ainsi que le rôle assigné au juge mais dans un schéma procédural plus simple et plus efficace.

Ce nouveau schéma procédural est également de nature à réduire de plusieurs mois la durée d'une procédure de divorce.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

La réforme envisagée oblige à la restructuration de la troisième section du chapitre II du titre VI du livre I er du code civil qui est actuellement organisée en cinq paragraphes, respectivement consacrés : à la requête initiale ; à la conciliation ; aux mesures provisoires ; à l'introduction de l'instance en divorce ; aux preuves.

Selon le schéma décrit précédemment, la section 3 sera désormais organisée en trois paragraphes : l'introduction de la demande en divorce ; les mesures provisoires ; les preuves.

La réforme oblige à modifier les articles 233, 238, 246, 247-2, 251, 252, 252-1, 252-2, 252-3, 252-4, 253, 254, 257, 262-1, 311-20, 375-3 et 515-12 du code civil.

Par ailleurs, l'article 313 du code civil relatif à la présomption de paternité et qui mentionne l'ordonnance de non-conciliation doit donc également être modifié. Des coordinations avec les autres codes qui mentionnent l'ordonnance de non-conciliation sont également à prévoir.

Enfin, au niveau règlementaire, il conviendra de modifier notamment les articles 1081 et 1136-13 du code de procédure civile qui mentionnent l'ordonnance de non-conciliation.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

S'agissant de la phase de tentative de conciliation, on peut estimer à 53 (32 greffiers et 21 adjoints administratifs) le nombre des ETPT de fonctionnaires actuellement mobilisés par la gestion de ce contentieux. Le gain est plus modeste sur le temps magistrat, entre 29 et 39 ETPT de magistrats par an.

S'agissant des outils informatiques, l'impact dans l'application civile WINCI utilisée au tribunal de grande instance est important au regard des évolutions à engager pour intégrer cette nouvelle procédure dans l'application compte tenu notamment de son caractère vieillissant.

En terme statistiques, actuellement les statistiques locales sont découpées en fonction des phases de la procédure de divorce (de l'ordonnance de non conciliation au prononcé du divorce et le suivi des mesures de liquidation du régime matrimonial). Dès lors, la modification d'une phase du dispositif nécessite la réécriture de tout le processus statistique interne.

Ces travaux sont évalués à environ 10 mois à compter de l'adoption définitive de la disposition.

4.3. IMPACTS BUDGÉTAIRES

Classiquement lors de la procédure de conciliation, l'avocat est obligatoire pour le seul demandeur, le défendeur pouvant comparaitre sans être assisté d'un avocat. La suppression de la phase orale de la procédure (la conciliation) n'a pas d'incidence sur le déroulement de la procédure écrite avec intervention des avocats.

Si la procédure est allégée par la disparition de l'audience de conciliation (dans le cadre de laquelle les mesures provisoires étaient ordonnées), le travail de fond des avocats reste comparable d'autant plus que dans de nombreux cas une audience sur les mesures provisoires sera malgré tout nécessaire.

En conséquence, un impact sur l'aide juridictionnelle n'est pas avéré.

4.4. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

4.4.1 Impacts sur les auxiliaires de justice

Les dispositions envisagées impliquent un renforcement du rôle des avocats dans le cadre du divorce pour acceptation du principe de la rupture (Cf. la possibilité de saisine sur le fondement de l'article 233 du code civil après signature d'un procès-verbal par acte d'avocat). L'incitation à la médiation et à la procédure participative par la mention dans le corps de la demande du recours possible à ces deux modes amiables de résolution des litiges vont également dans le sens d'une implication plus grande des avocats.

4.4.2 Impacts sur les particuliers

La réduction de la durée des procédures de divorce devrait être un facteur d'apaisement des séparations. Compte tenu de l'évolution des modes de vie, la diminution des contraintes pour les justiciables leur sera profitable, tout en respectant le temps psychologiquement nécessaire pour l'époux qui n'est pas à l'origine de la saisine de « faire son deuil » de l'union.

Enfin, une meilleure lisibilité du parcours procédural des époux qui divorcent paraît gage d'efficacité et de sécurité juridique.

4.4.3 Impacts sur l'égalité entre les hommes et les femmes

Le choix de rénover le cadre procédural du divorce sans toucher au fond du divorce implique l'absence d'impacts en termes d'égalité entre les femmes et les hommes.

Cette égalité est préservée. Plusieurs circuits de mise en état seront possibles en fonction de la complexité de l'affaire et de la configuration familiale (circuit court/ circuit long) afin d'éviter toute pression d'un époux sur l'autre.

La médiation sera favorisée sauf contexte de violences au sein du couple. Enfin, la procédure de l'ordonnance de protection n'est aucunement modifiée et pourra, comme à présent, s'articuler avec une demande en divorce.

Dans l'hypothèse de violences au sein du couple, la suppression de la phase de tentative de conciliation d'une part, et la réduction de la durée de la procédure d'autre part sont particulièrement opportunes.

De plus, il sera désormais nécessaire que chacun des époux soit assisté de son propre avocat dès le début de la procédure ce qui renforcera l'égalité dans l'accès au conseil juridique des deux époux. A l'heure actuelle, le défendeur peut se présenter à la tentative de conciliation seul alors que le demandeur doit être assisté d'un avocat.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. CONSULTATIONS OBLIGATOIRES

Le comité technique des services judiciaires a été consulté le 4 avril 2018 et a émis un vote défavorable.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Toutes les fois que la requête initiale aura été présentée avant l'entrée en vigueur de la loi, l'action en divorce sera poursuivie conformément à la loi ancienne. Dans ce cas, le jugement rendu après l'entrée en vigueur de la loi produira les effets prévus par la loi ancienne, en particulier en ce qui concerne la date des effets du divorce entre époux et d'effets à l'égard des tiers.

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Ces dispositions seront applicables de plein droit sur le territoire national, y compris en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, ces collectivités étant régies par le principe d'identité législative.

Concernant Mayotte, l'article 52-3 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte est ainsi rédigé : « Art. 52-3. - Les dispositions du code civil relatives au divorce et à la séparation de corps sont applicables à Mayotte aux personnes relevant du statut civil de droit local accédant à l'âge requis pour se marier à compter du 1er janvier 2005. ». Au surplus, l'article 2290-1 du Code civil dispose que « les dispositions du titre VI du livre Ier sont applicables à Mayotte aux personnes relevant du statut civil de droit local accédant à l'âge requis pour se marier à compter du 1er janvier 2005 ».

En vertu de l'article LO 6213-1 du code général des collectivités territoriales, les dispositions législatives et réglementaires sont également applicables de plein droit à Saint-Barthélemy, à l'exception de celles intervenant dans les matières de la compétence de la collectivité en application de l'article LO 6214-3 du même code parmi lesquelles ne figurent pas le divorce. Il en est de même pour Saint-Martin en application des articles LO 6313-1 et LO 6314-3 du code général des collectivités territoriales, et pour Saint-Pierre et Miquelon conformément aux articles LO 6413-1 et LO 6414-1 du code général des collectivités territoriales.

Ces dispositions sont à regarder soit comme des règles se rattachant à l'état et à la capacité des personnes soit comme des règles de procédure civile indissociables de la mise en oeuvre des règles de fond en matière d'état et de capacité des personnes :

- trouvent application de plein droit en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon qui sont régies par le principe de l'assimilation législative et qui ne disposent pas de compétence particulière en droit civil pouvant faire écran à l'application des dispositions du présent texte ;

- s'appliquent de plein droit aux Terres australes et antarctiques françaises en application du 4° de l'article 1-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 qui écarte l'application du principe de spécialité législative pour les dispositions de droit civil.

L'État est également compétent à ces titres en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna où les dispositions relevant de l'état et la capacité des personnes, et les dispositions de procédure civile qui leurs sont indissociables, sont applicables de plein droit (4° de l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, articles 1, 2 et 3 loi n° 70-589 du 9 juillet 1970 relative au statut civil de droit commun dans les territoires d'outre-mer pour Wallis-et-Futuna).

En revanche, ces dispositions ne peuvent être étendues en Nouvelle-Calédonie dans la mesure où ces matières (droit civil et procédure civile) ont été transférées à la collectivité depuis le 1er juillet 2013.

5.4. TEXTE D'APPLICATION

Un décret en Conseil d'État est nécessaire pour coordonner les dispositions du code de procédure civile.

Article 13 : Règlement des litiges sans audience

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

En l'état de la procédure civile, il est déjà permis, dans certaines conditions, de trancher les litiges sans entendre les parties.

Le second alinéa de l'article 446-1 du code de procédure civile pose le principe que les parties peuvent être autorisées, à condition qu'une disposition particulière le prévoit, d'être dispensées de se présenter à l'audience. Ce principe est mis en application à l'article 847-1 du même code, lequel permet à une partie d'être dispensée de comparaître à une audience ultérieure du tribunal d'instance, ce qui suppose qu'elle ait donc comparu à au moins une audience. Il en est de même à l'article 847-2 qui autorise le défendeur à formuler une demande incidente de délais de paiement par écrit et à ne pas se présenter à l'audience.

Devant le tribunal de grande instance, dans le cadre des procédures avec représentation obligatoire, le juge de la mise en état peut autoriser les avocats à déposer leurs dossiers au greffe à une date fixée (article 779 du code de procédure civile). Dans ce cas, les parties ne comparaissent pas à l'audience.

Par ailleurs, des dispositions spécifiques existent en procédure civile en fonction de l'enjeu du litige.

Depuis le 1 er juillet 2017, les contentieux civils inférieurs à la somme de 4 000 euros sont portés devant le tribunal d'instance. Ces contentieux peuvent donner lieu à des tentatives de conciliation ou de médiation, des requêtes en injonction de payer, des demandes en référés ou au fond le tribunal étant alors saisi, le plus souvent, par assignation ou déclaration au greffe.

Dès lors qu'un conflit présente un élément d'extranéité relevant d'un Etat membre, les procédures européennes d'injonction de payer européenne ou de règlement des petits litiges peuvent être utilisées. Ces dernières, qui concernent les litiges de moins de 5000 euros permettent au juge de statuer sans audience.

La transformation numérique de la justice doit permettre de renforcer l'efficacité de la justice en permettant au juge de traiter les litiges sans audience lorsque les parties choisissent de ne pas se déplacer au regard de l'enjeu du litige ou des contraintes matérielles que cela représente pour elles.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le droit effectif au recours est consacré à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».

Néanmoins, le Conseil constitutionnel n'a pas consacré, au plan civil, l'exigence de débats comme une déclinaison constitutionnelle du droit au recours effectif.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme consacre le principe de l'audience publique, laquelle, par la transparence qu'elle donne à l'administration de la justice, permet d'atteindre l'objectif de procès équitable défini à l'article 6 § 1 de la convention.

Ce principe fondamental n'est cependant pas absolu et des dérogations à la tenue d'une audience sont admises. La nature exceptionnelle des circonstances susceptibles de justifier de se dispenser d'une audience tient essentiellement à la nature des questions soumises au juge, et non à la fréquence de la situation (Miller c. Suède, § 29).

Dans son arrêt Vilho Eskelinen et autres c. Finlande [GC], § 74, la Cour a admis que l'absence d'audience était conforme à l'article 6 § 1 dans la mesure où les requérants avaient la possibilité de solliciter une audience, que la décision du juge refusant de tenir une audience était motivée, et que les requérants avaient eu amplement l'occasion de présenter leur thèse par écrit et de répondre aux conclusions de la partie adverse.

La Cour a également admis que l'absence d'audience pouvait être admise dans des affaires soulevant une question purement juridique et de nature restreinte, des questions de droit sans complexité particulière ou des questions hautement techniques.

Dans cette dernière hypothèse, il a été jugé que les autorités nationales pouvaient, compte tenu d'impératifs d'efficacité et d'économie, s'abstenir de tenir une audience ; l'organisation systématique de débats pouvant constituer un obstacle à la diligence particulière requise en matière de sécurité sociale (Schuler-Zgraggen c. Suisse, § 58).

En revanche, la Cour européenne des droits de l'homme a sanctionné le recours à une procédure simplifiée sans audience et le refus de la juridiction de tenir une audience en l'absence de motivation de ce refus (Pönkä contre Estonie).

Or, il n'est pas possible de savoir ab initio si les litiges inférieurs à la somme de 5 000 euros relèveront de l'une ou l'autre de ces catégories.

Ces éléments conduisent donc la Cour à ériger en condition l'accord des parties au principe d'une procédure sans audience, à maintenir la possibilité d'une audience lorsque le juge l'estime nécessaire et à imposer au juge de motiver le refus d'en tenir une lorsqu'une ou plusieurs parties le demandent et qu'il rejette la demande.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

La création de procédures sans audience répond à la nécessité d'adapter l'offre de justice à la demande des justiciables. Ces procédures doivent respecter le principe du contradictoire tout en écartant la nécessité de la tenue d'une audience, lorsque les parties en sont d'accord. Il est attendu de ces procédures simplicité, fluidité, réduction des coûts et célérité.

Il convient tout d'abord de tirer les conséquences de ce qu'un certain nombre d'affaires, devant les juridictions civiles (pas seulement le TGI mais également le tribunal d'instance ou le tribual paritaire des baux ruraux) donnent lieu, avec l'accord du juge, à un simple dépôt du dossier. Dans ce cas, il n'y a ni plaidoiries, ni débats.

Par ailleurs, une efficacité toute particulière doit être recherchée pour les « petits litiges » qui sont en réalité des litiges du quotidien qui peuvent nécessiter une réponse rapide s'ils ne reçoivent pas un traitement amiable.

Le programme pour la justice du président de la République annonçait la « création d'une procédure simple, exclusivement numérique et rapide pour le règlement des litiges de la vie quotidienne ». Il prévoyait qu'elle s'appliquerait à tous les litiges civils inférieurs à 4000 euros (consommation, conflit de voisinage, injonction de payer ou de faire) et qu'une décision judiciaire serait rendue dans les deux mois, à défaut de conciliation. La mesure envisagée est la mise en oeuvre opérationnelle de l'engagement présidentielle.

Cette proposition figure également dans le rapport rédigé par Madame Agostini et Monsieur Molfessis, pour l'amélioration et la simplification de la procédure civile.

L'objectif poursuivi est donc de mettre en place une procédure s'inspirant du règlement n°861/2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges modifié par le règlement n°2015/2421 du 16 décembre 2015.

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La volonté d'écarter la tenue d'une audience implique de le prévoir par une disposition législative.

La création d'une procédure dématérialisée de règlement des litiges inférieurs à la somme de 5 000 euros nécessite de prévoir une dérogation législative au principe de la tenue d'audiences. Les dispositions réglementaires pourraient ensuite prévoir que la mise en état est opérée par le juge en cabinet, en dehors de toute audience.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

Il est apparu nécessaire de permettre d'écarter la tenue d'une audience en principe et avec l'accord des parties et de prévoir qu'elle ne se tienne qu'en cas de nécessité, plutôt que de prévoir, par principe, la tenue d'une audience par visioconférence ou tout autre moyen de communication.

La création d'un article 2-1 dans la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation et de simplification de la justice du XXIème siècle doit permettre d'étendre la possibilité pour les parties qui le souhaitent de ne pas comparaître à l'audience dans le cadre de tous les contentieux, y compris dans le cas d'une procédure orale (par exemple en référé), lorsqu'ils ne font pas l'objet d'une mise en état ou lorsqu'ils sont sans représentation obligatoire. A ce titre, l'article énonce tout d'abord que « Devant le tribunal de grande instance, la procédure peut, avec l'accord exprès des parties, se dérouler sans audience. En ce cas, elle est exclusivement écrite. »

Il est par ailleurs prévu, en créant un article 2-2 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, d'offrir la possibilité aux justiciables dont le litige est inférieur à un certain montant -qui pourrait être fixé à la somme de 5 000 euros- de saisir en ligne le tribunal de grande instance et d'échanger avec les adversaires à distance. Cette procédure sera entièrement dématérialisée et sans audience, sauf si le juge l'estime nécessaire.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

4.1.1 Impacts sur les services judiciaires

Il est attendu de la création de cette procédure dématérialisée de traitement des contentieux inférieurs à la somme de 5000 euros et plus généralement de la possibilité de juger un litige sans audience, une diminution du nombre d'audiences et par conséquent des économies en termes de temps de présence des magistrats et greffiers à l'audience.

Il n'est toutefois pas possible de préciser la volumétrie des petits litiges susceptibles d'être réglés sans audience pas voie dématérialisée dans la mesure où les données statistiques disponibles ne permettent pas d'identifier les actions en paiement au-dessous de 5 000 euros.

4.1.2 Impacts informatiques

Actuellement le logiciel utilisé dans les tribunaux d'instance pour la gestion des contentieux civils n'offre aucune fonctionnalité de dématérialisation. Son ancienneté exclut toute évolution en ce sens. Un tel projet nécessite de créer un logiciel spécifique et de former les personnels de greffe et les magistrats à son usage.

Le projet PORTALIS est à terme en capacité d'intégrer une fonctionnalité de gestion dématérialisée de l'audience, mais pas dans délai court dans le cadre de la feuille de route actuelle de l'application .

Ce projet peut toutefois être mené en dehors de PORTALIS, tout en veillant à garantir une interopérabilité avec l'application lorsqu'elle sera déployée. Quelle que soit la solution technique retenue, la constitution d'une équipe projet, la rédaction des marchés et le lancement des travaux en vue de sa réalisation implique un délai de 18 mois à deux ans, sous réserve de la capacité de déploiement et de formation pour accompagner l'importante conduite du changement pour les fonctionnaires de greffes et de magistrats.

4.1.3 Impacts immobiliers

Il pourrait résulter à terme de cette nouvelle modalité de débats et de la création de cette procédure une réduction de l'occupation des salles d'audience et une réduction des besoins en espaces de stockage physique des dossiers matériels. Cette évolution découle plus généralement de la transformation numérique du ministère et est d'ores et déjà prise en compte dans les principes architecturaux des nouveaux palais de justice.

4.2. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

4.2.1 Impacts sur les auxiliaires de justice

La simplicité de la procédure de règlement dématérialisé des litiges et l'absence d'audience pourraient encourager les parties à agir seules et non plus être représentées par un conseil, dès lors que la représentation par avocat n'est pas obligatoire.

4.2.2 Impacts sur les particuliers

Les particuliers pourraient être encouragés à saisir la justice plus fréquemment en considération de la facilité et de la fluidité que la nouvelle procédure de règlement dématérialisé des litiges permettrait.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS OBLIGATOIRES

Le comité technique des services judiciaires a été consulté le 4 avril 2018 et a émis un vote défavorable.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Les mesures envisagées seraient d'application immédiate mais conditionnées à la mise en oeuvre effective de la procédure dématérialisée ce qui nécessite que l'outil informatique permettant la saisine d'une juridiction en ligne et les échanges contradictoires entre la juridiction saisie et les parties soit déployé. Pour mémoire, la communication électronique est juridiquement possible devant toutes les juridictions judiciaires mais subordonnée à l'adoption d'un arrêté technique à prendre en la matière (article 748-6 du CPC).

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Les dispositions nouvellement crées seraient applicables de plein droit en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à la Réunion, à Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Elles ne sont pas applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie Française.

Le projet de loi prévoit une mention expresse d'application pour les îles Wallis-et-Futuna et les territoires des Terres Australes et Antarctiques Françaises.

5.4. TEXTE D'APPLICATION

Un décret en Conseil d'État est nécessaire pour déterminer le montant en dessous duquel une demande devant le tribunal de grande instance peut être traitée dans le cadre d'une procédure dématérialisée.

Article 14 : Traitement dématérialisé des injonctions de payer au sein d'une juridiction à compétence nationale

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

La procédure d'injonction de payer répond à un double objectif de simplicité et de célérité.

Il s'agit de permettre au créancier de vaincre l'inertie du débiteur qui se soustrait à l'exécution spontanée de ses obligations. De longue date a été offerte au créancier une troisième voie, entre l'introduction d'une saisine judiciaire longue et coûteuse et la perte de sa créance, dès lors qu'elle apparaît certaine car contractuelle.

Cette troisième voie est une procédure de recouvrement simplifié des créances contractuelles ou statutaires tendant à la délivrance d'une injonction adressée, à l'initiative du créancier, par le juge au débiteur, lui ordonnant de payer une certaine somme à son créancier ou de former opposition à l'ordonnance. Elle se caractérise par la mise à l'écart du contradictoire entre la requête et la signification de l'ordonnance ou l'opposition.

Elle a pour objectif de concilier les droits du créancier au recouvrement de sa créance et ceux du débiteur qui n'a connaissance de cette volonté de recouvrement qu'au moment de la signification de l'ordonnance et qui ne peut donc faire valoir ses droits qu'après avoir reçu l'injonction.

Les injonctions de payer sont actuellement traitées à la fois par des magistrats (à hauteur de 63% environ) et par des magistrats à titre temporaire (à hauteur de 37% environ), assistés par des fonctionnaires de greffe. Environ 495 000 requêtes en injonctions de payer nationales ont été déposées en 2015, et 474 000 en 2016. Un nombre légèrement supérieur d'ordonnances a été rendu pour ces années, mais ce sont seulement 23 000 oppositions qui ont été enregistrées en 2015 et 20 000 en 2016, ce qui représente respectivement 4,64% et 4,21% d'oppositions en 2015 et 2016. Parmi les décisions rendues sur oppositions, environ 40% ne statuent pas sur la demande, puisqu'elles consistent en des décisions d'irrecevabilité, de désistement, de caducité et de radiation. Sur les 60% de décisions statuant sur les demandes, environ 20% des décisions confirment totalement la décision rendue, 30% l'infirment totalement et 50% partiellement.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

La disposition envisagée vise à spécialiser une juridiction aux fins de traitement des requêtes en injonctions de payer. Il s'agit d'une déclinaison du droit effectif au recours protégé par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme de 1789 dans la mesure où elle organise ledit recours en prévoyant que sa saisine est exclusivement opérée par voie dématérialisée. Cette disposition ne restreignant aucunement le droit au recours, mais l'organisant selon des modalités nouvelles, elle doit être considérée comme respectant le cadre constitutionnel.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce à l'article 6 § 1 les caractéristiques du procès équitable. La possibilité de former opposition à l'ordonnance rendue par le juge et de voir traiter cette opposition selon les principes de la procédure civile ordinaire permet de s'assurer du respect des conditions du procès équitable et notamment du traitement par un tribunal impartial et indépendant respectant le principe de la contradiction.

En outre, cette procédure correspond aux principes de traitement de ces requêtes telles qu'elles ressortent du règlement n°1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer modifié par le règlement n°2015/2421 du 16 décembre 2015 qui permet de saisir une juridiction d'un Etat membre afin de statuer sur une demande de recouvrement rapide et efficace d'une créance ne faisant l'objet d'aucune contestation juridique, sans nécessiter la tenue d'une audience obligatoire.

A cet égard, il y a lieu de prendre en considération la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme relative au principe de la publicité de l'audience issu de l'article 6§1 de la convention portant sur le procès équitable qui n'admet de dérogations à la tenue d'une audience que lorsque l'affaire soulève :

- une question purement juridique et de nature restreinte ou,

- des questions de droit sans complexité particulière ou,

- des questions hautement techniques.

Dès lors qu'elle tend exclusivement à l'obtention de délais de paiement, l'opposition formulée relève de la catégorie des « questions de droit sans complexité particulière » et la dérogation au principe de l'audience conforme aux impératifs conventionnels.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

La spécialisation d'une juridiction aux fins de traitement des requêtes en injonction de payer relevant jusqu'à présent des tribunaux d'instance et de grande instance a pour objectif un traitement plus efficace et rapide de ces requêtes. Il en est également attendu des économies d'échelle.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La spécialisation d'une juridiction aux fins de traitement des requêtes en injonction de payer nécessite une disposition de nature législative.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ÉCARTÉE

La création d'une juridiction ad hoc nationale dématérialisée a été écartée. Il est en effet apparu inopportun de créer une juridiction qui n'aurait vocation qu'à traiter ce seul contentieux, ce qui aurait pu susciter des problèmes d'attractivité dans cette juridiction.

3.2. DISPOSITIF RETENU

S'il a initialement été envisagé de créer une juridiction à compétence nationale, il a finalement été décidé de spécialiser une juridiction existante dans le traitement de ces requêtes mais également des oppositions fondées sur les demandes limitées aux délais de paiement, sur lesquelles il pourrait être statué sans audience, et de maintenir le traitement des oppositions devant les juridictions territorialement et matériellement compétentes à raison des règles de procédure civile de droit commun.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

La mesure envisagée crée un article L. 211-17 au code de l'organisation judiciaire.

Il conviendra de prévoir, par des dispositions réglementaires, les modalités de la saisine dématérialisée de cette juridiction.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

4.2.1 Impacts sur les services judiciaires

Les effectifs mobilisés pour traiter ce contentieux sont de l'ordre de 20 ETPT de magistrats et de 202 ETPT de fonctionnaires, auxquels il faut ajouter les 3 500 vacations de magistrats à titre temporaire.

Pour le traitement des oppositions à injonction, il convient de rajouter 1 ETPT de magistrat et 9 ETPT de fonctionnaires.

Le traitement centralisé des requêtes en injonction de payer dans une juridiction spécialisée devrait permettre d'économiser dans chaque juridiction les ETPT consacrés localement à ce contentieux, sachant que pour le traitement des oppositions, l'économie devrait être partielle puisque les oppositions ne portant pas exclusivement sur les délais de paiement restent traitées par les juridictions. C'est pourquoi on peut estimer l'économie sur les oppositions à 4 ETPT.

Dans l'hypothèse où le traitement centralisé des requêtes en injonction de payer serait délégué à des greffiers, le besoin serait de l'ordre de 21 ETPT de greffiers en appliquant le ratio prévu pour les magistrats à titre temporaire (50 injonctions de payer par demi-journée).

L'application de l'ensemble de ces mesures aboutirait, concernant les fonctionnaires, à un gain de l'ordre de 185 ETPT et de 15 ETPT pour les magistrats.

4.2.2 Impacts informatiques

L'impact informatique de cette mesure pour le ministère est important. A ce jour, aucun applicatif ne répond à cette ambition. IPWEB, le logiciel des injonctions de payer, bien qu'étant une base nationale, fonctionne à partir des ressorts de chacun des tribunaux d'instance. L'utilisation des fonctionnalités de dématérialisation n'a été expérimentée que dans quelques juridictions. La possibilité d'adapter ce système doit donc faire l'objet d'une étude technique. A défaut, il conviendra de développer un système autonome.

4.3. IMPACTS SOCIAUX

Les particuliers pourront saisir plus aisément la juridiction puisque cette saisine pourra être dématérialisée et le délai de traitement des injonctions de payer devrait se réduire. Le traitement des oppositions selon les règles de compétences territoriales et d'attribution permet de s'assurer de l'absence d'impact sur les particuliers.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS OBLIGATOIRES

Le comité technique des services judiciaires a été consulté le 4 avril 2018 et a émis un vote défavorable.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

La disposition envisagée entrerait en vigueur à une date définie par décret en Conseil d'Etat et au plus tard le 1 er janvier 2021.

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Les dispositions nouvellement crées sont applicables de plein droit en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à la Réunion, à Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Elles nécessitent une mention expresse d'application pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie Française, les îles Wallis-et-Futuna et les territoires des Terres Australes et Antarctiques Françaises.

5.4. TEXTE D'APPLICATION

La mise en oeuvre des mesures envisagées nécessite un décret en Conseil d'État.

Article 15 : Harmonisation des procédures d'urgence au fond

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

Le référé en la forme existe devant plusieurs juridictions de l'ordre judiciaire : tribunal de grande instance, tribunal de commerce, conseil de prud'hommes.

La procédure définie par l'article 492-1 du code de procédure civile est celle des référés, telle que prévue aux articles 485 à 487 et 490. En revanche le juge exerce les pouvoirs dont dispose la juridiction au fond et statue par une ordonnance ayant l'autorité de la chose jugée relativement aux contestations qu'elle tranche. L'ordonnance est exécutoire à titre provisoire, à moins que le juge en décide autrement.

Bien que le régime de ces ordonnances figure dans un article unique, la procédure en la forme donne lieu à un certain nombre de difficultés procédurales tant pour les parties que pour les juridictions. En effet, une quinzaine de codes prévoit, outre des dispositions législatives flottantes, le recours à cette procédure, dans les cas les plus divers 19 ( * ) .

Outre cette dispersion à travers de nombreux codes, l'appellation des référés en la forme est également diverse, tantôt procédure « en la forme », « selon la forme », « dans la forme », « comme en la forme », « sous la forme », « comme dans la forme », « comme en matière » ou « comme en matière de référé », ce qui participe à la confusion.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL ET CONVENTIONNEL

Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789: " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ". Est garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif.

De la même façon, l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme consacre le droit d'accès à un tribunal. Il convient de veiller à ce que la suppression de cette forme de jugement ne prive pas les justiciables d'un accès au juge.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le rapport sur la simplification de la procédure civile susmentionné préconise de « simplifier la saisine de la juridiction par un acte de saisine judiciaire unifié . » Dans ce cadre, il est proposé de mettre fins aux interrogations trop fréquentes que suscite l'existence des procédures « en la forme des référés » ou « comme en matière de référé ».

L'objectif poursuivi est ici celui d'une unification des régimes procéduraux.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La procédure de référés en la forme est prévue dans la partie législative de nombreux codes (notamment code des assurances, code civil, code de commerce, code de la construction et de l'habitation). Sont ainsi concernés treize codes différents visant les juridictions judiciaires ainsi que six lois flottantes.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

Il pourrait ainsi s'agir, comme le suggère le professeur Y. Strickler d'un simple changement de dénomination. Les différentes dénominations des référés en la forme pourraient donc être unifiées sous l'appellation d' « ordonnances au fond ». Néanmoins, le régime procédural appliqué ne serait pas différent de celui des référés en la forme, ne permettant pas d'atteindre de manière optimale l'objectif d'unification procédurale.

Avec une criticité plus forte, il pourrait également être proposé de procéder à une substitution de régime en appliquant en la matière la procédure à jour fixe qui existe devant le tribunal de grande instance et qui est également une procédure d'urgence permettant d'obtenir une décision (jugement) au fond (art 788 à 792 code de procédure civile).

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

L'analyse complète interviendra lors de l'évaluation préalable du projet d'ordonnance.

Il peut néanmoins être précisé que treize codes différents visant les juridictions judiciaires ainsi que six lois flottantes sont concernés par une modification du régime des référés en la forme.

5. JUSTIFICATION DU DÉLAI D'HABILITATION

Un délai de 4 mois est prévu pour prendre l'ordonnance puis pour déposer devant le Parlement un projet de loi de ratification.

CHAPITRE II : SIMPLIFIER POUR MIEUX PROTEGER

Article 16: Habilitation familiale

1. ÉTAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ÉTAT DES LIEUX

L'habilitation familiale, prévue aux articles 494-1 à 494-12 du code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit des personnes et de la famille et de son décret d'application n° 2016-185 du 23 février 2016, vise à permettre, dans les hypothèses dans lesquelles une personne n'a pas pu anticiper sa propre vulnérabilité, notamment par la conclusion d'un mandat de protection future, d'organiser un mode de protection consensuel reposant sur l'implication des proches, assurant une représentation de l'intéressé dans un champ précisément défini.

La mesure d'habilitation familiale est ainsi une mesure de protection juridique, conçue comme un mandat, reposant sur un consensus familial. Comme toute mesure de protection, elle est soumise aux dispositions communes qui figurent au chapitre I et à la section I du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil soit les articles 414 à 427 du code civil, sauf adaptations particulières prévues par l'ordonnance.

L'habilitation familiale peut être soit spéciale et porter sur un ou plusieurs actes déterminés, soit être générale et ainsi porter sur l'ensemble des actes patrimoniaux et/ou sur l'ensemble des actes relatifs à la personne sans qu'elle ne puisse excéder une durée de dix ans afin de garantir une réévaluation des conditions du principe et de l'exercice de l'habilitation, notamment la persistance d'un consensus.

Au cours de la mesure, le juge des tutelles n'a plus vocation à intervenir une fois l'habilitation donnée, sauf exceptions. L'habilitation familiale n'est ainsi pas une mesure de protection judiciaire, contrairement à la tutelle, la curatelle et la sauvegarde de justice. Aucun dossier n'a donc vocation à rester ouvert au greffe, l'intervention du juge étant nécessaire à l'ouverture de la mesure et pour des actes limitativement énumérés, qui portent en eux le germe d'un risque pour les intérêts du majeur protégé.

Cette mesure, qui ne prévoit pas de contrôle périodique des comptes et n'ouvre pas la possibilité de désigner un tiers pour contrôler la personne habilitée, a donc été conçue comme un mécanisme de représentation au formalisme allégé, au bénéfice de situations familiales simples, le plus souvent à faibles enjeux patrimoniaux et à faibles risques de dissension familiale.

Il n'existe pas de possibilité de passerelle directe entre les mesures judiciaires et la mesure de protection juridique que constitue la mesure d'habilitation familiale.

1.2. CADRE CONVENTIONNEL

Le cadre conventionnel en matière de protection des majeurs tient principalement à l'application de la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées 20 ( * ) (CIDPH).

Le Défenseur des droits, désigné par le Gouvernement français comme dispositif national de protection, de promotion et de suivi de l'application de la Convention, recommande d'améliorer les conditions d'exercice de la capacité juridique des personnes handicapées, conformément aux recommandations du Comité des droits des personnes handicapées, tendant à bannir les mesures substitutives, qui privent la personne de sa capacité juridique.

La France a fait l'objet, au début du mois d'octobre 2017, d'une visite de la rapporteuse spéciale des Nations-Unies sur les droits des personnes handicapées. Aux termes de sa visite, cette dernière a exhorté la France « à revoir sa législation afin d'éliminer tout régime de prise de décision au nom d'autrui. A la place, toutes les personnes handicapées doivent pouvoir bénéficier d'une prise de décision accompagnée, quel que soit le degré d'accompagnement nécessaire, afin qu'elles puissent décider par elles-mêmes, en toute connaissance de cause ».

Parallèlement, le Comité des droits des personnes handicapées a adressé aux Etats membres son projet d'observation générale n°6, portant sur l'article 5 de la convention (sur l'égalité et la non-discrimination), aux termes de laquelle elle préconise la révision des législations qui privent de droit de vote les personnes handicapées.

Par ailleurs, compte tenu du vieillissement de la population, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a commandé un rapport sur le suivi de la mise en oeuvre de la Recommandation CM/Rec(2009)11 sur les principes concernant les procurations permanentes et les directives anticipées ayant trait à l'incapacité.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le juge qui ne peut plus se saisir d'office depuis la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, est dans l'impossibilité de prononcer une mesure de protection à l'égard d'un majeur à protéger lorsqu'il refuse l'habilitation familiale, sauf à ce que les requérants ou le procureur de la République le saisissent d'une demande de protection judiciaire.

A l'inverse, lorsque le juge saisi d'une demande de curatelle ou de tutelle estime que les conditions de l'habilitation familiale sont réunies, l'absence de passerelle l'oblige à demander aux requérants de se désister de leur demande et de le saisir d'une nouvelle requête en habilitation familiale, ce qui alourdit les démarches pour les proches de la personne à protéger, dans des circonstances difficiles puisque cette proposition du juge ne peut intervenir qu'en cours d'audition.

Certains juges de tutelles, de première instance et d'appel, ont fait application du principe de subsidiarité pour ordonner une mesure d'habilitation familiale alors même qu'ils avaient été saisis d'une demande de protection judiciaire mais la Cour de cassation, par arrêt du 20 décembre 2017, a censuré cette démarche, considérant « qu'aucune disposition légale n'autorise le juge des tutelles, saisi d'une requête aux fins d'ouverture d'une mesure de protection judiciaire, à ouvrir une mesure d'habilitation familiale » 21 ( * ) .

Dans ses nouvelles propositions en matière civile, la Cour de cassation a relevé que l'ensemble de la doctrine a constaté et regretté cette absence de “passerelle”, dans un domaine où la souplesse apparaît indispensable.

Aujourd'hui, cette difficulté est contournée par les juges d'instance qui constatent lors de l'audition le désistement de la procédure d'ouverture de tutelle et demandent aux requérants de formaliser une requête en habilitation familiale, ce qui complique inutilement les démarches. Cette solution pragmatique n'est toutefois possible que si le requérant fait partie de la liste des proches énoncée à l'article 494-1 du code civil et si les mentions de la requête répondent aux exigences de l'article 1260-2 du code de procédure civile.

Le dispositif pourrait ainsi être amélioré par la création d'une telle passerelle qui permettrait aux familles de solliciter, sans délai ni démarches supplémentaires, une habilitation familiale y compris en cas de renouvellement d'une mesure de tutelle en cours. Une passerelle en sens inverse pourrait également être aménagée afin de permettre au juge, si les conditions de l'habilitation familiale ne lui paraissent pas réunies pour désigner une personne habilitée, d'ordonner une mesure de protection judiciaire.

Enfin, l'élargissement du champ de l'habilitation familiale a été sollicité par le 113 ème congrès des notaires qui a indiqué que la formule de l'article 494-1 du code civil est restrictive, en ce qu'elle pourrait laisser à penser que la mesure n'a vocation à jouer que dans de rares hypothèses dès lors qu'elle vise les personnes « hors d'état de manifester leur volonté ».

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La création des passerelles précédemment exposées permettrait de simplifier la procédure et les démarches et de diminuer les délais de mise sous protection de l'intéressé.

Par ailleurs, il est souhaité élargir le champ d'application de l'habilitation familiale aux mesures d'assistance et ne pas se limiter aux seules mesures de représentation.

3. DISPOSITIF RETENU

Il est créé une passerelle permettant aux familles de solliciter, sans délai ni démarches supplémentaires, une habilitation familiale y compris en cas de renouvellement d'une mesure de tutelle en cours.

Par ailleurs et à l'inverse, il est permis au juge, si les conditions ne lui paraissent pas réunies pour désigner une personne habilitée, d'ordonner une mesure de protection judiciaire.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Par coordination avec ces passerelles, l'article 428 du code civil est modifié afin de faire jouer pleinement les principes de nécessité et subsidiarité de la mesure de protection judiciaire.

L'habilitation familiale est par ailleurs élargie aux cas d'assistance. Par coordination les termes « hors d'état de manifester sa volonté » qui sont plus évocateurs de la nécessite de représentation que de l'assistance sont remplacés par des termes plus neutres.

En outre, quelques précisions textuelles ont été apportées. L'article 494-3 du code civil sera modifié pour faire apparaître expressément la personne qu'il y a lieu de protéger au titre des personnes pouvant saisir le juge.

L'article 494-1 est donc modifié pour permettre au juge de désigner une personne habilitée à assister le majeur. Des dispositions de coordination sont prévues pour permettre au majeur dont les facultés restreignent sans les abolir complètement ses facultés personnelles, de saisir le juge des tutelles aux fins de désignation d'une personne habilitée, de modification de l'habilitation familiale et de mainlevée.

Il est en outre nécessaire d'adapter à l'article 494-9 le régime de responsabilité de la personne habilitée à assister, et non représenter le majeur.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

L'élargissement du dispositif d'habilitation familiale aux mesures d'assistance est susceptible de réduire le nombre de dossiers de curatelle ouverts dans les cabinets de tutelle et d'alléger la charge que représente leur gestion pour les juridictions.

En 2016, les curatelles familiales ont représenté près d'un quart des mesures de curatelles ouvertes.

Comme pour l'habilitation familiale destinée à la représentation, aucune charge de contrôle des comptes de gestion ne pèsera sur la juridiction ni aucune mission de surveillance générale sur le juge ou le procureur de la République.

4.3. IMPACTS INFORMATIQUES

L'impact informatique de cette mesure pour le ministère de la justice est fort. Le logiciel TUTTI MAJ doit évoluer pour prendre en compte la nouvelle procédure de passerelle. Toute évolution de cette application nécessite a minima quatre mois de développement et recettes à partir du moment où la commande est émise et les spécifications fonctionnelles stabilisées.

Le déploiement du portail des juridictions, prévu à partir de l'année 2020, interviendrait quelques mois après l'intégration de ces évolutions dans l'application.

4.4. IMPACTS SOCIAUX

L'élargissement du dispositif d'habilitation familiale aux mesures d'assistance constitue une mesure de simplification pour les particuliers dès lors qu'elle permettra d'éviter le prononcé de mesures judiciaires plus lourdes. Aujourd'hui, seule la représentation est possible sous ce régime de protection au fonctionnement allégé. Les familles seraient pourtant susceptibles d'y avoir recours pour des situations plus simple d'assistance de leur parent âgé ou de leur enfant handicapé. La famille est en effet le pilier naturel des personnes en perte d'autonomie ou qui nécessitent un accompagnement quotidien. Il convient de lui restituer son rôle de protection, sans défiance abusive. L'habilitation familiale unique permet de consacrer un ou plusieurs proches dans ce rôle et de reconnaître publiquement la confiance que leur porte leur entourage pour s'occuper d'un parent diminué. Aujourd'hui, par exemple, les parents d'un enfant lourdement handicapé sont sous la surveillance intrusive du juge des tutelles tant pour la gestion des biens que pour les décisions personnelles. Cette lourdeur administrative décourage certaines familles à prendre en charge les mesures judiciaires de protection.

Par ailleurs, les passerelles envisagées constituent un facteur de simplification. L'ouverture de l'habilitation familiale aux hypothèses de curatelle tend enfin à créer une mesure familiale unique pour les cas où il existe une solution fiable et consensuelle. L'entente familiale est ainsi la garantie du respect des droits de la personne puisqu'elle permet au juge de rendre une seule et unique décision permettant la représentation pour certains actes (par exemple les plus graves) et l'assistance pour les actes relevant du quotidien ou de la vie privée.

5. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Les dispositions seront d'application immédiate et entreront en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel conformément à l'article 1 er du code civil.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Ces dispositions sont applicables de plein droit sur le territoire national, y compris en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, ces collectivités étant régies par le principe d'identité législative.

En vertu de l'article LO 6213-1 du code général des collectivités territoriales, les dispositions législatives et réglementaires sont également applicables de plein droit à Saint-Barthélemy, à l'exception de celles intervenant dans les matières de la compétence de la collectivité en application de l'article LO 6214-3 du même code parmi lesquelles ne figurent pas les règles relatives à la capacité des personnes. Il en est de même pour Saint-Martin en application des articles LO 6313-1 et LO 6314-3 du code général des collectivités territoriales, et pour Saint-Pierre et Miquelon conformément aux articles LO 6413-1 et LO 6414-1 du code général des collectivités territoriales.

A Wallis-et-Futuna, en application de la loi n° 70-589 du 9 juillet 1970 relative au statut civil de droit commun dans les territoires d'outre-mer, les dispositions relatives à la capacité des personnes sont applicables de plein droit à Wallis-et-Futuna.

En vertu de l'article 1er-1 de la loi du 6 août 1955 dans sa version modifiée sont applicables de plein droit dans les Terres australes et antarctiques françaises les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives 4° au droit civil.

L'État est compétent en Polynésie française où les dispositions relevant de l'état et la capacité des personnes sont applicables de plein droit (4° de l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française).

En Nouvelle-Calédonie, les dispositions ne seront pas applicables en ce que la loi de pays
n° 2012-2 du 20 janvier 2012 a transféré le droit civil à la compétence de la Nouvelle-Calédonie.

Article 17 : Externalisation des comptes de gestion

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a ouvert plusieurs voies au contrôle des comptes de gestion aux articles 510 à 514 du code civil. Le principe est aujourd'hui celui d'un contrôle par le directeur des services de greffe judiciaires, qui engage sa responsabilité sans faute du chef de cette mission, en vertu de l'article 422 du code civil. Lorsqu'il refuse d'approuver les comptes de gestion, il doit dresser un procès-verbal de difficulté et saisir le juge afin que celui-ci statue sur la conformité des comptes au regard de ses autorisations et des obligations du tuteur. Le décret n° 2011-1470 du 8 novembre 2011 a permis au greffier en chef de se faire assister dans cette tâche par un huissier de justice, mais ce dispositif maintient entière la responsabilité sans faute au responsable de service du greffe, ce qui explique en partie son faible développement.

A côté de ce contrôle confié aux personnels judiciaires, le juge peut désigner le subrogé curateur ou le subrogé tuteur ou, lorsque la personne chargée d'une mesure de protection est un mandataire judiciaire professionnel, le conseil de famille. Cette faculté n'est cependant exercée que dans 1,5 % des dossiers. Le législateur a en outre permis au juge d'ordonner une dispense de compte, à l'exception notable des mesures confiées à un professionnel. L'objectif de cette dispense était de ne pas alourdir la charge des tuteurs familiaux lorsque les revenus du majeur protégé sont très modestes et couvrent tout juste ses besoins journaliers ou que ses actifs ne nécessitent aucune gestion. Les cas de dispense interviennent le plus souvent lorsque la mesure est gérée par des parents d'un majeur handicapé qui ne perçoit que l'allocation adulte handicapé ou par les enfants d'une personne âgée, dont les ressources financent la résidence mais cette possibilité n'existe que pour les mesures familiales. Elle est utilisée par les juges des tutelles dans moins de 3% des mesures ordonnées.

Enfin, une dernière possibilité consiste pour le juge à désigner un technicien aux frais de la personne protégée, lorsque les ressources du majeur protégé le permettent et si son patrimoine le justifie. Ces désignations sont néanmoins marginales et concernent des patrimoines importants alors que dans la moitié des dossiers, les majeurs ont moins de 10 000 euros de patrimoine hors bien immobilier. Initialement prévue pour autoriser la désignation d'experts-comptables, cette disposition a également permis la désignation locale et ponctuelle d'huissiers de justice et d'opérateurs privés. Néanmoins, le recours à cette délégation reste marginale, freinée par l'indispensable tri préalable des dossiers par le juge, afin de vérifier que les conditions légales (notamment de ressources) sont remplies et par l'obligation de désigner un professionnel aux frais du majeur protégé alors que dans près de 40 % des dossiers, les majeurs perçoivent moins de 1 000 euros par mois. Sont ainsi automatiquement exclues certaines situations familiales à risque ou patrimoniales complexes (patrimoine immobilier important mais non mobilisable, surendettement, contentieux financiers ou fiscaux en cours).

En dépit des mesures de décharge, de dispense et d'assistance intervenues depuis la loi du 5 mars 2007, le contrôle des comptes demeure, pour une grande partie, à la charge des directeurs des services de greffe judiciaires et représente une tâche particulièrement lourde, qu'ils ne peuvent en réalité assumer compte tenu de leurs multiples attributions.

L'ineffectivité de ce contrôle est régulièrement dénoncée par les parlementaires (Avis n° 3811 de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale du 12 octobre 2011, Monsieur Christophe Sirugue, tome III ; rapport d'information « Cinq ans pour sauver la justice ! » de la commission des lois du sénat d'avril 2017), la Cour des comptes dans ses rapports de 2011 et 2016, le Défenseur des droits (dans son rapport du mois de septembre 2016) et dans différents rapports sur la justice.

Le défaut de contrôle des comptes par le service des tutelles est effectivement la première cause de responsabilité de l'Etat en matière de protection juridique des majeurs. Les manquements les plus récurrents sont :

- un défaut de dépôt des comptes pendant plusieurs années, sans aucune réaction du directeur de greffe ou du juge des tutelles ;

- des comptes déposés de manière très lacunaire, sans pièce justificative ;

- des autorisations de placement de capitaux sur des comptes bloqués, sans que le juge des tutelles ne vérifie l'exécution de sa décision et l'évolution des placements par la suite ;

- dans certains dossiers, qui concernent plus particulièrement des patrimoines importants (placements mobiliers nombreux et/ou propriétés immobilières) une défaillance du mandataire qui s'est retrouvé en incapacité de gérer en raison de la complexité de la situation financière.

1.2. CADRE CONVENTIONNEL

Le cadre conventionnel en matière de protection des majeurs tient principalement à l'application de la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par la France le 18 février 2010.

1.3. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

L'obligation de reddition des comptes est généralement annuelle. C'est le cas au Royaume-Uni, en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Turquie. En Roumanie et en Allemagne, lorsque le patrimoine de la personne protégée est de faible consistance ou importance, le tribunal peut décider que les comptes de gestion porteront sur une période de gestion plus longue, pouvant aller jusqu'à trois ans.

Dans une majorité de pays, le juge demeure à titre principal chargé du contrôle des comptes. C'est le cas de l'Espagne, de l'Italie, des Pays-Bas et de la Roumanie, où il n'est pas prévu de dispositif d'assistance ou de délégation pour aider le tribunal. Dans certains pays minoritaires, le contrôle de la gestion est réalisé par plusieurs acteurs. Au Royaume-Uni, les ordonnances et jugements rendus par le tribunal de protection sont mis en oeuvre par des tuteurs (deputies ) et des mandataires (trustees ) sous la supervision d'une agence gouvernementale, l' Office of the Public Guardian . En Allemagne, toutes les questions relatives à la gestion du patrimoine et le contrôle des comptes de gestion relèvent de la compétence des Rechtspfleger (qui sont comme des greffiers ayant des attributions juridictionnelles) affectés au service de la protection juridique des majeurs du tribunal. C'est encore le cas de la Belgique, où le juge de paix est compétent pour exercer un contrôle des activités des administrateurs. Cependant, la nouvelle législation belge prévoit la faculté, largement encouragée, de désigner une personne de confiance, dont le rôle est distinct de celui de l'administrateur et dont la mission peut comprendre le contrôle du travail de ce dernier. Dans sa mission de contrôle, la personne de confiance joue un rôle de veille et peut alerter le juge en cas de difficulté ou d'anomalie. Dans certains pays (Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni), des contrôles différents existent selon la consistance du patrimoine. Au Québec, la personne chargée de la protection doit rendre un rapport annuel de gestion au Curateur public, qui assure directement la protection et la représentation de majeurs protégés mais exerce aussi une surveillance de l'administration de certaines de ces mesures de protection privées. Dès la deuxième année, suivant la situation financière de la personne protégée, le rapport peut être simplifié, si le patrimoine géré ne comprend ni immeuble, ni terrain, ni action ou obligation, ni prêt d'argent ou hypothèque sur un bien, ni intérêts sur une somme prêtée. Si le patrimoine dépasse 100 000 dollars, le Curateur public peut demander un rapport soumis à vérification d'un comptable agréé.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

Au regard de l'objectif de protection et de garantie des droits des majeurs vulnérables, il est nécessaire de tirer les conséquences du recours insuffisant aux mesures existantes d'assistance et de délégation de cette attribution du directeur des services de greffe judiciaires.

La modification du régime de la vérification des comptes de gestion a pour but d'assurer un contrôle effectif et plus efficace, en tenant compte à la fois de la nature et du coût de la mission, de la réalité des effectifs des professionnels susceptibles de l'exercer et du nombre et de la disparité des patrimoines des personnes protégées.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La Cour des comptes a observé dans son rapport sur la protection juridique des majeurs du mois de septembre 2016 que « faute d'augmenter les moyens des tribunaux d'instance à la hauteur des enjeux, il apparaît aujourd'hui nécessaire de poursuivre la « déjudiciarisation » du régime de protection en recentrant l'office du juge sur le prononcé et la surveillance générale des mesures privatives de libertés, et celui des greffes sur un contrôle de second niveau ».

Le Gouvernement, constatant que moins de 5% des contrôles font l'objet d'un des dispositifs d'aménagement prévus par le code civil (assistance, dispense, délégation) considère qu'il est urgent d'assurer l'effectivité du contrôle des comptes des majeurs protégés.

Aujourd'hui, 750 000 mesures de protection judiciaires sont en cours dont 95 % sont soumises au contrôle des directeurs des services de greffe judiciaires, ce qui constitue une charge de travail difficilement tenable dès lors que les juges des tutelles sont chargés de 3 500 dossiers en moyenne et que les greffes des tribunaux d'instance comptent à ce jour 265 directeurs et 1 640 greffiers pour assurer l'ensemble des missions relevant de leur compétence. Cette situation ne permet donc pas d'assurer les opérations de vérification des comptes de tutelles (préparation, contrôle, suivi), notamment en raison de l'absence de création d'emplois pour accompagner cette nouvelle charge en 1995. L'absence de contrôle effectif a d'ailleurs été mis en lumière tant par la Cour des comptes que par le Défenseur des droits, et est mis en exergue par le nombre résiduel d'emploi de directeur et de personnel de catégorie B déclarés affectés à cette mission, bien en deçà du besoin théorique : 30 EPTE sont ainsi déclarés consacrés à la vérification des comptes de tutelles actuellement, dont 12 ETPE d'effectifs de directeurs, et 18 ETPE d'effectifs de catégorie B.

Les insuffisances affectant le dispositif de contrôle des comptes de gestion sont ainsi régulièrement mises en avant, notamment récemment par le rapport de la Cour des comptes de septembre 2016 sur la protection juridique des majeurs et ou par le Défenseur des droits dans son rapport intitulé « la protection juridique des majeurs vulnérables », qui ont conclu à la nécessité de déléguer cette tâche que les personnels de greffe n'ont pas la capacité d'assumer. Le rapport de la commission des lois du Sénat d'avril 2017 sur l'état de la justice fait le même constat sur la défaillance des services judiciaires quant à l'exécution de cette mission.

A cela s'ajoute le fait que l'augmentation du nombre de mesures de protection engendre une disparité des situations rendant encore plus difficile le contrôle des comptes de gestion : les facteurs de complexité tiennent en particulier aux sources de revenus des majeurs protégés (salaires ou indemnités, loyers, produits financiers...), à la nature de leur patrimoine (mobilier et immobilier), et aux dépenses nécessaires tant pour leur personne que pour leurs biens (tels que l'entretien des biens immobilier, qu'ils soient à usage personnel ou locatif).

Il en résulte une difficulté, pour les directeurs des services de greffe judiciaires, à traiter les dossiers avec la précision nécessaire dans les délais requis, ce qui n'est satisfaisant ni pour eux, qui engagent leur responsabilité dans le cadre de ce travail, ni pour l'institution judiciaire, cette activité étant particulièrement chronophage, ni pour la personne sous mesure de protection et sa famille.

Cette situation engendre un risque de multiplication des cas de mise en cause de la responsabilité de l'Etat du fait des dysfonctionnements des services de tutelles, soit pour avoir omis de procéder aux vérifications, soit pour avoir réalisé des vérifications incomplètes.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ÉCARTÉES

La Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, dans son avis du 12 octobre 2011 sur le projet de loi de finances pour 2012, a proposé d'instaurer un dispositif de contrôle ciblé des comptes de gestion sur des échantillons représentatifs, mené par les greffes des tribunaux renforcés par des agents ayant des compétences en matière de gestion financière. Une telle proposition ne paraît pourtant pas envisageable. Elle marquerait un renoncement dans les exigences que pose aujourd'hui l'Etat dans la mission de surveillance générale des mesures de protection assurée par le juge des tutelles et le procureur de la République. Elle conduirait ainsi à une rupture d'égalité de traitement des citoyens, dans un dispositif de protection des personnes les plus vulnérables, alors même que la question des abus tutélaires est régulièrement dénoncée. Une telle solution manquerait donc à l'objectif principal recherché, qui est précisément de prémunir toutes les personnes vulnérables contre une dilapidation de leurs biens. D'un point de vue pratique, la définition des critères de sélection conditionnant le choix des dossiers contrôlés s'avérerait particulièrement délicat à établir, étant entendu qu'en cas de dénonciation d'abus dans le cadre d'une mesure de protection n'ayant pas fait l'objet de contrôle, la responsabilité de l'Etat serait très certainement recherchée.

L'élargissement du recours à l'assistance du directeur des services de greffe judiciaires par d'autres professionnels que les huissiers de justice est partagée par plusieurs instances. Les propositions divergent en revanche quant au professionnel susceptible d'être désigné : si beaucoup souhaitent une possible intervention des agents du Trésor public ou de la Caisse des dépôts et consignations (le rapport Guinchard « L'ambition raisonnée d'une justice apaisée » de 2008, mais aussi une proposition formulée par l'ANJI en juillet 2013 et le groupe de travail précité présidé par Pierre Delmas-Goyon), celle-ci ne parait pas envisageable ; d'autres envisagent une assistance fournie par les greffiers (rapport du groupe de travail sur les tribunaux d'instance du mois d'avril 2012). Toutefois, cette proposition ne répond pas en pratique aux besoins actuels en la matière et le décret n° 2011-1470 du 8 novembre 2011 relatif à l'assistance du greffier en chef en matière de vérification des comptes de tutelle par un huissier de justice n'a pas reçu un accueil favorable de la part des organisations professionnelles de magistrats et de greffiers en chef. Ce dispositif n'a été que très peu utilisé par les juridictions. En effet, le terme d'assistance suppose que le directeur de greffe conserve la pleine responsabilité, car il est seul habilité à approuver les comptes qui auront été préalablement vérifiés par le professionnel. Or il est difficilement envisageable que le directeur, qui pourra voir sa responsabilité engagée, approuve le compte sans l'avoir contrôlé.

Un certain nombre de propositions tendent ainsi à transférer le contrôle des comptes vers des auxiliaires de justice et/ou vers des agents compétents de l'Etat. Tel est le cas du rapport de l'IHEJ de mai 2013 « La prudence et l'autorité, l'office du juge au XXIème siècle », qui propose notamment de transférer le contrôle des comptes de tutelles vers des auxiliaires de justice. Une telle proposition fait écho au souhait de la Chambre nationale des huissiers de justice qui, dans le cadre du débat sur « La justice au XXIème siècle », a proposé de confier aux huissiers la vérification des comptes de tutelles et des mandats de protection future. Enfin, la Cour des comptes a préconisé, dans son rapport de septembre 2016, l'externalisation au profit de professionnels du chiffre tandis que le Défenseur des droits a recommandé, dans son rapport de septembre 2016, de confier le contrôle des comptes établis par les mandataires judiciaires soit à l'administration fiscale, soit aux directions régionales de la jeunesse des sports et de la cohésion sociale. Dans son rapport d'avril 2017, la commission des lois du Sénat, arguant du succès de l'expérimentation menée au début des années 2000 suite au rapport commun des inspections générales des finances, des services judiciaires et des affaires sociales de juillet 1998, propose de recourir aux agents du Trésor. Néanmoins, il n'est pas établi que la Direction générale des finances publiques serait en mesure d'absorber cette charge.

La privatisation partielle de la tâche de contrôle des comptes doit être envisagée dans un mouvement plus large qui tend à la contractualisation des mesures de protection, permettant aux principaux intéressés d'exercer un choix quant aux modalités d'exercice de leur mesure.

3.2. DISPOSITIF RETENU

Le contrôle interne réalisé par les organes de la procédure devient le principe, étant rappelé que ce contrôle est gratuit quand il est exercé par un membre de la famille désigné co-tuteur ou subrogé tuteur. Un mandataire judiciaire à la protection des majeurs peut, à droit constant, être désigné à ce titre, ce qui est le cas de plus en plus souvent.

Ce n'est que lorsque cette co-désignation ne sera pas possible ou que le patrimoine sera d'une telle complexité qu'un contrôle interne serait insuffisant que ce contrôle sera opéré par une personne qualifiée.

Ce transfert du contrôle des comptes à des professionnels du chiffre et du droit constitue la seule solution efficace et viable du contrôle mais devra, en raison de son coût, être décidée par le juge à défaut de solutions moins coûteuses pour le majeur protégé. La fréquence du contrôle pourra encore être modulée dans sa fréquence pour ne pas constituer une charge disproportionnée pour le majeur protégé.

A cet égard, il convient de noter que la participation des personnes au coût de la mesure de protection existe déjà, chaque fois que le tuteur ou curateur est un mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Ainsi l'article 419 du code civil prévoit que, si la mesure est confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, son financement est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources et selon les modalités prévues par le code de l'action sociale des familles. De plus, l'article 513 du même code prévoit déjà la possibilité d'externaliser la vérification des comptes de gestion aux frais de la personne protégée, majeure ou mineure sous tutelle.

Il est néanmoins important de rester vigilant sur le respect de l'exigence de l'article 12 de la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées, précitée, qui précise que les Etats doivent veiller à ce que « les mesures relatives à l'exercice de la capacité juridique (...) soient exemptes de tout conflit d'intérêt et ne donnent lieu à aucun abus d'influence, ( ...) et soient soumises à un contrôle périodique effectué par un organe compétent, indépendant et impartial ou une instance judiciaire ».

Sur les professionnels pouvant être désignés, l'exclusion de certaines professions serait en contrariété avec les principes régissant la libre concurrence. C'est la raison pour laquelle il a été fait le choix d'ouvrir largement l'exercice de cette mission à tous les professionnels susceptibles de disposer des compétences nécessaires en droit et en matière financière ou patrimoniale.

Tirant les conséquences de l'absence de recours à l'aide au contrôle des comptes de gestion, le Gouvernement prévoit de garantir la réalité d'un contrôle approfondi de tous les comptes de gestion grâce, d'une part, à un renforcement des contrôles par les organes de protection désignés dans les mesures familiales et, d'autre part, une externalisation du contrôle des comptes de gestion à des professionnels, du chiffre ou du droit pour décharger complètement les directeurs des services de greffe judiciaires et les juges des tutelles de cette mission chronophage et source d'une responsabilité professionnelle importante .

La disposition envisagée modifie ainsi les modalités de la vérification et de l'approbation des comptes de gestion des tuteurs, curateurs et mandataires spéciaux afin d'assurer l'efficacité de ce contrôle sans modifier l'article 510 du code civil, qui impose à la personne chargée de la protection des biens du majeur une obligation d'établissement annuel de son compte de gestion auquel sont annexées toutes les pièces justificatives utiles. Seul le régime du contrôle est aménagé pour les mandataires professionnels qui restent expressément soumis à une obligation d'établissement annuel des comptes de gestion et ce, afin de permettre l'effectivité des contrôles sociaux (inspections) ou des contrôles financiers par les chambres régionales des comptes.

L'autorité judiciaire, qui prononce l'ouverture d'une mesure de protection, conservera son pouvoir de contrôle général puisque la responsabilité sans faute du juge demeure engagée du fait de sa mission générale de surveillance (416 du code civil), aux côtés de la responsabilité professionnelle, voire pénale, de la personne chargée du contrôle. A cet égard, il doit être rappelé que les modalités actuelles du contrôle des comptes ne permettent qu'un contrôle budgétaire mais ne garantissent pas la qualité et l'opportunité des dépenses. Ce contrôle intervient dans le cadre de l'analyse des rapports de situation soumis annuellement aux juges des tutelles et qui décrivent les diligences effectuées par les mandataires au profit du majeur protégé.

Afin de permettre un exercice effectif du pouvoir de surveillance du procureur de la République et du juge des tutelles, le pouvoir de sanction de ce dernier est tout d'abord renforcé en cas de retard dans la remise de l'inventaire, puisqu'il peut désigner un technicien pour y procéder, aux frais du tuteur défaillant, sans préjudice de son pouvoir général d'injonction et de la possibilité de prononcer une amende civile prévue par le code de procédure civile, en application des dispositions de l'article 417 du code civil.

Cette modification de l'article 503 du code civil porte sur le premier acte réalisé par la personne chargée de la protection d'un majeur. Afin de permettre au juge de connaître précisément la situation patrimoniale et financière du majeur, actuelle et prévisible à court terme, notamment en cas d'entrée en établissement, la personne chargée de la mesure de protection aux biens devra remettre au juge dans les trois mois de sa désignation non seulement l'inventaire des biens mais également le budget prévu à l'article 500 du code civil.

Au vu de ces documents précis et exhaustifs, qui ne peuvent être dressés que par la personne ayant un mandat judiciaire (consultation préalable de Ficoba, Ficovie, consultation des soldes de comptes bancaires), le juge pourra déterminer par ordonnance les modalités de contrôle des comptes.

Lorsque plusieurs personnes seront désignées dans le cadre de la mesure de protection, les comptes, qui doivent être établis annuellement (article 510 du code civil), seront vérifiés et approuvés par chacun des protecteurs ou par le conseil de famille, sous leur propre responsabilité. Cette désignation légale en fera un principe, sachant que le juge peut toujours dessaisir les personnes chargées de la protection d'un majeur de leur mission en cas de manquement caractérisé (article 417 du même code).

Pour les patrimoines les plus importants ou les plus complexes, qui seront également soumis à un contrôle externe même en présence d'un subrogé ou co-tuteur, le juge désignera une personne qualifiée qui sera chargée du contrôle des comptes de gestion, qui pourrait être une personne inscrite sur une liste de professionnels dressée par le magistrat délégué à la protection juridique des majeurs de la cour d'appel, qui pourrait comprendre :

- les notaires, huissiers, avocats, experts-comptables, commissaires aux comptes, administrateurs ou mandataires judiciaires (professionnels du chiffre et du droit)

- ou toute autre personne morale agréée par le magistrat de la cour d'appel sous condition de savoir-faire, de sa soumission au secret professionnel et de ses conditions tarifaires qui devraient permettre une négociation forfaitaire au nombre de dossiers.

L'inscription sur une liste permettrait ainsi d'accorder une levée du secret professionnel et bancaire au profit des professionnels concernés.

La décision du juge devra en outre prévoir les modalités de contrôle, notamment la périodicité de cette mission, qui ne serait plus nécessairement annuelle mais pourrait être assouplie pour permettre une prise en charge financière par les petits patrimoines sans charge excessive (un contrôle tous les deux par exemple).

A défaut de désignation d'un organe de procédure aux côtés du tuteur, le juge statuera sur les modalités de contrôle des comptes dès réception de l'inventaire et du budget prévisionnel.

On peut relever qu'une délégation judiciaire du contrôle des comptes est ordonnée avec succès depuis 2010, dans le cadre de l'actuel article 513 du code civil, dans certains tribunaux et confiée à des associations.

Par dérogation à cette désignation d'une personne qualifiée, le juge pourra néanmoins ordonner la dispense d'établissement et de vérification des comptes, qui est actuellement prévue à l'article 512 du code civil. Le nouvel article élargit cette hypothèse aux personnes protégées par un mandataire judiciaire à la protection juridique des majeurs dès lors que la seule qualité de professionnel du protecteur ne justifie pas d'imposer le coût d'un contrôle inutile (en l'absence de ressources ou lorsque tous les actifs disponibles sont affectés exclusivement à l'hébergement).

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

En premier lieu, s'agissant des mineurs sous tutelle, le régime de la vérification annuelle du compte de gestion serait aligné sur celui des mineurs sous administration légale, sous réserve de la possibilité pour le juge d'ordonner une dispense comme il le peut aujourd'hui.

En second lieu, le nouveau régime de la vérification des comptes de gestion pour les majeurs sous tutelle s'appliquerait aux curatelles renforcées par le renvoi de l'article 472 du code civil aux articles 503, 510 à 515, ainsi qu'au sauvegardes de justice avec désignation d'un mandataire spécial pour la gestion du patrimoine de la personne protégée par renvoi de l'article 437 in fine aux articles 510 à 515.

Concernant le mandat de protection future, l'article 486 prévoirait que le juge peut faire vérifier le compte de gestion du mandataire selon les modalités prévues à l'article 512 dans sa rédaction résultant du projet de loi.

Au niveau règlementaire, il y aura lieu d'abroger l'article 1254 du code de procédure civile.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Pour procéder à cette vérification, le besoin en ressources humaines est estimé en 2016 à 100 ETPT de directeurs des services de greffe 22 ( * ) , soit près de 40% des effectifs de catégorie A des tribunaux d'instance. Or il ressort des effectifs déclarés dans le référentiel des métiers et compétences des greffes que seulement 30 ETPE sont consacrés à cette activité, dont 12 ETPE de directeurs et 18 ETPE de greffiers.

Il convient de souligner que l'évolution envisagée ne supprimera pas l'ensemble des tâches du greffe, qui conservera notamment la saisine des professionnels, ainsi que le visa et classement à la réception des comptes vérifiés.

Une économie de l'ordre de 15 ETPT pourrait être attendue.

4.3. IMPACTS INFORMATIQUES

L'externalisation des comptes n'a pas d'impact majeur sur l'application TUTTI MAJ, sauf en matière d'éditions. Le renforcement de la sanction en cas de carence dans la remise de l'inventaire nécessite une alerte active pour tous les dossiers de protection judiciaire et la possibilité de prononcer une dispense pour les dossiers confiés aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs. En outre, il est important de prévoir la clôture des dossiers d'habilitation familiale, même en cas d'habilitation générale . Un délai restant à estimer (entre 6 mois et 1 an) est donc à prévoir.

4.4. IMPACTS ÉCONOMIQUES

Le marché ouvert aux professionnels est important dès lors qu'on évalue à environ 720 000 le nombre de dossiers de vérification par an. A titre de rapprochement, pour la mission d'assistance ouverte aux huissiers, le montant global d'honoraires hors taxe avait été évalué en 2011 à 57,6 M€.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

La prise en charge du coût du contrôle peut être évaluée entre 88 euros (assistance des greffiers) et 250 euros par des opérateurs privés.

A titre d'exemple, le tarif des notaires pour les mandats de protection future est le suivant :

Ressources ou patrimoine

Emolument

Inférieur ou égal à 20 000 euros

Dispense

Supérieur à 20 000 euros et inférieur ou égal à 65 000 euros

200 euros

Supérieur à 65 000 euros

350 euros

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS OBLIGATOIRES

Le comité technique des services judiciaires a été consulté le 4 avril 2018 et a émis un vote défavorable.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Il convient de prévoir une application immédiate pour les nouvelles mesures ou les renouvellements prononcés à compter de l'entrée en vigueur de la loi à l'exception de la mesure de désignation d'une personne qualifiée (troisième alinéa de l'article 512 du code civil) qui suppose l'adoption d'un décret d'application. Ce décret prévoira la date d'entrée en vigueur de cette nouvelle mesure et dans cette attente, tant les mesures en cours que les nouvelles mesures resteront soumises au contrôle du directeur des services judiciaires avec possibilité d'assistance par les huissiers de justice ou de délégation à un technicien dans les conditions des actuels articles 511 et 513.

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Il s'agit de modifier plusieurs dispositions du code civil tendant à la simplification des mesures de protection des majeurs protégés notamment en matière d'opérations de vérification et de contrôle des comptes de gestion.

Cet article est applicable de plein droit en Guadeloupe, à La réunion, en Martinique, en Guyane, à Mayotte, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Egalement, en Polynésie française, l'état et la capacité des personnes relève de la compétence de l'Etat. En vertu du 4° de l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, cette matière est applicable de plein droit en Polynésie française.

Il en est de même dans les îles Wallis et Futuna en application des dispositions combinées des articles 1er et 3 de la loi n° 70-589 du 9 juillet 1970 relative au statut civil de droit commun dans les territoires d'outre-mer.

Le cas est identique dans les TAAF où la compétence de l'Etat est applicable de plein droit en vertu du 4° de l'article 1-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de Clipperton.

En revanche, cette disposition ne peut être étendue en Nouvelle-Calédonie en raison de sa compétence propre en la matière.

5.4. TEXTE D'APPLICATION

Un décret en Conseil d'État déterminera les modalités de désignation d'une personne qualifiée.

Article 18 : Améliorer l'efficacité des décisions en matière familiale

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

Les décisions du juge aux affaires familiales bénéficient de l'exécution provisoire de droit en application de l'article 1074-1 du code de procédure civile. Toutefois, malgré cette précaution procédurale, bon nombre de ces décisions ne sont pas effectives faute d'un dispositif adéquat. En effet, en matière familiale, il n'existe pas à l'heure actuelle de mesures particulières d'exécution forcée des décisions, sauf en ce qui concerne le déplacement illicite d'enfant.

La possibilité de solliciter du préfet le recours à la force publique pour exécuter une décision en matière familiale est méconnue et apparaît inadaptée compte tenu de la sensibilité de la matière et de l'absolue nécessité de tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Le recours à la force publique pour exécuter une décision civile concernant un enfant sur réquisition du procureur de la République est uniquement prévu par l'article 34-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative concernant l'enlèvement international d'enfants et par l'article 375-3 du code civil pour permettre le placement en assistance éducative décidé par le juge des enfants.

Il est par ailleurs déjà possible actuellement de faire procéder, en cas de non-respect d'une décision en matière familiale, à une sommation interpellative par acte d'huissier. Les déclarations de la personne visée par la sommation sont consignées dans un procès-verbal qui peut être utilisée devant le tribunal le cas échéant. Mais cette procédure fait peser sur la personne qui subit la violation de ses droits le coût de la sommation. En outre, s'agissant d'un parent qui ne respecte pas la décision d'un juge, le risque est grand de voir la sommation d'un huissier non suivie d'effet. Dans ce cas, le justiciable ne pourra pas faire l'économie d'une nouvelle procédure judiciaire.

Ainsi, dans une matière où les conflits s'enveniment rapidement, le recours au juge est perçu comme l'intervention nécessaire pour marquer une limite, trancher un litige et assurer à la fois la protection des plus vulnérables et le respect des droits de chacune des parties. L'absence d'effectivité de certaines décisions est alors souvent vécue de façon dramatique par ceux dont les droits ont été reconnus mais ne peuvent pour autant pas s'exercer.

Les exemples ne manquent pas, s'agissant de la victime de violences au sein du couple qui, obligée de fuir le domicile commun sans ses enfants, ne peut obtenir de l'autre parent, auteur des violences, l'exécution de la décision du juge aux affaires familiales lui confiant la résidence des enfants, ou bien s'agissant de la situation fréquente du parent qui ne peut exercer son droit de visite du fait de la mauvaise volonté de l'autre parent.

L'inexécution des décisions de justice en matière familiale conduit souvent le justiciable lésé à saisir à nouveau le juge pour voir modifier les dispositions non respectées, voire pour demander des mesures d'une autre nature, comme la résidence de l'enfant là où il ne sollicitait auparavant qu'un droit de visite. L'absence de dispositif civil d'exécution génère donc un contentieux supplémentaire dans une matière qui connaît déjà les difficultés liées à tout contentieux de masse.

Des dispositions pénales existent déjà pour sanctionner le refus d'exécuter certaines décisions prises en matière familiale, comme le délit de non-représentation d'enfant pour le parent qui ne respecte la décision octroyant un droit de visite à l'autre parent. Toutefois, les témoignages des parents sur ces situations ainsi que les chiffres de la réponse pénale montrent que les poursuites sont réservées aux cas les plus graves et réitérés.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Dans sa décision 98-403 DC du 29 juillet 1998, le Conseil constitutionnel a considéré que toute décision de justice a force exécutoire et peut donner lieu à une exécution forcée, la force publique devant, si elle y est requise, prêter main-forte à cette exécution.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

A quatre reprises au moins au cours de l'année écoulée, la Cour européenne des droits de l'Homme a été saisie pour des difficultés d'exécution de décisions en matière familiale ; elle a prononcé deux condamnations, contre la Russie et contre l'Italie, en retenant une violation de l'article 8 de la Convention relatif au respect du droit à la vie privée.

La question de l'exécution effective des décisions est également à l'ordre du jour des travaux de refonte du règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit « Bruxelles II bis ».

L'exposé des motifs de la proposition initiale de refonte de la Commission pointe le défaut d'effectivité réelle des décisions en matière de responsabilité parentale : « Les décisions en matière de responsabilité parentale sont souvent exécutées tardivement, voire pas du tout. La bonne exécution des décisions dépend des structures nationales mises en place pour la garantir. L'approche juridique et pratique de l'exécution des décisions en matière familiale varie d'un État membre à l'autre, notamment en ce qui concerne les mesures d'exécution prises. Une fois qu'une décision a été rendue, il est important de disposer de mesures efficaces pour l'exécuter, tout en gardant à l'esprit qu'en matière d'exécution de décisions concernant des enfants, il doit rester possible de réagir rapidement aux risques temporaires ou permanents auxquels l'exécution pourrait exposer l'intérêt supérieur de l'enfant . »

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

En Allemagne, la Cour dispose de mesures coercitives de nature financière (amendes) ou de mesures de détention pour insoumission. Lorsqu'un enfant doit être remis, un huissier désigné par la Cour peut remettre l'enfant au demandeur ou à une personne autorisée. Pour ce qui concerne uniquement les décisions relatives au droit de visite et d'hébergement, le recours à la force publique n'est pas prévue.

A Chypre, la personne qui bénéficie d'une décision en matière de responsabilité parentale peut la faire exécuter par les services de police. Il n'est nul besoin d'une décision particulière d'exécution.

Aux Pays-Bas, le parquet est responsable de l'exécution des jugements qui impliquent la remise d'un enfant par l'un des parents. Il supervise dès lors l'intervention des services de police.

La médiation tient une place centrale dans la procédure d'exécution des décisions en matière familiale en Finlande mais, en cas d'échec de la médiation, une amende peut être ordonnée ou la remise de l'enfant à un huissier. La Suède connait également un dispositif gradué qui peut aboutir à l'intervention des services de police, sous certaines conditions.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif poursuivi est de parvenir à une effectivité réelle des décisions prises par le juge aux affaires familiales. Le recours immédiat et systématique à la force publique est évidemment à proscrire en matière familiale où l'adhésion des parties est, davantage que la force, garante d'exécution sur le long terme. C'est pourquoi, pour inciter sans contraindre dans un premier temps, il est nécessaire de prévoir un dispositif graduel qui commence par la médiation avant d'envisager des sanctions pécuniaires, sous forme d'astreinte ou d'amende civile, et ne réserve le recours à la force publique qu'en dernier recours.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

« Tout justiciable nanti d'une sentence judiciaire dûment revêtue de la formule exécutoire est en droit de compter sur l'appui de la force publique pour assurer l'exécution du titre qui lui a été ainsi délivré » 22 ( * )

Lorsque l'administration refuse à bon droit d'aider à l'exécution d'une décision judiciaire (lorsque le trouble que constitue l'inexécution d'une décision de justice est moins dommageable pour l'ordre public que le trouble qui résulterait de son exécution), elle engage sa responsabilité et doit réparer le dommage qui résulte de l'inexécution. Cette responsabilité est fondée sur la rupture d'égalité devant les charges publiques.

Sur près de 38 000 affaires de non-représentation d'enfant et de soustraction d'enfant orientées par les parquets en 2016, plus de 60% des affaires se sont révélées non poursuivables (24 000 affaires), principalement en raison d'une infraction insuffisamment caractérisée ou pour absence d'infraction ; un peu plus de 14 000 affaires étaient donc poursuivables. Parmi celles-ci, le taux de réponse pénale (la réponse pénale correspondant aux procédures alternatives et aux poursuites) s'élève à 78%, soit 11 100 affaires. Dans près de 90% des affaires, la réponse pénale se traduit par une procédure alternative, avec par exemple, une régularisation sur demande du parquet ou une médiation pénale. Enfin dans une affaire sur dix, des poursuites sont engagées. Ainsi, la voie pénale, si elle est nécessaire, ne permet pas de l'exécution de la grande majorité des décisions non respectées.

Il est donc nécessaire de légiférer pour mettre en place un dispositif graduel permettant l'exécution des décisions des juges aux affaires familiales.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ÉCARTÉES

A été écarté le recours systématique à la force publique pour faire exécuter les décisions en matière familiale.

Ensuite, puisqu'il convient, non seulement de prévoir un dispositif graduel, mais encore, lorsque le recours à la force publique est envisagé, de permettre une adaptation de ses modalités à la situation d'espèce, s'est posée la question de l'autorité à laquelle confier cette mission, dans la mesure où la possibilité actuelle de solliciter le préfet n'est pas apparue satisfaisante.

Actuellement, l'article L 153-1 du code des procédures civiles d'exécution, permet, en application de conventions locales passées entre police, gendarmerie et parquets, que l'Etat, par l'intermédiaire du préfet, puisse prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires ; ce dispositif était mis en oeuvre pour l'exécution forcée des placements en assistance éducative, avant la réforme de 2017. Il aurait pu être envisagé d'étendre ces pratiques locales pour confier au préfet la mise en oeuvre de l'exécution forcée des décisions en matière familiale. Toutefois, compte-tenu de la sensibilité de la matière familiale, le préfet n'apparaît pas comme la figure de l'autorité la plus appropriée pour décider du recours à la force publique.

3.2. DISPOSITIF RETENU

Le premier stade dans la recherche d'une exécution effective est de permettre aux parents de comprendre pleinement et de se saisir de la décision du juge. C'est pourquoi le présent projet de loi prévoit que le juge peut proposer une mesure de médiation, même après avoir définitivement statué sur l'exercice de l'autorité parentale pour permettre aux parents de dialoguer à partir de la décision prise et de se mobiliser pour la rendre exécutable.

Le recours à un médiateur en phase post-sentencielle peut également prendre la forme d'une injonction qui appelle une sanction matérialisée par la prise en compte du non-respect dans toute instance modificative qui serait introduite ultérieurement.

Lorsqu'il apparaît au juge aux affaires familiales que la situation sur laquelle il statue présente des risques d'inexécution de la décision, il pourra prévoir d'assortir l'une ou l'autre des dispositions de sa décision d'une astreinte si l'un des parents ne respecte pas les modalités prévues, voire d'une amende civile pouvant aller jusqu'à 10 000 €.

L'amende civile présente l'avantage de ne pas être envisagée par les parties comme un paiement à l'autre parent puisqu'elles sont versées au Trésor public. De plus, elle constitue une sanction du défaut de respect de l' imperium du juge et correspond à cet égard exactement à l'objectif de sanction d'un défaut d'exécution d'une décision de justice.

Ces dispositions sont conçues avant tout pour avoir un effet dissuasif.

En dernier recours, lorsque ni la pédagogie ni la médiation d'une part, ni la menace, ni le prononcé d'une sanction financière d'autre part, n'auront permis l'exécution spontanée des dispositions d'une décision relatives aux modalités d'exercice de l'autorité parentale, la force publique doit pouvoir être utilisée. Cette mesure constituera une voie d'exécution ultime, réservée à certaines situations seulement.

Le procureur, par sa connaissance de la procédure civile, de la matière familiale et de l'intérêt de l'enfant (en matière de mesures de protection, d'adoption, d'état civil...), mais aussi par ses liens avec les forces de l'ordre, apparaît le mieux à même de déterminer les situations où le recours à la force publique sera nécessaire et les modalités d'exécution appropriées.

C'est d'ailleurs lui qui a déjà été retenu pour requérir directement la force publique dans les deux précédents connus, en matière de déplacement international d'enfant pour assurer le retour dans l'Etat de résidence habituelle de l'enfant et en matière d'assistance éducative pour rendre un placement effectif.

Ce dispositif très complet offrira au juge un panel d'outils permettant de s'assurer de l'exécution de la décision judiciaire.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Cette réforme nécessite de revoir, dans le chapitre du code civil relatif à l'autorité parentale, l'article 373-2 relatif au respect par chacun des parents des droits de l'autre, l'article 373-2-6 relatif à l'effectivité du maintien des liens entre l'enfant et chacun de ses parents et l'article 373-2-10 relatif à la médiation familiale.

Concernant la possibilité pour le juge de condamner à une amende civile le parent qui fait délibérément obstacle de façon grave ou renouvelée à l'exécution d'une décision, d'une convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d'un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d'un notaire ou d'une convention homologuée fixant les modalités d'exercice de l'autorité parentale, il convient d'étendre le champ d'application de l'amende civile au cas de l'inexécution d'une décision de justice. En effet, celle-ci est actuellement réservée aux actions en justice qui présentent un caractère dilatoire ou abusif ou à l'absence de réponse des tuteurs aux convocations du juge des tutelles en matière de protection des majeurs vulnérables.

Enfin, la disposition de nature législative permettra au procureur de la République de requérir directement le concours de la force publique pour faire exécuter une décision en matière familiale. Elle pourra être complétée d'une disposition règlementaire inspirée des articles 1210-7 et 1210-8 du code de procédure civile, offrant au procureur de la République un panel de mesures préalables (auditions, médiation, enquête sociale, expertises) destinées à déterminer les modalités d'exécution les plus adaptées.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

4.2.1 Impacts sur les services judiciaires

Le dispositif graduel proposé devrait générer une baisse du contentieux devant le juge aux affaires familiales en raison de la limitation des décisions inexécutées qui sont à l'origine de très nombreuses saisines réitérées pour modifications des décisions. A contrario , le recours à l'intervention du procureur de la République pour requérir le concours de la force publique dans un contentieux de masse laisse présager une augmentation d'activité pour les parquets. Néanmoins, cette mesure est conçue comme une voie d'exécution ultime, réservée à certaines situations seulement.

S'agissant d'une procédure nouvelle, il est difficile de prévoir dans quelle mesure les juges aux affaires familiales et les parquetiers s'empareront de ces nouvelles dispositions et de connaître leur impact réel sur les justiciables. Il a néanmoins été retenu les hypothèses suivantes :

- nombre d'affaires pouvant donner lieu à exécution forcée : 1 400 (soit le nombre moyen d'affaires pénales poursuivies en matière de non-représentation d'enfant et de soustraction d'enfant). Elles se traduiront par un besoin d'emplois de magistrats du parquet à hauteur de 4 ETPT et à un besoin d'emplois de greffe à hauteur de 3 ETPT ;

- nombre d'affaires venant en diminution devant le juge aux affaires familiales hors divorce (suite au recours à un médiateur en phase post-sentencielle ou à l'assortiment d'une disposition de la décision d'une astreinte si l'un des parents ne respecte pas les modalités prévues, voire d'une amende civile, et sous-réserve de leur effet dissuasif sur les justiciables) : 7 500. Elles se traduiront par une économie de 10 ETPT de magistrat du siège et de 14 ETPT de fonctionnaires.

Soit un solde de :

- 6 ETPT de magistrats ;

- 11 ETPT de fonctionnaires.

L'impact sur le logiciel informatique des services de la justice WINCI est modéré. Il convient de prévoir des évolutions telles que la possibilité pour le juge de prononcer astreinte et amende civile et création de la médiation post-sentencielle. Un délai entre 6 mois et 1 an est donc à prévoir.

4.2.2 Impacts sur les services du ministère de l'Intérieur

Le concours de la force publique nécessite l'engagement des forces de police et de gendarmerie dans leurs secteurs respectifs. Toutefois, la décision de requérir le concours de la force publique est réservée aux cas les plus difficiles et il n'est pas prévu que celle-ci soit employée systématiquement.

4.3. IMPACTS SOCIAUX

4.3.1 Impacts sur les particuliers

La réforme permet de redonner confiance en la justice. Elle n'entraîne pas de coût supplémentaire pour le justiciable, au contraire puisque dans bien des cas, il n'aura pas à saisir à nouveau la juridiction en s'assurant l'assistance d'un avocat.

4.3.2 Impacts sur l'égalité entre les hommes et les femmes

Les dispositions envisagées, en ce qu'elles prévoient un dispositif gradué et équilibré visant à assurer l'exécution de toutes les décisions rendues par les juges aux affaires familiales en place de la seule exécution forcée ordonnée par le préfet, sont favorables à l'égalité entre les parents. En outre, elles permettront une meilleure application des mesures prévues dans le cadre d'une ordonnance de protection lorsque la femme victime de violences conjugales a été contrainte de quitter le domicile commun sans les enfants.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. CONSULTATIONS OBLIGATOIRES

Le comité technique des services judiciaires a été consulté le 4 avril 2018 et a émis un vote défavorable.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

La disposition sera d'application immédiate et entrera en vigueur au lendemain de la publication de la loi conformément à l'article 1 er du code civil.

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Il s'agit de modifier plusieurs dispositions du code civil tendant à la simplification des mesures d'exercice de l'autorité parentale.

Cet article est applicable en Guadeloupe, à La Réunion, en Martinique, en Guyane, à Mayotte, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

L'État est compétent en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna où les dispositions relevant de l'état et la capacité des personnes, et les dispositions de procédure civile qui leurs sont indissociables, sont applicables de plein droit (4° de l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, articles 1, 2 et 3 loi n° 70-589 du 9 juillet 1970 relative au statut civil de droit commun dans les territoires d'outre-mer pour Wallis-et-Futuna).

Le cas est identique dans les TAAF où la compétence de l'Etat est applicable de plein droit en vertu du 4° de l'article 1-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de Clipperton.

En revanche, cette disposition ne peut être étendue en Nouvelle-Calédonie en raison de sa compétence propre en la matière.

5.4. TEXTE D'APPLICATION

Un décret en Conseil d'État définira les modalités d'exécution les plus adaptées.

CHAPITRE III : CONCILIER LA PUBLICITÉ DES DÉCISIONS DE JUSTICE ET LE DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE

Article 19 : Concilier publicité de la justice et vie privée dans le cadre notamment de la délivrance des décisions de justice

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

Les articles 20 et 21 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique ont institué une mise à disposition du public de l'ensemble des décisions rendues par les juridictions des ordres judiciaire et administratif. Par renvoi à un décret en Conseil d'État, ces deux articles ont confié au pouvoir réglementaire le soin de définir le cadre juridique de cette mise à disposition.

Afin d'éclairer la rédaction des décrets d'applications de ces articles 20 et 21, la garde des sceaux, ministre de la justice a confié au Professeur Loïc Cadiet la présidence d'une mission d'étude et de préfiguration le 9 mai 2017. Cette mission, dont le rapport 23 ( * ) a été remis le 9 janvier 2018, a fait le constat que la mise à disposition du public des décisions de justice devait être réalisée en cohérence avec les autres modes d'accès aux décisions de justice. Elle a ainsi recommandé la modification de plusieurs dispositions relatives à l'accès aux décisions.

En matière administrative, les articles L. 6 et L. 10 du code de justice administrative posent les principes de publicité des audiences, d'une part, et des jugements, d'autre part. L'article R. 751-7 du même code précise les modalités d'accès des tiers aux jugements : « Des expéditions supplémentaires de la décision peuvent être délivrées aux parties à leur demande. Les tiers peuvent s'en faire délivrer une copie simple ayant fait l'objet, le cas échéant, d'une anonymisation . ».

En matière judiciaire, l'article 11-1 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l'exécution et relative à la réforme de la procédure civile pose le principe de publicité des débats, sauf exceptions et l'article 11-2 le principe de la publicité des décisions, sous réserve d'exceptions également. L'article 11-3 de ce même texte prévoit que les tiers sont en droit de se faire délivrer copie des jugements prononcés publiquement. Les mêmes principes existent en matière pénale, les exigences de publicité de l'audience et de publicité du jugement étant affirmées, bien qu'assorties d'exceptions, à l'article 306 du code de procédure pénale pour la cour d'assises, à l'article 400 du code de procédure pénale pour le tribunal correctionnel et à l'article 535 du même code pour le tribunal de police. L'article R. 156 du code de procédure pénale prévoit par ailleurs que les tiers peuvent se faire délivrer sans autorisation préalable les arrêts, jugements, ordonnances pénales définitifs et titres exécutoires rendus en matière criminelle, correctionnelle ou de police.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le principe de publicité des débats judiciaires est un principe général du droit 24 ( * ) . Les principes de publicité et d'accès aux décisions de justice n'ont pas de valeur constitutionnelle. Les restrictions qui sont apportées à ces principes ne sont pas en contradiction avec la Constitution et peuvent relever de la loi. Ces restrictions peuvent notamment être justifiées par l'exigence d'une bonne administration de la justice, objectif à valeur constitutionnelle qui résulte des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen 25 ( * ) , ou par le respect de la vie privée des personnes, dont la protection résulte de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen 26 ( * ) .

Si dans l'ordre administratif, certaines des règles relatives à l'accès et à la publicité des débats et décisions de justice relèvent, pour partie, du règlement (article R. 751-7 du code de justice administrative), leur mise en cohérence avec les dispositions relatives à l'ordre judiciaire rend nécessaire leur élévation au niveau législatif. Cette possible intervention de la loi dans le domaine du règlement ne serait, en tout état de cause, pas contraire à la Constitution 27 ( * ) .

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

1.3.1 Les règles de publicité et d'accès aux décisions de justice

Le principe de publicité de la justice est consacré par l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme qui prévoit que notamment « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable » et que « le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. (...) ».

Le même principe est également consacré au deuxième alinéa de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui garantit le principe de la publicité de l'audience qui prévoit que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi ».

La Cour européenne des droits de l'homme laisse toutefois une importante liberté aux États parties dans les choix des moyens propres à assurer le principe de publicité posé à l'article 6 de la Convention ou à mettre en oeuvre l'une de ses restrictions. Elle apprécie ces choix au regard des systèmes législatifs concernés et des pratiques judiciaires des États parties 28 ( * ) .

La mesure législative s'inscrit pleinement dans le cadre conventionnel puisque les dispositions instituées dans le code de justice administrative et dans le code de l'organisation judiciaire ne prévoient pas d'hypothèse de refus de principe dans l'accès à la décision de justice. Seules les demandes d'importants volumes de décisions peuvent donner lieu à refus, et les tiers bénéficient alors de voies de recours. L'occultation des éléments d'identification des parties et des tiers contenues dans les décisions et les dispositions modificatives de la loi du 5 juillet 1972 s'inscrivent quant à elles dans le champ des exceptions prévues par la Convention européenne des droits de l'homme ou dans les limites des marges d'appréciation des États parties.

1.3.2 La protection des données à caractère personnel

Le droit de l'Union européenne impose une conciliation entre l'accès à la justice, notamment aux décisions de justice, et la protection des données à caractère personnel. L'article 86 du règlement 2016/679 prévoit ainsi que « Les données à caractère personnel figurant dans des documents officiels détenus par une autorité publique ou par un organisme public ou un organisme privé pour l'exécution d'une mission d'intérêt public peuvent être communiquées par ladite autorité ou ledit organisme conformément au droit de l'Union ou au droit de l'État membre auquel est soumis l'autorité publique ou l'organisme public, afin de concilier le droit d'accès du public aux documents officiels et le droit à la protection des données à caractère personnel au titre du présent règlement. »

La mesure législative opère précisément cette conciliation en maintenant l'accès des tiers aux décisions mais en restreignant les volumes qui peuvent être délivrés - donc la masse de données à caractère personnel concernées - ou en prévoyant une occultation préalable des éléments d'identification des parties et des tiers mentionnés dans les décisions. Concernant l' open data des décisions de justice, il a été fait le choix de protéger également les données à caractère personnel de l'ensemble des professionnels de justice, en occultant notamment l'identité des magistrats du fait de la différence de visée et de portée entre la délivrance aux tiers de la copie d'une décision de justice et sa réutilisation dans le cadre de l' open data .

En matière administrative, la substitution du mot « anonymisation », actuellement employé à l'article R. 751-7 du code de justice administrative par la notion « d'occultation des éléments permettant d'identifier » ne vise nullement à abaisser le niveau de protection des données à caractère personnel. Cette notion, déjà présente dans le code des relations entre le public et l'administration 29 ( * ) , se rapproche en effet de celle de « pseudonymisation » 30 ( * ) selon la terminologie du règlement européen de protection des données à caractère personnel et correspond à une approche réaliste de la délivrance de la copie car elle signifie que la personne concernée n'est pas ou plus identifiable 31 ( * ) . En effet, l'anonymisation semble impossible à atteindre dans le cas des décisions de justice puisqu'il faudrait retirer d'importantes parties de la décision 32 ( * ) . Elle ne correspond pas à la réalité de ce qui est actuellement pratiqué par les greffes des juridictions administratives.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Dans son rapport, la mission présidée par le professeur Cadiet préconise de :

- « Maintenir un régime de délivrance de décision aux tiers par les greffes et établir des mesures visant à permettre aux juridictions de rejeter les demandes de copies de décisions lorsque ces demandes sont abusives ou lorsqu'elles ont pour objet ou pour effet la délivrance d'un nombre important de décisions. » (recommandation n° 9)

- « Prévoir la possibilité, pour la juridiction prononçant la décision, de conditionner sa délivrance aux tiers à sa pseudonymisation ou à la suppression de tout ou partie de ses motifs lorsque cette délivrance est susceptible de porter atteinte à des droits ou secrets protégés, en modifiant notamment les articles 11-3 de la loi du 5 juillet 1972, R.156 du code de procédure pénale et R.751-7 du code de justice administrative. Dans l'impossibilité d'y parvenir, prévoir la possibilité pour la juridiction d'exclure, à titre exceptionnel, l'accès d'une décision aux tiers et sa mise à disposition du public en modifiant les mêmes dispositions . » (recommandation n° 12)

Le Gouvernement souhaite suivre ces recommandations.

Or les restrictions à la publicité des débats et décisions judiciaires relèvent du domaine législatif 33 ( * ) . Il en va de même des restrictions au principe de publicité des jugements dans l'ordre administratif, prévu à l'article L.10 du code de justice administrative.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le projet de loi entend mettre en cohérence l'ensemble des règles applicables en matière d'accès et de diffusion des décisions de justice . La diffusion des décisions de justice en ligne, comme leur accès direct par les tiers auprès des greffes, garantiront ainsi un niveau similaire de protection de la vie privée des personnes.

Il vise à clarifier le régime d'accès aux décisions rendues par les juridictions civiles en mettant en cohérence les règles d'accès des tiers avec celles de publicité des débats et du jugement. La délivrance de la décision de justice est ainsi limitée au seul dispositif du jugement lorsque celui-ci est rendu après débats en chambre du conseil, confirmant ainsi un usage développé par les juridictions 34 ( * ) .

De même, il s'agit de tenir compte des dispositions légales ou réglementaires ayant étendu depuis, depuis 1972, le champ protecteur des audiences en chambre du conseil et celui du prononcé non public des jugements au-delà des matières gracieuses et des matières relatives à l'état et à la capacité des personnes. Le projet de loi prévoit ainsi d'étendre aux matières intéressant la vie privée déterminées par décret ou mettant en cause le secret des affaires les hypothèses dans lesquelles, sauf devant la Cour de cassation, les débats devant le juge civil ne sont pas publics et les jugements ne sont pas prononcés publiquement, précision faite que pour ces matières supplémentaires, il s'agira d'une simple faculté.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ÉCARTÉES

3.1.1 Option 1 : Ne pas modifier l'ordre juridique existant

L'absence d'intervention législative aboutirait à laisser subsister d'importantes différences entre les modalités d'accès des tiers aux décisions de justice auprès des greffes et en ligne. Alors qu'une pseudonymisation est prévue dans le cadre de la diffusion des décisions en ligne, les tiers bénéficieraient de la possibilité de se procurer, de manière massive, les mêmes décisions comportant les identités des personnes physiques.

3.1.2 Option 2 : Porter atteinte au principe de publicité

Il aurait pu être choisi de prohiber de manière systématique l'accès des tiers à toute décision de justice afin d'assurer la protection de la vie privée des personnes. Cette interdiction aurait toutefois constitué une atteinte trop importante au principe de publicité de la justice et aurait posé un problème de conventionnalité.

3.2. DISPOSITIF RETENU

L'option retenue repose sur un équilibre entre l'accès à la décision - qui est entièrement préservé - et le respect de la vie privée des personnes et des secrets protégés par la loi.

L'option choisie restreint la délivrance d'importants volumes de données à caractère personnel en permettant aux juridictions administratives et judiciaires de refuser des décisions lorsque la demande formulée est abusive ou lorsqu'elle a pour objet pour effet la délivrance d'un nombre important de décisions de justice.

Elle institue au niveau législatif la possibilité d'occulter les éléments d'identification des personnes mentionnées dans les décisions pour la mise à disposition du public par voie électronique et des seules parties et tiers pour les délivrances de copie de jugement, . Cette possibilité est strictement encadrée. Cette occultation n'est possible qu'en cas de risque d'atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée des personnes mentionnées ou de leur entourage.

Elle prévoit, en matière judiciaire, un recours en cas de refus de délivrance afin de garantir de manière effective les droits des tiers. Il n'y a pas, en revanche, de renvoi similaire à un décret en matière administrative, car le refus de délivrance d'une copie simple d'un jugement peut être contesté par un recours pour excès de pouvoir classique 35 ( * ) .

Enfin, concernant la matière civile, elle instaure, au niveau législatif, des restrictions aux règles de publicité et à l'accès des tiers aux décisions dans des contentieux strictement déterminés par décret afin d'assurer le respect de la vie privée des personnes et le secret des affaires, au-delà des matières gracieuses et des matières relatives à l'état et à la capacité des personnes.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

D'une part, le projet de loi clarifie le régime de la diffusion en open data des décisions, en modifiant l'article L. 111-13 du code de l'organisation judiciaire et en créant un nouvel article L. 751-1 dans le code de justice administrative (en intégrant les alinéas 2 à 4 de l'actuel article L. 10 introduits par l'article 20 de la loi pour une République numérique dans ce nouvel article), pour prévoir que, dans le cadre de la diffusion sous forme électronique, les éléments permettant d'identifier les personnes physiques mentionnées dans les décisions, que ce soit les parties, les tiers, mais également les professionnels de la justice, seront occultés si leur divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage.

D'autre part, il crée deux nouveaux articles, les articles L. 751-2 du code de justice administrative et L.111-14 du code de l'organisation judiciaire. Les articles 11-1,11-2 et 11-3 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l'exécution et relative à la réforme de la procédure civile seront quant à eux modifiés.

La présente mesure législative permet de sécuriser les règles d'accès aux décisions de justice. Elle réaffirme le principe de cet accès dans la loi et institue des restrictions qu'elle encadre. Elle assure la conformité du régime d'accès aux décisions aux principes conventionnels de publicité de la justice ainsi qu'aux règles européennes de droit des données à caractère personnel prévues, notamment, par le règlement (UE) 2016/679.

La disposition permet en outre d'assurer la bonne articulation des règles de délivrance des décisions avec les dispositions sur la diffusion au public des décisions justice instituée par les articles 20 et 21 de la loi pour une République numérique. En rapprochant les régimes applicables, elle limite les risques de contournement des mesures de protection de la vie privée des personnes par l'accès direct de tiers à d'importants volumes de décisions brutes auprès des greffes.

En matière administrative, de surcroît, elle élève au rang législatif les dispositions de l'actuel article R. 751-7 du code de justice administrative qui précise les conditions d'accès des tiers aux décisions rendues par les juridictions de l'ordre administratif. Les droits d'accès des parties aux décisions de justice ne sont, en revanche, pas impactés par la mesure législative.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES

4.2.1 Impacts sur les services judiciaires

Si la possibilité d'occulter les éléments d'identification des parties et des tiers mentionnés dans les décisions délivrées aux tiers est de nature à créer une charge supplémentaire pour les greffes - l'état du parc applicatif des services judiciaires ne permettant pas à ce stade de réaliser cette tache de manière informatique - cette charge nouvelle, à l'ampleur limitée au regard du caractère dérogatoire de la délivrance de décisions pseudonymisées, est à mettre en perspective avec les possibilités nouvellement introduites de refuser de faire droit à des demandes de grands volumes de décisions qui devrait, quant à elles, alléger la charge des greffes.

Le recours contre les décisions de refus de délivrance des décisions est déjà prévu, en matière civile, à l'article 1441 du code de procédure civile.

L'impact pour les services judiciaires devrait donc être neutre.

4.2.2 Impacts sur les services des juridictions administratives

Les greffes des juridictions administratives n'auront pas de charge supplémentaire, car la délivrance de copies après occultation d'éléments d'identification, le cas échéant, était déjà prévue par l'article R. 751-7 du code de justice administrative.

Toutefois, les greffes ont désormais la possibilité de refuser de délivrer des copies en cas de demandes abusives ou d'un nombre trop important de décisions.

Les refus de délivrance pourront être contestés par la voie du recours pour excès de pouvoir, ce qui est susceptible d'impacter le nombre de recours portés devant les juridictions administratives.

4.3. IMPACTS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

4.3.1 Impacts sur les auxiliaires de justice et les entreprises

Les auxiliaires de justice et les entreprises sont soumises aux obligations du règlement (UE) 2016/679, ces mesures n'ont pas d'impact sur elles.

L'accès des entreprises à de grands volumes de décisions demeura possible en ligne, dans le cadre des articles 20 et 21 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

4.3.2 Impacts sur les particuliers

Ces dispositions ont un impact positif sur les particuliers puisque les dispositions améliorent la protection de la vie privée des personnes.

Les particuliers ne devraient, par ailleurs, pas percevoir de restriction dans la délivrance des copies de jugement, puisqu'il sera fait droit à leurs demandes lorsqu'elles portent sur un nombre restreint de décisions et, lorsqu'elles concernent un grand nombre de décisions, les décisions seront accessibles en ligne et dans des conditions permettant d'assurer de manière satisfaisante la protection de la vie privée des personnes.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. CONSULTATIONS OBLIGATOIRES

5.1.1 La modification du code de justice administrative

Ont été consultés :

- le comité technique des services du Conseil d'Etat, qui a été saisi en application de l'article 4 du décret n° 2011-1026 du 26 août 2011 instituant des comités techniques auprès du vice-président du Conseil d'Etat, du secrétaire général du Conseil d'Etat et du président de la Cour nationale du droit d'asile, et a rendu un avis favorable le 30 mars 2018  ;

- le comité technique spécial des greffes des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel qui a été saisi en application de l'article 1er de l'arrêté du 1er décembre 2009 instituant un comité technique spécial des greffes des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel auprès du secrétaire général du Conseil d'Etat, et a rendu un avis favorable le 14 mars 2018 ;

- la commission supérieure du Conseil d'Etat a été consultée en application de l'article L. 132-2 du code de justice administrative , ;

- le conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, qui a été saisi en application de l'article L232-3 du code de justice administrative et a rendu un avis favorable le 21 mars 2018.

5.1.2 La modification du code de l'organisation judiciaire et du code de procédure civile

Le comité technique des services judiciaires a été consulté le 4 avril 2018 et s'est abstenu.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

La présente disposition sera d'application immédiate, sous réserve des dispositions d'application.

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

5.3.1 La modification de l'ordre administratif

Le I de l'article 19 crée deux articles L. 751-1 et L. 751-2 dans le code de justice administrative qui s'appliquent sur l'ensemble du territoire de la République sans mention expresse d'application.

Ces nouveaux articles L. 751-1 et 2 s'appliquent donc de plein droit en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans les terres australes et antarctiques françaises.

Cependant, ils ne trouvent pas effet dans les terres australes et antarctiques françaises faute de population permanente et de tribunal situés sur ce territoire.

5.3.2 La modification du code de l'organisation judiciaire

Le II de l'article 18 crée un article L. 111-14 dans le code de l'organisation judiciaire.

Cet article s'applique de plein droit en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Il s'applique sur mention expresse en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

Les articles L. 531-1 (application à Wallis-et-Futuna), L. 551-1 (application en Polynésie française) et L. 561-1 (application en Nouvelle-Calédonie), qui prévoient l'extension du livre I du code d'organisation judiciaire aux collectivités du Pacifique, n'étant pas rédigés sous la forme de "compteur Lifou", il est apparu inopportun de les modifier. En effet, le présent projet de loi n'est pas le vecteur approprié pour créer un compteur Lifou au livre I du code d'organisation judiciaire.

Il ne s'applique pas dans les terres australes et antarctiques françaises faute de mention expresse d'application (absence de population permanente et de tribunal situés sur ce territoire).

5.3.3 La modification du code de procédure civile

Le III de l'article 18 modifie les articles 11-1, 11-2 et 11-3 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972.

Cette loi et les modifications qui y sont apportées s'appliquent de plein droit en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Se rattachant à la procédure civile, elles ne s'appliquent pas faute de mention expresse d'application introduites dans la loi du 5 juillet 1972, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques française.

En outre, elles ne relèvent plus de la compétence de l'Etat en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

Les articles 11-1 à 11-3 sur la publication des débats et des jugements en matière civile peuvent seulement trouver application à Wallis-et-Futuna compte tenu de la compétence de l'Etat en matière de procédure civile.

Le présent projet de loi prévoit une mention expresse d'application de ces trois articles à cette collectivité en créant un article 11-4 dans la loi du 5 juillet 1972.

5.4. TEXTE D'APPLICATION

Un décret en Conseil d'État sera nécessaire pour déterminer les conditions d'application de la disposition envisagée.

TITRE III : DISPOSITIONS RELATIVES AUX JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

CHAPITRE I ER : ALLEGER LA CHARGE DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Article 20 : Allonger la durée de l'expérimentation de la procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

Après le contentieux des étrangers, les litiges sociaux et les litiges de la fonction publique représentent les deuxième et troisième postes d'entrées devant les tribunaux administratifs (respectivement 16 % et 11,5 %). Il est résulté d'un groupe de travail présidé en 2015 par la présidente de la mission permanente d'inspection des juridictions administratives, que, dans la grande majorité des cas, les requérants recherchent surtout l'intervention d'un tiers indépendant dans ces litiges très factuels, sans que la compétence d'un juge soit toujours requise.

Sur la base de ce constat, le législateur a autorisé le Gouvernement, par l'article 5 IV de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, à imposer aux destinataires de certaines décisions défavorables en matière sociale ou de fonction publique, et à titre expérimental pour une durée limitée à 4 ans à compter de la parution de la loi, de saisir un médiateur avant de saisir le juge administratif.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

L'expérimentation prévue par l'article 5 § IV de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle trouve son fondement dans l'article 37-1 de la Constitution, qui prévoit que la loi peut comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental.

L'article 5 § IV a fait l'objet d'un contrôle du Conseil constitutionnel suite à un moyen soulevé par les sénateurs requérants. Ceux-ci soutenaient que ce paragraphe méconnaissait le principe de « clarté de la loi » et l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi en raison de l'absence de précision quant aux personnes chargées d'effectuer la médiation préalable. De plus, ils soutenaient qu'en confiant au pouvoir réglementaire la fixation des conditions de l'expérimentation et qu'en ne prévoyant pas les modalités d'évaluation de celle-ci, ce paragraphe méconnaîtrait également l'article 37-1 de la Constitution.

Dans sa décision du 17 novembre 2016 36 ( * ) , le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions du IV de l'article 5 précité, ne méconnaissent ni l'article 37-1 de la Constitution ni aucune autre exigence constitutionnelle.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'article 5 § IV de la loi de modernisation de la justice XXI ème siècle a été introduit à titre expérimental. L'objectif d'une expérimentation est de tester un nouveau dispositif sur un territoire déterminé et pour une durée limitée afin d'en tirer un bilan avant d'envisager sa généralisation ou son abandon. Toutefois, la durée retenue doit être suffisamment longue pour pouvoir tirer un bilan exhaustif de cette expérimentation.

En l'espèce, le législateur a considéré qu'une durée de quatre ans était suffisante pour tirer ce bilan. Or, du fait de la publication tardive du décret d'application, cette durée ne sera pas respectée.

Le décret n° 2018-101 du 16 février 2018 de mise en oeuvre de cette expérimentation et paru le 17 février 2018 prévoit une entrée en vigueur au 1er avril 2018. Il restera alors un peu plus de deux ans et demi d'expérimentation avant le terme fixé par la loi de modernisation de la justice XXI ème siècle, ce qui est trop court pour apprécier les effets de la médiation préalable obligatoire.

Il est donc proposé de reporter le terme de l'expérimentation au 31 décembre 2021, afin de respecter la volonté du législateur.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Du fait de la publication tardive du décret d'application du 16 février 2018 précité, l'expérimentation souhaitée par le législateur ne pourra pas être mise en oeuvre dans les délais prescrits par lui. En ne légiférant pas, la volonté du législateur ne sera donc pas respectée.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION(S) ÉCARTÉE(S)

A été écartée l'option consistant à ne pas légiférer, ce qui reviendrait à réduire la durée de l'expérimentation, souhaitée par le législateur en 2016, de quatre années à moins de trois années pleines.

3.2. DISPOSITIF RETENU

Pour apprécier au mieux l'efficacité de ce dispositif expérimental, il apparaît souhaitable de maintenir la durée initiale de quatre années pleines. Ceci nécessite donc la modification de l'article 5 § IV de la loi de modernisation de la justice XXI ème siècle.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Le recours à la médiation obligatoire enrichit les modes alternatifs de règlement des litiges devant la juridiction administrative : aux côtés du recours administratif (facultatif ou obligatoire), le recours à la médiation préalable sera rendu obligatoire pour les contentieux visés par l'expérimentation (recours contentieux formés par certains agents soumis aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires à l'encontre d'actes relatifs à leur situation personnelle et requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi) et précisés dans le décret d'application 37 ( * ) .

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

L'instauration d'un mécanisme de médiation préalable obligatoire a pour objet de limiter le recours au juge en essayant de vider le litige lors de la médiation.

Si la médiation aboutit, il n'y a pas de recours au juge. A terme, cela devrait permettre une diminution des recours contentieux relatifs à la fonction publique et sociaux devant la juridiction administrative.

En 2017, ont été présentés 1 882 recours contentieux dans le champ territorial de l'expérimentation fonction publique (1 767 en 2016) et 1 285 dans le champ territorial de l'expérimentation contentieux sociaux (1 447 en 2016). L'objectif est de parvenir à une baisse de 10 % du contentieux dans les litiges concernés au terme de l'expérimentation.

Un rapport d'évaluation sera établi par le ministre de la justice et remis au Parlement et au Conseil commun de la fonction publique au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation.

4.3. IMPACTS ÉCONOMIQUES

Les impacts de la mesure envisagée sur les avocats seront faible dans la mesure où les contentieux concernés par l'expérimentation (contentieux fonction publique et contentieux sociaux) sont des contentieux pour lesquels le ministère d'avocat n'est pas obligatoire (articles R. 431-2 à R. 431-4 du code de justice administrative).

4.4. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Les collectivités territoriales sont concernées par l'expérimentation 38 ( * ) en ce qui concerne les décisions individuelles relatives à la rémunération, aux positions statutaires, à la réintégration, au reclassement à l'issue d'un avancement de grade ou d'un changement de corps obtenu par promotion interne, à la formation professionnelle et à l'adaptation des postes de travail. En sont en revanche exclues, les décisions faisant intervenir un jury (concours) ou une instance paritaire (avancement de grade, discipline).

Les collectivités territoriales sont également concernées en ce qui concerne les décisions relatives au revenu de solidarité active, prévu à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, prises par le président du conseil départemental sur le recours préalable prévu par l'article L. 262-47 du même code, y compris les refus totaux ou partiels de remise d'indu à titre gracieux.

En ce qui concerne les impacts financiers pour les collectivités territoriales, l'expérimentation a précisément pour objectif d'évaluer précisément, sur un territoire limité, les coûts et les gains pour les administrations que génère un recours à la médiation comme alternative à un recours contentieux comme mode de règlement des litiges.

Il n'est donc pas possible à ce stade de chiffrer l'impact financier de l'expérimentation.

Il peut seulement être avancé que, si la médiation est fructueuse (soit que l'administré renonce à sa contestation, soit qu'il trouve un accord avec l'administration), le litige aura été réglé en un ou deux mois tout au plus, alors que le délai de jugement moyen devant les tribunaux administratifs est de l'ordre de 1 an et 9 mois, et devant les cours administratives d'appel de 1 an et 2 mois.

4.5. IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

De la même façon, si la médiation est fructueuse (soit que l'administré renonce à sa contestation, soit qu'il trouve un accord avec l'administration), le litige aura été réglé dans des délais plus réduits que s'il avait dû être jugé par un tribunal administratif.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel a été consulté et a rendu son avis favorable le 21 mars 2018, en application de l'article L. 232-3 du code de justice administrative.

En application de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, le Conseil national d'évaluation des normes a été consulté a rendu un avis favorable à l'issue de sa séance du 5 avril 2018.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Le décret n° 2018-101 du 16 février 2018 susmentionné a prévu l'application du dispositif à compter du 1 er avril 2018.

Le projet de loi prévoit que l'expérimentation s'achèvera au 31 décembre 2021.

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Le dispositif est applicable sur tout le territoire français, métropolitain et ultra-marin.

Cependant, s'agissant d'un dispositif expérimental, le Gouvernement a décidé de limiter son application à certains territoires. Hormis le cas des agents de la fonction publique relevant du ministère des affaires étrangères qui seront tous concernés par l'expérimentation, quelle que soit leur affectation, la médiation préalable obligatoire des autres contentieux de la fonction publique et des contentieux sociaux est limitée à certains territoires désignés par arrêtés interministériels dans des conditions fixées par le décret n° 2018-101 du 16 février 2018 susmentionné.

Ainsi, trois arrêtés interministériels 39 ( * ) fixent le champ territorial de l'expérimentation de la médiation :

- un arrêté du 1 er mars 2018 a désigné, pour les agents du ministère de l'éducation nationale, les académies concernées par l'expérimentation ;

- un arrêté du 2 mars 2018 a désigné les circonscriptions départementales au sein desquelles les collectivités territoriales peuvent recourir à la médiation préalable obligatoire pour les contentieux impliquant leurs agents territoriaux : Aisne, Aude, Aveyron, Bas-Rhin, Charente-Maritime, Côtes d'Armor, Drôme, Essonne, Eure, Finistère, Gard, Gironde, Guadeloupe, Guyane, Haute-Loire, Hautes-Pyrénées, Haute-Saône, Haute-Savoie, Hauts-de-Seine, Ille-et-Vilaine, Indre-et-Loire, Isère, Landes, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Manche, Martinique, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Nord, Pas-de-Calais, Puy-de-Dôme, Pyrénées-Atlantiques, Pyrénées-Orientales, Rhône, Saône-et-Loire, Savoie, Seine-Maritime, Seine-Saint-Denis, Tarn, Val-de-Marne, Val-d'Oise, Vendée, Vienne, Yonne, Yvelines ;

- un arrêté du 6 mars 2018 a désigné les départements et circonscriptions départementales au sein desquels certains litiges sociaux sont soumis à la médiation préalable obligatoire : Bas-Rhin, Isère, Haute-Garonne, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Meurthe-et-Moselle, ainsi que les départements de la région Occitanie, de la région Auvergne - Rhône-Alpes et la région Pays de la Loire.

Article 21 : Elargir les possibilités de recours aux magistrats honoraires

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

L'honorariat est une distinction pouvant être accordée à certains agents publics qui quittent définitivement leurs fonctions et qui leur permet de conserver leur titre et certaines prérogatives ou distinctions honorifiques 40 ( * ) .

Aux termes des dispositions de l'article 71 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 41 ( * ) portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : « Tout fonctionnaire admis à la retraite est autorisé à se prévaloir de l'honorariat dans son grade ou son emploi à condition d'avoir accompli vingt ans au moins de services publics . ».

Les magistrats administratifs honoraires peuvent actuellement exercer à la fois des fonctions administratives et des fonctions juridictionnelles, en vertu de divers textes du code de justice administrative. Ainsi, les magistrats honoraires peuvent actuellement :

- occuper des fonctions au sein de commissions administratives 42 ( * ) ;

- exercer des fonctions de médiation 43 ( * ) ;

- occuper des fonctions juridictionnelles.

Actuellement, les dispositions de l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative prévoient la possibilité pour la juridiction administrative de recourir à des magistrats administratifs honoraires, pour exercer des fonctions juridictionnelles dans le cadre de certaines catégories de contentieux.

L'article L. 222-2-1 du code de justice administrative prévoit ainsi que : « Le président du tribunal administratif peut désigner un magistrat administratif honoraire choisi parmi les magistrats inscrits, pour une durée de trois ans renouvelable, sur une liste arrêtée par le vice-président du Conseil d'Etat, pour statuer sur les recours en annulation dont le tribunal administratif est saisi en application des III et IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile . »

Le recours aux magistrats honoraires en vue de statuer sur les seuls litiges relatifs aux arrêtés de reconduite à la frontière, a été prévu par l'article 58 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration.

Le président du tribunal administratif peut ainsi désigner un magistrat administratif honoraire choisi parmi les magistrats inscrits sur une liste arrêtée par le vice-président du Conseil d'État, pour statuer sur les recours formés contre les arrêtés de reconduite à la frontière ainsi que sur les recours en annulation formés contre les décisions de placement en rétention ou d'assignation à résidence ainsi que contre l'obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant si l'intéressé fait aussi l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

Un magistrat honoraire peut également statuer seul sur les recours formés par les demandeurs d'asile placés en rétention (article L. 556-1 et II de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) ou à l'encontre desquels a été prise une décision de transfert vers un autre État (article L. 742-4-I du même code).

Le recours à des magistrats honoraires est également possible dans certaines juridictions administratives spécialisées. Aux termes de l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les magistrats administratifs honoraires ainsi que les membres honoraires du Conseil d'Etat peuvent être désignés en tant que présidents des formations de jugement de la Cour nationale du droit d'asile. L'article L. 721-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre prévoit ainsi la possibilité, « en cas de besoin », de faire appel, pour exercer les fonctions de président d'un tribunal des pensions, à des magistrats honoraires de l'ordre administratif ou de l'ordre judiciaire. L'article L. 722-3 du même code prévoit la même possibilité de recours à des magistrats administratifs honoraires pour exercer les fonctions de membres assesseurs d'une cour régionale des pensions.

Dans l'ordre judiciaire, la loi organique n°2016-1090 du 8 août 2016, relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, a considérablement élargi la possibilité déjà existante de faire appel à des magistrats honoraires 44 ( * ) . L'un des objectifs visés par cette réforme législative était de répondre aux vacances d'emploi et aux perspectives de retraites en s'appuyant sur un vivier de magistrats. La loi de 2016 a ainsi étendu le nombre et la nature des fonctions juridictionnelles pouvant être occupées par des magistrats honoraires. Ils peuvent désormais exercer les fonctions de substitut ou de substitut général ou être affectés en qualité d'assesseurs dans une formation collégiale du tribunal de grande instance ou de la cour d'appel.

Les modalités de rémunération des magistrats administratifs honoraires sont fixées par le décret n°2006-1457 du 27 novembre 2006 relatif aux indemnités des magistrats administratifs honoraires appelés à statuer sur les litiges relatifs aux arrêtés de reconduite à la frontière.

Le décret prévoit l'allocation d'une indemnité par audience effectivement tenue. Le montant de l'indemnité, fixé par arrêté des ministres chargés de l'économie et des finances, de la justice et de la fonction publique, varie selon le nombre d'affaires inscrites au rôle.

Ce montant a été fixé par arrêté du 27 novembre 2006 à :

- 100 euros quand moins de huit dossiers sont inscrits au rôle ;

- 180 euros quand huit à quinze dossiers sont inscrits au rôle ;

- 250 euros quand plus de quinze dossiers sont inscrits au rôle.

Le montant de ces indemnités n'a pas été revalorisé depuis cette date et explique vraisemblablement pour partie la faiblesse, en nombre, du recours effectif aux magistrats honoraires.

D'octobre 2016 à octobre 2017, le recours aux magistrats honoraires, pour les seuls contentieux des étrangers concernés a représenté un coût de 1 980 euros (61 dossiers ont été traités).

Aujourd'hui, 73 magistrats administratifs honoraires ont moins de 75 ans et sont éligibles à ce dispositif.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

L'affectation des magistrats honoraires au sein des juridictions administratives, dans le cadre du dispositif engagé, comme dans le cadre des dispositifs existants, doit respecter le principe constitutionnel d'indépendance des personnes exerçant des fonctions juridictionnelles 45 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé, à propos des magistrats de l'ordre judiciaire, que : « Les fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire. La Constitution ne fait cependant pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire, à condition que, dans cette hypothèse, des garanties appropriées permettent de satisfaire au principe d'indépendance qui est indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires. Il importe à cette fin que les intéressés soient soumis aux droits et obligations applicables à l'ensemble des magistrats sous la seule réserve des dispositions spécifiques qu'impose l'exercice à titre temporaire de leurs fonctions. » 46 ( * ) .

Il apparaît en conséquence nécessaire que le magistrat honoraire qui souhaite exercer des fonctions juridictionnelles soit soumis aux droits et obligations applicables à l'ensemble des magistrats administratifs, sous la réserve des dispositions spécifiques qu'imposent l'exercice à titre temporaire de leurs fonctions.

C'est en particulier ce qui justifie l'application à ces magistrats des règles d'incompatibilité et de déontologie prévue par le projet de loi.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le recours à des magistrats honoraires pour juger certains litiges relevant du contentieux des étrangers tend, d'une part, à faire profiter les juridictions des compétences acquises par les magistrats honoraires, et, d'autre part à soulager, dans un contexte budgétaire contraint, les tribunaux administratifs, qui allouent déjà une part importante de leurs effectifs à régler les litiges relevant de cette branche contentieuse, qui représente 30% 47 ( * ) des affaires enregistrées en 2016 par les tribunaux administratifs.

L'extension du recours à des magistrats administratifs honoraires constitue une mesure particulière, parmi d'autres mesures pouvant être mises en oeuvre, en vue d'aider à accélérer le traitement des requêtes enregistrées par les tribunaux administratifs, , tout en assurant la qualité d'instruction des affaires et d'élaboration des jugements par un magistrat expérimenté.

Les avantages escomptés par le recours à ce dispositif :

- affectation de magistrats expérimentés ;

- caractère ponctuel de cette allocation.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'extension du recours aux magistrats honoraires nécessite de nouvelles dispositions législatives, en vue de modifier et de compléter les dispositions actuelles de l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ÉCARTÉES

3.1.1 Le statu quo

Cette option implique que le contentieux actuel, la gestion du stock et des flux se fassent à effectifs constants alors que les efforts demandés aux magistrats en fonction, en termes de sorties, atteignent aujourd'hui un plafond. De ce fait, les délais d'instruction et de jugement seraient rallongés, ce qui serait préjudiciable pour les justiciables lesquels peuvent légitimement attendre que l'affaire les concernant soit examinée dans un délai raisonnable.

Des dispositifs autres que le recours aux magistrats administratifs honoraires sont déjà mis en oeuvre, en vue de compléter, ponctuellement, les effectifs des juridictions, notamment en cas de vacance ou d'empêchement, par l'adjonction d'un membre appartenant à un autre tribunal administratif (article L. 221-2 du code de justice administrative 48 ( * ) ), ou par le recours à des magistrats « volants » (article L. 221-2-1 du code de justice administrative 49 ( * ) ). L'article R. 221-6-1 du même code encadre les possibilités de recours à ces magistrats à trois fois au cours d'une même année pour une durée totale ne pouvant pas excéder six mois.

Ces dispositifs, utiles, sont employés à niveau constant d'effectifs, en permettant le renforcement ponctuel des effectifs de magistrats dans certaines juridictions, qui rencontrent elles-mêmes ponctuellement des difficultés. Toutefois les gains ainsi emportés dans la juridiction d'arrivée se font, symétriquement, aux dépens de la juridiction de départ.

3.1.2 Le transfert de dossiers

Cette solution permet de transférer d'un tribunal à un autre, ou d'une cour à une autre, une partie du stock d'une juridiction.

Cette solution, déjà employée à plusieurs reprises, notamment entre la cour administrative d'appel de Marseille et la cour administrative d'appel de Lyon, entre le tribunal administratif de Versailles et le tribunal administratif du Montreuil, ainsi qu'entre le tribunal administratif de Lille et le tribunal administratif de Montreuil, a permis d'éviter le maintien au sein d'une juridiction qui éprouvait des difficultés à traiter dans des délais raisonnables les recours enregistrées, et de les transférer à une juridiction capable de le traiter dans de meilleurs délais.

Toutefois, cette solution, là encore, n'engendre pas à proprement parler de capacité supplémentaire de traitement des dossiers en stock ou des questions posées, mais consiste en une optimisation de la répartition des stocks existants entre juridictions. En outre, ce type d'opération est rendu difficile par le déplacement géographique des parties qu'elle induit, au moment de l'audience.

3.1.3 Le recrutement de nouveaux magistrats

Dans un contexte budgétaire contraint, la juridiction administrative ne peut pas se contenter de chercher à activer ce seul levier, mais doit chercher des solutions alternatives, en vue de concilier la nécessité d'augmenter les possibilités de recours à des magistrats pour traiter les dossiers contentieux, et la nécessaire sobriété en matière de dépense publique.

3.2. DISPOSITIF RETENU

L'extension des possibilités de recours à des magistrats honoraires 50 ( * ) pour occuper des fonctions contentieuses ou d'aide à la décision doit permettre d'augmenter la capacité de traitement des dossiers enregistrés par les juridictions administratives, par des agents particulièrement expérimentés, tout en évitant de créer de nouveaux équivalents temps plein.

Ce dispositif laisse aux présidents de juridiction une certaine souplesse dans le choix des missions confiées au magistrat concerné en fonction des besoins spécifiques de la juridiction. Le président pourra préférer affecter le magistrat au contentieux des étrangers, à certaines chambres connaissant des difficultés particulières de sorties des affaires qui lui sont attribuées, à certaines matières (pouvant d'ailleurs être partagées entre plusieurs chambres), aux procédures de référé, ou consacrer l'emploi de cette personne à la résorption de certains dossiers (en raison de leur nature, leur difficulté, ou leur nombre) qui nécessitent un temps d'instruction important. Le magistrat honoraire pourra également être mis au service d'un président de chambre (aide à la décision) en élaborant des travaux de recherche spécifiques, transversaux ou propres à une question particulière nécessitant un approfondissement particulier.

Le projet de loi prévoit, pour accompagner l'extension du recours aux magistrats honoraires, de clarifier le statut de ces derniers, les modalités d'exercice du pouvoir disciplinaire s'appliquant à eux, ainsi que les règles de déontologie (notamment en précisant les activités professionnelles incompatible avec l'exercice des fonctions de magistrat honoraire et en rappelant que ces derniers sont tenus au secret professionnel).

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Le projet de loi prévoit, à l'instar de la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016, d'élargir la possibilité déjà existante de faire appel à des magistrats honoraires. Des fonctions juridictionnelles de rapporteur en formation collégiale, de juge unique ou de juge des référés, ou des fonctions non juridictionnelles d'aide à la décision pourront leur être confiées. Ces magistrats honoraires continueront d'être payés à la vacation. A cet effet, il modifie l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative et crée deux nouveaux articles L. 222-2-2 et L. 222-2-3 à la section 2 relative au fonctionnement des tribunaux administratifs du chapitre II du titre II du Livre II, pour préciser, d'une part, les obligations déontologiques et les règles d'incompatibilité et disciplinaires qui sont applicables aux magistrats honoraires nommés dans les tribunaux administratif, d'autre part, que ces derniers pourront exercer des fonctions non juridictionnelles d'aide à la décision au profit des magistrats en activité.

En outre, il ajoute deux articles L. 222-5 et L. 222-6 à la section 3 relative au fonctionnement des cours administratives d'appel des mêmes chapitre, titre et livre du code de justice administrative pour prévoir que des magistrats honoraires peuvent également être nommés dans les cours administratives d'appel pour les mêmes missions et dans les mêmes conditions.

Le dispositif envisagé préserve le principe d'indépendance du magistrat dès lors que l'affectation du magistrat honoraire, par le vice-président du Conseil d'Etat, ne peut se faire qu'avec l'accord du magistrat concerné et que celui-ci bénéficie des garanties de la procédure disciplinaire applicable aux magistrats administratifs et qu'il ne peut se voir infliger, comme seules sanctions, le blâme, l'avertissement, et la cessation de fonctions.

Il étend ainsi aux magistrats honoraires de l'ordre administratif certaines dispositions statutaires du code de justice administrative applicables aux magistrats en activité. Ces magistrats honoraires ne seront donc plus régis par les règles de droit commun de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, mais aux dispositions des articles L. 231-1 à L. 231-9 du code de justice administrative qui concerne la déontologie des magistrats, leur inamovibilité, la prévention des conflits d'intérêts ou encore l'obligation de résidence. Le projet de loi fixe par ailleurs la limite d'âge des magistrats honoraire à 75 ans.

4.2. IMPACTS SUR LES FINANCES PUBLIQUES

Le coût de la mesure envisagée dépendra du succès du recours à cette mesure auprès des magistrats honoraires.

Il sera en tout état de cause bien moindre que toute autre forme d'allocation supplémentaire de personnel (magistrats, assistants du contentieux ou assistants de justice).

L'arrêté actuel fixant les indemnités des magistrats honoraires devra être modifié pour être adapté aux nouvelles fonctions (notamment pour les fonctions d'aide à la décision).

Grâce à l'extension des possibilités de recours aux magistrats honoraires, il est envisagé d'employer annuellement environ une trentaine de magistrats honoraires pour un maximum correspondant à un tiers temps chacun.

Le coût estimé serait de 30 magistrats honoraires percevant un tiers du traitement indiciaire annuel d'un premier conseiller du 5 ème échelon (indice majoré 821) soit 456 180 euros bruts, auxquels s'ajouteraient 168 787 euros de charges. Le coût total est ainsi estimé à 624 967 euros par an.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Le recours aux magistrats honoraires pour renforcer les effectifs des juridictions administratives n'étant pas nouveau, il ne devrait pas créer de difficulté de gestion au sein des juridictions concernées, qui peuvent s'appuyer sur une expérience de plusieurs années, ce qui facilitera la mise en oeuvre de ce dispositif. Le dispositif envisagé prévoit plusieurs types de fonctions données au magistrat honoraire, qui pourra ainsi statuer seul, compléter une formation collégiale ou réaliser un travail d'aide à la décision.

Les modalités concrètes de l'affectation et du travail du magistrat honoraire pourront donc être déterminées par le chef de juridiction et le cas échéant par le président de chambre, pour répondre aux besoins particuliers de la juridiction.

L'intégration d'un magistrat supplémentaire au sein d'une chambre permettra d'augmenter le nombre des dossiers traités, tout en ajoutant une expertise supplémentaire à la formation de jugement provenant d'un magistrat ayant, le cas échéant, déjà assumé les fonctions de président.

La souplesse donnée au dispositif envisagé doit permettre également de ne pas alourdir à l'excès le travail du rapporteur public, dans une chambre composée désormais d'un président (qui peut être rapporteur et/ou statuer en qualité de juge unique) et de trois et non plus deux assesseurs seulement, induisant un nombre supplémentaire de conclusions à lire.

Plusieurs tribunaux administratifs possèdent toutefois déjà en leur sein une ou plusieurs chambres composées déjà d'un président, un rapporteur public et de trois rapporteurs. Les Le nouveau dispositif ne va donc pas créer une difficulté d'un type nouveau (charge de travail accrue en particulier pour le président et le rapporteur public ; rotation des formation de jugement au cours d'une même journée d'audience...) . Les moyens d'y répondre seront plus aisés à trouver s'agissant d'un magistrat honoraire dont les missions sont, d'une part, ponctuelle et, d'autre part, de natures diverses. Le renfort apporté dans un domaine (une chambre, un contentieux ou une mission en particulier) pourra être, dès que nécessaire, dirigé dans un autre domaine.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel a été consulté le 21 mars 2018, en application de l'article L. 232-3 du code de justice administrative.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

La disposition sera d'application immédiate. Les dispositions envisagées entreraient en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel .

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Le dispositif est applicable pour l'ensemble des juridictions du territoire français, en métropole et en outre-mer.

Article 22 : Permettre le recrutement de juristes assistants

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

La juridiction administrative fait face à un accroissement continu de contentieux de masse à caractère répétitif. Cela concerne particulièrement le contentieux des étrangers (lié aux titres de séjours et aux obligations de quitter le territoire français) et les contentieux sociaux. Les contentieux des étrangers représentent 30,4 % des requêtes enregistrées auprès des tribunaux administratifs en 2016 (58 745) et les contentieux sociaux représentent quant à eux 7 % des requêtes (13 467). .

Cette augmentation tendancielle du nombre de recours devrait s'accentuer avec le transfert aux tribunaux administratifs :

- en 2019, d'une partie des contentieux d'aide sociale actuellement traités par les commissions départementales d'aide sociale en application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle ;

- en 2020, du contentieux des pensions militaires d'invalidité actuellement traité par des juridictions spécialisées (projet de loi de programmation pour la défense)

La même tendance est observée au Conseil d'Etat où les recours en cassation sur les contentieux de masse traités par la Cour nationale du droit d'asile (progression de 34 % en 2017 51 ( * ) ; 61 000 sont attendus en 2018) et la nouvelle commission du contentieux du stationnement payant (qui devrait enregistrer au minimum 100 000 requêtes par an).

Pour faire face à cette augmentation de ces contentieux de masse et répétitifs, la justice administrative a recours à du personnel non magistrat chargé d'apporter une aide à la décision. Outre le greffe, qui joue un rôle important au titre de l'aide à la décision, ce personnel se répartit en trois catégories :

a) Les assistants du contentieux

Il s'agit d'agents de greffe de catégorie A relevant du ministère de l'intérieur.

Leur nombre est actuellement équivalent à 98,4 ETPT répartis comme suit : 64,5 en tribunal 33,9 en cour administrative d'appel. Il n'en existe pas au Conseil d'Etat.

b) Les assistants de justice

Leur statut est fixé par les articles L. 227-1 et R. 227-1 et suivants du code de justice administrative. Ce sont des contractuels à temps incomplet (généralement des étudiants préparant des concours). Leur statut a été créé par l'article 60 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, à l'instar du dispositif qui existait déjà dans l'ordre judiciaire. Peuvent ainsi être nommées, en qualité d'assistants de justice, au Conseil d'Etat ou auprès des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation juridique d'une durée au moins égale à quatre années d'études supérieures après le baccalauréat 52 ( * ) . Les assistants de justice travaillent 90 heures par mois dans le cadre d'un contrat de deux ans renouvelables deux fois.

Leur nombre est actuellement équivalent à 96,38 ETPT dans l'ensemble des juridictions administratives répartis comme suit : 74,94 en tribunal, 21,44 en cour administrative d'appel et 12 au Conseil d'Etat.

c) Les vacataires « aide à la décision »

Ils sont recrutés pour une période de 12 mois maximum, souvent parmi les anciens assistants de justice. Leur nombre est croissant du fait de la charge des contentieux de masse. Ils permettent d'adapter rapidement les ressources à la charge de travail des juridictions.

Leur nombre est actuellement équivalent à 37 ETPT répartis comme suit : 26 en tribunal et 11 en cour administrative d'appel.

d) Les stagiaires

Aux côtés de ces 3 catégories de personnels, les juridictions recourent à du personnel stagiaire. Il s'agit de futurs avocats en formation venant effectuer un stage de six mois dans le cadre de leur projet pédagogique individuel (de janvier à juin et de juillet à décembre) ou encore, de façon plus ponctuelle, de stagiaires universitaires.

Les missions confiées au personnel d'aide à la décision dans les juridictions administratives consistent, à titre principal, à effectuer des recherches juridiques, à préparer des notes argumentées à l'attention des magistrats (« notes au rapporteur »), à rédiger des pré-projets de jugements ou d'arrêts, le plus souvent dans les contentieux de masse (notamment en droit des étrangers), ainsi que des projets d'ordonnances (ex : en cas d'irrecevabilité, de requêtes manifestement dénuées de fondement, ...), et à assister les magistrats dans le traitement des dossiers relevant de séries (affaires posant les mêmes questions juridiques).

Dans certaines juridictions, les assistants du contentieux et les assistants de justice peuvent être conduits à assurer le suivi des demandes d'exécution des jugements ou des arrêts ou encore, le traitement des recours en matière d'aide juridictionnelle (dans certaines cours administratives d'appel).

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

La juridiction administrative souhaite professionnaliser ces personnels d'aide à la décision qui sont devenus aujourd'hui indispensables pour permettre aux magistrats de se consacrer aux dossiers nécessitant une plus grande expertise juridique et aux dossiers les plus anciens. C'est aussi, au demeurant, une condition du maintien de l'attractivité des fonctions de magistrat administratif.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les magistrats ne parviennent pas à eux seuls à absorber la charge de travail. Il est donc nécessaire de recourir à d'autres catégories de personnel. Le recours à d'autres catégories d'agent nécessite une modification de la loi.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ÉCARTÉES

Dans un contexte budgétaire contraint, il n'est pas prévu d'augmenter le nombre de magistrats au sein des juridictions administratives.

Par ailleurs, le recentrage des magistrats sur leurs fonctions juridictionnelles (notamment par la diminution de la participation des magistrats au sein des commissions administratives) ne sera pas suffisant pour absorber cette augmentation du contentieux.

A été écartée l'option consistant en une augmentation du nombre d'assistants du contentieux et de justice. Pour les mêmes raisons budgétaires, le nombre d'assistants du contentieux ne sera pas augmenté. Concernant les assistants de justice, leur statut ne permet pas d'augmenter leur productivité dans la mesure où ils sont employés à temps incomplet. L'article R. 227-10 du code de justice administrative prévoit en effet que : « Le nombre de vacations horaires allouées à un même bénéficiaire ne peut excéder 120 par mois dans la limite de 1080 par an. »

3.2. DISPOSITIF RETENU

Le choix s'est donc porté vers la mise en place d'un véritable statut d'agents d'aide à la décision de justice administrative par la création de juristes assistants sur le modèle de ce qui existe dans l'ordre judiciaire.

Le statut des juristes assistants auprès des juridictions judiciaires a été créé par l'article 24 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle 53 ( * ) ). Le dispositif a été complété par un décret n° 2017-1618 du 28 novembre 2017 relatif aux juristes assistants et aux personnes habilitées à accéder au bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires 54 ( * ) .

Selon l'article L. 123-4 de ce code que l'article 22 reprend en grande partie, « Peuvent être nommées en qualité de juristes assistants auprès des magistrats des tribunaux d'instance, des tribunaux de grande instance et de première instance, des cours d'appel ainsi qu'à la Cour de cassation les personnes titulaires d'un diplôme de doctorat en droit ou sanctionnant une formation juridique au moins égale à cinq années d'études supérieures après le baccalauréat avec deux années d'expérience professionnelle dans le domaine juridique et que leur compétence qualifie particulièrement pour exercer ces fonctions. Ces juristes assistants sont nommés, à temps partiel ou complet, pour une durée maximale de trois années, renouvelable une fois. Ils sont tenus au secret professionnel et peuvent accéder aux dossiers de procédure pour l'exercice des tâches qui leur sont confiées » .

Le décret du 28 novembre 2017 précité complète le statut des juristes assistants :

Les juristes assistants recrutés contribuent par leur expertise, en matière civile et en matière pénale, à l'analyse juridique des dossiers techniques ou comportant des éléments de complexité qui leur sont soumis par les magistrats sous la direction desquels ils sont placés. Ils ne participent ni à la procédure ni aux audiences. Ils ne peuvent pas assister aux délibérés. Ils sont recrutés en qualité d'agent contractuel de l'État relevant de la catégorie A (COJ, art. R 123-30).

Pour être nommé juriste assistant, il convient de remplir certaines conditions. Il faut notamment être français et jouir de ses droits civiques. Par ailleurs, les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire ne doivent pas être incompatibles avec l'exercice des fonctions (COJ, art. R. 123-31).

Le recrutement intervient par contrat précisant notamment sa date d'effet et sa durée, la nature des fonctions exercées, les conditions de rémunération, la ou les juridictions d'affectation ainsi que les modalités d'organisation du temps de travail. Le contrat débute par une période d'essai (COJ, art. R. 123-34). Préalablement à la prise d'activité, les juristes assistants prêtent serment (COJ, art. R. 123-39).

Il peut être mis fin au contrat pour faute grave ou pour un motif autre que disciplinaire (COJ, art. R. 123-35).

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Le projet de loi propose la création d'un nouveau statut d'agent d'aide à la décision de justice administrative.

Il crée une nouvelle section V au sein du chapitre II du titre II du livre I er et un nouveau chapitre VIII dans le titre II du livre II au code de justice administrative pour prévoir le recrutement de juristes assistants au Conseil d'Etat, d'une part, dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel d'autre part.

Ces juristes assistants seront des agents contractuels de l'Etat relevant de la catégorie A. A ce titre, ils devront remplir les conditions prévues aux articles 5 et 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires. Il est également prévu qu'ils seront tenus au secret professionnel sous les peines prévues à l'article 226-13 du code pénal.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Le besoin en juristes assistants est évalué à 200 sur 5 ans.

Un redéploiement partiel des effectifs actuels des personnels d'aide à la décision (91 postes d'assistants du contentieux) s'opèrera dans la mesure où les juristes assistants remplaceront progressivement les assistants du contentieux et les vacataires « aide à la décision ». Mais leur rémunération sera supérieure à celle des vacataires « aide à la décision ».

4.3. IMPACTS BUDGÉTAIRES

L'impact budgétaire sera moindre que le coût de l'embauche des assistants du contentieux qui sont des fonctionnaires de catégorie A.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission supérieure du Conseil d'Etat a été consultée, en application de l'article L. 132-2 du code de justice administrative et a émis un avis favorable sur cette disposition

Le conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel a été saisi, en application de l'article L. 232-3 du code de justice administrative, et a émis un avis favorable le 21 mars 2018..

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Le dispositif entrera en vigueur après la publication du décret d'application.

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Le dispositif est applicable pour l'ensemble des juridictions du territoire français, en métropole et en outre-mer.

5.4. TEXTE D'APPLICATION

Un décret en Conseil d'État déterminera les modalités de recrutement des juristes assistants.

Article 23 : Tenir compte de l'intérêt du service public de la justice pour apprécier les mérites d'une demande de maintien en activité au-delà de la limite d'âge

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

Dans l'ordre administratif, le maintien en activité au-delà de la limite d'âge 55 ( * ) est de droit, sans considération de l'intérêt du service, ni de la manière de servir.

S'agissant des membres du corps des conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les dispositions de l'article L. 233-7 du code de justice administrative prévoient seulement que : « Les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, lorsqu'ils atteignent la limite d'âge résultant de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, sont, sur leur demande, maintenus en activité, en surnombre, pour exercer l'une des fonctions dévolues aux premiers conseillers jusqu'à l'âge maximal de maintien mentionné à l'article 1er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d'âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l'Etat. (...) ».

Le législateur a permis en 2016 56 ( * ) de tenir compte de l'aptitude des juges judiciaires et de l'intérêt du service (art. 76-1-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) pour justifier du maintien en activité au-delà de la limite d'âge, dans des conditions garantissant l'indépendance des magistrats. Avant cette réforme, le maintien en activité était de droit, pour les magistrats de la cour de cassation et pour magistrats du siège et du parquet des cours d'appel et des tribunaux de grande instance, sauf, s'agissant des magistrats du siège, en cas d'avis non conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Il n'était alors pas possible de refuser une demande de maintien en activité en surnombre.

Actuellement, 14 magistrats administratifs et 13 membres du Conseil d'Etat sont maintenus en activité au-delà de la limite d'âge.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

Actuellement, le maintien en activité au-delà de la limite d'âge est de droit, alors que la manière de servir de conseillers ou des membres, leur état de santé, la circonstance que leur comportement a pu justifier une sanction disciplinaire, devraient constituer des obstacles au maintien en activité au-delà de la limite d'âge.

Le projet de loi prévoit la possibilité de refuser d'accorder le maintien en activité au-delà de la limite d'âge et tend à encadrer les conditions dans lesquelles ce maintien en activité est accordé.

L'objectif poursuivi est donc celui d'une amélioration du service public de la justice, par la mise en place d'une procédure permettant de vérifier le parcours professionnel du conseiller ou du membre, ainsi que sa capacité présente à exercer ses fonctions. Le simple respect d'une procédure souple, faisant appel à des critères objectifs, devrait permettre de rendre plus transparentes les conditions d'autorisation du maintien en activité.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'aménagement des conditions de maintien en activité au-delà de la limite d'âge touche au statut des membres du Conseil d'Etat et des conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et nécessite en conséquence l'adoption de dispositions spécifiques par une loi ordinaire, dès lors que le statut de ces agents est régi par les dispositions législatives du code de justice administrative et les dispositions statutaires de la fonction publique de l'Etat qui n'y sont pas contraires 57 ( * ) .

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ÉCARTÉES

3.1.1 Le statu quo maintiendrait le régime existant, dans lequel aucune disposition n'organise expressément les modalités d'instruction des demandes de maintien en activité au-delà de la limite d'âge, ni ne prévoit la possibilité de refuser une telle demande.

3.1.2 La simple inscription dans les textes de la possibilité de refuser le maintien en activité au-delà de la limite d'âge constituerait en soi une clarification des règles de droit applicable. Cette option ne suffirait toutefois pas à rendre compte de la décision finalement prise, en n'explicitant pas les critères permettant de justifier qu'une demande soit écartée.

3.2. DISPOSITIF RETENU

L'option retenue consiste à mettre en place une procédure souple d'examen impliquant l'intervention d'une structure collégiale (commission supérieure du Conseil d'État et Conseil supérieur des tribunaux et des cours administratives d'appel) qui examinera les demandes qui lui sont soumises à l'aune d'un critère objectif, celui de l'intérêt du service public, qui apparaît à la fois suffisamment général et discriminant pour permettre de rendre compte du choix d'accorder, ou non, le maintien en activité au-delà de la limite d'âge.

Les demandes de maintien en activité présentées par les membres du Conseil d'Etat seront examinées par la commission supérieure du Conseil d'Etat, qui émettra un avis en considération de l'aptitude de la personne et de l'intérêt du service. Celles présentées par des conseillers des tribunaux et des cours administratives d'appel sera transmise au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, qui rendra un avis en considération, là encore, de l'aptitude de la personne et de l'intérêt du service.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Le projet de loi insère, d'une part, un nouvel article L. 133-7-1 dans le code de justice administrative pour définir les conditions de maintien en activité des membres du Conseil d'Etat au-delà de la limite d'âge. Désormais, le maintien en activité ne sera plus de droit. Est également inscrite la règle, qui figure actuellement à l'article 4 de la loi la n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d'âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l'Etat, selon laquelle les personnes maintenues en activité conserve la rémunération qu'elles détenaient lorsqu'elles ont atteint la limite d'âge, comme le prévoit l'article L.2 33-8 du code de justice administrative applicable aux magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Il complète, d'autre part, l'article L. 233-7 du même code pour prévoir que la demande de maintien en activité des magistrats administratifs au-delà de la limite d'âge est transmises au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel qui donne un avis sur cette demande en considération de l'aptitude et de l'intérêt du service.

Enfin, il supprime, par cohérence, la référence aux membres du Conseil d'Etat à l'article 1 er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 précitée, dès lors que les règles du maintien en activité de ces membres figureront désormais dans un article spécifique du code de justice administrative.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

La disposition aura un impact positif sur les juridictions administratives dès lors que, en encadrant les conditions dans lesquelles est accordé le maintien en activité d'un magistrat ou d'un membre du Conseil d'Etat au-delà de la limite d'âge, il s'agit d'améliorer le service public de la justice administrative, en rendant plus transparentes certaines de ses règles de fonctionnement.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La commission supérieure du Conseil d'Etat, consultée, en application de l'article L. 132-2 du code de justice administrative, a émis un avis favorable.

Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel a été consulté le 21 mars 2018, en application de l'article L. 232-3 du code de justice administrative.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

La disposition est d'application immédiate. Les mesures envisagées entreront en vigueur au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel .

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Le dispositif est applicable pour l'ensemble des juridictions du territoire français, en métropole et en outre-mer.

CHAPITRE II: : Renforcer l'efficacité de la justice administrative

Article 24 : Permettre au juge des référés précontractuels et contractuels de statuer en formation collégiale

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

Les dispositions des articles L. 551-1 à L. 551-12 du code de justice administrative, relatives au référé précontractuel, et les dispositions des articles L. 551-13 à L. 551-24 du même code, relatives au référé contractuel, prévoient que le président du tribunal administratif, ou le magistrat désigné à cet effet, statue en premier et dernier ressort en la forme des référés (L. 551-3, L. 551-8, L. 551-23 et L. 551-24 du code de justice administrative).

Les enjeux économiques et la complexité qui caractérisent certains dossiers de référé précontractuel et contractuel peuvent justifier que l'affaire soit renvoyée à une formation collégiale.

La jurisprudence du Conseil d'Etat 58 ( * ) a expressément prévu la possibilité pour le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué de renvoyer le recours en formation collégiale, mais celle-ci s'entend de la formation « normale » de la chambre, composée du président, du rapporteur, de l'assesseur et du rapporteur public.

La loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a récemment apporté une innovation, en permettant de réunir des formations collégiales de référé urgence (suspension, liberté ou mesures utiles), lorsque la nature de l'affaire le justifie 59 ( * ) . Ce dispositif n'a toutefois pas été étendu pour les référés précontractuels (L. 551-1 à L. 551-12 du code de justice administrative) et contractuels (articles L. 551-13 à L. 551-24 du code de justice administrative).

Le renvoi à une formation de juges des référés n'existe donc pas, aujourd'hui, pour le traitement de ce type de litige.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

La disposition proposée vise à améliorer la qualité et l'efficacité de la justice administrative.

L'objet de la présente loi est de créer la faculté pour le président du tribunal administratif concerné de renvoyer à une formation composée de trois juges de référés, spécifiquement dans le cadre des procédures de référés précontractuels (L. 551-1 à L. 551-12 du code de justice administrative) et contractuels (articles L. 551-13 à L. 551-24 du code de justice administrative).

Le recours à ce type de formation de jugement, plutôt qu'à la chambre, apparaît plus simple à mettre en oeuvre dans les conditions de l'urgence. Le renvoi à une chambre est certes toujours possible mais doit être concilié avec un calendrier des audiences déjà arrêté, ce qui implique déjà un volume d'affaires traitées, qu'il est difficile de venir alourdir.

Le renvoi à une formation de trois juges des référés s'inscrit plus naturellement dans l'organisation interne des juridictions, qui aménagent déjà des permanences hebdomadaires durant lesquelles un nombre fixe de magistrats doit traiter un certain nombre de dossiers et de types de litiges (les référés, les procédures à délais contraints...).

Ce dispositif permettra de conserver les bénéfices d'une forme collégialité, précieuse dans les cas d'affaires complexes ou présentant en enjeu économique ou symbolique élevé, sans bouleverser l'organisation des chambres.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le dispositif existant de renvoi à une formation de trois juges des référés est actuellement limité aux référés urgence (suspension, liberté ou mesures utiles) à l'exclusion des référés de la commande publique.

Le traitement de ce type de contentieux ne peut donc se faire que par un magistrat statuant seul dans le cadre des référés précontractuels et contractuels, ou par une chambre. La seule alternative existante est donc celle d'un juge traitant seul d'affaires extrêmement complexes, dans des délais extrêmement contraints, ou d'une formation de jugement mobilisée dans l'urgence hors du cadre habituel de traitement des affaires qui lui sont affectées.

Le renvoi à une formation de trois juges des référés permettrait de concilier les avantages liés aux procédures d'urgence (célérité et souplesse dans l'organisation des audiences et dans le traitement de l'affaire) et à la collégialité (confrontation des analyses, échanges, approfondissement...).

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ÉCARTÉE

Le statu quo maintiendrait le juge des référés précontractuels contractuels dans son isolement pour traiter d'affaires qui devraient pouvoir être discutées au sein d'une formation collégiale. La seule alternative serait le renvoi à une chambre, difficile à concilier avec les exigences de l'urgence.

3.2. DISPOSITIF RETENU

En sus des dispositifs déjà existant exposés supra , il apparaît utile de permettre le renvoi à un autre type de formation de jugement, également collégiale, pouvant être réunie rapidement, et composée de seulement trois juges des référés, qui pourront être réunis en fonction de leurs compétences spécifiques dans la matière concernée ou dans les questions particulières posées par le ou les requêtes en cause.

Ce Le renvoi à ce type de formation de jugement, par définition occasionnel et imprévisible, paraît davantage répondre aux nécessités et spécificités des référés que le renvoi à une chambre. Un tel renvoi recèlerait moins de potentiel de désorganisation puisqu'il s'inscrirait dans un calendrier spécifique généralement mis en place par les tribunaux, en vue d'assurer le traitement des urgences par des magistrats déjà identifiés et qui savent déjà qu'ils seront mobilisés sur une période déterminée.

Le renvoi à une formation collégiale de juges de référés devrait représenter quelques dizaines d'affaires sur les 950 référés précontractuels et contractuels enregistrés par an.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Le projet de loi complète l'article L. 511-2 du code de justice administrative pour prévoir que la possibilité pour les juges des référés de statuer en formation collégiale s'applique aux référés en matière de passation des contrats et marchés prévus au chapitre Ier du titre V du présent livre, ce qui permet de viser les référés précontractuels et contractuels mentionnés aux articles L. 551-3, L. 551-8, L. 551-23 et L. 551-24.

Cet ajout nécessitera des modifications dans la partie réglementaire du même code (en particulier les articles R. 551-4 à R. 551-6, et R. 551-8 à R. 551-12).

4.2. IMPACT SUR LES SERVICES DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Le mécanisme de renvoi est facultatif.

Le dispositif envisagé laisse donc au magistrat chargé du traitement de l'affaire le soin d'apprécier l'opportunité d'un renvoi à la formation de juges de référés.

Il laisse aussi la possibilité de « choisir » les juges composant la formation de juges des référés (en fonction de la disponibilité ou des préférences ou des incompatibilités des magistrats).

Ce mécanisme de renvoi s'inscrit dans l'organisation déjà effective de nombreuses juridictions de première instance (calendrier de permanences), en particulier celles composées d'un nombre de magistrats et de chambres important.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel a été consulté en application de l'article L. 232-3 du code de justice administrative et a rendu un avis favorable à l'issue de sa séance du 21 mars 2018.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Le dispositif est applicable pour l'ensemble des juridictions du territoire français, en métropole et en outre-mer.

Article 25 : Renforcer l'effectivité des décisions de justice

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

Historiquement, le Conseil d'État a toujours refusé de se reconnaître, sans texte, compétent pour adresser à l'administration des injonctions et des astreintes.

La loi du 15 janvier 1963 a confié pour la première fois au Conseil d'État la mission de veiller à l'exécution des décisions de la juridiction administrative. Cette loi a été complétée par un décret du 30 janvier 1963, qui a créé commission du rapport au sein du Conseil d'Etat, pouvant être saisie, d'une part les demandes d'aide à l'exécution des jugements, d'autre part, des demandes d'éclaircissement des ministres sur les modalités d'exécution des décisions du Conseil d'État.

La loi n°80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public a permis au Conseil d'État de prononcer une astreinte à l'encontre de ces personnes en cas d'inexécution d'une décision rendue par une juridiction administrative.

Puis, la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, a donné aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d'appel le pouvoir de traiter des réclamations relatives à l'inexécution de leurs décisions ainsi que le pouvoir condamner les personnes publiques récalcitrantes une astreinte. Cette loi a également reconnu aux juridictions administratives un pouvoir d'injonction à l'égard de l'administration.

a) Dispositions concernant les juridictions administratives de droit commun :

Les dispositions relatives aux pouvoirs d'injonction des juridictions administratives ont ensuite été codifiées aux articles L. 911-1 à L. 911-2 du code de justice administrative. Elles prévoient que le juge peut, « saisi de conclusions en ce sens », soit prescrire une mesure en vue d'assurer l'exécution effective de sa décision 60 ( * ) , soit prescrire que la personne morale de droit public ou l'organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une nouvelle décision dans un délai déterminé. L'article L. 911-3 du même code prévoit la possibilité pour la juridiction d'assortir cette injonction d'une astreinte, dès lors que des conclusions ont été présentées à cette fin.

De manière prétorienne, le Conseil d'Etat a également reconnu la faculté pour le juge de prescrire d'office à l'administration d'adopter des mesures en vue d'exécuter ses décisions 61 ( * ) . Le juge administratif se reconnaît ainsi la possibilité de prescrire à l'administration, sans avoir été saisi de conclusions en ce sens, les mesures qu'elle doit prendre pour se conformer à la chose jugée. Ce pouvoir lui permet de préciser les modalités d'exécution qui s'attachent à l'annulation partielle d'un acte en tant qu'il comporte une omission ou annulation « en tant que ne pas ». Le juge administratif enjoint en conséquence à l'administration d'adopter, dans un délai raisonnable, les mesures réglementaires nécessaires à la mise en conformité avec le droit de l'Union européenne et de les assortir d'un dispositif transitoire.

En revanche, ce pas franchi par la jurisprudence en matière d'injonction ne trouve pas son équivalent en matière d'astreinte, à l'exception notable du Conseil d'Etat 62 ( * ) . Les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel se trouvent donc actuellement limités par les conclusions présentées par les parties.

Or, la pratique contentieuse révèle que, fréquemment, les requérants oublient de présenter des conclusions à fin d'injonction et/ou d'astreinte, ou sollicitent l'octroi d'une mesure inadaptée. En l'absence de mesures d'injonction prononcées par le juge, il arrive que l'administration laisse perdurer une situation pourtant jugée illégale, voire reprenne une décision identique à celle annulée par le jugement, ce qui engendre de nouveaux contentieux inutiles, soit contre ces nouvelles décisions, soit pour faire exécuter le premier jugement rendu (environ 1 000 affaires par an).

L'effectivité des décisions de la juridiction administrative sera renforcée par la faculté donnée au juge de prononcer, même d'office, une injonction, et de l'assortir d'une astreinte (à l'instar de ce qui existe déjà au bénéfice du Conseil d'Etat et du juge civil, qui peuvent se fonder respectivement sur les dispositions de l'article L. 911-5 du code de justice administrative et de l'article L. 131-1 du code de procédure civile d'exécution 63 ( * ) pour, d'office, assortir leurs décisions d'une astreinte).

b) Dispositions concernant la commission du contentieux du stationnement payant :

Des dispositions particulières sont également prévues au bénéfice de la Commission du contentieux du stationnement payant, instaurée par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 64 ( * ) et organisée par le décret n° 2015-646 du 10 juin 2015 65 ( * ) .

Cette juridiction administrative spécialisée, qui est entrée en service le 2 janvier 2018 dans le cadre de la réforme du stationnement payant a vocation à connaître du contentieux du forfait de post-stationnement. Le forfait de post-stationnement est émis par la collectivité ou l'établissement public de coopération intercommunale à l'encontre de l'automobiliste qui n'a pas ou insuffisamment payé sa redevance de stationnement. En cas de contestation du montant du forfait de post-stationnement devant la juridiction, l'automobiliste doit payer l'intégralité du montant de ce forfait auprès de l'administration, à peine d'irrecevabilité de sa requête.

La recevabilité du recours contentieux contre la décision rendue à l'issue du recours administratif préalable obligatoire et contre le titre exécutoire émis est subordonnée au paiement préalable du montant de l'avis de paiement du forfait de post-stationnement et de la majoration éventuelle prévue au IV de l'article L. 2333-87 si un titre exécutoire a été émis 66 ( * ) .

En cas d'annulation du forfait de post-stationnement ou de diminution de son montant, les articles R. 2333-120-67 et suivants du code général des collectivités territoriales, introduits par le décret n° 2017-1525 du 2 novembre 2017 67 ( * ) , ont mis en place une procédure d'exécution des décisions de la commission du contentieux du stationnement payant inspirée du droit commun des juridictions administratives. A la demande de l'intéressé, la commission peut ainsi prescrire les mesures nécessaires à l'exécution de sa décision définitive, en assortissant, le cas échéant, ces prescriptions d'une astreinte. Le président de la commission du contentieux du stationnement payant saisi d'une demande d'exécution, ou le rapporteur désigné à cette fin, accomplit alors toutes diligences qu'il juge utiles pour assurer l'exécution de la décision juridictionnelle qui fait l'objet de la demande.

Il convient de prévoir également que le juge puisse, d'office, ordonner à l'administration, le cas échéant sous astreinte, de restituer au requérant les sommes versées en cas d'annulation du forfait de post-stationnement.

Aussi, le projet de réforme permettra à la commission d'enjoindre à l'administration (collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale concerné), le cas échéant sous astreinte, de rembourser tout ou partie du montant du forfait de post-stationnement qu'elle aura préalablement perçue.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'enjeu de la réforme est double.

Il s'agit tout d'abord, dans un objectif de bonne administration de la justice, de renforcer les outils existants en vue d'assurer encore davantage l'exécution des jugements rendus et, par voie de conséquence, diminuer le nombre de recours enregistrés par les juridictions.

Il s'agit également de donner une base légale à une pratique dégagée par la jurisprudence, mais qui reste d'un usage circonscrit et prudent, permettant au juge de prononcer d'office une injonction.

La nouvelle rédaction des articles L. 911-1 à L. 911-5 du code de justice administrative a pour effet d'accroître la liberté du juge dans le choix des mesures qu'il peut prendre en vue d'assurer l'effectivité des décisions rendues. Il pourra ainsi le faire avec la plus grande souplesse et efficacité en fonction des situations particulières qu'il sera amené à rencontrer.

Selon la façon dont les juridictions administratives s'approprieront ce dispositif, il pourra avoir pour effet de réduire le nombre de recours en exécution. Le même objectif est attendu devant la commission du contentieux du stationnement payant.

3. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

3.1 IMPACTS JURIDIQUES

La nouvelle rédaction des articles L. 911-1 à L. 911-5, en particulier celles relatives à l'injonction doit se lire sans préjudice d'autres dispositions législatives existantes, notamment, les dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, qui encadrent les pouvoirs d'exécution du juge, en particulier en vue d'assurer la régularisation du projet pour lequel le permis de construire, démolir ou d'aménager a été partiellement annulé.

Le projet de loi modifie également l'article L. 911-4 du code de justice administrative pour retirer les dispositions règlementaires qui y figurent actuellement et prévoir seulement qu'en cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte.

Cette réécriture n'entraîne aucun changement sur les contentieux dont il s'agit dès lors que les règles de détermination du juge compétent pour se prononcer sur la demande tendant à l'exécution d'un jugement ou d'un arrêt qui a fait l'objet d'un pourvoir en cassation étaient déjà fixées par la jurisprudence. Les dispositions en question seront réécrites dans la partie règlementaire du code de justice administrative.

Enfin, le projet de loi ajoute un nouvel article L. 2333-87-8-1 dans le code général des collectivités territoriales pour prévoir que la commission du contentieux du stationnement payant peut même d'office, lorsque sa décision implique nécessairement que la collectivité territoriale, l'établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte concerné prenne une mesure d'exécution, prononcer à son encontre une injonction, assortie le cas échéant d'une astreinte. Il s'agit en particulier de conférer à cette juridiction administrative spécialisée la possibilité d'ordonner à l'administration de restituer aux requérants les sommes qu'ils auraient indûment versées au titre du forfait post-stationnement.

3.2 IMPACTS SUR LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Le dispositif envisagé conduira à une évolution de l'office de juge qui pourra, de sa propre initiative, prononcer des mesures d'injonction, sans être saisi de conclusions en ce sens par les parties. Devraient en résulter une réduction du nombre de recours liés à une nouvelle saisine du juge pour solliciter une mesure d'exécution, ainsi qu'une diminution du nombre des procédures d'exécution devant le Conseil d'Etat.

Environ 800 demandes d'exécution de jugements rendus ont été enregistrées en 2017 sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative. En outre, sans pouvoir les dénombrer, de nombreuses requêtes sont régulièrement enregistrées, dirigées contre des décisions de l'administration identiques à celles déjà annulées.

3.3 IMPACTS SUR LES PARTICULIERS

Le dispositif envisagé permettra d'assurer encore davantage l'exécution des jugements rendus. Il bénéficiera donc pleinement aux justiciables, notamment lorsque ces derniers oublient d'assortir leurs conclusions principales de conclusions à fin d'exécution de la décision.

En ce qui concerne plus particulièrement la commission du contentieux du stationnement payant, le dispositif envisagé permettra une fluidification des contentieux suivis devant elle. Il a été évalué que la commission sera saisie d'au moins 100 000 requêtes par an. Pour l'essentiel, ces recours porteront sur des sommes de faible montant, ce qui peut dissuader les justiciables de revenir vers la Commission pour demander l'exécution de la décision qui leur serait favorable. Dans ces conditions, le projet de loi constitue une mesure d'accélération et de fluidification de ce contentieux de masse au bénéfice des justiciables.

3.4 IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Le projet de loi prévoit de renforcer l'exécution des décisions de la commission du contentieux du stationnement payant, dans le cadre d'une procédure administrative et juridictionnelle nouvelle. Les collectivités territoriales ou EPCI doivent déjà, depuis le 1 er janvier 2018, organiser les recours administratifs préalables contre les contestations en matière de forfait post-stationnement. La Commission pourra adresser à leur égard une injonction, assortie le cas échéant d'une astreinte, en cas d'inexécution de ses décisions, comme elle peut déjà le faire à la demande des parties.

4. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

4.1. CONSULTATIONS MENÉES

La Commission supérieure du Conseil d'Etat a été consultée en application de l'article L. 132-2 du code de justice administrative et e rendu un avis favorable sur ces dispositions.

Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel a été consulté en application de l'article L. 232-3 du code de justice administrative et a rendu un avis favorable à l'issue de sa séance du 21 mars 2018,.

Le Conseil national de l'évaluation des normes a été consulté en application de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales et a rendu un avis favorable à l'issue de sa séance du 5 avril 2018.

4.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Le dispositif entrera en vigueur après la publication de la loi. Les nouvelles règles relatives à l'exécution du jugement trouveront à s'appliquer, dès cette date, aux instances en cours.

4.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Le dispositif est applicable pour l'ensemble des juridictions du territoire français, en métropole et en outre-mer.

TITRE IV : DISPOSITIONS PORTANT SIMPLIFICATION ET RENFORCEMENT DE L'EFFICACITE DE LA PROCEDURE PENALE

CHAPITRE I ER : DISPOSITIONS RELATIVES AU PARCOURS JUDICIAIRE DES VICTIMES

Article 26 : Plainte en ligne

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

1.1.1 Droit existant

La prise en compte des intérêts de la victime au cours de la procédure pénale constitue un impératif impérieux. Ainsi, le II de l'article préliminaire du code de procédure pénale dispose que « l'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale » .

a) Présentation générale des droits des victimes

Le sous-titre III du titre préliminaire, qui résulte de la loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne dont les dispositions tendaient à transposer la directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2012, établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes, récapitule par ailleurs dans les articles 10-2 à 10-5, les principaux droits des victimes, dont l'existence doit leur être rappelé en début de procédure.

L'article 10-2 dispose ainsi que : « les officiers et les agents de police judiciaire informent par tout moyen les victimes de leur droit :

« 1° D'obtenir la réparation de leur préjudice, par l'indemnisation de celui-ci ou par tout autre moyen adapté, y compris, s'il y a lieu, une mesure de justice restaurative ;

« 2° De se constituer partie civile soit dans le cadre d'une mise en mouvement de l'action publique par le parquet, soit par la voie d'une citation directe de l'auteur des faits devant la juridiction compétente ou d'une plainte portée devant le juge d'instruction ;

« 3° D'être, si elles souhaitent se constituer partie civile, assistées d'un avocat qu'elles peuvent choisir ou qui, à leur demande, est désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats près la juridiction compétente, les frais étant à la charge des victimes sauf si elles remplissent les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle ou si elles bénéficient d'une assurance de protection juridique ;

« 4° D'être aidées par un service relevant d'une ou de plusieurs collectivités publiques ou par une association conventionnée d'aide aux victimes ;

« 5° De saisir, le cas échéant, la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, lorsqu'il s'agit d'une infraction mentionnée aux articles 706-3 ou 706-14 du t code de procédure pénale ;

« 6° D'être informées sur les mesures de protection dont elles peuvent bénéficier, notamment les ordonnances de protection prévues au titre XIV du livre Ier du code civil. Les victimes sont également informées des peines encourues par les auteurs des violences et des conditions d'exécution des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées ;

« 7° Pour les victimes qui ne comprennent pas la langue française, de bénéficier d'un interprète et d'une traduction des informations indispensables à l'exercice de leurs droits ;

« 8° D'être accompagnées chacune, à leur demande, à tous les stades de la procédure, par leur représentant légal et par la personne majeure de leur choix, sauf décision contraire motivée prise par l'autorité judiciaire compétente ;

« 9° De déclarer comme domicile l'adresse d'un tiers, sous réserve de l'accord exprès de celui-ci. »

L'article 10-3 traite du droit pour la partie civile qui ne comprend pas la langue française à l'assistance d'un interprète et à la traduction, dans une langue qu'elle comprend, des informations qui sont indispensables à l'exercice de ses droits et qui lui sont, à ce titre, remises ou notifiées en application du code de procédure pénale.

L'article 10-4 traite du droit de la victime, à tous les stades de l'enquête, d'être accompagnée par son représentant légal et par la personne majeure de son choix, sauf décision contraire motivée prise par l'autorité judiciaire compétente.

L'article 10-5 traite du droit pour les victimes de faire l'objet d'une évaluation personnalisée, afin de déterminer si elles ont besoin de mesures spécifiques de protection au cours de la procédure pénale.

b) Les droits des victimes au cours de la procédure

A ces dispositions générales, de nombreux articles du code de procédure pénale viennent préciser les modalités d'exercice par les victimes de leurs droits aux différentes phases de la procédure.

S'agissant de la phase de l'enquête, l'article 15-3, consacrant la notion de « guichet unique », dispose ainsi que la police judiciaire est tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes d'infractions à la loi pénale et de les transmettre, le cas échéant, au service ou à l'unité de police judiciaire territorialement compétent. Il indique par ailleurs que tout dépôt de plainte fait l'objet d'un procès-verbal et donne lieu à la délivrance immédiate d'un récépissé à la victime, à qui, si elle en fait la demande, une copie du procès-verbal lui est également immédiatement remise.

S'agissant de la phase de l'instruction, l'article 89 dispose que toute partie civile doit déclarer au juge d'instruction une adresse qui doit être située, si l'information se déroule en métropole, dans un département métropolitain ou, si l'information se déroule dans un département d'outre-mer, dans ce département. Cette adresse déclarée peut être soit une adresse personnelle, soit, avec l'accord de celui-ci, qui peut être recueilli par tout moyen, celle d'un tiers chargé de recevoir les actes qui lui sont destinés.

S'agissant enfin de la phase de jugement, l'article 420-1 prévoit que la victime peut se constituer partie civile devant le tribunal correctionnel, directement ou par son conseil, par lettre recommandée avec avis de réception parvenue au tribunal vingt-quatre heures au moins avant la date de l'audience, lorsqu'elle demande soit la restitution d'objets saisis, soit des dommages-intérêts dont le montant n'excède pas le plafond de la compétence de droit commun des tribunaux d'instance en matière civile ; elle joint à sa lettre toutes les pièces justificatives de son préjudice. Cette lettre et ces pièces sont jointes immédiatement au dossier.

Par ailleurs, l'article 393-1 prévoit que si le procureur de la République engage des poursuites selon la procédure de comparution immédiate ou de convocation par procès-verbal comme il est dit aux articles 394 à 396, la victime doit être avisée par tout moyen de la date de l'audience

D'une manière générale, l'article 706-57 permet aux personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction et qui sont susceptibles d'apporter des éléments de preuve intéressant la procédure de, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, déclarer comme domicile l'adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie. Si la personne a été convoquée en raison de sa profession, l'adresse déclarée peut être son adresse professionnelle.

L'adresse personnelle de ces personnes est alors inscrite sur un registre coté et paraphé, qui est ouvert à cet effet.

Ces dispositions sont destinées à protéger les témoins, mais elles peuvent également s'appliquer aux victimes.

1.1.2 Pratiques actuelles et envisagées

Les pratiques suivies dans les commissariats, les gendarmeries et les juridictions montrent que le parcours judiciaire des victimes pourrait être simplifié par l'assouplissement de certaines formalités procédurales - comme l'exigence d'un accord pour déclarer un domicile différent de son domicile personnel, ou le délai de 24 heures avant l'audience pour se constituer partie civile par courrier, - et par l'utilisation de moyens informatiques.

A cet égard, des pratiques sont en cours de développement pour permettre les plaintes en ligne. Deux plateformes de lutte contre les fraudes sur internet sont actuellement en cours de développement par la direction générale de la gendarmerie nationale et la direction générale de la police nationale. L'objectif poursuivi est de faciliter les démarches des victimes d'infractions et de moderniser et d'améliorer le suivi des plaintes et signalements déposés.

Ø LE PROJET THESEE

Le 30 janvier 2014, le ministre de l'intérieur a annoncé l'étude d'un dispositif de plainte en ligne en matière d'escroqueries sur internet. La direction générale de la police nationale a soutenu la création au sein de l'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication d'une plate-forme de plainte en ligne en matière de cyber-escroqueries.

L'objectif de la plateforme THESEE est triple :

- améliorer le service rendu aux victimes d'escroqueries sur internet (taux de résolution actuelle évaluée à moins de 2 %) ;

- soulager les services territoriaux de la prise d'un grand nombre de plaintes (le nombre de plaintes actuellement recensées sur ces thématiques est estimé entre 42 000 et 55 000 par an68 ( * )) ;

- améliorer la lutte contre ces escroqueries par la centralisation, l'analyse et le regroupement de ces plaintes (recours à un algorithme dédié).

Les infractions commises sur internet selon les modes opératoires suivants sont concernées par ce projet:

- les « escroqueries à la petite annonce et à la romance » ;

- les « chantages à la webcam » ;

- les « faux sites de vente » ;

- les « usurpations de boîte mail » ;

- les « rançongiciels ».

La plateforme THESEE a vocation à réceptionner les plaintes ou signalements enregistrés directement par les particuliers sur le portail internet dédié ou déposés auprès d'un service de police ou de gendarmerie.

Grâce à un questionnaire d'orientation, la victime sera guidée dans sa déclaration et pourra éventuellement être orientée vers les services compétents si l'infraction dénoncée ne relève pas du dispositif « THESEE ». Les recoupements entre les procédures et l'identification des auteurs seront favorisés. L'exploitation des plaintes et signalements garantira en outre la saisine des parquets territorialement compétents.

La mise en service est prévue pour le mois de juin 2018.

Ø LE PROJET PERCEVAL

Le rapport sur la cybercriminalité du procureur général Marc Robert a recommandé, dès 2014, la centralisation du traitement des captations des cartes bancaires et des fraudes qui leur sont associées (proposition n°51).

En 2015, dans le cadre du plan de modernisation de la sécurité intérieure, la direction générale de la gendarmerie nationale a initié le projet PERCEVAL visant à la conception d'une plateforme permettant aux victimes d'usage frauduleux de carte bancaire sur internet d'effectuer un signalement en ligne (et non un dépôt de plainte).

L'objectif de cette plateforme, rattachée au Service Central de Renseignement Criminel implanté à Pontoise, est d'améliorer l'analyse, le rapprochement et le traitement de ces infractions.

Une fois l'outil d'analyse de la plateforme suffisamment approvisionné en données, les premiers recoupements pourront être effectués. En cas de résultat positif, les enquêteurs seront amenés à saisir l'autorité judiciaire aux fins d'ouverture des premières enquêtes préliminaires.

Une expérimentation d'une année a été prévue, sur l'ensemble du territoire national. La plate-forme pourrait être déployée au cours du premier semestre 2018.

Ø LA BRIGADE NUMERIQUE

A ces deux projets de lutte contre les plaintes en ligne s'ajoute une troisième plateforme, initiée par la direction générale de la gendarmerie nationale qui a un objectif un peu différent.

Il s'agit de créer une « brigade numérique » qui a vocation à :

- réaliser « en ligne » une partie des fonctions d'accueil du public actuellement effectuées physiquement dans les brigades territoriales ;

- répondre aux sollicitations des internautes ;

- orienter les usagers vers les télé-services.

Cette brigade numérique est également potentiellement amenée à recueillir des informations de nature pénale via des plaintes ou dénonciations. Il s'agit d'un service fonctionnant 7j/7 et 24h/24.

La plate-forme a été déployée fin février 2018.

Ces différents traitements de données personnes relatives aux plaintes et au signalement en ligne sont susceptibles de poser deux types de difficultés procédurales, s'agissant de la question de la remise d'un récépissé de plainte - puisque l'article 15-3 précité n'envisage pas l'hypothèse d'une plainte en ligne, et s'agissant de la compétence des enquêteurs recevant ces plaintes pour, si cela paraît opportun, débuter les enquêtes les concernant.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Plusieurs décisions du Conseil constitutionnel sont venues préciser les droits des victimes au cours de la procédure pénale.

On peut notamment citer la décision n° 2017-645 QPC du 21 juillet 2017, reconnaissant le droit des victimes de crimes sexuels de demander le huis clos devant la cour d'assises.

Les droits des victimes ne sont cependant pas absolus. Ainsi, dans sa décision n° 2013-363 QPC du 31 janvier 2014, le Conseil a jugé conforme à la Constitution le fait que l'article 497 du code de procédure pénale, relatif au droit d'appel des jugements rendus en matière correctionnelle, limitait le droit d'appel de la partie civile à ses seuls intérêts civils. Dès lors, en cas de décision de relaxe rendue en première instance, les juges d'appel saisis du seul appel de la partie civile doivent statuer uniquement sur la demande de réparation de celle-ci.

Le Conseil constitutionnel a relevé que la partie civile n'est pas dans une situation identique à celle de la personne poursuivie ou à celle du ministère public. Il en va notamment ainsi au regard de l'exercice des droits de la défense par la personne poursuivie ainsi qu'au regard du pouvoir du ministère public d'exercer l'action publique. L'interdiction faite à la partie civile d'appeler seule d'un jugement correctionnel dans ses dispositions statuant au fond sur l'action publique ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la justice. Par ailleurs, la partie civile a la faculté de former appel quant à ses intérêts civils, y compris en cas de relaxe du prévenu.

Le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions ne méconnaissent pas le droit à un recours effectif et sont conformes à la Constitution.

Par ailleurs, il doit exister un équilibre entre les droits des victimes et ceux de la personne poursuivie. Ainsi, dans sa décision n° 2011-112 QPC du 01 avril 2011, le Conseil a censuré l'article 618-1 du code de procédure pénale est relatif aux remboursements des frais exposés en vue de l'instance, permettant à la partie civile d'obtenir le remboursement de ces frais devant la Cour de cassation, alors que ce même droit n'était pas à l'époque reconnu à la personne dont la relaxe ou l'acquittement a acquis un caractère définitif. Le Conseil constitutionnel a jugé que ceci portait atteinte à l'équilibre entre les parties au procès pénal dans l'accès de la voie du recours en cassation et donc au principe d'égalité.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Plusieurs instruments européens sont venus traiter de la question des victimes d'infractions pénales. C'est notamment le cas de la Décision-cadre du Conseil du 15 mars 2001 relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales (2001/220/JAI), remplacée par la directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2012, établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes. Cette directive a été transposée par la loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

Cette mesure poursuit les quatre objectifs suivants :

- consacrer dans la loi la possibilité de porter plainte en ligne, en précisant ses conséquences juridiques ;

- permettre aux victimes ou aux témoins dépositaires de l'autorité publique ou chargés d'une mission de service public de déclarer dans la procédure leur seule adresse professionnelle, sans l'accord de leur employeur ou l'autorisation du parquet ;

- permettre la constitution de partie civile à l'audience par voie dématérialisée, avec une absence d'irrecevabilité si le délai de 24 heures n'est pas respecté ;

- éviter le renvoi du procès sur l'action publique en raison de l'absence de la victime, tout en permettant, même si un avis a été adressé à la victime mais qu'il n'est pas certain qu'elle l'a reçu, une audience sur les intérêts civils.

S'agissant des plaintes en ligne, elles auraient pu être rendues possibles par la création, par acte réglementaire, des traitements permettant de les recevoir, mais seule la loi peut préciser les conséquences en matière de compétence territoriale des magistrats et des enquêteurs. Il est donc créé à cette fin un nouvel article 15-3-1 dans le code de procédure pénale.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ÉCARTÉE : PERMETTRE DES PLAINTES EN LIGNE POUR TOUTES LES INFRACTIONS

Il paraît excessif de prévoir que n'importe quelle infraction, y compris par exemple un crime, ou un délit grave contre la personne, puisse faire l'objet d'une plainte en ligne. Comme le montre notamment le projet THESEE, ces plaintes en ligne doivent principalement pouvoir être faites, du moins dans un premier temps, pour des infractions contre les biens commises sur internet, telles les cyber-escroqueries.

C'est pourquoi il est prévu dans le premier alinéa du nouvel article 15-3-1 de renvoyer à un arrêté pour fixer la liste des infractions qui pourront faire l'objet de plainte en ligne.

3.2. OPTION ÉCARTÉE : NE TRAITER QUE DES PLAINTES EN LIGNE

Comme l'indique le deuxième alinéa du nouvel article 15-3-1, le lieu du traitement des données personnelles concernant les plaintes en ligne sera considéré comme le lieu de constatation de l'infraction. Cette formule, reprise de l'article L. 130-9 69 ( * ) du code de la route, permet ainsi aux enquêteurs et aux magistrats dans le ressort territorial duquel se trouve le lieu du traitement d'être compétents pour traiter ces plaintes.

Mais si cet alinéa ne faisait référence qu'aux plaintes, les signalements réalisés en ligne par des témoins ne pourraient quant à eux pas faire l'objet d'investigations de la part des enquêteurs dont le service se trouve au lieu du traitement.

3.3. OPTION RETENUE : PERMETTRE LES PLAINTES EN LIGNE POUR CERTAINES INFRACTIONS ET TRAITER ÉGALEMENT DES SIGNALEMENTS EN LIGNE

Dans la mesure où la plupart des traitements actuellement envisagés en matière de plainte en ligne pourront également recevoir des signalements, et qu'ils seront institués pour des infractions spécifiques, l'option retenue dans l'article 15-3-1 consiste à la fois à renvoyer à un arrêté pour lister les infractions concernées, et à mentionner également les signalements pour permettre la compétence territoriale des enquêteurs.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

S'agissant des plaintes et des signalements en ligne, après l'article 15-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15-3-1.

Le premier alinéa de cet article prévoit que lorsque, dans les cas et selon les modalités prévues par arrêté, la plainte de la victime est adressée par voie électronique, le procès-verbal de réception de plainte est établi selon les modalités prévues par l'article 801-1 et le récépissé, ainsi le cas échéant que la copie du procès-verbal, peuvent être adressés selon les mêmes modalités à la victime dans les meilleurs délais. Ces dispositions permettent à la fois de limiter les hypothèses de plaintes en ligne, et de préciser comment, pour ces plaintes, sont respectées les exigences de l'article 15-3.

Le second alinéa du nouvel article dispose que le lieu de traitement automatisé des informations nominatives relatives aux plaintes adressées conformément aux dispositions du présent article est considéré comme le lieu de constatation de l'infraction, et qu'il en est de même pour les signalements. Ces dispositions donnent ainsi compétence aux enquêteurs et au procureur du lieu du traitement.

Permettre aux victimes ou aux témoins dépositaires de l'autorité publique ou chargés d'une mission de service public de déclarer dans la procédure leur seule adresse professionnelle, sans l'accord de leur employeur ou l'autorisation du parquet justifie par ailleurs de compléter à cette fin les articles 10-2, 89 et 706-57 du code de procédure pénale.

Assurer que la victime puisse exercer son droit de se constituer partie civile à l'audience du tribunal exige :

- De compléter les articles 391 et 393-1 de ce code, afin de préciser que lorsqu'il n'est pas établi que la victime a effectivement été touchée par l'avis d'audience, le tribunal qui statue sur l'action publique parce qu'il estime que la présence de la victime n'est pas indispensable aux débats, doit renvoyer le jugement de l'affaire sur l'action civile à une audience ultérieure, le tribunal devant alors fixer la date de cette audience, et la victime devant en être avisée.

- De modifier l'article 420-1 du même code pour permettre la constitution de partie civile par le moyen d'une communication électronique, et pour indiquer que lorsque le délai de 24 heures n'a pas été respecté, mais que le tribunal a effectivement eu connaissance, avant les réquisitions du ministère public sur le fond, de la constitution de partie civile, son irrecevabilité ne peut être relevée.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

La nouvelle rédaction de l'article 420-1 ne constitue pas une charge nouvelle, puisque c'est uniquement lorsque la juridiction a bien reçu la constitution de partie civile que celle-ci sera recevable.

a) Impacts de la possibilité pour les victimes de porter plainte en ligne, notamment pour les infractions internet

4 992 686 procès-verbaux et dépôts de plaintes (y compris contre X) ont été reçus en 2016 (source : chiffres-clés de la Justice).

La possibilité de porter plainte en ligne n'a pas d'impact direct sur les services judiciaires, le dépôt de plainte se faisant auprès des services enquêteurs. Il ne pourrait y avoir un impact qu'indirect, si la facilité ouverte de porter plainte en ligne conduisait à un accroissement du nombre de plaintes déposées.

b) Impacts de la constitution de partie civile par voie dématérialisée

4 734 plaintes avec constitution de partie civile ont été recensées en 2017 (source : infocentre Pharos), sachant que cette donnée ne concerne que les juridictions utilisant l'applicatif Cassiopée à l'instruction, ce qui exclut le tribunal de grande instance de Paris, notamment.

La nouvelle modalité de constitution de partie civile envisagée peut être analysée comme une facilité de transmission de l'acte pour le justiciable ; elle ne dispensera le greffe d'aucune tâche. Par ailleurs, le justiciable pourra toujours se constituer par voie postale.

En outre, cette simplification offerte aux victimes ainsi que la suppression de l'irrecevabilité automatique des plaintes déposées moins de 24 heures avant la date d'audience peuvent se traduire par une augmentation du nombre des constitutions de partie civile.

Il ne semble donc pas que des gains RH puissent être attendus de cet axe de simplification pour les victimes.

c) Impacts de la fixation de nouvelles audiences sur les intérêts civils

En 2016, 66 639 jugements sur intérêts civils ont été rendus 70 ( * ) .

La nouvelle rédaction de l'article 393-1, en exigeant une audience sur les intérêts civils et la convocation de la victime à cette audience, pourrait être considérée comme constituant une charge supplémentaire pour les juridictions. Cependant, ces dispositions ont pour conséquence de favoriser l'examen de l'affaire sur l'action publique dans des hypothèses où actuellement, en l'absence de la victime, les dossiers font l'objet d'un renvoi sur l'action publique et sur l'action civile, à une audience à laquelle la victime est également convoquée. Ces dispositions ne devraient dès lors pas augmenter le nombre des audiences.

4.3. IMPACTS INFORMATIQUES

L'impact informatique de cette mesure pour le ministère est modéré. L'extension du périmètre de la plainte sur le portail du ministère de l'intérieur n'a pas d'impact direct dans Cassiopée. Toutefois, les nouvelles modalités par voie dématérialisée de la constitution de partie civile nécessiteront d'intégrer au sein du Système de Référence Justice et des menus déroulants de Cassiopée ces nouvelles possibilités. L'ensemble des éditions évoquant la CPC (convocations, avis d'audience...) devront être modifiées en conséquence.

Ces travaux pourront être intégrés dans l'une des trois versions annuelles à programmer pour mettre en oeuvre la réforme de simplification de procédure pénale (hors volet exécution des peines), ce qui correspond à un délai prévisionnel d'une année à compter de la stabilisation complète du texte.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

Ces dispositions supposent la mise en place de traitements spécifiques, et de brigades ou unités spécialisés pour traiter les plaintes en ligne.

4.5. IMPACTS ÉCONOMIQUES, FINANCIERS, SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX

4.5.1 Impacts sur les entreprises

Les plaintes en ligne et les constitutions de partie civile par voie dématérialisée sont de nature à simplifier les démarches des entreprises.

4.5.2 Impacts sur les particuliers

Les plaintes en ligne et les constitutions de partie civile par voie dématérialisée sont de nature à simplifier les démarches des particuliers.

4.5.3 Impacts sur les personnes handicapées

La possibilité de déposer plainte en ligne, ou de se constituer partie civile à l'audience par voie dématérialisée, sans avoir besoin de se déplacer, améliorera de façon très significative la situation des personnes handicapées.

5. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Les dispositions envisagées seraient applicables le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel , sous réserve des délais de mise en oeuvre des traitements relatifs aux plaintes en ligne.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur » du code de procédure pénale (art. 804).

5.3. TEXTE D'APPLICATION

Un décret déterminera les modalités de dépôt des plaintes en lignes.

CHAPITRE II : DISPOSITIONS RELATIVES AUX PHASES D'ENQUETE ET D'INSTRUCTION

SECTION 1 : DISPOSITIONS COMMUNES AUX ENQUÊTES ET A L'INSTRUCTION

SOUS-SECTION 1 : Dispositions simplifiant le recours aux interceptions par la voie des communications électroniques, à la géolocalisation, à l'enquête sous pseudonyme et aux techniques spéciales d'enquête

Article 27 : Interceptions téléphoniques et géolocalisation

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

1.1.1 Droit existant

Les interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques sont possibles au cours de l'instruction et de l'enquête. Il en est de même de la géolocalisation 71 ( * ) .

Les interceptions de correspondances sont prévues, au cours de l'instruction, par les articles 100 à 100-7 du code de procédure pénale, dont la rédaction originelle date de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991. Au cours de l'enquête, elles sont prévues par l'article 706-95, depuis la loi n° 2004-204 du 4 mars 2004.

La géolocalisation est prévue, tant au cours de l'enquête que de l'instruction, par les articles 230-32 à 230-44, résultant de la loi n° 2014-372 du 28 mars 2014.

L'article 100 prévoit qu'en matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement, le juge d'instruction peut, lorsque les nécessités de l'information l'exigent, prescrire l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques. Ces opérations sont effectuées sous son autorité et son contrôle. La décision d'interception est écrite. Elle n'a pas de caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours.

L'article 100-2 précise que cette décision est prise pour une durée maximum de quatre mois. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée, sans que la durée totale de l'interception puisse excéder un an ou, s'il s'agit d'une infraction relevant de la délinquance ou de la criminalité organisée prévue aux articles 706-73 et 706-73-1, deux ans.

L'article 706-95 prévoit quant à lui que si les nécessités de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire relative à l'une des infractions relevant de la délinquance ou de la criminalité organisée et prévue aux articles 706-73 et 706-73-1 l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, autoriser l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des communications électroniques selon les modalités prévues par les dispositions applicables au cours de l'instruction, pour une durée maximum d'un mois, renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée. Ces opérations sont réalisées sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.

L'article 230-32 prévoit que la géolocalisation, définie comme tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel, sur l'ensemble du territoire national, d'une personne, à l'insu de celle-ci, d'un véhicule ou de tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, est possible si cette opération est exigée par les nécessités :

1° D'une enquête ou d'une instruction relative à un délit prévu au livre II du code pénal, soit les atteintes aux personnes, ou aux articles 434-6 et 434-27 du code pénal, soit le recel de malfaiteurs ou l'évasion, puni d'un emprisonnement d'au moins trois ans ;

2° D'une enquête ou d'une instruction relative à un crime ou à un délit, à l'exception de ceux mentionnés au 1° du présent article, puni d'un emprisonnement d'au moins cinq ans ;

L'article 230-33 prévoit que la géolocalisation est autorisée :

1° Dans le cadre d'une enquête de flagrance ou d'une enquête préliminaire par le procureur de la République, pour une durée maximale de quinze jours consécutifs. A l'issue de ce délai, cette opération est autorisée par le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République, pour une durée maximale d'un mois renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée ;

2° Dans le cadre d'une instruction par le juge d'instruction, pour une durée maximale de quatre mois renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée.

La décision du procureur de la République, du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction est écrite. Elle n'a pas de caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours.

1.1.2 Principales problématiques

Ces dispositions soulèvent deux types de difficultés.

Les interceptions ne sont possibles au cours de l'enquête que pour des faits de délinquance ou de criminalité organisée, alors qu'elles sont très largement possibles à l'instruction.

Les seuils de recours à la géolocalisation sont particulièrement complexes, puisqu'il existe deux seuils de trois et cinq ans, assortis de deux exceptions.

Des simplifications et des rapprochements des régimes sont ainsi souhaités par les praticiens, avec notamment le recours à un seuil unique de trois ans d'emprisonnement.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de se prononcer sur ces dispositions.

Il a ainsi validé en 2004 les écoutes réalisées lors d'une enquête en matière de délinquance organisée 72 ( * ) , en se fondant non seulement sur la gravité des infractions retenues mais aussi sur les garanties encadrant la mise en oeuvre des mesures (durée limitée de la mesure et autorisation et contrôle d'une autorité judiciaire).

Dans sa décision du 25 mars 2014 relative à la géolocalisation, le Conseil a jugé que « si le législateur peut prévoir des mesures d'investigation spéciales en vue de constater des crimes et délits d'une gravité et d'une complexité particulières, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, c'est sous réserve, d'une part, que les restrictions qu'elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n'introduisent pas de discriminations injustifiées et, d'autre part, que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire à qui il incombe en particulier de garantir que leur mise en oeuvre soit nécessaire à la manifestation de la vérité » 73 ( * ) . Dans cette décision, le Conseil a validé la fixation d'un seuil de 3 ans pour recourir à la géolocalisation dans le cadre d'atteintes aux personnes, et ce sans exiger de distinction entre l'enquête et l'instruction 74 ( * ) . Il a aussi admis la conformité à la Constitution d'une géolocalisation uniquement autorisée par le parquet durant quinze jours.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Les interceptions comme la géolocalisation portent atteinte au respect à la vie privé, et doivent à ce titre respecter les exigences de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui dispose que :

- « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ;

- « Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

La cour européenne des droits de l'homme s'est prononcée sur le fondement de cet article sur la question des interceptions (pour laquelle la France a été condamnée par les arrêts Kruslin et Huvig du 24 avril 1990, ce qui a conduit à la loi de 1991 précitée) et sur celle de la géolocalisation (2 septembre 2010, Uzun contre Allemagne, ce qui a conduit à la loi de 2014 précitée), exigeant qu'elles soient prévues par la loi, pour des infractions graves et à la suite d'une décision de l'autorité judiciaire.

S'agissant du seuil de trois ans d'emprisonnement, on peut observer qu'il existe dans les décisions-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen, du 22 juillet 2003 relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve, du 6 octobre 2006 relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de confiscation et dans la directive 2014/41/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant la décision d'enquête européenne en matière pénale.

Par ailleurs, la Directive (UE) 2016/681 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à l'utilisation des données des dossiers passagers (PNR) pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière, utilise expressément le seuil de 3 ans comme un critère de définition de la gravité des infractions. Ainsi son article 3, 9) dispose qu' « Aux fins de la présente directive, on entend par [...] «formes graves de criminalité», les infractions énumérées à l'annexe II 75 ( * ) qui sont passibles d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté d'une durée maximale d'au moins trois ans au titre du droit national d'un État membre ».

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

Trois objectifs sont poursuivis :

- Permettre les interceptions de communication soient possibles, au cours de l'enquête et de l'instruction, pour les mêmes infractions, comme c'est le cas pour la géolocalisation et les techniques spéciales d'enquêtes ;

- Rendre les interceptions et la géolocalisation possibles pour les mêmes infractions ;

- Permettre qu'en cas d'urgence les interceptions puissent être autorisées par le procureur de la République, comme peuvent l'être les géolocalisation.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

Des options sont possibles s'agissant de la question de la fixation du seuil d'emprisonnement et de la durée des opérations.

3.1. OPTION ÉCARTÉE : FIXATION D'UN SEUIL À CINQ ANS D'EMPRISONNEMENT

Un tel seuil a été proposé par le rapport des chefs de file, M. Beaume et Me Natali. Il semble cependant trop élevé. Il conduirait en effet à interdire les interceptions à l'instruction pour les délits punis de 2 ou 3 ans, alors que c'est actuellement possible, et interdirait la géolocalisation pour les délits contre la personne punis de 3 ans, ou pour les cas de recel de malfaiteurs ou d'évasion. Par ailleurs, ce seuil de cinq ans ne répond pas aux exigences constitutionnelles ou conventionnelles et n'a donc pas été retenu.

3.2. OPTION ÉCARTÉE : PRÉVOIR DES DURÉES IDENTIQUES POUR L'ENQUÊTE ET POUR L'INSTRUCTION

Les différences de durées actuelles entre l'instruction (durée de 4 mois renouvelable, jusqu'à 8 mois, un an ou deux suivant les cas) et celles de l'enquête (un mois renouvelable une fois) paraissent justifiées, du fait du caractère non contradictoire de l'enquête.

Elles ont du reste été validées par le Conseil constitutionnel, tant en matière d'interception que de géolocalisation.

Si à l'issue des deux mois d'enquête, ces mesures paraissent devoir être prolongées, c'est que la complexité des faits justifie l'ouverture d'une information.

Il n'apparaît donc ni opportun, ni juridiquement possible, d'unifier ces durées.

3.3. DISPOSITIF RETENU : FIXATION D'UN SEUIL UNIQUE DE 3 ANS, AVEC DES DURÉES DIFFÉRENTES

Le seuil de trois ans existe déjà dans de nombreuses hypothèses prévues par le code de procédure pénale, ci-dessous résumées. Il apparaît possible de le retenir pour les interceptions et pour la géolocalisation, comme il est du reste prévu de le retenir, par d'autres articles du projet de la loi, dans d'autres hypothèses qui sont également reproduite dans le tableau ci-dessous.

Mesures

Seuils actuels

Seuils modifiés par le PJL

Mandat de recherche

Crime et délit ? 3 ans

Détention provisoire

Crime et délit ? 3 ans

Mandat d'arrêt européen

Pas de contrôle de double incrimination si ?3 ans

Décision d'enquête européenne

Pas de possibilité de refuser l'exécution de cette DEE si ?3 ans

Décision de gel de biens et de confiscation

?3 ansException : < 3 ans avec une autorisation supplémentaire dans des circonstances particulières

Anonymisation des enquêteurs

Principe : Crime et délit ? 3 ans

Exception : < 3 ans avec une autorisation supplémentaire dans des circonstances particulières

Anonymisation des témoins

Crime et délit ? 3 ans

Saisie des biens d'un mis en examen

? 3 ans- Atteintes aux biens : crime et délit

Crime et délit

Géolocalisation

- Atteintes aux personnes : crime et délit ?3 ans

- Atteintes aux biens : crime et délit ? 5 ans

Crime et délit ? 3 ans

Perquisitions en préliminaire autorisées par le JLD

? 5 ans Lors de l'instruction :

? 3 ans Crime et délit

Interceptions téléphoniques

Lors de l'enquête : Délinquance et criminalité organisée (infractions des art. 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale)

Crime et délit ? 2 ansCrime et délit

Lors de l'enquête et de l'instruction :

? 3 ans Le troisième seuil pour les crimes et les délits punis d'au moins 10 ans d'emprisonnement est identique à celui fixé par le PJL pour les TSE autres que les écoutes.

Enquête de flagrance

Crime ou délit puni d'emprisonnement: 8 jours

Crime et délit ? 5 ans: + 8 jours

Délit puni d'emprisonnement <3 ans : 8 jours

Délit 3-10 ans : 8 jours + 8 jours

Crime et délit ? 10 ans : 15 jours + 15 jours.

Le troisième seuil pour les crimes et les délits punis d'au moins 10 ans d'emprisonnement est identique à celui fixé par le PJL pour les TSE autres que les écoutes.

En matière d'interception, ce seuil de 3 ans, qui est étendu à l'instruction, doit cependant connaître une exception : lorsque l'interception a lieu sur la ligne de la victime et à la demande de celle-ci, par exemple en cas d'appel téléphoniques malveillants, qui sont punis d'un an d'emprisonnement par l'article 222-16 du code pénal, ou de faits de harcèlement sexuel ou moral commis par téléphone, punis de un ou deux ans d'emprisonnement par les articles 222-33 et 222-33-2 de ce code.

En contrepartie de cet abaissement du seuil d'emprisonnement permettant les interceptions de communication, le contrôle du juge des libertés et de la détention est étendu. Comme c'est le cas actuellement, ce juge, lorsque c'est lui qui a autorisé l'interception, sera informé sans délai par le procureur de la République des actes accomplis, et les procès-verbaux dressés en exécution de son autorisation lui sont communiqués.

Il sera cependant désormais prévu que s'il estime que les opérations n'ont pas été réalisées conformément à son autorisation ou que les dispositions applicables du présent code n'ont pas été respectées, il ordonnera la destruction des procès-verbaux et du support des enregistrements effectués. Il statuera par une ordonnance motivée notifié au procureur de la République qui pourra former appel devant le président de la chambre de l'instruction dans un délai de dix jours à compter de la notification.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉESS

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Les modifications envisagées supposent d'insérer dans la partie du code de procédure pénale concernant les enquêtes de flagrance et dans celle concernant l'enquête préliminaire des dispositions nouvelles relatives aux interceptions (création d'un article 60-4 et 77-1-4). L'article 100 du même code serait également modifié et l'article 706-95 de ce code, devenu inutile, serait supprimé.

L'article 230- 32 sur les seuils applicables en matière de géolocalisation doit être réécrit.

4.2. IMPACTS INFORMATIQUES

Ces nouvelles dispositions nécessitent une modification des événements et des caractéristiques des événements enregistrés dans le système de référence justice ainsi que des modifications éditiques au sein de Cassiopée.

Les modifications des dispositions relatives aux techniques d'enquêtes visées à l'article 230-45 du code de procédure pénale, et tout particulièrement celles relatives à l'élargissement des cadres d'enquête permettant de recourir aux interceptions judiciaires, nécessiteront des adaptations de la plateforme nationale des interceptions judiciaires 76 ( * ) .

4.3. IMPACTS BUDGÉTAIRES

Actuellement, dans le cadre d'une enquête, pour la majorité des infractions, le seuil de la peine encourue pour avoir recours à la géolocalisation est de 3 ans minimum pour les délits contre les personnes et de 5 ans d'emprisonnement pour les autres crimes et délits.

Le risque d'augmentation des frais des opérateurs de communications électroniques dans le cadre des interceptions judiciaires en raison de l'abaissement du seuil demeure mesuré. Le risque est plutôt lié à la montée en puissance des forces de sécurité intérieure pour assurer le suivi de davantage d'interceptions. Il l'est également pour les frais liés à la géolocalisation des téléphones portables.

L'impact de l'ouverture des interceptions judiciaires aux délits punis d'une peine d'emprisonnement commis par la voie des communications électroniques sur la ligne de la victime, dès lors que la victime y consent, devrait être modéré.

Au global, une augmentation de 5 % des coûts peut être envisagée, entrainant un surcoût de 2,25 M € au titre des frais des opérateurs de communications électroniques (dépense annuelle 45 M €) et 0,75 M € pour la géolocalisation (non embarquée dans la plateforme nationale des interceptions judiciaires - dépense annuelle 15 M €), soit un total de 3M €.

Le renforcement du contrôle par le juge des libertés et de la détention devrait avoir un impact limité, dès lors qu'il est déjà prévu que ce juge doit recevoir la copie des procès-verbaux réalisés, et que les cas d'annulation - qui devraient être principalement motivés par une erreur sur la ligne interceptée ou un dépassement des délais - devraient être exceptionnels.

5. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Ces dispositions seraient applicables aux procédures en cours au lendemain de la publication de la loi.

Ces dispositions ne justifient aucune abrogation, à l'exception de celle de l'article 706-95 du code de procédure pénale.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur » du code de procédure pénale (art. 804).

Article 28 : Uniformisation de l'enquête sous pseudonyme

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

Dans le cadre de procédures judiciaires, la procédure d'enquête sous pseudonyme consiste à autoriser les enquêteurs à communiquer sur internet, sans utiliser leur véritable identité, avec des personnes susceptibles de commettre des infractions. Dans ce cadre, les enquêteurs sont également autorisés, pour la recherche et la constatation de certaines infractions, à transmettre à des tiers, sur demande expresse de leur part, des contenus illicites, ou à acquérir certains contenus, produits, substances, prélèvements ou services illicites.

Introduite pour la première fois par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance dans le but de constater les infractions de provocation de mineurs à la commission d'infractions, de corruption de mineurs, de pédopornographie et de mise en danger de mineurs (article 706-47-3 du code de procédure pénale) ainsi que des infractions de traite des êtres humains, proxénétisme et recours à la prostitution (article 706-35-1 du même code), la procédure d'enquête sous pseudonyme a par la suite été élargie à la criminalité organisée et aux atteintes aux systèmes de traitement automatisé des données (article 706-87-1 du même code) par la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme et la loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne.

La procédure a également été élargie à certaines infractions en matière environnementale et de santé publique par l'ordonnance n° 2013-1183 du 19 décembre 2013 relative à l'harmonisation des sanctions pénales et financières relatives aux produits de santé et à l'adaptation des prérogatives des autorités et des agents chargés de constater les manquements et par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. En ces matières, la loi prévoit que l'enquête sous pseudonyme peut être utilisée tant par les officiers et agents de police judiciaire (articles 706-2-2 et 706-2-3 du code de procédure pénale) que par les inspecteurs de l'environnement (article L. 172-11-1 du code de l'environnement) et les inspecteurs de l'agence régionale de santé (article L. 1435-7-2 du code de la santé publique).

De même, la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, qui a autorisé le recours à cette technique d'enquête pour les infractions commises à l'occasion de paris ou de jeux en ligne (article 59 de la loi précitée), permet aux officiers et agents de police judiciaire et aux agents de l'autorité de régulation des jeux en ligne d'y recourir.

Enfin, l'enquête sous pseudonyme a également été élargie, pour les agents des douanes, à certaines infractions douanières par la loi du n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure et la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

Il résulte de ces lois successives cinq dispositions éparses dans le code de procédure pénale relatives à l'enquête sous pseudonyme, dont la rédaction n'est pas harmonisée, ainsi que cinq dispositions insérées dans des codes spécialisés et des dispositions non codifiées.

Cet éparpillement et l'absence d'harmonisation des rédactions nuisent à la lisibilité d'ensemble du dispositif et à l'efficacité de sa mise en oeuvre, alors même que le recours à internet, et plus particulièrement au « darknet », est devenu un moyen privilégié pour commettre des infractions et qu'il permet aux groupes criminels de développer en tout anonymat leurs activités illicites et de faciliter leurs communications.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL ET CONVENTIONNEL

Les dispositions relatives à l'enquête sous pseudonyme n'ont jamais fait l'objet d'un examen par le Conseil constitutionnel.

Toutefois, elles n'apparaissent pas contraires à la Constitution dès lors qu'elles concilient d'une part, l'objectif à valeur constitutionnel de recherche des auteurs d'infractions, et, d'autre part, le respect des droits de la défense. La loi précise en effet qu'à peine de nullité, les actes autorisés dans le cadre de l'enquête sous pseudonyme ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions.

En l'absence de provocation à l'infraction, il n'y a pas d'atteinte au droit au procès équitable garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789 et l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

S'agissant de l'acquisition et de la transmission de contenus illicites, la présente mesure prévoit l'autorisation préalable du magistrat en charge de l'enquête (procureur de la République ou juge d'instruction selon les cas), ce qui est de nature à constituer un cadre adapté et suffisant pour préserver l'équilibre du dispositif.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif premier de cette mesure est d'harmoniser les différents dispositifs d'enquête sous pseudonyme et de les réunir en un article unique au sein du code de procédure pénale.

Le deuxième objectif poursuivi est d'encadrer la possibilité offerte aux enquêteurs de réaliser des « coups d'achat » sur internet, c'est-à-dire d'acquérir des produits, substances, prélèvements, services ou contenus illicites dans le cadre d'une enquête sous pseudonyme.

Le troisième objectif est d'étendre ce dispositif, qui a démontré son efficacité, à d'autres infractions en retenant un seuil de peine encourue unique pour l'ensemble des infractions pour lesquelles l'enquête sous pseudonyme est possible.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Les services d'enquête et les magistrats qui mettent en oeuvre l'enquête sous pseudonyme ont fait valoir à plusieurs reprises que l'absence de régime uniformisé nuisait à la lisibilité du dispositif.

En outre, il est apparu que ce dispositif, qui a démontré son utilité dans les enquêtes pour lesquelles il est actuellement utilisé, nécessitait d'être étendu à d'autres infractions afin de s'adapter aux méthodes de plus en plus élaborées et astucieuses des délinquants pour échapper à toute identification et recueil de preuves.

A titre d'exemple, le développement de sites de ventes en ligne entre particuliers a permis à un certain nombre de délinquants de développer une activité d'appropriation frauduleuse pour laquelle le recours au site marchand est devenu une alternative au receleur d'habitude. A l'origine de ces ventes illicites, des faits, tels que des vols commis avec violences, ne remplissent que rarement les critères du vol commis en bande organisée qui seul permet le recours à l'enquête sous pseudonyme. Les enquêteurs ne peuvent alors pas recourir à cette technique d'enquête, alors que l'utilisation d'un moyen de communication électronique est un élément facilitant la commission de l'infraction.

Or, il convient de constater que la nature et le quantum des peines encourues pour les infractions pour lesquelles l'enquête sous pseudonyme peut être mise en oeuvre actuellement sont très hétérogènes, allant de la simple amende à la réclusion criminelle à perpétuité, de sorte que le seul dénominateur commun à ces infractions est la commission de l'infraction par un moyen de communication électronique.

Aussi, il est envisagé d'élargir la possibilité de recourir à cette technique à l'ensemble des infractions punies d'une peine d'emprisonnement dès lors qu'elles sont commises par un moyen de communication électronique.

Le critère de l'emprisonnement encouru n'apparaît pas manifestement disproportionné s'agissant d'une technique qui ne porte pas, contrairement aux autres techniques spéciales d'enquête (écoutes téléphoniques, géolocalisation, captation de données informatiques) atteinte au droit au respect de la vie privée dès lors que les contenus mis sur internet l'ont été par les auteurs des infractions eux-mêmes.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ÉCARTÉE

Il aurait pu être envisagé, dans le cadre de l'uniformisation des différentes dispositions relatives à l'enquête sous pseudonyme, de créer un article unique intégrant les cinq dispositions du code de procédure pénale et les cinq dispositions figurant dans d'autres codes (code de l'environnement, code de la santé publique, code des douanes) ainsi que dans la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

Toutefois, ces dispositions spéciales attribuent le pouvoir de recourir à l'enquête sous pseudonyme à des agents d'administrations et de services publics, pour des infractions spécifiques, et il n'était pas envisageable de leur permettre le recours à cette enquête pour des infractions ne relevant pas de leurs compétences.

Le choix a donc été fait de ne pas intégrer ces dispositions spéciales au sein du code de procédure pénale.

3.2. OPTION RETENUE

Il résulte de la proposition retenue un régime unique dans le code de procédure pénale avec une harmonisation des termes employés pour décrire les différents actes que les enquêteurs peuvent accomplir.

Les officiers et agents de police judiciaire sont ainsi autorisés, pour constater tous les crimes et les délits punis d'une peine d'emprisonnement commis à l'aide d'un moyen de communication électronique, à procéder sous pseudonyme, c'est-à-dire sans utiliser leur véritable identité et sans avoir à préciser leur qualité d'enquêteur, aux actes suivants :

- « participer à des échanges électroniques, y compris avec des personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions » : cette rédaction intègre tant la participation à des forums de discussion que des échanges directs ;

- « extraire ou conserver par ce moyen les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions et tout élément de preuve » : les mentions génériques de « données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions » et de « tout élément de preuve » comprennent ainsi notamment toute image, toute donnée, toute conversation, tout élément sur des comptes bancaires transmis par ce moyen, tout contenu illicite transmis ;

- « après autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction saisi des faits, acquérir tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicites, ou transmettre en réponse à une demande expresse des contenus illicites » : cette rédaction permet d'une part, de clarifier le fait qu'il est possible, dans le cadre de ces enquêtes, pour les officiers ou agents de police judiciaire, d'acquérir des contenus, produits, substances, prélèvements ou services illicites, ce qui permet de constituer des éléments de preuve et facilite l'identification des auteurs de certaines infractions, ou de transmettre, en réponse à une demande expresse, des contenus illicites, ce qui peut permettre de gagner la confiance de certains groupes criminels et de réunir ensuite des éléments de preuve à leur encontre ; cette rédaction permet en outre d'encadrer ces « coups d'achat » ou ces transmissions en instaurant une autorisation préalable de l'autorité judiciaire.

Les officiers et agents de police judiciaire ainsi autorisés à effectuer ces actes ne peuvent être poursuivis pénalement pour ceux-ci.

Toutefois, leurs agissements ne doivent pas constituer une provocation ou une incitation à commettre des infractions.

Par ailleurs, tout officier ou agent de police judiciaire n'est pas autorisé, par principe, à recourir à ce type d'enquête. Ils doivent être affectés dans un service spécialisé, et spécialement habilités à cette fin. Les conditions de cette habilitation sont précisées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre de l'intérieur.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉESS

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

En premier lieu, la création d'un article unique au sein du code de procédure pénale conduit à abroger les dispositions sectorielles prévues aux articles 706-2-2, 706-2-3, 706-35-1 et 706-47-3, ainsi qu'à la section II bis du chapitre II du titre XXV du livre IV de la première partie du code de procédure pénale, qui contient uniquement l'article 706-87-1.

L'abrogation de l'article 706-87-1 rend nécessaire la modification de la référence qui figure au sein de l'article 706-72 du code de procédure pénale.

En second lieu, il conviendra de modifier les articles D. 47-8 et D. 47-9 du code de procédure pénale afin d'en adapter les références. Toutefois, ce décret apparaît compatible, dès à présent, avec la mesure proposée.

De la même manière, l'arrêté du 21 octobre 2015 relatif à l'habilitation au sein de services spécialisés d'officiers ou agents de police judiciaire pouvant procéder aux enquêtes sous pseudonyme devra être modifié pour inclure une référence au nouvel article 230-46 du code de procédure pénale.

Enfin, le décret n° 2015-1897 du 30 décembre 2015 fixant les règles particulières applicables à certains frais auxquels sont directement exposés les services actifs de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale et leurs agents dans le cadre de leurs missions devra également être modifié pour inclure une référence au nouvel article 230-46 du code de procédure pénale.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

La présente mesure, en instaurant l'autorisation préalable du magistrat en charge de l'enquête pour la transmission de contenus illicites et l'acquisition de produits, substances, services ou contenus illicites, conduira à un contrôle accru des enquêteurs par l'autorité judiciaire en la matière. Cette intervention de l'autorité judiciaire n'aura qu'un impact marginal sur son activité.

En outre, l'extension du champ infractionnel de l'enquête sous pseudonyme devrait conduire à une augmentation des enquêtes d'initiative et des affaires résolues, ce qui engendrera une augmentation corrélative du nombre de procédures pénales.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

La présente mesure devrait conduire à un accroissement du recours à l'enquête sous pseudonyme, notamment dans le cadre d'enquêtes d'initiative.

En outre, les dépenses relatives aux frais d'acquisition de produits, substances, services, ou contenus illicites, supportés par les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale et leurs agents dans les conditions définies par le décret n° 2015-1897 du 30 décembre 2015, sont susceptibles d'augmenter.

5. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

S'agissant d'une loi de procédure, cette disposition est immédiatement applicable à compter de l'entrée en vigueur de la loi.

Les textes dont l'abrogation est rendue nécessaire par la création d'une nouvelle disposition au sein du code de procédure pénale ont été identifiés et figurent dans cet article. Leur abrogation prendra effet à l'entrée en vigueur de la loi.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Cet article a vocation à s'appliquer dans l'ensemble des collectivités ultra-marines dans lesquelles l'Etat est compétent en matière pénale.

Dans les collectivités régies par le principe de l'identité législative (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon), les dispositions pénales sont applicables de plein droit. Aucune adaptation n'apparaît nécessaire.

Dans les collectivités régies par le principe de spécialité législative (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna), aucune adaptation n'apparaît nécessaire et ces dispositions sont expressément étendues à ces collectivités.

Article 29 : Harmonisation de certaines techniques spéciales d'enquête

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ÉTAT DES LIEUX

1.1.1 Description du droit existant et de son application

Les techniques spéciales d'enquête, régies par les sections V, VI et VI bis code de procédure pénale, présentent chacune un régime juridique distinct.

Elles ont été encadrées par diverses loi successives : la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (sonorisation et fixation d'images de certains lieux ou véhicules), la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ( captation de données informatiques) et la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale (IMSI-catcher, recueil à distance de données informatiques stockées).

Le droit en vigueur permet d'utiliser l'IMSI-catcher, la sonorisation et la captation d'images, la captation de données informatiques tant dans la phase d'enquête que dans celle de l'information judiciaire. Ces opérations sont soumises à l'autorisation du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction selon les cas 77 ( * ) .

Néanmoins, les durées pendant lesquelles ces mesures peuvent être autorisées sont variables. Ainsi, pendant l'information judiciaire, la durée initiale d'autorisation est fixée à 4 mois renouvelables dans un maximum de 2 ans pour la captation de données informatiques, à 2 mois renouvelables dans un maximum de 6 mois pour l'IMSI catcher et 48 heures renouvelables une fois pour les écoutes réalisées via cet appareil ou encore à 2 mois renouvelables dans un maximum de 2 ans pour les sonorisations et captation d'images. Pendant l'enquête préliminaire ou de flagrance, l'autorisation est délivrée pour 1 mois renouvelable une seule fois, sauf pour les écoutes via l'IMSI catcher (48 heures renouvelables une fois) 78 ( * ) .

Enfin, seule la procédure de l'IMSI cacher prévoit qu'en cas d'urgence le parquet peut autoriser le recours à cette technique. Cette décision doit être confirmée par le du juge des libertés et de la détention dans le délai de 24 heures.

Ces techniques spéciales d'enquête ainsi que celle du recueil à distance des correspondances stockées par la voie des télécommunications électroniques accessibles au moyen d'un identifiant informatique ne s'appliquent qu'aux infractions réprimant la criminalité et la délinquance organisées, listées aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale, ainsi qu'à certaines infractions économique et financière ou d'atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données 79 ( * ) .

a) IMSI-catcher (articles 706-95-4 et s. du code de procédure pénale)

L'IMSI-catcher est utilisé en complément des surveillances physiques ou pour préparer des investigations techniques. Ce dispositif mobile, qui se comporte comme une antenne-relais téléphonique fictive, capte les données techniques de connexion émises par les téléphones en activité dans son périmètre d'action (ex : numéros IMEI ou IMSI, émetteurs et destinataires des appels). Certains appareils IMSI-catcher disposent de fonctionnalités permettant de procéder à la géolocalisation des terminaux de télécommunication et à l'interception des communications.

L'intérêt de cette technique est de permettre l'identification des moyens de communication du suspect et ses identifiants téléphoniques. Une fois cette identification opérée, le service de police judiciaire saisi pourra procéder aux réquisitions utiles permettant, dans le respect des dispositions du code de procédure pénale, d'obtenir le numéro de téléphone, l'historique des données de connexion, les données de géolocalisation en temps réel, ainsi que l'interception des communications.

Dans un contexte où les personnes mises en cause changent souvent de vecteur de télécommunication, utilisent plusieurs téléphones acquis sous une fausse identité, le recours à l'IMSI-catcher pour identifier le numéro de téléphone effectivement utilisé s'avère indispensable.

b) Captation d'image et sonorisation (articles 706-96 et s. du code de procédure pénale)

Les sonorisations et fixations d'images de certains lieux ou véhicules sont réalisées grâce à la pose d'un dispositif technique permettant la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles et d'images dans les lieux ou véhicules publics ou privés.

Il existe trois procédés consistant soit en la pose d'un micro dont les données sont transmises au dispositif d'enregistrement par onde hertzienne, soit la pose d'un micro 2/3G dont les données sont transmises au dispositif d'enregistrement par la téléphonie, soit la pose d'un micro IP 3/4G, dont les données sont transmises au dispositif d'enregistrement par de la DATA sur un serveur internet privé.

c) Captation de données informatiques (articles 706-102-1 et s. du code de procédure pénale)

Il s'agit d'un dispositif technique permettant de prendre connaissance du contenu d'un texte avant qu'il ne soit chiffré (crypté) ; de textes tapés sur un ordinateur puis transportés grâce à un périphérique (clé USB, CD rom, disque externe) sur un autre ordinateur, des messages échangés entre deux interlocuteurs sur des forums ou « tchats ». Il est ainsi possible d'accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre, telles qu'elles sont stockées dans un système informatique, telles qu'elles s'affichent sur un écran pour l'utilisateur d'un système de traitement automatisé de données, telles qu'il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu'elles sont reçues et émises par des périphériques audiovisuels. De tels dispositifs sont des logiciels espions.

d) Recueil à distance des correspondances stockées par la voie des télécommunications électroniques accessibles au moyen d'un identifiant informatique (articles 706-95-1 à 706-95-3 du code de procédure pénale)

Cette technique a pour objectif de créer un régime de saisie de données de messagerie électronique, distinct de la perquisition.

Ce dispositif s'avère utile pour exploiter la messagerie électronique de suspects lorsque des réquisitions ou des éléments d'enquête ont permis d'obtenir les identifiants de connexion.

1.1.2 Difficultés rencontrées

Les régimes procéduraux actuels de ces techniques spéciales techniques soulèvent deux difficultés au regard de la complexité de leur mise en oeuvre et de leur champ d'application.

En premier lieu, l'absence d'harmonie procédurale constitue un véritable frein à leur utilisation. Cette absence de lisibilité des textes complique le travail des enquêteurs lorsqu'ils souhaitent recourir à ces techniques dont la mise en oeuvre est complexe. En outre, les différences procédurales augmentent les risques d'erreurs qui peuvent avoir des conséquences sur la régularité de la procédure. Il convient de relever que ces différences ne sont pas justifiées par le caractère plus ou moins attentatoire au droit au respect de la vie privée qu'implique le recours à ces techniques.

En second lieu, leur champ d'application apparaît trop restreint et peu lisible. L'utilisation de ces techniques spéciales d'enquête s'avère utile au-delà du seul champ de la criminalité et la délinquance organisées, pour ce qui concerne les enquêtes relatives aux crimes (homicide, enlèvement).

En effet, l'impossibilité actuelle d'y recourir dès les premières heures de l'enquête prive les enquêteurs de moyens permettant d'orienter les recherches, de privilégier ou d'écarter rapidement certaines hypothèses d'enquête.

La professionnalisation des délinquants, leurs capacités à dissimuler leurs activités et à s'adapter aux méthodes d'investigations traditionnelles, le développement de l'usage des messageries instantanées cryptées, ainsi que le phénomène de recours au « darknet » pour commettre des infractions, exigent une mise en oeuvre élargie et simplifiée de ces techniques spéciales d'enquête.

La simplification et l'ouverture de ces techniques aux infractions les plus graves ainsi que la possibilité de les utiliser en cas d'urgence, répondent à l'évolution actuelle des moyens utilisés par les auteurs d'infraction pénale.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL ET CONVENTIONNEL

A titre liminaire, la procédure pénale doit être en constante recherche d'équilibre entre, d'une part, l'objectif à valeur constitutionnel de recherche des auteurs d'infractions, et, d'autre part, les droits et libertés garanties par la constitution, au titre desquels figurent le respect de la vie privée, des droits de la défense.

Les techniques spéciales d'enquête s'inscrivent dans ce cadre constitutionnel. Le Conseil constitutionnel estime par exemple, s'agissant du recours aux techniques spéciales d'enquête pour les délits d'escroquerie en bande organisé, que, « compte tenu des garanties encadrant la mise en oeuvre de ces mesures spéciales d'enquête et d'instruction, les atteintes au respect de la vie privée et au droit de propriété résultant de leur mise en oeuvre ne revêtent pas un caractère disproportionné au regard du but poursuivi » (décision n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014, cons. 18 à 24).

En premier lieu, seules la sonorisation et la captation d'images sans le consentement des intéressés ont fait l'objet d'un contrôle de constitutionnalité : le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2004-492 du 2 mars 2004, a déclaré cette technique conforme à la Constitution, au regard des conditions et des garanties prévues par le législateur, sous réserve de considérer que lorsque le législateur dispose que seules les images ou conversations enregistrées utiles à la manifestation de la vérité sont décrites ou transcrites, il a nécessairement entendu que les séquences de la vie privée étrangères aux infractions en cause ne puissent en aucun cas être conservées dans le dossier de la procédure (cons. 62 à 66).

En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel, dans ses décisions n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 et n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014, a validé l'extension du champ d'application de plusieurs techniques spéciales d'enquêtes aux infractions en matière de délits de corruption ou de trafic d'influence, de fraude fiscale aggravée ou des délits douaniers punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans et d'escroquerie en bande organisée. Il se fonde sur la gravité des infractions retenues, ainsi que sur les garanties encadrant la mise en oeuvre de ces mesures :

- « L'article 66 de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière permet, pour les délits de corruption ou de trafic d'influence, de fraude fiscale aggravée ou des délits douaniers punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans, le recours à des pouvoirs spéciaux d'enquête et d'instruction : la surveillance (article 706-80 du code de procédure pénale), l'infiltration (articles 706-81 à 706-87 du code de procédure pénale), les écoutes téléphoniques sur autorisation du juge des libertés et de la détention en cours d'enquête (article 706-95 du code de procédure pénale), les sonorisations et fixations d'images de certains lieux ou véhicules par décision du juge d'instruction (articles 706-96 à 706-102 du code de procédure pénale), la captation de données informatiques (article 706-102-1 à 706-102-9 du code de procédure pénale) et la possibilité d'ordonner des mesures conservatoires (article 706-103 du code de procédure pénale). Le législateur a estimé que la difficulté d'appréhender les auteurs de ces infractions tient à des éléments d'extranéité ou à l'existence d'un groupement ou d'un réseau dont l'identification, la connaissance et le démantèlement posent des problèmes complexes. Eu égard à la gravité des infractions qu'il a retenues, le législateur a pu, à cette fin, fixer des règles spéciales de surveillance et d'investigation. Compte tenu des garanties encadrant la mise en oeuvre de ces mesures spéciales d'enquête et d'instruction, les atteintes au respect de la vie privée et au droit de propriété résultant de leur mise en oeuvre ne revêtent pas un caractère disproportionné au regard du but poursuivi. » (Décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, cons. 75)

- « En permettant le recours aux pouvoirs spéciaux d'enquête et d'instruction prévus par les articles 706-80 à 706-87 et 706-89 à 706-103 du code de procédure pénale pour les délits d'escroquerie commis en bande organisée, le législateur a estimé que la difficulté d'appréhender les auteurs de ces infractions tient à l'existence d'un groupement ou d'un réseau dont l'identification, la connaissance et le démantèlement posent des problèmes complexes. Eu égard à la gravité du délit d'escroquerie en bande organisée, le législateur a pu, à cette fin, fixer des règles spéciales de surveillance et d'investigation dans les enquêtes et les instructions portant sur une telle infraction. Compte tenu des garanties encadrant la mise en oeuvre de ces mesures spéciales d'enquête et d'instruction, les atteintes au respect de la vie privée et au droit de propriété résultant de leur mise en oeuvre ne revêtent pas un caractère disproportionné au regard du but poursuivi ». (Décision n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014, cons. 18 à 24)

C'est la raison pour laquelle le projet n'étend l'application de certaines techniques spéciales d'enquête qu'aux infractions les plus graves, tels que les crimes.

Le nouveau régime procédural applicable aux techniques spéciales d'enquêtes prévoit l'existence d'un dispositif d'urgence permettant au procureur de la République d'autoriser pour une courte durée (24 heures) le recours à ces techniques d'enquête. Au-delà, la poursuite des opérations est soumise à l'autorisation du juge des libertés et de la détention.

Dans sa décision n° 2014-693 du 25 mars 2014 (cons. 13 à 15 et 17), le Conseil constitutionnel a validé l'intervention du procureur de la République pour autoriser la géolocalisation, technique d'enquête particulièrement attentatoire au droit au respect de la vie privée. Ainsi, il a pu estimer que le recours en urgence à une procédure d'enquête spéciale est proportionné dès lors qu'il est entouré de garanties tenant au contrôle de l'autorité judiciaire : « Considérant que le recours à la géolocalisation est placé sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire ; que, dans les cas prévus par le 1° de l'article 230-33, le procureur de la République ne peut l'autoriser que pour une durée maximale de 15 jours consécutifs ; qu'à l'issue de ce délai, elle est autorisée par le juge des libertés et de la détention pour une durée maximale d'un mois renouvelable ; que, dans les cas prévus au 2° du même article, le juge d'instruction peut l'autoriser pour une durée maximale de quatre mois renouvelable ; que, lorsqu'en cas d'urgence elle est mise en place ou prescrite par un officier de police judiciaire, le procureur de la République ou le juge d'instruction, immédiatement informé, peut en prescrire la mainlevée » (...) Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le législateur a entouré la mise en oeuvre de la géolocalisation de mesures de nature à garantir que, placées sous l'autorisation et le contrôle de l'autorité judiciaire, les restrictions apportées aux droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité et ne revêtent pas un caractère disproportionné au regard de la gravité et de la complexité des infractions commises ; que, par ces dispositions, le législateur n'a pas opéré entre les droits et libertés en cause une conciliation déséquilibrée » .

Afin de satisfaire les principes constitutionnels de proportionnalité, le projet n'ouvre cette procédure que dans des cas particuliers (en cas d'urgence dûment motivée), et l'entoure de garanties appropriées (validation d'un juge à bref délai, à défaut les données recueillies ne peuvent être utilisées dans la procédure et sont placées sous scellés fermés).

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

La volonté d'harmoniser les régimes procéduraux de certaines techniques d'enquête répond à une forte demande des enquêteurs et des magistrats.

Au cours de la consultation menée par la Chancellerie, tant les forces de l'ordre que les magistrats ont souligné la complexité et la diversité des régimes juridiques applicables en la matière, rendant leur mise en oeuvre complexe et accroissant le risque d'erreurs pouvant conduire à des nullités de procédure. En outre, ces consultations ont été l'occasion pour les praticiens d'appeler de leurs voeux un recours élargi à ces techniques.

2.2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Cette mesure poursuit un double objectif, celui de renforcer l'efficacité de l'enquête pénale face à une criminalité très évolutive, en facilitant l'accès à certaines investigations spéciales, et celui de les rendre plus lisibles, tout en conservant un cadre de garanties procédurales, nécessaire à l'équilibre du procès pénal.

Dans cette perspective, le présent projet de loi uniformise et simplifie le recours à trois techniques spéciales d'enquête prévues dans le titre XXV du livre IV du code de procédure pénale (articles 706-73 à 706-106 code de procédure pénale) et élargit le champ des infractions qui permettent d'y avoir recours.

Ce projet s'inscrit dans un mouvement durable d'élargissement du recours à ces techniques d'investigation. Leur champ d'application a été régulièrement étendu à de nouvelles infractions 80 ( * ) .

du projet de loi uniformise le régime des interceptions téléphoniques en enquête parquet et à l'instruction en retenant un seuil infractionnel unique de 3 ans.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ÉCARTÉES

Il a été fait le choix d'harmoniser les régimes procéduraux de techniques spéciales d'enquête qui partagent des caractéristiques communes. Ont ainsi été écartées certaines techniques figurant dans le chapitre II du titre XXV du code de procédure pénale relatif à la criminalité organisée telles que l'accès à distance au moyen d'un identifiant informatique à des données (articles 706-95-1 et s. du code de procédure pénale) ou les perquisitions et garde à vues dérogatoires. En effet, ces opérations présentent une logique différente des précédentes puisqu'elles ne s'inscrivent pas dans la durée et n'ont pas vocation à observer des flux.

La géolocalisation n'a pas été retenue au titre de cette harmonisation, car elle bénéficie d'un régime très spécifique. Elle a de plus un champ d'application beaucoup plus large que celui des autres techniques spéciales d'enquête.

Quant à l'harmonisation de la durée des mesures, il a été décidé de maintenir une différence entre les enquêtes dirigées par le parquet et celles faisant l'objet d'une information judiciaire.

L'abaissement du seuil infractionnel aux infractions punies d'au moins trois ans d'emprisonnement pour ces techniques spéciales d'enquête a été écarté, pour des raisons de proportionnalité entre les atteintes à la vie privée engagées par ces techniques et la gravité des infractions recherchées.

3.2. OPTIONS RETENUES

3.2.1 Uniformisation du régime de trois techniques spéciales d'enquêtes

Afin de clarifier le régime des techniques spéciales d'enquête, le projet harmonise la procédure de trois d'entre elles : la sonorisation et captation d'images, le recours à l'IMSI-catcher et la captation en temps réel de données informatiques.

Par souci de lisibilité, les dispositions communes sont regroupées dans une section consacrée aux techniques spéciales d'enquête, intégrée dans le titre XXV relatif à la criminalité et la délinquance organisées.

Est ainsi créé un régime commun de mise en oeuvre relatif :

- aux conditions d'autorisation de ces mesures : il s'agit soit d'une autorisation du juge des libertés et de la détention sur demande du parquet dans le cadre d'une enquête préliminaire ou de flagrance, soit d'une autorisation du juge d'instruction dans le cadre d'une information judiciaire ; cette autorisation est écrite, motivée, dépourvue de caractère juridictionnel et insusceptible de recours ;

- à l'existence d'un dispositif d'urgence permettant au procureur de la République en cas de risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens, d'autoriser seul pour 24 heures le recours aux techniques d'enquête précitées ; cette autorisation exceptionnelle délivrée en urgence par le parquet doit faire l'objet d'une validation a posteriori par le juge des libertés et de la détention ; à défaut aucune exploitation des données recueillies n'est possible dans la procédure ;

- à leur durée qui est uniquement différenciée selon qu'il s'agit d'une enquête préliminaire ou de flagrance, ou d'une information judiciaire : respectivement 1 mois renouvelable une fois et 4 mois renouvelables jusqu'à une durée maximale de 2 ans. Toutefois, la durée des interceptions de correspondance réalisées via le dispositif d'IMSI-catcher est de 48 heures renouvelables une fois, comme c'est le cas actuellement ;

- à leur déroulement sous l'autorité et le contrôle du magistrat qui les a autorisées ; les différentes opérations d'installation, de désinstallation des dispositifs techniques et d'enregistrement des données sont retracées par procès-verbal;

- à la conservation des données recueillies, lesquelles sont détruites à la diligence du procureur de la République ou du procureur général à l'expiration du délai de prescription de l'action publique.

3.2.2 Extension du champ d'application de quatre techniques d'enquête aux crimes

Ce projet de loi ouvre la possibilité aux magistrats et enquêteurs de recourir à quatre techniques d'investigation pour les infractions de droit commun les plus graves que sont les crimes.

Sont concernées par cette extension : l'IMSI-catcher, la sonorisation et la captation d`image, la captation de données informatiques et l'accès à distance à des données stockées au moyen d'un identifiant informatique.

Cette modification est justifiée par la volonté de renforcer l'efficacité des enquêtes pénales pour les affaires les plus graves, comme par exemple dans le cadre d'enquêtes ouvertes des chefs de meurtre ou d'enlèvement. A titre d'exemple l'utilisation de l'IMSI-catcher est de nature à recueillir en urgence des éléments probatoires déterminants (données de connexion d'un téléphone par exemple).

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉESS

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

L'harmonisation des techniques spéciales d'enquête s'insèrera dans une section 6 du chapitre II du titre XXV du code de procédure pénale.

Le projet de loi réécrit largement cette section, tout en conservant inchangés, dans la mesure du possible, la numérotation des articles des techniques spéciales d'enquête concernées. Il créé un nouveau paragraphe relatif au régime procédural commun à ces techniques d'investigations, et regroupe dans les paragraphes suivants les articles relatifs à l'IMSI-catcher, la sonorisation et la captation d`images ainsi que la captation de données informatiques.

Des coordinations légistiques au sein du code de procédure pénale sont réalisées dans le projet.

Enfin, il conviendra de modifier les articles D. 15-1-5-1, D. 15-1-5, D. 15-1-6 du code de procédure pénale ainsi que le décret n° 2017-614 du 24 avril 2017 portant création d'un service à compétence nationale dénommé « Agence nationale des techniques d'enquêtes numériques judiciaires » et d'un comité d'orientation des techniques d'enquêtes numériques judiciaires, et le décret n° 2015-1700 du 18 décembre 2015 relatif à la mise en oeuvre de traitements de données informatiques captées en application de l'article 706-102-1 du code de procédure pénale, afin d'en adapter les références. Toutefois, ces décrets sont compatibles, dès à présent, avec la mesure proposée.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

L'impact des dispositions envisagées n'est pas mesurable en termes d'ETPT de magistrats et de fonctionnaires.

4.3. IMPACTS INFORMATIQUES

Ces nouvelles dispositions auront un impact éditique au sein de Cassiopée. Certaines d'entre elles nécessitent une modification des événements et des caractéristiques des événements au système de référence justice ainsi que des modifications éditiques.

4.4. IMPACTS BUDGÉTAIRES

L'impact sur les frais de justice est considéré comme nul au regard de la mise en oeuvre de ces techniques par le ministère de l'intérieur, en application de l'accord interministériel consacré par le décret n°2017-1176 du 18 juillet 2017 relatif aux frais de justice criminelle, correctionnelle et de police.

5. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

S'agissant d'une loi de procédure, les dispositions envisagées seraient d'application immédiate. Les actes valablement commis sous l'empire de la loi alors en vigueur resteront valides.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Les mesures envisagées vocation à s'appliquer dans l'ensemble des collectivités ultra-marines dans lesquelles l'Etat est compétent en matière pénale.

Dans les collectivités régies par le principe de l'identité législative (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon), les dispositions pénales sont applicables de plein droit. Aucune adaptation n'apparaît nécessaire.

Dans les collectivités régies par le principe de spécialité législative (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna), aucune adaptation n'apparaît nécessaire et ces dispositions sont expressément étendues à ces collectivités.

SOUS-SECTION 2 : Dispositions relatives au statut et aux compétences des officiers, fonctionnaires et agents exerçant des missions de police judiciaire

Article 30 : Statut et compétence de la police judiciaire

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

1.1.1 Statut, missions et contrôle des acteurs de la police judiciaire

La police judiciaire est chargée, aux termes de l'article 14 du code de procédure pénale, de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs.

a) Statut et missions de la police judiciaire

Conformément à l'article 15 du même code, la police judiciaire comprend :

- les membres de la police et de la gendarmerie nationale qui sont officiers de police judiciaire, agents de police judiciaire ou agents de police judiciaire adjoints ;

- les fonctionnaires et agents auxquels sont attribuées par la loi certaines fonctions de police judiciaire.

Ø L'officier de police judiciaire

La qualité d'officier de police judiciaire est accordée en vertu des articles 16 et R. 5 du code de procédure pénale :

- aux maires et à leurs adjoints ;

- pour la gendarmerie nationale : aux directeur et sous-directeur, officiers et gradés ;

- pour la police nationale : aux directeur et sous-directeur de la police judiciaire, inspecteurs généraux, sous-directeurs de police active, contrôleurs généraux, commissaires de police et officiers de police ;

- par arrêté interministériel (Justice et Intérieur), après avis conforme d'une commission, aux gendarmes et fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la police comptant au moins trois ans de service et ayant satisfait à un examen technique.

La loi distingue la qualité d'officier de police judiciaire de l'exercice des attributions attachées à cette qualité.

Ainsi, en vertu des dispositions de l'article 16 du code de procédure pénale et à l'exception des maires et adjoints, directeurs et sous-directeurs de la gendarmerie et de la police nationales, les officiers de police judiciaire ne peuvent exercer effectivement les attributions attachées à leur qualité d'officier de police judiciaire ni se prévaloir de cette qualité que s'ils sont affectés à un emploi comportant cet exercice et en vertu d'une décision du procureur général près la cour d'appel les y habilitant personnellement.

Cette procédure d'habilitation, créée par la loi du 9 juillet 1966 et modifiée par la loi du 6 août 1975, est précisée par les articles R. 13 et suivants du code de procédure pénale.

Sous peine de nullité de l'acte en cause, les officiers de police judiciaire ne peuvent exercer les attributions attachées à leur qualité, qu'avoir été préalablement habilités par un arrêté du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle l'officier exerce habituellement ses fonctions, ou par un arrêté du procureur général près la cour d'appel de Paris s'il est appelé à exercer ses fonctions sur l'ensemble du territoire de la République.

Lorsque l'officier de police judiciaire est appelé à exercer ses fonctions habituelles sur le ressort de plusieurs cours d'appel, le procureur général compétent, dans le ressort de laquelle se trouve le siège des fonctions de l'officier, doit recueillir l'avis de chaque procureur général dans le ressort duquel s'exerceront lesdites fonctions. En revanche, dans l'exercice de sa compétence exclusive, le procureur général près la cour d'appel de Paris n'est pas tenu de recueillir l'avis des autres procureurs généraux sur le territoire national.

Aux termes des articles R. 15-1 et R. 15-5, le procureur général accorde ou refuse l'habilitation par arrêté, au regard de la nature des fonctions devant être confiées à l'officier de police judiciaire et de son dossier disciplinaire.

A l'occasion de l'examen d'une demande d'habilitation, le procureur général doit ainsi s'assurer que l'officier de police judiciaire est affecté dans un emploi comportant l'exercice des attributions attachées à sa qualité, et qu'il présente les qualités professionnelles et morales requises.

L'habilitation n'est accordée que pour les fonctions déterminées et ne vaut que pour le temps pendant lequel l'officier de police exercera lesdites fonctions.

L'habilitation doit donc être renouvelée à chaque changement de service ou d'unité d'affectation.

Cette habilitation peut par ailleurs être suspendue ou retirée. Conformément aux dispositions des articles R. 15-2 et R. 15-6 du code de procédure pénale, l'ensemble des manquements professionnels ou des atteintes à l'honneur ou à la probité commis par un officier de police judiciaire peuvent en effet conduire le procureur général, d'office ou sur proposition du chef de service ou de formation de l'officier concerné, à décider de suspendre, pour une durée n'excédant pas deux ans, ou de retirer l'habilitation de ce dernier.

Dans les cas où le procureur général envisage de refuser, de suspendre ou de retirer l'habilitation, il doit entendre préalablement l'officier de police judiciaire qui peut prendre connaissance du dossier relatif aux faits qui lui sont reprochés et se faire assister d'un conseil de son choix.

Une fois habilité, l'officier de police judiciaire est investi de la totalité des missions de police judiciaire prévues dans le code de procédure pénale. Ainsi, conformément à l'article 17 du code, il reçoit les plaintes et dénonciations, procède à des enquêtes et il a le droit de requérir directement le concours de la force publique pour l'exécution de sa mission.

Ø L'agent de police judiciaire et l'agent de police judiciaire adjoint

Contrairement à celle d'officier de police judiciaire, ces deux qualités ne permettent d'exercer que certains pouvoirs de police judiciaire.

Aux termes des articles 20 et 20-1 du code de procédure pénale, sont agents de police judiciaire, les élèves-gendarmes affectés en unité opérationnelle et les gendarmes n'ayant pas la qualité d'officier de police judiciaire, les fonctionnaires des services actifs de la police nationale, titulaires et stagiaires, n'ayant pas la qualité d'officier de police judiciaire, ainsi que les gendarmes et fonctionnaires de police servant dans la réserve.

Les attributions attachées à la qualité d'agent de police judiciaire ne peuvent être exercées qu'en cas d'affectation à un emploi comportant cet exercice.

Les agents de police judiciaire ont pour mission de seconder les officiers de police judiciaire dans l'exercice de leurs fonctions, de constater les crimes, délits ou contraventions et d'en dresser procès-verbal, ainsi que de recevoir par procès-verbal les déclarations qui leur sont faites par toutes personnes susceptibles de leur fournir des indices, preuves et renseignements sur les auteurs et complices de ces infractions. En revanche, ils n'ont pas qualité pour décider des mesures de garde à vue.

En vertu de l'article 21 du code de procédure pénale et des articles L. 411-5, L. 411-6, L. 511-1 à L. 515-1 du code de la sécurité intérieure, sont agents de police judiciaire adjoints, les fonctionnaires des services actifs de police nationale qui ne remplissent pas les conditions pour être agent de police judiciaire, les volontaires servant dans la gendarmerie, les adjoints de sécurité, les contrôleurs de la préfecture de police exerçant leurs fonctions dans la spécialité voie publique et agents de surveillance de Paris, les agents de police municipale et les gardes champêtres.

Ils ont pour mission de seconder, dans l'exercice de leurs fonctions, les officiers de police judiciaire, de rendre compte à leurs chefs hiérarchiques de tous crimes, délits ou contraventions dont ils ont connaissance, de constater les infractions et de recueillir tous les renseignements en vue de découvrir les auteurs de ces infractions dans le cadre prévu par les lois organiques ou spéciales qui leur sont propres et en se conformant aux ordres de leurs chefs, ainsi que de constater par procès-verbal une liste de contraventions aux dispositions du code de la route.

La qualité d'agent de police judiciaire adjoint ne permet ainsi d'exercer qu'un nombre plus restreint de pouvoirs de police judiciaire.

Ø Les fonctionnaires et agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire

Les articles 22 à 29-1 du code de procédure pénale accordent à certains fonctionnaires et agents le pouvoir de constater les infractions pénales aux lois régissant leur domaine d'activité.

Tel est le cas de :

- certains fonctionnaires et agents habilités à rechercher des infractions forestières (notamment, agents des services de l'Etat chargés des forêts, agents à l'Office national des forêts, gardes champêtres),

- de certains fonctionnaires et agents des administrations et services public, tels les agents des douanes et des services fiscaux de catégories A et B ou les agents chargés de la surveillance de la voie publique (article L. 130-4 du code de la route),

- et enfin des gardes particuliers assermentés (notamment gardes-chasse ou gardes-pêche).

A l'instar des officiers de police judiciaire, les agents des douanes et des services fiscaux doivent, conformément aux articles 28-1 et 28-2 du code de procédure pénale, être habilités à effectuer des enquêtes judiciaires par décision du procureur général près la cour d'appel.

Les autres agents de surveillance de la voie publique et fonctionnaires et agents exerçant des missions de police judiciaire doivent être assermentés ou s'ils ne le sont pas déjà, prêter serment 81 ( * ) .

b) Contrôle de la police judiciaire par l'autorité judiciaire

La police judiciaire est exercée, aux termes des articles 12 et 14 du code de procédure pénale, sous la direction du procureur de la République tant qu'une information n'est pas ouverte ; et, lorsqu'une information est ouverte, d'exécuter les délégations des juridictions d'instruction et de déférer à leurs réquisitions.

Elle est par ailleurs placée, dans chaque ressort de cour d'appel, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l'instruction, conformément aux articles 13 et 224 et suivants du code de procédure pénale.

Soucieux d'assurer à l'autorité judiciaire des pouvoirs effectifs de direction, de surveillance et de contrôle sur l'activité des officiers de police judiciaire, le législateur a imposé, outre l'habilitation susmentionnée, que l'officier de police judiciaire fasse l'objet d'une notation par le procureur général, qui est prise en compte pour toute décision d'avancement. Cette procédure de notation, prévue par l'article 19-1 du code de procédure pénale issu de la loi du 4 janvier 1993, constitue donc une des voies privilégiées permettant à l'autorité judiciaire d'exercer son pouvoir de surveillance.

La chambre de l'instruction exerce également un contrôle sur les officiers et les agents de police judiciaire. Ainsi aux termes des articles 224 et suivants, elle peut, sans préjudice des sanctions disciplinaires qui pourraient être infligées à l'officier ou agent de police judiciaire par ses supérieurs hiérarchiques, lui adresser des observations ou décider qu'il ne pourra, temporairement ou définitivement, exercer ses fonctions dans le ressort de la cour d'appel ou sur l'ensemble du territoire.

Depuis la loi du 3 juin 2016, en cas de manquement professionnel grave ou d'atteinte grave à l'honneur ou à la probité ayant une incidence sur la capacité d'exercice des missions de police judiciaire, le président de la chambre de l'instruction peut même, sans préjudice des sanctions disciplinaires administratives qui pourraient être prononcées, décider immédiatement que l'officier ne pourra exercer ses fonctions de police judiciaire pour une durée maximale d'un mois.

Enfin, en vertu de l'article 15-2 du code de procédure pénale, toute enquête administrative relative au comportement d'un officier ou d'un agent de police judiciaire dans l'exercice d'une mission de police judiciaire doit associer l'inspection générale des services judiciaires au service d'enquête compétent. Ces enquêtes peuvent être ordonnées par le ministre de la justice et sont alors dirigées par un magistrat.

c) Règles applicables en matière de réquisitions

Il existe deux types de réquisitions :

- Celles qui tendent à faire procéder par toutes personnes qualifiées à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, l'officier de police judiciaire a recours à toutes personnes qualifiées ;

- Celles qui tendent à obtenir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des informations intéressant l'enquête, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de remettre ces informations,

Les premières sont prévues par l'article 60 au cours de l'enquête de flagrance et 77-1 au cours de l'enquête préliminaire.

Les secondes sont prévues par les articles 60-1 et 60-2 au cours de l'enquête de flagrance et 77-1-1 et 77-1-2 au cours de l'enquête préliminaire.

Au cours de l'enquête de flagrance, elles peuvent être directement faites par un officier de police judiciaire ; au cours de l'enquête préliminaire, l'OPJ ne peut agir qu'avec l'autorisation préalable du procureur de la République.

Une distinction similaire existe pour les réquisitions des articles 60-3 et 77-1-3 permettant, lorsqu'ont été placés sous scellés des objets qui sont le support de données informatiques, de requérir toute personne qualifiée de procéder à l'ouverture des scellés pour réaliser une ou plusieurs copies de ces données, afin de permettre leur exploitation sans porter atteinte à leur intégrité.

1.1.2 Compétence territoriale de la police judiciaire

La police judiciaire obéit au principe de territorialité. Ainsi, conformément aux articles 18 premier alinéa et 21-1 du code de procédure pénale, les officiers de police judiciaire et les agents qui les assistent « ont compétence dans les limites territoriales où ils exercent leurs fonctions habituelles », soit selon les distinctions prévues par l'article 15-1 du code de procédure pénale modifié par la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003, sur l'ensemble du territoire national, sur une ou plusieurs zones de défense ou partie de celles-ci ou sur l'ensemble d'un département.

L'étendue de cette compétence territoriale est déterminée par la compétence des services dans lesquels ils exercent leurs fonctions habituelles. Les articles R. 15-18 à R. 15-33 du code de procédure pénale énumèrent les différents services de police et des services de gendarmerie dans lesquels les officiers et agents de police judiciaire exercent leurs fonctions habituelles. Ainsi, certains services de la police ou unités de la gendarmerie disposent d'une compétence nationale, tels que les offices centraux de la direction centrale de la police judiciaire, l'inspection générale de la police nationale ou l'inspection technique de la gendarmerie nationale. La plupart des services de la police ou des unités de la gendarmerie dispose d'une compétence géographiquement limitée : tel est le cas des services régionaux de police judiciaire ou des sections de recherche de la gendarmerie départementale, ou des sûretés départementales, services de sécurité publique, brigades de recherche de la gendarmerie départementale.

Cette règle de compétence territoriale est d'ordre public, de sorte que tout acte accompli par un officier ou un agent en dehors des limites territoriales où ils exercent ses fonctions habituelles est nul.

Cette compétence géographique limitée peut néanmoins être élargie en application des dispositions des articles 18 et 706-80 du code de procédure pénale.

En premier lieu, la police judiciaire bénéficie d'une compétence géographique élargie aux circonscriptions limitrophes, pour poursuivre des investigations dans le cadre d'une enquête débutée sur leur circonscription habituelle.

Ce droit de suite dans les tribunaux de grande instance limitrophes est prévu par le troisième alinéa de l'article 18, aux termes duquel les officiers de police judiciaire peuvent se transporter dans le ressort des tribunaux de grande instance limitrophes du tribunal ou des tribunaux auxquels ils sont rattachés, à l'effet d'y poursuivre leurs investigations et de procéder à des auditions, perquisitions et saisies. Les ressorts des tribunaux de grande instance situés dans un même département sont considérés comme un seul et même ressort, de même que les ressorts des tribunaux de grande instance de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil.

Ce droit de suite n'était initialement prévu qu'en cas de crime ou de délit flagrant dans le ressort des tribunaux de grande instance limitrophes. Il a par la suite été étendu par les lois du:

- 18 mars 2003, aux termes de laquelle les ressorts des tribunaux de grande instance situés dans un même département sont considérés comme un seul et même ressort ;

- 14 avril 2011, à l'ensemble des cadres d'enquête (enquête préliminaire, aux fins des recherches des causes de la mort ou de blessures graves ou de recherche d'une personne disparue).

Conformément aux dispositions de l'article D. 12, lorsqu'un officier de police judiciaire se transporte dans le ressort des tribunaux de grande instance limitrophes au tribunal auquel il est rattaché, il doit aviser préalablement le procureur de la République et l'officier de police judiciaire en charge de la sécurité publique territorialement compétents.

En second lieu, la police judiciaire peut bénéficier d'extensions de compétence, soit au niveau national comme le prévoit le quatrième alinéa de l'article 18, soit à l'international comme le prévoit le cinquième alinéa. Ces extensions de compétence sont accordées sur commission rogatoire expresse du juge d'instruction ou sur réquisitions du procureur de la République lors d'une enquête.

Ainsi, les officiers de police judiciaire peuvent procéder aux opérations prescrites par ces magistrats sur toute l'étendue du territoire national. Si le magistrat le décide, ils sont alors tenus d'être assistés d'un officier de police judiciaire territorialement compétent. Les officiers de police judiciaire peuvent également procéder à des auditions sur le territoire d'un Etat étranger avec l'accord des autorités compétentes de l'Etat concerné.

En troisième lieu et conformément à l'article 706-80 du code de procédure pénale, les officiers de police judiciaire, et les agents de police judiciaire placés sous leur autorité, peuvent étendre à l'ensemble du territoire national la surveillance de personnes soupçonnées d'avoir commis des infractions en matière de criminalité ou de délinquance organisées.

1.2. DIAGNOSTIC

L'activité d'habilitation des officiers de police judiciaire constitue pour la plupart des parquets généraux une charge de travail importante. En effet, chaque année, les parquets généraux instruisent environ 5 000 demandes d'habilitation d'officiers de police judiciaire.

Elle génère au demeurant des délais de traitement, qui sont supportés par l'ensemble des acteurs de la chaîne. Ainsi, un officier de police judiciaire nouvellement affecté peut attendre plusieurs mois avant de disposer d'une habilitation pour exercer ses fonctions d'officier de police judiciaire.

La même problématique se pose pour le renouvellement nécessaire de l'assermentation en cas de changement d'affectation des agents de surveillance de la voie publique et de tous les fonctionnaires et agents exerçant des missions de police judiciaire. Le renouvellement de ce serment peut prendre plusieurs mois, ce qui constitue une contrainte non négligeable pour la collectivité territoriale et pour l'agent qui ne peut donc durant cette période exercer ses fonctions sur la voie publique.

Enfin, l'efficacité d'une enquête nécessite de faciliter la circulation des enquêteurs en dehors de leurs circonscription habituelle afin de s'adapter à la mobilité de la délinquance.

Les règles relatives aux réquisitions, qui exigent en préliminaire l'accord du procureur, et qui exigent l'intervention systématique d'un officier de police judiciaire, sont par ailleurs très lourdes tant pour les magistrats que pour les enquêteurs.

1.3. CADRE CONSTITUTIONNEL

Dans sa décision du 30 juillet 2010, le Conseil a pu notamment tenir compte de la réduction des exigences conditionnant l'attribution de la qualité d'officier de police judiciaire aux fonctionnaires de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie nationale pour justifier un réexamen de la constitutionnalité des dispositions relatives à la garde à vue.

Dans sa décision du 10 mars 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à l'article 66 de la Constitution la disposition de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ayant pour objet de confier à des agents de police municipale la mission d'opérer des contrôles d'identité dans le cadre de l'article 78-2 du code de procédure pénale à des fins de police judiciaire. Il a ainsi jugé « que l'exigence de direction et de contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire ne serait pas respectée si des pouvoirs généraux d'enquête criminelle ou délictuelle étaient confiés à des agents qui, relevant des autorités communales, ne sont pas mis à la disposition des officiers de police judiciaire » 82 ( * ) . .

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

Cinq objectifs sont poursuivis :

- Simplifier l'actuelle procédure d'habilitation des officiers de police judiciaire, afin de permettre aux parquets généraux de se consacrer pleinement à leur activité de notation et de surveillance de la police judiciaire, et aux officiers de police judiciaire d'exercer effectivement les attributions attachées à leur qualité dès leur affectation ;

- Permettre aux agents de surveillance de la voie publique et aux fonctionnaires et agents exerçant des missions de police judiciaire d'être immédiatement opérationnels dès leur mutation, sans attendre, parfois durant plusieurs mois, le renouvellement de leur serment. Lors de la consultation sur l'amélioration et la simplification de la procédure pénale menée par Madame la Garde des sceaux, Ministre de la justice, sous l'égide de MM. Jacques Beaume et Franck Natali, la suppression de l'exigence d'une nouvelle prestation de serment en cas de changement d'affectation des agents de surveillance de la voie publique et des fonctionnaires et agents exerçant des missions de police judiciaire a fait consensus dès lors qu'elle n'entraîne pas la suppression de la prestation initiale de serment, de sorte qu'elle a été préconisée par les auteurs du rapport MM. Beaume et Natali.

- Simplifier le formalisme de l'extension de compétence territoriale afin de faciliter la circulation des enquêteurs et de garantir la poursuite rapide des investigations au vu de la mobilité de la délinquance, sans supprimer le contrôle de l'autorité judiciaire ;

- Simplifier les dispositions permettant le recours aux réquisitions, lors d'une enquête préliminaire, en supprimant l'exigence de l'accord du procureur pour les réquisitions adressées à certains organismes publics (URSSAF, CAF, pôle emploi..) ou étant sans impact ou avec un impact très faible sur les frais de justice ;

- Etendre les compétences des agents de police judiciaire qui pourront eux-mêmes procéder à des réquisitions en enquête préliminaire avec l'accord du procureur et qui pourront recourir à toutes personnes qualifiées, requérir tout établissement ou organisme privé ou public ou toute administration publique.

La modification des règles relatives à l'habilitation, à l'assermentation, aux réquisitions et à la compétence territoriale des membres de la police judiciaire relève de la loi, ces règles étant respectivement prévues par les articles 16, 18, 28, 60, 60-1, 60-3, 77-1, 76-2, 71-1-1, 77-1-2 et 77-1-3 du code de procédure pénale et L130-7 du code de la route.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. SUR L'HABILITATION DE L'OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE

3.1.1 Option écartée: fixer une durée d'habilitation

Dans leur rapport portant sur l'amélioration et la simplification de la procédure pénale rendu dans le cadre des chantiers de la justice menée par Madame la Garde des sceaux, Ministre de la justice, Jacques Beaume et Franck Natali concluent qu'« une habilitation initiale de l'officier de police judiciaire est souhaitable, sous quelques réserves : le maintien de l'évaluation judiciaire périodique de l'officier de police judiciaire et la constitution d'un fichier national qui permette de s'assurer de la validité de l'habilitation en cas de mutation. Devrait s'y ajouter un renouvellement décennal de l'habilitation . »

Cette proposition d'un réexamen ou d'un renouvellement décennal de l'habilitation constituait l'une des réserves émises par certains parquetiers redoutant un recul du contrôle de l'autorité judiciaire. Le rapport précise ainsi que « Les parquetiers y mettent quelques réserves : la mise en place d'un outil national de suivi, qui permette au procureur de la République dans le ressort duquel un officier de police judiciaire est affecté après avoir été habilité sur un autre ressort de s'assurer de cette habilitation (qui pourrait quand même faire l'objet d'un examen ou d'un renouvellement décennal) et le maintien attentif d'une évaluation annuelle (qui pourrait du reste revenir à la compétence du procureur de la République et non plus du procureur général) ».

Imposer un renouvellement décennal de l'habilitation aurait néanmoins posé d'importantes difficultés pratiques dans sa mise en oeuvre, soit du fait de la multiplicité des changements d'affectation d'un officier, soit par l'ajout d'une formalité supplémentaire au cadre actuel pour l'officier qui inversement, ne change pas d'affectation.

3.1.2 Option retenue : délivrer une habilitation unique par le procureur général du premier lieu d'exercice des fonctions d'un officier de police judiciaire

Comme le rappelle le rapport précité, « l'habilitation unique et initiale de l'officier de police judiciaire reçoit un avis quasi unanimement favorable des institutions nationales comme des consultations locales », à l'exception de la Commission nationale consultative des droits de l'homme et de certains syndicats de magistrats.

Afin d'éviter que cette simplification de la procédure d'habilitation ne conduise à un amoindrissement du contrôle exercé par le ministère public sur les officiers de police judiciaire et pour répondre aux réserves ou inquiétudes émises par certaines autorités consultées lors des chantiers, seront maintenus :

- le pouvoir du procureur général de suspendre ou de retirer l'habilitation ;

- l'obligation pour le procureur d'évaluer périodiquement l'officier de police judiciaire, cette notation tenant une place centrale entre la direction et le contrôle de la police judiciaire ;

- les pouvoirs de surveillance et de contrôle des officiers et agents de police judiciaire par la chambre de l'instruction ;

- la compétence de l'inspection générale de la justice lors de toute enquête administrative relative au comportement d'un officier ou d'un agent de police judiciaire dans l'exercice de sa mission.

Enfin, dans ce même objectif et conformément au souhait des auteurs du rapport précité, il sera constitué un fichier national des officiers de police judiciaire qui permettra au parquet de s'assurer de la validité de l'habilitation en cas de mutation, et plus globalement, de disposer de toutes les informations utiles concernant la situation administrative des officiers de police judiciaire (changement d'affectation, cessation de l'exercice de missions de police judiciaire).

3.2. SUR LA COMPÉTENCE TERRITORIALE DES OFFICIERS ET AGENTS DE LA POLICE JUDICIAIRE

3.2.1 Option écartée: doter l'ensemble des officiers et agents de police judiciaire d'une compétence nationale

Comme le souligne le rapport précité, « les services de police et de gendarmerie sont très majoritairement en faveur d'une compétence nationale de l'officier de police judiciaire. Ils préconisent cependant une information précise du parquet en cas de déplacement hors du ressort d'affectation. »

Doter tous les services de police et unités de gendarmerie d'une compétence nationale avait été une mesure adoptée par la commission des lois de l'Assemblée nationale lors de l'examen en première lecture de la loi du 14 avril 2011, et ce afin de faciliter la circulation des officiers de police judiciaire et de les dispenser de faire appel à un officier territorialement compétent lorsqu'ils sortaient de leur territoire d'affectation.

Néanmoins, les procureurs et juges d'instruction, sous l'égide desquels les officiers de police judiciaire exercent leurs fonctions, disposent d'une compétence d'attribution limitée au ressort territorial du tribunal de grande instance auquel ils sont rattachés. Dans ces conditions, il serait donc incohérent de prévoir une compétence nationale pour tous les officiers de police judiciaire.

En outre, le code de procédure pénale permet aux officiers de police judiciaire de se déplacer sur l'ensemble du territoire aux fins de poursuivre leurs investigations, et le rapport précité dresse « le constat que, bien souvent, ce sont les services eux-mêmes, et notamment leur encadrement, qui sont réticents aux lointains déplacements de leurs officiers de police judiciaire » .

Enfin, certains services ayant vocation à mener des enquêtes d'envergure nationale, tels que les offices centraux, disposent déjà d'une compétence nationale pour mener leurs investigations.

3.2.2 Option retenue remplacer l'autorisation par une information du procureur de la République ou du juge d'instruction pour la poursuite des investigations sur l'ensemble du territoire national

Afin de faciliter la circulation des officiers de police judiciaire en charge d'une enquête sur l'ensemble du territoire sans supprimer le contrôle nécessaire de l'autorité judiciaire, le projet de loi prévoit de permettre aux enquêteurs de poursuivre leurs investigations sur l'ensemble du territoire national après en avoir informé le procureur de la République ou le juge d'instruction, et non après avoir été autorisé par celui-ci.

Cette proposition avait été soumise dans le cadre de la consultation portant sur l'amélioration et sur la simplification de la procédure pénale, et comme le précise le rapport, « s auf quelques syndicats de magistrats, qui y voient un recul du contrôle du procureur de la République sur la police judiciaire, dans leur très grande majorité, les organismes nationaux (Conférences, AFMI...) et les juridictions consultées adhèrent à cette modification. Tous estiment cependant indispensable l'information du procureur dans le ressort duquel l'officier de police judiciaire est affecté et de celui dans le ressort duquel il se déplace . »

Cette option a donc été retenue.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Les dispositions exposées précédemment modifient les articles 16, 18, 28, 60, 60-1, 60-3, 77-1, 76-2, 71-1-1, 77-1-2 et 77-1-3 du code de procédure pénale et l'article L. 130-7 du code de la route.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Les dispositions exposées précédemment vont permettre de réduire le nombre annuel, d'environ 5 000, de demandes d'habilitation d'officiers de police judiciaire examinées par les parquets généraux, de renouvellement de la prestation de serment et de simplifier le traitement des extensions de compétence par les parquets et les juges d'instruction.

Elles vont également réduire le nombre d'autorisations données pour les réquisitions au cours de l'enquête préliminaire.

4.3. IMPACTS BUDGÉTAIRES

La suppression de l'autorisation du procureur de la République pour les réquisitions dont le montant en matière de frais de justice est inférieur à un seuil déterminé par voie réglementaire est susceptible d'entraîner un surcoût, si l'absence de contrôle par l'autorité à qui incombe la dépense favorisait un recours accru aux réquisitions. C'est un risque qu'il reviendra au procureur de la République de maîtriser dans le cadre de ses relations plus générales avec les services enquêteurs.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Les dispositions exposées précédemment permettront à chaque officier de police judiciaire d'exercer effectivement ses attributions dès son affectation dans un service ou une unité de police judiciaire sans perte de temps liée à la prise de l'arrêté d'habilitation, de même qu'à chaque agent chargé de certains fonctions de police judiciaire de les exercer immédiatement suite à sa mutation sans attendre le renouvellement de son assermentation.

De même, l'assouplissement des règles portant sur les extensions de compétence sont de nature à garantir l'efficacité de l'enquête par la continuité des investigations.

Les nouvelles compétences des officiers de police judiciaire et des agents de police judiciaire en matière de réquisitions simplifieront également le travail des enquêteurs.

5. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Ces dispositions seront applicables aux procédures en cours au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel .

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur » du code de procédure pénale (art. 804).

5.3. TEXTE D'APPLICATION

Un décret déterminera le seuil en dessous duquel les officiers de police judiciaire pourront procéder à une réquisition sans autorisation du Procureur de la République.

SOUS-SECTION 3 : Dispositions relatives à la garde à vue

Article 31 : Dispositions relatives à la garde à vue

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

1.1.1 Les motifs de placement et de prolongation de la garde à vue

Aux termes de l'article 62-2 du code de procédure pénale, « la garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs.

« Cette mesure doit constituer l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs suivants:

« 1° Permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;

« 2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête ;

« 3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

« 4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;

« 5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices ;

« 6° Garantir la mise en oeuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit. »

L'un de ces motifs doit également fonder la prolongation de la garde à vue. En effet, en vertu de l'article 63 du code de procédure pénale, la garde à vue peut être prolongée sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, si l'infraction que la personne est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an et si la prolongation de la mesure est l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs susvisés.

En pratique, des interrogations se sont néanmoins posées sur la possibilité de placer ou de prolonger une garde à vue aux seules fins de garantir la présentation la personne devant le procureur, lorsque l'enquête n'exige plus d'effectuer des investigations.

La Cour de cassation, selon une jurisprudence constante, rappelle qu'une mesure de garde à vue peut être décidée lorsqu'elle constitue l'unique moyen de permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne, ou de garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête. Dès lors, elle admet une garde à vue en vue de la seule présentation de la personne devant le magistrat, y compris lorsque toutes les investigations nécessaires ont déjà été réalisées 83 ( * ) .

1.1.2 La procédure de prolongation de la garde à vue après 24 heures

Le II de l'article 63 du code de procédure pénale, après avoir rappelé que la durée de la garde à vue ne peut excéder vingt-quatre heures, mais que cette mesure peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, si l'infraction que la personne est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an et si la prolongation de la mesure est l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs mentionnés aux 1° à 6° de l'article 62-2, précise commet cette autorisation peut être accordée.

Il indique ainsi que l'autorisation de prolongation ne peut intervenir qu'après présentation de la personne au procureur de la République. Cette présentation peut être réalisée par l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle. Elle peut cependant, à titre exceptionnel, être accordée par une décision écrite et motivée, sans présentation préalable.

Ces règles sont les mêmes au cours de l'instruction, en application de l'article 154, les attributions du procureur étant alors confiées au juge d'instruction.

A l'issue de sa garde à vue, comme à l'issue d'une retenue en exécution de peine, la personne peut être déférée à la demande du procureur de la République, du juge d'instruction ou du juge de l'application des peines.

Dans ce cas et conformément à l'article 803-2 du même code, elle doit en principe comparaître le jour même devant ce magistrat.

Toutefois, en cas de nécessité et conformément à l'article 803-3, la personne peut, hors les cas où elle a fait l'objet d'une garde à vue ayant duré plus de soixante-douze heures, comparaître le jour suivant et à cette fin, être retenue dans des locaux de la juridiction spécialement aménagés, communément appelés « petit dépôt ».

Trois juridictions sont dotées en France de ce « petit dépôt », toutes en région parisienne : Paris, Bobigny et Créteil.

1.1.3 L'obligation pour les enquêteurs d'aviser l'avocat du transport d'une personne gardée à vue

Depuis la loi du 3 juin 2016, l'article 63-4-3-1 du code de procédure pénale, modifié suite à un amendement sénatorial, prévoit que l'avocat de la personne gardée à vue doit être informé sans délai si cette dernière est transportée sur un autre lieu.

La circulaire de la Direction des affaires criminelles et des grâces du 30 juin 2016 précise qu'il « résultait des débats parlementaires que cette information ne doit évidemment intervenir qu'en cas de transports effectués pour les nécessités de l'enquête, mais qu'elle ne s'applique pas aux autres transports, comme ceux nécessités par une hospitalisation ou un examen médical, ou ceux nécessités pour les présentations devant un magistrat en vue d'une éventuelle prolongation de la garde à vue ».

Néanmoins en pratique et en dépit de cette circulaire, cette obligation non circonscrite par la loi aux seuls actes durant lesquels la personne gardée à vue a le droit à la présence de son avocat impose une contrainte excessive aux enquêteurs.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL ET CONVENTIONNEL

Dans sa décision n° 93-326 DC du 11 août 1993, le Conseil constitutionnel a indirectement jugé conforme à la Constitution la possibilité pour le parquet de prolonger une garde à vue durant 24 heures supplémentaires après une présentation facultative de la personne en flagrance, et une présentation obligatoire sauf exception en préliminaire 84 ( * ) .

Ainsi le Conseil a considéré que « s'agissant de crimes et de délits flagrants, les personnes gardées à vue pour les nécessités de l'enquête ne peuvent être retenues plus de vingt-quatre heures ; qu'aux termes du même article : " La garde à vue des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction peut être prolongée d'un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, par autorisation écrite du procureur de la République. Ce magistrat peut subordonner cette autorisation à la présentation préalable de la personne gardée à vue " ; que l'article 5-I relatif à l'enquête préliminaire prévoit de même que le procureur de la République peut, avant l'expiration du délai de vingt-quatre heures, prolonger la garde à vue d'un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus ; (....) que l'autorité judiciaire qui, en vertu de l'article 66 de la Constitution, assure le respect de la liberté individuelle, comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet ; que si l'intervention d'un magistrat du siège peut être requise pour certaines prolongations de la garde à vue, l'intervention du procureur de la République dans les conditions prévues par la loi déférée ne méconnaît pas les exigences de l'article 66 de la Constitution ».

Dans sa décision n°2010-80 QPC du 17 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 803-3 du code de procédure pénale conforme à la Constitution sous deux réserves d'interprétation qui avaient pour objet de renforcer le rôle de l'autorité judiciaire, au début comme à la fin de cette rétention dont le Conseil constitutionnel a rappelé, en outre, le caractère dérogatoire du droit commun.

Il a ainsi déclaré conforme à la Constitution la privation de liberté nécessaire à la présentation de la personne devant un magistrat à l'issue de sa garde à vue et, le cas échéant, le lendemain de celle-ci, considérant en premier lieu qu'« eu égard aux conditions, aux limites et aux garanties dont il a assorti la mise en oeuvre de cette mesure, le législateur a adopté des dispositions propres à assurer la conciliation entre l'objectif de bonne administration de la justice et le principe selon lequel nul ne doit être soumis à une rigueur qui ne soit nécessaire » 85 ( * ) et en second lieu, « qu'il appartient aux autorités judiciaires de veiller à ce que la privation de liberté des personnes retenues soit, en toutes circonstances, mise en oeuvre dans le respect de la dignité de la personne ; qu'il appartient, ainsi, à ces autorités de veiller à ce que les locaux des juridictions dans lesquels ces personnes sont retenues soient aménagés et entretenus dans des conditions qui assurent le respect de ce principe ».

Le Conseil constitutionnel a formulé une première réserve d'interprétation exigeant que l'autorité judiciaire soit effectivement tenue informée de la mise en oeuvre de l'article 803-3 à l'encontre d'une personne déférée 86 ( * ) . Cette réserve a pour finalité de mettre la privation de liberté sous la responsabilité et le contrôle effectif du magistrat devant lequel la personne doit être déférée, ce magistrat étant mis à même d'apprécier, le cas échéant immédiatement, si la privation de liberté est proportionnée aux faits qui la motivent ou compatible avec l'état de la personne retenue. Cette première réserve s'inscrit dans la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel sur le contrôle par l'autorité judiciaire des mesures de garde à vue 87 ( * ) .

Le Conseil a formulé une seconde réserve d'interprétation exigeant la présentation de la personne retenue devant un magistrat du siège avant l'expiration du délai de vingt heures. « Si l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet, l'intervention d'un magistrat du siège est requise pour la prolongation de la garde à vue au-delà de quarante-huit heures ; que, par suite, la privation de liberté instituée par l'article 803-3 du code de procédure pénale, à l'issue d'une mesure de garde à vue prolongée par le procureur de la République, méconnaîtrait la protection constitutionnelle de la liberté individuelle si la personne retenue n'était pas effectivement présentée à un magistrat du siège avant l'expiration du délai de vingt heures prévu par cet article ».

Par la loi du 14 avril 2011, le législateur a modifié l'article 803-3 du code de procédure pénale conformément aux deux réserves d'interprétation émises par le Conseil.

Dans sa décision n° 2011-125 QPC du 6 mai 2011, le Conseil constitutionnel a jugé qu'en permettant qu'une personne déférée à l'issue de sa garde à vue soit présentée le jour même à un magistrat du parquet, l'article 803-2 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles.

Au soutien de sa décision, le Conseil a notamment rappelé :

- que le défèrement de la personne à l'issue de la garde à vue est une mesure de contrainte nécessaire à l'exercice des poursuites et à la comparution des personnes poursuivies devant les juridictions de jugement, qui doit, toutefois, être accompagnée de garanties appropriées ;

- que la période comprise entre la fin de la garde à vue et le moment où la personne comparaît devant le procureur est placée sous son contrôle ;

- que ce magistrat peut décider du moment de sa comparution et de sa remise en liberté ;

- qu'en cas de mise en oeuvre de la procédure de comparution immédiate, la personne est aussitôt placée sous le contrôle de la juridiction qui dispose des mêmes pouvoirs.

S'agissant de l'obligation d'informer l'avocat de la personne gardée à vue, l'article 3§3 c) de la directive 2013/48/UE du 22 octobre 2013 du Parlement européen et du Conseil relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d'arrêt européen, au droit d'informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires, prévoit que :

« les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies aient droit au minimum à la présence de leur avocat lors des mesures d'enquête ou des mesures de collecte de preuves suivantes, lorsque ces mesures sont prévues par le droit national et si le suspect ou la personne poursuivie est tenu d'y assister ou autorisé à y assister:

i) séances d'identification des suspects;

ii) confrontations;

iii) reconstitutions de la scène d'un crime ».

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

Le projet de loi tend à remédier aux difficultés d'application de l'obligation générale fixée par la loi d'aviser l'avocat lors du transport d'une personne gardée à vue. Il vise ainsi à préciser la portée de cette obligation en la circonscrivant, conformément aux exigences européennes, aux seuls cas dans lesquels la personne gardée à vue doit pouvoir, si elle le souhaite, être assistée d'un avocat, autrement dit lorsqu'elle doit être entendue, participer à une opération de reconstitution ou à une séance d'identification des suspects dont elle fait partie.

En outre, le projet de loi clarifie les motifs de la garde à vue en consacrant la jurisprudence de la Cour de cassation. Ainsi, il précise que la garde à vue pourra être prolongée aux seules fins de garantir la présentation de la personne devant l'autorité judiciaire dans les tribunaux ne disposant pas de petits dépôts, autrement dit dans toutes les juridictions à l'exception de Paris, Bobigny et Créteil.

Enfin, le projet vise à rendre facultative la présentation préalable de la personne gardée à vue lors de la prolongation de cette mesure, conformément à la proposition figurant dans le rapport des chefs de file, MM. Beaume et Natali.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

Afin d'alléger le formalisme de la prolongation de la garde à vue, le projet de loi tend à assouplir l'exigence de présentation de la personne gardée à vue au parquet.

3.1. OPTIONS ÉCARTÉES

3.1.1 Supprimer la présentation de la personne au procureur de la République lors de la prolongation de la garde à vue

Cette option est apparue excessive. En effet et comme le souligne le rapport des chefs de file, MM. Beaume et Natali, « les institutions nationales, en particulier les diverses Conférences, restent attachées à la formalisation d'un contrôle du parquet dès 24 heures, en particulier s'agissant de procédures à très fort enjeu répressif. Elles rappellent au surplus, comme celles des juridictions qui n'y sont pas favorables, que ce renouvellement constitue pratiquement la première occasion obligatoire d'un véritable compte-rendu au parquet sur le déroulement de l'enquête ».

Cette option a dès lors été écartée.

3.1.2 Rendre cette présentation facultative uniquement en matière de criminalité et de délinquance organisée

La complexité des investigations à réaliser en matière de criminalité et de délinquance organisée exigeant quasi-systématiquement en pratique une prolongation de la garde à vue, l'option d'une présentation facultative limitée à ces infractions a été envisagée.

Néanmoins, restreindre l'allègement du formalisme de la garde à vue à ce seul domaine est apparu à la fois insuffisant en terme de simplification de la procédure pénale et discutable au regard de la complexité et de la gravité particulières de ces infractions.

Cette option a donc été écartée.

3.2. OPTION RETENUE : RENDRE CETTE PRÉSENTATION FACULTATIVE QUELLE QUE SOIT LA NATURE DE L'INFRACTION

Cette option garantit un allègement réel du formalisme de la garde à vue, tout en maintenant un contrôle effectif et in concreto du parquet.

Elle a donc été retenue.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Sont modifiés les articles 63, 63-4-3-1 et 803-3du code de procédure pénale ainsi que l'article 4 de l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Le caractère facultatif de la présentation devrait alléger les tâches des magistrats du parquet et des juges d'instruction.

4.3. IMPACTS INFORMATIQUES

Cassiopée ne gère pas la phase de garde à vue. Néanmoins, l'application propose des fonctionnalités de relances et de dates de retour des enquêtes.

Les quelques impacts seront intégrés dans les 3 versions nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme de simplification (une année). Toutefois, elles pourraient être gérées, en cas d'application immédiate, par des solutions éditiques palliatives hors Cassiopée.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Le caractère facultatif de la présentation allègera les tâches des forces de l'ordre, de même que la limitation de l'information de l'avocat en cas de transport du gardé à vue.

5. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Ces dispositions seront applicables aux procédures en cours le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel .

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur » du code de procédure pénale (art. 804).

SECTION 2 : DISPOSITIONS PROPRES À L'ENQUÊTE

Articles 32 et 33 : Dispositions propres à l'enquête

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX CONCERNANT LES RÈGLES PROPRES AUX ENQUÊTES

1.1.1 Pouvoirs des enquêteurs

a) Pouvoirs dans le cadre de l'enquête de flagrance

Le cadre juridique de l'enquête de flagrance est défini par les articles 53 et 67 du code de procédure pénale. L'enquête ne peut être réalisée en flagrance que si elle porte sur un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l'action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a participé au crime ou au délit.

Jusqu'en 1999, aucune limitation de durée n'était imposée par la loi. Seul un décret du 20 mai 1903 portant règlement sur l'organisation et le service de la gendarmerie prévoyait en son article 112 que la procédure commencée en temps de flagrance « peut être poursuivie pendant la durée nécessaire à l'enquête, à la condition formelle que les opérations de l'officier de police judiciaire soient continuées sans aucune interruption. ». En pratique, une durée de huit à dix jours était admise par la jurisprudence.

La loi n° 99-515 du 23 juin 1999 est venue régir cette question de la durée en instaurant une durée maximale de huit jours.

La loi du 9 mars 2004 a posé l'exigence de continuité des actes d'enquête et prévu la possibilité d'une prolongation de l'enquête par le procureur de la République de huit jours supplémentaires pour un crime ou un délit puni d'une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement.

Le cadre de la flagrance, qui se justifie ainsi par l'urgence, permet la réalisation d'un certain nombre d'actes coercitifs et accorde à l'officier de police judiciaire certains pouvoirs exorbitants (par exemple, la possibilité de perquisitionner le domicile sans l'assentiment de la personne), l'autorisant en effet à réaliser de nombreux actes d'initiative, là où l'autorisation du parquet ou du juge reste indispensable en matière d'enquête préliminaire.

Les principales différences entre l'enquête de flagrance et l'enquête préliminaire portent sur :

- l'arrestation sans autorisation judiciaire de l'auteur présumé de l'infraction, qui en préliminaire, nécessite la délivrance d'un ordre à comparaître par le parquet 88 ( * ) ;

- la perquisition qui en flagrance, peut être réalisée sans l'assentiment de l'intéressé, sans autorisation judiciaire et quel que soit le quantum de la peine d'emprisonnement encourue, alors qu'elle n'est possible en préliminaire qu'avec le consentement de l'intéressé ou à défaut, que pour des infractions punies d'au moins 5 ans d'emprisonnement (3 ans avec le projet de loi) et avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention sur requête du parquet 89 ( * ) ;

- la possibilité de réaliser certains actes sans autorisation judiciaire, à savoir des prélèvements corporels externes, des examens techniques et scientifiques, des réquisitions aux fins de communication de documents ou d'informations contenues dans un système informatique 90 ( * ) .

En flagrance, les enquêteurs disposent par ailleurs du pouvoir de défendre à toute personne de s'éloigner du lieu de l'infraction jusqu'à la clôture des opérations 91 ( * ) . Ce pouvoir est en réalité sans objet en préliminaire puisqu'il ne se conçoit que dans l'hypothèse où l'infraction venant de commettre, les personnes évoluant à proximité des lieux de l'infraction apparaissent comme des témoins privilégiés ou de possibles suspects 92 ( * ) .

Enfin, en matière de criminalité organisée, les perquisitions de nuit dans des locaux d'habitation ne peuvent être effectuées que dans le cadre d'une enquête de flagrance 93 ( * ) .

b) Pouvoirs transversaux

Applicable quel que soit le cadre d'enquête, l'article 78 du code de procédure pénale met à la charge de toute personne convoquée par un officier de police judiciaire l'obligation de comparaitre.

Ainsi, l'officier de police judiciaire peut contraindre à comparaître par la force publique, avec l'autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n'ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu'elles ne répondent pas à une telle convocation.

La loi n°2016-731 du 3 juin 2016 a ajouté la possibilité d'une comparution par la force publique sans convocation préalable en cas de risque de modification des preuves ou indices matériels, de pressions sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches, ou de concertation entre les coauteurs ou complices de l'infraction.

En pratique, ce texte permet de faire comparaître par la force les personnes soupçonnées mais également les témoins récalcitrants.

c) Fouille des navires

Le dispositif de fouille des navires est actuellement incomplet.

En effet, en matière de transport maritime ou fluvial, le code des transports permet une procédure de fouille de sûreté des navires pour prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens, restreinte à la recherche de matériels, armes ou explosifs mentionnés aux articles L. 317-7 et L. 317-8 du code de la sécurité intérieure et à l'article L. 2353-4 du code de la défense (article L ; 5211-3-1 du code des transports). Cette fouille est opérée avec l'accord du capitaine, ou de son représentant, ou, à défaut, sur instructions du procureur de la République.

En revanche, il n'existe pas de dispositif, contrairement au transport terrestre, permettant, sur réquisitions du procureur de la République et dans des lieux et pour une période de temps déterminés, de procéder à la fouille de tous les navires ou engins flottants aux fins de recherche et de poursuites d'infractions déterminées. En effet, le transport terrestre bénéficie d'un régime de contrôle d'identité et de visites de véhicule pour rechercher et poursuivre certaines infractions graves (II de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale), telles que le terrorisme, les infractions en matière de prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, en matière d'armes, en matière d'explosifs, de vol, de recel, et de trafic de stupéfiants. Ce régime n'est pas applicable au transport fluvial ou maritime intérieur dans la mesure où il ne s'applique qu'aux véhicules.

Or le transport fluvial ou maritime intérieur partage certaines caractéristiques avec le transport terrestre (dimension transfrontalière, flux important de déplacements, problématique de la sécurité), dont les délinquants sont susceptibles de se saisir pour commettre des infractions. La France dispose par ailleurs d'un important réseau fluvial à vocation internationale et d'une importante façade maritime.

1.1.2 Dispositions diverses

a) Règles de compétence territoriale

Ø Textes

L'article 43 du code de procédure pénale dispose que sont compétents le procureur de la République du lieu de l'infraction, celui de la résidence de l'une des personnes soupçonnées d'avoir participé à l'infraction, celui du lieu d'arrestation de l'une de ces personnes, même lorsque cette arrestation a été opérée pour une autre cause et celui du lieu de détention d'une de ces personnes, même lorsque cette détention est effectuée pour autre cause.

Des règles spécifiques sont néanmoins prévues pour certaines matières spécialisées.

Par ailleurs, le deuxième alinéa de l'article 43 du code de procédure pénale régit l'hypothèse particulière dans laquelle le procureur de la République est saisi de faits mettant en cause, comme auteur ou comme victime un magistrat, un avocat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes ou de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public qui est habituellement, de par ses fonctions ou sa mission, en relation avec les magistrats ou fonctionnaires de la juridiction.

Le procureur général peut alors, d'office, sur proposition du procureur de la République et à la demande de l'intéressé, transmettre la procédure au procureur de la République auprès du tribunal de grande instance le plus proche du ressort de la cour d'appel. Cette juridiction est territorialement compétente pour connaître l'affaire.

La décision du procureur général constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est susceptible d'aucun recours.

Ø Application des textes

En pratique, ces dispositions permettent de dépayser un dossier impliquant l'un des professionnels susmentionnés, dès le stade de l'enquête, sans qu'il soit nécessaire de recourir à la procédure de renvoi d'un tribunal à un autre prévue par les articles 662 et suivants du code de procédure pénale, qui suppose en effet qu'un juge soit déjà saisi et nécessite une intervention de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

b) Règles relatives au placement sous scellés

L'article 60 du code de procédure pénale consacre le pouvoir propre de réquisition de l'officier de police judiciaire en matière de flagrance.

L'officier de police judiciaire peut requérir toute personne qualifiée. Les personnes désignées pour procéder aux examens techniques ou scientifiques peuvent procéder à l'ouverture des scellés.

La loi du 23 juin 1999 a permis aux personnes qualifiées d'ouvrir les scellés. Celles-ci doivent alors procéder comme en matière d'expertise, en application des articles 163 et 166 du Code de procédure pénale.

Ø Règles relatives au dépistage des conducteurs en matière d'alcoolémie ou d'usage de stupéfiants

L'article L. 234-4 du code de la route donne à l'officier de police judiciaire ou à l'agent de police judiciaire le pouvoir d'effectuer des vérifications destinées à établir la preuve de l'état alcoolique lorsque les épreuves de dépistage permettent de présumer l'existence d'un état alcoolique ou lorsque le conducteur ou l'accompagnateur de l'élève conducteur refuse de les subir.

L'article L. 234-9 du même code régit la compétence des officiers de police judiciaire pour soumettre tout conducteur à des épreuves de dépistage de l'imprégnation alcoolique par l'air expiré, même en l'absence d'infraction préalable ou d'accident.

Lorsque les épreuves de dépistage permettent de présumer l'existence d'un état alcoolique, les officiers ou agents de police judiciaire font procéder aux vérifications destinées à établir la preuve de l'état alcoolique au moyen de l'appareil permettant de déterminer la concentration d'alcool par l'analyse de l'air expiré.

En cas d'impossibilité de subir ces épreuves résultant d'une incapacité physique attestée par le médecin requis, les officiers ou agents de police judiciaire font procéder aux vérifications destinées à établir la preuve de l'état alcoolique au moyen d'analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques, dans les conditions prévues par les articles L. 234-4 et L. 234-5.

L'article L. 235-2 prévoit de même en matière de conduite sous l'empire de stupéfiants.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

1.2.1 L'enquête de flagrance

La notion de flagrance figure dans l'article 26 de la Constitution, dont il résulte qu'aucun membre du Parlement ne peut faire l'objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d'une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu'avec l'autorisation du Bureau de l'assemblée dont il fait partie, sauf en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive.

Les pouvoirs exorbitants conférés en flagrance à la police judiciaire (comme l'arrestation et la perquisition, possible sans autorisation d'un magistrat du parquet ou du siège) ne sont justifiés que par l'urgence et par une forte apparence de culpabilité de la personne suspectée du fait de la proximité entre les faits commis et sa mise en cause (spécialement lorsque la personne est découverte en train de commettre les faits, ou dans un temps très voisin de leur commission).

Seule une durée limitée et contrôlée par l'autorité judiciaire permet de s'assurer que les atteintes portées à l'exercice de la liberté individuelle respectent, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les principes de nécessité, de proportionnalité et de garantie judiciaire 94 ( * ) .

Dans une décision n°96-377 DC du 16 juillet 1996, le Conseil a tenu compte de la durée limitée de l'enquête de flagrance et du fait qu'elle est liée à la constatation d'une infraction qui est en train ou qui vient de se commettre pour n'autoriser la réalisation de perquisitions de nuit en matière de terrorisme qu'en matière de flagrance, celles-ci devant en revanche être interdites en matière préliminaire 95 ( * ) .

Dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, le Conseil constitutionnel a également tenu compte de la particularité de la flagrance pour autoriser des perquisitions de nuit en matière de criminalité organisée dans des conditions plus larges que dans le cadre d'une enquête préliminaire 96 ( * ) . Dans ce cadre, il a indirectement validé la possibilité de prolonger la flagrance de 8 jours supplémentaires, au motif que « la durée de l'enquête de flagrance, qui reste en principe fixée à huit jours, peut être reconduite une fois lorsque des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité pour un crime ou un délit puni d'une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement ne peuvent être différées ; que cette décision est prise par le procureur de la République et suppose que les diligences des officiers de police judiciaire ne puissent être interrompues sans dommage pour l'enquête » 97 ( * ) .

1.2.2 L'ordre à comparaître (art. 78 code de procédure pénale)

Dans sa décision n° 2012-257 QPC du 18 juin 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 78 conforme avec une réserve liée au respect des droits de la défense 98 ( * ) .

1.2.3 Les règles de compétence territoriale

Le deuxième alinéa de l'article 43 du code de procédure pénale a été déclaré conforme à la Constitution dans une décision n° 2011-156 QPC du 22 juillet 2011. 99 ( * )

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Selon la Cour européenne des droits de l'homme, les ingérences étatiques doivent être étroitement proportionnées au but légitime recherché.

« 55. Selon la jurisprudence constante de la Cour, les États contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour juger de la nécessité d'une ingérence, mais elle va de pair avec un contrôle européen. Les exceptions que ménage le paragraphe 2 de l'article 8 (art. 8-2) appellent une interprétation étroite (arrêt Klass et autres c. Allemagne du 6 septembre 1978, série A no 28, p. 21, par. 42) et leur nécessité dans un cas donné doit se trouver établie de manière convaincante . » 100 ( * )

S'agissant plus précisément de la protection du domicile, l'article 8-2 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Pour ce faire, le droit national doit offrir des garanties adéquates et suffisantes contre les abus. 101 ( * )

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1.1 Renforcer les pouvoirs des enquêteurs

Afin d'améliorer la qualité des enquêtes, de revaloriser la fonction d'officier de police judicaire et de recentrer ces derniers sur leurs prérogatives essentielles, plusieurs dispositions nécessitent d'être prises :

- mieux adapter la durée de l'enquête de flagrance à la réalité et aux besoins, dans le respect du principe de proportionnalité ;

- faciliter les perquisitions en préliminaire, avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention

- assouplir les modalités de mise en oeuvre de la comparution forcée permise par l'article 78 du code de procédure pénale ;

- permettre aux officiers de police judiciaire de procéder à la fouille des navires de la même façon qu'ils peuvent procéder à la fouille des véhicules.

- En contrepartie de l'extension des perquisitions sans l'accord de la personne (en flagrance ou en préliminaire), les garanties entourant les perquisitions doivent toutefois être renforcées.

2.1.2 Simplifier le déroulement de l'enquête

Un double objectif est poursuivi :

- permettre aux personnes requises pour effectuer des examens techniques et médicaux de constituer des scellés sans la présence de l'officier de police judiciaire ;

- élargir les possibilités de dépaysement d'une enquête lorsqu'est en cause une personne en relation avec les magistrats ou fonctionnaires de la cour d'appel afin d'apporter une solution à ce cas de figure jusqu'alors non envisagé par le droit, puisqu'aucun dépaysement n'est possible sans saisir un juge.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS CONCERNANT LA FLAGRANCE

3.1.1 Option écartée : prévoir la possibilité d'une seconde prolongation de l'enquête de flagrance

De manière générale, compte tenu des exigences constitutionnelles précédemment rappelées, toute augmentation de la durée de l'enquête de flagrance doit être strictement nécessaire et proportionnée.

La possibilité d'un troisième renouvellement d'une durée de huit jours ou quinze jours a été envisagée sans être retenue car il est apparu qu'une telle prolongation pouvait s'avérer nécessaire pour certains crimes et délits punis d'une peine élevée, mais à l'inverse disproportionnée pour d'autres délits punis de cinq ans d'emprisonnement. En outre, une telle proposition ne constitue pas une simplification, puisqu'elle ajoute un formalisme procédural supplémentaire.

3.1.2 Option écartée : prévoir une durée initiale de quinze jours, ou encore la possibilité d'une prolongation de quinze jours

Cette option d'extension à 15 jours de la durée initiale de l'enquête de flagrance pour tout délit puni d'une peine d'emprisonnement quel que soit le seuil ou de la durée de la prolongation pour tout délit puni d'une peine de 3 ans ou de 5 ans d'emprisonnement a été écartée pour les mêmes motifs.

3.1.3 Dispositif retenu : créer deux régimes distincts selon la gravité de l'infraction

Il est apparu opportun de proportionner la durée initiale comme la durée de prolongation à la gravité de l'infraction.

Par conséquent, la première durée sera de huit jours, à l'exception des crimes ou des délits punis de dix ans d'emprisonnement, pour lesquels cette durée sera de quinze jours, l'urgence à poursuivre des actes d'investigation et à disposer de pouvoirs de contrainte apparaissant toujours justifiée dans un tel délai compte tenu de la gravité des faits.

S'agissant de la prolongation de l'enquête de flagrance, elle sera toujours possible, mais désormais sur décision écrite et motivée du procureur de la République :

- pour une durée de huit jours s'agissant des délits punis d'une peine supérieure ou égale à trois ans - dans un souci de cohérence avec d'autres dispositions du projet de loi et de nombreuses dispositions déjà existantes retenant ce seuil (cf. partie de l'étude d'impact sur les interceptions téléphoniques et la géolocalisation) ;

- pour une durée de quinze jours s'agissant des crimes et délits punis de dix ans d'emprisonnement, pour les mêmes raisons de nécessité qu'exposé plus haut.

L'obligation de rendre une décision écrite et motivée est de nature à renforcer le contrôle judiciaire et à répondre aux exigences constitutionnelles.

L'extension de la durée de l'enquête de flagrance aux délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement, de même que l'abaissement à ce seuil des perquisitions autorisées par le juge des libertés et de la détention en préliminaire justifie de reconnaître aux personnes non poursuivies le droit de contester la légalité et la régularité d'une perquisition.

A cette fin, il est inséré un article 802-2 dans le code procédure pénale, prévoyant que toute personne ayant fait l'objet d'une perquisition ou d'une visite domiciliaire en application des dispositions de ce code et qui n'a pas été poursuivie devant une juridiction d'instruction ou de jugement au plus tôt six mois après l'accomplissement de cet acte pourra, dans un délai d'un an à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de cette mesure, saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande tendant à son annulation.

Cette requête sera formée par déclaration au greffe de la juridiction où la procédure a été menée ou à défaut, de la juridiction dans le ressort de laquelle la mesure a été réalisée. Dans le second cas, elle sera transmise sans délai à la juridiction ayant suivi la procédure. Elle n'aura aucun effet suspensif sur les enquête ou instructions en cours.

Le juge statuera, dans le mois suivant la réception de la requête (ou dans les huit jours si le parquet le lui demande), après avoir recueilli les observations écrites du procureur de la République, du requérant et, le cas échéant, de son avocat, par une ordonnance motivée susceptible d'appel, dans un délai de dix jours à compter de sa notification, devant le président de la chambre de l'instruction.

Si la perquisition est intervenue à l'occasion d'une procédure pour laquelle des poursuites ont été engagées à l'encontre d'autres personnes que celle ayant formé la demande d'annulation, celle-ci sera transmise par le juge des libertés et de la détention, lorsqu'une instruction est en cours, au président de la chambre de l'instruction et, lorsque la juridiction de jugement est saisie, au président de cette juridiction.

Dans le cadre de ces recours, le requérant ne pourra prétendre qu'à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la perquisition qu'il conteste.

3.2. OPTIONS CONCERNANT L'ORDRE A COMPARAITRE

La possibilité pour l'officier de police judiciaire, préalablement autorisé par le procureur de la République, de pénétrer dans un domicile pour interpeller une personne est en réalité déjà permise depuis 2004 dans le cadre d'un mandat de recherche, et ce tant en flagrance qu'en enquête préliminaire 102 ( * ) .

Le projet de loi prévoit donc cette possibilité dans le cadre d'un ordre à comparaître en s'alignant sur le mandat de recherche, tant sur la condition de fond liée à la peine encourue que sur les conditions de forme, dans le souci d'opérer une conciliation proportionnée entre la prévention des atteintes à l'ordre public et le respect de l'inviolabilité du domicile.

Ainsi, l'officier ne pourra pénétrer au domicile qu'après avoir été préalablement autorisé par décision écrite et motivée du procureur et uniquement pour interpeller une personne à l'encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'au moins trois ans d'emprisonnement.

3.3. OPTIONS RELATIVE À LA COMPÉTENCE TERRITORIALE

3.3.1 Option écartée : Lorsque les personnes en cause sont en lien avec des magistrats ou fonctionnaires de la Cour d'appel, ouvrir une possibilité de dépaysement au profit de toute juridiction de la cour d'appel la plus proche

Cette solution a été écartée dans le souci d'éviter un dépaysement excessivement éloigné et d'offrir une trop grande marge d'appréciation dans le choix de la juridiction de dépaysement.

3.3.2 Option retenue : lorsque les personnes en cause sont en lien avec des magistrats ou fonctionnaires de la Cour d'appel, ouvrir une possibilité de dépaysement dans le tribunal le plus proche d'une cour d'appel la plus proche

Cette option, qui répond à un besoin des professionnels de terrain, est de nature à permettre un dépaysement hors de la cour d'appel, par transmission du dossier entre procureurs généraux.

3.4. OPTIONS CONCERNANT LE PLACEMENT SOUS SCELLES

Les personnes requises par l'officier de police judiciaire pour pratiquer des examens techniques pourront placer sous scellés les objets résultant de leur examen en le mentionnant dans leur rapport.

De telles dispositions permettront d'assouplir le déroulement des investigations médicales ou techniques, notamment des autopsies pour lesquelles il semble logique d'autoriser les médecins à placer leurs prélèvements sous scellés.

3.5. OPTIONS CONCERNANT LES SIMPLIFICATIONS DU CODE DE LA ROUTE

Plusieurs simplifications du code de la route ont été prévues afin de permettre que les procédures de dépistage des conducteurs en matière d'alcoolémie ou d'usage de stupéfiants soient effectuées par des agents de police judiciaire sous le contrôle des officiers de police judiciaire et par des infirmiers requis à cet effet.

3.6. OPTIONS CONCERNANT LES FOUILLES DE NAVIRE

Le projet propose d'étendre en l'adaptant le dispositif de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale à la visite des navires sur réquisition du procureur de la République afin de rechercher et poursuivre certaines infractions graves.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉESS

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Ces modifications nécessitent de modifier ou de créer huit articles du code de procédure pénale (art. 41, 43, 60, 53, 76, 78, 78-2-2, 802-2) et trois articles du code de la route (art. L.234-4 et L. 234-9 et L. 235-2).

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Les mesures envisagées ne modifient pas le périmètre des infractions concernées, mais étend le champ des personnes susceptibles de réaliser ces contrôles. Elle est ainsi de nature à favoriser une augmentation du nombre des dépistages et en conséquence du nombre d'analyses de confirmation. Elle pourrait en ce sens accroître l'activité des juridictions en la matière. Toutefois, l'impact sur les services judicaires devrait rester très réduit.

La possibilité pour les tiers non poursuivis de demander l'annulation d'une perquisition devant le juge des libertés et de la détention devrait avoir un impact très marginal. En effet, de tels recours, possibles six mois après l'acte, devraient en pratique demeurer exceptionnels, dès lors que le tiers pourra toujours, comme actuellement, obtenir des juridictions ou du ministère de la justice réparation de son éventuel préjudice sur le fondement du principe d'égalité devant les charges de l'Etat, et qu'il n'existe donc que peu d'intérêt pour lui à obtenir l'annulation de la perquisition.

4.3. IMPACTS INFORMATIQUES

L'impact informatique de ces mesures pour le ministère est modéré. Des modifications d'événements et d'émetteurs au sein de Cassiopée et sur le système de référence justice sont à prévoir avec un impact éditique.

Ces impacts seront intégrés dans les 3 versions nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme de simplification (une année) à compter de la stabilisation définitive du texte. Toutefois, elles pourraient être gérées, en cas d'application immédiate, par des solutions éditiques palliatives hors Cassiopée.

4.4. IMPACTS BUDGÉTAIRES

La possibilité ouverte aux agents de police judiciaire pour le dépistage et les prélèvements en matière d'alcoolémie ou d'usage de stupéfiant pourrait conduire à une augmentation du nombre de dépistages réalisés et en conséquence le nombre d'analyses sanguines ou salivaires de confirmation. L'impact est cependant impossible à estimer.

4.5. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Ces dispositions auront un impact positif sur les services du ministère de l'intérieur puisqu'elles allègeront la charge des officiers de police judiciaire et doteront de nouvelles compétences les agents de police judiciaire.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le Conseil supérieur de la marine marchande et la Chambre nationale de la batellerie artisanale ont été consultés à titre facultatif.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Ces dispositions de procédure pénale seront applicables le lendemain de la publication de la loi.

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer ; par la mise à jour de l'article « compteur » du code de procédure pénale (art. 804).

SECTION 3 : DISPOSITIONS PROPRES A L'INSTRUCTION

Articles 34, 35, 36 : Dispositions propres à l'instruction

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

1.1.1 Dispositions relatives à l'ouverture de l'information

a) Modalités de saisine du juge d'instruction

Le juge d'instruction ne peut pas se saisir d'office. L'ouverture d'une information résulte d'un réquisitoire introductif du procureur de la République ou d'une plainte avec constitution de partie civile.

Ainsi, en vertu de l'article 80 du code de procédure pénale, le juge d'instruction ne peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du procureur de la République. Ce réquisitoire introductif précise les faits devant être instruits, et peut être pris contre personne dénommée ou contre X.

Le juge d'instruction peut également être saisi par une plainte avec constitution de partie civile.

En effet, en vertu de l'article 85 du code de procédure pénale, toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut, en portant plainte, se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent.

Cette plainte avec constitution de partie civile n'est recevable qu'à condition que la personne justifie :

- soit que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite d'une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu'il n'engagera pas lui-même des poursuites,

- soit qu'un délai de trois mois s'est écoulé depuis qu'elle a déposé plainte devant ce magistrat, contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou depuis qu'elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire.

Toutefois, cette condition de recevabilité n'est pas requise s'il s'agit d'un crime ou s'il s'agit d'un délit prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou par les articles L. 86, L. 87 , L. 91 à L. 100 , L. 102 à L. 104 , L. 106 à L. 108 et L. 113 du code électoral.

Actuellement, il est donc possible en toute hypothèse de déposer plainte avec constitution de partie civile, même sans avoir exercé de recours hiérarchique auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite prise par le procureur de la République.

L'article 40-3 du code de procédure pénale prévoit en effet que toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République peut former un recours auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite prise à la suite de cette dénonciation. Le procureur général peut alors enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites, ou s'il estime le recours infondé, confirmer le classement ordonné.

Conformément à l'article 88 du code de procédure pénale, le juge d'instruction doit constater le dépôt de la plainte par ordonnance.

Sauf si la partie civile a obtenu l'aide juridictionnelle, le juge d'instruction doit fixer, en fonction des ressources de cette dernière, le montant de la consignation que celle-ci doit déposer au greffe et le délai dans lequel elle devra être faite, sous peine de non-recevabilité de la plainte. Il peut aussi la dispenser de consignation.

Cette consignation garantit en effet, conformément à l'article 392-1 du même code, le paiement de l'amende civile susceptible d'être prononcée en cas de constitution de partie civile abusive ou dilatoire.

Conformément à l'article 86 du code de procédure pénale, le juge d'instruction ordonne alors communication de la plainte au procureur de la République pour que ce magistrat prenne ses réquisitions.

Lorsque la plainte n'est pas suffisamment motivée ou justifiée, le procureur de la République peut, avant de prendre ses réquisitions et s'il n'y a pas été procédé d'office par le juge d'instruction, demander à ce magistrat d'entendre la partie civile et, le cas échéant, d'inviter cette dernière à produire toute pièce utile à l'appui de sa plainte.

Le procureur de la République est alors tenu par principe de saisir le juge d'instruction d'un réquisitoire introductif contre personne dénommée ou contre X, sauf exception.

Ainsi le procureur ne peut saisir le juge d'instruction de réquisitions de non informer que dans trois hypothèses :

- si, pour des causes affectant l'action publique elle-même telles que la prescription de l'action publique, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite,

- si, à supposer ces faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale,

- s'il est établi de façon manifeste, le cas échéant au vu des investigations qui ont pu être réalisées à la suite du dépôt de la plainte ou en application du troisième alinéa, que les faits dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis.

Le juge d'instruction peut passer outre ces réquisitions de non informer. Dans ce cas, il doit statuer par une ordonnance motivée.

Lorsque le juge d'instruction rend une ordonnance de refus d'informer, il peut prononcer une amende civile contre la partie civile dont la constitution a été abusive ou dilatoire.

Ainsi, hors les cas susvisés, le juge d'instruction est tenu d'instruire une plainte avec constitution de partie civile alors même que la totalité des investigations utiles à la manifestation de la vérité ont déjà été réalisées par le parquet et que la partie civile aurait pu directement citer le prévenu devant un tribunal correctionnel. Cette citation directe par la partie civile est prévue par les articles 388 et 392 du code de procédure pénale 103 ( * ) . Elle exige également le versement d'une consignation destinée à garantir le paiement de l'éventuelle amende civile.

Enfin, le juge d'instruction peut être saisi lorsque le tribunal correctionnel ou le juge des enfants estiment qu'il aurait dû l'être.

Ainsi, le juge d'instruction peut être saisi en application de l'article 394 du même code lorsque le tribunal saisi d'une procédure de comparution immédiate estime que la complexité de l'affaire nécessite des investigations supplémentaires approfondies et renvoie alors le dossier au procureur de la République afin qu'il requiert l'ouverture d'une information judiciaire.

De même, le juge des enfants peut également, s'il y a lieu, renvoyer le dossier au juge d'instruction aux termes de l' alinéa 9 de l'article 8 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 .

b) Continuité des actes d'enquête lors de la saisine du juge d'instruction

Afin d'assurer la continuité des actes d'enquête lors de la saisine du juge d'instruction en matière terroriste, le législateur a, dans l'article 706-24-2 du code de procédure pénale issu de la loi du 3 juin 2016 puis modifié par la loi du 30 octobre 2017, permis au procureur de la République d'autoriser la poursuite de certains actes d'investigation ordonnés pendant l'enquête initiale, pour une durée de quarante-huit heures après l'ouverture de l'information judiciaire.

Le juge d'instruction peut alors y mettre un terme à tout moment.

Ces investigations correspondent aux opérations de géolocalisation, de surveillance, d'infiltration, d'interceptions téléphoniques, d'accès à distance à des données informatiques, de sonorisation et de fixation d'images et de captation de données informatiques prévues aux articles 230-32 à 230-35 , 706-80, 706-81 , 706-95, 706-95-1, 706-95-4, 706-96 et 706-102-1.

Si les nécessités de l'instruction l'exigent, le juge d'instruction peut décider de ne pas faire figurer au dossier cette décision pour le temps du déroulement des opérations dont la prolongation a été autorisée. Cette possibilité doit être comprise comme permettant au juge de ne verser cette décision en procédure qu'après l'achèvement des actes dont la prolongation a été autorisée et dont la poursuite a été, le cas échéant, ordonnée par lui, en même temps que les procès-verbaux relatant leur exécution et constatant leur achèvement. Cette disposition étend ainsi à un acte du parquet, la solution retenue par la jurisprudence selon laquelle, tant qu'une commission rogatoire est en cours d'exécution, aucune disposition légale n'exige qu'elle figure au dossier de la procédure 104 ( * ) . Toutefois, ces pièces ne peuvent pas être utilisées pendant les interrogatoires tant que les parties n'y ont pas accès.

Ce « sas » permettant d'éviter une discontinuité des investigations lors de l'ouverture d'une information n'existe pas pour d'autres chefs que les infractions de terrorisme. Dans ces cas, le juge d'instruction doit en urgence prescrire la reprise des actes pour garantir leur poursuite.

1.1.2 Dispositions relatives au déroulement de l'instruction

a) Etendue de la saisine et pouvoirs d'investigation du juge d'instruction

Le juge d'instruction est saisi in rem. Autrement dit, il a l'obligation d'informer sur tous les faits dont il est saisi par le parquet ou par la partie civile sous toutes les qualifications possibles et ce, quelle que soit la qualification visée par le réquisitoire introductif ou par la plainte avec constitution de partie civile.

Conformément à l'article 81 du code de procédure pénale, le juge d'instruction doit instruire à charge et à décharge et à cette fin, procéder à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité.

Si le juge d'instruction est dans l'impossibilité de procéder lui-même à tous les actes d'instruction, il peut donner commission rogatoire aux officiers de police judiciaire afin de leur faire exécuter tous les actes d'information nécessaires, à l'exception des interrogatoires et confrontations des personnes mises en examen, et lorsqu'ils ne l'ont pas demandés, des auditions des parties civiles et du témoin assisté.

En matière criminelle, le juge d'instruction doit également procéder ou faire procéder à une enquête sur la personnalité des personnes mises en examen, ainsi que sur leur situation matérielle, familiale ou sociale. En matière délictuelle, cette enquête est facultative.

Le juge d'instruction peut aussi prescrire un examen médical, un examen psychologique ou ordonner toutes mesures utiles.

Ces examens et mesures peuvent être ordonnés d'office ou sur demande d'une partie.

En effet, le juge d'instruction peut être saisi par une partie d'une demande écrite et motivée tendant à ce qu'il soit procédé à l'un de ces examens ou mesures.

Cette demande d'acte doit en principe faire l'objet d'une déclaration au greffier du juge d'instruction saisi du dossier.

Toutefois, lorsque le demandeur ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffier peut être faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

En outre, lorsque la personne mise en examen est détenue, la demande peut être faite au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.

S'il n'entend pas faire droit à cette demande d'acte, le juge d'instruction doit rendre une ordonnance motivée au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande. Faute d'avoir statué dans ce délai, la partie peut directement saisir le président de la chambre de l'instruction afin qu'il statue sur sa demande.

Parmi les investigations pouvant être réalisées, le juge d'instruction peut procéder ou faire procéder à des perquisitions dans tous les lieux où peuvent se trouver des objets ou des données informatiques dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité, ou des biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal tels que des biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction.

Lorsqu'il y a lieu de rechercher des documents ou des données informatiques, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire par lui commis a alors seul le droit d'en prendre connaissance avant de procéder à la saisie, en vertu de l'article 97 du code de procédure pénale.

Tous les objets, documents ou données informatiques placés sous main de justice sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés.

Avec l'accord du juge d'instruction, l'officier de police judiciaire ne maintient que la saisie des objets, documents et données informatiques utiles à la manifestation de la vérité, ainsi que des biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal.

Lorsque ces scellés sont fermés, ils ne peuvent être ouverts et les documents dépouillés qu'en présence de la personne mise en examen, assistée de son avocat, ou eux dûment appelés. Le tiers chez lequel la saisie a été faite est également invité à assister à cette opération.

b) La mise en examen et les mesures de sûreté dont l'assignation à résidence sous surveillance électronique

Lorsqu'il envisage de mettre en examen une personne qui n'a pas déjà été entendue comme témoin assisté, le juge d'instruction procède à sa première comparution. Cet interrogatoire de première comparution est prévu par l' article 116 du Code de procédure pénale .

Conformément à l'article 80-1 du code de procédure pénale, le juge d'instruction ne peut, à peine de nullité, mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi.

Le juge d'instruction ne peut procéder à la mise en examen de la personne que s'il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin assisté 105 ( * ) .

Lorsque la personne est mise en examen, elle peut, par exception au principe de la liberté, faire l'objet de mesures de sûreté.

En effet conformément à l'article 137 du code de procédure pénale, toute personne mise en examen, présumée innocente, demeure libre.

Toutefois, en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle peut faire l'objet de mesures coercitives au cours de la procédure.

Ainsi la personne mise en examen peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou, si celles-ci se révèlent insuffisantes, être assignée à résidence avec surveillance électronique.

A titre exceptionnel, si les obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique ne permettent pas d'atteindre ces objectifs, elle peut être placée en détention provisoire.

L'assignation à résidence sous surveillance électronique oblige la personne à demeurer à son domicile ou dans une résidence fixée par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention et de ne s'en absenter qu'aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat.

Cette obligation est exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique, à l'aide d'un bracelet électronique qui permet ainsi de vérifier que la personne mise en examen est bien à son domicile durant les heures fixées par le juge.

Cette obligation peut également être exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique mobile si la personne est mise en examen pour une infraction punie de plus de sept ans d'emprisonnement et pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru. Dans ce cas, le bracelet permet de géolocaliser la personne mise en examen, même en dehors de son domicile.

Dans le cadre de cette assignation, la personne peut également être astreinte aux obligations et interdictions prévues par l'article 138 du code de procédure pénale, qui sont identiques à celles du contrôle judiciaire, soit par exemple à l'obligation de suivre des soins et/ou à l'interdiction d'entrer en contact avec la victime ou avec les complices de l'infraction.

En vertu de l'article 142-5 du code de procédure pénale, l'assignation à résidence sous surveillance électronique peut être ordonnée, avec l'accord ou à la demande de l'intéressé, par le juge d'instruction ou par le juge des libertés et de la détention dès lors que la personne mise en examen encourt une peine d'emprisonnement correctionnel d'au moins deux ans, alors que la détention provisoire implique une peine d'au moins trois ans d'emprisonnement.

Elle est alors, en application de l'article 142-6, décidée par ordonnance motivée du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention, qui après avoir fait vérifier la faisabilité technique de la mesure, statue:

- soit, comme pour la détention provisoire et conformément à l'article 145 , après un débat contradictoire au cours duquel le procureur de la République, la personne mise en examen et son avocat sont entendus,

- soit sans débat contradictoire lorsque le juge statue sur une demande de mise en liberté.

Aux termes de l'article 142-7, l'assignation à résidence est ordonnée pour une durée qui ne peut excéder six mois. Elle peut être prolongée pour une même durée après un débat contradictoire, sans que la durée totale du placement dépasse deux ans.

Cette même durée totale de deux ans, compte tenu le cas échéant de celle exécutée au cours de l'instruction, s'applique à l'issue de l'information lorsque la personne mise en examen et assignée à résidence sous surveillance électronique est renvoyée devant le tribunal correctionnel ou mise en accusation devant la cour d'assises, conformément aux articles 179, 181 et D. 32-23 et suivants.

c) L'utilisation de la visioconférence

Les premières dispositions relatives à la visioconférence en matière pénale ont été introduites dans l'article 706-71 du code de procédure pénale par la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne. Plusieurs lois ont par la suite étendu le champ d'application du recours à la visioconférence, la dernière en date étant la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

Initialement limitée à certains actes de l'enquête et de l'instruction, l'utilisation de la visioconférence est aujourd'hui possible, sous certaines conditions, à tous les stades de la procédure pénale, de l'enquête de police à l'application des peines.

Au cours de l'instruction, elle peut être utilisée, lorsque les nécessités de l'instruction le justifient, pour procéder à :

- une audition, un interrogatoire ou une confrontation entre plusieurs personnes,

- la présentation au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la garde à vue ou de la retenue judiciaire,

- l'audition ou l'interrogatoire par le juge d'instruction d'une personne détenue.

Elle doit par ailleurs être utilisée pour la notification d'une expertise lorsque la personne est détenue, sauf décision contraire motivée ou sauf s'il doit être procédé concomitamment à un autre acte.

En outre, la visioconférence peut être utilisée par la chambre de l'instruction, notamment :

- pour l'audition des experts et des témoins dans le cadre de l'audience statuant sur l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental d'une personne,

- pour la comparution de la personne mise en examen détenue provisoirement à l'occasion de l'examen de l'ensemble de la procédure ordonné par le président de la chambre106 ( * ).

Lors de l'instruction, la visioconférence présente un intérêt majeur pour le contentieux de la détention provisoire. Dans ce cadre, elle peut être utilisée lors :

- du débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire d'une personne détenue pour autre cause,

- du débat contradictoire prévu pour la prolongation de la détention provisoire,

- des audiences relatives au contentieux de la détention provisoire devant la chambre de l'instruction ou la juridiction de jugement.

Lorsqu'il s'agit d'une audience au cours de laquelle il doit être statué sur le placement en détention provisoire ou sur la prolongation de la détention provisoire, la personne détenue peut refuser l'utilisation de la visioconférence, sauf si son transport paraît devoir être évité en raison des risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion.

Cette disposition résulte de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2) du 14 mars 2011. Elle a été adoptée en juin 2010 par la commission des lois du Sénat en première lecture qui suite à un avis du Conseil d'Etat du 13 avril 2010 107 ( * ) , a modifié les dispositions adoptées en première lecture par l'Assemblée nationale qui prévoyaient une utilisation de principe de la visioconférence sauf décision contraire du juge.

Par la suite, afin de sécuriser les procédures et de rationaliser l'organisation des extractions judiciaires, le législateur a, dans la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, encadré les modalités selon lesquelles une personne détenue peut s'opposer à sa comparution au moyen de la visioconférence. Désormais, le refus ne peut être exprimé qu'au moment où la personne est informée de la date de l'audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé.

d) L'instruction en matière de diffamation

En matière de presse, la loi du 29 juillet 1881 fixe des règles particulières. Elle limite les pouvoirs juridictionnels du magistrat en interdisant tout acte d'instruction, comme du reste tout acte d'enquête, portant sur la vérité des faits diffamatoires ou la bonne foi .

Ainsi ni les enquêteurs, ni le ministère public, ni la juridiction d'instruction ou le tribunal lui-même ne peuvent accomplir un quelconque acte qui interférerait dans la procédure de notification de la preuve de la vérité des faits diffamatoires prévue aux articles 55 et 56 de la loi du 29 juillet 1881, ou la démonstration de la bonne foi.

En effet, aux termes des articles 55 et 56 précités, quand le prévenu voudra être admis à prouver la vérité des faits diffamatoires, il doit, dans le délai de dix jours après la signification de la citation et sous peine d'être déchu du droit de faire la preuve, faire signifier au ministère public ou au plaignant, suivant qu'il est assigné à la requête de l'un ou de l'autre :

- les faits articulés et qualifiés dans la citation, desquels il entend prouver la vérité,

- la copie des pièces,

- les noms, professions et demeures des témoins par lesquels il entend faire la preuve.

Dans les cinq jours suivants, en tout cas au moins trois jours francs avant l'audience, le plaignant ou le ministère public suivant les cas, devra alors faire signifier au prévenu les copies des pièces et les noms, professions et demeures des témoins par lesquels il entend faire la preuve du contraire, sous peine d'être lui aussi déchu de son droit.

Ainsi, le juge d'instruction ne peut pas instruire sur le fond ; à défaut, ses actes pourraient être annulés 108 ( * ) .

1.1.3 Dispositions relatives à la clôture et au contrôle de l'instruction : article 35

a) L'ordonnance de règlement

L'article 175 du code procédure pénale fixe les règles applicables à la procédure de règlement.

Aussitôt que l'information lui paraît terminée, le juge d'instruction doit communiquer le dossier au procureur de la République et en aviser en même temps les parties et leurs avocats.

Le procureur de la République dispose alors d'un délai d'un mois si une personne mise en examen est détenue ou de trois mois dans les autres cas pour adresser ses réquisitions motivées au juge d'instruction. Copie de ce règlement définitif est adressée dans le même temps aux parties par lettre recommandée.

Les parties disposent alors de ce même délai d'un mois ou de trois mois pour adresser des observations écrites au juge d'instruction ou pour formuler des demandes ou présenter des requêtes sur le fondement des articles 81 , neuvième alinéa, 82-1 , 82-3 , 156 , premier alinéa, et 173, troisième alinéa. A l'expiration de ce délai, les parties ne sont plus recevables à formuler ou présenter de telles demandes ou requêtes.

A l'issue de ce délai d'un mois ou de trois mois, le procureur de la République et les parties, à qui le juge d'instruction a adressé copie des réquisitions et des observations, disposent alors d'un nouveau délai pour adresser au juge d'instruction des réquisitions ou des observations complémentaires. Ce délai de réponse est de dix jours si une personne mise en examen est détenue ou d'un mois dans les autres cas.

Le juge d'instruction ne peut donc rendre son ordonnance de règlement qu'à l'issue d'un délai :

- d'un mois et dix jours lorsque la personne mise en examen est détenue,

- de quatre mois dans les autres cas.

Toutefois, la personne mise en examen, la partie civile et le témoin assisté peuvent renoncer à ces délais.

Cette renonciation est prévue par l'article 84-1 du code de procédure pénale, aux termes duquel le juge d'instruction peut, lors de la première comparution de la personne mise en examen ou de la première audition de la partie civile ou du témoin assisté et à tout moment au cours de la procédure, demander à la partie, en présence de son avocat ou celui-ci dûment convoqué si elle déclare renoncer au bénéfice de cet article 175.


La partie peut déclarer ne renoncer au bénéfice de l'article 175 qu'en ce qui concerne le droit de faire des observations sur les réquisitions qui lui ont été communiquées.

La renonciation au bénéfice de l'article 175 n'est toutefois valable que si elle a été faite par l'ensemble des parties à la procédure.

b) Le renvoi aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Si le juge d'instruction estime que les faits constituent un délit, il peut alors soit renvoyer la personne mise en examen devant le tribunal correctionnel, soit ordonner le renvoi de l'affaire au procureur de la République aux fins de mise en oeuvre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Ce renvoi au procureur aux fins de mise en oeuvre de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est permis par l'article 180-1 du code de procédure pénale depuis la loi du 13 décembre 2011 pour les personnes physiques et par l'article 180-2 depuis la loi du 9 décembre 2016 pour les personnes morales.

Conformément à l'article 180-1, le juge d'instruction peut prononcer ce renvoi par ordonnance, à la demande ou avec l'accord du procureur de la République, du mis en examen et de la partie civile, et dès lors que la personne mise en examen reconnaît les faits et accepte la qualification pénale retenue.

La demande ou l'accord du ministère public et des parties doivent faire l'objet d'un écrit ou être mentionnés par procès-verbal.

Ils peuvent être recueillis au cours de l'information auquel cas il n'est pas nécessaire de faire application de l'article 175 développé supra, ou à l'occasion de la procédure de règlement prévue à l'article 175 .

c) Le contrôle de l'instruction

Le contrôle de l'instruction est assuré par la chambre de l'instruction qui est une chambre de la cour d'appel composée d'un président et de deux conseillers.

La Chambre de l'instruction statue sur les appels des ordonnances du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention.

En effet conformément à l'article 185 du code de procédure pénale, le procureur de la République a le droit d'interjeter appel devant la chambre de l'instruction de toute ordonnance du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention. Cet appel formé par déclaration au greffe du tribunal doit être interjeté dans les cinq jours qui suivent la notification de la décision.

Le droit d'appel par déclaration au greffe du tribunal appartient également dans tous les cas au procureur général, qui dispose, quant à lui, d'un délai de dix jours à compter de l'ordonnance du juge.

Les parties disposent, elles aussi, d'un délai de dix jours pour interjeter appel des ordonnances du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention conformément à l'article 186 du code de procédure pénale.

En toute matière, la chambre de l'instruction peut également, aux termes de l'article 170 du code de procédure pénale, être saisie aux fins d'annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure par le juge d'instruction, par le procureur de la République, par les parties ou par le témoin assisté.

Le président de la chambre de l'instruction tient le pouvoir de filtrer certains de ces appels (ordonnances de non-admission d'appels irrecevables sur le fondement des trois premiers alinéas de l'article 186 du code de procédure pénale ; filtrage d'autres appels sur le fondement de l' article 186-1 du même code ) et certaines requêtes directes (demandes directes de mise en liberté ou de mainlevée du contrôle judiciaire, requêtes aux fins d'annulation d'actes ou de pièces de la procédure en application de l'article 173) en écartant ceux ou celles qui sont manifestement irrecevables ou dépourvus de sérieux.

Il dispose également d'autres pouvoirs personnels, indépendants de ceux de la chambre qu'il préside. Ainsi, les articles 219 à 230 du code de procédure pénale lui confèrent des pouvoirs propres s'agissant d'une part de la surveillance du fonctionnement des cabinets d'instruction, et d'autre part du contrôle de la détention provisoire.

Au cours de l'information, et conformément à l'article 99 du code de procédure pénale, le président de la chambre de l'instruction est compétent pour décider, en appel, de la restitution des objets placés sous main de justice.

Enfin, la chambre de l'instruction traite des contentieux en matière de saisie et de restitution d'objet placé sous main de justice, ainsi qu'en matière de rectification d'identité, de contestation sur la réhabilitation de droit ou de difficultés soulevées par l'interprétation d'une loi d'amnistie.

L'article 41-4 du code de procédure pénale prévoit en effet que la décision de non restitution d'un objet placé sous main de justice prise par le procureur de la République ou par le procureur général au cours de l'enquête ou lorsqu'aucune juridiction n'a été saisie ou que la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution dudit objet peut être déférée par l'intéressé à la chambre de l'instruction.

Lorsqu'une procédure s'est achevée par une condamnation définitive prononcée par une cour d'assises, l'article 41-6 prévoit que le procureur de la République ou le procureur général qui envisage d'ordonner la destruction des objets placés sous main de justice ou leur remise au service des domaines ou à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués doit, en cas d'opposition du condamné, saisir la chambre de l'instruction.

De même, en vertu de l'article 706-153 du code de procédure pénale, l'appel formé à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention lors d'une enquête ou par le juge d'instruction au cours d'une information et qui autorise la saisie, aux frais avancés du Trésor, de biens ou droits incorporels dont la confiscation est prévue par l'article 131-21 du code pénal, doit être examiné par la chambre de l'instruction.

Enfin, aux termes de l'article 778, lorsqu'au cours d'une procédure, le procureur de la République ou le juge d'instruction constate qu'un individu a été condamné sous une fausse identité ou a usurpé un état civil, la requête en rectification d'identité doit être formée par le procureur de la République, et, si la décision a été rendue par une cour d'assises, soumise à la chambre de l'instruction. La même procédure est applicable au cas de contestation sur la réhabilitation de droit, ou de difficultés soulevées par l'interprétation d'une loi d'amnistie.

1.2. DIAGNOSTIC

1.2.1 Lors de l'ouverture de l'information

De nombreux praticiens se sont plaints des difficultés rencontrées pour poursuivre sans discontinuer des opérations de géolocalisation, d'interceptions téléphoniques, de surveillance, d'infiltration, d'accès à distance à des données informatiques, de sonorisation et de fixation d'images et de captation de données informatiques ordonnées lors de l'enquête et encore en cours lors de l'ouverture d'une information judiciaire pour des infractions autres que terroristes.

Par ailleurs et comme l'ont relevé MM. Beaume et Natali dans le rapport portant sur l'amélioration et la simplification de la procédure pénale rendu suite à la consultation menée par Mme la Garde des sceaux, « les magistrats, mais aussi les avocats, déplorent fréquemment les « abus » des constitutions de partie civile, qui occupent une part significative des cabinets d'instruction (outre le coût d'une procédure), disproportionnée par rapport à l'intérêt public qu'elles représentent. Deux idées émergent le plus souvent : d'une part le rehaussement significatif (voire l'instauration d'un minimum légal) de la consignation préalable ; d'autre part et surtout, l'allongement du délai (6 mois ? 9 mois ?) pour pouvoir se constituer après le dépôt de la plainte au parquet, doublé peut-être de l'obligation, en cas de classement sans suite, d'exercer préalablement le recours devant le procureur général. A cet égard, il convient d'insister sur la nécessité d'une motivation circonstanciée de sa décision par le procureur de la République. Par ailleurs, la définition d'un délai fixé au procureur général pour statuer en cas de recours devrait être prévue. Il conviendrait enfin d'éviter les constitutions multiples ». Ainsi ont-ils préconisé le cantonnement du droit à se constituer partie civile.

1.2.2 Durant l'instruction

L'encadrement de plus en plus strict du recours à la détention provisoire dans la loi n'a pas pour autant conduit à la diminution de cette mesure, ni au développement des alternatives : ont été décomptées 39 300 détentions provisoires en 2016 109 ( * ) , contre 36 700 en 2015 et 35 200 en 2014.

Si le contrôle judiciaire reste majoritaire numériquement (47 900 contrôles judiciaires en 2016 110 ( * ) , contre 46 200 en 2015et 45 500 en 2014), l'assignation à résidence sous surveillance électronique demeure anecdotique : au 1 er juillet 2017, 292 personnes prévenues bénéficiaient de cette mesure 111 ( * ) .

Pour expliquer ce constat, l'insuffisance d'enquête de faisabilité ordonnée en amont des débats de prolongation de détention provisoire, ainsi qu'un manque de lisibilité des règles applicables à l'assignation à résidence sous surveillance électronique lors de la clôture de l'instruction ont notamment été soulignés.

Par ailleurs, nombreux praticiens ont sollicité une simplification du formalisme procédural applicable lors de l'instruction s'agissant plus particulièrement des demandes d'acte adressées au juge d'instruction et des règles applicables aux scellés.

Ainsi les auteurs du rapport précité portant sur l'amélioration et la simplification de la procédure pénale ont-ils conclu :

- à l'opportunité de la mise en place d'un RPVA pénal pour faciliter les échanges entre les acteurs de la procédure, et dans l'attente, du développement des possibilités de demandes adressées par lettre recommandée avec accusé de réception ;

- à la nécessité de simplifier les règles applicables aux scellés, qui « est unanimement sollicitée par les enquêteurs et les magistrats », l'une des propositions formulées consistant à alléger la procédure de bris de scellés.

Les règles applicables à la visioconférence posent également des difficultés pratiques.

Des divergences d'interprétation existent s'agissant de la possibilité de recourir à la visioconférence lors de l'audience de prolongation de la détention provisoire prévue par l'avant-dernier alinéa de l'article 179 du code de procédure pénale, autrement dit lorsque l'audience sur le fond du tribunal correctionnel ne peut pas se tenir avant l'expiration d'un délai de 2 mois à compter de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction devant le tribunal correctionnel et que le tribunal doit statuer sur la prolongation de la détention provisoire de la personne ainsi renvoyée devant lui.

En outre et surtout, les juridictions se heurtent à d'importantes difficultés liées à l'impossibilité d'assurer l'extraction de la personne détenue et ainsi de la présenter devant le juge dans les délais impératifs de comparution prévus par la loi, ce qui entraîne des remises en liberté injustifiées. En 2017, plus de 12 000 extractions judiciaires n'ont ainsi pu être prises en charge par l'administration pénitentiaire, soit près de 15 % des réquisitions d'extraction judiciaire 112 ( * ) . Or le nombre d'actes réalisés par visioconférence stagne depuis 2013, autour de 13 000 par an en moyenne.

Enfin, tant les juges d'instruction que l'Association des avocats spécialisés en droit de la presse comme rappelé par le rapport précité, ont préconisé une simplification de l'instruction en matière de délit de presse, « notamment la possible mise en examen par courrier du responsable de publication » afin de rationaliser le temps des personnes convoquées, des magistrats et des avocats. Les praticiens critiquent en effet la nécessité de convoquer au palais le responsable de publication pour le mettre en examen alors même que le juge d'instruction ne peut aucunement l'entendre sur les faits reprochés et doit se contenter de lui demander confirmation de son état civil et de sa qualité de directeur de publication ou d'auteur de l'article.

1.2.3 Le contrôle et la clôture de l'instruction

De nombreux praticiens se sont plaints de la longueur et de la rigidité des délais prévus lors de la clôture de l'instruction et fixés par l'article 175 du code de procédure pénale. A en particulier été critiqué le délai total de quatre mois prévu en l'absence de mis en examen détenu, qui est imposé même lorsque le parquet a adressé ses réquisitions au juge d'instruction avant l'expiration du premier délai de trois mois et que les autres parties n'ont pas formulé d'observation ou de demande.

De même, la longueur des délais de traitement par la chambre de l'instruction du fait de son encombrement a été soulignée. La rigidité des règles d'examen en formation collégiale des requêtes en annulation, même lorsque la nullité est évidente, a notamment été identifiée comme un facteur ralentissant le déroulement de l'instruction.

Les praticiens sollicitent également une simplification de la procédure de renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité après une information judiciaire. Ainsi dans le rapport précité portant sur l'amélioration et la simplification de la procédure pénale, il est indiqué que « l'Association française des magistrats instructeurs évoque une autre simplification pour la clôture d'une information où les faits seraient reconnus : le parquet, au lieu de procéder au règlement selon le formalisme de l'art. 175 du code de procédure pénale, pourrait proposer directement une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (avec l'accord du juge d'instruction ?), laquelle, en cas d'acceptation, permettrait une clôture très simplifiée du dossier 113 ( * ) . A cet égard, avocats comme magistrats, beaucoup souhaiteraient que le choix du renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ne soit plus soumis à l'accord préalable de la partie civile (ce qui, évidemment, n'entraînerait aucune restriction au droit à réparation de la victime) ».

Enfin, les praticiens réclament une uniformisation du délai d'appel du procureur de la République des ordonnances du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention devant la chambre de l'instruction sur ceux du procureur général, du mis en examen ou de la partie civile.

1.3. CADRE CONSTITUTIONNEL

L'article 706-71 du code de procédure pénale n'a pas fait l'objet d'un examen de constitutionnalité.

En effet, si une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 706-71 a été transmise à la Cour de cassation, la chambre criminelle a refusé sa transmission au Conseil constitutionnel au motif que la question ne présentait pas un caractère sérieux « dès lors que la procédure d'audition de la personne par un juge à partir de moyens de télécommunication audiovisuelle garantit, conformément au principe du droit à un procès équitable, la publicité des débats dans la salle d'audience du tribunal, tout en assurant la confidentialité des transmissions et, dans le cas où la personne auditionnée est assistée par un avocat, lui donne la possibilité de s'entretenir avec ce dernier, de façon confidentielle, en ayant accès à l'intégralité du dossier » 114 ( * ) .

Il peut toutefois être souligné que le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur le recours à la visioconférence en matière de rétention administrative des étrangers.

Ainsi dans une décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 concernant la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, le Conseil constitutionnel, a relevé que la subordination du déroulement par visioconférence des audiences devant le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la rétention « au consentement de l'étranger, à la confidentialité de la transmission et au déroulement de la procédure dans chacune des deux salles d'audience ouvertes au public » permettaient de garantir de façon suffisante la tenue d'un procès juste et équitable 115 ( * ) .

Dans un avis du 13 avril 2010 portant sur l'utilisation de la visioconférence pour la tenue des audiences relatives au contentieux du maintien en zone d'attente des étrangers ou de la prolongation de leur rétention, le Conseil d'Etat en a déduit que la nécessité de recueillir le consentement de l'intéressé constituait, pour le Conseil constitutionnel, l'une des conditions légales de nature à assurer la constitutionnalité des dispositions déférées.

Le Conseil d'Etat a estimé que même en l'absence du consentement de la personne, l'atteinte aux règles du procès équitable résultant de l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle n'est pas contraire à la Constitution, dès lors qu'elle apparaît nécessaire à la sauvegarde d'objectifs de valeur constitutionnelle tels que la protection de la sécurité publique ou la bonne administration de la justice.

De même, au niveau conventionnel, le Conseil d'Etat a déduit de la jurisprudence européenne qu'en l'absence du consentement de l'intéressé, seule la poursuite d'un but légitime était de nature à justifier le recours à un moyen de télécommunication.

En octobre 2011, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a conclu que le « développement inconsidéré d'une telle technique emport[ait] le risque de porter atteinte aux droits de la défense ». Ainsi selon lui, le consentement éclairé de la personne privée de liberté devait toujours être recueilli, et ce principe ne pouvait souffrir que de trois exceptions liées au risque grave de trouble à l'ordre public, aux droits à être jugé dans un délai raisonnable et à être assisté d'un avocat 116 ( * ) .

Dans une décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 (loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité), le Conseil constitutionnel a jugé « qu'en permettant que des audiences puissent se tenir au moyen d'une communication audiovisuelle, le législateur a entendu contribuer à la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics ; qu'il a prévu que la salle d'audience utilisée doit être spécialement aménagée à cet effet, ouverte au public et située dans des locaux relevant du ministère de la justice ; que l'audience doit se dérouler en direct en assurant la confidentialité de la transmission ; que l'intéressé a le droit d'obtenir la communication de l'intégralité de son dossier ; que, s'il est assisté d'un conseil, ce dernier est physiquement présent auprès de lui ; qu'un procès-verbal ou un enregistrement audiovisuel ou sonore des opérations est réalisé ; qu'il résulte de l'ensemble de ces mesures que les dispositions contestées garantissent de façon suffisante la tenue d'un procès juste et équitable » 117 ( * ) .

Dans un avis récent du 15 février 2018 portant sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif, le Conseil d'Etat a estimé que le recours élargi à la vidéo-audience, même sans le consentement du demandeur, ne lui paraissait pas se heurter à un obstacle de principe, de nature constitutionnelle ou conventionnelle.

Si les exigences d'un procès juste et équitable supposent en effet que le justiciable puisse participer de manière personnelle et effective au procès, ce droit peut être aménagé pour poursuivre des objectifs également légitimes aux plans constitutionnel et conventionnel, tels que notamment la bonne administration de la justice (en évitant l'allongement des délais) et le bon usage des deniers publics (en réduisant les coûts pour l'administration).

Dans le prolongement de la décision constitutionnelle de 2011, le Conseil d'Etat s'est attaché aux garanties devant entourer le déroulement de l'audience, telles que le respect du caractère contradictoire de la procédure, la présence de l'avocat et de l'interprète, l'existence d'une liaison de qualité assurant la confidentialité des échanges, le recours à des locaux spécialement aménagés pour permettre le bon déroulement de l'audience, l'emploi de locaux dépendant du ministère de la justice, la réalisation d'un procès-verbal ou d'un enregistrement intégral audiovisuel ou sonore.

1.4. CADRE CONVENTIONNEL

1.4.1 Sur la visioconférence

Si la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) estime que cette modalité de participation à la procédure n'est pas en soi incompatible avec la notion de procès équitable, elle s'assure, dans chaque cas d'espèce, que le recours à la visioconférence poursuit un but légitime et que les modalités de déroulement de la visioconférence sont compatibles avec les exigences du respect des droits de la défense 118 ( * ) .

Ainsi, dans l'arrêt Viola C. Italie du 5 octobre 2006, précise-t-elle : « Si la participation de l'accusé aux débats par vidéoconférence n'est pas, en soi, contraire à la Convention, il appartient à la Cour de s'assurer que son application dans chaque cas d'espèce poursuit un but légitime et que ses modalités de déroulement sont compatibles avec les exigences du respect des droits de la défense, tels qu'établis par l'article 6 de la Convention ».

Concernant les buts légitimes, la Cour considère que sont de nature à justifier le recours à la visioconférence, la défense de l'ordre public, la prévention du crime, la protection de la vie, de la liberté et de la sûreté des témoins et des victimes des infractions et le respect de l'exigence du délai raisonnable de la durée des procédures judiciaires 119 ( * ) .

Concernant les modalités de déroulement de la visioconférence, les vérifications de la Cour portent sur les aspects techniques qui ne doivent en aucun cas être un obstacle dans la communication entre le prévenu, les autres parties et le juge. La Cour vérifie ainsi que le justiciable a été en mesure de suivre la procédure et d'être entendu sans obstacles techniques, sans difficultés de transmission de la voix et des images.

Outre la qualité et la fiabilité technique de la transmission, la Cour s'assure que le prévenu a pu s'entretenir avec son avocat de manière effective et confidentielle 120 ( * ) .

La législation de l'Union européenne offre maintes possibilités d'organiser des visioconférences transfrontières, notamment pour auditionner des témoins, des experts ou des victimes, conformément aux instruments juridiques tels que la Convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne, la directive du Conseil relative à l'indemnisation des victimes de la criminalité et la décision-cadre du Conseil relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales.

Dans sa recommandation du 31 juillet 2015 intitulé « Promouvoir le recours à la visioconférence transfrontière dans le domaine de la justice et l'échange de bonnes pratiques en la matière dans les États membres et au niveau de l'Union européenne », le Conseil de l'Union européenne a constaté que la « visioconférence est un outil utile qui possède un fort potentiel non seulement au niveau national, mais aussi notamment dans les situations transfrontières concernant différents États membres et même des pays tiers » .

Ainsi, pour le Conseil, la technologie de la visioconférence « offre aux juridictions et aux parquets une plus grande souplesse pour recueillir les témoignages des victimes et des témoins, pour entendre l'avis d'experts et pour recueillir les dépositions des suspects et des parties défenderesses. La visioconférence peut contribuer à réduire le stress des témoins vulnérables, comme les enfants. Elle permet également d'éviter les déplacements lorsque des victimes, des témoins ou des experts d'autres États membres sont invités à déposer. Elle permet également d'apporter des garanties immédiates et effectives, telles que le droit à l'interprétation, le droit à l'information, l'accès à un avocat pour le suspect en cas d'arrestation dans un lieu éloigné (par exemple en cas d'arrestation en haute mer). Le recours à cette technologie réduit également les frais liés à l'audition pour les administrations nationales. Des avantages non négligeables en termes de frais et de sécurité peuvent être obtenus en évitant le transport des personnes détenues ».

Dès lors, le Conseil souligne que « le recours à la visioconférence, à la téléconférence ou à d'autres moyens de communication à longue distance appropriés pour les auditions devrait, s'il y a lieu, être étendu de manière à ce qu'il ne soit plus nécessaire de se déplacer pour comparaître devant un tribunal afin de prendre part à une procédure, en particulier dans les affaires transfrontières, et contribuer ainsi, par une réduction des frais et des efforts, à l'accès effectif à la justice ».

Ø Sur l'assignation à résidence et la surveillance électronique

La Cour européenne des droits de l'homme estime que l'assignation à résidence constitue une privation de liberté au sens de l'article 5 de la Convention 121 ( * ) .

Le 19 février 2014, le Comité des Ministres aux Etats membres a adopté une recommandation relative à la surveillance électronique, dans laquelle il admet notamment « que l'utilisation de mesures de surveillance électronique dans le cadre du processus de justice pénale peut contribuer à limiter le recours à la privation de liberté, tout en garantissant une surveillance efficace des prévenus et des auteurs d'infraction en milieu ouvert et, ce faisant, en concourant à prévenir la criminalité » 122 ( * ) .

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

Le projet de loi tend principalement à simplifier les règles applicables lors de l'instruction et à en raccourcir les délais.

Plus particulièrement, lors de l'ouverture de l'information, le projet de loi vise à assurer la continuité des écoutes, de la géolocalisation et des techniques spéciales d'enquête lors de l'ouverture d'une information judiciaire, et à encadrer les plaintes avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction.

A ces fins, il :

- généralise et étend au droit commun le « sas » actuellement applicable en matière de terrorisme, en permettant au parquet d'autoriser la poursuite de certains actes d'investigation lors de l'ouverture de l'information, le juge d'instruction pouvant à tout moment y mettre fin ;

- prévoit que les plaintes avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction ne seront recevables que si le parquet a maintenu sa décision de classement sans suite après l'exercice du recours hiérarchique devant le procureur général ;

- permet au juge d'instruction de refuser d'informer lorsque toutes les investigations utiles à la manifestation de la vérité ont déjà été réalisées et qu'une citation directe devant le tribunal est possible.

S'agissant du déroulement de l'instruction, les objectifs poursuivis sont de :

- simplifier et alléger le formalisme procédural, en particulier pour la demande d'acte adressée par une partie au juge d'instruction et pour l'ouverture des scellés fermés,

- assouplir les règles procédurales de la mise en examen en matière de délit de presse,

- favoriser le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique,

- uniformiser les pratiques de recours à la visioconférence au niveau national et remédier aux difficultés d'extraction dans un double objectif de bonne administration de la justice (en évitant, compte tenu des impossibilités d'extraction, des remises en liberté injustifiées ou l'allongement des délais dus aux reports d'audience) et de bon usage des deniers publics (en réduisant les coûts pour l'administration).

Le projet de loi prévoit que :

- la demande d'acte adressée par une partie au juge d'instruction pourra en toute hypothèse être adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et non seulement dans le cas où le demandeur ou son avocat réside hors du ressort de la juridiction saisie,

- l'ouverture d'un scellé fermé pourra être réalisée par le juge d'instruction assisté de son greffier hors la présence de la personne mise en examen dès lors que cette dernière n'aura pas à être interrogée sur son contenu, et ce, sans préjudice de la présence de l'avocat de la personne ou celui-ci dûment convoqué,

Le projet de loi permet également la mise en examen d'une personne du chef de diffamation par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, le recours à cette modalité constituant une simple faculté pour le juge d'instruction et l'intéressé pouvant demander à être entendu par ce magistrat.

Enfin s'agissant de la visioconférence, il clarifie d'une part les possibilités de recours à la visioconférence lors de l'audience de prolongation de la détention provisoire devant le tribunal après ordonnance de renvoi du juge d'instruction.

D'autre part, il élargit le recours à la visioconférence, même sans le consentement de la personne, lors des audiences de placement ou de prolongation de la détention provisoire dans le respect des exigences constitutionnelles et conventionnelles rappelées par le Conseil d'Etat.

S'agissant de la clôture et du contrôle de l'instruction, les objectifs poursuivis consistent à :

- raccourcir les délais de l'instruction dans un souci d'efficacité et de bonne administration de la justice,

- clarifier et simplifier le renvoi en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité après une information judiciaire,

- uniformiser le délai d'appel du procureur de la République des ordonnances du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention devant la chambre de l'instruction sur ceux du procureur général et des autres parties.

A ces fins, le projet de loi améliore le mécanisme du règlement contradictoire, en prévoyant qu'il s'appliquera si une partie l'a demandé, et non de manière systématique, et en permettant, dans le respect du contradictoire, de réduire le délai global de la procédure de règlement lorsque le parquet adresse ses réquisitions avant l'expiration du premier délai.

Cet article étend également la compétence du président de la chambre de l'instruction dans certains contentieux tels qu'en matière de saisie ou de restitution d'objet placé sous main de justice, ou de rectification d'identité.

Enfin, il permet, lorsque la solution d'une requête en annulation paraît s'imposer de façon manifeste, au président de la chambre de l'instruction de statuer sur cette demande à juge unique, le cas échéant sans audience lorsque le parquet admet lui aussi la nécessité d'annuler les pièces.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

Comme indiqué précédemment, l'assignation à résidence sous surveillance électronique demeure anecdotique : au 1 er juillet 2017, 292 personnes prévenues bénéficiaient de cette mesure 123 ( * ) .

Afin de favoriser le recours à cette mesure et de répondre aux interrogations des praticiens, le projet de loi simplifie le formalisme procédural et élargit les conditions de son prononcé.

Ainsi le projet de loi modifie les articles 142-6 et 142-7 du code de procédure pénale en précisant que cette assignation à résidence pourra être prononcée non seulement après un débat contradictoire ou par ordonnance statuant sur une demande de mise en liberté, mais également :

- soit au vu des réquisitions écrites du procureur de la République, et après avoir entendu les observations de la personne mise en examen et celles de son avocat,

- soit par ordonnance décidant d'une mise en liberté d'office.

Le projet de loi clarifie également les règles applicables.

Il précise ainsi que l'enquête de faisabilité technique de la mesure pourra être réalisée par le service pénitentiaire d'insertion et de probation ou par tout autre service habilité, qui pourra être saisi à cette fin à tout moment de l'instruction.

Il clarifie également le sort de la mesure lorsque la personne renvoyée devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises est maintenue ou demeure sous assignation à résidence, en précisant qu'il n'est pas nécessaire d'ordonner la prolongation tous les six mois de cette mesure dont la durée totale, compte tenu de celle exécutée au cours de l'instruction, ne pourra excéder deux ans. Une telle mesure évite ainsi, conformément à l'objectif recherché de simplification, de saisir la juridiction à seule fin de prolongation de la mesure et ce, sans préjudice de la possibilité pour l'intéressé d'en demander la mainlevée.

3.1. OPTIONS ÉCARTÉES

3.1.1 Rendre l'enquête de faisabilité obligatoire lors de toute prolongation de détention provisoire, y compris en matière criminelle

Une telle obligation d'enquête de faisabilité ne paraît pas nécessairement opportune dans les affaires criminelles, les praticiens critiquant déjà la mesure au motif qu'elle ne permet qu'imparfaitement de répondre aux mêmes objectifs que la détention provisoire.

En outre, la justice ne dispose pas des moyens matériels permettant de réaliser cette enquête dans tous les dossiers.

Cette option a donc été écartée.

3.1.2 Rendre l'enquête de faisabilité obligatoire dès qu'elle est demandée

Cette piste a vocation à mobiliser la défense qui sollicite peu cette mesure ou trop tardivement par rapport au débat fixé devant le juge des libertés et de la détention en vue de la prolongation de la détention provisoire.

Le risque est en revanche de conduire à une saturation des agents chargés des enquêtes de faisabilité ordonnées à chaque demande de mise en liberté.

Cette option a donc été écartée.

3.2.  OPTION RETENUE : RENDRE L'ENQUÊTE DE FAISABILITÉ OBLIGATOIRE, LORSQU'ELLE EST DEMANDÉE AU MOMENT DES PROLONGATIONS DE DÉTENTION EN MATIÈRE CORRECTIONNELLE

Combinant plusieurs pistes, cette solution permet un examen plus systématique de la faisabilité d'une assignation à résidence sous surveillance électronique au moment des renouvellements de titre de détention en matière correctionnelle, et favorise la mobilisation des personnes détenues ou de leurs avocats qui seront alors assurés de la réalisation de l'enquête si celle-ci est sollicitée.

Le juge ne pourra en effet refuser d'y faire droit que par une décision spécialement motivée, l'objectif étant de restreindre ce refus à des cas déterminés notamment lorsqu'une enquête récente a déjà été diligentée ou lorsque les demandes sont multipliées dans un but dilatoire.

Cette solution réaliste et de nature à garantir l'effectivité de l'enquête de faisabilité a donc été retenue.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Le projet de loi crée un nouvel article 80-5, modifie les articles 85 et 392-1 du code de procédure pénale. Ces dispositions justifient l'abrogation de l'article 706-24-2 du code de procédure pénale, l'actuel « sas » spécifique au terrorisme étant généralisé au droit commun.

Il modifie les articles 81, 97, 142-6, 142-7 et 706-71 du code de procédure pénale, et crée un nouvel article 51-1 dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Il modifie également les articles 41-4, 41-6, 84-1, 175, 180-1, 185, 706-153 et 778 du code de procédure pénale, et crée un nouvel article 170-1.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Les dispositions permettant d'assurer la continuité des écoutes, géolocalisation et techniques spéciales d'enquêtes simplifient la tâche du juge d'instruction qui ne sera plus obligé de prescrire en urgence la reprise de ces actes.

Le cantonnement des plaintes avec constitution de partie civile permettra d'alléger la charge des cabinets d'instruction. De plus, le fait de réorienter utilement la partie civile vers une citation directe devant le tribunal lorsque toutes les investigations nécessaires avaient déjà été réalisées lui permettra d'obtenir un jugement plus rapide. Enfin, si le fait d'imposer préalablement à la partie civile de contester la décision de classement sans suite devant le procureur général risque d'augmenter le nombre de ces contestations, et par conséquent la charge des procureurs généraux et de la République, le ministère public verra en revanche diminuer sa charge liée au nombre d'informations à ouvrir, suivre et clôturer, notamment s'agissant des réquisitions devant être adressées au juge d'instruction en fin d'information.

L'extension du recours à la visioconférence en matière de détention provisoire est de nature à améliorer le fonctionnement des juridictions en évitant les reports d'audience ou les mises en liberté liés aux impossibilités d'extraction, ainsi qu'à réduire la charge des services pénitentiaires compétents pour réaliser les extractions. Elle nécessitera en revanche davantage de diligences du greffe tant avant les auditions pour ce qui est de l'installation du matériel et de la préparation de l'audition, qu'au cours des auditions pour effectuer l'enregistrement sonore, et qu'à l'issue des auditions pour procéder au scellement, à l'archivage et à la tenue du registre des visio-conférences.

Les mesures liées au contrôle et à la clôture de l'instruction sont de nature à alléger la charge de la chambre de l'instruction dans sa formation collégiale.

Le nombre de procédures d'instruction en matière de délit de presse étant peu important, les mesures de simplification devraient avoir un impact résiduel.

Actuellement, 1% des affaires correctionnelles font l'objet d'un renvoi aux fins de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité à l'issue d'une instruction (source : infocentre Pharos).

La mesure envisagée est de nature à réduire la charge de travail des juridictions. En particulier, pour le greffe, le temps moyen de traitement d'une affaire en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est plus de trois fois plus court que celui d'une affaire jugée en collégiale. L'impact pour les services judiciaires devrait être assez faible (dans l'hypothèse où 1 000 affaires feraient l'objet d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité au lieu d'un renvoi devant le tribunal correctionnel, il peut être estimé un gain de 1 ETPT de magistrat et 2 ETPT de fonctionnaires).

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES PÉNITENTIAIRES

Rendre l'enquête de faisabilité de l'assignation à résidence sous surveillance électronique obligatoire lorsqu'elle est demandée par la personne détenue ou son avocat en matière correctionnelle risque d'augmenter la charge des services chargés de cette enquête, plus particulièrement du service pénitentiaire d'insertion et de probation.

L'extension des possibilités de recours à la visioconférence devrait réduire la charge des extractions judiciaires pour les services pénitentiaires.

4.4. IMPACTS INFORMATIQUES

L'impact informatique des dispositions relatives à l'ouverture de l'information pour le ministère est fort. S'agissant d'événements à créer, ayant des liens avec d'autres événements. Des éditions devront également être créées en conséquence. Elles impliqueront également une modification partielle sur le dispositif de création des scellés au sein de la plateforme nationale des interceptions judiciaires.

L'impact applicatif des dispositions relatives au déroulement de l'instruction est modéré. Elles impliquent une modification des événements et des caractéristiques des événements au système de référence justice, notamment au regard des modifications de durée ainsi que des modifications éditiques (tribunal de grande instance et CA-CASS) La visioconférence devra être intégrée au sein des événements de Cassiopée auxquels le dispositif est étendu. Il conviendra ainsi de vérifier et modifier ce cas échéant ces événements ainsi que les éditions en conséquence. La simplification de la procédure dans le cadre des délits de presse implique une modification des événements au sein de Cassiopée ainsi que des éditions.

4.5. IMPACTS SUR LES SERVICES DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

La réduction de la charge des services pénitentiaires compétents pour réaliser les extractions résultant de l'extension du recours à la visioconférence en matière de détention provisoire devrait diminuer les sollicitations des services de l'intérieur dans ce domaine.

4.6. IMPACT ÉCONOMIQUES, FINANCIERS, SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX

4.6.1 Impacts sur les auxiliaires de justice

La possibilité d'adresser une demande d'acte au juge d'instruction par lettre recommandée plutôt que d'imposer le déplacement obligatoire de l'avocat, ainsi que la faculté d'une mise en examen par lettre recommandée avec accusé de réception en matière de diffamation sont de nature à faire gagner du temps aux avocats en économisant leurs déplacements.

4.6.2 Impacts sur les entreprises

De même, cette faculté d'une mise en examen par lettre recommandée avec accusé de réception en matière de diffamation permettra de rationaliser le temps des responsables de publication convoqués.

4.6.3 Impacts sur les particuliers

La possibilité d'adresser une demande d'acte par lettre recommandée plutôt que d'imposer le déplacement obligatoire de l'intéressé est de nature à faciliter la réalisation de cette démarche, en particulier pour les personnes à mobilité réduite, et à lui faire gagner du temps.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le comité technique de l'administration pénitentiaire a été consulté le 28 mars et le comité technique des services pénitentiaires insertion et probation le 23 mars. Leur avis est réputé donné (défaut de majorité).

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Les dispositions envisagées seraient applicables le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel .

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur » du code de procédure pénale (art. 804).

CHAPITRE III : DISPOSITIONS RELATIVES À L'ACTION PUBLIQUE ET AU JUGEMENT

SECTION 1 : DISPOSITIONS RELATIVES AUX ALTERNATIVES AUX POURSUITES ET AUX POURSUITES

SOUS-SECTION 1 : Dispositions clarifiant et étendant la procédure de l'amende forfaitaire

Article 37 : Dispositions clarifiant et étendant la procédure de l'amende forfaitaire

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

La procédure de l'amende forfaitaire contraventionnelle, créée décret-loi du 28 décembre 1926, a intégré le code de procédure pénale en 1958. Elle permet d'apporter une réponse pénale simplifiée aux contentieux de masse par la verbalisation immédiate et automatique certaines infractions, que le contrevenant pourra contester devant le juge sous certaines conditions.

Cette procédure peut ainsi être analysée comme une procédure de transaction : lorsque le contrevenant paie l'amende, dont le montant est inférieur au maximum légal encouru, l'action publique est éteinte sans qu'il y ait recours au juge.

1.1.1 Domaine

Initialement prévue pour les contraventions des quatre premières classes par les articles 529 et suivants du code de procédure pénale, elle a par la suite été étendue aux contraventions de cinquième classe par la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011. Les contraventions de quatrième classe sont listées par l'article 48-1 du code de procédure pénale. 124 ( * )

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 a également instauré une procédure d'amende forfaitaire applicable à certains délits aux articles 495-17 et suivants du code de procédure pénale. En l'état du droit actuel, sont seuls concernés les délits de conduite sans permis et de conduite sans assurance.

La procédure de l'amende forfaitaire est exclue :

- En toute matière, si plusieurs infractions sont constatées simultanément et que l'une d'entre elle ne peut pas donner lieu à une amende forfaitaire.

- En matière contraventionnelle, lorsque la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit.

- En matière délictuelle, lorsque délit a été commis en état de récidive légale ou s'il a été commis par un mineur.

1.1.2 Procédure

La procédure débute par la remise d'un avis de contravention, soit sur place, soit par courrier.

Si le contrevenant accepte d'acquitter une amende forfaitaire, son paiement éteint l'action publique.

Le délai pour payer est fixé à quarante-cinq jours à compter de la constatation de l'infraction ou de l'envoi de l'avis de contravention. A défaut, la contravention est majorée.

Pour les contraventions du code de la route de quatrième classe et certaines contraventions de cinquième classe, l'amende forfaitaire peut être minorée si elle est payée sous 15 jours à compter soit de la constatation de la contravention, soit de l'envoi de l'avis.

Le montant des amendes par catégorie d'infractions est présenté ci-dessous.

Tableau du montant des amendes forfaitaires

Classe de contravention ou nature du délit

Amende forfaitaire

Amende forfaitaire minorée, pour certaines infractions au Code de la route 125 ( * )

Amende forfaitaire majorée

Amende maximale encourue

Contraventions de la 1 ère classe

Sauf si :

- commis par piéton

- arrêt ou stationnement

11 €

4 €

17 € 126 ( * )

33 €

7 €

33 €

38 €

Contraventions de la 2 ème classe

35 €

22 €

75 €

150 €

Contraventions de la 3 ème classe

68 €

45 €

180 €

450 €

Contraventions de la 4 ème classe

135 €

90 €

375 €

750 €

Contravention de la 5 ème classe

Décret à venir

Défaut d'assurance

500

Plus majoration pour le fond de 250

400

Plus majoration pour le fond de 200

1000

Plus majoration pour le fond de 500

3750

Plus majoration pour le fond de 1825

Défaut de permis de conduire

800

640

1600

15000

Le contrevenant qui entend contester peut former une requête en exonération dans les quarante-cinq jours qui suivent la contestation de l'infraction ou l'envoi de l'avis, ou une réclamation dans les trente jours de l'envoi de l'avis invitant à payer l'amende majorée auprès du ministère public, qui a dans cette hypothèse pour effet d'annuler le titre exécutoire.

Trois options sont alors ouvertes au ministère public : déclarer la requête irrecevable, renoncer aux poursuites ou saisir la juridiction de jugement.

En cas de condamnation en matière contraventionnelle par le tribunal de police, l'amende prononcée ne peut être inférieure au montant de l'amende ou de l'indemnité forfaitaire, ni être inférieure au montant de l'amende forfaitaire majorée s'il s'agit d'une réclamation.

En cas de condamnation en matière délictuelle par le tribunal correctionnel, l'amende prononcée ne peut être inférieure au montant de l'amende forfaitaire ou de l'amende forfaitaire majorée, augmenté d'un taux de 10 %.

L'article 495-23 prévoit que le paiement de l'amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire d'une amende forfaitaire majorée non susceptible de réclamation sont assimilés à une condamnation définitive pour l'application des règles sur la récidive des délits prévues aux articles 132-10 et 132-14 du code pénal.

1.1.3 Pratiques actuelles

La procédure de l'amende forfaitaire contraventionnelle est pratiquée depuis de nombreuses années sur tout le territoire. Elle constitue une réponse pénale usuelle pour nombre de contraventions, notamment en matière routière.

S'agissant de la procédure de l'amende forfaitaire pour les contraventions de cinquième classe, celle-ci n'est pas encore appliquée puisqu'un décret fixant le montant des amendes encourues est à paraître.

S'agissant de la forfaitisation délictuelle, le décret n°2017-429 du 28 mars 2017 est venu préciser les modalités d'application de la forfaitisation applicable aux délits, largement inspirées du régime applicable aux contraventions. Son entrée en vigueur est suspendue jusqu'à la publication d'un arrêté précisant les modalités selon lesquelles les requêtes et les réclamations peuvent être adressées de façon dématérialisée sur le site de l'Agence Nationale de Traitement Automatisé des Infractions.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel s'est prononcé à plusieurs reprises sur la procédure de l'amende forfaitaire.

Dans une décision n° 2010-38 QPC du 29 septembre 2010, il déclare conforme à la Constitution l'article 529-10 du code de procédure pénale relatif aux conditions de recevabilité de la requête en exonération ou de la réclamation, sous la réserve que la décision du ministère public déclarant irrecevable la réclamation puisse être contestée devant un juge. 127 ( * ) Dans la même perspective, le Conseil constitutionnel, dans une décision n° 2015-467 QPC du 7 mai 2015 128 ( * ) considère que le droit à un recours juridictionnel effectif impose que la décision du ministère public déclarant la réclamation prévue par le troisième alinéa de l'article 530 du code de procédure pénale irrecevable au motif qu'elle n'est pas accompagnée de l'avis d'amende forfaitaire majorée puisse être contestée devant le juge de proximité.

Dans une décision n° 2011-162 QPC du 16 septembre 2011, le Conseil constitutionnel valide par ailleurs les dispositions imposant au juge de prononcer une peine qui ne puisse être inférieure au montant de l'amende forfaitaire, ou selon les cas de l'amende forfaitaire majorée 129 ( * ) .

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

En qu'elle permet le prononcé d'une peine d'amende sans l'intervention d'une juge - sauf recours- la procédure de l'amende forfaitaire se situe naturellement sur le terrain de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, raison pour laquelle plusieurs arrêts se sont prononcés à ce sujet.

De manière générale, rien ne s'oppose en principe à la création de ce type de procédure dès lors que la possibilité d'un recours contre l'amende préserve le droit d'accès à un tribunal.

Ainsi, dans un arrêt du 21 févr. 1984, Oztürk c. Allemagne, n° 8544/79, la CEDH juge au sujet de la procédure de contravention administrative applicable en Allemagne que :

« §56. L'article 6 § 3 e) (art. 6-3-e) s'appliquait donc en l'espèce. Il n'en résulte point, la Cour tient à le préciser, que le système adopté en la matière par le législateur allemand soit en cause dans son principe. Eu égard au grand nombre des infractions légères, notamment dans le domaine de la circulation routière, un État contractant peut avoir de bons motifs de décharger ses juridictions du soin de les poursuivre et de les réprimer. Confier cette tâche, pour de telles infractions, à des autorités administratives ne se heurte pas à la Convention pour autant que l'intéressé puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de l'article 6 (...). »

Dans son arrêt du 21 mai 2002 Peltier c France n° 32872/96, la Cour européenne des droits de l'homme constate la violation de l'article 6 au motif que le requérant, dont la requête en exonération a été déclarée irrecevable pour des motifs de fond - par suite d'une erreur de droit de l'officier du ministère public- a subi une entrave excessive à son droit d'accès à un tribunal.

Plusieurs arrêts se sont prononcés sur les conditions de recevabilité du recours et sur l'obligation de consignation 130 ( * ) .

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

La procédure de l'amende forfaitaire présente de multiples avantages.

Elle permet d'apporter une réponse pénale plus systématique dans certains contentieux de masse pour lesquels l'intervention du juge pénal n'apparaît pas possible.

L'amende forfaitaire préserve le droit au recours effectif par la possibilité de porter une réclamation ou une requête en exonération.

Compte tenu de son succès, il apparaît souhaitable d'étendre son champ d'application à de nouvelles infractions pour lesquelles une réponse plus systématique et dissuasive est nécessaire.

L'objectif est ainsi d'étendre l'amende forfaitaire délictuelle aux délits :

- de vente d'alcool à des mineurs ;

- d'usage de stupéfiants ;

- de transport routier en violation des règles relatives au chronotachygraphe.

Pour ces trois délits, la procédure d'amende forfaitaire sera applicable même en cas de récidive, à la différence de ce qui est prévu pour les délits de conduite sans permis ou de conduite sans assurance. L e montant de l'amende forfaitaire majorée ne pourra pas excéder le plafond encouru pour les amendes contraventionnelles.

L'amende forfaitaire est particulièrement justifiée s'agissant de l'infraction d'usage de stupéfiants, pour lesquelles le taux de réponse pénale est très élevé (97%) de même que le taux de poursuite (40,5%). Ce contentieux, qui représente ainsi une part importante de l'activité des juridictions, pourrait très utilement être appréhendé sous l'angle de l'amende forfaitaire, à tout le moins pour les situations ne relevant pas d'une conduite habituelle. Cela permettrait d'alléger la charge des juridictions sans pour autant affaiblir la fermeté de la réponse pénale. L'amende forfaitaire constituera une réponse supplémentaire pour le délit d'usage de stupéfiants. Cette nouvelle option a vocation à s'intégrer dans la politique pénale développée en la matière. Elle ne remet pas en cause les orientations relatives aux soins.

Structure des orientations des auteurs dans les affaires d'usages de stupéfiants

Source : Exploitation statistique de Cassiopée par Secrétariat général/ Sous-direction de la statistique et des études et Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales

Par ailleurs, il convient également d'améliorer sur plusieurs points le dispositif de l'amende forfaitaire.

Tout d'abord, dans la mesure où la procédure de l'amende forfaitaire ne fait pas intervenir un juge, il parait opportun d'abroger l'article 495-23 du code de procédure pénale prévoyant que le paiement de cette amende ou l'émission du titre exécutoire de l'amende majorée sont assimilés à une condamnation définitive pour l'application des règles sur la récidive.

Toutefois, s'agissant des contraventions de cinquième classe et des délits, une inscription des condamnations au bulletin n° 1 du casier judiciaire est indispensable pour donner aux juridictions une connaissance plus complète des antécédents judiciaires de la personne.

Enfin, il semble indispensable d'autonomiser les mesures administratives de rétention et de suspension du permis de conduire, ou d'immobilisation et de mise en fourrière du véhicule, prévues par le code de la route au regard du recours à l'amende forfaitaire.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ÉCARTÉE : TRANSFORMER L'USAGE DE STUPÉFIANTS EN CONTRAVENTION SUSCEPTIBLE D'ÊTRE FORFAITISÉE

Cette option, qui figurait comme alternative proposée par le rapport d'information de la commission des lois constitutionnelle, de la législation et de l'administration générale de la République de l'Assemblée nationale dont les conclusions ont été rendues le 25 janvier 2018, a été écartée pour plusieurs raisons :

- Une telle option exigerait probablement de distinguer le cannabis d'autres drogues dites « dures », et donc de créer plusieurs infractions différentes, ce qui apparaît contraire à l'objectif de simplification ambitionné par la réforme.

- La transformation du délit en contravention emporterait des conséquences procédurales significatives en matière de prescription, de techniques d'enquête, de poursuites, de jugement et de sanctions. Si elle permet toujours le recours au contrôle et à la vérification d'identité, la contraventionnalisation exclurait en revanche la garde-à-vue, la fouille à corps et la perquisition du domicile de l'intéressé sans consentement de ce dernier, alors que ces actes d'enquête peuvent, dans certains cas, être utiles pour permettre l'identification des trafiquants.

- L'application d'une telle procédure aux mineurs apparaît discutable.

3.2. OPTION RETENUE : ÉTENDRE LA PROCÉDURE DE L'AMENDE FORFAITAIRE DÉLICTUELLE AU DÉLIT D'USAGE DE STUPÉFIANTS

Compte tenu des inconvénients liés à la contraventionnalisation et de la nécessité de maintenir une répression de nature délictuelle de ces faits, il a été fait le choix de permettre l'application de la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle au délit d'usage de stupéfiants.

Cette procédure, pour rappel, n'est pas applicable aux mineurs.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Trois nouveaux délits pourront désormais relever de la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle :

- La vente, dans les débits de boissons et tous commerces ou lieux publics, ou l'offre à titre gratuit à des mineurs de moins de seize ans des boissons alcooliques à consommer sur place ou à emporter, délit puni de 3750 euros d'amende.

- L'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d'un an d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende.

Pour ces deux délits, l'amende forfaitaire délictuelle sera d'un montant de 300 €. Le montant de l'amende forfaitaire minorée sera de 250 € et le montant de l'amende forfaitaire majorée de 600 €.

- Le fait de se livrer à un transport routier avec une carte de conducteur non conforme ou n'appartenant pas au conducteur l'utilisant, ou sans carte insérée dans le chronotachygraphe du véhicule, délit puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende

Pour ce délit, l'amende forfaitaire délictuelle sera d'un montant de 800 €. Le montant de l'amende forfaitaire minorée sera de 640 € et le montant de l'amende forfaitaire majorée de 1600 €.

Par exception à l'article 495-17 du code de procédure pénale, la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle sera possible y compris en cas de récidive.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Les moyens actuellement dédiés au traitement de ces contentieux peuvent être estimés à près de 15 ETPT magistrats et 36 ETPT de fonctionnaires, principalement en matière d'usage illicite de stupéfiants.

La procédure de forfaitisation est une option et non une obligation. Elle s'inscrira dans le cadre de la politique pénale des parquets qui pourront préciser les conditions dans lesquelles le recours à l'amende forfaitaire devra être privilégié. Ainsi, en matière de stupéfiants, la volonté de donner une orientation sanitaire pourra conduire à privilégier un autre mode de poursuite.

S'il n'est pas possible de prédire le nombre de procédures qui seront orientées en amende forfaitaire délictuelle, notamment pour les usages de stupéfiants, il est permis de considérer qu'une telle réforme allègera significativement la charge des juridictions.

4.3. IMPACTS INFORMATIQUES

L'impact informatique de ces mesures pour le ministère est fort. Les travaux actuels sur la forfaitisation des délits ont déjà envisagé un périmètre de compétence large afin d'intégrer un champ infractionnel plus conséquent. Les développements concernant le casier judiciaire viendront impacter les échanges inter-applicatifs avec le Casier judiciaire national. A l'heure actuelle pas d'impact car la forfaitisation n'est pas inscrite au casier. Des travaux sont sur ce point estimés entre 18 et 24 mois.

Le traitement des antécédents judiciaires n'est actuellement alimenté que par les logiciels de rédaction de la police et de la gendarmerie nationales. Son alimentation lors de la verbalisation selon la procédure de l'amende forfaitaire devra être prévue.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES ADMINISTRATIFS

Si la forfaitisation exige la mise en place des applicatifs techniques nécessaires, elle permettra une verbalisation électronique et simplifiera la tâche des services d'enquête.

5. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur » du code de procédure pénale.

SOUS-SECTION 2 : Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites, à la composition pénale et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Article 38 : Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites, à la composition pénale et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

1.1.1 Présentation des alternatives aux poursuites et de la composition pénale

a) Les alternatives aux poursuites

Ø Textes

Après avoir consacré la mesure de médiation pénale et de réparation directe à l'égard de la victime par la loi n°93-2 du 4 janvier 1993, le législateur a créé les alternatives aux poursuites par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999, régies par l'article 41-1 du code de procédure pénale.

Ainsi, lorsqu'une alternative apparaît susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, directement ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, d'un délégué ou d'un médiateur :

- Procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la loi ;

- Orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ; cette mesure peut consister dans l'accomplissement par l'auteur des faits, à ses frais, d'un stage ;

- Demander à l'auteur des faits de régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements;

- Demander à l'auteur des faits de réparer le dommage résultant de ceux-ci ;

- Faire procéder, à la demande ou avec l'accord de la victime, à une mission de médiation entre l'auteur des faits et la victime ;

- En cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, demander à l'auteur des faits de résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, de s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, de faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique.

La procédure prévue au présent article suspend la prescription de l'action publique.

En cas de non-exécution de la mesure en raison du comportement de l'auteur des faits, le procureur de la République, sauf élément nouveau, met en oeuvre une composition pénale ou engage des poursuites.

Ø Application des textes

Affaires classées suite à la réussite d'une procédure alternative

2012

2013

2014

2015

2016

Réparation mineurs

9 232

9 448

9 808

9 902

10 197

Médiation

15 344

13 745

12 539

10 837

9 799

Injonction thérapeutique

2 756

2 501

2 290

1 903

1 604

Plaignant désintéréssé sur demande du parquet

26 807

25 460

27 018

24 745

27 931

Régularisation sur demande du parquet

95 589

92 888

96 712

93 728

101 189

Rappel à la loi, avertissement

271 860

250 570

260 521

229 892

260 702

Orientation structure sanitaire, sociale ou professionnelle sur demande du parquet

17 289

15 297

14 563

14 541

15 587

Autres poursuites ou sanctions de nature non pénale

113 272

91 935

89 922

83 486

85 137

Source : Exploitation statistique de Cassiopée par Secrétariat général/ Sous-direction de la statistique et des études et Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales

b) La transaction pénale et la composition pénale

Ø Textes

La composition pénale a également été créée par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale dans une perspective de diversification et de simplification des réponses pénales.

Cette procédure régie par l'article 41-2 du code de procédure pénale permet au procureur de la République, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, de proposer une sanction pénale, directement ou par l'intermédiaire d'une personne habilitée, à celui qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, ainsi que, le cas échéant, d'une plusieurs contraventions connexes. La procédure de composition pénale est également applicable aux contraventions, avec des sanctions adaptées.

Lorsque la victime est identifiée, et sauf si l'auteur des faits justifie de la réparation du préjudice commis, le procureur de la République doit également proposer à ce dernier de réparer les dommages causés par l'infraction.

L'article 41-2 liste 18 mesures de composition pénale parmi lesquelles figurent notamment le versement d'une amende, la réalisation de différents stages, l'interdiction de paraître dans le ou les lieux dans lesquels l'infraction a été commise à l'exception des lieux dans lesquels la personne réside habituellement, la réalisation d'un travail non rémunéré ou encore l'injonction thérapeutique.

Lorsque l'auteur des faits donne son accord aux mesures proposées, le procureur de la République saisit par requête le président du tribunal aux fins de validation de la composition pénale. Le président du tribunal peut procéder à l'audition de l'auteur des faits et de la victime, assistés, le cas échéant, de leur avocat.

Si ce magistrat rend une ordonnance validant la composition, les mesures décidées sont mises à exécution. Dans le cas contraire, la proposition devient caduque.

Si la personne n'accepte pas la composition pénale ou si, après avoir donné son accord, elle n'exécute pas intégralement les mesures décidées, le procureur de la République doit, sauf élément nouveau, mettre en oeuvre l'action publique.

L'exécution de la composition pénale éteint l'action publique. Les compositions pénales exécutées sont inscrites au bulletin n° 1 du casier judiciaire.

Cette procédure est applicable aux mineurs âgés d'au moins treize ans, selon les modalités prévues par l'article 7-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

La transaction pénale, créée par la loi n°2014-896 du 15 août 2014 et régie par l'article 41-1-1 du code de procédure pénale permet à l'officier de police judiciaire, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement et sur autorisation du procureur de la République, transiger avec les personnes physiques et les personnes morales sur la poursuite :

- des contraventions prévues par le code pénal, à l'exception des contraventions des quatre premières classes pour lesquelles l'action publique est éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire en application de l'article 529 ;

- des délits prévus par le code pénal et punis d'une peine d'amende ou d'un an d'emprisonnement au plus, à l'exception du délit d'outrage ;

- du délit de vol lorsque la valeur de la chose volée est inférieure ou égale à 300 € ;

- du délit d'usage de stupéfiants ;

- de certains délits spéciaux.

L''officier de police judiciaire peut soumettre l'auteur de l'infraction, compte tenu de ses ressources et de ses charges, à l'obligation de consigner une somme d'argent, en vue de garantir le paiement d'une amende ne pouvant excéder le tiers du montant de l'amende encourue, outre une obligation éventuelle de réparer le dommage.

La transaction pénale est homologuée par un juge, après audition éventuelle de la personne assistée, le cas échéant, par son avocat.

L'action publique est éteinte lorsque l'auteur de l'infraction a exécuté dans les délais impartis l'intégralité des obligations résultant pour lui de l'acceptation de la transaction.

En cas de non-exécution de l'intégralité des obligations dans les délais impartis ou de refus d'homologation, le procureur de la République, sauf élément nouveau, met en oeuvre des alternatives aux poursuites, une composition pénale, ou engage des poursuites.

Dans un arrêt du 24 mai 2017, le Conseil d'État a annulé le décret du 13 octobre 2015 en ses dispositions d'application de la transaction pénale en raison d'une violation du droit au procès équitable garanti par l'article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aucune disposition ne prévoyant que la personne qui se voit proposer une transaction soit dûment informée des faits qui lui sont reprochés et de leur qualification juridique.

Ø Application des textes

La procédure de composition pénale est très utilisée. Chaque année, 70 000 affaires sont classées suite à la réussite d'une composition pénale.

2012

2013

2014

2015

2016

Composition pénale

75 730

73 788

70 964

67 186

67 998

Source : Exploitation statistique de Cassiopée par Secrétariat général/ Sous-direction de la statistique et des études et Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales

1.1.2 Présentation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

Ø Textes

Instituée par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est régie par les articles 495-7 et suivants du code de procédure pénale.

La circulaire de présentation du 2 septembre 2004 (circulaire n° 2004-12 2 sept. 2004) exposait que « Cette nouvelle procédure vise, de même que la procédure de composition pénale, à alléger les audiences correctionnelles, à diminuer les délais de jugement et à conduire au prononcé de peines mieux adaptées et plus efficaces car acceptées par l'auteur du délit. (...) Toutefois, à la différence de ce que permet la composition pénale, cette procédure permet le prononcé d'une véritable peine, ce qui implique qu'il y soit recouru pour des faits d'une plus grande gravité, et justifie des garanties judiciaires de forme et de fond plus importantes, notamment l'assistance obligatoire par un avocat . »

Domaine

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est applicable à toutes les personnes physiques à l'exception des mineurs.

A l'origine, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité était applicable à tous les délits punis à titre principal d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans à l'exception des délits de presse, des délits d'homicides involontaires, des délits politiques et des délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale.

Compte tenu du succès de cette procédure, la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 a étendu cette procédure à l'ensemble de la matière délictuelle, exception faite des dispositions déjà existantes de l'article 495-16, des délits d'atteintes volontaires et involontaires à l'intégrité des personnes et d'agressions sexuelles prévus aux articles 222-9 à 222-31-2 9 du code pénal lorsqu'ils sont punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à cinq ans.

Procédure

La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité peut schématiquement se décomposer en deux temps : la phase de proposition par le parquet et celle d'homologation par le juge du siège.

• Phase de proposition

Aux termes de l'article 495-7 du code de procédure pénale, le procureur peut, à l'issue de l'enquête, déclencher la procédure soit d'office, soit à la demande de l'intéressé ou de son avocat.

La loi du 13 décembre 2011 a par ailleurs prévu la possibilité de recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité à l'issue d'une information judiciaire, là où celle-ci n'était jusqu'alors possible qu'après une enquête préliminaire ou de flagrance. Les modalités propres à l'instruction sont régies par l'article 180-1 du code de procédure pénale. La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité suppose notamment l'accord de l'ensemble des parties, y compris de la partie civile.

Le procureur de la République peut proposer à la personne d'exécuter une ou plusieurs des peines principales ou complémentaires encourues, dans le respect du principe d'individualisation des peines.

Lorsqu'est proposée une peine d'emprisonnement, sa durée ne peut être supérieure à un an ni excéder la moitié de la peine d'emprisonnement encourue. Le sursis total ou partiel est possible. Elle peut être assortie d'un sursis en tout ou partie, d'un aménagement.

Si c'est un emprisonnement ferme, le procureur doit en préciser les modalités d'application: soit une mise à exécution immédiate, soit une convocation future devant le juge de l'application des peines qui déterminera les conditions d'exécution.

Lorsqu'est proposée une peine d'amende, son montant ne peut être supérieur à celui de l'amende encourue. Elle peut être assortie du sursis.

Les déclarations par lesquelles la personne reconnaît les faits sont recueillies. La proposition de peine est ensuite faite par le procureur de la République à la personne en présence de son avocat. Elle peut demander à disposer d'un délai de dix jours avant de faire connaître si elle accepte ou si elle refuse la ou les peines proposées.

La personne doit être assistée d'un avocat en application de l'article 495-8 du code de procédure pénale et ne peut pas y renoncer.

• Phase d'homologation

En application de l'article 495-9 du code de procédure pénale, la personne qui accepte la ou les peines proposées est aussitôt présentée devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué, saisi par le procureur de la République d'une requête en homologation.

Le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui entend la personne et son avocat. Après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, il peut décider d'homologuer les peines proposées par le procureur de la République. Il statue le jour même par ordonnance motivée.

L'audience est publique.

Aux termes de l'article 495-11 du même code, l'ordonnance a les effets d'un jugement de condamnation. Elle est immédiatement exécutoire et susceptible d'appel.

Lorsque la victime de l'infraction est identifiée, elle est informée sans délai, par tout moyen, de cette procédure, et de la date d'audience d'homologation pour se constituer partie civile et demander réparation de son préjudice.

La mise en oeuvre de la procédure prévue par la présente section n'interdit pas au procureur de la République de procéder simultanément à une convocation en justice. La saisine du tribunal résultant de cette convocation en justice est caduque si la personne accepte la ou les peines proposées et que celles-ci font l'objet d'une ordonnance d'homologation. Ces dispositions permettent d'éviter toute inertie procédurale et d'anticiper le jugement devant le Tribunal correctionnel en cas d'échec.

Ø Application des textes

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité représente une part croissante de la réponse pénale.

En 2014, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité représente 12 % des condamnations correctionnelles (jugements, ordonnances pénales et compositions pénales) et 24 % des procédures simplifiées (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ordonnances pénales et compositions pénales), cette proportion variant fortement selon les juridictions (entre 0 et 55 %).

Condamnations délictuelles prononcées par les juridictions pour majeurs (hors composition pénale et ordonnance pénale) :

2012

2013

2014

2015

2016*

Condamnations

388 669

378 785

356 808

355 833

361 982

dont comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

64 662

65 931

64 318

69 737

76 066

Source : Exploitation statistique du Casier judiciaire national par Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales

*2016 : données provisoires.

Pour les années plus récentes, on enregistre une nouvelle hausse sensible dans l'utilisation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité qui approche 70 000 condamnations en 2015 et les 75 000 en 2016.

Un auteur sur deux condamnés en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité en 2016 l'est pour une infraction à la circulation routière. Les infractions relatives aux stupéfiants constituent le second grand bloc de contentieux et représentent près de 10 000 auteurs.

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité échoue environ une fois sur cinq. Le taux d'échec de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est de 23 % et concerne 22 750 individus. Ces 22 750 auteurs, ayant connu un échec de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, font dans 90 % des cas l'objet d'une poursuite classique (convocation par officier de police judiciaire ou citation directe) et in fine seront jugés au tribunal correctionnel statuant en juge unique pour 15 600 d'entre eux et en formation collégiale pour les 4 950 autres. Parmi ces quelques 20 600 auteurs, 670 (3 %) feront l'objet d'une relaxe. 410 auteurs se voient poursuivis par la voie de l'ordonnance pénale tandis que 1 700 échappent à une poursuite pénale et bénéficient du classement de leur affaire.

Le taux d'échec de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité apparaît plus faible (15 %) pour les infractions au code de la route et celles aux stupéfiants autres que le simple usage, alors qu'il est supérieur à 20 % pour les autres types de contentieux et atteint 31 % pour les vols et escroqueries simples.

Les infractions routières sont massivement réorientées vers un juge unique, tandis que celles de détention et d'acquisition non autorisée de stupéfiants le sont systématiquement vers une juridiction collégiale ainsi que la loi l'impose.

Enfin, la possibilité offerte au prévenu de demander un délai de réflexion avant de se prononcer sur la proposition du procureur est, dans la pratique, utilisée seulement dans moins de 5 % des cas.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

1.2.1 Les mesures de transaction

Le Conseil constitutionnel s'est tout d'abord prononcé dans sa décision n° 95-360 DC du 2 février 1995 sur la mesure d'injonction pénale, souvent présentée comme l'ancêtre dans la composition pénale. Cette procédure, créée par la loi relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, permettait au procureur de la République de faire une injonction consistant dans l'exécution de certaines obligations à une personne majeure contre laquelle les éléments d'une enquête sont de nature à motiver l'exercice de poursuites pour une ou plusieurs infractions listées par la loi, dans l'hypothèse où les faits ont été reconnus.

Les obligations visées étaient notamment, à l'image de la composition pénale actuelle, le versement au Trésor public d'une certaine somme, la participation à une activité non rémunérée des mesures de réparation du préjudice causé à la victime ; la remise à l'État de la chose qui a servi à l'infraction ou était destinée à la commettre ou de la chose qui en est le produit.

Or, le Conseil constitutionnel a censuré cette procédure pour les motifs suivants :

« 5. Considérant qu'en vertu de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ; qu'en vertu de l'article 66 de la Constitution, l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle ; que le principe du respect des droits de la défense constitue un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République réaffirmés par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le Préambule de la Constitution de 1958 ; qu'il implique, notamment en matière pénale, l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ; qu'en matière de délits et de crimes, la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement concourt à la sauvegarde de la liberté individuelle ;

6. Considérant que certaines mesures susceptibles de faire l'objet d'une injonction pénale peuvent être de nature à porter atteinte à la liberté individuelle ; que dans le cas où elles sont prononcées par un tribunal, elles constituent des sanctions pénales ; que le prononcé et l'exécution de telles mesures, même avec l'accord de la personne susceptible d'être pénalement poursuivie, ne peuvent, s'agissant de la répression de délits de droit commun, intervenir à la seule diligence d'une autorité chargée de l'action publique mais requièrent la décision d'une autorité de jugement conformément aux exigences constitutionnelles ci-dessus rappelées ;

7. Considérant que, dès lors, l'article 35 de la loi déférée doit être regardé comme contraire à la Constitution ; ».

Le Conseil constitutionnel a par la suite développé sa jurisprudence, notamment dans une décision n°2014-416 QPC du 26 septembre 2014, Association France Nature Environnement en jugeant conforme à la Constitution la transaction pénale en matière environnementale homologuée par le procureur de la République : « Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées organisent une procédure de transaction qui suppose l'accord libre et non équivoque, avec l'assistance éventuelle de son avocat, de l'auteur des faits ; qu'en outre la transaction homologuée ne présente, en elle-même, aucun caractère exécutoire et n'entraîne aucune privation ou restriction des droits de l'intéressé; qu'elle doit être exécutée volontairement par ce dernier ; que, par suite, les mesures fixées dans la transaction ne revêtent pas le caractère de sanctions ayant le caractère d'une punition ; qu'il appartient au pouvoir réglementaire de préciser, sous le contrôle du juge, les règles de procédure transactionnelle ; (...) Considérant, en deuxième lieu, qu'en confiant au ministère public le pouvoir d'homologuer une procédure dont l'exécution volontaire par l'auteur de l'infraction a pour seul effet d'éteindre l'action publique, les dispositions contestées ne portent aucune atteinte aux exigences qui résultent de l'article 16 de la Déclaration de 1789 » . 131 ( * )

Dans sa décision n° 2016-569 QPC du 23 septembre 2016 relative à la procédure de transaction pénale prévue par l'article 41-1-1 du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel a d'une part émis une réserve d'interprétation concernant la nécessité d'informer la personne de son droit à être assistée de son avocat avant d'accepter la proposition qui lui est faite, et d'autre part censuré pour incompétence négative du législateur une partie du texte 132 ( * ) .

1.2.2 La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité a été très précisément examinée et validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 sous la réserve que le président du tribunal de grande instance puisse refuser d'homologuer la peine proposée. Seule la disposition prévoyant à l'époque que l'audience d'homologation se tenait à huis clos a été censurée sur le fondement du principe de publicité. 133 ( * )

Dans sa décision DC n° 2011-641 du 8 décembre 2011, le Conseil constitutionnel a validé les dispositions de la loi visant notamment à étendre cette procédure à de nouveaux délits, avec la même réserve d'interprétation relative à l'homologation par le juge du siège.

Enfin, le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 2010-77 du 10 décembre 2010, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 495-15-1 du code de procédure pénale issu de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, a déclaré cet article conforme à la Constitution.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La Cour européenne des droits de l'homme a pu trouver l'occasion d'examiner une procédure dite de « plaider coupable » dans un arrêt CEDH, 29 avril 2014, n° 9043/05, Natsvlishvili et Togonidze c/ Géorgie. Elle analyse le plaider coupable comme une forme de renonciation à certains droits procéduraux, qui n'apparaît pas incompatible avec l'article 6 de la convention, ni la lettre ni l'esprit de l'article 6 n'étant de nature à empêcher une personne de renoncer à ces garanties de son plein gré. Elle relève que la transaction est une procédure courante parmi les Etats européens. 134 ( * )

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

D'après les statistiques, la composition pénale et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité connaissent un vif succès. Elles sont le symbole d'une justice modernisée, et d'inspiration transactionnelle. Fondées sur la reconnaissance des faits par l'auteur, elles sont de nature à permettre une réponse pénale plus efficace, plus rapide et plus pédagogique puisque mieux comprise.

Il convient en conséquence :

- d'élargir le champ de ces procédures afin que celles-ci puissent concerner un nombre plus importants d'infractions pénales, l'opportunité d'y recourir étant de la pleine compétence du procureur de la République ;

- de simplifier le formalisme procédural afin de gagner en souplesse et de limiter les échecs procéduraux ;

- de simplifier le panorama général des alternatives aux poursuites en supprimant la transaction par officier de police judiciaire, qui se confond en grande partie avec la composition pénale et n'est que très peu utilisée ;- d'étendre le panel des mesures susceptibles d'être prononcées au titre des alternatives aux poursuites, notamment l'interdiction de paraître.

Ces modifications sont par ailleurs l'occasion, s'agissant de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, de consacrer dans un nouvel article 495-11-1 du code de procédure pénale la jurisprudence du Conseil constitutionnel précisant le rôle du juge chargé d'homologuer la proposition du procureur, et les raisons pour lesquelles il peut refuser cette homologation.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS RELATIVES AUX ALTERNATIVES AUX POURSUITES ET A LA COMPOSITION PÉNALE

L'option prise est celle de l'ajout de l'interdiction de paraître au titre des mesures pouvant être imposées par le procureur de la République.

Une telle mesure est de nature à répondre à un véritable besoin et à favoriser une meilleure gradation de la réponse pénale, puisqu'il pourrait être recouru à cette simple alternative en amont de la composition pénale.

Le procureur de la République pourrait ainsi demander à l'auteur des faits de ne pas paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans un ou plusieurs lieux déterminés dans lesquels l'infraction a été commise ou dans lesquels réside la victime.

Cette définition de l'interdiction de paraître est également étendue à la composition pénale afin de simplifier le droit existant.

3.2. OPTIONS RELATIVES À LA TRANSACTION PÉNALE

3.2.1 Option écartée : Simplifier la procédure existante

Cette option n'a pas été retenue compte tenu du peu de succès de cette procédure auprès des professionnels et de l'existence de la composition pénale.

3.2.2 Option retenue : supprimer la transaction pénale par officier de police judiciaire

L'option retenue a été celle d'une suppression pure et simple du dispositif, dans un souci de meilleure lisibilité des procédures alternatives aux poursuites et de simplification du droit.

Il convient de relever que seule la transaction pénale prévue par le code de procédure pénale est supprimée. Les procédures de transaction existantes dans certains contentieux spécialisés ne sont pas modifiées.

3.3. OPTIONS RELATIVES À LA COMPOSITION PÉNALE

3.3.1 Option écartée : supprimer toute validation par un juge du siège de la composition pénale

L'opportunité d'une suppression pure et simple de la validation du juge du siège a été souhaitée de nombreux professionnels dans une perspective de simplification et d'allègement de la tâche des magistrats.

Toutefois, compte tenu des principes constitutionnels et notamment de la décision du Conseil constitutionnel susmentionnée du 2 février 1995, une telle option a été écartée.

3.3.2 Option retenue : Etendre le champ d'application de cette procédure, supprimer la validation pour certaines mesures et préciser les mesures susceptibles d'être proposées

Deux options ont été retenues afin de favoriser l'extension du champ d'application de la composition pénale :

- supprimer le quantum maximal de 5 ans d'emprisonnement encouru

- étendre cette procédure aux personnes morales, le montant maximal de l'amende de composition pouvant être proposé est alors égal au quintuple de l'amende encourue par les personnes physiques.

Une option a été retenue afin de supprimer l'exigence de validation par le juge du siège pour les mesures dont il est permis de considérer qu'elles ne portent pas atteinte à la liberté individuelle : l'amende de composition pénale et l'obligation de se dessaisir au profit de l'Etat de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou qui en est le produit. Afin de respecter les exigences constitutionnelles précisées en 2014, cette dispense de validation par le juge ne sera applicable qu'aux délits punis d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à trois ans, et l'amende de composition ou la valeur de la chose dont le mis en cause devra se dessaisir ne pourra pas excéder le plafond des amendes contraventionnelles, soit 3000 euros.

3.4. OPTIONS RELATIVES À LA COMPARUTION SUR RECONNAISSANCE PREALABLE DE CULPABILITE

3.4.1 La procédure

Afin de renforcer le contradictoire et d'améliorer les chances de succès de la procédure, la pratique de « négociation » avec le barreau déjà mise en oeuvre dans de nombreux parquets sera consacrée dans le texte sous la forme d'une faculté pour le procureur de la République d'informer par tout moyen la personne ou son avocat des propositions qu'il envisage de formuler avant l'audience.

3.4.2 Les peines

a) Option écartée : supprimer toute limite de peine susceptible d'être prononcée

L'option consistant à ne plus poser d'autre contrainte que celle des quanta encourus pour l'infraction concernée a été écartée, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité étant par essence une procédure négociée impliquant une intervention plus limitée du magistrat du siège et pour laquelle une valorisation de la reconnaissance des faits doit demeurer.

b) Dispositifs retenus : supprimer le plafond d'une année d'emprisonnement et permettre la révocation des sursis

Afin d'encourager un recours plus large à la procédure de comparution préalable de culpabilité, deux options ont été retenues :

- Le procureur de la République pourra désormais proposer une peine d'emprisonnement supérieure à un an. Toutefois, la peine proposée ne pourra pas excéder la moitié de la peine encourue, l'article 495-8 n'étant pas modifié sur ce point.

- Le procureur de la République pourra indiquer que la peine d'emprisonnement proposée révoquera tels ou tels sursis précédemment accordés.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

La réforme suppose trois modifications textuelles aux articles 41-1, 41-2 et 495-8, l'ajout d'un article 41-3-1et l'abrogation de l'article 41-1-1du code de procédure pénale.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Ces modifications simplifieront les traitements des procédures pénales en favorisant le recours aux alternatives, à la composition pénale et à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Il convient de rappeler les données suivantes 135 ( * ) :

- affaires poursuivables : 1 367 166 ;

- compositions pénales réussies : 63 194 (5% des affaires ayant reçu une réponse pénale) ;

- ordonnances d'homologation de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité : 75 055 (14 % des poursuites correctionnelles).

Les dispositions envisagées sont de nature à entraîner des économies d'ETPT, le temps de traitement d'une procédure en juge unique étant plus long que celui d'une procédure de composition pénale ou de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

L'impact des dispositions envisagées, dans la mesure où le recours à l'une ou l'autre de ces procédures n'est pas systématique, dépend de la manière dont les magistrats s'empareront de ces nouvelles dispositions. Le choix de l'orientation relève avant tout d'une décision individuelle, prise  à partir du contexte, de la politique pénale locale et des éléments individuels de l'affaire.

Il peut être fait des estimations à partir d'hypothèses. A titre d'exemple, pour
20 000 affaires traitées, il pourrait être envisagé, en fonction de la procédure utilisée, des économies d'ETPT par rapport à un traitement en juge unique :

- s'agissant des magistrats du siège, - 4 ETPT en cas de recours à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et - 7 ETPT en cas de recours à la composition pénale ;

- s'agissant des magistrats du parquet, - 3 ETPT en cas de recours à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et - 7 ETPT en cas de recours à la composition pénale ;

- s'agissant des fonctionnaires, - 22 ETPT en cas de recours à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et - 26 ETPT en cas de recours à la composition pénale.

4.3. IMPACTS INFORMATIQUES

Une mise à jour du traitement Cassiopée est nécessaire.

L'impact informatique de ces mesures pour le ministère est fort. Ces nouvelles dispositions impliqueront une modification au système de référence justice qui s'accompagnera d'évolutions dans Cassiopée, ainsi que sur les éditions. La proposition de peine par le procureur de la République aurait un impact fort. Les dispositions ont également un impact éditique. L'impact sur le Casier judiciaire national est en revanche relatif (travaux estimés à moins de 2 mois).

Ces travaux pourront être intégrés dans l'une des trois versions annuelles à programmer pour mettre en oeuvre la réforme de simplification de procédure pénale (hors volet exécution des peines), ce qui correspond à un délai prévisionnel d'une année à compter de la stabilisation complète du texte.

4.4. IMPACTS BUDGÉTAIRES

Actuellement, un délégué du procureur de la République peut être désigné pour notifier les mesures proposées et recueillir l'accord de la personne poursuivie, et pour contrôler l'exécution de la composition pénale. Si la transaction pénale suit le même régime que la composition pénale, il y a un risque d'augmentation du montant des indemnités versées aux délégués du procureur.

La tendance est identique s'agissant de l'extension aux personnes morales de la composition pénale et de l'absence d'homologation.

5. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Aux termes de l'article 112-2 du code pénal, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont d'application immédiate.

Ces dispositions seront donc applicables le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel .

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur » du code de procédure pénale (art. 804).

SECTION 2 : DISPOSITIONS RELATIVES AU JUGEMENT

SOUS-SECTION 1 : Dispositions relatives au jugement des délits

Articles 39 et 41 (I et III) : Dispositions relatives au tribunal correctionnel et à la chambre des appels correctionnels

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

1.1.1 Présentation des dispositions applicables au jugement des délits

a) Textes

Conformément à l`article 381 du code de procédure pénale, les délits sont jugés par le tribunal correctionnel connaît des délits. Cet article précise que sont des délits les infractions que la loi punit d'une peine d'emprisonnement ou d'une peine d'amende supérieure ou égale à 3 750 euros.

Il résulte des articles 388 et 390-1 que le tribunal correctionnel peut être saisi des infractions relevant de sa compétence de six manières :

- la comparution volontaire des parties, le cas échéant après un avertissement du parquet prévu par l'article 389 ;

- la citation directe, prévue par l'article 390 ;

- convocation en justice délivrée en pratique par officier ou agent de police judiciaire, prévue par l'article 390-1 ;

- la convocation par procès-verbal prévue par l'article 394 ;

- la comparution immédiate prévue par les articles 395 et suivants ;

- le renvoi ordonné par la juridiction d'instruction, conformément à l'article 179.

Depuis la loi n°2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales, l'article 388-5 prévoit qu'en cas de poursuites par citation prévue à l'article 390 ou convocation prévue à l'article 390-1, les parties ou leur avocat peuvent, avant toute défense au fond ou à tout moment au cours des débats, demander, par conclusions écrites, qu'il soit procédé à tout acte qu'ils estiment nécessaire à la manifestation de la vérité.

Ces conclusions peuvent être adressées avant le début de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par remise au greffe contre récépissé.

S'il estime que tout ou partie des actes demandés sont justifiés et qu'il est possible de les exécuter avant la date de l'audience, le président du tribunal peut, après avis du procureur de la République, en ordonner l'exécution selon les règles applicables au cours de l'enquête préliminaire. Les procès-verbaux ou autres pièces relatant leur exécution sont alors joints au dossier de la procédure et mis à la disposition des parties ou de leur avocat. Si le prévenu ou la victime doivent être à nouveau entendus, ils ont le droit d'être assistés, lors de leur audition, par leur avocat, comme en matière de garde à vue.

Si les actes demandés n'ont pas été ordonnés par le président du tribunal avant l'audience, le tribunal statue sur cette demande et peut commettre par jugement l'un de ses membres ou l'un des juges d'instruction du tribunal. S'il refuse d'ordonner ces actes, le tribunal doit spécialement motiver sa décision. Le tribunal peut statuer sur cette demande sans attendre le jugement sur le fond, par un jugement qui n'est susceptible d'appel qu'en même temps que le jugement sur le fond.

Conformément à l'article 395, la comparution immédiate n'est possible que si le maximum de l'emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à deux ans ou, en cas de délit flagrant, si le maximum de l'emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à six mois.

Dans ce cas, le procureur de la République, lorsqu'il lui apparaît que les charges réunies sont suffisantes et que l'affaire est en l'état d'être jugée, peut, s'il estime que les éléments de l'espèce justifient une comparution immédiate, traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal.

Le prévenu est retenu jusqu'à sa comparution qui doit avoir lieu le jour même ; il est conduit sous escorte devant le tribunal.

L'article 396 prévoit cependant que, si la réunion du tribunal est impossible le jour même et si les éléments de l'espèce lui paraissent exiger une mesure de détention provisoire, le procureur de la République peut traduire le prévenu devant le juge des libertés et de la détention afin que soit prononcée une telle mesure. Si le juge fait droit à cette demande, sa décision saisit le tribunal, devant lequel le prévenu doit comparaître au plus tard le troisième jour ouvrable suivant, à défaut de quoi, il est mis d'office en liberté.

b) Application des textes

Les chiffres présentés dans le tableau ci-dessous comptabilisent l'ensemble des décisions (de culpabilité ou de relaxe) rendues par les tribunaux correctionnels selon le mode de saisine 136 ( * )

Mode de saisine du tribunal correctionnel

Mode saisine du tribunal correctionnel

2012

2013

2014

2015

2016

% 2016

Renvoi par le juge d'instruction ou chambre Instruction

25 791

25 321

23 752

22 409

22 283

4,1%

Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

65 800

66 873

65 021

70 633

75 052

13,8%

Comparution immédiate et comparutions préalables

47 244

46 791

45 376

47 307

49 220

9,0%

Convocation par officier de police judiciaire

195 177

192 516

185 064

186 114

186 145

34,2%

Convocation par procès-verbal du procureur

20 364

21 479

20 655

21 892

21 427

3,9%

Citation directe et convocation par partie poursuivante

52 820

44 540

37 501

30 884

28 688

5,3%

Ordonnances pénales

146 262

146 630

152 189

150 534

157 455

28,9%

Autres : voie procédurale non identifiée

9 034

6 063

4 493

4 308

4 390

0,8%

Ensemble

562 492

550 213

534 051

534 081

544 660

100,0%

Source : Exploitation statistique de Cassiopée par Secrétariat général/ Sous-direction de la statistique et des études et Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales

En pratique, les dispositions relatives au mode de saisine du tribunal posent actuellement deux séries de difficultés qui ont été signalées par les praticiens.

En premier lieu, il arrive parfois que le parquet constate, à l'occasion de poursuites contre un prévenu, que celui-ci fait déjà l'objet d'autres poursuites pour des autres faits, audiencées à d'autres dates devant le tribunal correctionnel. La question se pose alors de savoir s'il est ou non possible de regrouper les procédures à une même audience. Les pratiques à cet égard diffèrent selon les juridictions.

En second lieu, il arrive qu'à l'issue de l'enquête la culpabilité de la personne en cause paraît avérée, et qu'elle pourrait donner lieu à condamnation par le tribunal, mais qu'un jugement selon la procédure de comparution immédiate n'est pas possible parce les résultats de certaines demandes formulées lors de l'enquête ne sont pas encore parvenus aux enquêteurs ou aux procureurs. Dans de telles hypothèses, le parquet, s'il estime indispensable la détention de la personne, notamment en raison du risque de renouvellement ou du risque de fuite, n'a d'autre choix que l'ouverture d'une information, alors qu'aucun acte d'investigation supplémentaire n'est pourtant nécessaire.

1.1.2 Appel devant la chambre des appels correctionnels

a) Textes

L'article 496 prévoit que les jugements rendus en matière correctionnelle peuvent être attaqués par la voie de l'appel, l'appel étant alors porté à la cour d'appel.

Selon l'article 497, la faculté d'appeler appartient :

1° Au prévenu ;

2° A la personne civilement responsable quant aux intérêts civils seulement ;

3° A la partie civile, quant à ses intérêts civils seulement ;

4° Au procureur de la République ;

5° Aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l'action publique ;

6° Au procureur général près la cour d'appel.

En principe, selon conformément à l'article 498, et sous réserve des appels incidents prévus par l'article 505, l'appel est interjeté dans le délai de dix jours à compter du prononcé du jugement contradictoire ou, dans les autres cas, à compter de la signification du jugement.

L'article 502 prévoit que la déclaration d'appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.

Depuis la loi n°2016-731 du 3 juin 2016, cet article précise que la déclaration peut indiquer que l'appel est limité aux peines prononcées, à certaines d'entre elles ou à leurs modalités d'application.

Enfin, l'article 509 pose le principe de l'effet dévolutif de l'appel, en indiquant que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant.

b) Application des textes

Les cadres du parquet nous permettent de connaître le nombre d'appel et le nombre de décisions rendues par les cours d'appel.

Nombre d'affaire dont les cours d'appel ont été saisies et nombre d'arrêts et d'ordonnances rendus :

2012

2013

2014

2015

2016

Nombre d'affaires dont les cours ont été saisies

40 288

37 919

36 779

36 628

37 997

Nombre d'arrêts et d'ordonnances rendus

38 718

36 456

34 835

34 421

35 628

Source : Exploitation statistique des données des Cadres du parquet par Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales

La circulaire du 17 juin 2016 de présentation des dispositions générales de procédure pénale immédiatement applicables de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale a présenté comme suit la modification de l'article 502 évoquée plus haut.

c) Restriction du domaine de l'appel

L'article 502 du code de procédure pénale est complété par l'article 93 de la loi, pour permettre à la personne interjetant appel de sa condamnation de préciser que son recours « est limité aux peines prononcées, à certaines d'entre elles ou à leurs modalités d'application. »

L'intérêt de cette précision est de faciliter les audiencements en appel, le parquet connaissant à l'avance le caractère limité de l'appel et pouvant, en conséquence, prévoir une durée d'audience plus courte et, si possible, un examen plus rapide.

En pratique toutefois, il est apparu que:

- cette limitation de l'appel, parce que facultative, était peu utilisée par les prévenus

- même lorsque le prévenu avait limité son appel sur la peine, la cour d'appel s'estimait parfois tenue d'examiner à nouveau la question de la culpabilité, si à l'audience le prévenu revenait sur cette question, la cour n'étant pas sûre que l'article 509 lui permettait de ne plus mettre cette question en discussion.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Les dispositions dont la modification est envisagée n'ont pas donné lieu à des décisions du Conseil constitutionnel.

Les réformes envisagées doivent cependant respecter le principe de séparation des autorités d'investigation, de poursuite et de jugement.

Il convient à cet égard de rappeler l'interprétation faite par le Conseil d'Etat de ce principe, lors de l'examen de la loi du 27 mai 2014 portant transposition de la directive 2012/13/UE relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales.

Dans son avis du 16 janvier 2014, suivi par le Gouvernement, le Conseil avait indiqué :

« Le projet du Gouvernement prévoit de rendre le procureur de la République compétent pour ordonner, à la demande des parties, avant la réunion de la formation de jugement, la réalisation d'actes judiciaires estimés utiles à la manifestation de la vérité, alors que le tribunal correctionnel a déjà été saisi de l'affaire par voie de citation directe ou par convocation en justice.

Si la procédure pénale reconnaît déjà aux parties au procès le droit de demander des investigations complémentaires, le Conseil d'Etat ne méconnaît pas la légitimité de l'objectif tendant à rendre plus effectif son exercice.

Il a cependant considéré que ces dispositions, que n'impose pas la transposition de la directive du 22 mai 2012, en permettant au procureur de la République d'accomplir des actes judiciaires, fût-ce à la demande de la défense, après la mise en oeuvre de l'action publique portent atteinte à la plénitude de l'office du juge qui, une fois saisi en droit et en fait de la procédure dès la délivrance de la citation ou de la convocation, est seul compétent pour apprécier souverainement toutes les demandes ou conclusions présentées par les parties dont dépend le bien-fondé de l'accusation. L'inutile complexité procédurale de ces dispositions, contraire à la bonne administration de la justice, n'apparaît pas compatible avec le respect du principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement ».

Cela a conduit le législateur à prévoir dans l'article 388-5 du code de procédure pénale qu'en cas de poursuites par citation directe ou par convocation par officier de police judiciaire, toute demande d'acte doit être adressée au président du tribunal, et non comme l'avant-projet de loi le prévoyait, au procureur de la République qui était, de l'avis du Conseil d'Etat, dessaisi de l'enquête et ne pouvait donc plus agir.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

Trois objectifs sont poursuivis.

2.1.1 Création d'une procédure de comparution différée devant le tribunal permettant d'éviter des ouvertures d'instruction inutile

Comme l'indique le rapport de M. Beaume et Natali, l'expérience des juridictions a montré que, très souvent, certaines enquêtes, dans lesquelles les gardes à vue se terminent par un défèrement, sont ouvertes à l'instruction pour la simple raison qu'une mesure de sûreté est opportune alors qu'il ne manque, dans le délai de l'enquête initiale, que la réponse à une réquisition, le résultat écrit d'une expertise, un acte médical non terminé, une audition éloignée toujours en cours, en un mot un acte de pur complément à une enquête globalement achevée. Dans ce cas, l'ouverture d'une information occupe du temps d'instruction (déjà compté) sans bénéficier d'une quelconque plus-value de fond autre que d'attendre le versement de la pièce attendue. En outre, cette ouverture déclenche tout le formalisme chronophage de clôture.

Il est donc proposé qu'une procédure intermédiaire puisse être créée, sous l'égide du parquet, permettant le complément de procédure assorti du prononcé d'une mesure de sûreté en attendant la comparution différée devant le tribunal saisi de l'action publique.

2.1.2 Permettre le regroupement à l'occasion d'une comparution immédiate ou d'une CPPV de toutes procédures précédentes encore en cours (OP, COPJ, comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou CD)

Comme l'indique le rapport de MM Beaume et Natali, cette proposition recueille un assentiment quasi général des institutions nationales entendues comme des juridictions consultées. Celles-ci font du reste valoir que cette mesure est déjà souvent pratiquée sous la forme de comparution volontaire du prévenu.

L'Association française des magistrats instructeurs préconise que les ordonnances de renvoi au tribunal correctionnel puissent faire pareillement l'objet du regroupement.

L'objectif est donc, comme proposé par le rapport, de permettre le regroupement de toutes les procédures en cours contre le même prévenu, tout en laissant un temps raisonnable à la défense pour se préparer au « nouveau » dossier.

2.1.3 Rendre obligatoire par l'appelant la précision concernant l'étendue de son appel

Il apparaît nécessaire de rendre obligatoire l'indication par l'appelant de la portée de son appel, qui ne constitue qu'une faculté depuis la loi de 2016, tout en précisant l'effet d'une éventuelle limitation de l'appel sur la compétence de la cour.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIFS RETENUS

3.1. OPTIONS RELATIVES A LA COMPARUTION DIFFÉRÉE

3.1.1 Option écartée : permettre au parquet de réaliser des nouveaux actes

Il avait été envisagé que la procédure de comparution différée puisse permettre au procureur, après saisine du tribunal, de compléter la procédure en ordonnant des actes d'investigations complémentaires.

Compte tenu de l'avis du Conseil d'Etat du 16 janvier 2014, rappelé plus haut, cette solution n'a pas été retenue.

3.1.2 Option retenue : permettre l'achèvement des actes en cours

La nouvelle procédure aura pour objectif de permettre l'achèvement d'actes déjà ordonnés.

Il est ainsi prévu de permettre au procureur de la République, dans les cas prévus par l'article 395 du code de procédure pénale (donc ceux de la comparution immédiate), s'il existe contre la personne des charges suffisantes pour la faire comparaître devant le tribunal correctionnel, mais que l'affaire n'est pas en état d'être jugée selon la procédure de comparution immédiate parce que n'ont pas encore été obtenus les résultats de réquisitions, d'examens techniques ou médicaux déjà sollicités, de poursuivre le prévenu devant le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution à délai différé.

Le prévenu sera présenté devant le juge des libertés et de la détention qui statuera sur les réquisitions du ministère public aux fins de contrôle judiciaire, d'assignation à résidence avec surveillance électronique ou de détention provisoire, après avoir recueilli les observations éventuelles du prévenu ou de son avocat. Les réquisitions du procureur devront préciser les raisons justifiant le recours à la cette procédure, en indiquant s'il y a lieu les actes en cours dont les résultats sont attendus.

La détention provisoire ne pourra être ordonnée que si la peine d'emprisonnement encourue est égale ou supérieure à trois ans (donc dans les mêmes cas que si une information avait été ouverte). L'ordonnance rendue sera susceptible d'appel dans un délai de dix jours devant la chambre de l'instruction.

L'ordonnance prescrivant le contrôle judiciaire, l'assignation à résidence avec surveillance électronique ou la détention provisoire énoncera les faits retenus et, comme c'est le cas pour la procédure de comparution immédiate, saisira le tribunal. Le prévenu devra comparaître devant le tribunal au plus tard dans un délai de deux mois, à défaut de quoi, il est mis fin d'office au contrôle judiciaire, à l'assignation à résidence avec surveillance électronique ou à la détention provisoire.

Si le prévenu placé sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique se soustrait aux obligations qui lui sont imposées, la révocation de la mesure sera possible, comme c'est le cas en matière de convocation par procès-verbal.

Les procès-verbaux ou autres pièces résultant des réquisitions, examens techniques ou médicaux mentionnés à l'alinéa premier, seront versés au dossier de la procédure dès leur accomplissement et mis à la disposition des parties ou de leur avocat.

Jusqu'à l'audience de jugement, le prévenu ou son avocat pourront demander au président du tribunal la réalisation de tout acte qu'ils estiment nécessaire à la manifestation de la vérité, conformément aux dispositions de l'article 388-5 du code de procédure pénale.

Les dispositions de cet article seront par ailleurs améliorées, pour exiger la convocation de l'avocat au plus tard cinq jours ouvrables avant l'audition, avec un accès au dossier au plus tard quatre jours ouvrables avant cette date, comme c'est actuellement le cas au cours de l'instruction (art. 114 du code de procédure pénale).

Il est prévu que si le prévenu est détenu, la demande pourra être faite au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. Cette déclaration est constatée et datée par le chef de l'établissement pénitentiaire qui la signe, ainsi que le demandeur. Si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l'établissement.

Il est enfin prévu que pour la mise en oeuvre de la procédure de comparution à délai différée, la présentation de la personne devant le procureur de la République prévue par l'article 393, ainsi que sa présentation devant le juge des libertés et de la détention au fin d'une mesure de sûreté pourra intervenir dans un lieu autre que le tribunal si l'état de santé de celle-ci ne permet pas de l'y transporter .

3.2. DISPOSITIFS RETENUES POUR LE REGROUPEMENT DES PROCÉDURES ET LA LIMITATION DE L'APPEL

3.2.1 Option retenue : regroupement des procédures

Il est proposé de prévoir que si le procureur de la République engage des poursuites selon les procédures de convocation par procès-verbal, de comparution immédiate, ou de comparution différée, il pourra décider, de fixer à cette même audience de précédentes poursuites dont la personne fait l'objet pour d'autres délits, à la suite d'une convocation par procès-verbal, par officier de police judiciaire ou en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, d'une citation directe, d'une ordonnance pénale ou d'une ordonnance de renvoi du juge d'instruction.

Hors le cas de la comparution immédiate, cette décision devra intervenir au moins dix jours avant la date de l'audience. Le prévenu et son avocat en seront informés sans délai.

3.2.2 Option retenue : limitation de l'appel

Est retenue la solution consistant à prévoir que la déclaration d'appel devra indiquer si l'appel porte sur la décision sur l'action publique ou sur la décision sur l'action civile ou sur les deux décisions.

Si l'appel concerne la décision sur l'action publique, la déclaration devra indiquer s'il porte sur la décision de culpabilité ou s'il est limité aux peines prononcées, à certaines d'entre elles ou à leurs modalités d'application.

L'effet dévolutif de l'appel s'exercera dans les limites fixées par l'acte d'appel.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

La réforme suppose de modifier les articles 388-5, 393, 393-1, 394, 397-2, 502 et 509 du code de procédure pénale et de créer un nouvel article 397-1-1 sur la comparution différée.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Ces mesures de simplification vont dans le sens d'une limitation de la charge pour les services judiciaires, en évitant la multiplication des audiences correctionnelles concernant un même prévenu, les ouvertures d'informations inutiles et en limitant la durée des audiences d'appel, sans qu'il soit possible d'en chiffrer l'impact.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES PÉNITENTIAIRES

Les modifications seront de nature à diminuer la durée des détentions provisoires en évitant des détentions prononcées au cours des instructions, et en raccourcissant les délais d'audiencement en appel.

4.4. IMPACTS INFORMATIQUES

L'impact pour le ministère de cette mesure est fort. La création de cette nouvelle procédure a un impact applicatif et éditique majeur, concernant tant l'application Cassiopée déployée dans les tribunaux de grande instance que celle en cours de développement pour les cours d'appel. Elle implique la création d'une nouvelle procédure dans Cassiopée, avec des évolutions de la structure centrale de l'applicatif, la modification des écrans, et la création des éditions afférentes. Au moins 8 mois de travail sont à prévoir, et ces travaux doivent être coordonnés avec les autres évolutions de l'application.

5. MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Aux termes de l'article 112-2 du code pénal, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont d'application immédiate.

Ces dispositions seront donc applicables le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel .

Toutefois, un report de trois mois est prévu par le projet de loi concernant l'obligation pour l'appelant de préciser la portée de son appel, car il convient que les justiciables disposent d'un délai suffisant pour connaître cette règle avant de devoir l'appliquer.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur » du code de procédure pénale (art. 804).

Articles 40 et 41 (II) : Dispositions relatives à la compétence du juge unique et à l'ordonnance pénale

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

1.1.1 La procédure de jugement à juge unique

La formation du tribunal correctionnel statuant à juge unique a été créée par la loi n° 72-1226 du 29 décembre 1972 dans un souci de simplification et d'efficacité de la justice pénale.

La loi du 8 février 1995 a considérablement élargi la compétence du juge unique en matière délictuelle tout en rendant cette compétence obligatoire. Plus de 592 délits différents - contre 175 en application des anciennes dispositions - ont été attribués à la formation statuant à juge unique, constituant alors près de la moitié des affaires jugées chaque année par les tribunaux correctionnels. Parmi les critères d'inclusion de certains délits dans le champ du juge unique, le législateur a retenu le maximum de peine encourue de cinq ans d'emprisonnement.

Par la suite, l'article 398-1 a été modifié à seize reprises par différentes lois, notamment la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, puis la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.

L'évolution s'est réalisée dans le sens de l'élargissement du domaine du jugement à juge unique ainsi que le démontrent les données chiffrées ci-dessous.

Estimation du volume des décisions relevant du champ infractionnel « Juge unique » :

Est présenté ci-suit le nombre de décisions (condamnations et compositions pénales) inscrites au casier judiciaire national, visant au moins une infraction du champ infractionnel « juge unique » (article 398-1 du code de procédure pénale), sans qu'une infraction également visée n'empêche cette orientation (article 398-1, alinéa 2).

Graphique 1 : Décisions correctionnelles (y compris ordonnances pénales, compositions pénales et comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité). Evolution des champs infractionnels Juge unique (JU) et Collégiale (Coll).

Source : Exploitation statistique du Casier judiciaire national par Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales (données 2016 provisoires)

Nota Bene : les années 2001 à 2003, impactées par l'amnistie ne figurent pas sur ce graphique

En 2016, 424 583 décisions inscrites au Casier judiciaire concernaient des infractions relevant de la compétence exclusive du juge unique, soit près de 78% du total des décisions prononcées.

Au cours de la période 1995-2016, le graphique 1 montre l'importante évolution du champ juge unique et la diminution simultanée du champ collégial. Sur la période, des lois successives sont venues étendre le champ des contentieux éligibles au juge unique, mais ces extensions n'ont que rarement concerné des contentieux massifs.

Seule l'extension en 2002 à l'ensemble des délits n'encourant pas de peine de prison a pu avoir un effet quantitatif sensible. L'effet de cet élargissement par transfert de compétence est cependant négligeable par rapport à l'accroissement sensible du contentieux routier au milieu des années 2000.

Ainsi, entre 2000 et 2013, le champ juge unique s'est accru de près de 200 000 décisions, quand le champ collégial n'en perdait qu'environ 13 000.

A la fin des années 1990, le champ JU couvrait 60% de l'ensemble des condamnations. Ce taux atteint 73% en 2005 et approche les 80% depuis 2007.

L'actuel article 398-1 du Code de procédure pénale prévoit aujourd'hui que le tribunal correctionnel statuant à juge unique est compétent pour les infractions suivantes :

« 1° Les délits en matière de chèques prévus aux articles L. 163-2 et L. 163-7 du code monétaire et financier ;

« 2° Les délits prévus par le code de la route ainsi que, lorsqu'ils sont commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule, par les articles 222-19-1, 222-20-1, 223-1 et 434-10 du code pénal ;

« 3° Les délits en matière de réglementations relatives aux transports prévus aux quatre premières parties du code des transports ;

« 4° Les délits de port ou transport d'armes de la catégorie D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d'Etat prévus par l'article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure ;

« 5° Les délits prévus aux articles 222-11, 222-12 (1° à 15°), 222-13 (1° à 15°), 222-16, 222-17, 222-18, 222-32, 226-4, 226-4-1, 227-3 à 227-11, 311-3, 311-4 (1° à 11°), 313-5, 314-5, 314-6, 321-1, 322-1 à 322-4-1, 322-12, 322-13, 322-14, 431-22 à 431-24, 433-3 (premier à troisième alinéas), 433-5, 433-6 à 433-7, 433-8 (premier alinéa), 433-10 (premier alinéa), 434-23 (premier et troisième alinéas), 434-41, 434-42, 441-3 (premier alinéa), 441-6, 441-7, 446-1, 446-2 et 521-1 du code pénal, L. 3421-1 (premier alinéa) du code de la santé publique et 60 bis du code des douanes ;

« 6° Les délits prévus par le code de l'environnement en matière de chasse, de pêche en eau douce, de pêche maritime, de protection de la faune et de la flore, ainsi que par le titre VIII du livre V du même code ;

« 7° Les délits prévus par le code forestier et par le code de l'urbanisme pour la protection des bois et forêts ;

« 7° bis Le délit prévu par l'article L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation ;

« 8° Les délits pour lesquels une peine d'emprisonnement n'est pas encourue, à l'exception des délits de presse ;

« 9° Les délits prévus par le code rural et de la pêche maritime en matière de garde et de circulation des animaux ;

« 10° Les délits prévus aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu'ils sont commis au moyen d'un service de communication au public en ligne ;

« 11° Les infractions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 152-1 du code de la construction et de l'habitation. »

Toutefois, la formation collégiale est seule compétente lorsque le prévenu est en état de détention provisoire lors de sa comparution à l'audience ou lorsqu'il est poursuivi selon la procédure de comparution immédiate.

Par ailleurs, il résulte de l'article 398-2 du code de procédure pénale que le tribunal correctionnel statuant à juge unique ne peut prononcer une peine supérieure à cinq ans d'emprisonnement.

1.1.2 L'ordonnance pénale

L'ordonnance pénale a été créée en matière contraventionnelle par la loi n° 72-5 du 3 janvier 1972.

a) Champ d'application

Son champ d'application, initialement limité aux contraventions, a été élargi à la matière délictuelle par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice qui a étendu cette procédure aux délits prévus par le code de la route.

La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice à l'évolution de la criminalité, la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance loi n°2009-1311 du 28 octobre 2009 relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet, loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement ont étendu progressivement le champ de l'ordonnance pénale à de nouveaux délits.

De façon plus significative, la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles a considérablement élargi le domaine de l'ordonnance pénale.

Aux termes de l'article 495 du code de procédure pénale, le recours à cette procédure simplifiée est aujourd'hui possible pour les délits suivants, dont certains relèvent aussi du juge unique et les contraventions connexes :

« 1° Le délit de vol prévu à l'article 311-3 du code pénal ainsi que le recel de ce délit prévu à l'article 321-1 du même code ;

« 2° Le délit de filouterie prévu à l'article 313-5 du même code ;

« 3° Les délits de détournement de gage ou d'objet saisi prévus aux articles 314-5 et 314-6 du même code ;

« 4° Les délits de destructions, dégradations et détériorations d'un bien privé ou public prévus à l'article 322-1 et aux premier alinéa et 2° de l'article 322-2 du même code ;

« 5° Le délit de fuite prévu à l'article 434-10 du même code, lorsqu'il est commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule ;

« 6° Le délit de vente à la sauvette prévu aux articles 446-1 et 446-2 du même code ;

« 7° Les délits prévus par le code de la route ;

« 8° Les délits en matière de réglementations relatives aux transports terrestres ;

« 9° Les délits prévus au titre IV du livre IV du code de commerce pour lesquels une peine d'emprisonnement n'est pas encourue ;

« 10° Le délit d'usage de produits stupéfiants prévu au premier alinéa de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique ;

« 11° Le délit d'occupation des espaces communs ou des toits des immeubles collectifs d'habitation prévu à l'article L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation ;

« 12° Les délits de contrefaçon prévus aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle , lorsqu'ils sont commis au moyen d'un service de communication au public en ligne ;

« 13° Les délits en matière de chèques prévus aux articles L. 163-2 et L. 163-7 du code monétaire et financier ;

« 14° Les délits de port ou transport d'armes de la catégorie D figurant sur une liste fixée par un décret en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure. »

Toutefois, la procédure de l'ordonnance pénale n'est pas applicable dans les hypothèses suivantes :

- lorsque le prévenu est mineur ;

- lorsque la victime a fait citer directement le prévenu devant le tribunal correctionnel ;

- lorsque le délit a été commis en même temps qu'un autre délit ou une contravention ne pouvant relever de cette procédure ;

-lorsque les faits ont été commis en état de récidive légale.

La procédure d'ordonnance pénale présente comme caractéristique principale d'être écrite et non contradictoire.

Il résulte en effet de l'article 495-1 du code de procédure pénale que le procureur de la République, lorsqu'il choisit la procédure simplifiée, communique au président du tribunal le dossier de la poursuite et ses réquisitions. Le président statue alors sans débat contradictoire par ordonnance pénale portant relaxe ou condamnation.

b) Garanties procédurales

L'avantage d'une telle procédure est sa simplicité et sa rapidité. Toutefois, compte tenu de l'absence de contradictoire, elle s'accompagne nécessairement de nombreuses garanties visant à assurer le respect d'une procédure équitable et le principe des droits de la défense.

Ø Garanties au stade de la décision

Sur les faits : le recours à la procédure de l'ordonnance pénale suppose qu'il résulte de l'enquête que les faits sont simples et établis.

Sur la personnalité du prévenu : les renseignements concernant la personnalité, les charges et les ressources du prévenu doivent être suffisants pour permettre la détermination de la peine. Cette exigence se fait naturellement l'écho du principe général d'individualisation des peines prévu par l'article 132-1 du code pénal.

Sur la nature et le quantum de la peine susceptibles d'être prononcées : le juge peut prononcer une peine d'amende ne pouvant excéder 5000 euros, et, les cas échéant, une ou plusieurs peines complémentaires pouvant être également prononcées à titre principal. Par conséquent, les peines d'emprisonnement sont exclues.

Sur le pouvoir d'appréciation du juge : le juge peut relaxer le prévenu ou renvoyer le dossier au parquet s'il estime qu'un débat contradictoire est utile ou qu'une peine d'emprisonnement doit être prononcée.

Sur la préservation de la place de la victime : la victime peut former une demande de réparation au cours de l'enquête de police, le juge statuant alors sur cette demande dans de l'ordonnance pénale, sauf s'il ne peut pas statuer. Dans cette hypothèse, il renvoie le dossier au parquet aux fins de saisine du tribunal sur intérêts civils.

Ø Garanties postérieures au prononcé de la décision

Modalités de la notification de l'ordonnance pénale : l'ordonnance est notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception mais peut également être portée à la connaissance du prévenu par le procureur de la République, soit directement, soit par l'intermédiaire d'une personne habilitée.

Le droit d'opposition : le parquet dispose de la faculté de faire opposition dans un délai de 10 jours ou de poursuivre l'exécution de l'ordonnance pénale. Dans cette hypothèse, le prévenu dispose d'un délai de 45 jours pour former opposition, ce qui aura pour effet de renvoyer l'affaire devant le tribunal correctionnel pour un débat contradictoire et public.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

1.2.1 Cadre relatif au jugement correctionnel à juge unique

Le principe de la collégialité n'a pas valeur constitutionnelle. Rien n'interdit par conséquent au législateur de prévoir que le jugement de certaines infractions s'effectue à juge unique, sous réserve de respecter par ailleurs les grands principes constitutionnels appliqués à la matière pénale.

C'est ainsi en constatant la violation du principe d'égalité devant la loi que le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution dans sa décision n°75-56 DC du 23 juillet 1975 les dispositions de la loi du 29 décembre 1972 prévoyant la compétence facultative du juge unique pour un certain nombre de délits. 137 ( * )

Le Conseil constitutionnel n'a pas censuré la procédure en elle-même mais la faculté donnée au président d'une juridiction d'orienter lui-même, de façon discrétionnaire, le jugement de certains faits devant la composition collégiale ou à juge unique.

1.2.2 Cadre relatif à l'ordonnance pénale

La procédure de l'ordonnance pénale a été validée par le Conseil constitutionnel lors de la création de cette procédure, dans sa décision 2002-461 DC du 29 août 2002. Il rejette notamment le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité devant la loi en rappelant sa jurisprudence habituelle :

« Considérant que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable; ».

La décision détaille ensuite l'ensemble des garanties prévues par la procédure de l'ordonnance pénale, lesquelles assurent de façon suffisante l'existence d'un procès juste et équitable.

Cette analyse a été renouvelée dans la décision n° 2009-590 DC du 22 octobre 2009 sur la loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet, validant donc l'extension du champ d'application de l'ordonnance pénale à de nouveaux délits. 138 ( * )

Le Conseil constitutionnel a seulement censuré le deuxième alinéa de l'article 495-6-1 du code de procédure pénale en raison de l'incompétence négative du législateur, qui n'avait pas suffisamment précisé les effets de l'éventuelle opposition de la victime, et n'a pas garanti le droit du prévenu de limiter son opposition aux seules dispositions civiles de l'ordonnance pénale ou à ses seules dispositions pénales.

Enfin, les extensions du domaine de l'ordonnance pénale opérées par la loi du 5 mars 2007 n'ont pas fait l'objet de réserves de la part du Conseil dans sa décision du 2007-553 DC du 3 mars 2007.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La Convention européenne des droits de l'homme n'interdit en rien le recours à de telles procédures, ainsi que le rappelle la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 14 mars 2011 : « Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, aucune disposition de la Convention européenne des droits de l'homme n'interdit à un tribunal de statuer, comme en l'espèce, en application de l'article 398, alinéa 3, du Code de procédure pénale, dans la composition d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président ; »

Le protocole n°14 de la convention a introduit, dans un contexte de surcharge d'activité, une procédure à juge unique permettant de statuer sur la recevabilité des requêtes devant la Cour européenne des droits de l'homme.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

Si la procédure à juge unique et les procédures simplifiées ont pu être critiquées comme portant atteinte à la collégialité voire au contradictoire de la procédure pénale, il n'est plus contesté qu'elles contribuent grandement à l'allègement des procédures et à l'amélioration des délais de la justice pénale, ainsi que le démontrent les éléments chiffrés ci-dessous, ce qui justifie l'objectif du Gouvernement d'étendre le champ de ces procédures.

2.1.1 La procédure de jugement à juge unique

c) Estimation du strict champ de compétence du juge unique

Le graphique 2 présente l'évolution du strict champ « tribunal correctionnel », c'est-à-dire en tenant compte de tous ces éléments.

En 2016, 154 365 condamnations auraient ainsi été prononcées par le tribunal correctionnel dans sa formation juge unique et 109 796 dans sa formation collégiale. Le juge unique représentait donc environ 58% du total. Ce taux a connu des variations importantes sur la période, il croît de manière sensible entre 1997 et 2004 (+8 points), demeure stable au-dessus de 62% pendant 8 ans et diminue régulièrement au cours de la période suivante.

Graphique 2 : Evolution des condamnations prononcées par le tribunal correctionnel selon sa formation.

Source : Exploitation statistique du Casier judiciaire national par Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales (données 2016 provisoires)

d) La structure du contentieux relevant de la compétence exclusive du juge unique

Les délits routiers représentaient près de 2 condamnations en juge unique sur 3 au début de la période, une sur deux en 2000 et moins de 36% en 2016. Près de 120 000 affaires de cette nature étaient jugées par le JU en 2000, contre 54 000 en 2016.

Graphique 3. Evolution de la structure des contentieux jugés par un juge unique

Source : Exploitation statistique du Casier judiciaire national par Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales (données 2016 provisoires)

Les autres contentieux sont progressivement devenus dominants, notamment à partir du développement des procédures sans audience initialement réservées au contentieux routier, puis à cause de la suppression de la limitation du champ du juge unique aux délits encourant 5 ans ou moins en 2005.

En 2016, les atteintes à la personne représentent 28% des condamnations en juge unique, les atteintes aux biens, 22%.

Tableau 1. Répartition des contentieux selon la procédure identifiée par le casier judiciaire national, année 2016

Coll

%

JU

%

CRPC

%

Simplifiée

%

ensemble

%

atteintes à la personne

25 367

23,1%

42 921

27,8%

9 243

12,2%

6 903

3,4%

84 434

16%

%

30%

51%

11%

8%

100%

atteintes aux biens

36 560

33,3%

34 615

22,4%

11 735

15,4%

11 754

5,8%

94 664

17%

%

39%

37%

12%

12%

100%

Ordre adm.et judiciaire

4 941

4,5%

11 141

7,2%

3 591

4,7%

2 342

1,1%

22 015

4%

%

22%

51%

16%

11%

100%

Délinquance éco-fi

10 809

9,8%

3 279

2,1%

3 527

4,6%

4 622

2,3%

22 237

4%

%

49%

15%

16%

21%

100%

Stupéfiants

21 639

19,7%

5 467

3,5%

9 939

13,1%

29 280

14,4%

66 325

12%

%

33%

8%

15%

44%

100%

Circulation routière

4 882

4,4%

54 284

35,2%

36 572

48,1%

141 345

69,3%

237 083

44%

%

2%

23%

15%

60%

100%

Autres

5 598

5,1%

2 658

1,7%

1 459

1,9%

7 754

3,8%

17 469

3%

%

32%

15%

8%

44%

100%

ensemble

109 796

100%

154 365

100%

76 066

100%

204 000

100%

544 227

100%

%

20%

28%

14%

37%

100%

Source : Exploitation statistique du Casier judiciaire national par Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales (données 2016 provisoires)

Le succès chiffré de la procédure d'ordonnance pénale est également manifeste : le recours à cette procédure ne cesse de s'accroitre et le taux d'opposition est particulièrement faible.

En effet, en 2016, 163 904 personnes ont fait l'objet d'une ordonnance pénale. Parmi celles-ci, seules 5 369 ordonnances ont fait l'objet d'une opposition, soit 3,3% des ordonnances pénales.

2.1.2 L'ordonnance pénale

Ordonnances pénales et ordonnances pénales ayant fait l'objet d'une opposition :

2014

2015

2016

Ordonnance pénale devant le tribunal correctionnel

141 668

155 827

163 904

Dont ordonnances pénales ayant fait l'objet d'une opposition

4 960

5 211

5 369

Taux d'ordonnances pénales ayant fait l'objet d'une opposition

3,5%

3,3%

3,3%

Ordonnances pénales et ordonnances pénales ayant fait l'objet d'une opposition par nature d'affaire à l'enregistrement au parquet en 2016

Nature d'affaire à l'enregistrement au parquet

Ordonnance pénale

Ordonnance pénale ayant fait l'objet d'une opposition

Taux d'ordonnances pénales ayant fait l'objet d'une opposition

Atteinte à la personne humaine

809

65

8,0%

Atteinte aux biens

7 545

199

2,6%

dont vol simple

4 317

96

2,2%

dont recel et infractions assimilées

887

27

3,0%

dont destruction / dégradation

787

36

4,6%

Atteinte à l'autorité de l'État

4 356

140

3,2%

dont acquisition, port, détention et transport d'armes (catégorie D)

3 509

92

2,6%

Infractions économiques

178

9

5,1%

dont autres infractions à la réglementation des professions industrielles, commerciales et agricoles (vente à la sauvette)

127

7

5,5%

Infraction en matière de santé publique

26 029

446

1,7%

dont usage de stupéfiant

22 390

377

1,7%

Infraction à la réglementation de la circulation et des moyens de transports

124 380

4 453

3,6%

dont conduite avec alcool ou stupéfiants

62 861

2 059

3,3%

dont défaut de permis de conduire

26 988

675

2,5%

dont défaut de pièce administrative / Visite technique du véhicule (conduite sans assurance)

21 605

815

3,8%

Autres

607

57

9,4%

Ensemble

163 904

5 369

3,3%

Source : Exploitation statistique de PHAROS par Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales.

Unité de compte : auteurs majeurs

Les objectifs poursuivis sont par conséquent :

- d'élargir davantage le domaine de la procédure de jugement à juge unique et le domaine de l'ordonnance pénale afin de favoriser une justice plus efficace et plus proche du citoyen ;

- de restituer davantage de cohérence et de lisibilité quant aux délits concernés par ces procédures ;

- d'encourager le recours à l'ordonnance pénale en élargissant le panel des sanctions prononçables.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. CONCERNANT LE JUGEMENT À JUGE UNIQUE

3.1.1 Option écartée : étendre à de nouveaux délits en complétant la liste actuelle par des références à de nouveaux articles

L'ajout de nouveaux renvois aux articles de loi ou de code réprimant des délits a été envisagé.

Toutefois, cette option a été écartée en raison du manque de lisibilité du texte actuel qui, du fait d'ajouts successifs, a perdu au fil du temps en cohérence et en intelligibilité.

3.1.2 Option écartée : fonder la procédure de jugement à juge unique sur un quantum maximal d'emprisonnement encouru

Cette option consisterait à renoncer au principe d'une liste en prévoyant que la procédure est applicable à tous les délits pour lesquels la peine encourue n'excède pas un certain quantum d'emprisonnement.

Cette option a été écartée car il est apparu impossible de fixer un seuil adéquat sans envisager d'exceptions à la règle. En effet, il apparaîtrait inenvisageable de prévoir que tous les délits punis d'une peine inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement relèvent de la juge unique, sans fixer une liste d'exceptions (par exemple, pour le délit d'agression sexuelle et un certain nombre d'autres atteintes aux personnes).

Or, la rédaction d'une liste d'exceptions présenterait une grande complexité. Une telle liste risquerait de s'allonger sans cesse et de donner lieu à des polémiques.

3.1.3 Option retenue : tout en fixant un seuil maximal de 5 ans d'emprisonnement, procéder à la désignation explicite des délits concernés et étendre le champ de la procédure à de nouvelles infractions

Dans une perspective de simplification, une option mixte a été retenue.

En premier lieu, celle-ci consiste à clarifier le choix et l'intention du législateur en indiquant que pour les délits relevant du code pénal mais également d'autres codes, la procédure s'applique pour une série d'infractions listées nommément lorsque la peine encourue n'excède pas cinq ans d'emprisonnement.

Un tel choix a pour conséquence d'améliorer la lisibilité formelle du texte et de restituer une certaine cohérence. Quelques délits punis d'une peine supérieure à cinq années d'emprisonnement quitteront le champ de la procédure à juge unique.

En second lieu, l'option consiste à inclure dans le champ de nouveaux délits pour lesquels la procédure de jugement à juge unique apparaît pertinente. Dans une perspective d'élargissement du champ d'application, il n'est pas tenu compte des aggravations résultant de l'état de récidive ou des dispositions des articles 132-76, 132-77 ou 132-79 du code pénal dans l'appréciation du seuil de cinq ans susmentionné.

3.1.4 Option retenue : Etendre la procédure de jugement à juge unique à la procédure d'appel

Le succès de la procédure à juge unique et le phénomène d'engorgement de certaines cours d'appel, à l'origine d'importants délais de jugement, a conduit à envisager la transposition de cette procédure au stade de l'appel.

3.2. CONCERNANT L'ORDONNANCE PÉNALE

3.2.1 Options quant au champ d'application

e) Option écartée : étendre la procédure de l'ordonnance pénale à tous les délits

La possibilité d'une extension de l'ordonnance pénale à tous les délits a pu être envisagée. Une telle proposition avait d'ailleurs été formulée par la commission Guinchard sur la répartition des contentieux en 2008.

Cette solution a été écartée dans la mesure où la procédure d'ordonnance pénale, qui repose sur l'idée d'un jugement non contradictoire - bien que susceptible d'opposition - ne semble pas pouvoir s'appliquer à certaines infractions qui par leur nature ne sont jamais « simples » et exigent de façon impérative la tenue d'un débat contradictoire lorsque le parquet estime devoir requérir une peine.

Il est en ainsi, à l'évidence, de certaines infractions sexuelles, et plus largement des atteintes volontaires et involontaires à la personne.

f) Option retenue : étendre la procédure de l'ordonnance pénale à de nouveaux délits par renvoi à la liste des délits relevant du juge unique et possibilité de recourir à cette procédure en cas de récidive légale :

Dans un souci de simplification et de lisibilité, il est proposé d'étendre la procédure de l'ordonnance pénale à tous les délits relevant du juge unique, sauf les atteintes volontaires et involontaires à la personne.

Une telle option présente l'avantage d'une plus grande lisibilité et de la clarification des règles existantes, les listes actuelles étant génératrices d'erreurs et d'incompréhension.

Elle apparaît logique, dans la mesure où les délits visés sont ceux pour lesquels un formalisme procédural allégé est souvent opportun, soit parce qu'il s'agit de contentieux dits « de masse », soit parce qu'il s'agit de faits généralement simples.

L'exclusion des atteintes volontaires et involontaires à la personne du champ de l'ordonnance pénale permet toutefois, comme exposé précédemment, de ne pas faire entrer dans le champ de cette procédure des infractions pour lesquels un jugement correctionnel à juge unique est a minima nécessaire.

Dans une perspective de simplification procédurale et de revalorisation de l'opportunité des poursuites du parquet, la possibilité de recourir à l'ordonnance pénale lorsque la personne se trouve en état de récidive légale sera rétablie.

La suppression d'une telle exigence peut trouver son intérêt dans certains contentieux répétitifs et s'inscrire dans une politique pénale cohérente des parquets. Elle trouve d'autant plus de sens si elle s'accompagne d'un élargissement du panel des sanctions prononçables.

3.2.2 Options quant aux peines prononçables

g) Option écartée : autoriser le prononcé de peines d'emprisonnement

La commission Guinchard avait proposé de permettre le prononcé d'une peine d'emprisonnement obligatoirement assortie du sursis avec un quantum maximum de trois mois.

Une telle option, bien qu'examinée, n'a pas été retenue. Il est en effet apparu que le prononcé d'une peine d'emprisonnement devait nécessairement exiger la tenue d'un débat contradictoire.

h) Option retenue : autoriser le prononcé de certaines peines alternatives à l'emprisonnement

Certaines peines alternatives pourraient être prononcées de façon pertinente dans le cadre de la procédure de l'ordonnance pénale, à la condition générale posée par l'article 495 du code de procédure pénale d'une connaissance suffisante par le juge des éléments de personnalité, des charges et ressources de la personne.

Il en est ainsi des peines de travail d'intérêt général et de jours-amende, dont le prononcé permettrait de favoriser une diversification de la réponse pénale dans certains contentieux simples sans qu'il soit besoin de recourir à la délivrance d'une convocation devant le tribunal correctionnel.

S'agissant du travail d'intérêt général, l'accord indispensable de la personne devra avoir été recueilli au cours de l'enquête.

De plus, l'ordonnance pénale qui prononce une peine de jours-amende ou de travail d'intérêt général devra être portée à la connaissance de l'intéressé oralement , par le procureur de la République ou la personne désignée par lui, afin qu'il reçoive les informations et explications appropriées et puisse décider, en toute connaissance de cause, s'il conteste cette peine ou s'il s'y soumet.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

En conséquence, le projet de loi modifie l'article 398-1 du code de procédure pénale, en fixant un seuil maximal de 5 ans d'emprisonnement, en procédant à la désignation explicite des délits concernés, et en étendant sa compétence à divers délits listés ci-après.

Infractions prévues par le code pénal entrant dans le champ de compétence du juge unique avec la réforme

Qualification simplifiée

Texte définissant

Quantum PPL

VIOLENCE SUIVIE D'INCAPACITE N'EXCEDANT PAS 8 JOURS SUR UN MINEUR DE 15 ANS PAR UN ASCENDANT OU UNE PERSONNE AYANT AUTORITE SUR LA VICTIME

ART.222-13 AL.1,AL.23 C.PENAL.

5 ans

VIOLENCE SANS INCAPACITE SUR UN MINEUR DE 15 ANS PAR UN ASCENDANT OU UNE PERSONNE AYANT AUTORITE SUR LA VICTIME

ART.222-13 AL.1,AL.23 C.PENAL.

5 ans

VIOLENCE AGGRAVEE PAR DEUX CIRCONSTANCES SUIVIE D'INCAPACITE N'EXCEDANT PAS 8 JOURS

ART.222-13 C.PENAL.

5 ans

VIOLENCE AGGRAVEE PAR DEUX CIRCONSTANCES SUIVIE D'INCAPACITE N'EXCEDANT PAS 8 JOURS LORS DE MANIFESTATION SUR LA VOIE PUBLIQUE

ART.222-13 C.PENAL. ART.L.211-13 AL.1 C.S.I.

5 ans

VIOLENCE AGGRAVEE PAR DEUX CIRCONSTANCES SUIVIE D'INCAPACITE N'EXCEDANT PAS 8 JOURS LORS DE MANIFESTATION SPORTIVE

ART.222-13 C.PENAL. ART.L.332-11 AL.2 C.SPORT.

5 ans

MENACE REITEREE DE DELIT CONTRE LES PERSONNES DONT LA TENTATIVE EST PUNISSABLE, COMMISE PAR UNE PERSONNE ETANT OU AYANT ETE CONJOINT, CONCUBIN OU PARTENAIRE LIE A LA VICTIME PAR UN PACTE CIVIL DE SOLIDARITE

ART.222-18-3, ART.222-17 AL.1, ART.132-80 C.PENAL.

2 ans

MENACE MATERIALISEE DE DELIT CONTRE LES PERSONNES DONT LA TENTATIVE EST PUNISSABLE, COMMISE PAR UNE PERSONNE ETANT OU AYANT ETE CONJOINT, CONCUBIN OU PARTENAIRE LIE A LA VICTIME PAR UN PACTE CIVIL DE SOLIDARITE

ART.222-18-3, ART.222-17 AL.1, ART.132-80 C.PENAL.

2 ans

MENACE REITEREE DE CRIME CONTRE LES PERSONNES COMMISE PAR UNE PERSONNE ETANT OU AYANT ETE CONJOINT, CONCUBIN OU PARTENAIRE LIE A LA VICTIME PAR UN PACTE CIVIL DE SOLIDARITE

ART.222-18-3, ART.222-17 AL.1, ART.132-80 C.PENAL.

2 ans

MENACE MATERIALISEE DE CRIME CONTRE LES PERSONNES COMMISE PAR UNE PERSONNE ETANT OU AYANT ETE CONJOINT, CONCUBIN OU PARTENAIRE LIE A LA VICTIME PAR UN PACTE CIVIL DE SOLIDARITE

ART.222-18-3, ART.222-17 AL.1, ART.132-80 C.PENAL.

2 ans

MENACE DE MORT REITEREE COMMISE PAR UNE PERSONNE ETANT OU AYANT ETE CONJOINT, CONCUBIN OU PARTENAIRE LIE A LA VICTIME PAR UN PACTE CIVIL DE SOLIDARITE

ART.222-18-3, ART.222-17 AL.2,AL.1, ART.132-80 C.PENAL.

5 ans

MENACE DE MORT MATERIALISEE PAR ECRIT, IMAGE OU AUTRE OBJET, COMMISE PAR UNE PERSONNE ETANT OU AYANT ETE CONJOINT, CONCUBIN OU PARTENAIRE LIE A LA VICTIME PAR UN PACTE CIVIL DE SOLIDARITE

ART.222-18-3, ART.222-17 AL.2,AL.1, ART.132-80 C.PENAL.

5 ans

MENACE DE DELIT CONTRE LES PERSONNES AVEC ORDRE DE REMPLIR UNE CONDITION, COMMISE PAR UNE PERSONNE ETANT OU AYANT ETE CONJOINT, CONCUBIN OU PARTENAIRE LIE A LA VICTIME PAR UN PACTE CIVIL DE SOLIDARITE

ART.222-18-3, ART.222-18 AL.1, ART.132-80 C.PENAL.

5 ans

MENACE DE CRIME CONTRE LES PERSONNES AVEC ORDRE DE REMPLIR UNE CONDITION, COMMISE PAR UNE PERSONNE ETANT OU AYANT ETE CONJOINT, CONCUBIN OU PARTENAIRE LIE A LA VICTIME PAR UN PACTE CIVIL DE SOLIDARITE

ART.222-18-3, ART.222-18 AL.1, ART.132-80 C.PENAL.

5 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE SUPERIEURE A 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN

ART.222-19-2 AL.1, ART.222-19 AL.1 C.PENAL.

3 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE SUPERIEURE A 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN DONT LA PROPRIETE OU DETENTION EST ILLICITE

ART.222-19-2 AL.2 1°, ART.222-19 AL.1 C.PENAL.

5 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE SUPERIEURE A 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN DETENU MALGRE INTERDICTION JUDICIAIRE

ART.222-19-2 AL.2 1°, ART.222-19 AL.1, ART.131-21-2 C.PENAL.

5 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE SUPERIEURE A 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN DETENU PAR UNE PERSONNE MANIFESTEMENT EN ETAT D'IVRESSE OU SOUS L'EMPRISE DE PRODUITS STUPEFIANTS

ART.222-19-2 AL.2 2°, ART.222-19 AL.1 C.PENAL.

5 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE SUPERIEURE A 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN DETENU PAR UNE PERSONNE NON TITULAIRE D'UNE ATTESTATION D'APTITUDE MALGRE INJONCTION

ART.222-19-2 AL.2 3°, ART.222-19 AL.1 C.PENAL. ART.L.211-11 I, ART.L.211-13-1, ART.L.211-14-2, ART.R.211-5-4, ART.R.211-5-5 AL.4 C.RURAL.

5 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE SUPERIEURE A 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN D'ATTAQUE, DE GARDE OU DE DEFENSE (catégorie 1 ou 2) DETENU PAR UNE PERSONNE NON TITULAIRE D'UN PERMIS DE DETENTION

ART.222-19-2 AL.2 4°, ART.222-19 AL.1 C.PENAL. ART.L.211-14 I, II, ART.L.211-12, ART.R.211-5, ART.D.211-5-2 C.RURAL.

5 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE SUPERIEURE A 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN SANS VACCINATION ANTIRABIQUE VALIDE

ART.222-19-2 AL.2 5°, ART.222-19 AL.1 C.PENAL.

5 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE SUPERIEURE A 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN D'ATTAQUE, DE GARDE OU DE DEFENSE NON MUSELE OU NON TENU EN LAISSE (chien dangereux de catégorie 1 ou 2)

ART.222-19-2 AL.2 6°, ART.222-19 AL.1 C.PENAL. ART.L.211-16 §II, ART.L.211-12 C.RURAL.

5 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE SUPERIEURE A 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN AYANT FAIT L'OBJET DE MAUVAIS TRAITEMENT PAR SON PROPRIETAIRE OU DETENTEUR

ART.222-19-2 AL.2 7°, ART.222-19 AL.1 C.PENAL.

5 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE N'EXCEDANT PAS 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN

ART.222-20-2 AL.1, ART.222-20 C.PENAL.

2 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE N'EXCEDANT PAS 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN DONT LA PROPRIETE OU LA DETENTION EST ILLICITE

ART.222-20-2 AL.2 1°, ART.222-20 C.PENAL.

3 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE N'EXCEDANT PAS 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN DETENU MALGRE INTERDICTION JUDICIAIRE

ART.222-20-2 AL.2 1°, ART.222-20, ART.131-21-2 C.PENAL.

3 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE N'EXCEDANT PAS 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN DETENU PAR UNE PERSONNE MANIFESTEMENT IVRE OU SOUS L'EMPRISE DE PRODUITS STUPEFIANTS

ART.222-20-2 AL.2 2°, ART.222-20 C.PENAL.

3 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE N'EXCEDANT PAS 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN DETENU PAR UNE PERSONNE NON TITULAIRE D'UNE ATTESTATION D'APTITUDE MALGRE INJONCTION

ART.222-20-2 AL.2 2°, ART.222-20 C.PENAL. ART.L.211-11 I, ART.L.211-13-1, ART.L.211-14-2, ART.R.211-5-4, ART.R.211-5-5 AL.4 C.RURAL.

3 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE N'EXCEDANT PAS 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN D'ATTAQUE, DE GARDE OU DEFENSE (catégorie 1 ou 2) DETENU PAR UNE PERSONNE NON TITULAIRE D'UN PERMIS DE DETENTION

ART.222-20-2 AL.2 4°, ART.222-20 C.PENAL. ART.L.211-14 I, II, ART.L.211-12, ART.R.211-5, ART.D.211-5-2 C.RURAL.

3 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE N'EXCEDANT PAS 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN SANS VACCINATION ANTIRABIQUE VALIDE

ART.222-20-2 AL.2 5°, ART.222-20 C.PENAL.

3 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE N'EXCEDANT PAS 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN D'ATTAQUE, DE GARDE OU DE DEFENSE NON MUSELE OU NON TENU EN LAISSE (chien dangereux de catégorie 1 ou 2)

ART.222-20-2 AL.2 6°, ART.222-20 C.PENAL. ART.L.211-16 §II, ART.L.211-12 C.RURAL.

3 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE N'EXCEDANT PAS 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN AYANT FAIT L'OBJET DE MAUVAIS TRAITEMENT PAR SON PROPRIETAIRE OU DETENTEUR

ART.222-20-2 AL.2 7°, ART.222-20 C.PENAL.

3 ans

BLESSURES INVOLONTAIRES AVEC INCAPACITE N'EXCEDANT PAS 3 MOIS PAR AGRESSION D'UN CHIEN AVEC AU MOINS DEUX CIRCONSTANCES AGGRAVANTES

ART.222-20-2, ART.222-20 C.PENAL.

5 ans

CESSION OU OFFRE DE STUPEFIANTS A UNE PERSONNE EN VUE DE SA CONSOMMATION PERSONNELLE

ART.222-39 AL.1, ART.222-41 C.PENAL. ART.L.5132-7 C.SANTE.PUB. ART.1 ARR.MINIST DU 22/02/1990.

5 ans

MISE EN DANGER D'AUTRUI (RISQUE IMMEDIAT DE MORT OU D'INFIRMITE) PAR VIOLATION MANIFESTEMENT DELIBEREE D'UNE OBLIGATION REGLEMENTAIRE DE SECURITE OU DE PRUDENCE

ART.223-1 C.PENAL.

1 an

ATTEINTE A L'INTIMITE DE LA VIE PRIVEE PAR CAPTATION, ENREGISTREMENT OU TRANSMISSION DES PAROLES D'UNE PERSONNE

ART.226-1 AL.1 1° C.PENAL.

1 an

ATTEINTE A L'INTIMITE DE LA VIE PRIVEE PAR FIXATION, ENREGISTREMENT OU TRANSMISSION DE L'IMAGE D'UNE PERSONNE

ART.226-1 AL.1 2° C.PENAL.

1 an

UTILISATION, CONSERVATION OU DIVULGATION D'UN DOCUMENT OU ENREGISTREMENT OBTENU PAR UNE ATTEINTE A L'INTIMITE DE LA VIE PRIVEE D'AUTRUI

ART.226-2 AL.1, ART.226-1 C.PENAL.

1 an

ATTEINTE A L'INTIMITE DE LA VIE PRIVEE PAR CAPTATION, ENREGISTREMENT OU TRANSMISSION DES PAROLES D'UNE PERSONNE PRESENTANT UN CARACTERE SEXUEL

ART.226-2-1 AL.1, ART.226-1 AL.1 1° C.PENAL.

2 ans

ATTEINTE A L'INTIMITE DE LA VIE PRIVEE PAR FIXATION, ENREGISTREMENT OU TRANSMISSION DE L'IMAGE D'UNE PERSONNE PRESENTANT UN CARACTERE SEXUEL

ART.226-2-1 AL.1, ART.226-1 AL.1 2° C.PENAL.

2 ans

UTILISATION, CONSERVATION OU DIVULGATION D'UN DOCUMENT OU ENREGISTREMENT PORTANT SUR DES PAROLES OU IMAGES A CARACTERE SEXUEL ET OBTENU PAR UNE ATTEINTE A L'INTIMITE DE LA VIE PRIVEE D'AUTRUI

ART.226-2-1 AL.1, ART.226-2 AL.1, ART.226-1 C.PENAL.

2 ans

DIFFUSION SANS L'ACCORD DE LA PERSONNE D'UN ENREGISTREMENT OU DOCUMENT PORTANT SUR DES PAROLES OU IMAGES A CARACTERE SEXUEL ET OBTENU AVEC SON CONSENTEMENT OU PAR ELLE-MEME

ART.226-2-1 AL.2 C.PENAL.

2 ans

MANOEUVRE, MENACE, VOIE DE FAIT OU CONTRAINTE POUR FORCER UNE PERSONNE A QUITTER SON LIEU D'HABITATION

ART.226-4-2 C.PENAL.

3 ans

PUBLICATION D'UN MONTAGE NON APPARENT AVEC LES PAROLES OU IMAGES D'UNE PERSONNE NON CONSENTANTE

ART.226-8 AL.1 C.PENAL.

1 an

INTRUSION NON AUTORISEE AVEC UNE ARME DANS L'ENCEINTE D'UN ETABLISSEMENT D'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE COMMISE EN REUNION DANS LE BUT DE TROUBLER LA TRANQUILLITE OU LE BON ORDRE DE L'ETABLISSEMENT

ART.431-25, ART.431-22 C.PENAL.

5 ans

OPPOSITION PAR VIOLENCE OU VOIE DE FAIT A L'EXECUTION DE TRAVAUX PUBLICS OU D'UTILITE PUBLIQUE

ART.433-11 C.PENAL.

1 an

IMMIXTION DANS UNE FONCTION PUBLIQUE

ART.433-12 C.PENAL.

3 ans

EXERCICE D'ACTIVITE DANS DES CONDITIONS CREANT LA CONFUSION AVEC UNE FONCTION PUBLIQUE

ART.433-13 1° C.PENAL.

1 an

USAGE DE DOCUMENT CREANT UNE MEPRISE AVEC UN ACTE JUDICIAIRE OU UN DOCUMENT ADMINISTRATIF

ART.433-13 2° C.PENAL.

1 an

PORT ILLEGAL DE COSTUME, D'UNIFORME OU DE DECORATION

ART.433-14 1° C.PENAL.

1 an

USAGE PUBLIC ET SANS DROIT DE DOCUMENT JUSTIFICATIF D'UNE QUALITE PROFESSIONNELLE OU D'UN INSIGNE REGLEMENTES PAR L'AUTORITE PUBLIQUE

ART.433-14 2° C.PENAL.

1 an

USAGE PUBLIC ET SANS DROIT DE VEHICULE AVEC DES SIGNES EXTERIEURS IDENTIQUES A CEUX DE LA POLICE

ART.433-14 3° C.PENAL.

1 an

USAGE PUBLIC ET SANS DROIT DE VEHICULE AVEC DES SIGNES EXTERIEURS IDENTIQUES A CEUX DES MILITAIRES

ART.433-14 3° C.PENAL.

1 an

USAGE PUBLIC ET SANS DROIT DE L'EMBLEME OU DE LA DENOMINATION D'UN SIGNE DISTINCTIF HUMANITAIRE DEFINI PAR LES CONVENTIONS DE GENEVE DU 12 AOUT 1949

ART.433-14 4° C.PENAL. ART.38, ART.41 CONV.INTER DU 12/08/1949. ART.2 PROTOCOLE DU 08/12/2005.

1 an

PORT DE COSTUME RESSEMBLANT A UN UNIFORME DE POLICE

ART.433-15 AL.1 C.PENAL.

6 mois

USAGE PUBLIC D'INSIGNE OU DE DOCUMENT POUVANT CREER UNE MEPRISE AVEC CEUX DE LA POLICE

ART.433-15 AL.1 C.PENAL.

6 mois

USAGE PUBLIC DE VEHICULE POUVANT CREER UNE MEPRISE AVEC CEUX DE LA POLICE

ART.433-15 AL.1 C.PENAL.

6 mois

USAGE PUBLIC DE VEHICULE POUVANT CREER UNE MEPRISE AVEC CEUX DES MILITAIRES

ART.433-15 AL.1 C.PENAL.

6 mois

USAGE PUBLIC D'INSIGNE OU DE DOCUMENT POUVANT CREER UNE MEPRISE AVEC CEUX DES MILITAIRES

ART.433-15 AL.1 C.PENAL.

6 mois

PORT DE COSTUME RESSEMBLANT A UN UNIFORME MILITAIRE

ART.433-15 AL.1 C.PENAL.

6 mois

USAGE PUBLIC D'UN EMBLEME OU D'UNE DENOMINATION POUVANT CREER UNE MEPRISE AVEC UN SIGNE DISTINCTIF HUMANITAIRE DEFINI PAR LES CONVENTIONS DE GENEVE DU 12 AOUT 1949

ART.433-15 AL.2 C.PENAL. ART.38, ART.41 CONV.INTER DU 12/08/1949. ART.2 PROTOCOLE DU 08/12/2005.

6 mois

PORT DE COSTUME RESSEMBLANT A UN UNIFORME MILITAIRE POUR COMMETTRE UN CRIME OU UN DELIT

ART.433-16, ART.433-15 AL.1 C.PENAL.

3 ans

USAGE PUBLIC DE VEHICULE POUVANT CREER UNE MEPRISE AVEC CEUX DES MILITAIRES POUR COMMETTRE UN CRIME OU UN DELIT

ART.433-16, ART.433-15 AL.1 C.PENAL.

3 ans

USAGE PUBLIC D'INSIGNE OU DE DOCUMENT POUVANT CREER UNE MEPRISE AVEC CEUX DES MILITAIRES POUR COMMETTRE UN CRIME OU UN DELIT

ART.433-16, ART.433-15 AL.1 C.PENAL.

3 ans

PORT DE COSTUME RESSEMBLANT A UN UNIFORME DE POLICE POUR COMMETTRE UN CRIME OU UN DELIT

ART.433-16, ART.433-15 AL.1 C.PENAL.

3 ans

USAGE PUBLIC DE VEHICULE POUVANT CREER UNE MEPRISE AVEC CEUX DE LA POLICE POUR COMMETTRE UN CRIME OU UN DELIT

ART.433-16, ART.433-15 AL.1 C.PENAL.

3 ans

USAGE PUBLIC D'INSIGNE OU DE DOCUMENT POUVANT CREER UNE MEPRISE AVEC CEUX DE LA POLICE POUR COMMETTRE UN CRIME OU UN DELIT

ART.433-16, ART.433-15 AL.1 C.PENAL.

3 ans

USAGE PUBLIC D'UN EMBLEME OU D'UNE DENOMINATION POUVANT CREER UNE MEPRISE AVEC UN SIGNE DISTINCTIF HUMANITAIRE DEFINI PAR LES CONVENTIONS DE GENEVE DU 12 AOUT 1949 POUR COMMETTRE UN CRIME OU UN DELIT

ART.433-16, ART.433-15 AL.2 C.PENAL. ART.38, ART.41 CONV.INTER DU 12/08/1949. ART.2 PROTOCOLE DU 08/12/2005.

3 ans

USURPATION DE TITRE, DIPLOME OU QUALITE

ART.433-17 AL.1 C.PENAL.

1 an

MENTION D'UN TITRE OU D'UNE QUALITE OFFICIELLE DANS UNE PUBLICITE COMMERCIALE

ART.433-18 AL.1,1°,2°,3° C.PENAL.

6 mois

USAGE PAR UN BANQUIER OU DEMARCHEUR D'UNE PUBLICITE COMMERCIALE MENTIONNANT UN TITRE OFFICIEL

ART.433-18 C.PENAL.

6 mois

NON DECLARATION DANS LES DELAIS DE LA NAISSANCE D'UN ENFANT PAR LE TEMOIN D'UN ACCOUCHEMENT

ART.433-18-1 C.PENAL. ART.56, ART.55 AL.1 C.CIVIL.

6 mois

PRISE D'UN NOM OU D'UN ACCESSOIRE DU NOM DIFFERENT DE L'ETAT CIVIL DANS UN ACTE PUBLIC OU AUTHENTIQUE OU DANS UN DOCUMENT ADMINISTRATIF

ART.433-19 1° C.PENAL.

6 mois

ALTERATION OU MODIFICATION DU NOM OU ACCESSOIRE DU NOM DE L'ETAT CIVIL DANS UN ACTE PUBLIC OU AUTHENTIQUE OU DANS UN DOCUMENT ADMINISTRATIF

ART.433-19 2° C.PENAL.

6 mois

BIGAMIE

ART.433-20 AL.1 C.PENAL.

1 an

CELEBRATION DE MARIAGE PAR OFFICIER PUBLIC CONNAISSANT L'EXISTENCE D'UN PRECEDENT MARIAGE

ART.433-20 C.PENAL.

1 an

CELEBRATION HABITUELLE DE MARIAGE RELIGIEUX AVANT LE MARIAGE CIVIL

ART.433-21 C.PENAL.

6 mois

ORGANISATION DE FUNERAILLES AYANT UN CARACTERE CONTRAIRE A LA VOLONTE DU DEFUNT OU A UNE DECISION JUDICIAIRE

ART.433-21-1 C.PENAL. ART.3 LOI DU 15/11/1887.

6 mois

MENACE DE MORT OU D'ATTEINTE AUX BIENS DANGEREUSE POUR LES PERSONNES A L'ENCONTRE D'UN DEPOSITAIRE DE L'AUTORITE PUBLIQUE

ART.433-3 AL.4,AL.1 C.PENAL.

5 ans

MENACE DE MORT OU D'ATTEINTE AUX BIENS DANGEREUSE POUR LES PERSONNES A L'ENCONTRE D'UN SAPEUR POMPIER

ART.433-3 AL.4,AL.1 C.PENAL.

5 ans

MENACE DE MORT OU D'ATTEINTE AUX BIENS DANGEREUSE POUR LES PERSONNES A L'ENCONTRE D'UN GARDIEN OU AGENT DE SURVEILLANCE D'IMMEUBLES

ART.433-3 AL.4,AL.1 C.PENAL.

5 ans

MENACE DE MORT OU D'ATTEINTE AUX BIENS DANGEREUSE POUR LES PERSONNES A L'ENCONTRE D'UN OFFICIER PUBLIC OU MINISTERIEL

ART.433-3 AL.4,AL.1 C.PENAL.

5 ans

MENACE DE MORT OU D'ATTEINTE AUX BIENS DANGEREUSE POUR LES PERSONNES A L'ENCONTRE D'UN ELU PUBLIC

ART.433-3 AL.4,AL.1 C.PENAL.

5 ans

MENACE DE MORT OU D'ATTEINTE AUX BIENS DANGEREUSE POUR LES PERSONNES A L'ENCONTRE D'UN MAGISTRAT OU JURE

ART.433-3 AL.4,AL.1 C.PENAL.

5 ans

MENACE DE MORT OU D'ATTEINTE AUX BIENS DANGEREUSE POUR LES PERSONNES A L'ENCONTRE D'UN AVOCAT

ART.433-3 AL.4,AL.1 C.PENAL.

5 ans

MENACE DE MORT OU D'ATTEINTE AUX BIENS DANGEREUSE POUR LES PERSONNES A L'ENCONTRE D'UN CHARGE DE MISSION DE SERVICE PUBLIC

ART.433-3 AL.4,AL.2 C.PENAL.

5 ans

MENACE DE MORT OU D'ATTEINTE AUX BIENS DANGEREUSE POUR LES PERSONNES A L'ENCONTRE D'UN PROFESSIONNEL DE SANTE

ART.433-3 AL.4,AL.2 C.PENAL.

5 ans

MENACE DE MORT OU D'ATTEINTE AUX BIENS DANGEREUSE POUR LES PERSONNES A L'ENCONTRE DE L'ENTOURAGE D'UN DEPOSITAIRE DE L'AUTORITE PUBLIQUE - PERSONNE VIVANT A SON DOMICILE, CONJOINT, ASCENDANT OU DESCENDANT

ART.433-3 AL.4,AL.3,AL.1 C.PENAL.

5 ans

MENACE DE MORT OU D'ATTEINTE AUX BIENS DANGEREUSE POUR LES PERSONNES A L'ENCONTRE DE L'ENTOURAGE D'UN CHARGE DE MISSION DE SERVICE PUBLIC - PERSONNE VIVANT A SON DOMICILE, CONJOINT, ASCENDANT OU DESCENDANT

ART.433-3 AL.4,AL.3,AL.2 C.PENAL.

5 ans

OUTRAGE PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE A MAGISTRAT OU JURE DANS L'EXERCICE DE SES FONCTIONS

ART.434-24 AL.1 C.PENAL.

1 an

OUTRAGE PAR GESTE, MENACE, ENVOI D'OBJET A MAGISTRAT OU JURE DANS L'EXERCICE DE SES FONCTIONS

ART.434-24 AL.1 C.PENAL.

1 an

OUTRAGE PAR PAROLE A L'AUDIENCE A MAGISTRAT OU JURE DANS L'EXERCICE DE SES FONCTIONS

ART.434-24 AL.1,AL.2 C.PENAL.

2 ans

OUTRAGE A MAGISTRAT OU JURE PAR GESTES OU MENACES A L'AUDIENCE

ART.434-24 C.PENAL.

2 ans

ATTEINTE A L'AUTORITE JUDICIAIRE PAR DISCREDIT JETE SUR UNE DECISION DE JUSTICE

ART.434-25 C.PENAL.

6 mois

DENONCIATION MENSONGERE A UNE AUTORITE JUDICIAIRE OU ADMINISTRATIVE ENTRAINANT DES RECHERCHES INUTILES

ART.434-26 C.PENAL.

6 mois

REMISE OU SORTIE IRREGULIERE DE CORRESPONDANCE, SOMME D'ARGENT OU OBJET DE DETENU

ART.434-35 AL.1 C.PENAL.

1 an

COMMUNICATION NON AUTORISEE AVEC UN DETENU PAR UNE PERSONNE SE TROUVANT A L'EXTERIEUR DE L'ETABLISSEMENT

ART.434-35 AL.2 C.PENAL.

1 an

REMISE OU SORTIE IRREGULIERE DE CORRESPONDANCE, SOMME D'ARGENT OU OBJET DE DETENU PAR UNE PERSONNE CHARGEE DE LA SURVEILLANCE DE DETENUS

ART.434-35 AL.3,AL.1 C.PENAL.

3 ans

REMISE OU SORTIE IRREGULIERE DE CORRESPONDANCE, SOMME D'ARGENT OU OBJET DE DETENU PAR UNE PERSONNE HABILITEE A ENTRER DANS L'ETABLISSEMENT PENITENTIAIRE OU A APPROCHER LES DETENUS

ART.434-35 AL.3,AL.1 C.PENAL.

3 ans

COMMUNICATION NON AUTORISEE AVEC UN DETENU PAR UNE PERSONNE CHARGEE DE LA SURVEILLANCE DE DETENUS

ART.434-35 AL.3,AL.2 C.PENAL.

3 ans

COMMUNICATION NON AUTORISEE AVEC UN DETENU PAR UNE PERSONNE HABILITEE A ENTRER DANS L'ETABLISSEMENT PENITENTIAIRE OU A APPROCHER LES DETENUS

ART.434-35 AL.3,AL.2 C.PENAL.

3 ans

PENETRATION NON AUTORISEE DANS UN ETABLISSEMENT PENITENTIAIRE

ART.434-35-1 C.PENAL.

1 an

ESCALADE NON AUTORISEE DE L'ENCEINTE D'UN ETABLISSEMENT PENITENTIAIRE

ART.434-35-1 C.PENAL.

1 an

INFRACTION A UNE INTERDICTION DE SEJOUR : FREQUENTATION D'UN LIEU INTERDIT

ART.434-38 AL.1, ART.131-31 AL.1 C.PENAL.

2 ans

INFRACTION A UNE INTERDICTION DE SEJOUR: SOUSTRACTION AUX MESURES DE SURVEILLANCE

ART.434-38 AL.2, ART.131-31 C.PENAL. ART.762-1 C.P.P.

2 ans

SUPPRESSION, DISSIMULATION OU LACERATION D'UNE AFFICHE RELATIVE A UNE DECISION PENALE

ART.434-39 AL.1 C.PENAL.

6 mois

EXERCICE D'ACTIVITE PROFESSIONNELLE OU SOCIALE MALGRE INTERDICTION JUDICIAIRE

ART.434-40, ART.131-27 AL.1, ART.131-10 C.PENAL.

2 ans

EXERCICE D'UNE FONCTION PUBLIQUE MALGRE INTERDICTION JUDICIAIRE

ART.434-40, ART.131-27 AL.1, ART.131-10 C.PENAL.

2 ans

EXERCICE D'UNE PROFESSION COMMERCIALE OU INDUSTRIELLE MALGRE INTERDICTION JUDICIAIRE

ART.434-40-1, ART.131-27 AL.2, ART.131-10 C.PENAL.

2 ans

FAUX : ALTERATION FRAUDULEUSE DE LA VERITE DANS UN ECRIT

ART.441-1 C.PENAL.

3 ans

USAGE DE FAUX EN ECRITURE

ART.441-1 C.PENAL.

3 ans

FAUX DANS UN DOCUMENT ADMINISTRATIF CONSTATANT UN DROIT, UNE IDENTITE OU UNE QUALITE, OU ACCORDANT UNE AUTORISATION

ART.441-2 AL.1, ART.441-1 AL.1 C.PENAL.

5 ans

USAGE DE FAUX DOCUMENT ADMINISTRATIF CONSTATANT UN DROIT,UNE IDENTITE OU UNE QUALITE, OU ACCORDANT UNE AUTORISATION

ART.441-2 AL.2,AL.1, ART.441-1 AL.1 C.PENAL.

5 ans

DETENTION FRAUDULEUSE DE PLUSIEURS FAUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS

ART.441-3, ART.441-2, ART.441-1 AL.1 C.PENAL.

5 ans

FOURNITURE FRAUDULEUSE DE DOCUMENT ADMINISTRATIF CONSTATANT UN DROIT, UNE IDENTITE OU UNE QUALITE, OU ACCORDANT UNE AUTORISATION

ART.441-5 AL.1 C.PENAL.

5 ans

UTILISATION DE DOCUMENT D'IDENTITE D'UN TIERS POUR ENTRER OU SE MAINTENIR DANS L'ESPACE SCHENGEN

ART.441-8 AL.1 C.PENAL.

5 ans

UTILISATION DE DOCUMENT DE VOYAGE D'UN TIERS POUR ENTRER OU SE MAINTENIR DANS L'ESPACE SCHENGEN

ART.441-8 AL.1 C.PENAL.

5 ans

UTILISATION DE DOCUMENT D'IDENTITE D'UN TIERS POUR OBTENIR INDUMENT UN TITRE, UNE QUALITE, UN STATUT OU UN AVANTAGE

ART.441-8 AL.1 C.PENAL.

5 ans

UTILISATION DE DOCUMENT DE VOYAGE D'UN TIERS POUR OBTENIR INDUMENT UN TITRE, UNE QUALITE, UN STATUT OU UN AVANTAGE

ART.441-8 AL.1 C.PENAL.

5 ans

AIDE A L'UTILISATION FRAUDULEUSE D'UN DOCUMENT D'IDENTITE OU DE VOYAGE PAR SON TITULAIRE

ART.441-8 AL.2, AL.1 C.PENAL.

5 ans

EXPERIENCE OU RECHERCHE PRATIQUEE SUR DES ANIMAUX VIVANTS SANS AUTORISATION

ART.521-2, ART.R.511-1 C.PENAL. ART.R.214-122 C.RURAL.

2 ans

Source : Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales

Infractions prévues par des textes spéciaux entrant dans le champ de compétence du juge unique avec la réforme

Qualification simplifiée

Texte définissant

Quantum PPL

USAGE ILLICITE DE STUPEFIANTS PAR DEPOSITAIRE DE L'AUTORITE PUBLIQUE

ART.L.3421-1 AL.3, AL.1, ART.L.5132-7 C.SANTE.PUB. ART.1 ARR.MINIST DU 22/02/1990.

5 ans

USAGE ILLICITE DE STUPEFIANTS PAR PERSONNE CHARGEE DE MISSION DE SERVICE PUBLIC

ART.L.3421-1 AL.3, AL.1, ART.L.5132-7 C.SANTE.PUB. ART.1 ARR.MINIST DU 22/02/1990.

5 ans

USAGE ILLICITE DE STUPEFIANTS PAR LE PERSONNEL D'UNE ENTREPRISE DE TRANSPORT TERRESTRE EXERCANT DES FONCTIONS METTANT EN CAUSE LA SECURITE DU TRANSPORT

ART.L.3421-1 AL.3, AL.1, ART.L.5132-7, ART.R.3421-1 C.SANTE.PUB. ART.1 ARR.MINIST DU 22/02/1990.

5 ans

USAGE ILLICITE DE STUPEFIANTS PAR LE PERSONNEL D'UNE ENTREPRISE DE TRANSPORT AERIEN EXERCANT DES FONCTIONS METTANT EN CAUSE LA SECURITE DU TRANSPORT

ART.L.3421-1 AL.3, AL.1, ART.L.5132-7, ART.R.3421-2 C.SANTE.PUB. ART.1 ARR.MINIST DU 22/02/1990.

5 ans

USAGE ILLICITE DE STUPEFIANTS PAR LE PERSONNEL D'UNE ENTREPRISE DE TRANSPORT MARITIME EXERCANT DES FONCTIONS METTANT EN CAUSE LA SECURITE DU TRANSPORT

ART.L.3421-1 AL.3, AL.1, ART.L.5132-7, ART.R.3421-3 C.SANTE.PUB. ART.1 ARR.MINIST DU 22/02/1990.

5 ans

INEXECUTION D'UNE INJONCTION DE MISE EN CONFORMITE DE LOCAL OU INSTALLATION PRESENTANT UN DANGER POUR LA SANTE OU LA SECURITE DES OCCUPANTS

ART.L.1337-4 §I AL.2, ART.L.1331-24 AL.1 C.SANTE.PUB.

1 an

REFUS, SANS MOTIF LEGITIME ET MALGRE MISE EN DEMEURE, D'EXECUTER LES MESURES PRESCRITES POUR REMEDIER A L'INSALUBRITE D'UN IMMEUBLE

ART.L.1337-4 §I AL.3, ART.L.1331-28 §II C.SANTE.PUB.

1 an

MISE A DISPOSITION D'UN LOCAL AUX FINS D'HABITATION DANS DES CONDITIONS DE SUROCCUPATION MALGRE MISE EN DEMEURE

ART.L.1337-4 §II, ART.L.1331-23 AL.1 C.SANTE.PUB.

2 ans

MISE A DISPOSITION AUX FINS D'HABITATION DE LOCAL PAR NATURE IMPROPRE A CETTE DESTINATION MALGRE MISE EN DEMEURE

ART.L.1337-4 §III AL.2, ART.L.1331-22 C.SANTE.PUB.

3 ans

DESTRUCTION, DEGRADATION OU DETERIORATION DE LOCAL DANS LE BUT D'EN FAIRE PARTIR LES OCCUPANTS APRES NOTIFICATION DE MESURE LIEE A L'INSALUBRITE

ART.L.1337-4 §III AL.3, ART.L.1331-27, ART.L.1331-22, ART.L.1331-23, ART.L.1331-24, ART.L.1331-25, ART.L.1331-26-1 C.SANTE.PUB.

3 ans

HABITATION OU UTILISATION DE MAUVAISE FOI D'UN LOCAL DANS UN IMMEUBLE INSALUBRE OU DANGEREUX MALGRE INTERDICTION ADMINISTRATIVE

ART.L.1337-4 §III AL.4, ART.L.1331-24, ART.L.1331-25, ART.L.1331-28 C.SANTE.PUB.

3 ans

REMISE A DISPOSITION DE LOCAL VACANT INSALUBRE, DANGEREUX OU IMPROPRE A L'HABITATION

ART.L.1337-4 §III AL.5, ART.L.1331-22, ART.L.1331-23, ART.L.1331-24, ART.L.1331-25, ART.L.1331-28 C.SANTE.PUB.

3 ans

RECIDIVE DE NON RESPECT DES REGLES DE CONSTRUCTION ET D'ENTRETIEN DES BATIMENTS D'HABITATION

ART.L.111-4, ART.L.152-4 AL.1, AL.2 C.CONSTRUCT.

6 mois

MISE A DISPOSITION, EN VENTE OU EN LOCATION DE LOCAL DESTINE A L'HABITATION PROVENANT D'UNE DIVISION INTERDITE D'IMMEUBLE PAR APPARTEMENTS

ART.L.111-6-1 AL.5, AL.1,AL.2,AL.3,AL.4 C.CONSTRUCT.

2 ans

REFUS DELIBERE, SANS MOTIF LEGITIME ET MALGRE MISE EN DEMEURE, D'EXECUTER SUR UN ETABLISSEMENT D'HEBERGEMENT LES TRAVAUX PRESCRITS POUR DES RAISONS D'INSECURITE - ETABLISSEMENT RECEVANT DU PUBLIC

ART.L.123-3 §IV, §I AL.1, ART.R.123-2 C.CONSTRUCT.

1 an

LOCATION DE LOCAL D'HEBERGEMENT OU CHAMBRE DANS DES CONDITIONS DE SUROCCUPATION MANIFESTE - ETABLISSEMENT RECEVANT DU PUBLIC

ART.L.123-3 §V, ART.R.123-2 C.CONSTRUCT.

2 ans

DESTRUCTION, DEGRADATION OU DETERIORATION D'UN LOCAL D'HEBERGEMENT FAISANT L'OBJET D'UN ARRETE DE CESSATION DE SA SITUATION D'INSECURITE POUR EN FAIRE PARTIR LES OCCUPANTS - ETABLISSEMENT RECEVANT DU PUBLIC

ART.L.123-3 §VI AL.2, §I AL.1, ART.R.123-2 C.CONSTRUCT.

3 ans

HABITATION OU UTILISATION DE MAUVAISE FOI D'UN LOCAL D'HEBERGEMENT MALGRE INTERDICTION ADMINISTRATIVE D'HABITER OU D'UTILISER LES LIEUX POUR RAISONS D'INSECURITE - ETABLISSEMENT RECEVANT DU PUBLIC

ART.L.123-3 §VI AL.3, §I AL.3, ART.R.123-2 C.CONSTRUCT.

3 ans

RECIDIVE D'INSTALLATION DE PORTE AUTOMATIQUE DE GARAGE NON CONFORME

ART.L.125-3, ART.R.125-3-1, ART.L.152-4 AL.1, AL.2 C.CONSTRUCT.

6 mois

POURSUITE DE TRAVAUX MALGRE DECISION JUDICIAIRE OU ADMINISTRATIVE D'INTERRUPTION

ART.L.152-3,ART.L.152-4 AL.1 C.CONSTRUCT.

3 mois

RECIDIVE D'INEXECUTION DANS LES DELAIS PRESCRITS DES TRAVAUX ACCESSOIRES IMPOSES

ART.L.152-4 1°, ART.L.152-4 AL.1 C.CONSTRUCT.

6 mois

RECIDIVE DE NON RESPECT DES DELAIS PRESCRITS POUR RETABLIR LES LIEUX DANS LEUR ETAT ANTERIEUR

ART.L.152-4 2°, ART.L.152-4 AL.1 C.CONSTRUCT.

6 mois

RECIDIVE DE CONSTRUCTION DE BATIMENT AUX CARACTERISTIQUES THERMIQUES ET ENERGETIQUES NON CONFORMES

ART.L.152-4 AL.1,AL.2, ART.L.111-9, ART.R.111-20 C.CONSTRUCT.

6 mois

PERCEPTION ILLEGALE DE FONDS OU D'EFFETS PAR UNE SOCIETE DE CONSTRUCTION D'IMMEUBLES

ART.L.212-10,ART.L.212-11,ART.L.241-1 C.CONSTRUCT.

2 ans

PERCEPTION ILLEGALE DE FONDS OU D'EFFETS PAR UNE SOCIETE COOPERATIVE DE CONSTRUCTION

ART.L.213-9,ART.L.241-1 C.CONSTRUCT.

2 ans

ACCEPTATION ANTICIPEE DE FONDS OU D'EFFETS PAR LE CONSTRUCTEUR D'UNE MAISON INDIVIDUELLE

ART.L.231-4 §II, ART.L.231-1 C.CONSTRUCT.

2 ans

PERCEPTION ANTICIPEE DE FONDS OU D'EFFETS PAR CONSTRUCTEUR DE MAISON INDIVIDUELLE

ART.L.241-1, ART.L.231-4 §II, ART.L.231-1 C.CONSTRUCT.

2 ans

PERCEPTION ILLEGALE DE FONDS OU D'EFFETS PAR UN PROMOTEUR IMMOBILIER

ART.L.241-1,ART.L.222-5 C.CONSTRUCT.

2 ans

DETOURNEMENT DE FONDS A L'OCCASION D'UN CONTRAT DE PROMOTION IMMOBILIERE

ART.L.241-2 C.CONSTRUCT.

3 ans

DETOURNEMENT DE FONDS A L'OCCASION D'UN CONTRAT DE SOCIETE IMMOBILIERE

ART.L.241-2 C.CONSTRUCT.

3 ans

NON RESPECT DE L'INTERDICTION PROFESSIONNELLE - CONSTRUCTION, PROMOTION IMMOBILIERE

ART.L.241-5,ART.L.241-3,ART.L.241-4 C.CONSTRUCT.

2 ans

INFRACTION AUX REGLES SUR LE CONSEIL DE SURVEILLANCE - COOPERATIVE DE CONSTRUCTION

ART.L.241-6 AL.1,ART.L.214-6,ART.L.214-7,ART.L.214-8,ART.L.214-9 C.CONSTRUCT.

5 ans

MENTION FAUSSE OU TROMPEUSE DANS UN CONTRAT OU DOCUMENT - SOCIETE DE CONSTRUCTION

ART.L.241-6 AL.2 1° C.CONSTRUCT.

5 ans

TROMPERIE SUR LA QUALITE DANS L'EXECUTION D'UN CONTRAT DE CONSTRUCTION EN SOCIETE

ART.L.241-6 AL.2 1° C.CONSTRUCT.

5 ans

OBSTACLE A L'ACTION DES ORGANES DE CONTROLE D'UNE SOCIETE DE CONSTRUCTION

ART.L.241-6 AL.2 2° C.CONSTRUCT.

5 ans

ABUS DE BIENS, DU CREDIT, DES POUVOIRS OU DES VOIX DANS UNE SOCIETE DE CONSTRUCTION

ART.L.241-6 AL.2 3° C.CONSTRUCT.

5 ans

INFRACTION A L'INTERDICTION PROFESSIONNELLE - SOCIETE DE CONSTRUCTION

ART.L.241-7 I C.CONSTRUCT.

5 ans

CONSTRUCTION D'UNE MAISON INDIVIDUELLE SANS CONTRAT ECRIT

ART.L.241-8 AL.1, ART.L.231-1, ART.L.232-1 C.CONSTRUCT.

2 ans

CONSTRUCTION D'UNE MAISON INDIVIDUELLE SANS GARANTIE DE LIVRAISON

ART.L.241-8 AL.1, ART.L.231-6 §I AL.1, ART.L.232-2 C.CONSTRUCT.

2 ans

CONCLUSION DE CONTRAT DE SOUS-TRAITANCE POUR LA CONSTRUCTION DE MAISON INDIVIDUELLE SANS ENONCIATION DE LA JUSTIFICATION D'UNE GARANTIE DE PAIEMENT

ART.L.241-9, ART.L.231-13 G), ART.L.232-2 C.CONSTRUCT.

2 ans

CONSTRUCTION D'UNE MAISON INDIVIDUELLE SANS CONTRAT ECRIT DE SOUS-TRAITANCE

ART.L.241-9, ART.L.231-13, ART.L.232-2 C.CONSTRUCT.

2 ans

PERCEPTION IRREGULIERE DE FONDS LORS D'UNE VENTE D'IMMEUBLE A CONSTRUIRE

ART.L.263-1 AL.1, ART.L.261-12,ART.L.261-15 C.CONSTRUCT.

2 ans

DETOURNEMENT DE FONDS A L'OCCASION D'UNE VENTE D'IMMEUBLE A CONSTRUIRE

ART.L.263-2 C.CONSTRUCT.

3 ans

INFRACTION AUX REGLES SUR LA PUBLICITE DES PRIMES ET DES PRETS A LA CONSTRUCTION

ART.L.311-13 C.CONSTRUCT.

2 ans

ABSENCE DE CONSIGNATION DES FONDS RECUS POUR UNE CONSTRUCTION AVEC PRIME

ART.L.311-6 C.CONSTRUCT.

3 ans

PARTICIPATION, MALGRE INCAPACITE, A LA FONDATION OU A LA GESTION D'UN ORGANISME COLLECTEUR DE LA PARTICIPATION DES EMPLOYEURS A L'EFFORT DE CONSTRUCTION

ART.L.313-29, ART.L.313-30, ART.L.241-3, ART.L.241-4, ART.R.313-21 C.CONSTRUCT.

2 ans

USAGE DES BIENS OU DU CREDIT D'UN ORGANISME DE COLLECTE DE LA PARTICIPATION DES EMPLOYEURS A L'EFFORT DE CONSTRUCTION, PAR DIRIGEANT, A DES FINS PERSONNELLES

ART.L.313-32, ART.R.313-6, ART.R.313-25 C.CONSTRUCT.

5 ans

USAGE DES POUVOIRS DE DIRIGEANT A DES FINS PERSONNELLES CONTRAIRES A L'OBJET DE L'ORGANISME DE COLLECTE DE LA PARTICIPATION DES EMPLOYEURS A L'EFFORT DE CONSTRUCTION

ART.L.313-32, ART.R.313-6, ART.R.313-25 C.CONSTRUCT.

5 ans

USAGE D'APPELLATION SUSCEPTIBLE DE CREER LA CONFUSION AVEC UN ORGANISME D'H.L.M.

ART.L.423-9 C.CONSTRUCT.

3 mois

REFUS DELIBERE, SANS MOTIF LEGITIME ET MALGRE MISE EN DEMEURE, D'EXECUTER SUR UN BATIMENT MENACANT RUINE LES TRAVAUX PRESCRITS PAR L'ARRETE DE PERIL

ART.L.511-6 §I AL.2, ART.L.511-1, ART.L.511-3 C.CONSTRUCT.

1 an

DESTRUCTION, DEGRADATION OU DETERIORATION DE LOCAL FAISANT L'OBJET D'UN ARRETE DE PERIL DANS LE BUT D'EN FAIRE PARTIR LES OCCUPANTS

ART.L.511-6 §II AL.2, ART.L.511-1, ART.L.511-1-1 C.CONSTRUCT.

3 ans

HABITATION OU UTILISATION DE MAUVAISE FOI D'UN LOCAL MALGRE INTERDICTION ADMINISTRATIVE - ARRETE DE PERIL

ART.L.511-6 §II AL.3, ART.L.511-2 C.CONSTRUCT.

3 ans

LOCATION OU MISE A DISPOSITION DE MAUVAISE FOI DE LOCAL VACANT MENACANT RUINE - ARRETE DE PERIL NOTIFIE

ART.L.511-6 §II AL.3, ART.L.511-5 C.CONSTRUCT.

3 ans

MENACE OU ACTE D'INTIMIDATION EN VUE DE CONTRAINDRE L'OCCUPANT D'UN LOCAL INSALUBRE A RENONCER A SON DROIT AU RELOGEMENT OU A UN HEBERGEMENT DECENT

ART.L.521-4 §I AL.2, ART.L.521-1, ART.L.521-3-1 C.CONSTRUCT.

3 ans

DETERIORATION D'UN LOCAL LE RENDANT IMPROPRE A L'HABITATION POUR FAIRE RENONCER L'OCCUPANT A SON DROIT AU RELOGEMENT OU A UN HEBERGEMENT DECENT

ART.L.521-4 §I AL.2, ART.L.521-1, ART.L.521-3-1 C.CONSTRUCT.

3 ans

PERCEPTION DE SOMME OU LOYER POUR L'OCCUPATION D'UN LOCAL AYANT FAIT L'OBJET D'UNE MISE EN DEMEURE OU D'UNE INJONCTION POUR INSALUBRITE, DANGEROSITE OU SUROCCUPATION

ART.L.521-4 §I AL.3, ART.L.521-1 AL.1, ART.L.521-2 §I C.CONSTRUCT.

3 ans

REFUS DE RELOGER OU D'HEBERGER L'OCCUPANT D'UN LOCAL INSALUBRE

ART.L.521-4 §I AL.4, ART.L.521-1, ART.L.521-3-1 C.CONSTRUCT.

3 ans

MISE A LA DISPOSITION D'UN TIERS D'UN LOCAL ATTRIBUE D'OFFICE, PAR L'ATTRIBUTAIRE

ART.L.641-6 C.CONSTRUCT.

1 an

DISSIMULATION PAR MANOEUVRE FRAUDULEUSE DE LA VACANCE DE LOCAUX - REQUISITION AVEC ATTRIBUTAIRE

ART.L.642-28 §I 1°, ART.L.642-1 C.CONSTRUCT.

1 an

DESTRUCTION, DEGRADATION OU DETERIORATION DE LOCAUX POUR FAIRE OBSTACLE A UNE REQUISITION AVEC ATTRIBUTAIRE

ART.L.642-28 §I 2°, ART.L.642-9, ART.R.642-8 C.CONSTRUCT.

1 an

DISSIMULATION PAR MANOEUVRES FRAUDULEUSES D'UN LOCAL SOUMIS A DECLARATION

ART.L.651-3 AL.1 C.CONSTRUCT.

1 an

FAUSSES DECLARATIONS CONCERNANT UN LOCAL SOUMIS A DECLARATION

ART.L.651-3 AL.1 C.CONSTRUCT.

1 an

PERCEPTION INDUE OU EXCESSIVE D'UNE PRIME DE DEMENAGEMENT OU DE REINSTALLATION

ART.L.651-5,ART.L.631-4 C.CONSTRUCT.

3 mois

Source : Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales

Après le premier alinéa de l'article 510 du même code, un alinéa est inséré afin de prévoir en outre l'examen à juge unique des appels portant sur un jugement rendu à juge unique, comme c'est déjà le cas pour les contraventions, sous réserve de la possibilité de renvoi de l'affaire à la collégialité.

S'agissant de la procédure de l'ordonnance pénale, l'article 495 du code de procédure pénale est modifié afin de prévoir que cette procédure est désormais applicable aux délits visés à l'article 398-1 du code de procédure pénale, à l'exception des délits d'atteintes volontaires et involontaires à l'intégrité des personnes. L'exclusion de cette procédure en cas de récidive est supprimée.

A l'article 495-1, les peines alternatives de travail d'intérêt général et de jour amende sont prévues.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Cette évolution n'impliquera pas de réorganisation majeure au sein des juridictions, qui bénéficieront d'un allègement de la charge des compositions collégiales en matière pénale et d'un vraisemblable raccourcissement des délais d'audiencement. Le service général des magistrats et l'activité des fonctionnaires de greffe s'en trouveraient allégés.

La clarification et l'élargissement de la liste des infractions relevant du champ du juge unique conduiraient à augmenter d'environ 3 700 condamnations annuelles le nombre d'infractions relevant de cette procédure.

Estimation des condamnations relevant du champ juge unique avant et après la réforme

avant la réforme

sorties du champ

entrées dans le champ

après la réforme

Estimation du champ juge unique strict

154 400

100

3 800

158 100

Source : Exploitation statistique du Casier judiciaire national par Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales (données 2016).

Cette mesure devrait permettre un gain potentiel de 8 ETPT de magistrats et de 2,5 ETPT de fonctionnaires.

S'agissant de l'extension du juge unique en appel, l'impact de la réforme serait conséquent, puisqu'il concernerait plus de la moitié des décisions rendues en appel.

A partir des données du Casier judiciaire national, il est en effet possible d'estimer le volume de condamnations susceptibles d'être prononcées par le juge unique en appel à 12 000 par an, sur un total de 22 000 condamnations prononcées annuellement par les cours d'appel en matière correctionnelle 139 ( * ) .

Concernant l'extension de l'ordonnance pénale :

La mesure visant à étendre le recours à la procédure d'ordonnance pénale devrait permettre des économies en termes d'ETPT, le temps de traitement d'une affaire étant beaucoup plus court si elle est orientée ordonnance pénale plutôt qu'en juge unique, et ce que ce soit pour les magistrats ou pour les fonctionnaires.

Cette nouvelle disposition est susceptible d'entrainer une hausse de 14 000 décisions d'ordonnances pénales par an, ce qui correspond au volume de condamnations non assorties d'une peine d'emprisonnement prononcées annuellement -  par les tribunaux correctionnels et en CRPC- pour des infractions entrant nouvellement dans le champ de l'ordonnance pénale avec la réforme. Celles-ci viendraient donc s'ajouter aux 143 000 ordonnances pénales délictuelles prononcées annuellement (Source : Exploitation statistique du Casier judiciaire national par Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales, données 2016). Pour traiter 14 000 affaires, le besoin est de 12 magistrats et de 27 fonctionnaires en cas de recours au juge unique. Il est de 2 magistrats et 4,5 fonctionnaires en cas d'application de la procédure d'ordonnance pénale, soit une économie de 10 magistrats et 22,5 fonctionnaires pour 14 000 affaires supplémentaires traitées par ordonnance pénale.

4.3. IMPACTS INFORMATIQUES

L'impact pour le ministère de cette mesure est fort. Les bases Cassiopée et Natinf devront être mises à jour. L'extension des peines susceptibles d'être prononcées implique une modification des liens existants au système de référencement justice et par conséquent un impact applicatif et éditique. L'extension de l'examen à juge unique a un impact éditique sur la version de Cassiopée qui doit être déployée en cours d'appel alors même que les développements sont en cours et que le déploiement auprès des sites pilotes est envisagé à la fin du premier semestre 2018. Ces dispositions supposeront la révision de 2 200 catégories de la base NATINF par ailleurs.

Ces travaux pourront être intégrés dans l'une des trois versions annuelles à programmer pour mettre en oeuvre la réforme de simplification de procédure pénale (hors volet exécution des peines), ce qui correspond à un délai prévisionnel d'une année à compter de la stabilisation complète du texte. Les modifications applicatives concernant les cours d'appel devraient être gérées parallèlement et localement en l'absence d'une version généralisée de Cassiopée en deuxième instance.

4.4. IMPACT SUR LES FRAIS DE JUSTICE

Cette mesure peut avoir pour conséquence un recours accru aux délégués du procureur de la République pour notifier les ordonnances pénales délictuelles.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le comité technique de l'administration pénitentiaire a été consulté le 28 mars et le comité technique des services pénitentiaires insertion et probation le 23 mars. Leur avis est réputé donné (défaut de majorité).

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Afin de permettre la mise à jour des codes NATINF, l'entrée en vigueur de ces dispositions est reportée au 1 er jour du 3 ème mois suivant la publication de la loi.

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur » du code de procédure pénale.

SOUS-SECTION 2 : Dispositions relatives au jugement des crimes

Article 42 : Dispositions relatives au jugement des crimes

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

Née à la révolution française, la cour d'assises a connu d'importantes évolutions.

Deux grandes réformes significatives récentes méritent à ce titre d'être rappelées : la loi du 15 juin 2000, qui a introduit la possibilité d'interjeter appel en matière criminelle, et la loi du 10 août 2011, qui a introduit une obligation de motivation des arrêts.

La cour d'assises est composée de magistrats professionnels et de jurés, dont le nombre varie selon que la cour siège en première instance ou en appel. Le jury de jugement est composé de six jurés lorsque la cour statue en premier ressort et de neuf jurés lorsqu'elle statue en appel.

1.1.1 Principes directeurs

La procédure criminelle est régie par les principes de publicité, d'oralité et de continuité des débats.

L'article 306 du code de procédure pénale dispose que les débats sont publics, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l'ordre ou les moeurs. Dans ce cas, la cour le déclare par un arrêt rendu en audience publique. Des restrictions au principe de publicité sont également prévues concernant les infractions sexuelles et concernant les mineurs.

Alors que la publicité est un principe directeur propre à la totalité de la matière pénale, le principe de continuité est pour sa part spécifiquement lié à la présence de jurés non professionnels qui exerceront une mission ponctuelle.

Ainsi, aux termes du premier alinéa de l'article 307 du Code de procédure pénale, « les débats ne peuvent être interrompus et doivent continuer jusqu'à ce que la cause soit terminée par l'arrêt de la cour d'assises ».

L'oralité suppose que la cour d'assises forge sa conviction sur les seuls éléments débattus oralement et contradictoirement.

1.1.2 Procédure criminelle

a) Formalités précédant les débats

Il convient notamment d'indiquer qu'en application de l'article 281 du code de procédure pénale, le ministère public et la partie civile signifient à l'accusé, l'accusé signifie au ministère public et, s'il y a lieu, à la partie civile, dès que possible et vingt-quatre heures au moins avant l'ouverture des débats, la liste des personnes qu'ils désirent faire entendre en qualité de témoins. Les citations faites à la requête des parties sont à leurs frais, ainsi que les indemnités des témoins cités, s'ils en requièrent.

Toutefois, le ministère public est tenu de citer à sa requête les témoins, dont la liste lui a été communiquée par les parties, cinq jours au moins avant l'ouverture des débats ; cette liste ne peut comporter plus de cinq noms.

b) Déroulement des débats

Le président a la police de l'audience et la direction des débats. Il est investi d'un pouvoir discrétionnaire en vertu duquel il peut prendre toutes mesures qu'il croit utiles pour découvrir la vérité.

Il peut notamment appeler, au besoin par mandat d'amener, et entendre toutes personnes ou se faire apporter toutes nouvelles pièces qui lui paraissent, d'après les développements donnés à l'audience, utiles à la manifestation de la vérité.

Les assesseurs et les jurés peuvent poser des questions aux accusés et aux témoins en demandant la parole au président.

Sous réserve des dispositions de l'article 309, le ministère public et les avocats des parties peuvent poser directement des questions à l'accusé, à la partie civile, aux témoins et à toutes les personnes appelées à la barre, en demandant la parole au président. L'accusé et la partie civile peuvent également poser des questions par l'intermédiaire du président.

Il découle du principe de l'oralité des débats que les témoins doivent déposer oralement. Il ne peut être donné lecture du procès-verbal d'audition d'un témoin acquis aux débats et comparant avant sa déposition orale à l'audience et leur déposition doit être spontanée. L'article 331 du code de procédure pénale prévoit en effet que les témoins déposent oralement, et qu'ils ne sont pas interrompus dans leur déposition. Les témoins déposent uniquement, soit sur les faits reprochés à l'accusé, soit sur sa personnalité et sur sa moralité.

L'article 332 du même code dispose qu'après chaque déposition, le président peut poser des questions aux témoins. Le ministère public, ainsi que les conseils de l'accusé et de la partie civile, l'accusé et la partie civile ont la même faculté.

Il se déduit par ailleurs du principe d'oralité des débats que le président ne peut pas donner connaissance de documents de l'instruction écrite sans en donner lecture et sans préciser que ces pièces ont fait l'objet d'un débat contradictoire (Crim. 9 avr. 1986).

c) Délibéré

Les magistrats de la cour et les jurés se retirent dans la chambre des délibérations. Ils n'en peuvent sortir qu'après avoir pris leurs décisions. La cour et le jury délibèrent, puis votent, par bulletins écrits et par scrutins distincts et successifs sur chaque question.

Le président ou l'un des magistrats assesseurs par lui désigné rédige la motivation de l'arrêt. En cas de condamnation, la motivation consiste dans l'énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises. Ces éléments sont ceux qui ont été exposés au cours des délibérations menées par la cour et le jury préalablement aux votes sur les questions.

Il convient de relever qu'en application de l'article 347 du code de procédure pénale, le dossier de la procédure est déposé entre les mains du greffier de la cour d'assises durant le délibéré. Seule la décision de renvoi et, en cas d'appel, l'arrêt rendu par la cour d'assises ayant statué en premier ressort ainsi que la feuille de motivation qui l'accompagne sont conservés. Si, au cours de la délibération, la cour d'assises estime nécessaire l'examen d'une ou plusieurs pièces de la procédure, le président ordonne le transport dans la salle des délibérations du dossier, qui, à ces fins sera rouvert en présence du ministère public et des avocats de l'accusé et de la partie civile.

d) Recours

Depuis la loi du 15 juin 2000, aux termes de l'article 380-2 du code de procédure pénale, peuvent interjeter appel l'accusé, le ministère public, le civilement responsable et la partie civile concernant ses intérêts civils, les administrations publiques dans les cas où celles-ci exercent l'action publique et le procureur général s'agissant des arrêts d'acquittement.

L'appel est interjeté dans le délai de dix jours à compter du prononcé de l'arrêt.

L'accusé peut se désister de son appel jusqu'à son interrogatoire par le président. Ce désistement rend caducs les appels incidents formés par le ministère public ou les autres parties.

Après que la cour d'assises s'est prononcée sur l'action publique, la cour seule, sans l'assistance du jury, statue sur les intérêts civils. Lorsqu'il est interjeté appel du seul arrêt rendu sur l'action civile, cet appel est porté devant la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel en application de l'article 380-5 du code de procédure pénale.

1.1.3 Activité des cours d'assises

L'activité des cours d'assises peut être présentée, en distinguant son évolution et les condamnations prononcées selon le quantum encouru.

a) Evolution de l'activité des cours d'assises

L'analyse des données statistiques issues des cadres du parquet et du casier judiciaire national révèle un déclin tendanciel sensible de l'activité des cours d'assises au cours des 15 dernières années.

Néanmoins, en 2016, les deux sources enregistrent une hausse : 2 227 arrêts ont été rendus, et 2 416 condamnations inscrites au casier judiciaire.

Evolution de l'activité des cours d'assises selon les cadres du parquet, et du nombre de jours d'audience recensés par la direction des services judiciaires

NB : La durée théorique d'écoulement des stocks rapporte ces derniers au nombre total d'arrêts rendus ; il est présenté en mois. Champ : France entière hors Mayotte.

Année

Nombre d'arrêts rendus

(a)

Stock d'affaires en attente au 31 décembre

(b)

Durée d'écoulement du stock en mois

= (b/a) x12

Nombre de jours d'audience

Nombres de jours d'audience par arrêt rendu

2001

2 863

2 203

9,2

2002

2 847

2 207

9,3

2003

2 916

2 459

10,1

2004

2 933

2 695

11,0

2005

2 990

2 881

11,6

2006

2 969

2 607

10,5

2007

2 882

2 430

10,1

2008

2 710

2 411

10,7

2009

2 659

2 061

9,3

2010

2 502

1 891

9,1

7 230

2,9

2011

2 329

1 934

10,0

6 719

2,9

2012

2 373

2 200

11,1

7 138

3,0

2013

2 287

2 204

11,6

7 023

3,1

2014

2 103

2 321

13,2

6 718

3,2

2015

2 107

2 480

14,1

6 610

3,1

2016

2 227

2 411

13,0

6 883

3,1

Sources : Cadres du parquet - Données DSJ

Il convient de relever un accroissement sensible du taux d'appel des décisions d'assises de 24% en 2006 à 30% en 2015 et 2016.

Graphique - Activité des cours d'assises

Sur cette même période, les stocks d'affaires en attente 140 ( * ) , présentent une diminution de 2006 à 2011, avant de croître de manière très sensible et continue à partir de 2011. Fin 2014, et pour la première fois, le nombre d'arrêts rendus au cours de l'année était inférieur au nombre d'affaires en attente. Cet écart s'est encore creusé en 2015 ; dès lors, le délai théorique d'écoulement de ces stocks a augmenté, de 10 mois en 2011, il est passé à 11,6 mois en 2013, 13,2 mois en 2014 et 14,1 mois en 2015. En 2016, le nombre d'arrêts rendus est à la hausse et le stock d'affaires en attente à la baisse, par conséquent, le délai d'écoulement de stock diminue pour atteindre 13 mois en 2016.

L'accroissement du stock s'explique d'une part par l'insuffisance des capacités de jugement des cours d'assises relativement à l'activité des juges d'instruction, mais aussi par l'accroissement important du taux d'appel, qui a une incidence importante sur l'organisation des sessions. La part des appels dans ce stock était de 16% en 2006 et atteint 22% depuis 2013.

Toutefois, l'observation détaillée des condamnations en appel met en évidence l'existence de certains délais en appel très longs, tenant sans doute à la spécificité des affaires criminelles.

Tableau - Appel : condamnations prononcées par les cours d'assises d'appel, délai écoulé entre la décision antérieure et la condamnation définitive, selon le statut du condamné - Les délais sont présentés en années

Année

Condamnations

Délai en appel (années)

Délai en appel - libre

Délai en appel - détenu

2004

389

1,27

1,46

1,15

2005

461

1,29

1,42

1,22

2006

483

1,39

1,62

1,26

2007

445

1,38

1,43

1,36

2008

407

1,42

1,53

1,36

2009

476

1,45

1,57

1,37

2010

461

1,34

1,44

1,26

2011

383

1,44

1,55

1,36

2012

418

1,48

1,65

1,36

2013

416

1,52

1,62

1,44

2014

385

1,63

1,65

1,61

2015

360

1,57

1,65

1,52

2016*

381

1,61

1,77

1,52

Source : Casier judiciaire national, *données provisoires

On constate ainsi l'engorgement de certaines cours d'assises et l'allongement de la durée des jugements.

b) Condamnations prononcées selon le quantum encouru 141 ( * )

Les crimes pour lesquels le quantum encouru est de 20 ans de réclusion représentent à eux seuls 50% des condamnations prononcées par les cours d'assises et les cours d'assises des mineurs (tableau 1). Viennent ensuite les crimes encourant 30 ans de réclusion (17% des condamnations), ceux encourant la réclusion criminelle à perpétuité (14% des condamnations) et enfin ceux encourant 15 ans de réclusion (10% des condamnations). Les délits représentent 9% des condamnations prononcées par les cours d'assises.

La structure des contentieux pour les infractions encourant 15 ans et 20 ans de réclusion est marquée par une prédominance des crimes sexuels, qui représentent respectivement 67% et 58% des condamnations prononcées. Cette part des infractions sexuelles apparaît d'autant plus importante qu'elles représentent 36% de l'ensemble des condamnations prononcées par les cours d'assises en 2014 et 2015.

La part des crimes sexuels est nécessairement moins élevée dans les condamnations pour des infractions encourant 30 ans de réclusion ou la réclusion criminelle à perpétuité compte-tenu de la proportion représentée par les homicides et les violences criminelles (63% des condamnations pour un encouru de 30 ans, 83% des condamnations pour des infractions encourant la réclusion à perpétuité).

Au-delà de la prédominance des infractions sexuelles, la structure des contentieux pour les infractions encourant 15 ans et 20 ans de réclusion diffère cependant : les violences criminelles représentent en effet 30% des condamnations pour lesquelles la peine encourue est de 15 ans de réclusion, alors qu'elles ne représentent que 12% des condamnations pour lesquelles la peine encourue est de 20 ans de réclusion. A l'inverse, les vols criminels représentent 30% des condamnations pour lesquelles la peine encourue est de 20 ans, et moins de 4% des condamnations pour lesquelles la peine encourue est de 15 ans.

Le vol avec arme représente, à lui seul, 16% des condamnations pour des infractions encourant 20 ans de réclusion.

Un peu plus de 10% des condamnations prononcées par des cours d'assises de majeurs sont prononcées en retenant l'état de récidive (tableau 2). Selon le quantum le taux de récidive varie, il est ainsi de 13% lorsque le quantum encouru est de 30 ans et 7% pour un quantum encouru de 15 ans.

Le taux de récidive dans les condamnations prononcées par les juridictions pour mineurs est de moins de 4%.

Tableau 1. Condamnations prononcées par les Cours d'assises selon le quantum encouru et le contentieux - structure pour chaque quantum encouru et dans l'ensemble des condamnations

Condamnations prononcées en 2014 et 2015 (données cumulées)

% dans les condamnations prononcées pour chaque quantum encouru

% dans l'ensemble des condamnations prononcées par les Cours d'assises

Quantum encouru

Contentieux

Cours d'assises des majeurs

Cours d'assises des mineurs

Ensemble

15 ans

Crimes sexuels

281

28

309

66,5%

6,8%

Violences criminelles

130

8

138

29,7%

3,0%

Vols criminels

13

5

18

3,9%

0,4%

Ensemble

424

41

465

100,0%

10,2%

20 ans

Crimes sexuels

1150

168

1318

58,2%

28,9%

Vols criminels

476

197

673

29,7%

14,7%

Violences criminelles

252

22

274

12,1%

6,0%

Ensemble

1878

387

2265

100,0%

49,6%

30 ans

Homicides et violences criminelles

450

38

488

62,8%

10,7%

Vols criminels

203

51

254

32,7%

5,6%

Autres crimes

32

32

4,1%

0,7%

Crimes sexuels

3

3

0,4%

0,1%

Ensemble

688

89

777

100,0%

17,0%

Perpétuité

Homicides et violences criminelles

511

30

541

82,8%

11,9%

Vols criminels

68

26

94

14,4%

2,1%

Crimes sexuels

8

3

11

1,7%

0,2%

Autres crimes

7

7

1,1%

0,2%

Ensemble

594

59

653

100,0%

14,3%

Délits

Ensemble

354

52

403

100,0%

8,8%

Total

3938

628

4566

100,0%

Source : Exploitation statistique du Casier judiciaire national par Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales

Tableau 2. Condamnations prononcées par les Cours d'assises selon le quantum encouru et taux de condamnations prononcées en récidive

Condamnations 2014-2015

Cours d'assises de majeurs

Cours d'assises de mineurs

Quantum encouru

Hors récidive

En récidive

Total

% récidive

Hors récidive

En récidive

Total

% récidive

15 ans

394

30

424

7,1%

39

2

41

4,9%

20 ans

1 660

218

1 878

11,6%

375

12

387

3,1%

30 ans

600

88

688

12,8%

87

2

89

2,2%

PERPETUITE

545

49

594

8,2%

53

6

59

10,2%

Délits

325

29

354

8,2%

50

2

52

3,8%

Total

3 524

414

3 938

10,5%

604

24

628

3,8%

Source : Exploitation statistique du Casier judiciaire national par Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales

On compte en moyenne 1151 infractions par an condamnées par les cours d'assises et cours d'assises d'appel des majeurs dont le seuil d'encouru est inférieur ou égal à 20 ans (15 ans et 20 ans encourus ; moyenne calculée sur les années 2014 et 2015), dont 1000 relèveraient du TCD (hors récidive).

On peut ainsi estimer que 57% des condamnations prononcées en première instance par les cours d'assises des majeurs seront impactées par les nouvelles dispositions du tribunal criminel départemental (crimes encourant un quantum de réclusion de 15 ans ou de 20 ans), soit en moyenne près de 900 condamnations par an (Tableau 3).

De plus, 57% des condamnations prononcées (hors condamnations en récidive) par les cours d'assises d'appel des majeurs seront jugées en première instance par un tribunal criminel départemental, soit en moyenne 160 condamnations par an (Tableau 3).

Tableau 3. Volume moyen annuel des condamnations criminelles prononcées par les cours d'assises des majeurs (2014-2015)

Moyenne annuelle des condamnations prononcées par les cours d'assises des majeurs en 2014-2015

Ensemble des cours d'assises

Cours d'assises (première instance)

Cours d'assises d'appel

Quantum encouru

Contentieux

Toutes condamnations

dont hors récidive

% dans les condamnations criminelles hors récidive

Toutes condamnations

dont hors récidive

% dans les condamnations criminelles hors récidive

Toutes condamnations

dont hors récidive

% dans les condamnations criminelles hors récidive

15 ans

Crimes sexuels

141

130

8,1%

120

112

8,4%

21

18

6,5%

Violences criminelles

65

61

3,8%

57

54

4,0%

8

8

2,7%

Vols criminels

7

7

0,4%

5

5

0,4%

2

2

0,5%

Ensemble

212

197

12,3%

182

170

12,8%

31

27

9,8%

20 ans

Crimes sexuels

575

537

33,5%

469

441

33,3%

107

96

34,8%

Violences criminelles

126

118

7,4%

111

104

7,9%

16

14

5,1%

Vols criminels

238

176

11,0%

204

156

11,8%

34

20

7,1%

Ensemble

939

830

51,9%

783

701

52,9%

156

130

46,9%

30 ans

Crimes sexuels

2

2

0,1%

2

2

0,1%

0

0

0,0%

Violences criminelles

225

210

13,1%

179

167

12,6%

46

43

15,6%

Vols criminels

102

76

4,7%

84

67

5,1%

18

9

3,1%

Autres crimes

16

13

0,8%

10

8

0,6%

6

5

1,8%

Ensemble

344

300

18,8%

275

244

18,4%

70

57

20,5%

Perpétuité

Crimes sexuels

4

4

0,2%

3

3

0,2%

1

1

0,2%

Violences criminelles

256

236

14,8%

196

185

13,9%

60

52

18,7%

Vols criminels

34

31

1,9%

22

21

1,5%

13

10

3,6%

Autres crimes

4

3

0,2%

2

2

0,1%

2

1

0,4%

Ensemble

297

273

17,0%

223

210

15,8%

75

63

22,8%

Total

1792

1600

100,0%

1462

1324

100,0%

331

276

100,0%

Source : Exploitation statistique du Casier judiciaire national par Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la procédure d'assises dans plusieurs décisions. 142 ( * )

Dans sa toute récente décision n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018, publiée le même jour, le Conseil a estimé que les exigences constitutionnelles imposaient que les décisions des cours d'assises soient motivées sur la peine.

Il a ainsi jugé que l'article 365-1 du code de procédure pénale était contraire à la Constitution en tant qu'il n'impose pas à la cour d'assises de motiver le choix de la peine.

Compte tenu des conséquences manifestement excessives qu'entraînerait une abrogation immédiate, le Conseil constitutionnel a reporté la date d'abrogation au 1er mars 2019.

Il a toutefois précisé que, dans tous les procès d'assises ouverts à compter de la publication de la décision « les dispositions du deuxième alinéa de l'article 365-1 du code de procédure pénale doivent être interprétées comme imposant également à la cour d'assises d'énoncer, dans la feuille de motivation, les principaux éléments l'ayant convaincue dans le choix de la peine ».

Il a ajouté que l'inconstitutionnalité de l'article 365-1 ne peut en revanche pas être invoquée pour contester les arrêts qui ont été rendus ou qui le seront dans des procès ouverts avant la date de publication de la décision.

Le principe d'oralité n'a pas valeur constitutionnelle.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La Cour européenne des droits de l'homme s'est prononcée à plusieurs reprises sur la matière criminelle notamment concernant la motivation des arrêts au visa de l'article 6§1. Outre le fait que le droit national est aujourd'hui conforme, aucune évolution normative n'est en tout état de cause envisagée sur ce point dans le présent projet de loi. 143 ( * )

Il convient d'indiquer, s'agissant du délai de jugement des dossiers criminels que la France a fait l'objet de plusieurs arrêts de violation s'agissant notamment du délai d'audiencement devant la cour d'assises de Paris, spécialement composée, dans des affaires mettant en cause des détenus (sept arrêts rendus en janvier 2012, puis en septembre 2013 ). 144 ( * )

Sous l'angle de l'article 5§3 de la Convention, la Cour rappelle en effet que si la persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d'avoir commis une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention, elle n'est pas suffisante au bout d'un certain temps.

La Cour vérifie alors :

- la persistance de « motifs suffisants et pertinents » pour justifier la prolongation de la détention provisoire ;

- les « diligences particulières » apportées par les autorités nationales à la poursuite de la procédure, le contrôle de la Cour étant de plus en plus strict à mesure que la détention provisoire se prolonge.

Enfin, le principe d'oralité des débats n'a pas valeur conventionnelle, seul le principe de publicité étant prévu par l'article 6§1 de la Convention.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

L'analyse des données statistiques présentées supra , qui révèlent un engorgement de certaines cours d'assises et l'allongement de la durée des jugements, appelle certaines simplifications procédurales.

Il y a lieu à ce titre d'envisager :

- un renforcement des exigences de mise en état préparatoires au procès criminel afin de limiter les motifs de renvoi des affaires ;

- une atténuation du principe d'oralité lorsque celui-ci n'apparaît pas indispensable à la manifestation de la vérité et au rendu d'une bonne justice ;

- une simplification procédurale concernant la procédure d'appel lorsque la contestation ne porte que sur le quantum de la peine.

Il faut par ailleurs prévoir la motivation des décisions sur la peine, conformément à la décision QPC du 2 mars 2018.

Il convient enfin de prévoir la possibilité à titre expérimental, de juger certains crimes par un tribunal criminel départemental.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. LA PRÉPARATION ET L'ORGANISATION DES AUDIENCES

3.1.1 Option retenue : allonger les délais minimaux de transmission de la liste des témoins

En l'état du droit actuel, la liste des témoins doit être transmise dans un délai minimal de 24 heures.

Ces dispositions sont génératrices de désorganisation dans le déroulement du procès criminel, qui peut se trouver enrichi en dernière minute de plusieurs dizaines de nouveaux témoins. Cette signification tardive peut en outre constituer un motif de renvoi de l'affaire.

Une meilleure organisation plaide donc en faveur d'un allongement du délai minimal de signification de la liste des témoins à hauteur d'un mois, ce délai apparaissant raisonnable et compatible avec l'exercice effectif des droits de la défense.

Le ministère public serait tenu de citer à sa requête les témoins dont la liste lui a été communiquée par les parties dix jours et un mois au moins avant l'ouverture des débats.

3.2. LA PRISE DE CONNAISSANCE DU DOSSIER

3.2.1 Option écartée : donner connaissance de l'entier dossier aux assesseurs et aux jurés

Cette hypothèse a été explorée afin de réduire la durée des audiences. La mise à disposition du dossier pourrait permettre de faciliter le déroulement des débats puisque la cour serait déjà éclairée quant au contenu de la procédure.

Toutefois, il est apparu illusoire d'autoriser la consultation du dossier écrit par des jurés qui, par définition, ne sont tirés au sort et ne peuvent siéger que pour l'affaire concernée. Il serait de ce fait parfaitement impossible de leur donner connaissance du dossier avant l'ouverture des débats.

La mise à disposition du dossier durant les débats supposerait des aménagements matériels importants et serait tout aussi illusoire compte tenu du rythme déjà éprouvant de l'audience.

Enfin, la consultation sans accompagnement d'une procédure criminelle pourrait présenter un risque pour un juré non professionnel.

3.2.2 Option retenue : mettre le dossier à disposition des assesseurs

L'option retenue a été celle d'une communication du dossier aux assesseurs, qui compte tenu de leur désignation préalable par ordonnance du premier président et de leur statut de magistrat professionnel peuvent prendre connaissance de la procédure avant et durant l'audience.

3.3. LES DÉBATS ET LE DÉLIBÉRÉ

3.3.1 L'audition des témoins

Une atténuation du principe d'oralité est proposée concernant l'audition des témoins, souvent artificiellement rallongée par l'exigence d'une déposition spontanée préalable du témoin.

Ainsi, sans remettre en cause le principe même de la déposition, le président pourra toutefois, lorsque cela lui paraîtra nécessaire à la clarté et au bon déroulement des débats, interrompre les déclarations d'un témoin ou lui poser directement des questions sans attendre la fin de sa déposition.

En outre, afin d'éviter tout détournement ou mise en cause des professionnels cités à comparaître, il serait précisé que lorsque sont entendues des personnes qui ont concouru à la procédure, celles-ci ne sont pas tenues de faire part de leur intime conviction concernant la culpabilité de l'accusé.

3.3.2 Le délibéré

Afin d'améliorer et de faciliter le délibéré des procès criminels de la cour d'assises spéciale composée exclusivement de magistrats professionnels, il serait prévu que la cour d'assises puisse délibérer en possession de l'entier dossier de la procédure.

3.3.3 La motivation sur la peine

La décision QPC du 2 mars 2018 justifie simplement de compléter l'actuel article 365-1 sur la motivation et la « feuille de motivation », afin de prévoir que la motivation consistera également dans l'énoncé des principaux éléments ayant convaincu la cour d'assises dans le choix de la peine , (ce qui reprend exactement les termes de la décisions QPC) au vu des éléments exposés au cours de la délibération prévue par l'article 362.

3.3.4 L'action civile

Afin d'alléger la durée des audiences et d'améliorer les conditions du rendu de la décision sur intérêts civils, il est prévu que la cour puisse mettre en délibéré sa décision sur l'action civile, mais également, après avoir demandé les observations des parties, renvoyer cette décision devant le président de la cour d'assises, siégeant à la cour d'appel .

3.4. L'APPEL CRIMINEL

De la même façon que la loi du 3 juin 2016 a prévu en matière correctionnelle que la déclaration d'appel puisse se limiter aux peines prononcées, à certaines d'entre elles ou à leurs modalités d'application, l'accusé pourrait indiquer qu'il ne conteste pas les réponses données par la Cour d'assises sur sa culpabilité et qu'il limite son appel à la décision sur la peine.

Dans cette hypothèse, le formalisme procédural serait allégé puisque seules seraient entendues les personnes dont la déposition est nécessaire afin d'éclairer les assesseurs et les jurés sur les faits commis et la personnalité de l'accusé, sans que soient entendues les personnes dont la déposition ne serait utile que pour établir sa culpabilité. Les dispositions relatives aux questions sur la culpabilité ne seraient pas applicables.

3.5. L'EXPÉRIMENTATION DU TRIBUNAL CRIMINEL

A titre expérimental les crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion et qui ne sont pas commis en récidive, pourront être jugés en premier ressort non plus par la cour d'assises mais par un tribunal criminel départemental composé de cinq magistrats professionnels, dont le cas échéant deux magistrats honoraires ou à titre temporaire.

Les audiences devant ce tribunal se dérouleront comme celles prévues devant la cour d'assises spéciale composée uniquement de magistrats, comme le prévoit l'actuel article 698-6 du code de procédure pénale.

Les dispositions du projet de loi sont ainsi directement inspirées de celles de l'article 698-6.

Il en résultera donc un principe atténué d'oralité des débats, puisque tous les membres du tribunal auront accès au dossier, qui sera consultable pendant le délibéré. Tout en garantissant la qualité des débats, cela permettra des audiences un peu moins longues, donc des audiences plus nombreuses, et en conséquence un audiencement plus rapide des affaires.

Les délais maximum d'audiencement des accusés détenus devant ce tribunal seront réduits de deux à un an.

En cas d'appel, le dossier sera jugé comme actuellement par une cour d'assises composée de trois magistrats et neuf jurés.

Il apparaît opportun de ne prévoir cette expérimentation que pour les accusés majeurs et de prévoir que, pour l'application des dispositions relatives à l'aide juridictionnelle, le tribunal criminel sera assimilé à la cour d'assises.

Ces dispositions seront applicables à titre expérimental à compter du 1er janvier 2019 et jusqu'au 1er janvier 2021 dans au moins deux départements et au plus dix départements déterminés par un arrêté du garde des sceaux. Les personnes mises en accusation au plus tard le 1 er janvier 2021 devant le tribunal criminel comparaitront toutefois devant celui-ci jusqu'à la date du 1 er janvier 2022.

Six mois au moins avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement adressera au Parlement un rapport procédant à son évaluation.

Pour la mise en oeuvre de l'expérimentation, les personnes déjà mises en accusation devant la cour d'assises pourront être renvoyées devant le tribunal criminel, avec leur accord recueilli en présence de leur avocat, sur décision du premier président de la cour d'appel.

Cette expérimentation permettra de déterminer si le tribunal criminel constitue une réponse appropriée et opportune afin de répondre à l'engorgement actuel des cours d'assises, résultant pour partie de l'institution en 2001 d'un appel en matière criminelle, et aux retards d'audiencement qu'il provoque, retards qu'il n'est plus possible de tolérer, tant dans l'intérêt des accusés que de celui des victimes.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

La réforme exige la modification de quatre articles du code de procédure pénale (281, 331, 332, 365-1, 698-6) et la création de trois nouveaux articles 316-1, 371-1 et 380-2-1.

L'expérimentation du tribunal criminel est prévue par des dispositions non codifiées.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Les simplifications procédurales opérées devraient avoir un impact positif sur les ressources humaines en permettant une réduction du temps d'audience (actuellement 3,2 jours d'audiences / affaire en moyenne) et donc des besoins humains comme logistiques.

La mise à disposition effective du dossier devra être prévue pour les assesseurs, ce qui ne suppose toutefois aucun formalisme particulier puisque ces derniers, professionnels, disposent d'un bureau dans les locaux du tribunal.

L'impact de l'expérimentation du tribunal criminel ne peut être quantifié à ce stade car elle dépendra du nombre d'expérimentations retenu.

Si le dispositif expérimental était généralisé, cela aboutirait à ce que plus de 50 % des affaires actuellement jugées en assises soient jugées par le tribunal criminel, soit environ 1 200 affaires. Néanmoins, le tribunal criminel serait probablement saisi de faits qui sont actuellement correctionnalisés, accroissant ainsi le nombre d'affaires traitées.

Il est prévu que deux des cinq magistrats composant le tribunal criminel départemental puissent être des magistrats exerçant à titre temporaire visés à l'article 41-10 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ou des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles mentionnées à l'article 41-25 de la même ordonnance. Ces magistrats sont rémunérés à la vacation, sur la base d'un taux de vacation (106,28 € bruts pour les MTT, 162,37 € bruts pour les magistrats honoraires) multiplié par un coefficient. Dans l'hypothèse minimale d'un coefficient fixé à 3 et avec 3 jours d'audience, le coût par affaire serait compris entre 1 900 € et 2 900 €.

4.3. IMPACTS BUDGÉTAIRES

La mesure conduit à une économie de frais de justice, en réduisant les indemnités versées au juré. On estime ces indemnités à environ 465 € par juré, sur la base d'une étude réalisée sur le ressort de Douai. L'économie réalisée par la suppression de 6 jurés en première instance serait donc d'environ 2 800 € par affaire.

Au total, l'impact net, qui sera à affiner au regard des résultats de l'expérimentation, devrait donc être à peu près neutre pour les services judiciaires, le surcoût lié au besoin complémentaire de magistrats à titre temporaire ou honoraires étant compensé par la baisse des indemnités de jurés.

4.4. IMPACTS INFORMATIQUES

Concernant l'appel, des formulaires devront être créés afin de permettre la mise en oeuvre de ces nouvelles modalités. Il devra être prévu de pouvoir renseigner ces données sur Cassiopée. L'impact informatique de cette mesure pour le ministère est fort quoique différé. Les fonctionnalités relatives au jugement des crimes intègrent le module Cassiopée dédié aux cours d'assises, actuellement en cours de conception et prévu en l'état pour fin 2019. En tout état de cause, afin de permettre le traitement par le tribunal criminel de ces affaires, de nouveaux formulaires devront être mis à disposition des juridictions.

4.5. IMPACTS ÉCONOMIQUES

La création d'un tribunal criminel départemental n'a pas d'impact direct sur les avocats.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATION MENÉE

Le comité technique des services judiciaires a été consulté le 4 avril 2018 et a émis un vote défavorable.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Aux termes de l'article 112-2 du code pénal, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont d'application immédiate.

Ces dispositions seront donc applicables le lendemain de la publication de la loi.

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Ces dispositions seront applicables sans adaptation sur l'ensemble du territoire national, y compris les collectivités et départements d'outre-mer, par la mise à jour de l'article « compteur » du code de procédure pénale.

TITRE V : RENFORCER L'EFFICACITE ET LE SENS DE LA PEINE

Articles 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49 et 50 : Dispositions relatives aux peines encourues et au prononcé de la peine, à la probation et à l'exécution des peines

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

Une présentation synthétique du droit existant suppose d'examiner successivement les dispositions relatives aux peines encourues en matière correctionnelle, celles relatives au prononcé des peines d'emprisonnement, celles relatives à la probation et celles relatives à l'exécution des peines privative de liberté.

1.1.1 Les peines encourues en matière correctionnelle

L'article 131-3 du code pénal fixe la liste des peines correctionnelles encourues par les personnes physiques.

Il s'agit des peines suivantes :

« 1° L'emprisonnement, dont les différentes durées sont fixées par l'article 131-4 145 ( * ) ;

« 2° La contrainte pénale ;

« 3° L'amende ;

« 4° Le jour-amende ;

« 5° Le stage de citoyenneté ;

« 6° Le travail d'intérêt général ;

« 7° Les peines privatives ou restrictives de droits prévues à l'article 131-6, qui sont au nombre de quinze 146 ( * ) et qui peuvent être prononcées à la place de l'emprisonnement encouru

« 8° Les peines complémentaires prévues à l'article 131-10 147 ( * ) ;

« 9° La sanction-réparation. »

La contrainte pénale est définie par l'article 131-4-1 du code pénal.

L'article. 131-5-1 définit la peine de stage de citoyenneté qui peut être prononcé, à la place de l'emprisonnement, pour tous les délits. Il existe toutefois de nombreuses autres peines de stages, prévu comme peine complémentaire pour certains délits.

Ces stages sont pour la plupart également prévus en matière contraventionnelle par l'article 131-16 du code pénal.

Les articles 131-35-1 et 131-35-2 précisent le régime de ces peines de stage 148 ( * ) .

L'article 131-8 définit la peine de travail d'intérêt général.

Il indique que lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prescrire, à la place de l'emprisonnement, que le condamné accomplira, pour une durée de vingt à deux cent quatre-vingts heures, un travail d'intérêt général non rémunéré au profit soit d'une personne morale de droit public, soit d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en oeuvre des travaux d'intérêt général.

La peine de travail d'intérêt général ne peut être prononcée contre le prévenu qui la refuse ou qui n'est pas présent à l'audience. Le président du tribunal, avant le prononcé du jugement, informe le prévenu de son droit de refuser l'accomplissement d'un travail d'intérêt général et reçoit sa réponse.

La peine de travail d'intérêt général peut être prononcée lorsque le prévenu, absent à l'audience, a fait connaître par écrit son accord et qu'il est représenté par son avocat.

1.1.2 Le prononcé des peines d'emprisonnement

a) Règles de fond

D'une manière générale, le tribunal qui prononce une peine doit individualiser celle-ci conformément aux dispositions des articles 130-1 et 132-1 du code pénal.

L'article 130-1 définit les finalités et fonctions de la peine.

Il dispose que, afin d'assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l'équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions :

1° De sanctionner l'auteur de l'infraction ;

2° De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion.

L'article 132-1 dispose que toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée et que, dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1.

Ce principe d'individualisation présente une force particulière pour les peines d'emprisonnement.

L'article 132-19 indique en effet que, lorsqu'une infraction est punie d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer une peine d'emprisonnement pour une durée inférieure à celle qui est encourue.

Il précise surtout qu'en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues par le code pénal.

Il indique enfin que lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine d'emprisonnement sans sursis et ne faisant pas l'objet d'une de ces mesures d'aménagement, il doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale.

Les mesures d'aménagement dont peuvent faire l'objet les peines d'emprisonnement sont la semi-liberté, le placement à l'extérieur et le placement sous surveillance électronique , que définissent les articles 132-25 à 132-26-3 du code pénal.

Aux termes de ces dispositions, ces aménagements peuvent être décidés « ab initio » par le tribunal lorsqu'il prononce une peine égale ou inférieure à deux ans d'emprisonnement, ou, pour une personne en état de récidive légale, une peine égale ou inférieure à un an, lorsque le condamné justifie :

1° Soit de l'exercice d'une activité professionnelle, même temporaire, du suivi d'un stage ou de son assiduité à un enseignement, à une formation professionnelle ou à la recherche d'un emploi ;

2° Soit de sa participation essentielle à la vie de sa famille ;

3° Soit de la nécessité de suivre un traitement médical ;

4° Soit de l'existence d'efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive.

Ces dispositions sont également applicables en cas de prononcé d'un emprisonnement partiellement assorti du sursis ou du sursis avec mise à l'épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à deux ans, ou, si la personne est en état de récidive légale, inférieure ou égale à un an.

Par ailleurs, l'individualisation de la peine d'emprisonnement peut résulter du prononcé d'un sursis simple, conformément aux articles 132-29 à 132-39, d'un sursis avec mise à l'épreuve, conformément aux articles 132-40 à 132-53, ou du sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général conformément aux articles 132-54 à 132-56. Ces sursis peuvent assortir la totalité ou une partie de la peine d'emprisonnement prononcée.

b) Règles de procédure

Afin de permettre au tribunal de disposer des renseignements de personnalité lui permettant d'individualiser la peine, il existe deux règles de procédure.

Le septième alinéa de l'article 41 du code de procédure pénale prévoit que le procureur de la République peut également, suivant les cas, requérir une personne habilitée ou, en cas d'impossibilité matérielle, le service pénitentiaire d'insertion et de probation de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d'une personne faisant l'objet d'une enquête et de l'informer sur les mesures propres à favoriser l'insertion sociale de l'intéressé.

Le huitième alinéa précise que ces diligences doivent être prescrites avant toute réquisition de placement en détention provisoire, en cas de poursuites contre un majeur âgé de moins de vingt et un ans au moment de la commission de l'infraction, lorsque la peine encourue n'excède pas cinq ans d'emprisonnement, et en cas de poursuites selon la procédure de comparution immédiate ou selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Par ailleurs, l'article 132-70-1 du code pénal a institué, depuis la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, la procédure d'ajournement aux fins d'investigations sur la personnalité ou la situation matérielle, familiale et sociale

La juridiction peut ainsi ajourner le prononcé de la peine à l'égard d'une personne physique lorsqu'il apparaît nécessaire d'ordonner à son égard des investigations complémentaires sur sa personnalité ou sa situation matérielle, familiale et sociale, lesquelles peuvent être confiées au service pénitentiaire d'insertion et de probation ou à une personne morale habilitée.

Dans ce cas, elle fixe dans sa décision la date à laquelle il sera statué sur la peine.

La décision sur la peine intervient au plus tard dans un délai de quatre mois après la décision d'ajournement, sous réserve des délais plus courts prévus par le code de procédure pénale quand la personne est placée en détention provisoire. Ce délai peut être prolongé pour une nouvelle durée maximale de quatre mois.

c) Application de ces dispositions

Le tableau ci-après montre la variété des peines effectivement prononcées par les juridictions, avec toutefois, en matière correctionnelle, plus de la moitié des peines prononcées qui sont des peines d'emprisonnement, même si seulement 18,8 % sont des peines entièrement fermes.

Peines principales dans les condamnations prononcées en 2016*

Nature de la peine principale

Toutes condamnations prononcées

Dont crimes

Dont délits

582 142

100,0 %

2 432

100,0 %

548 649

100,0 %

Réclusion

1 102

0,2 %

1 102

45,3 %

0

0,0 %

Emprisonnement

286 409

49,2 %

1 278

52,5 %

285 131

52,0 %

- Ferme

103 631

17,8 %

744

30,6 %

102 887

18,8 %

- Sursis partiel

27 711

4,8 %

325

13,4 %

27 386

5,0 %

avec mise à l'épreuve

23 908

4,1 %

253

10,4 %

23 655

4,3 %

simple

3 803

0,7 %

72

3,0 %

3 731

0,7 %

- Sursis total

155 067

26,6 %

209

8,6 %

154 858

28,2 %

avec mise à l'épreuve

46 530

8,0 %

114

4,7 %

46 416

8,5 %

avec travail d'intérêt général

9 070

1,6 %

0

0,0 %

9 070

1,7 %

simple

99 467

17,1 %

95

3,9 %

99 372

18,1 %

Contrainte pénale

1 232

0,2 %

0

0,0 %

1 232

0,2 %

Amende

203 300

34,9 %

2

0,1 %

174 490

31,8 %

Peines de substitution

62 130

10,7 %

0

0,0 %

60 542

11,0 %

dont

Suspension de permis de conduire

7 834

1,3 %

0

0,0 %

7 314

1,3 %

travail d'intérêt général

16 284

2,8 %

0

0,0 %

15 601

2,8 %

Jours-amendes

23 486

4,0 %

0

0,0 %

23 486

4,3 %

Interdiction du permis de conduire

805

0,1 %

0

0,0 %

805

0,1 %

Mesures éducatives

21 723

3,7 %

44

1,8 %

21 303

3,9 %

Sanctions éducatives

1 810

0,3 %

6

0,2 %

1 771

0,3 %

Dispenses de peine

4 436

0,8 %

0

0,0 %

4 180

0,8 %

*2016 : données provisoires

Source : Ministère de la Justice/SG/SEM/SDSE, exploitation statistique du Casier judiciaire national

S'agissant spécialement des peines d'emprisonnement, leur durée varie selon ce qui est précisé dans les tableaux ci-après. Près de 70 % des peines prononcées sont pour une durée inférieure ou égale à 6 mois. Entre 2004 et 2016, le nombre de peines de prison en tout ou partie ferme a connu une hausse globale de 21 %. Le quantum moyen de peine a oscillé entre 7 et 8 mois, atteignant son maximum en 2016 à 8 mois et 6 jours. (source SDSE- infostat n°156).

Tableau. Condamnations comportant une peine privative de liberté ferme ou en partie ferme (PPLF), selon le quantum ferme prononcé

Classe de quantum

ferme

Conda PPLF

%

dont jur. Enfants

poids des juridictions pour enfants

Années de PPLF

%

Conda en récidive

poids des conda en récidive

conda précédées d'une DP

Conda. + mandat de dépôt ou maintien en détention

2015

1 mois ou moins

11 136

9%

1 219

11%

875

1%

2 781

25%

711

716

dont un mois

9 933

8%

907

9%

828

1%

2 521

25%

652

641

]1-6 mois]

76 757

61%

2 590

3%

24 558

24%

27 993

36%

9 848

12 955

]6 mois-1an]

21 249

17%

419

2%

18 084

17%

9 379

44%

7 120

8 525

Plus d'un an

17 631

14%

468

3%

60 200

58%

6 865

39%

11 936

9 780

Ensemble

126 773

100%

4 696

4%

103 716

100%

47 018

37%

29 615

31 976

2016

1 mois ou moins

10 442

8%

1 256

12%

825

1%

2 671

26%

641

729

dont un mois

9 415

7%

953

10%

785

1%

2 449

26%

582

659

]1-6 mois]

81 056

61%

2 645

3%

26 202

24%

30 068

37%

10 013

13 447

]6 mois-1an]

22 885

17%

412

2%

19 348

18%

10 222

45%

7 507

9 158

Plus d'un an

18 050

14%

490

3%

62 108

57%

7 136

40%

12 221

9 928

Ensemble

132 433

100%

4 803

4%

108 483

100%

50 097

38%

30 382

33 262

Champ : ensemble des condamnations prononcées et inscrites au casier judiciaire national

Source : Exploitation statistique du Casier judiciaire national par Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales (données 2016 provisoires)

Graphique. Structure du contentieux selon le quantum ferme prononcé

Champ : ensemble des condamnations prononcées et inscrites au casier judiciaire national

Source : Exploitation statistique du Casier judiciaire national par Direction des affaires criminelles et des grâces / Pôle d'évaluation des politiques pénales (données 2016 provisoires)

En ce qui concerne le taux des aménagements prononcés ab initio par les tribunaux correctionnels dans les jugements, il est très faible, puisqu'il s'élève en 2016, à :

- 1,3% pour les peines inférieures ou égales à 6 mois (environ 1 000 peines condamnations),

- 0,8% pour les peines supérieures à 6 mois et inférieures ou égales à 1 an (environ 160 condamnations),

- 0,4 % pour les peines supérieures à 1 an et inférieures ou égales à 2 ans (environ 30 condamnations) 149 ( * ) .

1.1.3 La probation

Deux séries de dispositions générales 150 ( * ) de notre droit permettent de mettre en oeuvre des mesures de probation à l'égard d'un condamné, qui permettent, tout en laissant celui-ci en liberté, d'organiser un suivi de l'intéressé par les autorités judiciaires et leurs délégués, et notamment par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, en lui imposant certaines obligations ou interdictions, destinées directement ou indirectement à prévenir la récidive : il s'agit du sursis avec mise à l'épreuve et, depuis la loi n°2014-896 du 15 août 2014 susmentionnée, de la contrainte pénale.

a) Sursis avec mise à l'épreuve

Ø Condition d'octroi

L'article 132-40 du code pénal prévoit que la juridiction qui prononce un emprisonnement peut ordonner qu'il sera sursis à son exécution, la personne physique condamnée étant placée sous le régime de la mise à l'épreuve.

Dans ce cas, le président de la juridiction notifie au condamné, lorsqu'il est présent, les obligations à respecter durant le sursis avec mise à l'épreuve et l'avertit des conséquences qu'entraînerait une condamnation pour une nouvelle infraction commise au cours du délai d'épreuve ou un manquement aux mesures de contrôle et aux obligations particulières qui lui sont imposées, à savoir la révocation du sursis et son emprisonnement.

Il l'informe de la possibilité qu'il aura de voir déclarer sa condamnation non avenue s'il observe une conduite satisfaisante.

L'article 132-41 limite les conditions de prononcé du sursis avec mise à l'épreuve.

Il prévoit que celui-ci est applicable aux condamnations à l'emprisonnement prononcées pour une durée de cinq ans au plus, en raison d'un crime ou d'un délit de droit commun. Toutefois, lorsque la personne est en état de récidive légale, il est applicable aux condamnations à l'emprisonnement prononcées pour une durée de dix ans au plus.

Il précise par ailleurs que la juridiction ne peut prononcer le sursis avec mise à l'épreuve à l'encontre d'une personne ayant déjà fait l'objet de deux condamnations assorties du sursis avec mise à l'épreuve pour des délits identiques ou assimilés et se trouvant en état de récidive légale.

Lorsqu'il s'agit soit d'un crime, soit d'un délit de violences volontaires, d'un délit d'agressions ou d'atteintes sexuelles ou d'un délit commis avec la circonstance aggravante de violences, la juridiction ne peut prononcer le sursis avec mise à l'épreuve à l'encontre d'une personne ayant déjà fait l'objet d'une condamnation assortie du sursis avec mise à l'épreuve pour des infractions identiques ou assimilées et se trouvant en état de récidive légale.

Toutefois, ces limitations ne sont pas applicables lorsque le sursis avec mise à l'épreuve ne porte que sur une partie de la peine d'emprisonnement prononcée.

L'article 132-42 dispose que la juridiction fixe le délai d'épreuve qui ne peut être inférieur à douze mois ni supérieur à trois ans. Lorsque la personne est en état de récidive légale, ce délai peut être porté à cinq ans. Ce délai peut être porté à sept ans lorsque la personne se trouve à nouveau en état de récidive légale.

Elle peut décider que le sursis ne s'appliquera à l'exécution de l'emprisonnement que pour une partie dont elle détermine la durée. Cette partie ne peut toutefois excéder cinq ans d'emprisonnement.

Ø Régime de la mise à l'épreuve

Ce régime est prévu par les articles 132-43 à 132-46 du code pénal.

L'article 132-43 prévoit qu'au cours du délai d'épreuve, le condamné doit satisfaire à des mesures de contrôle générales, toujours applicables, qui sont prévues par l'article 132-44 151 ( * ) et à celles des obligations particulières prévues par l'article 132-45 qui lui sont spécialement imposées 152 ( * ) .

En outre, le condamné peut bénéficier de mesures d'aide qui ont pour objet de seconder ses efforts en vue de son reclassement social, qui s'exercent sous forme d'une aide à caractère social et, s'il y a lieu, d'une aide matérielle, et qui sont mises en oeuvre par le service pénitentiaire d'insertion de de probation avec la participation, le cas échéant, de tous organismes publics et privés.

Ø Effets du sursis avec mise à l'épreuve

En application des articles 132-45 à 132-51 du code pénal et des articles 739 à 747 du code de procédure pénale, le sursis avec mise à l'épreuve peut être révoqué, en totalité ou en partie, si, pendant le délai d'épreuve, le condamné commet une nouvelle infraction donnant lieu à une condamnation à un emprisonnement ferme, ou s'il ne respecte pas ses obligations. Dans le premier cas, la révocation est décidée par la juridiction de jugement, dans le second cas elle est décidée par le juge de l'application des peines.

Dans le cas contraire, en application des articles 132-52 et 132-53, la condamnation assortie du sursis avec mise à l'épreuve est réputée non avenue.

Pendant le délai d'épreuve, le juge de l'application des peines peut modifier les obligations du condamné. Il peut prolonger le délai d'épreuve pour trois ans maximum lorsque le condamné ne se soumet pas aux mesures de contrôle ou aux obligations particulières qui lui sont imposées ou lorsqu'il a commis une infraction suivie d'une condamnation à l'occasion de laquelle la révocation du sursis n'a pas été prononcée. A l'inverse, si le condamné satisfait aux mesures de contrôle et d'aide et aux obligations particulières et si son reclassement paraît acquis, le juge de l'application des peines peut déclarer non avenue la condamnation, après au moins un délai d'épreuve d'un an.

d) Contrainte pénale

La contrainte pénale est définie par l'article 131-4-1 du code pénal.

Celui dispose que lorsque la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de l'auteur d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans et les faits de l'espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu, la juridiction peut prononcer la peine de contrainte pénale.

La contrainte pénale emporte pour le condamné l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans et qui est fixée par la juridiction, à des mesures de contrôle et d'assistance ainsi qu'à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société.

Dès le prononcé de la décision de condamnation, la personne condamnée est astreinte, pour toute la durée d'exécution de sa peine, aux mesures de contrôle générale du sursis avec mise à l'épreuve prévues à l'article 132-44.

Les obligations et interdictions particulières auxquelles peut être astreint le condamné sont :

1° Les obligations et interdictions prévues à l'article 132-45 en matière de sursis avec mise à l'épreuve ;

2 ° L'obligation d'effectuer un travail d'intérêt général ;

3 ° L'injonction de soins, dans les conditions prévues aux articles L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique, si la personne a été condamnée pour un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru et qu'une expertise médicale a conclu qu'elle était susceptible de faire l'objet d'un traitement.

Le condamné peut, en outre, bénéficier des mesures d'aide comme en matière de sursis avec mise à l'épreuve.

L'article 131-4-1 du code pénal prévoit que si elle dispose d'éléments d'information suffisants sur la personnalité du condamné et sur sa situation matérielle, familiale et sociale, la juridiction qui prononce la contrainte pénale peut définir les obligations et interdictions particulières auxquelles celui-ci est astreint.

Dans tous les cas, la juridiction doit fixer la durée maximale de l'emprisonnement encouru par le condamné en cas d'inobservation des obligations et interdictions auxquelles il est astreint. Cet emprisonnement ne peut excéder deux ans, ni le maximum de la peine d'emprisonnement encourue. Les conditions dans lesquelles l'exécution de l'emprisonnement peut être ordonnée, en tout ou partie, sont fixées par le code de procédure pénale.

Après le prononcé de la décision, le président de la juridiction notifie à la personne condamnée, lorsqu'elle est présente, les obligations et interdictions qui lui incombent ainsi que les conséquences qui résulteraient de leur violation.

Dans des conditions et selon des modalités précisées par le code de procédure pénale, après évaluation de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, le juge de l'application des peines, lorsque cela n'a pas été fait par la juridiction, détermine les obligations et interdictions auxquelles est astreint le condamné. Dans le cas contraire le juge de l'application des peines peut modifier, supprimer ou compléter les obligations et interdictions décidées par la juridiction ; il détermine les mesures d'aide dont le condamné bénéficie. Au cours de l'exécution de la contrainte pénale, les obligations et interdictions et les mesures d'aide peuvent être modifiées, supprimées ou complétées par le juge de l'application des peines au regard de l'évolution du condamné.

La contrainte pénale ne peut être prononcée à l'encontre d'un mineur, cette interdiction étant prévue par l'article 20-4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

Les articles 713-42 à 713-48 du code de procédure pénale précisent plus complètement les modalités de mise en oeuvre de la contrainte pénale.

L'article 713-42 prévoit que le service pénitentiaire d'insertion et de probation évalue la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée à la contrainte pénale et qu'à l'issue de cette évaluation, il adresse au juge de l'application des peines un rapport comportant des propositions relatives au contenu et aux modalités de mise en oeuvre de la contrainte pénale.

L'article 713-43 prévoit qu'au vu de ce rapport le juge de l'application des peines, selon ce qui a été fait par la juridiction, détermine les obligations et interdictions auxquelles est astreint le condamné ainsi que les mesures d'aide dont il bénéficie, ou bien modifie, supprime ou complète les obligations et interdictions décidées par la juridiction.

La décision du juge de l'application des peines intervient au plus tard dans les quatre mois qui suivent le jugement de condamnation.

L'article 713-44 prévoit que la situation matérielle, familiale et sociale de la personne est réévaluée à chaque fois que nécessaire au cours de l'exécution de la peine, et au moins une fois par an, par le service pénitentiaire d'insertion et de probation et le juge de l'application des peines. Au vu de chaque nouvelle évaluation, le juge de l'application des peines peut modifier ou compléter les obligations et interdictions auxquelles la personne condamnée est astreinte, ou supprime certaines d'entre elles.

L'article 713-45 prévoit que si le condamné a satisfait aux mesures, obligations et interdictions qui lui étaient imposées pendant au moins un an, que son reclassement paraît acquis et qu'aucun suivi ne paraît plus nécessaire, le juge de l'application des peines peut décider de mettre fin de façon anticipée à la peine de contrainte pénale ou, en l'absence d'accord du ministère public, saisir à cette fin, par requête motivée, le président du tribunal ou un juge par lui désigné.

L'article 713-47 prévoit qu'en cas d'inobservation par la personne condamnée de ses obligations, le juge de l'application des peines peut modifier ou compléter celles-ci, procéder à un rappel de ses obligations ou saisir le président du tribunal de grande instance ou un juge par lui désigné afin que soit mis à exécution contre le condamné tout ou partie de l'emprisonnement fixé par la juridiction. A la différence de ce qui est prévu pour le sursis avec mise à l'épreuve, le juge de l'application des peines ne peut donc pas lui-même « révoquer » la contrainte pénale.

Les développements qui précèdent montrent ainsi les points de rapprochements et les différences existant entre la contrainte pénale et le sursis avec mise à l'épreuve, ces différences étant énumérées dans le tableau qui suit.

Principales distinctions entre le sursis avec mise à l'épreuve et la contrainte pénale

SURSIS AVEC MISE A L'EPREUVE

CONTRAINTE PENALE

Nature

Modalité de l'emprisonnement

Peine

Applicable aux mineurs

Oui

Non

Applicable aux récidivistes

Sous condition

Oui

Champ d'application

Délits et crimes si peine prononcée = ou = à 5 ans (10 ans en cas de récidive)

Délits punis d'une peine d'emprisonnement

Possibilité de le/la prononcer avec une peine d'emprisonnement ferme

Oui

Non

Quantum maximum de la peine privative de liberté encourue en cas de violation

5 ans

10 ans pour les récidivistes

2 ans, ou maximum de la peine d'emprisonnement encourue pour l'infraction

Durée du suivi

1 à 3 ans/5 ans (récidive)/7 ans (double récidive)

6 mois à 5 ans

Nature du suivi

Pas de précision

accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu,

Exécution provisoire de la condamnation

Possible

De droit

Contenu possible

- mesures de l'article 132-44 du code pénal (de droit)

- obligations et interdictions de l'article 132-45 du code pénal

- mesures de l'article 132-44 du code pénal (de droit)

- obligations et interdictions de l'article 132-45 du code pénal

- travail d'intérêt général

- injonction de soins

Prise en charge possible par l'association ayant suivi le CJ

Oui

Non

Obligation légale d'une période d'évaluation de la situation pénale par le service pénitentiaire d'insertion et de probation

Non

Oui, pendant 3 mois au début de la mesure

Fixation initiale des obligations et interdictions

Par la juridiction de jugement dans sa décision et/ou par le juge d'application des peines par ordonnance notifiée à la personne condamnée

Par la juridiction de jugement dans sa décision et/ou par le juge d'application des peines après évaluation par le service pénitentiaire d'insertion et de probation par ordonnance notifiée à la personne condamnée

Suspension de l'IDTF peine complémentaire pendant le suivi

Oui

Non

Obligation légale d'une réévaluation régulière de la situation du condamné par le juge d'application des peines et par le service pénitentiaire d'insertion et de probation

Non

Oui (au moins annuelle)

Modification du contenu

juge d'application des peines

juge d'application des peines

Prolongation du délai d'épreuve

Possible

Impossible

Suspension pour motif grave possible

Non

Oui

Fin anticipée

Oui, par le juge d'application des peines

Oui, par le juge d'application des peines sur réquisitions conformes du PR, ou, en l'absence d'accord du PR, par le président du tribunal ou juge délégué sur saisine du juge d'application des peines, à l'issue d'un débat contradictoire

Suspension pendant l'incarcération

Automatique

Facultative

Impossible si l'incarcération résulte de la mise à exécution

Réhabilitation par le non avènement

Oui

Non

Révocation / mise à exécution de l'emprisonnement

juge d'application des peines :

- en cas d'inobservation des obligations et interdictions résultant de la mesure

- - en cas de crime ou délit commis pendant le délai d'épreuve, suivi d'une condamnation à l'occasion de laquelle la révocation du sursis n'a pas été prononcée

Juridiction de jugement saisie de nouveaux faits, après avis du juge d'application des peines, en cas de crime ou délit commis pendant le délai d'épreuve suivi d'une condamnation à une peine privative de liberté sans sursis

Président du tribunal ou juge délégué, sur saisine du juge d'application des peines, en cas d'inobservation des obligations et interdictions résultant de la mesure

Juridiction de jugement saisie de nouveaux faits, après avis du juge d'application des peines, en cas de crime ou délit commis pendant le délai d'épreuve, suivi d'une condamnation à une peine privative de liberté sans sursis

Modalités de saisine aux fins de révocation/mise à exécution

Saisine d'office

Parquet

Le juge d'application des peines se saisissant d'office ou sur réquisitions du parquet

Modalités de l'audience

En chambre du conseil

En audience publique

Incarcération immédiate

Possible

Possible

Saisine en révocation après l'expiration du délai d'épreuve

Possible, dans le délai d'un mois

Possible

Révocation ou mise à exécution partielle possibles

Oui

Oui

Délai de la cour d'appel pour statuer sur la mise à exécution

aucun

2 mois si détenu

1.1.4 L'exécution des peines et notamment des peines privatives de liberté

a) Principes généraux

Les principes généraux relatifs à l'exécution des peines, et spécialement les peines privatives de liberté sont fixés par l'article 707 du code de procédure pénale, dont la rédaction actuelle résulte de la loi n°2014-896 du 15 août 2014 susmentionnée.

Le I de cet article dispose que « sur décision ou sous le contrôle des autorités judiciaires, les peines prononcées par les juridictions pénales sont, sauf circonstances insurmontables, mises à exécution de façon effective et dans les meilleurs délais. »

Le II de l'article traite des peines privatives et restrictives de liberté.

Il précise ainsi que le régime de ces peines « vise à préparer l'insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d'agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d'éviter la commission de nouvelles infractions. »

Il indique que « ce régime est adapté au fur et à mesure de l'exécution de la peine, en fonction de l'évolution de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée, qui font l'objet d'évaluations régulières. »

Le III de l'article traite des peines privatives de liberté en indiquant que « Toute personne condamnée incarcérée en exécution d'une peine privative de liberté bénéficie, chaque fois que cela est possible, d'un retour progressif à la liberté en tenant compte des conditions matérielles de détention et du taux d'occupation de l'établissement pénitentiaire, dans le cadre d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique, de libération conditionnelle ou d'une libération sous contrainte, afin d'éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire. »

Enfin, le IV de l'article traite des droits de, la victime au cours de l'exécution de la peine.

b) Examen des condamnés libres par le juge de l'application des peines en vue d'un aménagement

Le code de procédure pénale prévoit des règles spécifiques applicables aux prévenus condamnés à des peines d'emprisonnement ferme sans être incarcérés à l'issue de l'audience, situation relativement fréquente en pratique.

En effet, le tribunal correctionnel qui prononce une peine ferme ne peut, si le prévenu ne comparait pas détenu (soit après renvoi du juge d'instruction, soit selon la procédure de comparution immédiate, auxquels cas le maintien en détention est toujours possible), décerner mandat de dépôt que dans les cas prévus par les articles 465 et 465-1.

Le principe posé par l'article 465 est que le mandat de dépôt n'est possible que si la peine prononcé est d'au moins un an sans sursis.

L'article 465-1 prévoit que lorsque les faits sont commis en état de récidive légale, le tribunal peut, par décision spéciale et motivée, décerner mandat de dépôt ou d'arrêt contre le prévenu, quelle que soit la durée de la peine d'emprisonnement prononcée.

S'il s'agit d'une récidive légale au sens des articles 132-16-1 et 132-16-4 du code pénal, c'est-à-dire pour des faits de violences ou de violences sexuelles, cet article prévoit que le tribunal délivre mandat de dépôt à l'audience, quel que soit le quantum de la peine prononcée, sauf s'il en décide autrement par une décision spécialement motivée.

En l'absence de maintien en détention ou de mandat de dépôt, il est fait application des articles 474 et 723-15 et suivants, qui imposent la comparution de la personne devant le juge de l'application des peines, aux fins de prononcé d'une décision d'aménagement ou de conversion, si la peine prononcée est inférieur ou égale à deux ans, ou, en cas de récidive, d'un an.

L'article 474 prévoit ainsi qu'en cas de condamnation d'une personne non incarcérée à une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à deux ans ou pour laquelle la durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à deux ans, il est remis au condamné qui est présent à l'issue de l'audience un avis de convocation à comparaître, dans un délai qui ne saurait excéder trente jours, devant le juge de l'application des peines en vue de déterminer les modalités d'exécution de la peine. Le condamné est également avisé qu'il est convoqué aux mêmes fins devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation dans un délai qui ne saurait être supérieur à quarante-cinq jours. Ces durées de deux ans sont réduites à un an si le condamné est en état de récidive légale.

L'article 723-15 prévoit que les personnes non incarcérées ou exécutant une peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique, condamnées à une peine inférieure ou égale à deux ans d'emprisonnement ou pour lesquelles la durée de la détention restant à subir est inférieure ou égale à deux ans, ou pour lesquelles, en cas de cumul de condamnations, le total des peines d'emprisonnement prononcées ou restant à subir est inférieur ou égal à deux ans bénéficient, dans la mesure du possible et si leur personnalité et leur situation le permettent, suivant la procédure prévue au présent paragraphe, d'une semi-liberté, d'un placement à l'extérieur, d'un placement sous surveillance électronique, d'un fractionnement ou d'une suspension de peines, d'une libération conditionnelle ou d'une conversion de peine. Ces durées de deux ans sont réduites à un an si le condamné est en état de récidive légale.

Préalablement à la mise à exécution de la ou des condamnations, le ministère public informe le juge de l'application des peines de cette ou de ces décisions en lui adressant toutes les pièces utiles, parmi lesquelles une copie de la ou des décisions et le bulletin n° 1 du casier judiciaire de l'intéressé.

Sauf s'il a déjà été avisé de ces convocations à l'issue de l'audience de jugement en application de l'article 474 , le condamné est alors, sauf décision contraire du juge de l'application des peines, convoqué en premier lieu devant le juge de l'application des peines, puis devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation, dans des délais qui ne sauraient être respectivement supérieurs à trente et à quarante-cinq jours à compter de leur information par le ministère public, afin de déterminer les modalités d'exécution de sa peine les mieux adaptées à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale.

c) Régime spécifique aux récidivistes pour les aménagements de peine en cours d'exécution de la peine

L'article 723-1, applicable aux condamnés déjà incarcérés, prévoit que le juge de l'application des peines peut prévoir que la peine s'exécutera sous le régime de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur soit en cas de condamnation à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n'excède pas deux ans, soit lorsqu'il reste à subir par le condamné une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n'excède pas deux ans.

Toutefois ces durées de deux ans sont réduites à un an si le condamné est en état de récidive légale.

d) Octroi des permissions de sortir et rôle de la commission de l'application des peines

L'article 712-5 du code de procédure pénale prévoit que sauf en cas d'urgence, les ordonnances concernant les permissions de sortir sont prises par le juge de l'application des peines après avis de la commission de l'application des peines.

La commission de l'application des peines est présidée par le juge de l'application des peines ; le procureur de la République et le chef d'établissement en sont membres de droit. Le service pénitentiaire d'insertion et de probation y est représenté.

La commission est réputée avoir rendu son avis si celui-ci n'est pas intervenu dans le délai d'un mois à compter du jour de sa saisine.

Statistiques des mouvements de permission de sortir enregistrés en 2015 et 2016 (estimations) :

Année

Nombre de mouvements

Nombre de détenus concernés

Répartition des personnes en fonction du nombre de mouvements de permissions de sortir enregistrée dans l'année

Nombre moyen de condamnés détenus*

1

2

3 à 5

6 à 9

10 à 29

30 et plus

2015

73 313

27 097

13 089

6 022

5 868

1 622

899

75

48 878

2016

66 528

26 325

13 041

5 840

5 575

1 294

707

66

48 932

Sources : DAP/SDMe5/ Infocentre pénitentiaire.

Champ : France entière

*Moyennes du nombre de condamnés détenus au 1 er jour de chaque mois.

e) Libération conditionnelle

La libération conditionnelle est prévue par les articles 729 et suivants du code de procédure pénale.

L'article 729 prévoit que la libération conditionnelle tend à la réinsertion des condamnés et à la prévention de la récidive et qu'elle peut être accordée aux condamnés ayant à subir une ou plusieurs peines privatives de liberté s'ils manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale et lorsqu'ils justifient :

« 1° Soit de l'exercice d'une activité professionnelle, d'un stage ou d'un emploi temporaire ou de leur assiduité à un enseignement ou à une formation professionnelle ;

« 2° Soit de leur participation essentielle à la vie de leur famille ;

« 3° Soit de la nécessité de suivre un traitement médical ;

« 4° Soit de leurs efforts en vue d'indemniser leurs victimes ;

« 5° Soit de leur implication dans tout autre projet sérieux d'insertion ou de réinsertion.

« Sous réserve des dispositions de l'article 132-23 du code pénal relatif à la période sûreté, la libération conditionnelle peut être accordée lorsque la durée de la peine accomplie par le condamné est au moins égale à la durée de la peine lui restant à subir. Dans le cas prévu au présent alinéa, le temps d'épreuve ne peut excéder quinze années ou, si le condamné est en état de récidive légale, vingt années.

« Pour les condamnés à la réclusion à perpétuité, le temps d'épreuve est de dix-huit années ; il est de vingt-deux années si le condamné est en état de récidive légale . »

L'article 730 prévoit que la libération conditionnelle est accordée par le juge de l'application des peines lorsque la peine privative de liberté prononcée est d'une durée inférieure ou égale à dix ans, ou que, quelle que soit la peine initialement prononcée, la durée de détention restant à subir est inférieure ou égale à trois ans. Dans les autres cas, la libération conditionnelle est accordée par le tribunal de l'application des peines.

L'article 730-2 institue cependant des règles spécifiques et dérogatoires lorsque la personne a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité ou lorsqu'elle a été condamnée soit à une peine d'emprisonnement ou de réclusion criminelle égale ou supérieure à quinze ans pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru, soit à une peine d'emprisonnement ou de réclusion criminelle égale ou supérieure à dix ans pour une infraction mentionnée à l'article 706-53-13 et pour laquelle la rétention de sûreté est possible.

Dans ces cas, la libération conditionnelle ne peut alors être accordée :

1° Que par le tribunal de l'application des peines, quelle que soit la durée de la détention restant à subir ;

2° Qu'après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, rendu à la suite d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues et assortie d'une expertise médicale ; s'il s'agit d'un crime mentionné à l'article 706-53-13 , cette expertise est réalisée soit par deux experts médecins psychiatres, soit par un expert médecin psychiatre et par un expert psychologue titulaire d'un diplôme, certificat ou titre sanctionnant une formation universitaire fondamentale et appliquée en psychopathologie. L'expertise se prononce sur l'opportunité, dans le cadre d'une injonction de soins, du recours à un traitement utilisant des médicaments inhibiteurs de libido.

f) Libération sous contrainte

Afin de favoriser les fins de peines anticipées avec suivi judiciaire, même hors le cas de la libération conditionnelle qui constitue, à la moitié de la peine, une simple faculté, la loi du 15 août 2014 susmentionnée a institué, au 2/3 de la peine la libération sous contrainte, qui est prévue par l'article 720 du code de procédure pénale. Cet article prévoit que lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir, la situation de la personne condamnée exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d'une durée totale inférieure ou égale à cinq ans est examinée par le juge de l'application des peines.

A l'issue de cet examen en commission de l'application des peines, le juge de l'application des peines décide, par ordonnance motivée :

- soit de prononcer une mesure de libération sous contrainte, dans le respect des exigences prévues à l'article 707 précité ;

- soit, s'il estime qu'une telle mesure n'est pas possible ou si la personne condamnée n'a pas fait préalablement connaître son accord, de ne pas la prononcer.

Il peut ordonner la comparution de la personne condamnée devant la commission de l'application des peines afin d'entendre ses observations et, le cas échéant, celles de son avocat. Ce dernier peut également transmettre des observations écrites au juge de l'application des peines.

La libération sous contrainte entraîne l'exécution du reliquat de peine sous le régime, selon la décision prise par le juge de l'application des peines, de la semi-liberté, du placement à l'extérieur, du placement sous surveillance électronique ou de la libération conditionnelle. Les conséquences de l'inobservation de ces mesures sont celles prévues au présent code.

g) Conversion travail d'intérêt général ou jour-amende

La possibilité de convertir une peine d'emprisonnement en sursis-travail d'intérêt général ou en jour amende est prévue par l'article 132-57 du code pénal.

Cet article, dont la rédaction actuelle date de la loi du 15 août 2014, prévoit que lorsqu'une condamnation pour un délit de droit commun comportant une peine d'emprisonnement ferme de six mois au plus a été prononcée, le juge de l'application des peines peut ordonner qu'il sera sursis à l'exécution de cette peine et que le condamné accomplira, pour une durée de vingt à deux cent quatre-vingts heures, un travail d'intérêt général. Le juge de l'application des peines peut également décider que le condamné effectuera une peine de jours-amende.

Ces dispositions sont applicables aux peines d'emprisonnement ayant fait l'objet d'un sursis partiel, assorti ou non d'une mise à l'épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à six mois, ainsi qu'aux peines d'emprisonnement inférieures ou égales à six mois résultant de la révocation d'un sursis, assorti ou non d'une mise à l'épreuve.

En cas d'exécution partielle d'un travail d'intérêt général, le juge de l'application des peines peut ordonner la conversion de la partie non exécutée en jours-amende.

Si ces dispositions figurent dans le code pénal et non le code de procédure pénale, alors qu'elle traitent d'une modalité d'exécution de la peine que peut modifier le juge de l'application des peines, c'est qu'à l'origine, avant une modification résultant de la loi n°2004-204 du 9 mars 2004, la décision était prise par la juridiction de jugement.

h) Autres dispositions relatives à l'exécution des peines

La question générale du traitement des requêtes post-sentencielles est traitée par les articles 710 et 711 du code de procédure pénale.

L'article 710 prévoit que tous incidents contentieux relatifs à l'exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence ; cette juridiction peut également procéder à la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans ses décisions. Elle statue sur les demandes de confusion de peines.

En matière criminelle, la chambre de l'instruction connaît des rectifications et des incidents d'exécution auxquels peuvent donner lieu les arrêts de la cour d'assises.

Sont également compétents pour connaître de ces demandes, selon les distinctions ci-dessus, soit le tribunal ou la cour, soit la chambre de l'instruction dans le ressort duquel le condamné est détenu. Le ministère public de la juridiction destinataire d'une demande de confusion déposée par une personne détenue peut adresser cette requête à la juridiction du lieu de détention.

Pour l'examen de ces demandes, sauf en matière de confusion de peine, il est prévu que le tribunal correctionnel est composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs du président. Il en est de même de la chambre des appels correctionnels ou de la chambre de l'instruction, qui est composée de son seul président, siégeant à juge unique. Ce magistrat peut toutefois, si la complexité du dossier le justifie, décider d'office ou à la demande du condamné ou du ministère public de renvoyer le jugement du dossier devant la formation collégiale de la juridiction. Le magistrat ayant ordonné ce renvoi fait alors partie de la composition de cette juridiction. La décision de renvoi constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours.

L'article 711 précise que le tribunal ou la cour, sur requête du ministère public ou de la partie intéressée, statue en chambre du conseil après avoir entendu le ministère public, le conseil de la partie s'il le demande et, le cas échéant, la partie elle-même (cette audition pouvant se faire sur commission rogatoire en application de l'article 712). Lorsque le requérant est détenu, sa comparution devant la juridiction n'est de droit que s'il en fait la demande expresse dans sa requête.

Toutefois, pour la rectification des erreurs purement matérielles demandée par une partie, en cas d'accord du ministère public, la décision peut être prise, sans audience, par ordonnance rectificative du président de la juridiction.

i) Données statistiques relatives à l'exécution des peines

- les aménagements de peines prononcés

Les statistiques de l'aménagement des peines sont extraites du logiciel de gestion de l'application des peines (APPI). Le tableau suivant dénombre les décisions d'octroi d'un aménagement, dont le volume global est d'environ 36 000 chaque année.

En 2016, le volume global de décisions d'octroi d'aménagement de peine s'est porté à 38 000, dont près de 22 000 placements sous surveillance électronique (PSE - 57% des aménagements), près de 9 000 conversions de peines en sursis avec l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général (sursis-TIG - 23% des aménagements ) et environ 5 000 en jours-amende (13% des aménagements).

Environ 1 000 libérations conditionnelles ont été accordées et 500 placements à l'extérieur. Si les PSE, les conversions en sursis TIG et en jours amende sont en augmentation depuis trois ans, les mesures de semi-liberté en revanche sont en baisse constante depuis 2014 (moins 10% sur la dernière année, moins un quart sur les trois dernières années). Il convient de préciser que la semi-liberté constitue un « emprisonnement » du point de vue pénitentiaire, et que les personnes bénéficiant d'un PSE et de placement à l'extérieur font l'objet d'un écrou pénitentiaire.

- la mise à exécution des courtes peines

Le taux de mise à exécution des peines d'emprisonnement ferme courtes prononcées et exécutoires 153 ( * ) augmente avec le temps. Cette mise à exécution ne donne pas forcément lieu à détention. Ainsi, en septembre 2017, environ 88% des courtes peines prononcées en 2013 et exécutoires avaient été mises à exécution, mais seulement 68% de celles prononcées en 2016. Environ un cinquième (18,5%) des courtes peines sont immédiatement mises à exécution par mandat de dépôt. sur le reste, l'exécution par transmission au juge d'application des peines ou placement sous écrou concerne les courtes peines à hauteur de 47% au bout d'un an et de 68% au bout de 3 ou 4 ans.

- les personnes placées sous main de justice

Au 1 er janvier 2018, 79 785 personnes étaient placées sous écrou. Parmi elles, 68 974 étaient en détention et 10 241 étaient placées sous surveillance électronique.

19.815 personnes étaient en détention provisoire soit 28,7 % des détenus. Cet effectif de personnes en détention provisoire est en augmentation régulière, avec une hausse particulièrement forte depuis 2015. La durée moyenne de la détention provisoire est d'environ 4 mois. Si la comparution immédiate génère un flux important de détention provisoire, elle conduit le plus souvent à une durée de détention provisoire très courte (57 % des auteurs ayant effectué de la détention provisoire dans le cadre d'un jugement prononcé en comparution immédiate en 2014 n'ont pas été détenus plus de 4 jours). 16 % seulement des prévenus en détention le sont à l'issue d'une comparution immédiate ou en appel après comparution immédiate. Ce sont donc principalement les prévenus avant jugement qui mobilisent des places de prison.

49 159 détenus sont condamnés à une peine ferme, soit 71,3 % des détenus, dont 47 221 hors semi-liberté et placement extérieur (68,5 %).

La surpopulation carcérale des maisons d'arrêt invite à une analyse plus particulière des courtes peines. Sur 49.000 détenus environ, environ 10 700 (données 2017), soit 22 %, sont détenus pour une peine inférieure ou égale à 6 mois. Parmi elles, environ 300 sont détenues pour des peines inférieures ou égale à 1 mois.

Au 1 er janvier 2017 154 ( * ) , 164 146 personnes étaient suivies par l'administration pénitentiaire en milieu ouvert, dont certaines pour plusieurs mesures. 185 000 mesures étaient suivies en milieu ouvert par les services d'insertion probation, dont 97 % de mesures post-sentencielles hors ajournements. Parmi ces mesures, on compte environ 124 000 sursis mise à exécution, 22 000 sursis-TIG et 17 000 TIG.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

1.2.1 Le prononcé des peines et le principe d'individualisation

Le principe d'individualisation des peines, qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789, a été consacré par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005 portant sur la réforme de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité 155 ( * ) .

Dans sa décision n° 2007-553 DC du 3 mars 2007 portant sur la loi relative à la prévention de la délinquance, le Conseil constitutionnel a précisé que ce principe s'impose dans le silence de la loi 156 ( * ) .

Selon une jurisprudence constante, le Conseil considère que ce principe d'individualisation des peines implique qu'une sanction pénale ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce 157 ( * ) .

Dans sa décision 2007-554 DC du 09 août 2007 portant sur la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, le Conseil a considéré que ce principe « ne saurait toutefois faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions ; qu'il n'implique pas davantage que la peine soit exclusivement déterminée en fonction de la personnalité de l'auteur de l'infraction ».


Ainsi, le Conseil a jugé « qu'en état de première récidive, la juridiction peut prononcer une peine inférieure au seuil fixé en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci ; que, dès lors, il n'est pas porté atteinte au principe d'individualisation des peines ».

De même, pour le Conseil, la restriction de la possibilité d'atténuer la peine prévue par le législateur en cas de faits commis une nouvelle fois en état de récidive légale pour assurer la répression effective de faits particulièrement graves et lutter contre leur récidive 158 ( * ) , ne porte pas atteinte au principe d'individualisation des peines.

Le Conseil a ainsi souligné que « même lorsque les faits ont été commis une nouvelle fois en état de récidive légale, la juridiction, dans les limites fixées par la loi, prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ;(...) que le législateur n'a pas modifié le pouvoir de la juridiction d'ordonner, dans les conditions prévues par les articles 132-40 et 132-41 du code pénal, qu'il soit sursis, au moins partiellement, à l'exécution de la peine, la personne condamnée étant placée sous le régime de la mise à l'épreuve ; (...) enfin qu'en instaurant des peines minimales, le législateur n'a pas dérogé aux dispositions spéciales du deuxième alinéa de l'article 122-1 du code pénal qui prévoient que lorsque l'auteur de l'infraction était, au moment des faits, atteint d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime ; que dès lors, même lorsque les faits ont été commis une nouvelle fois en état de récidive légale, ces dispositions permettent à la juridiction de prononcer, si elle l'estime nécessaire, une peine autre que l'emprisonnement ou une peine inférieure à la peine minimale » 159 ( * ) .

1.2.2 L'exécution des peines

De jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel juge « qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de confier à des autorités autres que des juridictions le soin de fixer certaines modalités d'exécution de fins de peines d'emprisonnement et de les qualifier de " mesures d'administration judiciaire " ».

Ainsi a-t-il estimé dans sa décision n°78-98 DC du 22 novembre 1978 qu'« en qualifiant de "mesures d'administration judiciaire" les décisions qu'elle énumère, prises par le juge d'application des peines ou la commission qu'il préside, aussi bien qu'en remettant à une commission administrative composée en majorité de personnes n'ayant pas la qualité de magistrat du siège le soin d'accorder certaines permissions de sortir, la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne porte atteinte à aucune disposition de la Constitution ni à aucun principe de valeur constitutionnelle » 160 ( * ) .

Le Conseil a également rappelé ce principe dans ses décisions n° 86-214 DC du 3 septembre 1986 161 ( * ) et n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 portant sur la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Dans cette dernière décision, il a déclaré la procédure simplifiée d'aménagement des fins de peines d'emprisonnement conforme à la Constitution 162 ( * ) .

Il a ainsi considéré, sur le fondement du principe susmentionné, que « si la loi a permis au directeur des services pénitentiaires d'insertion et de probation de mettre à exécution une telle mesure lorsque, l'ayant proposée au juge de l'application des peines, celui-ci a gardé le silence pendant trois semaines, cette mesure n'en devra pas moins être notifiée au procureur et au juge de l'application des peines préalablement à son exécution ; que le procureur pourra former contre elle un appel suspensif ; que le juge de l'application des peines, qui n'est pas dépossédé des pouvoirs qu'il tient des articles 712-4 et suivants du code de procédure pénale, pourra la révoquer d'office conformément aux dispositions de l'article 723-26 ; que, dans ces conditions, les dispositions en cause ne méconnaissent pas les prérogatives constitutionnelles des juridictions judiciaires s'agissant du prononcé et de l'exécution des peines ».

En second lieu, il a jugé que « que l'exécution d'une fin de peine d'emprisonnement sous la forme d'un régime de semi-liberté, d'un placement à l'extérieur, d'un placement sous surveillance électronique ou d'une permission de sortir constitue une mesure par nature favorable au détenu et ne peut intervenir qu'avec son accord ; qu'en cas de recours du procureur de la République, le détenu pourra présenter ses observations ; qu'ainsi, les dispositions en cause ne méconnaissent ni le principe constitutionnel du respect des droits de la défense ni le droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789 » 163 ( * ) .

Dans sa décision n° 2014-696 DC du 7 août 2014 portant sur la loi relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions applicables à la contrainte pénale conformes aux principes de légalité 164 ( * ) , de nécessité et de proportionnalité des peines 165 ( * ) , d'égalité 166 ( * ) et d'impartialité des juridictions, résultants des articles 6, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de l'article 61 de la Constitution.

Ainsi, le Conseil a plus particulièrement jugé que « la définition des compétences respectives de la juridiction de jugement, du juge de l'application des peines et du président du tribunal ou son délégué ne méconnaît ni le principe d'impartialité des juridictions ni le principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement qui en résulte » 167 ( * ) .

Au soutien de sa décision, le Conseil a notamment rappelé que « la peine de contrainte pénale est prononcée par la juridiction de jugement contre l'auteur du délit ; que cette juridiction fixe la durée de la contrainte pénale et le montant maximum de l'emprisonnement encouru par le condamné en cas d'inobservation des obligations et interdictions auxquelles il est astreint ; que, si elle dispose d'informations suffisantes sur la personnalité du condamné et sur sa situation matérielle, familiale et sociale, elle définit également les obligations et interdictions particulières auxquelles il est soumis ; (...) lorsque ces obligations et interdictions n'ont pas été fixées par la juridiction de jugement, il incombe au juge de l'application des peines de le faire au vu du rapport établi par le service pénitentiaire d'insertion et de probation ; que ce juge peut également modifier, supprimer ou compléter ces obligations et interdictions, notamment au regard de l'évolution du condamné au cours de l'exécution de la contrainte ; qu'en cas d'inobservation des mesures de contrôle et d'assistance ou de ces obligations et interdictions, et si ces dernières sont insuffisantes pour assurer l'effectivité de la peine, le juge de l'application des peines saisit, d'office ou à la demande du procureur de la République, le président du tribunal de grande instance ou son délégué afin que l'emprisonnement soit mis à exécution en tout ou partie dans la limite de la durée fixée par la juridiction de jugement ; que le juge de l'application des peines peut, s'il l'estime nécessaire, ordonner l'incarcération provisoire du condamné jusqu'au débat contradictoire devant le président du tribunal ou son délégué ; que, si ce débat n'intervient pas dans un délai de quinze jours, le condamné est remis en liberté s'il n'est pas détenu pour une autre cause ».

Par un arrêt n° 2154 du 9 août 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution de l'article 712-4 du code de procédure pénale issu de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. La Cour de cassation a considéré que ces dispositions étaient susceptibles de porter atteinte au principe de la séparation des organes de poursuite et de jugement et au principe d'impartialité, en permettant « au juge de l'application des peines de se saisir d'office, aux fins de statuer seul, après débat contradictoire, sur la révocation d'un sursis avec mise à l'épreuve prononcé par la juridiction de jugement ».

Dans sa décision n° 2017-671 QPC du 10 novembre 2017, le Conseil constitutionnel a, tout en formulant une réserve d'interprétation, jugé que la faculté pour le juge de l'application des peines de se saisir d'office en application de l'article 712-4 du code de procédure pénale aux fins d'accorder, modifier, ajourner, retirer ou révoquer par ordonnance ou jugement les mesures relevant de sa compétence telles que la révocation d'un sursis avec mise à l'épreuve, ne méconnaît pas le principe d'impartialité des juridictions.

Au soutien de sa décision, il a tout d'abord considéré que lorsque le juge de l'application des peines se saisit d'office aux fins de modifier, ajourner, retirer ou révoquer une mesure relevant de sa compétence, il n'introduit pas une nouvelle instance au sens et pour l'application de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, puisqu'il agit dans un cadre déterminé par la juridiction de jugement et met en oeuvre la peine qu'elle a prononcée 168 ( * ) .

En second lieu, il a jugé que « la faculté pour un juge d'exercer certains pouvoirs d'office dans le cadre de l'instance dont il est saisi ne méconnaît pas le principe d'impartialité à la condition d'être justifiée par un motif d'intérêt général et exercée dans le respect du principe du contradictoire », ce qui est justifiée pour le juge d'application des peines par les objectifs d'intérêt général de protection de la société et de réinsertion de la personne condamnée.

S'agissant du respect du principe du contradictoire, le Conseil a noté que les jugements concernant les mesures de placement à l'extérieur, de semi-liberté, de fractionnement et suspension des peines, de placement sous surveillance électronique et de libération conditionnelle, de même que les décisions du juge de l'application des peines concernant les peines de suivi socio-judiciaire, d'interdiction de séjour, de travail d'intérêt général, d'emprisonnement avec sursis assorti de la mise à l'épreuve ou de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, ou les mesures d'ajournement du prononcé de la peine avec mise à l'épreuve, sont rendus à l'issue d'un débat contradictoire. En revanche, en application de l'article 712-8 du code de procédure pénale, les décisions modifiant ou refusant de modifier ces mesures, les obligations en résultant ou les mesures ordonnées par le tribunal de l'application des peines en application de l'article 712-7 sont prises par ordonnance motivée du juge de l'application des peines sans débat contradictoire, sauf si le procureur de la République le demande. De la même manière, en application de l'article 712-5, sauf en cas d'urgence, les ordonnances concernant les réductions de peine, les autorisations de sorties sous escortes et les permissions de sortir sont prises sans débat contradictoire après le seul avis de la commission de l'application des peines.

Dès lors, le Conseil a formulé une réserve d'interprétation, au terme de laquelle « le juge de l'application des peines ne saurait, sans méconnaître le principe d'impartialité, prononcer une mesure défavorable dans le cadre d'une saisine d'office sans que la personne condamnée ait été mise en mesure de présenter ses observations » 169 ( * ) .

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

La contrainte pénale s'inscrit au coeur des débats consacrés à la probation, définie, selon le Conseil de l'Europe, comme « l'exécution en milieu ouvert de sanctions et mesures définies par la loi et prononcées à l'encontre d'un auteur d'infraction » et qui consiste « en toute une série d'activités et d'interventions, qui impliquent suivi, conseil et assistance dans le but de réintégrer socialement l'auteur d'infraction dans la société et de contribuer à la sécurité collective » (règles européennes relatives à la probation adoptées par le conseil des ministres du Conseil de l'Europe le 20 janvier 2010).

La Cour européenne des droits de l'homme interprète l'article 4 de la Convention européenne des droits de l'homme, aux termes duquel « nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire », à la lumière de la convention n°29 de l'Organisation internationale du travail sur le travail forcé du 28 juin 1930 170 ( * ) .

Or l'article 2 de cette convention n°29 sur le travail forcé précise qu'« aux fins de la présente convention, le terme travail forcé ou obligatoire désignera tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré.

Toutefois, le terme travail forcé ou obligatoire ne comprendra pas, aux fins de la présente convention: (...) tout travail ou service exigé d'un individu comme conséquence d'une condamnation prononcée par une décision judiciaire, à la condition que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées ».

Consultée à l'occasion du projet de loi du 15 août 2014 relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines, la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme a estimé, dans un avis du 12 avril 2014, que : « le travail d'intérêt général est une peine consensuelle non conciliable avec l'idée de contrainte. Il ne servirait à rien de gommer la référence à l'article 131-8 du code pénal pour écarter la condition " d'absence de refus " dès lors que cette exigence découle directement de la prohibition du travail forcé (art. 4 de la CESDH) et que, même si le texte était muet sur la question du consentement, la Cour de cassation n'admettrait certainement pas un travail d'intérêt général imposé » 171 ( * ) .

1.4. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

1.4.1 Le prononcé des peines d'emprisonnement

De nombreuses législations européennes encouragent les juridictions pénales à prononcer des peines alternatives à l'emprisonnement, par application du principe de subsidiarité. De fait, la sanction consistant en une peine d'emprisonnement doit être considérée comme l'ultima ratio .

A titre d'illustration, la législation italienne incite le juge à remplacer les peines d'emprisonnement par des mesures de semi-détention ou de détention à domicile sauf s'il décide pour des raisons particulières que l'exécution de l'emprisonnement s'impose pour dissuader le condamné de commettre d'autres infractions.

1.4.2 L'exécution des peines

a) Les aménagements de peine

La décision en matière d'application des peines peut émaner d'une autorité administrative (Royaume-Uni), d'une autorité juridictionnelle (Espagne, Italie) ou bien encore du ministère public (Pays-Bas).

Au Royaume-Uni, s'applique le principe d'immédiateté en matière d'exécution des peines qui a pour conséquence que, dès sa condamnation à une peine en milieu fermé, l'intéressé est envoyé directement, à la suite de l'audience, en détention. Il n'existe pas de juge d'application des peines et l'essentiel des dispositions relatives à l'exécution de la peine sont fixées ab initio , lors du jugement de condamnation. La décision prise par le juge s'impose à tous les organes d'exécution des peines, même si ultérieurement le juge qui a prononcé la sanction ne doit jamais connaitre de son exécution. Ni le parquet, le Crown Prosecution Service , ni les juges n'ont de pouvoirs en matière d'exécution des peines. Les mesures d'exécution des peines privatives de liberté sont gérées par l' HM Prison Service , organisme administratif qui dépend du ministère de la Justice, le National Offenders Management Service (NOMS).

Aux Pays-Bas et en Allemagne les condamnations pénales sont mises à exécution dans des délais très courts. Aux Pays-Bas, une réforme de 2014 a permis au ministère public de mettre en oeuvre plus rapidement l'exécution des sanctions prononcées. Le nouveau système de la chaîne pénale, réalisé en 2014, permet une accélération du traitement des dossiers, grâce à l'uniformisation des procédures d'exécution, via le Bureau central de recouvrement judiciaire.

b) La peine de détention à domicile

Selon les pays, le placement sous surveillance électronique peut être associé à une mesure alternative à la détention provisoire, à une mesure d'arrêt domiciliaire (ou détention à domicile), ou être prononcé dans le cadre d'un aménagement d'une peine d'emprisonnement.

Le placement sous surveillance est utilisé en tant qu'aménagement d'une peine d'emprisonnement en Belgique, en Italie et au Royaume-Uni. Dans ces trois pays, le placement sous surveillance électronique peut être utilisé dans le cadre d'une détention à domicile. En Italie, la détention à domicile sous forme de placement sous surveillance électronique est très largement utilisée. Elle bénéficie à 9 500 personnes (pour une population en prison de 54 000 détenus). Le détenu peut effectuer sa peine soit à son domicile personnel, soit dans une autre habitation privée, soit dans un lieu de soin ou d'assistance. Son objectif principal consiste à promouvoir la réinsertion.

c) Les permissions de sortir

Selon les pays, le directeur de l'administration pénitentiaire dispose, dans le cadre d'une procédure d'aménagement, de simples pouvoirs de proposition ou d'un réel pouvoir décisionnel.

A titre d'illustration, aux Pays-Bas, en vertu de la loi pénitentiaire, les permissions sont accordées par le gouverneur de l'établissement pénitentiaire. Depuis 1976, les décisions du gouverneur peuvent être soumises à la Commission des plaintes où le détenu a le droit d'être entendu en présence d'un avocat. Les décisions motivées de la Commission sont susceptibles d'un appel devant une Commission d'Appel.

d) La libération conditionnelle

Certains pays disposent d'une législation ayant institué des mécanismes automatiques d'aménagement de peine (Pays-Bas, Royaume-Uni). Dans ces pays, la loi dispose que la libération conditionnelle peut être mise en oeuvre de façon automatique au bout de l'écoulement d'un certain temps passé en détention.

Au Royaume-Uni, la remise en liberté est accordée automatiquement à la moitié de peine, lorsque celle-ci est inférieure à 12 mois. Aux Pays-Bas, le critère d'automaticité concerne, à l'inverse, les peines supérieures à un an : le condamné qui a exécuté les 2/3 de sa peine (supérieure à un an) est remis en liberté.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les propositions issues du cinquième chantier de la justice portant sur le sens et l'efficacité des peines ont pour objectif de redonner un sens à la peine, en la rendant plus lisible, et à renforcer son efficacité, en favorisant sa mise à exécution rapide, tout en préservant sa nécessaire individualisation.

Le Premier Ministre, dans sa déclaration de politique générale du 4 juillet 2017, et la Garde des Sceaux, lors du conseil des ministres du 4 octobre 2017, ont rappelé que cette exigence du sens suppose que l'ensemble des propositions soit guidé par trois idées force :

- l'exécution de la peine doit être plus effective, plus compréhensible et plus visible pour la victime et la société

- la sanction doit punir l'auteur de l'infraction,

- mais également permettre la réinsertion gage de lutte contre la récidive en application du principe de l'individualisation de la peine

Les objectifs intermédiaires pour atteindre ces objectifs sont les suivants :

• Limiter les courtes peines d'emprisonnement,

Ces peines sont suffisamment longues pour entrainer les effets désocialisants de la prison tels que la perte d'emploi et d'hébergement mais restent trop courtes pour démarrer des démarches liées aux besoins des personnes (liste d'attente pour travailler, pour obtenir un suivi avec un psychologue,...). La très faible part de personnes condamnées à des courtes peines bénéficiant d'un aménagement de peine est révélatrice de la difficulté à les mobiliser dans les délais impartis.

• Permettre au tribunal correctionnel, grâce à des enquêtes de personnalité, d'aménager les peines dès le prononcé,

• Prévoir une systématisation des sorties de détention anticipées et encadrées afin d'éviter les sorties « sèches » sans accompagnement,

• Prévoir des peines alternatives à l'incarcération au contenu renforcé,

• Prévoir une déjudiciarisation de certaines procédures.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

L'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant la détermination des crimes et délits ainsi que des peines qui leur sont applicables, ainsi que la procédure pénale.

Il est donc nécessaire, pour définir de nouvelles peines ou de nouvelles modalités de prononcé et d'exécution de celles-ci, d'opérer des modifications législatives.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTIONS ÉCARTÉES

3.1.1 Rendre l'ajournement de la peine systématique

Cette réforme permettrait évidemment aux tribunaux d'avoir des renseignements de qualité sur le prévenu, mais elle doublerait le nombre des audiences correctionnelles, ce qui n'est évidemment pas envisageable.

Elle n'a donc pas été retenue.

3.1.2 Rapprocher la contrainte pénale et le sursis avec à l'épreuve ou les fusionner dans une peine unique de probation

Le rapport remis par le président Cotte et Maître Minkowsky relève que la plupart des personnes entendues comme le résultat de nombre des consultations ont mis l'accent sur l'intérêt d'une peine de probation combinant ce qu'il y a de meilleur dans l'actuel sursis avec mise à l'épreuve qui est fréquemment prononcé et dans la contrainte pénale à laquelle, contrairement à ce qu'il était souhaité, il n'a pas été fréquemment recouru.

Il préconise ainsi une telle réforme en indiquant qu'elle devrait passer par une fusion de ces deux mesures soit par un rapprochement aussi étroit que possible entre elles.

La fusion paraît préférable au rapprochement qui maintiendrait deux dispositifs distincts dont la coexistence continuerait d'être source de complexité. La solution du rapprochement n'a donc pas été retenue.

Toutefois, la fusion peut se faire de deux manières :

-Soit le sursis avec mise à l'épreuve est absorbé par la contrainte pénale ;

-Soit la contrainte pénale est absorbée par le sursis avec mise à l'épreuve.

La première solution présente toutefois l'inconvénient de faire disparaître un dispositif ancien, bien connu et bien appliqué par les juridictions, puisque plus de 80 000 sursis avec mise à l'épreuve et sursis-travail d'intérêt général sont prononcés chaque année. Elle n'a donc pas été retenue.

3.1.3 Supprimer la procédure de l'article 723-15 du code de procédure pénale

Il a été envisagé de supprimer totalement la procédure de l'article 723-15 en prévoyant l'incarcération systématique de toutes les personnes condamnées, sans mesure d'aménagement, à une peine d'emprisonnement ferme.

Une telle solution a toutefois paru excessive, car elle impliquait une augmentation très importante de nombre de personnes incarcérées, y compris dans des cas où un aménagement de leur peine, bien que non ordonné ab initio par le tribunal, pouvait paraître souhaitable. Cette solution aurait exigé de permettre en urgence, un examen aussi rapide que possible de la situation de la personne incarcérée, afin de lui faire bénéficier, dans les meilleurs délais - mais après une courte période de détention particulièrement désocialisante, d'un aménagement.

Par ailleurs, ce qui est contestable dans l'actuel dispositif, c'est, outre le seuil de peine très important - de deux ans sauf récidive - imposant le passage devant le juge de l'application des peines, le caractère systématique de la procédure de l'article 723-15 dès lors que la personne n'est pas détenue à l'issue de l'audience.

Il n'a dès lors pas paru opportun de remplacer un systématisme par un autre systématisme, même inversé, l'objectif étant de mettre en oeuvre un dispositif souple et équilibré, mieux à même de concilier le respect de la peine prononcé et la lutte contre la récidive.

3.2. DISPOSITIF RETENU

Ont été retenues les solutions suivantes.

3.2.1 Création de la peine de détention à domicile en tant que peine alternative à l'incarcération

Créé en 1997, le placement sous surveillance électronique est actuellement une des modalités d'aménagement d'une peine privative de liberté. Il a connu, au cours de ces dernières années, un développement massif. Cette alternative à la détention, qui impose le port d'un bracelet à la personne condamnée afin de contrôler le respect par celle-ci d'heures d'assignation à son domicile, est en quelque sorte une « privation de liberté ambulatoire ». Elle apparaît adaptée à la situation de nombreuses personnes condamnées et est peu coûteuse.

Aussi il est apparu utile de promouvoir cette mesure. A cette fin, la commission Cotte a proposé de redéfinir la nature du placement sous surveillance électronique, en en faisant une peine autonome, alternative à l'emprisonnement et non plus un aménagement de peine. Une telle évolution semble pertinente.

En effet, si les juridictions de jugement peuvent d'ores et déjà prononcer un placement sous surveillance électronique dans le cadre d'un aménagement ab initio d'une peine d'emprisonnement ferme, il apparaît que le recours aux aménagements de peine ab initio est encore limité. Faire du placement sous surveillance électronique une nouvelle peine autonome pourrait inciter les magistrats à y recourir davantage dès le stade du prononcé de la peine. Conformément à la préconisation de la commission Cotte, le placement sous surveillance électronique serait inclus dans l'échelle des peines principales correctionnelles comme une peine alternative à l'emprisonnement et pourrait être prononcé en remplacement de celui-ci, modifiant ainsi l'échelle des peines, et proposant une nouvelle alternative qui serait située, dans cette échelle, juste avant l'emprisonnement, prononcé en dernier recours.

Cette peine sera possible pour une durée maximale comprise entre 15 jours et un an, sans pouvoir excéder la durée de l'emprisonnement encouru. La peine emportera des horaires d'assignation à domicile et ne permettra que les sorties strictement nécessaires. La juridiction pourra décider que le condamné bénéficiera de mesures d'aide pour seconder ses efforts en vue de son reclassement social.

Cette peine autonome de placement sous surveillance électronique ne remettra pas en cause la possibilité de recourir au placement sous surveillance électronique dans le cadre d'un aménagement de peine.

Les modalités d'exécution de la peine de détention à domicile sous surveillance électronique seront précisées par l'article 53 dans le code de procédure pénale, les modalités d'exécution de la peine de détention à domicile sous surveillance électronique.

3.2.2 Unification des peines de stage

Les différentes peines de stages existantes sont regroupées dans l'article 131-5-1 du code pénal actuellement consacré au seul stage de citoyenneté.

Cet article prévoit ainsi que lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction pourra, à la place ou en même temps que l'emprisonnement, prescrire que le condamné devra accomplir, pendant une durée ne pouvant excéder un mois, un stage dont elle précisera la nature.

Il est prévu que sauf décision contraire de la juridiction, ce stage, dont le coût ne pourra excéder celui des amendes contraventionnelles de la 3e classe, sera effectué aux frais du condamné. Actuellement le tribunal doit se prononcer dans un sens ou dans l'autre, il paraît plus simple de poser le principe du paiement, sauf décision contraire.

Comme actuellement, il est prévu que le stage sera exécuté dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la condamnation est définitive. Il est cependant précisé que ce ne sera pas le cas dans l'hypothèse d'une impossibilité résultant du comportement ou de la situation du condamné.

La liste des stages que pourra prononcer la juridiction est fixée par la loi. Il s'agit des stages suivants, qui existent déjà, à l'exception du dernier :

- Le stage de citoyenneté, tendant à l'apprentissage des valeurs de la République et des devoirs du citoyen ;

- Le stage de sensibilisation à la sécurité routière ;

- Le stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants ;

- Le stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes ;

- Le stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels ;

- Le stage de responsabilité parentale ;

- Le stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes.

3.2.3 Possibilité de consentement différé à accomplir un travail d'intérêt général et expérimentation d'une extension aux personnes morales de droit privé relevant de l'économie sociale et solidaire

L'intérêt de la peine de travail d'intérêt général est reconnu par l'ensemble des professionnels et le grand public en ce qu'elle permet à la fois de sanctionner la personne condamnée, de favoriser son insertion sociale par son caractère formateur et d'éviter l'effet désocialisant de l'emprisonnement.

En l'état actuel du droit, la peine de travail d'intérêt général ne peut être prononcée qu'en présence du condamné dont le consentement à la mesure est recueilli. Il sera désormais possible, lorsque le tribunal aura fait application de l'article 131-9 alinéa 2 du code pénal (fixation de la durée maximum de l'emprisonnement ou du montant maximum de l'amende dont le juge d'application des peines pourra ordonner la mise à exécution en cas de non-respect des obligations résultant du prononcé d'un travail d'intérêt général), de prononcer cette peine en l'absence du condamné. Dans cette hypothèse, le juge d'application des peines l'informera lors de la mise à exécution de la possibilité de refus et dans ce cas, mettra la peine encourue à exécution, éventuellement aménagée ou convertie.

Ces modifications devraient accroître le prononcé de la peine de travail d'intérêt général.

Si les efforts des services pénitentiaires d'insertion et de probation ont permis de développer un partenariat riche et diversifié, le succès du travail d'intérêt général suppose une offre toujours croissante de postes d'accueil. Parmi les pistes envisagées par le rapport « Les leviers permettant de dynamiser le travail d'intérêt général » remis par le député Didier Paris et le président exécutif de Onepoint, David Layani, figure l'extension du périmètre des personnes morales de droit privé susceptibles d'offrir un TIG.

Le projet de loi prévoit donc d'expérimenter pour une durée de trois ans une extension aux personnes morales de droit privé remplissant les conditions définies par l'article 1 er de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire et poursuivant un but d'utilité sociale au sens de l'article de 2 de la même loi. Ce secteur de l'économie sociale et solidaire représente 230 000 entreprises, soit 10 % du PIB et 3,5 millions de salariés du privé. Il est bien adapté à l'utilité sociale recherchée pour les travaux pouvant être proposés aux personnes condamnées.

3.2.4 Développement des enquêtes de personnalité et amélioration de la procédure d'ajournement

Le tribunal correctionnel doit être en mesure de connaitre les éléments de personnalité.

Cette proposition répond à la nécessité d'évaluer avant de sanctionner.

Les articles 41 et 81 du code de procédure pénale sont modifiés afin de réintroduire la compétence du service pénitentiaire d'insertion et de probation en la matière, qui avait été supprimée en 2012.

Par ailleurs, ces enquêtes seront obligatoires en cas de réquisition de détention provisoire, même si la personne est âgée de plus de 21 ans.

Le service pénitentiaire d'insertion et de probation pourra en outre se voir confier des investigations sur la personnalité et la situation du condamné dans l'hypothèse d'un ajournement du prononcé de la peine, notamment pour prononcer une peine de détention domiciliaire, un sursis probatoire, ou une peine aménagée.

La hausse des enquêtes de personnalité, même si elle pourra être répartie entre le milieu associatif et les services pénitentiaires d'insertion et de probation, imposera cependant des moyens supplémentaires dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation, et une augmentation des frais de justice concernant les associations.

Elles permettront cependant, par une meilleure adaptation de la peine à la personnalité et à la situation du condamné, le développement des peines alternatives à la détention, notamment si les tribunaux ajournent plus fréquemment le prononcé de la peine. Par ailleurs, le caractère obligatoire de l'enquête en cas de réquisitions de détention provisoire est de nature à diminuer le recours à cette mesure. Ces dispositions sont donc susceptibles de contribuer à une diminution de la population carcérale, sans sacrifier à l'efficacité de la peine.

Il en est de même des dispositions améliorant la procédure d'ajournement aux fins d'investigations sur la personnalité ou la situation matérielle, familiale et sociale prévue par l'article 132-70-1 du code pénal.

Il est ainsi prévu que l'ajournement est possible dès lors qu'il est opportun - et pas uniquement lorsqu'il est nécessaire - d'ordonner des investigations, le cas échéant complémentaires, sur la personnalité ou la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, en précisant la finalité de ces investigations, de nature à permettre le prononcé d'une peine de détention à domicile sous surveillance électronique, d'un travail d'intérêt général, d'une peine d'emprisonnement avec sursis probatoire ou d'une peine d'emprisonnement aménagée.

Il est également précisé que le tribunal, tout en fixant dans sa décision la date à laquelle il sera statué sur la peine, ordonnera s'il y a lieu le placement de la personne jusqu'à cette date sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou en détention provisoire.

3.2.5 Limitation des courtes peines d'emprisonnement

Toute peine prononcée inférieure ou égale à 6 mois doit faire l'objet d'une mesure d'aménagement (semi-liberté, placement extérieur, détention à domicile sous surveillance électronique), sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné. Si la peine est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an, elle doit également être aménagée si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle. Les conditions restrictives liées à l'exigence d'un projet de réinsertion du condamné, actuellement prévues par les articles 132-25 et suivants du code pénal, sont supprimées.

En outre, le texte renforce l'obligation de motivation spéciale du prononcé des peines d'emprisonnement sans sursis, et oblige également la juridiction à motiver spécialement le refus d'aménagement des peines dont la durée est comprise entre un mois et un an.

Cette interdiction des très courtes peines, et ce principe de l'aménagement des peines comprises entre un mois et un an, doit en principe conduire, la juridiction disposant d'éléments de personnalité lors du jugement, ou après ajournement, à une diminution du nombre de personnes incarcérées pour de courtes durées, dont on a rappelé l'effet désocialisant, sans permettre toutefois une mobilisation sur un projet. Il importe, pour que ces mesures prennent leur plein effet, que les tribunaux correctionnels s'en emparent et n'écartent pas les courtes peines par une motivation type sur la personnalité ou la situation du condamné, et qu'il n'y ait pas d'effet de seuil (prononcé de peines de 2 mois ou de 7 mois).

3.2.6 Limitation du recours à l'article 723-15 du code de procédure pénale

Il est proposé de prévoir la rédaction d'une nouvelle disposition, qui concilie souplesse et efficacité, en confiant au tribunal correctionnel le soin de décider qu'il n'y aura pas comme actuellement un examen automatique de l'aménagement de peine par le juge de l'application des peines avant incarcération en application des dispositions de l'article 723-15 du code de procédure pénale, ce qui correspond à l'objectif recherché. Cette nouvelle orientation permettrait en outre de préserver les efforts accomplis jusqu'à présent pour endiguer le phénomène de surpopulation carcérale.

Il est donc proposé une double limitation de l'article 723-15, afin à la fois de supprimer son caractère automatique et de restreindre son champ d'application.

Il est également créé un mandat de dépôt à effet différé permettant de convoquer le condamner dans un délai inférieur à un mois devant le procureur de la République afin de fixer la date d'incarcération en établissement pénitentiaire.

En l'absence de mandat de dépôt ou d'arrêt, cet article ne serait désormais plus applicable que dans les cas où le tribunal correctionnel ne décernerait pas un « mandat de dépôt à effet différé » mais déciderait de renvoyer le condamné devant le juge d'application des peines afin que celui-ci procède à un aménagement (ou à une conversion). C'est donc uniquement lorsque le tribunal ne serait pas opposé à une telle décision (mais qu'il n'aurait pas été en mesure de la prendre lui-même, en pratique faute d'information suffisante sur la personnalité du prévenu), que le juge d'application des peines serait saisi, sur décision du tribunal lui-même.

Par ailleurs, cet article serait désormais applicable uniquement pour les peines d'emprisonnement inférieures ou égales à un an, et ne seraient donc plus concernées les personnes condamnées à une peine comprise entre plus d'un an et deux ans.

Ainsi, lorsqu'il prononce une peine d'emprisonnement dont la partie ferme est inférieure à un an, le tribunal aura le choix entre les quatre possibilités suivantes :

- ordonner l'exécution de la peine sous une forme aménagée, selon des modalités définies par le juge d'application des peines ;

- ordonner, par décision spécialement motivée, que le condamné sera convoqué devant le juge de l'application des peines et le service pénitentiaire d'insertion et de probation en vue d'un éventuel aménagement ;

- si la peine est d'au moins 6 mois, ou que les faits sont commis en état de récidive légale, décerner un mandat de dépôt à effet différé ;

- décerner, par décision spécialement motivée, un mandat de dépôt ou d'arrêt, dans les conditions actuellement prévues par le code de procédure pénale ; le mandat de dépôt n'étant plus obligatoire lorsque le condamné est en état de récidive légale.

3.2.7 Création du « sursis probatoire »

L'objectif est de rapprocher la contrainte pénale et le sursis mise à l'épreuve de manière à simplifier le régime de la première, jugée trop complexe, et à généraliser pour les deux mesures l'évaluation et le suivi offerts par les services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Ce qui est principalement souhaité par les praticiens est, à la fois, de simplifier le régime de la contrainte pénale, jugé trop complexe, et de permettre, dans tous les cas, même hors les cas actuels de la contrainte pénale, et donc dans les cas actuels du sursis avec mise à l'épreuve, une évaluation individualisée et pluridisciplinaire par les services pénitentiaires d'insertion et de probation, donnant lieu à des propositions de suivi par le juge d'application des peines, et une possibilité d'adaptation de ce suivi tout au long de la mesure au regard de l'évolution du condamné pouvant faire l'objet de réévaluations régulières. La proposition consiste à fusionner la contrainte pénale et du sursis avec mise à l'épreuve, la contrainte pénale disparaissant en étant absorbée au sein du sursis avec mise à l'épreuve (devenant également sursis probatoire ).

Comme rappelé ci-dessus, le développement des enquêtes pré-sententielles, et des ajournements du prononcé de la peine, si ces dispositifs sont pleinement utilisés par les parquets et les juridictions, sont de nature à favoriser le prononcé d'une peine plus adaptée à la personnalité du condamné.

Le tribunal pourra ainsi décider, lorsqu'il l'estimera nécessaire au regard de la personnalité et de la situation du condamné, d'un suivi renforcé, disciplinaire et évolutif. Ce dispositif du projet est de nature à renforcer le développement des alternatives à l'incarcération, si les juridictions correctionnelles s'en emparent.

3.2.8 Evolution de la libération sous contrainte et simplification du fonctionnement de la commission de l'application des peines

Il sera supprimé l'examen obligatoire de la situation des personnes qui refusent la mesure, afin notamment d'alléger le rôle des commissions de l'application des peines. Il est en outre affirmé clairement que la libération sous contrainte est le principe et que son refus par le juge de l'application des peines doit être exceptionnel et motivé.

Il est prévu que l'avis de la commission de l'application des peines pourra résulter des avis de ses membres recueillis par écrit, le cas échéant par voie dématérialisée, ce qui peut permettre d'éviter la réunion physique des membres de la commission d'application des peines

Par ailleurs, lorsque la commission d'application des peines statuera sur la situation d'un condamné sous surveillance électronique ou placement extérieur sans surveillance de l'AP, la présence du chef d'établissement sera facultative. En effet, le condamné n'étant pas hébergé il n'a pas connaissance de sa situation et seul le service pénitentiaire d'insertion et de probation est à même d'éclairer le juge d'application des peines.

Enfin, lorsqu'une première permission de sortir a été accordée à un condamné majeur par le juge de l'application des peines en application de l'article 712-5, les permissions de sortir ultérieures peuvent, sauf décision contraire de ce magistrat, être accordées par le directeur de l'établissement pénitentiaire, selon des modalités déterminées par décret.

L'objectif de cette mesure est d'alléger le rôle des commissions de l'application des peines.

3.2.9 Simplification et uniformisation du traitement des requêtes post-sentencielles

Les articles 710 et 711 du code de procédure pénale sont modifiés afin de :

-  permettre un examen par le juge unique des demandes de confusion de peines, comme c'est le cas pour les autres requêtes post-sentencielles ;

- permettre un traitement simplifié en cas d'accord des parties, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une audience, comme c'est déjà le cas pour les demandes de rectification d'erreurs matérielles.

3.2.10 Suppression de régimes spécifiques applicables aux récidivistes

Sont supprimés :

- l'obligation de décerner un mandat de dépôt sauf décision à l'encontre des récidivistes de faits de violences, prévue par le deuxième alinéa de l'article 465-1 du code de procédure pénale.

-  le régime spécifique applicable aux récidivistes pour les aménagements de peine (seuil de un an au lieu de deux ans), que le juge de l'application des peines peut prononcer pour les condamnés déjà incarcérés, prévu par l'article 723-1.

3.2.11 Suppression de l'obligation de recueillir l'avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté pour certaines libérations conditionnelles

Il convient de simplifier la procédure d'octroi d'une libération conditionnelle concernant les peines mentionnées à l'article 730-2 du code de procédure pénal en supprimant toute obligation de recueillir l'avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.

Un tel avis est en effet inutile puisqu'est déjà exigé une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues et assortie d'une expertise médicale.

3.2.12 Transfert dans le code de procédure pénale, en les clarifiant, des dispositions sur la conversion en travail d'intérêt général ou en jour-amende

Ces dispositions sont insérées dans l'article 747-1 du code de procédure pénal, actuellement consacré au sursis travail d'intérêt général mais devenu inutile puisque le sursis-travail d'intérêt général devient une composante du sursis probatoire.

Il est ainsi prévu qu'en cas de condamnation définitive pour un délit à une peine d'emprisonnement ferme inférieure ou égale à six mois, ou dont la partie ferme est inférieure ou égale à six mois, y compris si cette peine résulte de la révocation d'un sursis, le juge de l'application pourra, avant la mise à exécution de l'emprisonnement ou en cours d'exécution de celui-ci, ordonner, d'office ou à la demande du condamné, la conversion de cette peine en peine de travail d'intérêt général ou en peine de jour amende lorsque cette conversion lui paraît de nature à assurer la réinsertion du condamné et à prévenir sa récidive.

Il est précisé que lorsque la peine est convertie en travail d'intérêt général, la durée de la peine d'emprisonnement prononcée ou son reliquat peut être mis à exécution par le juge en cas de non accomplissement du travail par le condamné. Cette conversion n'est possible que si, après avoir été informé du droit de refuser l'accomplissement d'un travail d'intérêt général, le condamné a expressément déclaré renoncer à se prévaloir de ce droit.

Il est également précisé, ce que ne font pas les dispositions actuelle, que, lorsque la peine est convertie en peine de jour amende, le nombre de jours est égal à celui de la peine d'emprisonnement prononcé ou du reliquat de cette peine.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Les réformes proposées exigent de modifier, créer ou supprimer une trentaine d'articles du code pénal et autant d'articles du code de procédure pénale.

La suppression de la contrainte pénale, la création de la peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique et l'unification des peines de stages imposent de réécrire l'échelle des peines correctionnelles de l'article 131-3 du code pénal.

Des coordinations sont enfin nécessaires dans l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante et dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

L'impact juridique des nouvelles règles relatives au prononcé des peines d'emprisonnement et à leur mode d'exécution peut être récapitulé dans le tableau suivant.

Tableau des peines d'emprisonnement fermes pouvant ou non être prononcées par le tribunal et leurs modes d'exécution

Durée

Modalités de prononcé

Mise à exécution

Déroulement de la peine

(en cas d'incarcération)

1 mois

Prononcé interdit

1 mois à 6 mois

Aménagement ab initio prononcé par tribunal correctionnel

(règle de principe)

placement sous surveillance électronique, SL ou PE selon décision du tribunal correctionnel

Pas d'aménagement ab initio car le tribunal correctionnel ne dispose pas des éléments de personnalité

Exécution sous placement sous surveillance électronique, SL, PE ou conversion

décidée par le juge d'application des peines (art. 723-15) sauf impossibilité

Aménagement immédiatement possible

LSC au 2/3 de la peine

Pas d'aménagement ab initio , car la situation personnelle du condamné rend impossible l'aménagement

Mandat de dépôt ou d'arrêt (comparution immédiate ou récidive)

6 mois à 1 an

Aménagement ab initio prononcé par le tribunal correctionnel, parce que la situation personnelle du condamné le permet

placement sous surveillance électronique, SL ou PE selon décision du tribunal correctionnel

Pas d'aménagement ab initio car le tribunal correctionnel ne dispose pas des éléments de personnalité

Dans les autres cas, examen 723-15 par le juge d'application des peines en vue d'un aménagement

Pas d'aménagement ab initio car le tribunal correctionnel estime ne pas devoir aménager la peine

Incarcération si :

Mandat de dépôt ou d'arrêt (comparution immédiate ou récidive)

ou

Mandat de dépôt à effet différé

Aménagement immédiatement possible

LSC au 2/3 de la peine

> 1 an

Pas d'aménagement ab initio

Incarcération systématique

Aménagement possible un an avant la mi-peine (placement sous surveillance électronique, PE, SL probatoire à LC) ou lorsque le reliquat de peine est < 2 ans

libération conditionnelle à mi-peine

LSC au 2/3 de la peine (si peine jusqu'à 5 ans)

4.2. IMPACTS SUR LES PEINES PRONONCÉES ET LA DÉTENTION

L'impact des mesures relatives au sens et à l'efficacité des peines va en partie dépendre de leur appropriation par les magistrats. Pour estimer l'impact sur le nombre de personnes en détention ainsi que sur les services judiciaires et pénitentiaires, les hypothèses suivantes ont été retenues :

- l'interdiction des peines de prison ferme inférieures ou égales à un mois va conduire principalement à prononcer davantage de détention domiciliaire sous surveillance électronique (70 %) et de travaux d'intérêt général.

- Le principe d'aménagement des peines entre un et six mois conduit à substituer à 30 % des détentions correspondantes une détention domiciliaire sous surveillance électronique, à 15 % un placement en semi-liberté et à 15 % un placement extérieur. 40 % resteraient en détention.

- Pour les peines entre six mois et un an, la création de la détention domiciliaire sous surveillance électronique se substituerait dans 20 % des cas à une peine de prison ferme.

- A contrario, la limitation du recours à l'aménagement de peine de l'article 723-15 accroîtra le nombre de détenus entre 6 mois et deux ans.

- le développement des enquêtes pré-sentencielles va permettre de développer l'assignation à résidence sous surveillance électronique et le placement sous contrôle judiciaire, en substitution d'un placement en détention provisoire. Il est fait l'hypothèse de 600 assignations à résidence sous surveillance électronique et 600 placements sous contrôle judiciaire supplémentaires.

- Le principe de libération sous contrainte aux 2/3 de la peine pourrait conduire à une augmentation estimée à 650 LSC, soit environ le double d'aujourd'hui.

L'impact à terme est estimé à une diminution d'environ 8 000 détenus (hors détenus en semi-liberté ou placement extérieur).

- En nombre annuel de peines prononcées, il est attendu en cible environ 7.000 détentions domiciliaires sous surveillance électronique, 4.000 travaux d'intérêt général grâce notamment à l'effet bénéfique attendu de la création de l'agence des travaux d'intérêt général et 70.000 sursis probatoires.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

a) La peine de détention à domicile sous surveillance électronique

La peine a vocation à être prononcée par le tribunal correctionnel. Son prononcé suppose que la juridiction dispose d'éléments sur la situation familiale, sociale et matérielle du condamné, notamment pour vérifier si les conditions matérielles d'une surveillance électronique sont remplies. Comme pour le placement sous surveillance électronique, ces vérifications devraient être chronophages.

Le prononcé de cette peine est donc de nature à accroître la durée des audiences pour l'étude du dossier et le temps de délibéré, avec un impact sur les magistrats du siège mais également sur le parquet et sur le greffe. En contrepartie, il supprime le temps d'entretien du juge d'application des peines avec la personne condamnée, le temps de débat avec le parquet, tout comme le temps d'assistance du greffier dans le cadre de l'application des peines.

Deux points méritent cependant d'être soulignés :

- la charge peut s'avérer plus lourde pour le tribunal correctionnel. Les magistrats qui y siègent ne maîtrisent pas toujours les questions sur la peine (d'où la nécessité d'accompagner la réforme par des actions de formation) alors que le juge d'application des peines est spécialisé en la matière. En outre, lorsque le tribunal correctionnel siège en formation collégiale, la charge du prononcé pèse sur trois juges (au lieu d'un lorsque c'est le juge d'application des peines) ;

- le juge d'application des peines continuera à suivre l'exécution de cette peine en milieu ouvert, suivi qui peut être compliqué en matière de surveillance électronique en raison de la multiplicité des incidents, ce qui impacte également la charge de travail du parquet.

Au total, cette mesure devrait principalement se traduire par un transfert de charges de l'application des peines vers le correctionnel et le cas échéant par un léger gain d'emplois.

b) Le sursis probatoire

La création du sursis probatoire a pour objet de permettre à l'ensemble des personnes placées sous main de justice suivies en milieu ouvert dans le cadre actuel du sursis mise à exécution de bénéficier d'une évaluation et d'un suivi équivalent à celui de la contrainte pénale. Il permettra une meilleure lisibilité qui pourra à la marge se traduire par une augmentation de leur nombre.

Cette évolution est de nature à générer un suivi renforcé du juge d'application des peines pour certaines mesures, suivi qui se traduira alors par une charge de travail plus lourde.

c) L'interdiction du prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme d'une durée inférieure ou égale à un mois et exécution sous forme aménagée des peines comprises entre un et six mois

Comme pour la détention à domicile sous surveillance électronique, ces dispositions devraient entraîner un transfert de charges de l'application des peines vers le correctionnel pour le prononcé de la mesure, avec une réserve : l'impact de ces dispositions sur l'activité du juge d'application des peines peut être variable selon que la juridiction fixe ou pas toutes les modalités.

d) Limitation du recours aux aménagements de peine de l'article 723-15 du code de procédure pénale

Cette mesure réduit l'activité du juge d'application des peines, qui n'aura plus à se prononcer sur des aménagements de peine, mais accroît son activité de suivi du milieu fermé.

e) La suppression de l'examen obligatoire de la situation des condamnés refusant la libération sous contrainte ou s'abstenant d'y consentir

Aujourd'hui, 500 personnes bénéficient d'une libération sous contrainte sous écrou (semi-liberté, placements sous surveillance électronique, placements extérieurs) et 150 d'une libération conditionnelle. Le nombre de condamnés qui la refusent ou ne se prononcent pas n'est pas connu.

La situation des détenus concernés étant actuellement examinée en commission d'application des peines, la mesure envisagée est de nature à libérer du temps des commissions d'application des peines (notamment du temps de déplacement) que ce soit pour le juge d'application des peines ou le parquet.

f) La possibilité pour le chef d'établissement pénitentiaire d'octroyer des permissions de sortir aux condamnés dès lors que le juge d'application des peines a fait droit à la première demande.

Cette mesure est de nature à entraîner des économies de juge d'application des peines. Toutefois à défaut de données sur le nombre de détenus ayant obtenu plus d'une autorisation de sortir, cette économie est délicate à évaluer.

Au total, si certaines dispositions sont de nature à alourdir la tâche du juge d'application des peines, d'autres devraient l'alléger. Ces économies en ETP de juge d'application des peines se traduisent dans certains cas par un alourdissement de la charge de travail des tribunaux correctionnels. Au global, l'impact estimé de l'ensemble de ces mesures sur les magistrats est une économie d'une douzaine d'emplois.

4.4. IMPACTS SUR LES SERVICES PÉNITENTIAIRES

La réussite de ces mesures nécessite un renforcement important des services pénitentiaires d'insertion et de probation. 1.500 emplois supplémentaires sont prévus dans le cadre de la loi de programmation à ce titre, conduisant à une augmentation des effectifs du corps des conseillers d'insertion et de probation de plus de 30 %.

L'accueil des nouveaux agents dans ces structures nécessitera des extensions de locaux domaniaux ou locatifs ou des déménagements (estimation de l'ordre de 4-5 M€ de loyers supplémentaires), ainsi que des moyens de fonctionnement supplémentaires (coût de « sac à dos » estimé à 1 985 € annuels auxquels s'ajoutent des coûts de recrutement).

Par ailleurs, l'accroissement du nombre de personnes placées sous main de justice bénéficiant d'un régime de semi-liberté nécessitera la création de nouvelles places d'hébergement. Les centres de semi-liberté actuels disposant d'environ 1 000 places vacantes, le besoin de places nouvelles se situe autour de 500. Le coût à la place en centre de semi-liberté étant de l'ordre de 90 K€, l'investissement est de l'ordre de 45 M€. Ce besoin est pris en compte dans le programme d'investissement immobilier pénitentiaire.

Les mesures d'aménagements de peine et d'alternatives à l'incarcération devraient générer une économie estimée à 9 M€ du fait du moindre flux d'entrée en détention (composante du coût direct d'une journée de détention directement impacté par une réduction des effectifs). A contrario , le développement souhaité du placement à l'extérieur dans des structures gérées par des associations d'aide et d'accompagnement des personnes détenues pourrait nécessiter d'augmenter le coût de journée qui leur est alloué.

4.5. IMPACTS INFORMATIQUES

L'impact de ces mesures sur les applications informatiques est important.

La création de nouvelles peines (détention domiciliaire sous surveillance électronique, peine unique de stage) a un impact majeur sur les applications du Casier judiciaire. L'impact concerne autant l'actuelle version (NCJ-2) que la future application ASTREA dont la feuille de route doit être impérativement sécurisée en raison de l'obsolescence de la technologie de NCJ.

L'impact sur APPI, l'application d'exécution des peines, sera fort du fait de la création de nouvelles peines mais également des évolutions prévues sur le suivi pré-sentenciel par les services pénitentiaires d'insertion et de probation, la commission d'application des peines et sur l'octroi des permissions de sortir.

L'impact sur Cassiopée est significatif également, l'application devant être adaptée en fonction de la création de nouvelles peines et des évolutions dans le prononcé des peines (modification des écrans, des évènements, de l'éditique). Les évolutions de Cassiopée sur les peines devront en outre s'intégrer avec celles liées à la simplification de la procédure pénale et au projet mené conjointement avec le ministère de l'intérieur de procédure pénale numérique.

L'impact sur Genesis, l'application de gestion de la détention, devrait être moyen et principalement lié aux évolutions sur le fonctionnement des commissions d'application des peines.

L'impact sur Saphir, application de suivi du placement sous surveillance électronique, devrait être moyen également (nouvelles fonctionnalités à créer et surcoût possible lié à l'augmentation sensible des bracelets électroniques).

En fonction du rôle de l'agence du travail d'intérêt général, de ses prérogatives et de ses missions ainsi que des relations avec les services pénitentiaires d'insertion et de probation et associations conventionnées à faire exécuter un travail d'intérêt général, il est possible d'envisager un SI spécifique ou a minima une interopérabilité entre SI afin de garantir le suivi de la personne placée sous main de justice.

L'impact des évolutions sur l'infocentre de l'application GAME de la protection judiciaire de la jeunesse pour prendre en compte les nouvelles peines et le sursis probatoire devrait être assez important .

Au total, les impacts sont estimés à 18 mois pour Cassiopée et 2 ans pour APPI et le Casier judiciaire à compter de la stabilisation définitive du texte, ce délai permettant d'englober les travaux nécessaires sur les logiciels spécifiques de la direction de l'administration pénitentiaire et de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.

4.6. IMPACTS BUDGÉTAIRES

L'impact en matière de frais de justice se concentre sur la mesure relative au développement des enquêtes de personnalité (en réalité des enquêtes sociales rapides) et à l'amélioration de la procédure d'ajournement.

Le nombre d'enquêtes de personnalité réalisées annuellement par les associations est inférieur à 70 000. Trois quarts des mesures sont effectuées par des personnes morales (coût unitaire de 70 €), le quart restant étant réalisé par les personnes physiques (coût unitaire de 39 €), soit en moyenne 62 €.

S'agissant de l'extension du caractère obligatoire de l'enquête sociale rapide avant tout placement en détention provisoire à tous les prévenus (autrefois limité aux seuls majeurs âgés de 21 ans ou moins), l'impact en matière de frais de justice devrait être minime, compte tenu, d'une part, du maintien de la condition d'une peine encourue inférieure à 5 ans, d'autre part que cette enquête sociale rapide était déjà réalisée de manière facultative.

S'agissant de la possibilité de solliciter des investigations pré-sentencielles sur la personnalité, notamment pendant la détention provisoire, pour favoriser le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique et au placement sous contrôle judiciaire, le nombre d'enquêtes à réaliser par les associations dépendra du nombre d'enquêtes demandées par les juges et de la part qui sera réalisée directement par les SPIP. Dans une hypothèse maximaliste de 40 000 enquêtes supplémentaires, le coût en frais de justice ne dépasserait pas 2,5 M€.

4.7. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La prise en charge en milieu ouvert des personnes placées sous main de justice pourra également s'effectuer au sein de structures plus allégées dans le cadre d'un partenariat avec les collectivités territoriales, en adaptant des locaux dont elles disposent. Cette solution répond à un besoin de création de places plus rapide et à moindre coût.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le comité technique ministériel a été consulté le 5 avril 2018 et a émis un vote défavorable sur les articles sur les articles 47 à 52. Son avis est réputé donné en l'absence de majorité sur les articles 53 et 54.

Le comité technique des services judiciaires a été consulté le 4 avril et a émis un vote défavorable sur les articles 47 à 52 et son avis est réputé donné sur les articles 53 et 54 (abstention).

Le comité technique de l'administration pénitentiaire a été consulté le 28 mars et le comité technique des services pénitentiaires insertion et probation le 23 mars. Leur avis est réputé donné (défaut de majorité).

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

5.2.1 Date d'entrée en vigueur des dispositions

L'importance des modifications, au regard notamment de leurs impacts informatiques, ne permet pas leur entrée en vigueur immédiate, à l'exception de celles qui étendent les possibilités de recourir au travail d'intérêt général ou simplifient l'exécution des peines.

Il est donc prévu un report de leur entrée en vigueur d'un an, ce report étant cependant réduit à six mois pour les dispositions améliorant la procédure de libération sous contrainte.

5.2.2 Abrogation de textes

Bien que les dispositions sur la contrainte pénale soient devenues inutiles puisque le dispositif propre à cette peine est intégré dans le sursis probatoire, ces dispositions ne sont pas abrogées, car elles sont remplacées par celles sur la peine de détention à domicile sous surveillance électronique.

L'unification des peines de stages permet l'abrogation d'une trentaine de dispositions ou d'articles devenus inutiles.

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Les dispositions du projet de loi modifiant le code pénal, le code de procédure pénale et l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante tendant à simplifier la procédure pénale ou rendre les peines plus efficaces, doivent être applicables sur l'ensemble du territoire de la République, y compris dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie soumis au principe de spécialité législative.

Aucune adaptation n'est nécessaire, il n'y a donc pas lieu de procéder à la consultation de ces collectivités.

L'extension du projet de loi dans ces collectivités se fait par mentions expresses d'application, via la mise à jour des « compteurs LIFOU », par la modification à cette fin de l'article 804 du code de procédure pénale, de l'article 711-1 du code pénal et de l'article 44 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

5.4. TEXTES D'APPLICATION

Un décret en Conseil d'État déterminera les conditions d'habilitation et les obligations des personnes morales de droit privée relevant de l'économie sociale et solidaire.

Des décrets définiront les modalités de fonctionnement de la commission d'application des peines ainsi que les modalités d'octroi par le chef d'établissement pénitentiaire des permissions de sortir.

Article 51 : Favoriser la construction d'établissements pénitentiaires

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ETAT DES LIEUX

1.1.1 Chiffres et tendances de la surpopulation carcérale

Le parc pénitentiaire comptait, au 1er février 2018, 59 848 places opérationnelles, pour un total de 80 893 personnes écrouées, dont 69 596 détenues. Le taux de densité carcérale à cette date était de 116 % en moyenne, mais plus de 41 000 personnes étaient détenues dans une structure sur-occupée à plus de 120 %.

Les maisons d'arrêt concentrent le problème de la surpopulation carcérale : leur taux d'occupation s'élève à 139 %, alors qu'il est de 87 % dans les établissements pour peine. La situation particulièrement critique dans les maisons d'arrêt résulte à la fois de la croissance actuelle du nombre de prévenus (20 541 au 1er février 2018, soit 30 % des personnes détenues) et de l'application d'un numerus clausus de fait dans les établissements pour peines depuis la réforme de 1975.

Au 1 er janvier 2018 :

Type d'établissement

Capacité opérationnelle (*)

Nombre de personnes détenues

Densité (%) (*)

MA et qMA (hors places mineurs)

34 032

47 191

138,7

CD et qCD

20 033

17 817

88,9

MC et qMC

2 280

1 710

75,0

CPA et qCPA

611

397

65,0

CSL et qCSL (**)

1 312

881

67,1

EPM et qM

1 180

778

65,9

CNE et qCNE

317

200

63,1

Ensemble

59 765

68 974

115,4

1.1.2 Les programmes immobiliers précédents

Dans les dernières décennies, plusieurs programmes immobiliers ont déjà permis la création de nouvelles places, sans toutefois parvenir à résorber le problème de la sur-occupation.

Le programme 25 000 places initié en 1987 a été revu à la baisse en 1989 à 13 000 places. Entre 1990 et 1992, 12 788 places ont été mises en service mais se sont accompagnées de 1 775 fermetures, soit une création nette de 11 013 places.

Le « programme 4 000 » engagé en 1995 avait pour objectif de permettre l'ouverture de 4 390 places avant la fin des années 1990. Seuls six établissements et 3 736 places furent mises en services entre 2003 et 2005. En parallèle, six fermetures d'établissements ont porté le solde net de nouvelles places à 2 736.

Le « programme 13 200 », annoncé dans le cadre de la loi de programmation pour la justice de 2002, prévoyait la création de 30 nouvelles prisons à échéance 2008 pour un solde net de 10 715 places (2 485 fermetures de places associées). Ce programme a permis la création de 10 979 places mais a nécessité sept années supplémentaires.

Le « dispositif d'accroissement des capacités » engagé en 2004 prévoyait la création de 3 000 places au sein d'établissements pénitentiaires existants. Les dernières livraisons de ces DAC datent de 2016 et ont permis la création de seulement 1 807 places.

Le « nouveau programme immobilier » lancé en 2011 visait la construction de 7 577 places à échéance 2018, afin de porter le parc pénitentiaire à 70 000 places. Ce programme n'a au final concerné que quatre établissements entre 2014 et 2016 pour un total de 2 463 places.

Les programmes « 63 500 » et « 3 200 » annoncés en 2012 et 2014 sont toujours en cours.

Au total, depuis 1988, 28 000 places ont été créées.

1.1.3 L'obligation de réaliser une enquête publique

Les projets d'établissements pénitentiaires relèvent du champ de l'évaluation environnementale et de l'enquête publique, tel que défini dans le code de l'environnement par les articles L. 122-1 (évaluation environnementale), L.123-2 (enquête publique) et R122-2, et son tableau annexé qui liste les opérations concernées et notamment les travaux, constructions qui créent une surface de plancher supérieure ou égale à 40 000 m² ou dont le terrain d'assiette couvre une superficie supérieure ou égale à 10 hectares).

Le déroulé de la procédure d'enquête publique, exposé aux articles L 123-3 et suivants, prévoit les étapes suivantes :

- 15 jours avant l'ouverture de l'enquête, publication de l'avis d'enquête (voie dématérialisée, voie d'affichage et, selon l'importance du projet, voie de publication locale),

- ouverture de l'enquête (par le préfet, s'il s'agit d'une enquête préalable à la déclaration d'utilité publique.),

- l'enquête est conduite par un commissaire enquêteur ou une commission d'enquête ou un garant,

- la durée de l'enquête ne peut être inférieure à 30 jours,

- le commissaire enquêteur peut la prolonger pour 15 jours maximum,

- le dossier d'enquête est mis en ligne pendant toute la durée de l'enquête,

- le commissaire enquêteur rend son rapport dans un délai de 30 jours à compter de la fin de l'enquête (un délai supplémentaire peut lui être accordé ; s'il n'a pas remis son rapport dans le délai, il peut être dessaisi au profit d'un autre commissaire),

- possibilité de réunion publique dans le délai de 2 mois après la clôture de l'enquête.

La procédure de participation du public par voie électronique prévue par l'article L. 123-19 du code de l'environnement est aujourd'hui applicable aux projets qui font l'objet d'une évaluation environnementale et sont alors exemptés d'enquête publique (soit les projets de création de ZAC et les projets de faible importance).

La procédure prévoit les étapes suivantes :

- le dossier est mis à disposition du public par voie électronique,

- le public est informé par avis en ligne et affichage en mairie 15 jours avant l'ouverture de la participation électronique,

- les observations et propositions du public, déposées par voie électronique, doivent parvenir à l'autorité administrative concernée dans le délai de 30 jours à compter de la date de début de la participation électronique du public.

En substituant à l'enquête publique la procédure de consultation par voie électronique, le gain de temps de procédure pourrait être compris entre 45 jours et 120 jours.

1.1.4 La procédure d'expropriation d'extrême urgence

Les opérations de construction d'établissement prévues dans le programme
immobilier pénitentiaire ont vocation à être réalisées en proximité des villes voire en centre-ville. L'acquisition du foncier peut donc rendre des expropriations nécessaires.

La procédure d'expropriation, régie par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, comporte deux phases distinctes : l'une administrative, l'autre judiciaire. Ces deux temps de la procédure ne se suivent pas nécessairement, le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoyant qu'ils puissent être conduits en parallèle.

L'utilité publique, préalable nécessaire à la mise en oeuvre d'une procédure d'expropriation, est déclarée après enquête publique, soit par arrêté de l'autorité compétente de l'Etat, soit par décret en Conseil d'Etat. A la suite d'une enquête parcellaire, la liste des propriétaires concernés est dressée et les parcelles sont déclarées cessibles par arrêté de l'autorité compétente de l'Etat.

Le code de l'expropriation précise que le transfert de propriété des immeubles ou des droits réels immobiliers faisant l'objet d'une procédure d'expropriation se fait, à défaut de cession amiable, par voie d'ordonnance du juge de l'expropriation.

Selon la procédure de droit commun, l'envoi en possession n'intervient que si le transfert de propriété a été ordonné par le juge de l'expropriation et sous réserve que l'expropriant procède au versement des indemnités d'expropriation ou, dans certains cas, à leur consignation.

Lorsque la réalisation de travaux intéressant la défense nationale ou de travaux d'aménagements expressément listés dans le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, risque d'être retardée par des difficultés tenant à la prise de possession d'un ou de plusieurs terrains non bâtis, situés dans les emprises de l'ouvrage, ledit code prévoit la possibilité de recourir à la procédure dite « d'extrême urgence ».

Dans le cadre de cette dernière, l'envoi en possession est prononcé par décret rendu sur avis conforme du conseil d'Etat et n'est subordonné qu'au paiement (ou à la consignation) d'une indemnité provisionnelle, d'un montant égal à l'évaluation du service des domaines ou à l'offre de l'expropriant si elle est plus élevée. Le paiement ou la consignation doit avoir lieu dans un délai de 15 jours après le décret en conseil d'Etat autorisant la prise de possession.

Cette disposition ne peut être invoquée que « lorsque la procédure normale devant aboutir à la prise de possession des terrains est largement avancée et lorsque apparaissent des difficultés bien localisées susceptibles de retarder l'exécution ».

1.1.5 La procédure intégrée pour la mise en compatibilité des documents d'urbanisme

La procédure intégrée pour le logement et la procédure intégrée pour l'immobilier d'entreprise sont des possibilités nouvelles venues s'ajouter aux procédures existantes de mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme, visant à faciliter et à permettre la réalisation de projets d'intérêt général ou d'utilité publique : la déclaration de projet prise sur le fondement de l'article L.126-1 du code de l'environnement, la déclaration de projet prise sur le fondement du code de l'urbanisme (qui permet la mise en compatibilité simple et accélérée des documents d'urbanisme, notamment du plan local d'urbanisme), la déclaration d'utilité publique (qui peut permettre simultanément de déclarer d'utilité publique un projet et de mettre en compatibilité le plan local d'urbanisme en vigueur).

La procédure intégrée permet, dans le cadre d'une procédure unique et de délais resserrés, de mettre en compatibilité un ou plusieurs documents d'urbanisme et, le cas échéant, d'adapter des plans/programmes de rang supérieur (article L. 300-6-1 du code de l'urbanisme) pour faciliter, dans les unités urbaines, la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction présentant un caractère d'intérêt général.

Outre la mise en compatibilité de plans locaux d'urbanisme, la procédure intégrée permet l'adaptation, par l'État, de certains plans/programmes de rang supérieur et servitudes d'utilité publique comme par exemple d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, relatifs aux risques d'inondation à cinétique lente dans les zones urbaines d'un plan local d'urbanisme, hors champs d'expansion des crues.

1.1.6 La cession de terrains des collectivités territoriales

L'acquisition du foncier peut être un poste de dépense important dans une opération de construction d'établissement pénitentiaire. C'est particulièrement vrai pour les opérations du programme immobilier pénitentiaire constituées principalement de maisons d'arrêts et de structures à sécurité adaptée, implantés en zone urbaine, et particulièrement dans des zones où le foncier est coûteux (Ile-de-France, Région Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur,...). L'apport gratuit ou avec décote de terrain par une collectivité publique peut donc constituer un élément essentiel pour l'aboutissement d'une opération.

En principe, une collectivité publique ne peut pas céder un bien appartenant à son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur réelle, en vertu du principe d'égalité et de la protection due au droit de propriété privée comme publique.

La vente d'un terrain à un prix symbolique ou à une valeur largement inférieure à celle du marché était assimilée une aide indirecte au sens de l'article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales relatif aux aides indirectes qui peuvent être accordées par les collectivités territoriales et leurs groupements dans le cadre de la vente ou de la location de bâtiments.

Or les dispositions de l'article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales qui prévoyaient la possibilité pour les collectivités territoriales d'octroyer des aides indirectes ont été abrogées par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Désormais, les cessions à titre gratuit ou à un prix inférieur à la valeur du bien sont par principe illégales. Les collectivités territoriales peuvent uniquement consentir des rabais sur le prix de vente ou sur la location de biens immobiliers, en application des dispositions prévues aux articles R. 1511-4 et suivants du code général des collectivités territoriales (aides à l'investissement immobilier et à la location d'immeubles accordées aux entreprises).

L'article L. 1511-3 de ce code prévoit la possibilité pour certaines collectivités territoriales de définir et de décider de l'octroi d'aides sur leur territoire en matière d'investissement immobilier des entreprises et de location de terrains ou d'immeubles.

Ces aides peuvent prendre la forme de subventions ou de rabais sur le prix de vente de terrains, à des conditions plus favorables que celles du marché.

La possibilité d'octroyer ces aides est néanmoins expressément prévue pour le seul objet de la création ou de l'extension d'activités économiques.

1.1.7 Le moratoire portant sur l'encellulement individuel

Le principe de l'encellulement individuel, inscrit dans la loi dès 1875, n'a jamais pu être mis en oeuvre dans les faits en raison d'une progression de la population carcérale supérieure au rythme de construction de nouveaux établissements. Il fait aujourd'hui l'objet d'un moratoire dans l'attente de la mise en oeuvre du programme immobilier pénitentiaire.

La loi pénitentiaire n°2009-1436 du 24 novembre 2009 dispose que, jusqu'au 31 décembre 2019, il peut être dérogé au placement en cellule individuelle dans les maisons d'arrêt au motif que la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas son application.

Le taux moyen d'encellulement individuel en 2017 s'élève à 38,7 % mais il n'est que de 18 ,9 % en maisons d'arrêt et quartiers de maison d'arrêt. Au regard des ouvertures d'établissements prévues en 2018-2019 (environ 1 500 places réparties essentiellement sur Paris-la-Santé et Aix2), l'objectif de placement en cellule individuelle dans les maisons d'arrêt ne pourra être atteint au 31 décembre 2019. Un moratoire de trois années supplémentaires est nécessaire afin de permettre la mise en service de nouveaux établissements.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

En termes d'évaluation environnementale, l'article 7 de la charte de l'environnement annexée à la constitution dispose que « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ».

S'agissant de la constitutionnalité de la procédure d'extrême urgence telle que prévue par le code de l'expropriation, le Conseil constitutionnel estime que le versement par la collectivité expropriante d'une provision au lieu de l'indemnité due n'est pas incompatible avec le respect des exigences posées par l'article 17 de la Déclaration de 1789 « si un tel mécanisme répond à des motifs impérieux d'intérêt général et est assorti de la garantie des droits des propriétaires intéressé s 172 ( * ) »

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

Une cession de terrains à titre gratuit est qualifiée d'aide publique au sens de la jurisprudence européenne 173 ( * ) Toutefois, l'article 107 du TFUE sur les aides d'Etat ne s'applique pas lorsque des entités publiques agissent « dans leur qualité d'autorités publiques », c'est-à-dire lorsque l'activité en question relève des fonctions essentielles de l'État ou qu'elle se rattache à ces fonctions de par sa nature, son objet et les règles auxquelles elle est soumise 174 ( * ) .

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

Le Président de la République a pris l'engagement de réaliser un programme immobilier pénitentiaire permettant de livrer 7 000 places de prison supplémentaires d'ici la fin du quinquennat et jusqu'à 15 000 places au total d'ici 2027, afin d'atteindre l'objectif de l'encellulement individuel dans les maisons d'arrêt où la très importante surpopulation carcérale dégrade fortement la prise en charge des détenus et les conditions de travail des personnels pénitentiaires.

La résorption de la sur-occupation des détentions est urgente afin de restaurer l'attractivité du métier de surveillant pénitentiaire, de rendre effectif l'objectif de réinsertion sociale de l'emprisonnement en permettant la mise en oeuvre d'activités, et d'améliorer la prise en charge sanitaire et psychologique des personnes détenues. Elle doit aussi permettre de garantir la dignité des conditions de détention, d'en assurer la sécurité et de lutter contre la radicalisation violente.

Le programme immobilier pénitentiaire prévoit ainsi la construction de nouvelles maisons d'arrêt, mais également la création de structures à sécurité adaptée. Ces structures permettront l'exécution de très courtes peines traditionnellement effectuées en maison d'arrêt, au sein d'un environnement plus favorable à l'aménagement des peines et à l'engagement des démarches vers la réinsertion.

Le calibrage du programme immobilier pénitentiaire intègre en outre l'impact de la réforme pénale projetée, notamment la réduction du recours à la détention provisoire et la limitation des peines d'emprisonnement de courte durée.

Les projections de population pénale à dix ans ont permis d'objectiver les nouvelles implantations de maisons d'arrêt. La programmation proposée prévoit d'optimiser le nombre de places livrées au cours des cinq prochaines années pour réduire sans attendre la surpopulation carcérale.

La difficulté à se rendre maître du foncier reste toutefois le principal obstacle à l'engagement rapide des opérations immobilières projetées, en particulier dans les grandes agglomérations où se concentrent les besoins pénitentiaires.

Afin de respecter le calendrier de livraison de 7 000 places de prison d'ici 2022, il convient d'accélérer les procédures liées aux opérations de construction et de faciliter les acquisitions foncières.

Par ailleurs, au regard des opérations immobilières lancées sous le précédent quinquennat et du délai de construction d'un établissement pénitentiaire estimé à 6 ans en l'absence de dispositions législatives d'accélération, l'objectif d'encellulement individuel ne peut être atteint d'ici au 31 décembre 2019. Il est donc nécessaire de repousser la fin du moratoire de l'encellulement individuel.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. OPTION ÉCARTÉE

Les dérogations demandées auraient pu être envisagées de manière pérenne pour les opérations de construction pénitentiaire et se traduire par des modifications des dispositions des codes concernés. Compte tenu de leur sensibilité, les opérations pénitentiaires sont en effet souvent soumises à des aléas de procédure qui en allongent la durée. Toutefois, le programme immobilier pénitentiaire ayant vocation à permettre d'atteindre l'encellulement individuel des détenus, les constructions d'établissements pénitentiaires réalisées au-delà ne devraient pas présenter la même urgence dans leur réalisation. Il est donc paru possible de revenir ensuite aux règles de droit commun.

3.2. DISPOSITIF RETENU

3.2.1 Alléger l'évaluation environnementale en dérogeant à l'obligation de réaliser une enquête publique

Alléger la procédure de consultation du public en autorisant une consultation par voie électronique en substitution d'une commission d'enquête éviterait le risque de glissement calendaire que peut induire l'organisation d'une commission d'enquête.

Or la possibilité de recourir à la consultation du public par voie électronique, prévue par l'article L. 123-19 du code de l'environnement, n'est aujourd'hui ouverte qu'aux projets qui font l'objet d'une évaluation environnementale et qui sont exemptés d'enquête publique.

3.2.2 Recourir à la procédure d'expropriation d'extrême urgence

Pour les besoins de son programme immobilier, l'administration pénitentiaire a identifié, sur proposition des préfets et en lien avec l'agence pour l'immobilier de la justice, des terrains potentiels d'implantation de ses projets, mais n'en a pas toujours la maîtrise foncière et ne pourra pas dans tous les cas les acquérir à l'amiable. Afin de se prémunir de risques de dérapage des calendriers de ces opérations, il est envisagé de recourir à la procédure d'expropriation d'extrême urgence lorsque les besoins le justifient.

La procédure d'expropriation d'extrême urgence est définie aux articles L 522-1 à L 522-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. A ce jour, la procédure d'expropriation d'extrême urgence n'est mobilisable que pour certains travaux de construction d'autoroutes, de routes express, de routes nationales ou de sections nouvelles de routes nationales, de voies de chemins de fer, de voies de tramways ou de transport en commun en site propre et d'oléoducs. Son utilisation a été admise dans le cadre de précédentes lois de programmation (Intérieur, Justice, Défense) ou dans certaines circonstances (organisation des jeux olympiques). Son extension aux constructions d'établissement pénitentiaire nécessite de rendre ces dernières éligibles aux dispositions législatives mentionnées ci-dessus.

3.2.3 Recourir à la procédure intégrée pour la mise en compatibilité les documents d'urbanisme

Parmi les sites à l'étude pour le programme immobilier pénitentiaire, certains terrains, pour être rendus constructibles, nécessiteront d'adapter les prescriptions des documents d'urbanisme (plans locaux d'urbanisme, schémas directeurs). Afin de pouvoir mener de front plusieurs modifications de documents de planification si nécessaire, et de permettre des adaptations qui pourraient nécessiter de lourdes procédures de révision, le recours à la procédure instaurée pour certains projets de création de logements ou de locaux d'activités économiques serait particulièrement approprié.

La procédure intégrée pour la mise en compatibilité des documents d'urbanisme est définie à l'article L 300-6-1 du code de l'urbanisme. En l'état actuel du droit, le bénéfice de cette procédure ne peut être mobilisé pour les besoins du programme immobilier pénitentiaire. Pour le faire, il est nécessaire de rendre applicables à ces opérations les dispositions de l'article L. 300-6-1 du code de l'urbanisme.

3.2.4 Autoriser la cession gratuite ou avec décote de terrains des collectivités territoriales

Pour faciliter la mise en oeuvre du programme immobilier pénitentiaire, notamment dans le respect des enveloppes budgétaires, il est proposé de permettre aux collectivités territoriales, si elles le souhaitent, de mettre gratuitement à disposition de l'État leurs terrains ou avec décote.

Or la seule possibilité pour les collectivités territoriales de consentir des cessions gratuites de terrain est encadrée par l'article L1511-3 du code général des collectivités territoriales, qui les conditionne à un but de création ou d'extension d'activités économiques. Il est nécessaire de prévoir une disposition législative spécifique afin de les autoriser pour les besoins du programme immobilier pénitentiaire.

3.2.5 Report de la fin du moratoire de l'encellulement individuel

Comme il l'a été expliqué plus haut, il est nécessaire de modifier l'article 100 de la loi pénitentiaire n°2009-1436 du 24 novembre 2009 pour reporter la fin du moratoire de l'encellulement individuel.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

Les dispositions prévues sont applicables aux opérations d'extension ou de construction d'établissements pénitentiaires entrées en phase d'étude avant le 31 décembre 2026. Du fait de cette limitation dans le temps, il a été fait le choix de ne pas les codifier.

4.1.1 Alléger l'évaluation environnementale en dérogeant à l'obligation de réaliser une enquête publique

Ces dispositions allégées de consultation du public ont été adoptées pour répondre à des contraintes semblables de respect d'un calendrier de livraison, telles que l'organisation des jeux olympiques et paralympiques de 2024.

4.1.2 Recourir à la procédure d'expropriation d'extrême urgence

Le droit de recourir à la procédure d'extrême urgence a déjà été étendu, à titre temporaire, dans le cadre de précédentes lois de programmation (Intérieur, Justice, Défense) ou à certaines opérations spécifiques : pour l'organisation des jeux olympiques d'hiver à Albertville (loi n° 87-1132 du 31 décembre 1987) ; pour la réalisation du stade de France à Saint-Denis (loi n° 93-1435 du 31 décembre 1993) ; pour la réalisation d'un itinéraire à grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse pour l'acheminement des pièces du fuselage de l'airbus A 380 (loi n° 2001-454 du 29 mai 2001) ; pour le projet de débranchement du tramway Aulnay-Bondy vers Clichy-Montfermeil (loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement dit « Grenelle II ») ou pour le réseau de transport du Grand Paris (loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris).

Le recours à la procédure d'extrême urgence ne sera utilisé que dans les cas où elle est indispensable pour réduire le délai de livraison de l'opération. Il est prévu en outre d'étendre la procédure de manière encore plus exceptionnelle à des terrains bâtis, le plus souvent occupés par des bâtiments désaffectés.

4.1.3 Recourir à la procédure intégrée pour la mise en compatibilité les documents d'urbanisme

La disposition proposée permet de s'appuyer sur une procédure déjà éprouvée de mise en compatibilité des documents d'urbanisme pour des opérations de construction de logements ou de créations d'espaces d'activités économiques. L'extension de la procédure intégrée a également été adoptée pour les besoins de l'organisation des jeux olympiques et paralympiques à Paris en 2024.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES PÉNITENTIAIRES

L'extension du parc immobilier pénitentiaire permettra de réduire la surpopulation carcérale, d'améliorer les conditions de travail des personnels et les modalités de prise en charge des détenus, notamment grâce à un accompagnement individualisé accru dans une perspective de réinsertion et/ou de lutte contre la radicalisation.

En réduisant les risques de glissement des délais inhérents aux procédures de droit commun, les mesures proposées permettront de garantir la mise en oeuvre du programme immobilier pénitentiaire dans le calendrier prévu par la loi de programmation, assurant le respect des engagements publics et du rythme de consommation des crédits alloués à ces opérations.

Les dispositions proposées permettent de réduire d'environ 9 mois le délai de construction d'une maison d'arrêt, ramenant la durée de l'opération à 5 ans. Le délai de construction d'une structure à sécurité adaptée serait pour sa part réduit de 6 mois, rendant possible une livraison en 4 ans. Ces dispositions sont donc essentielles pour l'atteinte de l'objectif de livraison de 7 000 places de prison d'ici 2022.

4.3. IMPACTS SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La mesure envisagée donne la possibilité aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics ou à leurs groupements, de céder gratuitement ou avec décote des terrains à l'Etat. Il ne s'agit pas d'une obligation, les collectivités restant libres de cette décision. Les collectivités territoriales concernées peuvent y avoir intérêt compte-tenu des apports de l'implantation d'un établissement pénitentiaire en termes socio-économiques. A titre d'exemple, un centre pénitentiaire de 500 places génère l' emploi d'environ 300 agents, une structure à sécurité adaptée de 90 places nécessitant une soixantaine d'agents.

4.4. IMPACTS ÉCONOMIQUES

Le coût du programme immobilier de construction de places de prison sur le quinquennat est d'environ 1,5 milliards d'euros et aura donc un impact significatif sur le secteur de la construction. S'agissant plus particulièrement de l'impact des dispositions d'accélération de la construction des établissements prévues dans le projet de loi, les entreprises du secteur du BTP participant à ces opérations bénéficieront d'une meilleure visibilité en termes de calendrier.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

En application de l'article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, le Conseil national d'évaluation des normes a été consulté le 5 avril 2018 sur le projet de loi de programmation, notamment la disposition autorisant les collectivités locales à céder gratuitement ou avec décote des terrains en vue de la construction d'établissements pénitentiaires et a rendu un avis favorable.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Les dispositions sont d'application immédiate, mais celles des I à IV du projet d'article étant dérogatoires au droit commun, elles ne s'appliquent qu'aux opérations d'extension ou de construction d'établissements pénitentiaires entrées en phase d'études avant le 31 décembre 2026.

Les dispositions s'appliquent aux opérations prévues en métropole et en outre-mer, à l'exception des dispositions relatives à l'expropriation qui ne s'appliquent pas à Wallis-et-Futuna.

5.3. TEXTES D'APPLICATION

Les décrets en Conseil d'Etat nécessaires à la mise en oeuvre des dispositions envisagées devront avoir été publiés avant le 31décembre 2026.

Article 52 : Accueil temporaire dans le cadre d'un placement en centre éducatif fermé et expérimentation d'une mesure éducative d'accueil de jour

1. ETAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

L'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante prévoit que les mineurs auxquels est imputée un crime ou un délit sont justiciables des tribunaux pour enfants ou des cours d'assises des mineurs qui prononcent des mesures de protection, de surveillance et d'éducation. Une sanction éducative peut néanmoins être prononcée contre les mineurs à partir de l'âge de 10 ans et une peine (amende, emprisonnement) à partir de l'âge de 13 ans, avec application d'une atténuation de leur responsabilité en raison de leur âge. L'incarcération des mineurs s'effectue au sein de quartiers spécialisés mineurs ou d'établissements pénitentiaires pour mineurs, structures créées en 2002 offrant davantage d'activités éducatives. Un principe strict d'encellulement individuel s'applique et une présence éducative est organisée en soutien et en préparation à la sortie.

Les mesures éducatives peuvent consister en un accompagnement éducatif en milieu ouvert (liberté surveillée, mesure de réparation, protection judiciaire) par des services territoriaux de milieu ouvert, ou en un placement éducatif en établissement du secteur public ou du secteur associatif habilité. La majorité de ces établissements proposent des modalités d'accueil protectrices mais ouvertes sur l'extérieur. Les centres éducatifs fermés, créés par la loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la Justice, constituent une alternative à l'incarcération. Ils permettent d'apporter une réponse contenante 175 ( * ) pour les mineurs de 13 à 18 ans les plus ancrés dans la délinquance (multirécidivistes) ou qui commettent les actes les plus graves, crimes ou délits. Les mineurs y sont placés en application d'un contrôle judiciaire, d'un sursis avec mise à l'épreuve, d'un placement à l'extérieur ou à la suite d'une libération conditionnelle. Ils font l'objet de mesures de surveillance et de contrôle permettant d'assurer un suivi pédagogique et éducatif renforcé et adapté à leur personnalité . La durée moyenne du séjour en centre éducatif fermé du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse est, pour le 1 er semestre 2017, de 3 mois et demi.

Les centres éducatifs fermés sont au nombre de 52 aujourd'hui, dont 35 sont gérés par le secteur associatif habilité et 17 par le secteur public. Ces établissements prennent en charge une population de 1 500 jeunes sur une année, à rapporter aux 140 000 jeunes accueillis sur l'ensemble des dispositifs de la protection judiciaire de la jeunesse (soit 1% du total des mineurs pris en charge). Conçus pour accueillir chacun 12 mineurs, leur taux d'occupation est d'environ 75% pour l'ensemble des centres éducatifs fermés. En effet, le nombre de mineurs effectivement accueillis à un instant donné est d'environ 8 à 10, compte tenu des fugues, des temps de crise nécessitant de suspendre temporairement les nouveaux accueils et des pratiques judiciaires de conserver la place inoccupée dans l'attente de la libération lorsqu'un jeune confié est incarcéré pour une courte durée.

La violation des obligations auxquelles le mineur est astreint en vertu des mesures qui ont entraîné son placement dans le centre peut entraîner son emprisonnement dans l'un des six établissements pénitentiaires pour mineurs ou des 43 quartiers mineurs des maisons d'arrêt. C'est sur cette sanction de l'irrespect des obligations auxquelles le mineur est astreint que repose pour l'essentiel le caractère fermé de ces centres, outre la matérialisation architecturale le rendant visible.

Les centres éducatifs fermés répondent à une forte demande sociale de contrôle et de sécurité. Leur pertinence en matière d'isolement du milieu d'origine, d'encadrement et de contenance 176 ( * ) et, en conséquence, de prévention de la récidive, a été illustrée par plusieurs publications 177 ( * ) dont il résulte que la plus longue durée du placement durée favorise les sorties de délinquance 178 ( * ) . Ce sont des établissements bien identifiés par les juridictions qui expriment régulièrement 179 ( * ) le besoin de places supplémentaires dans ces centres.

L'existence d'établissements gérés par les deux secteurs différents favorise la complémentarité des interventions éducatives et la diversité des projets. Elle permet de bénéficier de la souplesse d'organisation du secteur privé tout en conservant au sein de l'administration une réelle compétence pour l'accueil de ces jeunes difficiles.

Pour garantir aux magistrats, sur l'ensemble du territoire national, la permanence d'une réponse éducative opérationnelle et adaptée, le gouvernement entend créer 20 centres éducatifs fermés supplémentaires dans les cinq années à venir, dont 15 dans le secteur associatif habilité et 5 dans le secteur public.

En effet, certaines zones urbaines, qui connaissent des problèmes de délinquance, n'offrent pas à proximité raisonnable ce type de réponse. C'est le cas par exemple de l'agglomération toulousaine ou de la région Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur, territoires sous-dotés en matière d'alternative à l'incarcération. La création d'une vingtaine de centres éducatifs fermés permettrait de densifier avantageusement le maillage territorial actuel. Il éviterait notamment des déplacements importants de jeunes entre les directions inter-régionales de la protection judiciaire de la jeunesse 180 ( * ) . Chaque territoire disposerait alors d'une offre de placement équilibrée et diversifiée de nature à répondre aux situations des mineurs et aux demandes des magistrats.

Les autorités indépendantes de contrôle ont toutefois mis en évidence des faiblesses. Elles tiennent notamment à deux constats. D'une part, les situations de crise y sont plus fréquentes que dans d'autres structures en raison de l'interdiction de sortir, de la grande vulnérabilité du public accueilli qui cumule les problématiques de l'adolescence et de la délinquance, et de l'enjeu d'incarcération qui pèse sur le placement. D'autre part, l'accompagnement éducatif de la fin du placement est complexe. En effet, l'élaboration d'un projet éducatif de fin de placement comportant de bonnes perspectives d'insertion et de reconstruction des relations familiales se heurte à des difficultés en raison de l'éloignement de certains de ces établissements des centres urbains, de l'éloignement du lieu de résidence familiale 181 ( * ) ou du service éducatif de milieu ouvert connaissant le jeune antérieurement et garant de la continuité de la prise en charge. Elles ont préconisé des axes d'amélioration, notamment en ce qui concerne l'orientation à la sortie des centres éducatifs fermés et l'ouverture sur l'extérieur de ces structures.

Ainsi, l'inspection générale des services judiciaires et l'inspection générale des affaires sociales, dans leur rapport de juillet 2015 182 ( * ) , préconisent d'organiser un accompagnement renforcé pour les mineurs sortant de centre éducatif fermé, afin de les soutenir dans leur réadaptation vers un cadre de vie non fermé (recommandation n°16). De même, la Cour des comptes, dans son rapport d'information n°217 publié le 14 janvier 2015 183 ( * ) , invite la direction de la protection judiciaire de la jeunesse à engager une réflexion sur le dispositif spécifique mis en place à partir du centre éducatif fermé, sur la sortie et le suivi post-centre éducatif fermé du mineur (recommandation n°4).

La fin de placement en centre éducatif fermé constitue en effet un moment délicat. Le cadre très contenant et contraignant du centre éducatif fermé prend fin à l'issue du placement, laissant soudainement place au cadre plus souple de la famille ou d'un établissement moins doté en personnel 184 ( * ) et proposant un cadre d'activités moins soutenu et structuré. Les progrès réalisés par le mineur peuvent alors être compromis, comme l'a relevé notamment le rapport sénatorial de M. Jean-Pierre Michel 185 ( * ) .

En effet, la mise en place de visite ou d'hébergement au domicile familial correspond à un réel besoin, notamment pour maintenir et travailler les liens familiaux, pour affiner les évaluations concernant le fonctionnement familial et limiter les ruptures de parcours, et ce quelle que soit la structure d'hébergement au pénal. Il peut aussi contribuer à mieux préparer la fin de placement, avec des droits de visite et d'hébergement des parents de plus en plus larges jusqu'au retour complet du jeune avec un accompagnement éducatif soutenu et une possibilité temporaire de rejoindre l'établissement à tout moment en cas de difficulté.

Les dispositifs éducatifs existants relèvent soit de l'accompagnement du mineur en milieu ouvert, soit du placement. Il manque en l'état une mesure intermédiaire qui :

• permette une prise en charge plus soutenue et contenante qu'un suivi en milieu ouvert, sans aller jusqu'à retirer un mineur de sa famille et de son environnement habituel lorsque cela n'est pas indiqué, ou dans l'attente d'un placement adapté lorsqu'aucune place n'est immédiatement disponible ;

• permette d'accompagner les fins de placement qui sont souvent des moments de fragilité lorsque le mineur passe d'un accueil institutionnel contenant à temps plein à un retour en famille ;

• Offre au mineur une possibilité de construire un projet d'avenir à partir d'une activité et d'une transmission de savoir-faire et de savoir-être, plutôt qu'à partir d'une rupture avec le milieu familial ou de simples entretiens avec des éducateurs ;

• Apporte une réponse spécifiquement conçue pour les adolescents, en ce compris les questionnements de santé et d'insertion, particulièrement prégnantes à cet âge.

Il existe certes déjà une mesure « d'activité de jour », créée par la loi n° 2007-297 du 2 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, et définie à l'article 16 ter de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. Toutefois, son champ d'application est restreint à l'insertion scolaire et professionnelle, il ne permet pas la prise en compte des besoins d'accompagnement spécifique d'adolescents en grande difficulté (santé physique et mentale, connaissance de soi, relations familiales...). En outre, sa mise en oeuvre est complexe et nécessite l'intervention articulée de deux services, le premier auquel est confiée la mesure et le second qui en assure la mise en oeuvre, à l'image de ce qui existe pour le travail d'intérêt général 186 ( * ) . Par conséquent, la mesure d'activité de jour est peu prescrite par les juridictions (881 mesures d'activité de jour sur 121 828 mesures pénales entrées en 2017 187 ( * ) ). Elle ne peut enfin être ordonnée pour un jeune déjà placé en centre éducatif fermé.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

2.1. OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1.1 Améliorer la préparation de la sortie de placement grâce à des mesures nouvelles (accueil temporaire dans le cadre d'un placement en centre éducatif fermé et instauration de droits de visite et d'hébergement)

L'objectif poursuivi est d'instituer de nouveaux dispositifs afin de préparer au mieux la sortie de placement et notamment le retour en famille pour en atténuer les effets déstabilisants. Ces dispositifs auront pour objectif une prévention plus efficace de la récidive, en favorisant la réinsertion des mineurs et en garantissant un accompagnement renforcé et continu.

L'enjeu réside dans la consolidation des effets du placement en centre éducatif fermé en agissant sur :

- la durée moyenne de placement en centre éducatif fermé, actuellement environ 3,5 mois au niveau national pour une prescription judiciaire de 6 mois ; un allongement de cette durée devrait permettre d'améliorer les perspectives de réinsertion de ces jeunes en ancrant davantage les progrès réalisés ;

- la prévention des incidents en centre éducatif fermé. Il s'agit de permettre, par des temps de placement séquentiel, soit d'anticiper une crise, soit de permettre à un jeune de se poser hors du collectif ou de répondre à un incident. Ainsi il existe une alternative à la révocation du contrôle judiciaire ou de la mise à l'épreuve, et donc à la fin du placement, ce qui permet la poursuite du placement en centre éducatif fermé sur la durée initialement prévue ;

- La limitation des révocations liées au non-respect des obligations de placement en centre éducatif fermé : il existe un lien entre le temps de placement et le taux de réitération à la sortie du centre éducatif fermé. Ainsi plus le placement est long, moins le risque de réitération est important 188 ( * ) ;

Comparaison des taux de réitération avant l'entrée en CEF à celui calculé à la sortie du CEF par groupe de durée passée en CEF 189 ( * ) :

- La stabilisation de la dynamique du groupe : la possibilité d'accueil temporaire en prévention de la crise participe à l'apaisement du collectif et à la prévention des risques psycho-sociaux ;

- L'amélioration de la sortie des centres éducatifs fermés pour les mineurs placés : la modalité de prise en charge en dehors du centre éducatif fermé en fin de placement permet de s'assurer de l'efficacité du projet de sortie et de l'ajuster si nécessaire. Elle est une opportunité supplémentaire pour :

- lutter contre la réitération en permettant une transition après plusieurs mois marqués par un quotidien très contenant en centre éducatif fermé ;

- maintenir une action éducative quotidienne pour le mineur qui dispose d'interlocuteurs en mesure de l'accompagner pour accéder progressivement à l'autonomie, lui rappeler ses objectifs et les enjeux pour lui à moyen et long terme ;

- permettre au mineur de se responsabiliser dans un cadre sécurisé (c'est-à-dire en bénéficiant toujours d'un accompagnement éducatif quotidien) et propice à l'autonomisation (pour rappel dans le cadre de la prévention de la crise, il s'agit aussi de prendre en compte la problématique d'un mineur et d'identifier le dispositif qui sera le plus en mesure d'y répondre pour limiter les ruptures).

In fine , il s'agit de consolider les effets positifs de l'évolution du mineur pour prévenir durablement la réitération du comportement délinquant.

2.1.2 Enrichir la palette des dispositifs éducatifs existants via l'expérimentation d'une mesure éducative d'accueil de jour

Les dispositifs éducatifs existants relèvent actuellement soit de l'accompagnement du mineur en milieu ouvert, soit du placement du mineur. Il est nécessaire de créer une mesure intermédiaire qui :

- permette une prise en charge plus soutenue et contenante qu'un suivi en milieu ouvert, sans aller jusqu'au placement du mineur lorsque celui-ci n'est pas indiqué ou dans l'attente d'un placement adapté ;

- permette d'accompagner les fins de placement, mais aussi les sorties de détention, qui sont souvent des moments de fragilité lorsque le mineur passe d'un accueil institutionnel contenant à temps plein à un retour en famille.

La création d'une mesure éducative d'accueil de jour, troisième voie entre le placement et le milieu ouvert, permettra ainsi d'assurer une transition entre le cadre strict du centre éducatif fermé et un éventuel retour sur des dispositifs de droit commun. Cette mesure permettra à des mineurs sortant de ces centres ou nécessitant un suivi éducatif renforcé de bénéficier d'un accompagnement intensif, pluridisciplinaire, garantissant une prise en charge continue en journée à partir d'un emploi du temps individuel, adapté à leurs besoins spécifiques. En raison de son caractère innovant, cette mesure sera instituée à titre expérimental.

2.2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

Le régime particulier du centre éducatif fermé, et notamment son incidence sur la possibilité de révoquer les contrôles judiciaires prononcés à l'encontre des mineurs de moins de 16 ans, exclut l'utilisation d'accueils alternatifs dans différents lieux de placement. De même, il n'est pas possible d'ordonner plusieurs placements simultanément dans des lieux différents, au risque de ne pouvoir déterminer quel établissement est responsable du mineur.

Actuellement, les juges des enfants prennent des ordonnances de placement successives, ce qui constitue un système lourd et induit un changement du régime juridique des mesures de sûreté auxquelles sont astreints les mineurs concernés.

Aussi apparaît-il nécessaire de modifier l'article 33 de l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante afin de prévoir un dispositif d'accueil temporaire hors du centre éducatif fermé tout en maintenant le régime particulier lié à ce placement en centre éducatif fermé.

De plus, l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 susmentionnée ne prévoit pas l'octroi de droits de visite et d'hébergement dans le cadre d'un placement pénal alors que cette possibilité est prévue par l'article 375-7 du code civil pour les placements en assistance éducative. Même si le recours aux droits de visite et d'hébergement dans le cadre d'un placement pénal est en pratique déjà largement utilisé par les magistrats, sa codification dans l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante permet de donner une base légale claire aux décisions des juges pour enfants, d'harmoniser les pratiques et de sécuriser le placement avec présence à domicile.

La création d'une nouvelle mesure éducative, qui pourra être prononcée à titre de mesure pré-sentencielle ou de sanction par une juridiction, impose de recourir à une norme de valeur législative. Le cadre choisi de l'expérimentation exige ce même niveau de valeur normative mais exclut à ce stade la codification au sein de l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

3. DISPOSITIF RETENU

3.1. L'ACCUEIL TEMPORAIRE DANS LE CADRE DU PLACEMENT EN CENTRE ÉDUCATIF FERMÉ

L'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante permettra d'ordonner, depuis le centre éducatif fermé, un accueil temporaire dans d'autres lieux (établissement éducatif plus ouvert, comme une unité éducative d'hébergement collectif de la protection judiciaire de la jeunesse ou un foyer du secteur associatif habilité, famille d'accueil, foyer de jeunes travailleurs, hébergement autonome en appartement). Il reviendra au magistrat, saisi par le mineur, sa famille ou le service de la protection judiciaire de la jeunesse, d'apprécier l'opportunité d'autoriser cet accueil, de mesurer les garanties offertes et d'en fixer le cadre général (période et lieu). Il reviendra en revanche au centre éducatif fermé de déterminer l'emploi du temps précis du mineur et de garantir une continuité du suivi dont il demeure responsable. En effet, pendant cette période, le centre éducatif fermé reste le gardien du mineur. En outre, si ce dernier ne respecte pas les obligations qui lui ont été judiciairement fixées, y compris durant les temps d'accueil à l'extérieur du centre éducatif fermé, il encourt la révocation de la mesure de sureté ou de la peine, ou bien le retrait de l'aménagement dans le cadre duquel il est placé en centre éducatif fermé. La nature juridique des centres éducatifs fermés n'est donc pas modifiée.

3.2. L'INTRODUCTION DE DROIT DE VISITE ET D'HÉBERGEMENT AU PÉNAL :

Le principe des droits de visite et d'hébergement contribue à l'action éducative et à la reconnaissance d'un droit du mineur et de ses parents au maintien d'une vie privée et familiale. Le magistrat pourra ainsi, grâce à l'octroi de droits de visite et d'hébergement progressifs aux parents, préparer le retour du mineur dans sa famille au terme du placement, notamment en centre éducatif fermé. Cette possibilité sera en outre ouverte pour tous les autres placements, en établissement du secteur public ou du secteur associatif, auprès d'un tiers digne de confiance ou en centre éducatif renforcé. Il permettra de donner une base légale au dispositif innovant de placement avec large présence à domicile.

3.3. CRÉATION DE LA MESURE ÉDUCATIVE D'ACCUEIL DE JOUR À TITRE EXPÉRIMENTAL

La procédure de mise en oeuvre prévue pour la mesure éducative d'accueil de jour est nettement plus aisée que celle applicable à la mesure d'activité de jour ; son contenu est élargi pour répondre aux besoins des mineurs. Cela répond également aux besoins exprimés par les magistrats d'élargir les possibilités de décisions dans l'objectif d'individualiser au mieux la réponse pénale faite aux mineurs délinquants.

La mesure éducative d'accueil de jour vise ainsi à assurer, dans un cadre collectif, la prise en charge pluridisciplinaire, intensive et contenante d'un mineur à partir d'un emploi du temps individuel, structuré, adapté aux besoins spécifiques de ce mineur. Elle permet ainsi notamment de répondre aux difficultés spécifiques des mineurs les plus éloignés d'un rythme de vie adapté à leur insertion sociale et de proposer des solutions pour résoudre l'inactivité ou l'absence de projet de certains d'entre eux.

Cette nouvelle mesure entend remobiliser le mineur à partir d'un projet éducatif global intégrant des objectifs d'insertion sociale, scolaire et professionnelle, et vise à le rapprocher des dispositifs du droit commun, gage essentiel au processus de sortie de la délinquance

La mesure éducative d'accueil de jour élargit le panel des réponses pénales à disposition des magistrats. Hormis en phase d'alternative aux poursuites, elle peut être prononcée à tous les stades de la procédure : en phase pré-sententielle comme mesure éducative mais également comme obligation du contrôle judiciaire, au moment du jugement - qu'il soit prononcé en chambre du conseil ou devant le tribunal pour enfants et ce, quel que soit l'âge du mineur - ainsi que dans le cadre d'un ajournement ou bien encore comme obligation d'une peine de sursis avec mise à l'épreuve.

Prononcée pour une durée de six mois, elle pourra être renouvelée jusqu'à deux fois. Elle ne pourra être prononcée qu'à l'égard des mineurs, mais pourra se poursuivre au-delà de la majorité lorsque celle-ci interviendra en cours de mesure, avec l'accord de l'intéressé.

En raison de son caractère innovant, la mesure éducative d'accueil de jour est instituée à titre expérimental afin de laisser le temps aux services d'en construire les modalités en fonction des ressources du territoire.

La mise en oeuvre de l'expérimentation fera l'objet d'un suivi impliquant :

- l'analyse d'indicateurs d'activité : taux de prescription en mesure avant jugement / en condamnation, profil des mineurs concernés (âge, situation des parents, situation scolaire, situation au regard de la délinquance, antécédents de mesures éducatives), contexte de la décision (pluralité de mesures ou non), type de service chargé de sa mise en oeuvre...,

- la détermination de besoins de financement et en personnel,

- l'évaluation des effets sur le devenir des jeunes et des visites sur place.

Un comité de suivi sera mis en place.

Six mois au plus tard avant le terme de l'expérimentation, un rapport d'évaluation sera transmis au parlement. Si l'évaluation de l'expérimentation est favorable, la mesure éducative d'accueil de jour aura vocation, après un nouveau vote du parlement à être codifiée dans l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante en lieu et place de l'actuelle mesure d'activité de jour qui disparaîtra.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1 L'accueil temporaire dans le cadre du placement en centre éducatif fermé

Le régime juridique du centre éducatif fermé se différencie de celui des autres structures de placement au pénal. Durant ce placement, les mineurs font l'objet de mesures de surveillance, de contrôle et d'un suivi éducatif et pédagogique renforcé. Le non-respect des obligations auxquelles ils sont astreints en vertu des mesures qui ont entraîné leur placement dans le centre peut entraîner leur incarcération. Le placement en centre éducatif fermé ne peut donc être ordonné en dehors d'une mesure de contrainte dont le non-respect peut être sanctionné par l'emprisonnement. Pour les mineurs de 13 à 16 ans en matière délictuelle, le non-respect du placement en centre éducatif fermé ordonné dans le cadre d'un contrôle judiciaire est d'ailleurs la seule hypothèse pouvant conduire à leur placement en détention provisoire.

L'accueil temporaire du mineur dans le cadre d'un placement en centre éducatif fermé ne remet pas en cause le régime juridique spécifique du centre éducatif fermé. En effet, juridiquement, le mineur reste placé auprès du centre éducatif fermé. Une décision judiciaire est rendue pour autoriser l'accueil temporaire, mais il ne s'agit pas d'une ordonnance de placement.

Ainsi le magistrat détermine, dans l'ordonnance de placement au centre éducatif fermé ou dans une ordonnance modificative, la période visée par les modalités d'accueil temporaire et le lieu d'accueil. Le centre éducatif fermé ensuite pourra déterminer l'emploi du temps précis du mineur, les jours durant lesquels, au cours de la période visée par la décision du magistrat, le mineur se trouvera dans le centre éducatif fermé, ceux où il sera accueilli dans l'autre lieu, ainsi que les modalités de l'accompagnement.

Exemple de dispositif :

- « place le mineur X du 1 er janvier au 1 er juin au centre éducatif fermé 1

- autorise le centre éducatif fermé 1 à organiser l'accueil temporaire du mineur X à l'unité éducative d'hébergement diversifié UEHD 2 entre le 1 er mai et le 1 er juin selon le rythme adapté à la situation, à charge pour l'établissement d'en référer en cas d'incident».

Le centre éducatif fermé reste le gardien du mineur, y compris sur les temps où ce dernier se trouve accueilli sur le lieu extérieur. Aussi, lorsqu'un mineur commet un dommage pendant son temps d'accueil extérieur au centre éducatif fermé, la responsabilité du centre demeure engagée. Ce régime de responsabilité s'applique déjà lorsque le mineur, placé au centre éducatif fermé, est accueilli au domicile familial (durant un week-end par exemple) et sera étendu à l'hypothèse de l'accueil temporaire extérieur.

En outre, si le mineur ne respecte pas les obligations qui lui ont été judiciairement fixées, y compris durant les temps d'accueil à l'extérieur du centre éducatif fermé, il encourt la révocation du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l'épreuve dans le cadre duquel il est placé au centre, ou bien le retrait de l'aménagement de peine. Le régime juridique du centre éducatif fermé demeure donc inchangé.

4.1.2 L'instauration de droit de visite et d'hébergement dans un cadre pénal

Les droits de visite et d'hébergement sont, dans la pratique, souvent prévus dans le dispositif des décisions de placement pénal, bien qu'ils ne soient pas explicitement prévus par l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945. L'introduction de la notion de droit de visite et d'hébergement dans cette ordonnance permettra d'harmoniser les pratiques des magistrats et de donner une base légale claire à ces autorisations durant lesquelles un régime spécifique s'applique.

En effet, la jurisprudence considère que l'hébergement temporaire hors lieu de placement ne suspend pas la mission du lieu de placement, qui demeure responsable des dommages causés par un mineur placé mais en hébergement au domicile parental lorsque le dommage a été causé 190 ( * ) .

L'introduction de la notion de droit de visite et d'hébergement dans l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante permettra de rendre juridiquement possible le placement avec présence à domicile. Cette mesure permettra d'élargir les possibilités d'individualisation du parcours des mineurs, afin de prendre compte au mieux leur personnalité, leur évolution et leur environnement familial et social.

4.1.3 La création de la mesure éducative d'accueil de jour à titre expérimental

La mesure éducative d'accueil de jour élargit le panel des réponses pénales à disposition des magistrats. Hormis en phase d'alternative aux poursuites, elle peut être prononcée à tous les stades de la procédure, avant le jugement ou dans la décision de condamnation qu'elle soit rendue en chambre du conseil ou par le tribunal pour enfant.

Prononcée pour une durée de six mois, elle pourra être renouvelée jusqu'à deux fois. Elle ne pourra être ordonnée qu'à l'égard des mineurs, mais pourra se poursuivre au-delà de la majorité lorsque celle-ci interviendra en cours de mesure, avec l'accord de l'intéressé.

En raison de son caractère innovant, la mesure éducative d'accueil de jour est instituée à titre expérimental afin de laisser le temps aux services d'en construire les modalités en fonction des ressources du territoire, et ne sera donc pas immédiatement codifiée dans l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

Après promulgation de la loi, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse lancera un appel à projet, afin de sélectionner deux projets au sein de chacune des neuf directions interrégionales de la protection judiciaire de la jeunesse, soit dix-huit projets au total. Un arrêté de la garde des Sceaux déterminera la liste des ressorts dans lesquels la mesure pourra être prononcée et exercée à titre expérimental.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Le recours à des accueils temporaires n'induit pas de changement concernant le rôle et les missions de l'éducateur référent en centre éducatif fermé (contact avec le lieu d'accueil, accompagnement du mineur sur le lieu d'accueil, visite sur le lieu d'accueil, construction du projet de sortie, d'insertion, lien avec le milieu ouvert, présence aux audiences...). Cependant, sa mise en oeuvre concrète va générer des déplacements et des accompagnements supplémentaires qui pourront impacter l'organisation du temps de travail des agents et le fonctionnement de l'établissement. Ces temps supplémentaires devraient être compensés par les bénéfices en termes de temps de gestion de crise d'un collectif sous tension, avec les arrêts maladie consécutifs.

On estime en moyenne sur l'année entre un et deux le nombre de places par centre éducatif fermé concernées par le placement séquentiel.

Cette estimation repose sur les hypothèses suivantes :

- dans le cadre de la prévention et de la gestion de crises, les jeunes concernés pourraient être accueillis dans un lieu extérieur entre 5 et 10 jours en moyenne (sur une ou plusieurs périodes) ;

- dans le cadre de la préparation à la sortie, les jeunes concernés pourraient bénéficier d'environ d'un mois d'accueil temporaire extérieur (soit 30 jours sur 180 jours de placement en centre éducatif fermé).

En moyenne, un centre éducatif fermé accueille 36 jeunes dans l'année. Un tiers de ces jeunes est présent pour une très courte durée et n'est donc pas concerné par le placement séquentiel. L'assiette du public-cible est donc au maximum de 24 jeunes. Si l'on retient une durée moyenne d'un mois d'accueil temporaire extérieur, cela représente 24 mois ou, en raisonnant en temps annualisé, 2 places mobilisées par centre éducatif fermé sur l'année.

Cette organisation permettra d'optimiser l'occupation du collectif. Les équipes éducatives pourront ainsi, à effectif constant, suivre davantage de mineurs. La mise en place d'un parcours séquentiel pour les mineurs placés en centre éducatif fermé peut avoir un impact sur les coûts de fonctionnement courant des établissements du secteur public et du secteur associatif habilité, en accroissant notamment les déplacements nécessaires au suivi du jeune, mais il devrait rester mesuré.

Les principaux impacts liés aux déplacements comprennent des achats de véhicules supplémentaires et de carburants ainsi que les frais de déplacements de l'éducateur. Pour l'ensemble des 52 centres éducatifs fermés existants, le coût est estimé à 385 000 € en 2019.

Les impacts sur les frais de fonctionnement courant sont liés à la location de places individualisées à l'année dans les foyers de jeunes travailleurs ainsi qu'à des surcoûts pour l'alimentation du jeune. La part des places mobilisées dans les foyers de jeunes travailleurs est ainsi évaluée à un tiers des 52 places de parcours séquentiel. Sur la base d'un loyer de 600 € par mois et par place, l'impact budgétaire est donc de 124 800 €. Sur la base de 25 € par jour, les dépenses supplémentaires d'alimentation pour les jeunes accueillis dans ces places sont évaluées à 172 800 €.

Au total, le surcoût de cette mesure est estimé à 668 000 €, soit 0,7 % de la dépense actuelle des 52 centres éducatifs fermés (100 M€).

La mesure d'instauration de droit de visite et d'hébergement n'aura aucun impact en termes d'emplois ou de dépenses de fonctionnement.

L'expérimentation de la nouvelle mesure d'accueil de jour n'aura pas d'impact quantitatif sur les ressources humaines dans le temps de la période d'expérimentation, mais nécessitera un encadrement pluridisciplinaire, et notamment l'intervention de psychologues et de professeurs techniques.

Afin de faciliter sa mise en oeuvre et la prise en compte des difficultés inhérentes aux publics les plus éloignés de l'insertion scolaire et professionnelle, notamment dans les zones rurales ou peu équipées en transports publics, les services mettant en oeuvre la mesure éducative d'accueil de jour devront être équipés de véhicules collectifs permettant d'accompagner les mineurs sur les lieux d'accueil.

La mise en oeuvre de la mesure pourra s'appuyer sur les structures et locaux adaptés existants :

- les structures d'hébergement : l'accueil de jour fait partie intégrante de l'activité d'hébergement, la présence en continu d'éducateurs, la restauration et le temps de psychologue sont déjà prévus ;

- les unités éducatives d'accueil de jour : leur utilisation pour la mesure éducative d'accueil de jour peut se faire très facilement : local adapté, présence de l'encadrement nécessaire. La restauration peut-être d'ores et déjà assurée dans plusieurs unités. Seule la présence de psychologues sera à prévoir ;

- certaines unités éducatives de milieu ouvert bénéficiant d'une mission insertion scolaire et professionnelles ;

- le secteur associatif habilité a déjà des structures d'accueil de jour. A budget constant, il n'est pas prévu de création de nouveaux services ou établissements. Le recours à un conventionnement pourra permettre au secteur associatif habilité de prendre en charge des mesures éducatives d'accueil de jour dans le cadre de l'expérimentation. En raison de l'autorisation conjointe de la plupart de ces structures (Etat/PJJ- conseil départementaux), il sera nécessaire d'engager un dialogue avec les conseils départementaux concernés, autour de la mise en oeuvre de la mesure éducative d'accueil de jour.

L'expérimentation va permettre aux territoires de proposer une organisation adaptée en fonction des particularismes locaux, de ce qui existe déjà, du taux d'occupation des différentes structures. Il n'est pas prévu de location de nouveaux locaux dans le cadre de l'expérimentation.

4.3. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

Ces mesures n'ont pas d'impact sur les services judiciaires. En effet, la tenue d'une audience avant le prononcé de l'accueil temporaire, quoique nécessaire et souhaitée, n'est pas une obligation. Par ailleurs, le temps de convocation et de tenue de ces audiences sera compensé par le temps de convocation et de tenue des audiences d'incident, de rappel des obligations, de débat contradictoire, de saisine du juge des libertés et de la détention, de révocation, que ce dispositif permet de prévenir.

4.4. IMPACTS INFORMATIQUES

Les applicatifs informatifs et infocentres devront être mis à jour des mesures et dispositifs crées par le présent projet de loi. La nouvelle mesure éducative d'accueil de jour devra être intégrée dans le logiciel CASSIOPEE, utilisé par les juridictions.

S'agissant de la création de la mesure éducative d'accueil de jour, elle pourra être ajoutée dans l'arborescence des décisions judiciaires dans le logiciel G@ME 2010 utilisé par la protection judiciaire de la jeunesse et être prise en compte dans l'infocentre. En matière de reporting statistique, tous les rapports de l'infocentre existants devront être modifiés pour faire apparaître cette mesure.

L'applicatif G@ME 2010 devra également être mis à jour de la possibilité d'accueil temporaire dans un lieu extérieur dans le cadre d'un placement en centre éducatif fermé. Cela va nécessiter de rendre possible la saisie des prises en charge pour le centre éducatif fermé et pour le lieu d'accueil extérieur concomitamment et d'ajuster les méthodes de comptage des journées de présence et des places disponibles en centre éducatif fermé.

4.5. IMPACTS SOCIAUX

Les mineurs impliqués dans une affaire pénale représentent une faible proportion des enfants et des adolescents : ils étaient 182 315 191 ( * ) en 2016, soit 2,8% des 6,5 millions de mineurs âgés de 10 à 17 ans. Dans une société qui souhaite mieux se protéger tout en accompagnant sa jeunesse, les réponses judiciaires à la délinquance juvénile sont devenues systématiques : en 1994, le taux de réponse pénale dans les affaires impliquant des mineurs était de 60%, en 2016 il est de 92,5%.

Les mesures envisagées permettront de diversifier les prises en charge existantes afin de mieux individualiser la réponse éducative apportée aux jeunes délinquants et d'en améliorer la qualité au service des usagers. Une meilleure prise en compte de la famille favorisera une remobilisation des parents autour des jeunes, ce qui est susceptible de donner des gages de réussite à plus long terme. La qualité et la continuité de la prise en charge éducative permettront de mieux accompagner les mineurs au travers des troubles de l'adolescence. L'action éducative fondée sur le partage d'expériences d'apprentissage, de temps de travail et de loisirs, sur la transmission de valeurs et d'habitudes de vie peut offrir aux mineurs de justice des perspectives de nature à mieux les aider à sortir de la délinquance,

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION DE LA LOI

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

La disposition envisagée a été soumise pour avis au comité technique de la protection judiciaire de la jeunesse le 27 mars (défaut de quorum) puis le 6 avril (boycott). L'avis est réputé donné.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Les présentes dispositions législatives sont d'application immédiate et ne nécessitent pas de dispositions transitoires.

La mesure éducative d'accueil de jour est expérimentale et instituée pour une durée de trois ans après promulgation de la loi.

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION DANS L'ESPACE

Les présentes dispositions ont vocation à s'appliquer sur tout le territoire de la République.

En vertu du principe dit de « spécialisation législative » pour les collectivités d'outre-mer, il est prévu leur application expresse en Nouvelle-Calédonie, ainsi que dans les territoires de la Polynésie Française et des îles Wallis-et-Futuna par une modification de l'article 44 alinéa 1 de l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945.

TITRE VI : RENFORCER L'ORGANISATION DES JURIDICTIONS

Articles 53 à 54 : Améliorer l'efficacité des juridictions

1. ÉTAT DU DROIT ET DIAGNOSTIC

1.1. ÉTAT DES LIEUX

Si l'organisation judiciaire contemporaine est héritière de la loi des 16 et 24 août 1790 et de la Révolution française, elle résulte, dans ses équilibres actuels, de la réforme conduite en 1958 par Michel Debré. L'ordonnance n°58-1273 du 22 décembre 1958 relative à l'organisation judiciaire a ainsi créé les actuels tribunaux d'instance et de grande instance et réformé l'organisation et la compétence des cours d'appel. Depuis cette date, des aménagements ont eu lieu avec, notamment, la création du code de l'organisation judiciaire en 1978, mais ils n'ont jamais fait évoluer de manière significative l'organisation des juridictions.

Depuis 1958, l'architecture des juridictions n'a pas fait l'objet de réformes d'ampleur, mais l'organisation des juridictions a dû être adaptée pour faire face aux défis qui s'imposaient à elle. Ainsi, depuis 1986, avec la création du pôle anti-terroriste du tribunal de grande instance de Paris et la création en 2004 des juridictions inter-régionales spécialisées, l'organisation judiciaire s'est orientée vers une spécialisation par matière et par juridiction.

La logique suivie a été, tout en conservant l'ensemble des sites judiciaires, de spécialiser des juridictions, afin d'assurer une plus grande efficacité de la réponse judiciaire et une spécialisation des magistrats.

Le nombre de tribunaux et cours spécialisés met en évidence l'importance du mouvement de spécialisation.

Les contentieux pour lesquels certains tribunaux de grande instance sont spécialisés sont les suivants :

- les actions en matière d'obtentions végétales (annexe de l'article D. 211-5, tableau V du code de l'organisation judiciaire) ;

- les actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de marques et d'indications géographiques (annexe de l'article D. 211-6-1, tableau VI du code de l'organisation judiciaire) ;

- les actions engagées sur le fondement des dispositions des instruments internationaux et communautaires relatives au déplacement illicite international d'enfants (annexe de l'article D. 211-9, tableau VII du code de l'organisation judiciaire) ;

- les contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques (annexe de l'article D. 211-10, tableau VIII du code de l'organisation judiciaire) ;

- les actions aux fins d'adoption et aux fins de reconnaissance des jugements d'adoption rendus à l'étranger, lorsque l'enfant résidant habituellement à l'étranger a été, est ou doit être déplacé vers la France (annexe de l'article D. 211-10-1, tableau VIII-I du code de l'organisation judiciaire) ;

- les recours en matière de contrats de la commande publique (annexe de l'article D. 211-10-2, tableau VIII-II du du code de l'organisation judiciaire) ;

- les délits maritimes, pour lesquels des tribunaux maritimes sont institués auprès des tribunaux de grande instance et tribunaux de première instance (décret n° 2014-1581 du 23 décembre 2014) ;

- les infractions en matière militaire et de sûreté de l'État, infractions entrant dans les catégories mentionnées aux articles 697-1 et 702 al 2 du code de procédure pénale (décret n° 82-1120 du 23 décembre 1982) ;

- les accidents collectifs-délits prévus aux articles 221-6, 221-6-1, 222-19, 222-19-1, 222-20 et 222-20-1 du code pénal dans les affaires qui comportent une pluralité de victimes et sont ou apparaîtraient d'une grande complexité (articles 706-176 et D. 47-38 du code de procédure pénale) ;

- la criminalité et délinquance organisée, crimes et délits listés à l'article 706-73 du code de procédure pénale (article D. 47-13 du code de procédure pénale) ;

- les infractions économiques et financières au titre de l'alinéa 1 de l'article 704 du code de procédure pénale - affaires qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s'étendent - pour connaître des infractions mentionnées aux alinéas 2 à 17 de l'article 704 du code de procédure pénale - juridictions interrégionales spécialisées (article D. 47-3 du code de procédure pénale) ;

- les infractions économiques et financières au titre des alinéas 22 et 24 de l'article 704 du code de procédure pénale pour connaître des infractions mentionnées aux alinéas 2 à 17 de l'article 704 - pôles économiques et financiers (article D. 47-2) ;

- les infractions sanitaires, infractions de l'article 706-2 du code de procédure pénale dans les affaires relatives à un produit de santé tel que défini par l'article L. 5311-1 du code de la santé publique ou à un produit destiné à l'alimentation de l'homme ou de l'animal ou à un produit ou une substance ou aux pratiques et prestations de service, médicales, paramédicales ou esthétiques et qui sont réglementés en raison de leurs effets ou de leur dangerosité, qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité (article D. 47-5 du code de procédure pénale) ;

- les juridictions du littoral spécialisées (JULIS) compétentes en matière de répression des rejets polluants de navires et aux atteintes aux biens culturels maritimes (décret n° 2002-196 du 11 février 2002 auquel renvoient les article 706-107 et 706-111-1 du code de procédure pénale) ;

- les tribunaux d'application des peines (articles D.49-2 et suivants du code de procédure pénale) ;

- la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Nantes pour connaître des actions en identification du demandeur de visa par ses empreintes génétiques, dans les cas et conditions prévus par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (article D. 211-8 du code de l'organisation judiciaire).

Les contentieux pour lesquels certaines cours d'appel sont spécialisées sont les suivants :

- les recours formés contre les décisions du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle en matière de délivrance, rejet ou maintien des dessins et modèles et des marques, en matière d'homologation, de rejet et de retrait d'homologation du cahier des charges des indications géographiques définies à l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle, ainsi qu'en matière d'homologation et de rejet des modifications de ce cahier des charges (annexe de l'article D. 311-8, tableau XVI du code de l' organisation judiciaire) ;

- les chambres de l'application des peines dont la compétence territoriale excède celle de la cour d'appel où elles sont instituées (appels des jugements du tribunal de l'application des peines relatifs au relèvement de la période de sûreté, la libération conditionnelle, la suspension de peine (deuxième alinéa de l'article 712-13 du code de procédure pénale) ;

- compétence exclusive de la cour d'appel de Paris pour connaître (articles D. 311-9 à D. 311-11 du code de l'organisation judiciaire) :

- des recours contre les décisions de l'Autorité de la concurrence, dans les cas et conditions prévus par le code de commerce ;

- des recours contre les décisions de portée individuelle de l'Autorité des marchés financiers, dans les cas et conditions prévus par le code monétaire et financier ;

- des recours contre les décisions du Comité de la protection des obtentions végétales, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle ;

- des recours contre les décisions prises par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, dans les cas et conditions prévus par le code des postes et des communications électroniques ;

- des recours contre les décisions prises par l'Autorité de régulation de la distribution de la presse et le Conseil supérieur des messageries de presse au titre des articles 18-12,18-12-1 et 18-13 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 ;

- des recours contre les décisions prononcées par le collège des sanctions de la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d'auteur et des droits voisins dans les cas et conditions prévues par le code de la propriété intellectuelle ;

- des actions engagées en matière d'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus d'immunodéficience humaine contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, dans les cas et conditions prévus par le code de la santé publique ;

- des contestations relatives à l'élection des membres du Conseil national des barreaux et des membres du bureau de ce conseil ;

- des recours contre les décisions individuelles prises par le Conseil national des barreaux ;

- des recours contre les décisions prises par les commissions nationales en matière d'inscription, de retrait ou de discipline des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires au redressement et à la liquidation des entreprises et des experts en diagnostic d'entreprise.

Le premier président de la cour d'appel de Paris a compétence exclusive pour connaître des recours contre les décisions relatives à la protection du secret des affaires dans les cas et conditions prévus par le code de commerce (article D. 311-13 du code de l'organisation judiciaire).

La cour d'appel d'Amiens a compétence exclusive à compter du 1 er janvier 2019 pour traiter en première instance des litiges mentionnés au 4° de l'article L. 142-2 du code de la sécurité sociale à savoir le contentieux de la tarification des accidents du travail (article D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire dans sa version à venir au 1 er janvier 2019).

1.1.1 Les juridictions de première instance

En première instance, le titre Ier du livre II des parties législative et réglementaire du code de l'organisation judiciaire prévoient l'institution, la compétence, l'organisation et le fonctionnement du tribunal de grande instance et le titre II du même livre ceux du tribunal d'instance.

Le tribunal de grande instance est la juridiction de droit commun de première instance (article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire). Il connaît des affaires civiles et pénales, sous réserve des compétences des autres juridictions d'attribution (cour d'assises, tribunal pour enfant, tribunal de commerce, conseil de prud'hommes, etc.). Il a compétence exclusive dans certains domaines (état des personnes, successions, actions immobilières, etc.). En matière pénale, il est dénommé tribunal correctionnel lorsqu'il juge les délits, et tribunal de police lorsqu'il juge les contraventions. Des tribunaux de grande instance sont, en outre, spécialement désignés pour statuer dans certaines matières sur tout ou partie du territoire national. Le tribunal de grande instance statue, par principe, en formation collégiale. Un parquet est institué près chaque tribunal de grande instance.

Le tableau ci-dessous présente, notamment pour l'année 2017, le nombre d'affaires nouvelles et terminées en tribunal de grande instance tant au civil qu'au pénal.

Le tribunal d'instance connaît, quant à lui, des litiges qui lui sont attribués par la loi ou le règlement en raison de la nature ou du montant de la demande (article L. 221-1 du code de l'organisation judiciaire). Il juge ainsi, sous réserve des dispositions fixant la compétence particulière d'autres juridictions, des affaires civiles jusqu'à la valeur de 10 000 euros. Une pluralité de dispositions, figurant au sein du code de l'organisation judiciaire ou d'autres codes et textes, lui attribue d'autres compétences particulières. Ces compétences concernent notamment des contentieux de masse comme les baux d'habitation, le surendettement ou les tutelles des majeurs. Le tribunal d'instance statue à juge unique.

En 2016, les tribunaux d'instance ont enregistré 648 976 affaires nouvelles selon les chiffres de la justice 2017, et terminé 646 203 selon ces mêmes chiffres, qui excluent toutefois les ordonnances sur requête, les procédures d'injonction de payer et de saisie des rémunérations et les contentieux électoraux.

Le tableau ci-dessous présente, notamment pour l'année 2017, le nombre d'affaires nouvelles et terminées en tribunal d'instance tant au civil qu'au pénal.

1.1.2 Les juridictions d'appel

L'institution, la compétence, l'organisation et le fonctionnement de la cour d'appel sont prévus par le titre I du livre III des parties législative et réglementaire du code de l'organisation judiciaire.

La cour d'appel connaît, sous réserve des compétences attribuées à d'autres juridictions, des recours contre les décisions judiciaires, civiles et pénales, rendues en premier ressort (article L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire). Il lui est, en outre, attribué des compétences exclusives, notamment en ce qui concerne la discipline des professions judiciaires. Des cours d'appel sont, par ailleurs, spécialement désignées pour connaître des recours formés contre les décisions de certaines autorités sur tout ou partie du territoire national (décisions de l'Institut national de la propriété industrielle, de l'Autorité de la concurrence, etc.). La cour d'appel statue en formation collégiale. Un parquet général est institué près chaque cour d'appel.

Le tableau ci-dessous présente, notamment pour l'année 2017, le nombre d'affaires nouvelles et terminées en appel tant au civil qu'au pénal.

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL

Le tribunal de grande instance et la cour d'appel constituent des « ordres de juridiction » au sens de l'article 34 de la Constitution, tel qu'interprété par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État 192 ( * ) . Il revient donc à la loi de fixer les règles qui sont constitutives de ces juridictions, c'est-à-dire leurs règles essentielles de compétence, d'organisation et de fonctionnement.

Il se déduit de cette répartition constitutionnelle de la loi et du règlement en matière d'organisation judiciaire que les simples aménagements portés à l'organisation territoriale des juridictions relèvent, en principe, du règlement, sauf lorsque ces modifications concernent le principe même de la compétence territoriale de la juridiction ou l'un de ses démembrements qui nécessite alors l'intervention du législateur. La mise en oeuvre de ces modifications essentielles de compétence et d'organisation, une fois l'équilibre fixé par la loi, relève ensuite du pouvoir réglementaire.

L'organisation judiciaire entre enfin pleinement dans le champ de l'article 37-1 de la Constitution qui prévoit que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ». Plus encore, l'article 37-1 a été créé par la loi constitutionnelle n° 2003-276 relative à l'organisation décentralisée de la République précisément avec l'un des objectifs de mettre en oeuvre des expérimentations en matière d'organisation judiciaire, ainsi qu'il résulte des débats parlementaires 193 ( * ) . Son emploi est donc particulièrement indiqué.

Les modifications normatives proposées par le présent projet de loi s'inscrivent ainsi en tous points dans le respect du cadre constitutionnel.

1.3. CADRE CONVENTIONNEL

En matière d'organisation judiciaire, la jurisprudence européenne laisse aux États une importante marge d'appréciation. Les États peuvent ainsi définir librement cette organisation, pourvu que celle-ci assure aux individus un accès effectif aux tribunaux (notamment, CEDH, 9 octobre 1979, Airey c/ Irlande ; CEDH, 4 décembre 1995, Bellet contre France ; CEDH, 19 décembre 1997, Brualla Gomez de la Torre c/ Espagne ; CEDH, 26 octobre 2000, Kudla c/ Pologne).

Les modificatives normatives proposées par le présent projet de loi, qui garantissent aux justiciables l'accès à une juridiction pour l'ensemble des litiges susceptibles de survenir dans l'ordre judiciaire, s'inscrivent ainsi pleinement dans le respect du cadre conventionnel.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

Les évolutions démographiques, sociales et économiques, d'une part, et la réorganisation des services de l'État, d'autre part, nécessitent d'adapter les institutions juridictionnelles de première instance et d'appel aux défis contemporains que la justice doit relever.

2.1. LES JURIDICTIONS DE PREMIÈRE INSTANCE

La distinction entre les contentieux relevant du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance, qui constituent deux juridictions autonomes, est devenue peu lisible pour le justiciable. La complexité, née de l'éparpillement des compétences entre les juridictions de première instance, nuit à la cohérence de l'organisation judiciaire et à son efficacité. Les différences d'organisation et de fonctionnement de ces deux juridictions peinent aujourd'hui à trouver encore un fondement tant les exceptions qui leur ont été portées brouillent leurs rôles respectifs. Ainsi, les audiences à juge unique se sont multipliées devant le tribunal de grande instance, et le tribunal d'instance a vocation à connaître de contentieux de plus en plus complexes. L'unification des juridictions de première instance doit donc permettre de simplifier la saisine des tribunaux par les justiciables et de rationaliser le fonctionnement de ces juridictions. En outre, l'unification des modes de saisine du juge civil rend moins justifiée la différenciation entre tribunal de grande instance et tribunal d'instance.

La réforme engagée a en outre pour objectif de renforcer l'accessibilité de la justice. Le maintien d'un maillage judiciaire fin et modulable sur le territoire est indispensable. L'architecture des juridictions doit pouvoir être adaptée aux besoins de proximité de chaque ressort, en fonction de ses caractéristiques propres. Il est donc nécessaire que les juridictions puissent disposer de chambres extérieures à leur siège sur l'ensemble de leur ressort afin de juger certains contentieux au plus près du justiciable. Si des textes doivent définir le socle de compétences essentielles de ces chambres, afin d'assurer une lisibilité de leurs compétences, l'adaptation aux besoins de chaque territoire doit également être possible, notamment en ouvrant la possibilité aux chefs de juridiction d'attribuer à ces chambres des compétences supplémentaires.

La spécialisation des tribunaux de grande instance, doit, dans les contentieux les plus techniques, être améliorée. Elle se réalise au bénéfice du justiciable, qui voit son affaire jugée par des juridictions connaissant parfaitement le contentieux concerné, et au bénéfice des magistrats, qui gagnent en temps et en maîtrise lorsqu'ils jugent habituellement certaines affaires. La cohérence de la jurisprudence et la qualité de la justice en sont améliorées. Ce même objectif est poursuivi en matière pénale. Si l'accessibilité de la justice commande qu'il puisse y avoir dans chaque département au moins un juge d'instruction et un juge de l'application des peines, il convient toutefois d'éviter des situations d'isolement de certains juges spécialisés notamment à l'instruction et de faciliter les co-saisines. Cela doit contribuer à l'amélioration de la qualité des informations judiciaires et favoriser le travail en commun et le partage des pratiques et jurisprudences.

Les chefs de cours, en lien avec les chefs de juridictions, doivent pouvoir proposer l'organisation la plus performante pour parvenir à cet objectif à l'échelon départemental afin de permettre une spécialisation efficace, qui tienne compte des réalités locales.

2.2. LES JURIDICTIONS D'APPEL

Une coordination des pratiques des juridictions poursuivant des objectifs communs, sous l'autorité de certains chefs de cours, et sur un territoire d'échelle régionale, contribuerait à la cohérence, l'efficacité et la lisibilité des politiques de la justice et favoriserait la conduite de politiques partenariales. L'institution judiciaire serait en outre renforcée dans ses échanges avec les autres autorités administratives.

Les domaines de contentieux dans lesquels des cours d'appel sont spécialement désignées sont aujourd'hui réduits, comme cela a été évoqué précédemment, - ils se limitent, pour l'essentiel, à des recours formés contre des autorités administratives indépendantes - et concernent presque exclusivement la cour d'appel de Paris. De nombreuses cours d'appel ne connaissent que d'un trop faible nombre d'affaires jugées en des matières pourtant très techniques, ce qui ne leur permet pas de spécialiser des magistrats pour les juger. Le traitement de ces contentieux est donc plus difficile et plus long. Les décisions rendues peuvent varier de manière significative d'un ressort à l'autre. La possibilité de spécialiser des cours d'appel à l'échelon régional, dans des contentieux déterminés, est donc un objectif qui doit être poursuivi.

Compte tenu toutefois de l'importance des ressorts des cours d'appel, et de l'incidence de la réforme proposée sur les services judiciaires et les justiciables, il importe de documenter de manière précise les effets des modifications de l'organisation des cours d'appel. Une expérimentation préalable, sur le fondement de l'article 37-1 de la Constitution, doit permettre de procéder à une évaluation des objectifs susmentionnés, qui permettra d'envisager le cas échéant une extension nationale.

Le présent projet de loi doit ainsi permettre :

- d'améliorer l'organisation judiciaire par le maintien de l'ensemble des sites judiciaires ;

- de créer les conditions de l'amélioration de l'organisation judiciaire par matière et par spécialité, en poursuivant ainsi la logique suivie ces dernières décennies ;

- d'impulser une évolution par les acteurs locaux, fins connaisseurs des réalités des ressorts des juridictions, en fonction des besoins des populations et des bassins économiques ;

- de créer les conditions d'une politique de gestion des personnels, dès lors que les spécialisations proposées par les chefs de cours s'accompagneront d'une politique managériale ;

- de mettre en place une nouvelle gouvernance des cours et des tribunaux et une nouvelle relation entre le ministère de la justice et les cours d'appel.

3. OPTIONS POSSIBLES ET DISPOSITIF RETENU

3.1. LES JURIDICTIONS DE PREMIÈRE INSTANCE

3.1.1 Option 1 (écartée) : l'absorption des tribunaux de commerce et des conseils de prud'hommes au sein des tribunaux de grande instance

Il aurait pu être envisagé de fusionner l'ensemble des juridictions de première instance - notamment les conseils de prud'hommes et les tribunaux de commerce - au sein d'une juridiction unique.

Cependant, la procédure et la composition de ces juridictions diffèrent sensiblement de celles des tribunaux d'instance et de grande instance, rendant l'intégration de ces juridictions au sein du tribunal de grande instance plus lourde alors que celle du tribunal d'instance constitue déjà un chantier d'ampleur. Ces juridictions spécialisées ne souffrent pas, par ailleurs, d'un manque de lisibilité aux yeux des citoyens qui justifierait, à court terme, leur intégration au tribunal de grande instance : le conseil de prud'hommes est identifié comme la juridiction du contrat de travail ; le juge du tribunal de commerce est identifié comme la juridiction des litiges commerciaux.

3.1.2 Option 2 (écartée) : la création d'un tribunal de grande instance départemental

Une autre option aurait pu consister en la création d'un tribunal départemental.

Si l'instauration d'un tribunal de grande instance par département permettrait d'améliorer les relations entretenues avec les services départementaux de l'État et de simplifier l'organisation judiciaire, l'édiction d'un principe législatif rigide limitant le nombre de tribunaux de grande instance à un par département ne permet pas de répondre aux particularités des territoires. Ainsi, il a été décidé de retenir un principe plus souple qui prenne en compte les réalités locales, lesquelles peuvent justifier que plusieurs tribunaux de grande instance puissent être conservés au sein d'un même département.

3.1.3 Option 3 (retenue) : le regroupement des tribunaux d'instance et de grande instance au sein du tribunal de grande instance

L'option retenue consiste à simplifier l'organisation judiciaire de première instance en regroupant les compétences des tribunaux d'instance et de grande instance au sein des tribunaux de grande instance. Elle se traduit par l'abrogation du titre II du livre II de la partie législative du code de l'organisation judiciaire, relatif au tribunal d'instance, et l'intégration d'une partie des dispositions de ce titre au sein du titre Ier du même livre, relatif au tribunal d'instance.

Les tribunaux de grande instance pourront comprendre des chambres en dehors de leur siège, dénommées tribunaux d'instance, afin de maintenir l'ensemble des sites juridictionnels existants et de garantir la proximité de la justice du quotidien. Un article L. 212-7 du code de l'organisation judiciaire crée les nouvelles chambres, dont les compétences sont fixées par décret, et prévoit que des compétences supplémentaires peuvent leur être attribuées sur décision des chefs de cour, après avis conjoint des chefs de juridictions afin d'assurer une meilleure adaptabilité aux besoins de justice locaux.

L'option retenue prévoit enfin que les tribunaux de grande instance pourront être spécialisés dans certaines matières civiles ou dans le jugement de certains délits ou contraventions pour l'ensemble du département, sur proposition éventuelle des chefs de cours. Cette possibilité doit permettre des regroupements pertinents de contentieux à l'échelle départementale, à l'initiative des acteurs judiciaires de terrain, afin de mieux juger certains contentieux. Il est ainsi créé un article L. 211-9-3 au sein du code de l'organisation judiciaire qui prévoit que ces désignations s'effectuent par décret parmi une liste de matières et d'infractions déterminées par décret en Conseil d'État. S'agissant des délits, cette liste ne peut comporter des contentieux relevant du juge unique et tient compte du volume d'affaires concernées.

L'implication directe des chefs de cours et chefs de juridictions dans l'organisation judiciaire de leur ressort constitue un enjeu majeur de conduite de la réforme. En effet, au plus près de la réalité démographique, sociale et économique de leur ressort, ils disposent ainsi de solides leviers pour adapter l'offre de justice à la réalité du besoin de la population et voient ainsi leur rôle et leurs missions profondément modifiés par le projet de réforme.

Les modifications normatives proposées - particulièrement la substitution du tribunal de grande instance au tribunal d'instance - appellent un nombre particulièrement important d'autres modifications législatives d'adaptation ou d'articulation, notamment au sein des différents codes et textes qui comprennent des dispositions relatives aux juridictions judiciaires de première instance. Il a donc été prévu une habilitation du Gouvernement à réaliser ces modifications par ordonnance.

3.2. LES JURIDICTIONS D'APPEL

3.2.1 Option 1 (écartée) : la création de chambres détachées d'appel

Il aurait pu être envisagé de créer de chambres détachées d'appel, comprises au sein des cours d'appel, à l'instar de l'option retenue pour les juridictions de première instance. Cette organisation aurait été structurée autour d'une cour d'appel par région. La cour aurait compris sur son ressort des chambres territoriales d'appel. Ces chambres n'auraient pas eu de chefs de cour à leur tête et se seraient concentrées sur l'activité juridictionnelle de leur ressort.

Toutefois, cette option n'a pas été retenue à ce stade au regard de l'importance de son incidence - le ressort des cours d'appel étant beaucoup plus vaste qu'en première instance et les enjeux d'administration très importants, la cour étant un échelon de pilotage essentiel - alors qu'une réforme de la première instance est déjà conduite dans le cadre de la présente loi.

3.2.2 Option 2 (retenue) : l'expérimentation de l'animation et la coordination des chefs de cour d'appel au niveau régional et la spécialisation de certaines cours d'appel

L'option retenue prévoit d'améliorer, sur le mode expérimental, le pilotage des politiques conduites pas les cours d'appel d'une même région. Des chefs d'une cour d'appel pourront être désignés par décret pour assurer des fonctions d'animation et de coordination, sur un ressort pouvant s'étendre à celui de plusieurs cours d'appel situées au sein d'une même région, afin d'améliorer le service rendu aux justiciables et d'assurer la cohérence de l'action du service public de la justice, notamment dans la conduite des politiques partenariales impliquant l'autorité judiciaire, dans le respect de l'indépendance juridictionnelle.

L'option retenue doit aussi permettre d'expérimenter une meilleure spécialisation des cours d'appel dans les contentieux les plus techniques. Elle prévoit ainsi que certaines cours d'appel pourront être spécialement désignées par décret pour connaître, sur l'ensemble du ressort de ces mêmes cours d'appel, de certaines matières civiles dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'État. Une jurisprudence plus homogène et ainsi plus prévisible sera rendue sur le ressort de ces cours.

Certains chefs de cours disposent ainsi de nouvelles prérogatives à l'échelle de plusieurs cours d'appel permettant de rendre plus lisible et plus visible l'action de la justice sur un territoire donné. La capacité qui leur est donnée de proposer sur leur ressort une organisation répondant au mieux aux besoins de justice permet d'assurer une meilleure gouvernance et une harmonisation de la réponse judiciaire sur un ressort. Ces nouvelles attributions, exercées dans le cadre des dispositions actuelles de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, modifient également leur positionnement vis-à-vis du ministère de la justice en renforçant le dialogue entre les échelons national et régional.

L'expérimentation, d'une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi, dans deux régions, doit permettre d'évaluer l'impact de ces nouvelles dispositions, plutôt que de les mettre en oeuvre directement sans les avoir préalablement documentées.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1. IMPACTS JURIDIQUES

4.1.1 Juridictions de première instance

Le regroupement des tribunaux de grande instance et d'instance :

Aux termes du présent projet de loi, le regroupement de l'ensemble du contentieux du tribunal d'instance au sein du tribunal de grande instance permettra de disposer d'une seule et unique juridiction de premier degré en matière civile, à l'exception des autres juridictions d'attribution.

Le regroupement des tribunaux de grande instance et d'instance a un fort impact normatif.

Le livre II de la partie législative du code de l'organisation judiciaire sur les juridictions du premier degré est modifié de manière significative en vue d'organiser le regroupement du contentieux civil et des attributions extra-juridictionnelles du tribunal d'instance au sein du tribunal de grande instance. Le livre II de la partie réglementaire de ce même code devra également être modifié de manière importante afin d'être adapté aux nouvelles règles législatives.

Par ailleurs, le regroupement des deux juridictions appelle l'adaptation de nombreuses dispositions législatives et réglementaires existantes afin, notamment, de supprimer toute référence au tribunal d'instance dans l'ensemble des textes, codifiés ou non, et d'adapter les dispositions qui étaient fondées sur cette dualité de juridictions de première instance. L'habilitation à prendre les mesures de nature législative par ordonnance doit permettre la réalisation de ces modifications.

Enfin, le regroupement des tribunaux de grande instance et d'instance ainsi que la création de chambres en dehors du siège des tribunaux de grande instance nécessitent une modification de l'ordonnance n° 58-1270 portant loi organique relative au statut de la magistrature, et du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de cette ordonnance afin, d'une part, de prévoir la suppression des fonctions de juge d'instance et, d'autre part, de modifier les compétences des magistrats exerçant à titre temporaire qui ont actuellement compétence pour exercer les fonctions de juge d'instance.

La création de chambres en dehors du siège du tribunal de grande instance :

Le nouvel article L. 212-7 du code de l'organisation judiciaire prévoit que le tribunal de grande instance peut comprendre, en dehors de son siège, des chambres dénommées dont les compétences matérielles sont fixées par décret. Il institue en outre la possibilité d'attribuer des compétences supplémentaires à ces chambres sur décision conjointe du président du tribunal de grande instance et du procureur de la République près ce tribunal.

L'impact juridique de l'institution de ces chambres est limité dans la mesure où elles ont un statut juridique proche de celui des chambres détachées, dont l'existence est actuellement prévue par les articles R. 212-18 et D. 212-19 du code de l'organisation judiciaire. Il existe ainsi six chambres détachées sur le territoire, situées à Marmande, Saint-Martin, Dole, Saint-Laurent-du-Maroni, Millau et Guingamp, conformément au tableau IV annexé au code de l'organisation judiciaire.

Sur le plan juridique, ces chambres constituent des démembrements du tribunal de grande instance auquel elles sont rattachées, au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel 194 ( * ) , du Conseil d'État 195 ( * ) et de la Cour de cassation 196 ( * ) . Elles partagent leurs attributions juridictionnelles avec la juridiction dont elles dépendent. Elles ne se distinguent des autres chambres du tribunal de grande instance que par leur siège et leur ressort, qui leur confèrent une compétence territoriale propre, même si leur ressort est lui-même compris dans le ressort du tribunal de grande instance. Leur compétence matérielle peut toutefois être limitée par décret, afin de répondre au mieux aux besoins de chaque territoire.

Si leur existence est actuellement réglementaire - elle était législative lors de leur institution par la loi n° 95-125 du 8 février relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, mais son caractère réglementaire a été constaté lors de la refonte du code de l'organisation judiciaire en 2006 s'agissant d'un simple démembrement du tribunal - les pouvoirs que le présent projet de loi confie aux chefs de juridiction de leur attribuer des compétences supplémentaires impliquent leur élévation au niveau législatif. La possibilité laissée au président et au procureur de la République d'ajouter à des compétences définies par décret nécessite en effet une intervention législative en ce qu'elle autorise ces autorités à ajouter à une disposition réglementaire, de manière strictement encadrée puisque ce pouvoir concerne une mesure d'organisation judiciaire, qui s'applique à un simple démembrement de leur juridiction, et qui ne peut déroger au règlement.

En outre, la création de ces chambres impliquera une modification du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 portant loi organique relative au statut de la magistrature afin de créer les fonctions de juge en charge du service d'une chambre dénommée tribunal d'instance, à l'instar de ce qui existe pour les juges en charge du service ou de la direction d'une chambre détachée.

La spécialisation de certains tribunaux de grande instance à l'échelle départementale :

Le nouvel article L. 211-9-3 prévoit que lorsqu'il existe plusieurs tribunaux de grande instance dans un même département, l'un d'entre eux peut être spécialement désigné par décret pour connaître, dans l'ensemble de ce département, de certaines matières civiles et de certains délits et contraventions, dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'Etat.

Pour les délits, cette liste ne pourra comporter ceux mentionnés à l'article 398-1 du code de procédure pénale, à savoir les délits relevant du juge unique, et elle tiendra compte du volume des affaires concernées.

Pour la mise en oeuvre de ces dispositions, le premier président de la cour d'appel et le procureur général près cette cour pourront proposer la désignation de tribunaux de leur ressort après avis des chefs de juridiction concernés.

L'impact juridique de cette possible spécialisation est limité dans la mesure où la possibilité de spécialiser certains tribunaux de grande instance existe déjà dans l'ordre juridique actuel. Les articles L. 211-10 à L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire prévoient ainsi cette possibilité, soit pour un tribunal de grande instance au niveau national, soit pour une pluralité de tribunaux de grande instance au niveau national. L'équilibre juridique retenu est celui de l'insertion du principe de cette spécialisation dans la loi, et la désignation des tribunaux concernés par voie réglementaire.

La présente disposition s'inscrit dans la même logique normative puisque le principe de cette spécialisation est inscrit dans la loi. Les matières ne sont certes pas directement désignées par le législateur, puisqu'il est renvoyé à un décret en Conseil d'État, mais la délégation au profit du pouvoir réglementaire est encadrée par une stricte limitation du champ territorial de la disposition - l'échelon départemental - et, pour les délits, par l'exclusion de ceux relevant du juge unique et la référence au volume de contentieux, ce qui permettra une spécialisation pour les seuls contentieux techniques relevant de la collégialité. Il reviendra ensuite au décret simple, conformément à l'équilibre habituel, de désigner les juridictions concernées par cette spécialisation.

La création d'un procureur départemental pour la politique partenariale

Le projet de loi insère dans le code de procédure pénale un article 39-4 prévoyant que quand un département compte plusieurs tribunaux de grande instance, le procureur général peut désigner l'un des procureurs de la République de ce département pour représenter, sous son autorité, l'ensemble des parquets dans le cadre de leurs relations avec les autorités administratives du département, notamment pour l'application du dernier alinéa de l'article 39-2, et d'assurer la coordination des activités s'y rapportant. Celui-ci tient les autres procureurs informés de ses diligences et rend compte au procureur général.

Ces nouvelles dispositions ne concernent ainsi que la politique partenariale, même si cette expression n'a pas été retenue dans le texte qui fait référence aux « relations avec les autorités administratives du département, notamment pour la politique de prévention de la délinquance ».

Elles permettent ainsi de simplifier les relations entre le ministère public et les autres autorités administratives présentes dans le département, sans instaurer une hiérarchie entre les procureurs de la République, qui resteront chacun seuls responsables, sous l'autorité du procureur général, de leurs politiques pénales.

Il en résulte notamment que c'est le procureur de la République départemental qui sera seul consulté par le préfet avant que celui-ci n'arrête le plan de prévention de la délinquance, même si la consultation devra naturellement être préparée en amont par ce procureur avec les autres procureurs de la République.

La suppression de l'instruction et de l'application des peines dans certains tribunaux infra-départemental :

L'objectif tendant à renforcer la spécialisation des magistrats, à remédier aux situations d'isolement de certains juges et à garantir une justice de qualité justifie de permettre la suppression, dans certains tribunaux infra départementaux (et qui ne sont par ailleurs pas des pôles de l'instruction) des fonctions de juge d'instruction et de juge de l'application des peines, actuellement occupées, dans ces tribunaux, par des magistrats qui ne traitent que de très peu de dossiers relevant de ces fonctions et exercent d'autres attributions civiles ou pénales.

S'agissant de l'application des peines : on dénombre à ce jour 55 tribunaux de grande instance au sein desquels un seul emploi de juge de l'application des peines est localisé. Si l'on examine les ressources en magistrats effectivement affectées à cette activité (données déclarées annuellement par les juridictions), ce sont 59 tribunaux de grande instance au sein desquels le nombre ETPT de juges de l'application des peines est inférieur ou égal à 1.

S'agissant de l'instruction : on dénombre à ce jour 72 tribunaux de grande instance au sein desquels un seul emploi de juge d'instruction est localisé. Si l'on examine les ressources en magistrats effectivement affectées à cette activité (données déclarées annuellement par les juridictions), ce sont également 72 tribunaux de grande instance au sein desquels le nombre d' ETPT de juge d'instruction est inférieur ou égal à 1.

Par ailleurs, il peut être observé que la moyenne des affaires nouvelles à l'instruction dans les tribunaux de grande instance qui comptent un emploi de juge d'instruction localisé est de 25,6 affaires nouvelles par tribunal de grande instance pour 2016 197 ( * ) . Rapporté aux ETPT de juge d'instruction déclarés, le nombre moyen d'affaires nouvelles par juge d'instruction dans ces juridictions s'élève à  49 en 2016.

La moyenne des affaires nouvelles à l'instruction dans les autres tribunaux de grande instance (ceux pour lesquels sont localisés au moins deux emplois de juge d'instruction) est de 164,4 affaires nouvelles par tribunal de grande instance. Rapporté aux ETPT de juge d'instruction déclarés, le nombre moyen d'affaires nouvelles par juge d'instruction dans ces juridictions s'élève à 41 en 2016.

Suppression de l'instruction :

Il est prévu de modification de l'article 52-1 du code de procédure pénale afin, tout en inscrivant dans la loi le principe de la présence d'au moins une juridiction d'instruction par département, d'autoriser la désignation par décret des tribunaux de grande instance dans lesquels il n'y aura pas de juge d'instruction dans les départements comptant plusieurs tribunaux de grande instance.

Cette réforme prolonge ainsi les dispositions de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale ayant créé des pôles de l'instruction compétents en matière criminelle et en cas de cosaisine, en évitant le maintien de l'instruction dans des juridictions dans lesquelles moins de 20 informations sont ouvertes chaque année.

Les compétences du procureur de la République près le tribunal de grande instance dans lequel il n'y aura pas de juge d'instruction, ainsi que celui du tribunal dans lequel le ou les juges d'instruction seront compétents, sont précisées dans l'article 80 de la même manière de ce qui a été prévu en 2007 pour régir les relations entre les parquets de tribunaux pôles de l'instruction et des tribunaux infra pôle.

- Le procureur de la République du tribunal sans juge d'instruction pourra ouvrir lui-même une information devant le tribunal où se trouve le juge d'instruction territorialement compétent (pôle ou infra pôle) y compris en faisant déférer la personne.

- Il pourra aussi faire simplement déférer la personne, tout en laissant au procureur de ce tribunal la décision d'ouvrir l'information.

- Ce procureur pourra lui-même diriger l'enquête, et décider à l'issue d'une information, lorsqu'il apparaitra dès l'origine qu'une instruction est nécessaire, notamment si les faits sont de nature criminelle.

- Ce procureur pourra, en cas de défèrement injustifié, renvoyer l'affaire au procureur du tribunal sans juge d'instruction, avec si nécessaire une mesure de détention provisoire, d'assignation à résidence ou de contrôle judiciaire pendant 3 jours.

- En cas de renvoi à l'issue de l'instruction, l'affaire serait jugée par le tribunal correctionnel du tribunal initialement compétent.

Il conviendra de prévoir, par voie réglementaire, comme cela a été fait pour les pôles de l'instruction (art. D. 15-4-1 à D. 15-4-3 du code de procédure pénale), les modalités d'échanges d'information entre les procureurs concernés pour permettre une application satisfaisante de ces règles.

Le mécanisme retenu paraît ainsi équilibré, en conciliant les attributions des différents procureurs, et assurant les justiciables sur le fait que seule l'instruction, et non le jugement après instruction, sera délocalisé.

Suppression de l'application des peines :

En matière d'application des peines, l'article 712-2 du code de procédure pénale est modifié afin que les magistrats chargés des fonctions d'application des peines puissent être affectés dans un ou plusieurs tribunaux de grande instance du département, sans maintenir cette spécialité dans toutes les juridictions d'un même département.

4.1.2 Juridictions d'appel

La spécialisation de certaines cours d'appel :

Le projet de loi prévoit d'expérimenter la possibilité de spécialiser des cours d'appel dans des matières civiles déterminées par décret en Conseil d'État.

L'impact juridique de cette possible spécialisation est limité, d'une part, en raison de son caractère expérimental et, d'autre part, dans la mesure où la spécialisation de certaines cours d'appel existe déjà dans l'ordonnancement juridique actuel, même si elle concerne essentiellement des recours formés contre des autorités administratives indépendantes ou des organes de régulation de professions judiciaires (articles L. 311-10 à L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire).

La présente disposition s'inscrit dans la même logique normative puisque le principe de cette spécialisation est inscrit dans la loi. Les matières ne sont certes pas directement désignées par le législateur, puisqu'il est renvoyé à un décret en Conseil d'État, mais la délégation au profit du pouvoir réglementaire est encadrée par une limitation du champ territorial de la disposition - l'échelon régional - et par l'exclusion de la matière pénale. Il reviendra ensuite au décret simple, conformément à l'équilibre habituel, de désigner les juridictions concernées par cette spécialisation.

L'animation et la coordination par certains chefs de cour d'appel :

Le projet de loi prévoit d'expérimenter la possibilité de confier à des chefs de cour d'appel, désignées par décret, des missions d'animation et de coordination des politiques partenariales et de justice pour un ressort s'étendant à celui de plusieurs cours d'appel situées dans une même région.

L'impact juridique de cette fonction d'animation est de coordination est limité. Le caractère expérimental de la disposition en réduit significativement la portée. L'absence d'autorité hiérarchique des chefs de cours désignés sur les autres chefs de cours laisse les équilibres statutaires intacts. Le respect de l'indépendance juridictionnelle est imposé par la disposition expérimentale.

Le niveau de norme législatif de la disposition résulte de son domaine large, qui peut inclure le champ juridictionnel, même si aucune injonction ne peut être délivrée à une juridiction.

4.2. IMPACTS SUR LES SERVICES JUDICIAIRES

4.2.1 Impacts sur les ressources humaines

La possibilité de spécialiser des juridictions s'accompagnera d'une politique des ressources humaines renouvelée. Une cohérence devra être recherchée entre les spécialisations des juridictions et la politique de nomination.

La réforme du maillage judiciaire a des conséquences sur l'organisation des greffes, résultant de nouvelles répartitions d'activités entre les juridictions de première instance. Elle conduit en particulier à revoir l'organisation du greffe et à repositionner les emplois de directeurs des services de greffe et de greffiers respectivement sur l'encadrement des tribunaux de grande instance et sur des emplois de chefs de service et de sites, traduisant un nouveau mode de management dans les greffes.

1.109 emplois sont aujourd'hui dédiés à l'activité d'encadrement des greffes dans les tribunaux de grande instance et dans les tribunaux d'instance, dont 955 directeurs (658 en tribunal de grande instance, 297 en tribunal d'instance) et 154 greffiers fonctionnels (71 en tribunal de grande instance et 83 en tribunal d'instance). Par ailleurs, 222 emplois sont dédiés à l'encadrement des greffes des conseils de prud'hommes (84 directeurs, 138 greffiers fonctionnels). Actuellement, le taux d'encadrement dans les tribunaux de grande instance est d'un directeur pour 18 agents, soit environ 5%. Par comparaison, il est de 28% dans la fonction publique d'Etat [ ( * )1] . On ne retrouve ce taux d'encadrement dans les services judiciaires que dans la structure des services administratifs régionaux. En incluant les emplois de greffier fonctionnel, le taux d'encadrement est de 1/16, soit environ 6%. Dans les tribunaux d'instance, ces taux sont plus faibles (respectivement 1/12 et 1/9 en incluant les greffiers fonctionnels). Ce ratio est à pondérer en raison des attributions spécifiques du directeur des services de greffe, qui ne peuvent être sauf exception déléguées dans les tribunaux d'instance (délivrance des certificats de nationalité, déclarations de nationalité).

La réforme, si elle n'induit aucune fermeture de sites, va toutefois devoir s'accompagner d'une évolution de l'organisation des greffes, chaque tribunal de grande instance étant en moyenne désormais constitué de 4 sites différents. Elle offre une opportunité de renforcer la polyvalence et l'efficience des greffes en permettant de lutter contre les difficultés rencontrées par les travailleurs isolés. Il en résulte une évolution des fonctions d'encadrement de proximité, qui devra intégrer une dimension de management sur sites distants. Le management à distance implique la mise en oeuvre de nouvelles méthodes de travail plus exigeantes en matière de règles de fonctionnement et de comportement. Sa mise en oeuvre devra être accompagnée par la formation des personnels encadrants à ce changement de pratique managériale. Les directeurs de greffe des tribunaux de grande instance se voient ainsi confier davantage de missions nécessitant de valoriser leur positionnement au sein des tribunaux de grande instance. Par ailleurs, cette évolution implique, du moins dans les premières années de la mise en oeuvre de la réforme (2020-2022), de stabiliser les effectifs d'encadrement des juridictions, afin de garantir un accompagnement de la réorganisation des greffes.

Dans ce contexte, il est donc prévu de maintenir tous les emplois d'encadrement dans les greffes pour soutenir l'activité des équipes en garantissant des conditions d'écoute et d'accompagnement au changement des agents. Cette mesure permet de faire évoluer l'organisation des greffes de façon à maintenir un niveau de qualité de service public performant.

Dès lors, à effectif d'encadrants constant, le taux d'encadrement moyen dans les arrondissements de tribunaux de grande instance serait de 1 pour 14, soit environ 7%, améliorant le ratio actuel des tribunaux d'instance. Cette amélioration reste toutefois faible en comparaison au niveau global d'encadrement dans la fonction publique. Cet objectif raisonnable d'amélioration du taux d'encadrement des directeurs des services de greffe permet en outre parallèlement de réduire progressivement la vacance des emplois de directeurs d'ici 2022 tout en tirant conséquence de la fusion des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance.

Cela rend cependant nécessaire de poursuivre le déploiement des emplois fonctionnels de greffiers par le positionnement de nouveaux emplois de greffiers fonctionnels afin de renforcer l'encadrement intermédiaire sur tous les sites. Actuellement, 400 emplois fonctionnels sont localisés correspondant à 224 emplois de chefs de greffe, tant dans les tribunaux d'instance de moins de 13 fonctionnaires que dans des conseils de prud'hommes de moins de 10 agents. Les autres emplois sont positionnés sur l'encadrement intermédiaire (chefs de service et responsables de service d'accueil unique du justiciable). De nouveaux emplois de greffiers fonctionnels contribueront à améliorer l'efficience de l'encadrement intermédiaire apporté dans les plus petites structures.

Dans le même temps, le renforcement de l'équipe accompagnant les chefs de cour et de juridiction dans leurs missions de pilotage doit être poursuivi.

La disparition du tribunal d'instance entraîne la disparition de la fonction spécialisée de juge d'instance. L'ensemble des juges d'instance devront donc faire l'objet d'une nouvelle nomination dans le cadre de la procédure prévue par l'article 31 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

S'agissant des juridictions de première instance, il s'agira dans un premier temps de procéder à une nouvelle nomination de l'ensemble des magistrats exerçant actuellement au sein de tribunaux d'instance. Ils étaient 757 magistrats et 31 juges du livre foncier au 1 er janvier 2018. Les juges exerçant dans un site autre que celui du tribunal de grande instance seront nommés spécifiquement sur ce site (il en sera de même pour les fonctionnaires). Cette nouvelle nomination ne modifie en rien leur activité.

Il s'agira, s'agissant des fonctions de l'instruction et de l'application des peines, de procéder également, à une nouvelle nomination des juges d'instruction ou des juges de l'application des peines dont les fonctions pourraient disparaître d'un tribunal de grande instance au profit d'un autre tribunal de grande instance du même département. Cette nouvelle nomination aura lieu conformément à la procédure prévue par les dispositions de l'article 31 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 précité. Le nombre de magistrats concernés dépendra de la désignation par décret des tribunaux de grande instance dans lesquels il n'y aura pas l'une ou l'autre de ces fonctions spécialisées dans les départements comptant plusieurs tribunaux de grande instance.

Le projet de loi prévoit que, dans les départements comprenant plusieurs tribunaux de grande instance, le procureur général peut confier à l'un des procureurs de la République le soin de représenter sous son autorité, l'ensemble des parquets dans le cadre de leur relations avec les autorités administratives du département, notamment pour la politique de prévention de la délinquance.

L'activité du parquet consacrée aux relations avec les autorités administratives du département est mesurée au travers de la déclaration annuelle faite par les juridictions qui distingue les ressources affectées à l'activité juridictionnelle et celles affectées à une fonction de soutien. La notion de soutien intègre les activités partenariales conduites par le parquet.

La départementalisation envisagée aura pour impact, dans ceux des départements comptant plusieurs tribunaux de grande instance, d'alourdir la charge du parquet qui sera chargé de la fonction de coordination et d'alléger d'autant celle du ou des autres parquets du ressort.

Le processus de spécialisation va dans un premier temps conduire à un renforcement du dialogue entre l'échelon régional et national. Ce n'est qu'à l'issue de ce long travail de dialogue sur la spécialisation proposée par les chefs de cour que les impacts sur les ressources humaines pourront être évalués et connus.

S'agissant des juridictions d'appel, l'expérimentation et le dialogue qui sera également mené entre le Ministère de la Justice et les Cours d'appel devraient permettre d'évaluer au plus près les conséquences sur les ressources humaines.

L'allocation de la prime de restructuration, instaurée par le décret n° 2008-366 du 17 avril 2008 instituant une prime de restructuration de service et une allocation d'aide à la mobilité du conjoint, sera à prévoir pour les agents qui seraient mutés du fait des restructurations qui seraient décidées en première instance ou en appel. Elle nécessitera de préciser les cas éligibles par arrêté.

4.2.2 Impacts informatiques

Pour la première instance, les impacts sur les applications informatiques varient en fonction de la nature du contentieux qui sera traité par les chambres détachées.

Etendre le périmètre de contentieux civil nécessite d'installer dans les chambres détachées les applications civiles du tribunal de grande instance (WINCI-TGI), et éventuellement d'étendre la communication électronique, ce qui représente des travaux importants. De même dans l'hypothèse où du contentieux pénal serait confié aux chambres détachées, des évolutions de Cassiopée sont à prévoir, notamment en matière éditique.

Le déploiement à compter de 2020 du portail des juridictions dans le cadre du projet PORTALIS et la mise à disposition d'une chaîne applicative moderne facilitera la mise en oeuvre du dispositif.

Pour les cours d'appel, les dispositions relatives à l'amélioration de l'animation et de la coordination sur plusieurs ressorts de cours d'appel n'ont pas d'impact sur les systèmes d'information.

L'expérimentation de la possibilité de spécialiser des cours d'appel dans certaines matières civiles déterminées par décret aura des impacts sur les applications civiles des tribunaux de grande instance et des cours d'appel. S'agissant de WINCI CA, application informatique utilisée dans les cours d'appel en matière civile, dès lors que la spécialisation d'une cour dans une matière déterminée ne pourra concerner que les appels enregistrés après une date donnée, sans reprise du stock, l'impact est faible pour le système d'information.

La communication électronique civile devra être accessible au-delà du ressort de la cour d'appel nécessitant des adaptations techniques d'ores et déjà entreprises.

4.2.3 Impacts immobiliers

Les chefs de cours, en lien avec les chefs de juridictions, sont chargés de proposer l'organisation la plus adéquate dans les départements de leur ressort comportant plusieurs tribunaux de grande instance afin d'adapter au mieux l'organisation judiciaire à la réalité du besoin de justice sur un territoire donné. La spécialisation de certaines juridictions va conduire au renforcement en magistrats et fonctionnaires sur certaines implantations qui va occasionner des extensions ou restructurations immobilières.

L'expérimentation de l'extension du ressort de plusieurs cours d'appel en confiant à la fois des pouvoirs d'animation et de coordination à un Premier président et un Procureur général du ressort élargi et en permettant la spécialisation de certaines de ces cours va conduire également à la nécessité de redimensionner et restructurer certaines implantations immobilières pour accueillir le transfert de magistrats et fonctionnaires.

Ces évolutions pourront impliquer dans un certain nombre de cas des locations supplémentaires, au moins à titre transitoire, et plus généralement des travaux immobiliers. Une enveloppe d'environ 400 M€ est prévue dans le budget quinquennal pour financer ces dépenses immobilières et les dépenses de fonctionnement associées. Les travaux pourront constituer en des rénovations de locaux pour les rendre plus fonctionnels en fonction des contentieux traités ou pour accroître leur capacité. La programmation d'opérations de construction neuve conduites par l'agence pour l'immobilier de la justice sera également nécessaire.

4.3. IMPACTS SOCIAUX

Le présent projet simplifie l'organisation judiciaire et assure un traitement plus efficace des contentieux. Il répond dès lors mieux au besoin de justice des citoyens.

La mise en place d'une juridiction unique en première instance garantit une meilleure lisibilité de l'organisation judiciaire pour les justiciables grâce à une architecture simplifiée. Les justiciables n'auront plus à s'interroger sur la juridiction du premier degré matériellement compétente. La réforme permettra ainsi au justiciable qui envisagera d'engager une instance civile de se présenter dans n'importe quel greffe du ressort de l'arrondissement judiciaire dans lequel se trouve le tribunal de grande instance. Il n'aura plus à identifier formellement la juridiction auprès de laquelle il a l'intention de porter son litige.

En maintenant l'ensemble des sites judiciaires existants, le projet répond également à un besoin prééminent de proximité de la justice. Les chambres instituées, dénommées « tribunaux d'instance » permettent de maintenir le jugement des litiges du quotidien au plus proche des justiciables.

Enfin, la spécialisation de certaines juridictions permettra assurément d'accroître la qualité des décisions rendues et la fonction d'animation et de coordination confiée à certains chefs de cours à titre expérimental d'accroître la qualité des politiques de justice conduites, notamment avec les partenaires de l'institution judiciaire.

5. CONSULTATIONS MENÉES ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATIONS MENÉES

Le comité technique des services judiciaires a été consulté le 4 avril 2018 sur ces articles et a émis un avis défavorable.

La commission permanente d'études a également été consultée le 28 mars à titre facultatif.

5.2. APPLICATION DANS LE TEMPS

La présente loi entrera en vigueur le 31 décembre 2019.

Un délai de 18 mois à compter de la promulgation de la loi a été fixé pour permettre au Gouvernement et au législateur de tirer les conséquences dans les textes et codes en vigueur par ordonnance de la substitution du tribunal de grande instance au tribunal de grande instance et au tribunal d'instance et des aménagements pouvant être apportés à la compétence matérielle de certains tribunaux de grande instance au sein d'un département. Ce délai est justifié par l'ampleur des dispositions de coordination à créer, modifier ou supprimer, dont le nombre est très important.

S'agissant des mesures transitoires, les dispositions de l'article R. 221-2 du code de l'organisation judiciaire visent précisément à régler le sort des procédures introduites avant la date de fermeture des juridictions supprimées.

5.3. APPLICATION DANS L'ESPACE

En matière d'organisation judiciaire, le principe d'identité législative s'applique sans mention expresse dans les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon (LO. 6413-1 CGCT), Saint-Martin (LO. 6313-1) et Saint-Barthélemy (LO. 6213-1 CGCT).

Le titre VI s'appliquera ainsi à Saint-Martin dont le tribunal d'instance sera fusionné avec le tribunal de grande instance de Basse-Terre, et par voie de conséquence à Saint-Barthélemy qui est sur le ressort du TI de Saint-Martin.

En revanche, de fait ils ne s'appliqueront pas à Saint-Pierre-et-Miquelon qui possède un tribunal de première instance et un tribunal supérieur d'appel.

5.4. TEXTES D'APPLICATION

Des décrets en Conseil d'État seront nécessaires pour déterminer :

- les matières civiles, les délits et contraventions pouvant faire l'objet d'une spécialisation d'un tribunal de grande instance,

- les cas de renvoi à la formation collégiale pour les affaires portées devant le tribunal de grande instance,

- les matières civiles dont peuvent connaître les cours d'appel spécialisées,

- la désignation des chefs de cours d'appel exerçant des fonctions de coordination et d'animation,

- la désignation des cours d'appel spécialisées.

Des décrets simples seront nécessaires pour fixer :

- les tribunaux de grande instance compétents sur un département pour connaître de certaines matières civiles et certains délits ou contraventions,

- les modalités de fonctionnement des chambres détachées dénommées « tribunaux d'instance »,

- les modalités du service du livre foncier,

- les tribunaux de grande instance dans un département dans lesquels il n'y aura pas de juge d'instruction,

- les tribunaux de grande instance dans lesquels un ou plusieurs magistrats du siège seront chargés des fonctions du juge d'application des peines.


* 1 Ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011 portant transposition de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale.

* 2 l oi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires

* 3 En cas de saisine du tribunal d'instance par déclarations au greffe.

* 4 Cette obligation n'existe pas en en cas d'homologations d'accord, d'existence d'une tentative de résolution amiable, de motif légitime.

* 5 Source :Chiffres clefs de la justice 2017

* 6 Voir également le considérant 12 de la directive : « Il est nécessaire de préciser la notion de règle technique de facto. Notamment, les dispositions par lesquelles l'autorité publique se réfère à des spécifications techniques ou à d'autres exigences, ou incite à leur observation, ainsi que les dispositions visant des produits auxquelles l'autorité publique est associée, dans un but d'intérêt public, ont pour effet de conférer au respect desdites spécifications ou exigences une valeur plus contraignante que celle qu'elles auraient normalement en raison de leur origine privée. »

* 7 Article 8 de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 octobre 2017 :

« Après l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, sont insérés deux articles 4-2 et 4-3 ainsi rédigés :

« Art. 4-2. - Les personnes proposant, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne fournissant des prestations d'aide à la résolution amiable des litiges respectent des obligations d'information préalable, d'impartialité, de compétence, de diligence et, sauf accord contraire des parties, de confidentialité précisées par un décret en Conseil d'État.

« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, pour une personne physique ou pour le dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale exerçant l'activité définie au premier alinéa, de ne pas avoir respecté les prescriptions de ce même premier alinéa.

« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de ces infractions dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal. Elles encourent une peine d'amende, suivant les modalités prévues à l'article 131-38 du même code, ainsi que les peines mentionnées aux 2° et 9° de l'article 131-39 dudit code. L'interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 est prononcée pour une durée maximale de cinq ans et porte sur l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise.

« Art. 4-3. - Il est institué un service public gratuit en ligne d'aide à la résolution amiable des litiges, conforme aux prescriptions du premier alinéa de l'article 4-1. »

* 8 Sont concernés les avocats, notaires, courtiers de marchandises assermentés, administrateurs et mandataires judiciaires.

* 9 Rapport portant amélioration et simplification de la procédure civile de Madame Frédérique Agostini et de Monsieur Nicolas Molfessis remis à la garde des sceaux le 15 janvier 2018

* 10 Ne sont pas concernées les demandes relatives à l'exécution d'une décision d'expulsion, et les demandes de liquidation d'astreinte visées plus haut qui resteront sans représentation obligatoire.

* 11 Il s'agit de l'autorité des marchés financiers, l'autorité de la concurrence, la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d'auteur et des droits voisins, la haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet et l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

* 12 2016-560 QPC, 8 septembre 2016

* 13 Source : Secrétariat général/ Sous-direction de la statistique et des études

* 14 Source : infocentre Pharos.

* 15 Civ.1 4 juin 2009 « Mais attendu que malgré l'abrogation de l'ordonnance de la marine d'août 1681, la formalité de la légalisation des actes de l'état civil établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France demeure, selon la coutume internationale et sauf convention contraire , obligatoire ».

* 16 Art. 2 de la Convention de la Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers, art. 1 er de la Convention européenne du 7 juin 1968 relatives à la suppression de la légalisation des actes établis par les agents diplomatiques ou consulaires, art. 3 de la Convention relative à la suppression de la légalisation des actes dans les Etats membres des communautés européennes faite à Bruxelles le 25 mai 1987, art. 1er de la convention de la Commission internationale de l'état civil n°17 portant dispense de légalisation pour certains actes et documents signée à Athènes le 15 septembre 1977.

* 17 Art. 2 du décret n° 2007-1205 du 10 août 2007 relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères, des ambassadeurs et des chefs de poste consulaire en matière de légalisation d'actes.

* 18 Infostat Justice n° 117 de mai 2012, « Divorces : une procédure à deux vitesses ».

* 19 Par exemple : contestation de la décision de l'employeur refusant le bénéfice du congé de représentation (article L. 3142-45) ; saisine du président du tribunal de grande instance de Paris par le président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne aux fins de voir ordonnée, en la forme des référés, toute mesure permettant la cessation de toute publicité en faveur d'un site de paris ou de jeux d'argent et de hasard non autorisé en vertu d'un droit exclusif ou de l'agrément prévu à l'article 21 ou en contravention avec le titre II du livre III du code de la sécurité intérieure (article 57 de la loi ° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne) ; décision du président du tribunal de grande instance ordonnant, sur demande motivée du président ou du secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers, peut qu'une personne mise en cause soit astreinte à consigner une somme d'argent (article L. 621-13 du code monétaire et financier).

* 20 Convention relative aux droits des personnes handicapées et Protocole facultatif, 13 décembre 2006.

Décret n° 2010-356 du 1 er avril 2010 portant publication de la convention relative aux droits des personnes handicapées (ensemble un protocole facultatif), signée à New York le 30 mars 2007.

* 21 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 20 décembre 2017, n°16-27.507.

* 22 CE, décision Couiétas, 30 novembre 1923

* 23 « L'open data des décisions de justice" - rapport de la mission d'étude et de préfiguration sur l'ouverture au public des décisions de justice (novembre 2017).

* 24 CE. Ass. 4 oct. 1974, Dame David, Rec. 464, concl. Gentot : « considérant que la publicité des débats judiciaires est un principe général du droit ; qu'il n'appartient dès lors qu'au législateur d'en déterminer, d'en étendre ou d'en restreindre les limites ; que le 2 ème alinéa de l'article 83 qui confère au président du tribunal, seul, le droit de décider que les débats auront lieu en chambre du conseil s'il doit résulter de leur publicité une atteinte à l'intimité de la vie privée, ou si des parties le demandent, ou s'il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice, apporte des restrictions à ce principe et ne pouvait par suite, être édicté que par le pouvoir réglementaire ; que la dame X..., journaliste de chroniques judiciaires, est donc fondée à en demander l'annulation ».

* 25 Voir décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006, Loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social, cons. 24 ; décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, Loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, cons. 4 ; décision n° 2013-356 QPC du 29 novembre 2013.

* 26 Cons. const., 23 juill. 1999, n° 99-416 DC, cons. 45.

* 27 Il est rappelé ici que le Conseil constitutionnel juge de façon constante que la Constitution n'a pas entendu frapper d'inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi. Voir en ce sens les décisions n° 82-143 DC, 30 juillet 1982, Blocage des prix et des revenus, considérant 97 ; n° 2012-649 DC, 15 mars 2012, Loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives, considérant 10.

* 28 CEDH, 8 décembre 1983, n° 7984.77 Pretto et autres contre Italie

* 29 Voir le premier alinéa de l'article L. 312-1-2 : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L. 312-1 ou L. 312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d'application des articles L. 311-5 ou L. 311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant d'occulter ces mentions » et l'article L. 311-7 : « Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions . ».

* 30 L'article 4 du règlement (UE) 2016/679 définit la pseudonymisation comme « le traitement de données à caractère personnel de telle façon que celles-ci ne puissent plus être attribuées à une personne concernée précise sans avoir recours à des informations supplémentaires, pour autant que ces informations supplémentaires soient conservées séparément et soumises à des mesures techniques et organisationnelles afin de garantir que les données à caractère personnel ne sont pas attribuées à une personne physique identifiée ou identifiable ; ». Le considérant 26 du règlement précise que « Pour déterminer si une personne physique est identifiable, il convient de prendre en considération l'ensemble des moyens raisonnablement susceptibles d'être utilisés par le responsable du traitement ou par toute autre personne pour identifier la personne physique directement ou indirectement, tels que le ciblage. Pour établir si des moyens sont raisonnablement susceptibles d'être utilisés pour identifier une personne physique, il convient de prendre en considération l'ensemble des facteurs objectifs, tels que le coût de l'identification et le temps nécessaire à celle-ci, en tenant compte des technologies disponibles au moment du traitement et de l'évolution de celles-ci. ». En cela, la pseudonymisation se distingue l'anonymisation.

* 31 Le règlement n'est à ce titre pas applicable « aux informations anonymes, à savoir les informations ne concernant pas une personne physique identifiée ou identifiable ni aux données à caractère personnel rendues anonymes de telle manière que la personne concernée ne soit pas ou plus identifiable » (considérant 26). « Est réputée être une «personne physique identifiable» une personne physique qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un identifiant, tel qu'un nom, un numéro d'identification, des données de localisation, un identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale » (art. 4 du règlement).

* 32 Voir également la décision du 8 février 2017 par laquelle le Conseil d'Etat a jugé qu'il résulte de la définition de la donnée personnelle donnée par les dispositions de l'article 2 de la loi n° 78-753 du 6 janvier 1978, qu'une telle donnée ne peut être regardée comme rendue anonyme que lorsque l'identification de la personne concernée, directement ou indirectement, devient impossible que ce soit par le responsable du traitement ou par un tiers. Tel n'est pas le cas lorsqu'il demeure possible d'individualiser une personne ou de relier entre elles des données résultant de deux enregistrements qui la concernent (CE, 8 février 2017, n° 393714).

* 33 Les articles 11-1, 11-2 et 11-3 a été introduit dans la loi du 5 juillet 1972 par la loi n° 75-596 du 9 juillet 1975 portant diverses dispositions relatives à la réforme de la procédure civile, suite à l'arrêt Dame David rendu le 4 octobre 1974 par l'assemblée générale du Conseil d'Etat, annulant une disposition réglementaire octroyant au président du tribunal la possibilité d'écarter la publicité des débats s'il doit en résulter une atteinte à l'intimité de la vie privée ou si toutes les parties le demandent, ou s'il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice. Le Conseil d'Etat a, en effet, considéré que la publicité des débats judiciaires est un principe général du droit auquel seul le législateur peut apporter des restrictions. Jean Foyer, député, président de la commission des lois et président de la commission de révision de la procédure civile a ainsi déposé une proposition de loi (n° 433). L'article 11-1 traite de la publicité des débats, tandis que les articles 11-2 et 11-3 précisent la double signification du principe de la publicité des jugements : d'une part, les jugements sont prononcés publiquement [article 11-2], d'autre part, les tiers sont en droit de s'en faire délivrer copie [article 11-3]. (Sur ce dernier point, voir notamment le rapport supplémentaire de Jean Foyer, annexe au procès-verbal de la séance du 6 juin 1975).

* 34 Cet usage peut se justifier au regard de l'article 1082-1 du code de procédure civile qui dispose, en matière de divorce, qu'« il est justifié, à l'égard des tiers, d'un divorce ou d'une séparation de corps par la seule production d'un extrait de la décision l'ayant prononcé ne comportant que son dispositif ». Il a également pu trouver une justification dans les règles issues de l'article 39 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse limitant la publication des décisions rendues dans certaines matières à leur seul dispositif.

* 35 CE, 1er décembre 1993, n° 95048, aux tables.

* 36 Décision n° 2016-739 DC du 17 novembre 2016, considérant 15 à 20.

* 37 Voir les articles 1 et 2 du décret n° 2018-101 du 16 février 2018 portant expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux.

* 38 L'article 1 er -II-3° du décret n° 2018-101 du 16 février 2018 ainsi que l'arrêté du 2 mars 2018 déterminent les circonscriptions départementales au sein desquelles les collectivités territoriales peuvent recourir à la médiation.

* 39 Arrêté du 1 er mars 2018 relatif à l'expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique de l'éducation nationale ; arrêté du 2 mars 2018 relatif à l'expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de la fonction publique territoriale  ; arrêté du 6 mars 2018 relatif à l'expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges sociaux.

* 40 Voir la définition de l'honorariat donnée par le centre national de ressources textuelles et lexicales.

* 41 L'article L. 231-1 du code de justice administrative prévoit que « Sous réserve des dispositions du présent titre, les dispositions statutaires de la fonction publique de l'Etat s'appliquent aux membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. »

* 42 Article L. 222-2 du code de justice administrative : « Lorsque la participation d'un magistrat de tribunal administratif à une commission est prévue, la désignation peut porter sur un magistrat de cour administrative d'appel. / Si la disposition prévoit que la désignation est faite par le président du tribunal administratif ou sur sa proposition, celui-ci peut demander au président de la cour administrative d'appel du ressort de désigner ou de proposer un magistrat de la cour. / Dans tous les cas où la participation d'un magistrat de tribunal administratif ou de cour administrative d'appel à une commission est prévue, la désignation peut porter sur un magistrat honoraire ».

* 43 Arrêté NOR: AFSP1626332A, du 15 novembre 2016 fixant la liste des médiateurs pouvant être désignés par le juge saisi d'une action de groupe, pris en application de l'article L. 1143-7 du code de la santé publique.

* 44 Art. 41-25 et suivants de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 45 Conseil constitutionnel, décision n° 94-355 DC du 10 janvier 1995.

* 46 Décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016.

* 47 Rapport d'activité public du Conseil d'Etat 2017, p.70

* 48 « Les tribunaux administratifs peuvent délibérer en se complétant, en cas de vacance ou d'empêchement, par l'adjonction d'un magistrat appartenant à un autre tribunal administratif ».

* 49 « En cas de nécessité d'un renforcement ponctuel et immédiat des effectifs d'un tribunal administratif, le vice-président du Conseil d'Etat peut déléguer, avec son accord, un magistrat affecté auprès d'une autre juridiction administrative, quel que soit son grade, afin d'exercer, pour une durée déterminée, toute fonction juridictionnelle auprès de ce tribunal. / L'ordonnance du vice-président précise le motif et la durée de la délégation ainsi que la nature des fonctions qui seront exercées par le magistrat délégué. / Un décret en Conseil d'Etat fixe le nombre et la durée des délégations qui peuvent ainsi être confiées à un magistrat au cours de la même année. »

* 50 Jusqu'à l'âge limite de soixante-quinze ans.

* 51 Rapport annuel 2017 de la Cour nationale du droit d'asile.

* 52 Article L. 122-2 et L. 227-1 du code de justice administrative.

* 53 Art. L. 123-4 du code de l'organisation judiciaire.

* 54 Articles R. 123-30 à R. 123-39 du même code.

* 55 La limite d'âge est de soixante-sept ans, en application de l'article premier de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public

* 56 Loi organique n°2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.

* 57 Articles L. 131-1 et L. 231-1 du code de justice administrative.

* 58 CE 19 mars 1997, SA Entreprise générale des terrassements et de travaux publics et autre, n o 163293, s'agissant d'un référé précontractuel. Le Conseil d'Etat juge ainsi que : « Considérant qu'en confiant au président du tribunal administratif ou au magistrat qu'il délègue le pouvoir de prendre, en la forme des référés, différentes mesures en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public, le législateur a entendu, non instituer une juridiction nouvelle, distincte du tribunal administratif et dotée d'une compétence propre, mais seulement organiser, dans le cadre de ce tribunal, une procédure particulière dans laquelle, en raison de l'urgence et de la nature de la demande, le président du tribunal ou le magistrat qu'il délègue est autorisé à statuer aux lieux et place du tribunal ; que l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives ne fait donc pas obstacle à ce que le président ou le magistrat qu'il délègue renvoie au tribunal administratif le jugement des demandes qui lui sont présentées ; ».

* 59 Troisième alinéa de l'article L. 511-2 du code de justice administrative : « Lorsque la nature de l'affaire le justifie, le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux peut décider qu'elle sera jugée, dans les conditions prévues au présent livre, par une formation composée de trois juges des référés, sans préjudice du renvoi de l'affaire à une autre formation de jugement dans les conditions de droit commun. »

* 60 L. 911-1 du code de justice administrative

* 61 CE, 29 juin 2001, Vassilikiotis n°213229 : Considérant, d'autre part, que, dans l'attente que cette réglementation complémentaire soit édictée, l'annulation prononcée par la présente décision a nécessairement pour effet d'interdire aux autorités nationales d'empêcher l'exercice, par un ressortissant communautaire, de la profession de guide dans les musées et monuments historiques au motif qu'il ne posséderait pas les titres et diplômes requis par le décret du 15 juin 1994 et l'arrêté du 15 avril 1999 ; qu'il appartient aux autorités compétentes, jusqu'à ce que l'arrêté du 15 avril 1999 ait été complété dans les conditions exposées ci-dessus, de délivrer aux ressortissants communautaires qui en font la demande, une carte professionnelle, en décidant, au cas par cas, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les titres et les diplômes présentés peuvent être considérés comme offrant, du point de vue des intérêts généraux que l'article 13 de la loi du 13 juillet 1992 a pour objet de sauvegarder, des garanties équivalentes à celles qui résultent de la possession des titres et diplômes français.

* 62 En application des dispositions de l'article L. 911-5 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat dispose du pouvoir de décider d'une astreinte d'office.

* 63 « Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.
Le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.
»

* 64 Article 63 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 65 Décret n° 2015-646 du 10 juin 2015 relatif à la Commission du contentieux du stationnement payant ; Décret n° 2017-1525 du 2 novembre 2017 modifiant les dispositions réglementaires du code général des collectivités territoriales relatives à la redevance de stationnement des véhicules sur voirie et à la commission du contentieux du stationnement payant.

* 66 Article L. 2333-87-5 du code général des collectivités territoriales.

* 67 Décret n° 2017-1525 du 2 novembre 2017 modifiant les dispositions réglementaires du code général des collectivités territoriales relatives à la redevance de stationnement des véhicules sur voirie et à la commission du contentieux du stationnement payant.

* 68 Source : Projection du ministère de l'intérieur basée sur les données 2014,

* 69 Cet article prévoit que « Pour l'application des dispositions relatives à l'amende forfaitaire, le lieu du traitement automatisé des informations nominatives concernant les constatations effectuées par ou à partir des appareils de contrôle automatisé est considéré comme le lieu de constatation de l'infraction. » Il permet ainsi à l'officier du ministère public de Rennes, où se trouve ce traitement, d'être compétent pour traiter les amendes forfaitaires.

* 70 Source : chiffres-clés de la Justice.

* 71 Ne sont pas ici évoqués les possibilités de procéder à ces actes aux cours de procédures spécifiques de recherche des cause de la mort ou d'une disparition, ou de recherche d'une personne en fuite (articles 74, 74-1 , 74-2 et 80-4 du code de procédure pénale).

* 72 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 : Ces dispositions « ne s'appliquent que pour la recherche des auteurs des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 ; qu'elles doivent être exigées par les besoins de l'enquête et autorisées par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance, à la requête du procureur de la République ; que cette autorisation est délivrée pour une durée maximale de quinze jours, qui n'est renouvelable qu'une fois, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention ; (...) par ailleurs, que demeurent applicables les garanties procédurales requises pour l'utilisation de tels procédés dans le cadre de l'instruction, s'agissant des autres types d'infractions ; (...) dans ces conditions, les dispositions critiquées ne portent une atteinte excessive ni au secret de la vie privée ni à aucun autre principe constitutionnel ».

* 73 Décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014.

* 74 Article 230-32 du code de procédure pénale. Seule la durée de la géolocalisation diffère entre l'enquête et l'instruction, conformément à l'article 230-33 du code de procédure pénale.

* 75 Dans cette annexe, se trouve une liste inspirée des infractions pour lesquelles il n'y a pas de contrôle de double incrimination pour le mandat d'arrêt européen.

* 76 Modification des cadres d'enquêtes et des articles dans les procès-verbaux réalisés au sein de la plateforme nationale des interceptions judiciaires..

* 77 Articles 706-95-4, 706-96, 706-102-1 du code de procédure pénale.

* 78 Articles 706-102-3, 706-95-5, 706-98 et 706-95-4 du code de procédure pénale.

* 79 Articles 706-1-1 et 706-1-2 ,706-72 du code de procédure pénale.

* 80 A titre d'exemple, la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a ajouté les crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, tandis que les lois n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme ont étendu leur application à certaines infractions économiques et informatiques.

* 81 A titre d'exemple, l'article L. 130-7 du code de la route prévoit que les agents non assermentés qui ont compétence pour constater par procès-verbal certaines contraventions doivent prêter serment devant le juge du tribunal d'instance et renouveler ce serment à chaque changement de lieu d'affectation.

* 82 Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011: « 59. Considérant qu'il résulte de l'article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire ; qu'à cette fin, le code de procédure pénale, notamment en ses articles 16 à 19-1, assure le contrôle direct et effectif de l'autorité judiciaire sur les officiers de police judiciaire chargés d'exercer les pouvoirs d'enquête judiciaire et de mettre en oeuvre les mesures de contrainte nécessaires à leur réalisation ; que l'article 20 du code de procédure pénale fixe la liste des agents de police judiciaire chargés « de seconder, dans l'exercice de leurs fonctions, les officiers de police judiciaire ; de constater les crimes, délits ou contraventions et d'en dresser procès-verbal ; de recevoir par procès-verbal les déclarations qui leur sont faites par toutes personnes susceptibles de leur fournir des indices, preuves et renseignements sur les auteurs et complices de ces infractions » ; que l'exigence de direction et de contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire ne serait pas respectée si des pouvoirs généraux d'enquête criminelle ou délictuelle étaient confiés à des agents qui, relevant des autorités communales, ne sont pas mis à la disposition des officiers de police judiciaire ;

60. Considérant que l'article 78-2 du code de procédure pénale prévoit les cas dans lesquels les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire et les fonctionnaires des services actifs de police nationale ne remplissant pas les conditions prévues pour être agents de police judiciaire peuvent procéder à des contrôles et des vérifications d'identité dans le cadre de leur mission de police judiciaire ou sur réquisition écrite du procureur de la République ; qu'en confiant également ce pouvoir aux agents de police municipale, qui, relevant des autorités communales, ne sont pas mis à la disposition des officiers de police judiciaire, l'article 92 méconnaît l'article 66 de la Constitution ; que, par suite, il doit être déclaré contraire à la Constitution ; »

* 83 Crim 18 novembre 2014 bull.2014 n°241, Crim 20 octobre 2015 n°13-87.079, Crim 24 juin 2015 n°14-86.731.

* 84 En flagrance, la présentation préalable de la personne gardée à vue était laissée à l'appréciation du procureur de la République : article 2. I. « La garde à vue des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction peut être prolongée d'un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, par autorisation écrite du procureur de la République. Ce magistrat peut subordonner cette autorisation à la présentation préalable de la personne gardée à vue. ». En matière préliminaire, elle était obligatoire, sauf exception : article 5.I « Le procureur de la République peut, avant l'expiration du délai de vingt-quatre heures, prolonger la garde à vue d'un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus. Cette prolongation ne peut être accordée qu'après présentation préalable de la personne à ce magistrat. Toutefois, elle peut, à titre exceptionnel, être accordée par décision écrite et motivée sans présentation préalable de la personne. »

* 85 « Considérant que la rétention autorisée par la disposition contestée n'est permise que lorsque la comparution le jour même s'avère impossible ; qu'en réservant la mise en oeuvre de cette mesure aux « cas de nécessité », le législateur a entendu répondre, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, à des contraintes matérielles résultant notamment de l'heure à laquelle la garde à vue prend fin ou du nombre des personnes déférées ; que, s'il appartient aux autorités compétentes, sous le contrôle des juridictions, de justifier des circonstances nécessitant la mise en oeuvre de cette mesure de contrainte dérogatoire, la méconnaissance éventuelle de cette exigence n'entache pas d'inconstitutionnalité les dispositions contestées ;

Considérant que la privation de liberté instituée par la disposition contestée est strictement limitée à vingt heures suivant la levée de la garde à vue ; qu'elle n'est pas applicable lorsque la garde à vue a duré plus de soixante-douze heures en application de l'article 706-88 du code de procédure pénale ; que les deuxième et troisième alinéas de l'article 803-3 garantissent à la personne retenue le droit de s'alimenter, de faire prévenir un proche, d'être examinée par un médecin et de s'entretenir à tout moment avec un avocat ; qu'il impose la tenue d'un registre spécial mentionnant notamment l'identité des personnes retenues, leurs heures d'arrivée et de conduite devant le magistrat ».

* 86 « Considérant, en troisième lieu, que l'article 803-3 du code de procédure pénale se borne à placer la surveillance du local dans lequel la personne est retenue sous le contrôle du procureur de la République ; que la protection de la liberté individuelle par l'autorité judiciaire ne serait toutefois pas assurée si le magistrat devant lequel cette personne est appelée à comparaître n'était pas mis en mesure de porter une appréciation immédiate sur l'opportunité de cette rétention ; que, dès lors, ce magistrat doit être informé sans délai de l'arrivée de la personne déférée dans les locaux de la juridiction ».

* 87 Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993, Loi modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme du code de procédure pénale

* 88 Article 78 du code de procédure pénale

* 89 Articles 56 et 76 du code de procédure pénale

* 90 Articles 55-1, 60, 60-1, 60-2 du code de procédure pénale pour la flagrance, et pour l'enquête préliminaire, les articles 76-2, 77-1, 77-1-1 et 77-1-2 du code de procédure pénale.

* 91 Article 61 du code de procédure pénale

* 92 Depuis la loi du 14 avril 2011, les officiers de police judiciaire peuvent désormais, non seulement en flagrance mais également lors d'une enquête préliminaire, se transporter dans le ressort des tribunaux limitrophes aux fins de poursuivre leurs investigations.

* 93 Articles 706-89 et 706-90 du code de procédure pénale (sauf en matière de terrorisme).

* 94 Jurisprudence du Conseil constitutionnel fondée sur les articles 66 de la Constitution et 2 et 9 de la DDHC : la liberté individuelle de tout homme présumé innocent, dont la protection est confiée à l'autorité judiciaire, ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire ; les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ; il convient d'assurer la conciliation entre la prévention des atteintes à l'ordre public et le respect des droits et libertés, parmi lesquels figurent le droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l'inviolabilité du domicile.

* 95 Le Conseil déclare la possibilité de réaliser des perquisitions de nuit en préliminaire contraire à la Constitution, puisque ces perquisitions auraient pu être effectuées pendant une période qui n'est pas déterminée par la loi, dans tout lieu, y compris dans les locaux servant exclusivement à l'habitation, et à la seule discrétion du procureur de la République, ou sous son contrôle, des officiers et agents de police judiciaire, ce qui était de nature à entraîner des atteintes excessives à la liberté individuelle.

* 96 Le Conseil ne valide les perquisitions de nuit dans le cadre d'une enquête préliminaire que dans des locaux autres que d'habitation.

* 97 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, considérant 43 à 47.

* 98 « 6. Considérant que le premier alinéa de l'article 78 est applicable à toutes les personnes convoquées par un officier de police judiciaire pour les nécessités de l'enquête ; que, par suite, cet article est applicable aussi bien aux personnes à l'encontre desquelles il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction qu'aux simples témoins, spécialement visés par le deuxième alinéa de cet article ;

7. Considérant, d'une part, qu'en imposant que toute personne convoquée par un officier de police judiciaire soit tenue de comparaître et en prévoyant que l'officier de police judiciaire puisse, avec l'autorisation préalable du procureur de la République, imposer cette comparution par la force publique à l'égard des personnes qui n'y ont pas répondu ou dont on peut craindre qu'elles n'y répondent pas, le législateur a assuré entre la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infraction, d'une part, et l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, d'autre part, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ;

8. Considérant, d'autre part, qu'il résulte nécessairement des dispositions du premier alinéa de l'article 78 du code de procédure pénale qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction peut être entendue par les enquêteurs en dehors du régime de la garde à vue dès lors qu'elle n'est pas maintenue à leur disposition sous la contrainte ;

9. Considérant que, toutefois, le respect des droits de la défense exige qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de celle-ci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, ne puisse être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie ; que, sous cette réserve applicable aux auditions réalisées postérieurement à la publication de la présente décision, les dispositions du premier alinéa de l'article 78 du code de procédure pénale ne méconnaissent pas les droits de la défense ;

10. Considérant que les dispositions de l'article 78 du code de procédure pénale ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; qu'elles doivent être déclarées conformes à la Constitution ; »

* 99 « 2. Considérant que, selon le requérant, ces dispositions sont contraires au principe d'égalité devant la loi en ce qu'elle réservent à certaines personnes intéressées par une procédure pénale la possibilité de demander sa transmission au procureur de la République d'une juridiction limitrophe ; qu'elles porteraient également atteinte au droit au procès équitable ainsi qu'aux droits de la défense en tant qu'elles créeraient un privilège de juridiction au bénéfice des seules personnes qu'elles désignent ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi est « la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ;

4. Considérant que, d'une part, lorsque le procureur de la République est saisi de faits mettant en cause une personne désignée par les dispositions contestées, qui est habituellement en relation avec les magistrats ou les fonctionnaires de sa juridiction, ces dernières prévoient que le procureur général peut d'office transmettre cette procédure au procureur de la République d'une autre juridiction du ressort de la même cour d'appel ; que, d'autre part, cette décision du procureur général est une mesure d'administration judiciaire qui n'est susceptible d'aucun recours ; que les dispositions contestées n'empêchent pas toute personne intéressée de porter à la connaissance du procureur de la République ou du procureur général le motif qui pourrait justifier la transmission de la procédure ; que, dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance du principe d'égalité ainsi que de la violation du droit au procès équitable manquent en fait ;

5. Considérant que le deuxième alinéa de l'article 43 du code de procédure pénale n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; »

* 100 CEDH, 25 févr. 1993, Funke c/ France.

* 101 Même arrêt.

* 102 Art. 70 et 77-4 du code de procédure pénale (par le renvoi à l'article 134 du code de procédure pénale).

* 103 Cass, Ch. Réun. 24 avril 1961, Bull crim n°222 : « la victime d'une infraction qui s'est constituée partie civile a la possibilité de mettre l'action publique en mouvement en usant de la voie de la citation directe à l'égard des personnes qui n'ont pas été l'objet de l'instruction ».

* 104 Cass. Crim., 30 juin 1999, Bull. crim . n° 176.

* 105 La procédure de témoin assisté est prévue par les articles 113-1 et suivants du code de procédure pénale, aux termes notamment desquels toute personne nommément visée par un réquisitoire introductif ou par un réquisitoire supplétif et qui n'est pas mise en examen ne peut être entendue que comme témoin assisté.

* 106 Articles 221-3 et 706-122 du code de procédure pénale

* 107 Cf infra §1.3. Cadre constitutionnel

* 108 Cass. crim., 24 oct. 1989, n° 85-91.647 , Cass. crim., 26 mai 1992, n° 91-84.187 , Cass. crim., 11 avr. 2012, n° 11-86.331 , Cass. crim., 2 nov. 2016, n° 16-82.328 .

* 109 42% de ces détentions provisoires ont été ordonnées au cours d'une procédure d'instruction.

* 110 43% de ces contrôles judiciaires ont été ordonnés au cours d'une procédure d'instruction.

* 111 291 en assignation à résidence sous surveillance électronique et 1 en assignation à résidence sous surveillance électronique mobile.

* 112 Réquisitions n'ayant pas fait l'objet d'une annulation.

* 113 Cette procédure serait encore plus simple que celle de l'art. 180-1 du code de procédure pénale qui prévoit une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité après la procédure de règlement.

* 114 Arrêt n° 4011 du 28 juin 2011, pourvoi n°11-82273.

* 115 Considérants 82 et 83.

* 116 Avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du 14 octobre 2011 relatif à l'emploi de la visioconférence à l'égard de personnes privées de liberté : « si, autrement, un conseil ne pouvait assister la personne concernée ; si un débat en sa présence est susceptible de mettre en péril, de manière grave et circonstanciée, l'ordre public (... ) ; si, enfin, elle constitue l'unique moyen de respecter le délai raisonnable dans lequel doit s'accomplir la procédure ».

* 117 Considérants 93 et 94

* 118 CEDH, 5 octobre 2006, n° 45106/04, Marcello Viola c. Italie §67; CEDH, 9 novembre 2006, n° 26260/02 Golubev c. Russie.

* 119 CEDH, 27 novembre 2007, n°58295/00 Zagaria autres c. Italie §29.

* 120 CEDH, 5 octobre 2006, n° 45106/04 Marcello Viola c. Italie, §74 et CEDH, GC, 2 novembre 2010 n°21272/03 Sakhnovski c/ Russie, §98 : « Quant au recours à la vidéoconférence, la Cour rappelle que cette forme de participation à la procédure n'est pas, en soi, incompatible avec la notion de procès équitable et public, mais il faut s'assurer que le justiciable est en mesure de suivre la procédure et d'être entendu sans obstacles techniques et de communiquer de manière effective et confidentielle avec son avocat ».

* 121 cf. notamment Mancini c. Italie 2 août 2001 n° 44955/98 § 17 ; Lavents c. Lettonie 28 novembre 2002 n° 58442/00 § 63 ; Buzadji c. Moldavie 16 décembre 2014 n°23755/07 §33

* 122 Recommandation CM/Rec(2014)4 du Comité des Ministres aux Etats membres relative à la surveillance électronique

* 123 291 en assignation à résidence sous surveillance électronique et 1 en assignation à résidence sous surveillance électronique mobile.

* 124 Il s'agit principalement des contraventions du code de la route, de certaines contraventions en matière de transport et de circulation, de contraventions contre la réglementation de la pêche et de la chasse, quelques infractions en matière rurale, forestière, environnementale et sanitaire ou enfin du tapage nocturne.

* 125 Sauf en matière de stationnement.

* 126 Supprimé depuis la dépénalisation du stationnement payant

* 127 « 7. Considérant que le dernier alinéa de l'article 529-10 du même code prévoit que l'officier du ministère public vérifie si les conditions de recevabilité de la requête en exonération ou de la réclamation sont remplies ; que le droit à un recours juridictionnel effectif impose que la décision du ministère public déclarant irrecevable la réclamation puisse être contestée devant la juridiction de proximité ; qu'il en va de même de la décision déclarant irrecevable une requête en exonération lorsque cette décision a pour effet de convertir la somme consignée en paiement de l'amende forfaitaire ; que, sous cette réserve, le pouvoir reconnu à l'officier du ministère public de déclarer irrecevable une requête en exonération ou une réclamation ne méconnaît pas l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; »

* 128 « 7. Considérant, en second lieu, que le droit à un recours juridictionnel effectif impose que la décision du ministère public déclarant la réclamation prévue par le troisième alinéa de l'article 530 du code de procédure pénale irrecevable au motif qu'elle n'est pas accompagnée de l'avis d'amende forfaitaire majorée puisse être contestée devant le juge de proximité, soit que le contrevenant prétende que, contrairement aux prescriptions du deuxième alinéa de l'article 530, l'avis d'amende forfaitaire majorée ne lui a pas été envoyé, soit qu'il justifie être dans l'impossibilité de le produire pour des motifs légitimes ; que, sous cette réserve, le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté ; »

* 129 4. Considérant, en premier lieu, que la disposition contestée laisse au juge le soin de fixer la peine dans les limites, d'une part, de l'amende forfaitaire ou de l'amende forfaitaire majorée et, d'autre part, du maximum de l'amende encouru ; qu'ainsi, il lui appartient de proportionner le montant de l'amende à la gravité de la contravention commise, à la personnalité de son auteur et à ses ressources ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'individualisation des peines doit être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, qu'en imposant, pour les contraventions des quatre premières classes ayant fait l'objet d'une procédure d'amende forfaitaire, que l'amende prononcée par le juge en cas de condamnation ne puisse être inférieure au montant, selon le cas, de l'amende forfaitaire ou de l'amende forfaitaire majorée, le législateur a, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et pour assurer la répression effective des infractions, retenu un dispositif qui fait obstacle à la multiplication des contestations dilatoires ; que l'instauration d'un minimum de peine d'amende applicable aux contraventions les moins graves ne méconnaît pas, en elle-même, le principe de nécessité des peines ;

* 130 CEDH 29 avril 2008, Alix Thomas c. France, n° 14279/05, CEDH 13 novembre 2008, Monte da Fonte c France, n° 0294/06, CEDH 30 juin 2009, Florence Schneider c. France, n° 49852/06

* 131 Considérants 8 à 12.

* 132 « 17. Le 4° du paragraphe I de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale prévoit qu'un décret fixe la valeur de l'objet volé en-deçà de laquelle il est possible de proposer à l'auteur d'un vol une transaction pénale. En renvoyant ainsi au pouvoir réglementaire le soin de délimiter le champ d'application d'une procédure ayant pour objet l'extinction de l'action publique, le législateur a méconnu sa compétence dans des conditions affectant l'égalité devant la procédure pénale. »

* 133 « 107. Considérant, en premier lieu, que, si la peine est proposée par le parquet et acceptée par l'intéressé, seul le président du tribunal de grande instance peut homologuer cette proposition; qu'il lui appartient à cet effet de vérifier la qualification juridique des faits et de s'interroger sur la justification de la peine au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ; qu'il pourra refuser l'homologation s'il estime que la nature des faits, la personnalité de l'intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire ; qu'il ressort de l'économie générale des dispositions contestées que le président du tribunal de grande instance pourra également refuser d'homologuer la peine proposée si les déclarations de la victime apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l'infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne portent pas atteinte au principe de séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement; »

« 117. Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789 que le jugement d'une affaire pénale pouvant conduire à une privation de liberté doit, sauf circonstances particulières nécessitant le huis clos, faire l'objet d'une audience publique;

118. Considérant que constitue une décision juridictionnelle l'homologation ou le refus d'homologation par le président du tribunal de grande instance de la peine proposée par le parquet et acceptée par la personne concernée ; que cette homologation est susceptible de conduire à une privation de liberté d'un an ; que, par suite, le caractère non public de l'audience au cours de laquelle le président du tribunal de grande instance se prononce sur la proposition du parquet, même lorsqu'aucune circonstance particulière ne nécessite le huis clos, méconnaît les exigences constitutionnelles ci-dessus rappelées ; qu'il s'ensuit que doivent être déclarés contraires à la Constitution les mots : " en chambre du conseil " à la fin de la première phrase du second alinéa de l'artic le 495-9 nouveau du code de procédure pénale ; »

* 134 §90 « .... En outre, la Cour considère que la possibilité pour un accusé d'obtenir une atténuation des charges ou une réduction de peine à condition qu'il reconnaisse sa culpabilité, ou qu'il renonce avant le procès à contester les faits ou encore qu'il coopère pleinement avec les autorités d'enquête est chose courante dans les systèmes de justice pénale des États européens (voir l'étude de droit comparé, paragraphes 62-75 ci-dessus, ainsi que Slavtcho Kostov c. Bulgarie, no 28674/03, § 17, 27 novembre 2008, et Ruciñski c. Pologne, no 33198/04, § 12, 20 février 2007). Le fait de transiger sur un chef d'accusation ou sur une peine n'a rien de répréhensible en soi.

§91 La Cour considère qu'une procédure de transaction pénale conduisant à ce qu'il soit statué sur une accusation pénale à l'issue d'un examen judiciaire simplifié implique en substance une renonciation à certains droits procéduraux. Cela ne saurait en soi poser problème puisque ni la lettre ni l'esprit de l'article 6 n'empêchent une personne de renoncer à ces garanties de son plein gré (Scoppola c. Italie (no 2) [GC], no 10249/03, § 135, 17 septembre 2009). »

* 135 Source : chiffres-clés de la Justice / infocentre Pharos.

* 136 Ce tableau fait également état des ordonnances pénales et des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité, même si ces décisions ne sont pas rendues par le tribunal.

* 137 « 2. Considérant que les dispositions nouvelles de l'article 398-1 du code de procédure pénale laissent au président du tribunal de grande instance la faculté, en toutes matières relevant de la compétence du tribunal correctionnel à l'exception des délits de presse, de décider de manière discrétionnaire et sans recours si ce tribunal sera composé de trois magistrats, conformément à la règle posée par l'article 398 du code de procédure pénale, ou d'un seul de ces magistrats exerçant les pouvoirs conférés au président ;

3. Considérant que des affaires de même nature pourraient ainsi être jugées ou par un tribunal collégial ou par un juge unique, selon la décision du président de la juridiction ;

4. Considérant qu'en conférant un tel pouvoir l'article 6 de la loi déférée au Conseil constitutionnel, en ce qu'il modifie l'article 398-1 du code de procédure pénale, met en cause, alors surtout qu'il s'agit d'une loi pénale, le principe d'égalité devant la justice qui est inclus dans le principe d'égalité devant la loi proclamé dans la Déclaration des Droits de l'homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le préambule de la Constitution ;

5. Considérant, en effet, que le respect de ce principe fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes ;

6. Considérant, enfin, que l'article 34 de la Constitution qui réserve à la loi le soin de fixer les règles concernant la procédure pénale, s'oppose à ce que le législateur, s'agissant d'une matière aussi fondamentale que celle des droits et libertés des citoyens, confie à une autre autorité l'exercice, dans les conditions ci-dessus rappelées, des attributions définies par les dispositions en cause de l'article 6 de la loi déférée au Conseil constitutionnel ;

7. Considérant que ces dispositions doivent donc être regardées comme non conformes à la Constitution ; »

* 138 « 12. Considérant, en deuxième lieu, que, comme le Conseil constitutionnel l'a jugé aux considérants 78 à 82 de sa décision du 29 août 2002 susvisée, la procédure simplifiée prévue par les articles 495 à 495-6 du code de procédure pénale ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la justice ; que l'extension du champ d'application de cette procédure aux délits de contrefaçon commis au moyen d'un service de communication au public en ligne et la possibilité qu'une peine de suspension de l'accès à un tel service soit prononcée par ordonnance pénale ne méconnaissent pas davantage ce principe ; »

* 139 Deux méthodes ont été retenues pour estimer le nombre de condamnations susceptibles d'être prononcées par les cours d'appel en juge unique, toutes deux aboutissant au même résultat :

- Méthode 1 : sur le total des condamnations rendues en appel en matière correctionnelle, un champ juge unique a été estimé en retenant les mêmes critères que ceux employés dans l'étude d'impact pour estimer le volume de condamnations susceptibles de relever de la compétence du juge unique en première instance après la réforme. Résultat : 12 000 condamnations susceptibles de relever du juge unique en appel.

- Méthode 2 : un taux d'appel de 7,2% (correspondant au taux d'appel des convocations par officier de police judiciaire et convocations par procès-verbal) a été appliqué au volume de décisions susceptibles de relever du juge unique en première instance après la réforme. Résultat : 12 250 condamnations susceptibles de relever du juge unique en appel.

* 140 Donnée disponible à partir des Cadres du parquet

* 141 Les données présentées ont pour source le Casier judiciaire national, les condamnations des cours d'assises étant observées sur la période 2014/2015

* 142 Voir notamment la décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011 sur la majorité requise et sur la motivation des arrêts et la décision n° 2011-113/115 QPC du 1 avril 2011 sur la motivation des arrêts.

* 143 CEDH, gr. ch., 16 nov. 2010, Taxquet c. Belgique, CEDH Voica c/France du 10 janvier 2013

* 144 CEDH, Guidon Esparza c. France, n° 29116/09, § 22, Sagarzazu c. France, n° 29109/09 ; Esparza Luri c. France, n°29119/09 ; Soria Valderrama c. France, n°29101/09 ; Berasategi c. France, n°29095/09 ; Almandoz Erviti c. France, n° 45077/10 et Abad Urkixo c. France, n° 45087/10

* 145 Article 131-4. -« L'échelle des peines d'emprisonnement est la suivante :

« 1° Dix ans au plus ;

« 2° Sept ans au plus ;

« 3° Cinq ans au plus ;

« 4° Trois ans au plus ;

« 5° Deux ans au plus ;

« 6° Un an au plus ;

« 7° Six mois au plus ;

« 8° Deux mois au plus . »

* 146 Article 131-6 : « Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer, à la place de l'emprisonnement, une ou plusieurs des peines privatives ou restrictives de liberté suivantes :

« 1° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat, à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ; cette limitation n'est toutefois pas possible en cas de délit pour lequel la suspension du permis de conduire, encourue à titre de peine complémentaire, ne peut pas être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;

« 2° L'interdiction de conduire certains véhicules pendant une durée de cinq ans au plus ;

« 3° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;

« 4° La confiscation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;

« 5° L'immobilisation, pour une durée d'un an au plus, d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'Etat ;

« 5° bis L'interdiction, pendant une durée de cinq ans au plus, de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé, par un professionnel agréé ou par construction, d'un dispositif homologué d'anti-démarrage par éthylotest électronique. Lorsque cette interdiction est prononcée en même temps que la peine d'annulation ou de suspension du permis de conduire, elle s'applique, pour la durée fixée par la juridiction, à l'issue de l'exécution de cette peine ;

« 6° L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;

« 7° La confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;

« 8° Le retrait du permis de chasser avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;

« 9° L'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et d'utiliser des cartes de paiement ;

« 10° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit. Toutefois, cette confiscation ne peut pas être prononcée en matière de délit de presse ;

« 11° L'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction. Cette interdiction n'est toutefois pas applicable à l'exercice d'un mandat électif ou de responsabilités syndicales. Elle n'est pas non plus applicable en matière de délit de presse ;

« 12° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l'infraction a été commise ;

« 13° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de fréquenter certains condamnés spécialement désignés par la juridiction, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ;

« 14° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, d'entrer en relation avec certaines personnes spécialement désignées par la juridiction, notamment la victime de l'infraction ;

« 15° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale . »

* 147 Il n'existe pas de liste exhaustive de l'ensemble des peines complémentaires existantes. L'article mentionne seulement les catégories de peines complémentaires, en indiquant que « lorsque la loi le prévoit, un crime ou un délit peut être sanctionné d'une ou de plusieurs peines complémentaires qui, frappant les personnes physiques, emportent interdiction, déchéance, incapacité ou retrait d'un droit, injonction de soins ou obligation de faire, immobilisation ou confiscation d'un objet, confiscation d'un animal, fermeture d'un établissement ou affichage de la décision prononcée ou diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique. » Des exemples de peines complémentaires figurent aux articles 131-19 et suivants du code pénal.

* 148 Art. 131-35-1 : « Lorsqu'elle est encourue à titre de peine complémentaire, l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, un stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels ou un stage de responsabilité parentale est exécutée dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la condamnation est définitive.

« La juridiction précise si le stage est exécuté aux frais du condamné. Le stage de sensibilisation à la sécurité routière est toujours exécuté aux frais du condamné.

« L'accomplissement du stage donne lieu à la remise au condamné d'une attestation que celui-ci adresse au procureur de la République . »

Art. 131-35-2 : « Lorsqu'une peine consiste dans l'obligation d'accomplir un stage, la durée de celui-ci ne peut excéder un mois et son coût, s'il est à la charge du condamné, ne peut excéder le montant de l'amende encourue pour les contraventions de la 3e classe . »

* 149 Source : Exploitation statistique du Système d'information décisionnel par Secrétariat général/ Sous-direction de la statistique et des études

* 150 N'est pas mentionné ici le suivi socio-judiciaire, qui ne s'applique que pour certaines infractions, principalement de nature sexuelle.

* 151 « Les mesures de contrôle auxquelles le condamné doit se soumettre sont les suivantes :

« 1° Répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du travailleur social désigné ;

« 2° Recevoir les visites du travailleur social et lui communiquer les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d'existence et de l'exécution de ses obligations ;

« 3° Prévenir le travailleur social de ses changements d'emploi ;

« 4° Prévenir le travailleur social de ses changements de résidence ou de tout déplacement dont la durée excéderait quinze jours et rendre compte de son retour ;

« 5° Obtenir l'autorisation préalable du juge de l'application des peines pour tout changement d'emploi ou de résidence, lorsque ce changement est de nature à mettre obstacle à l'exécution de ses obligations ;

« 6° Informer préalablement le juge de l'application des peines de tout déplacement à l'étranger. »

* 152 Il s'agit des obligations suivantes :

« 1° Exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle ;

« 2° Etablir sa résidence en un lieu déterminé ;

« 3° Se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation. Ces mesures peuvent consister en l'injonction thérapeutique prévue par les articles L. 3413-1 à L. 3413-4 du code de la santé publique , lorsqu'il apparaît que le condamné fait usage de stupéfiants ou fait une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques. Une copie de la décision ordonnant ces mesures est adressée par le juge de l'application des peines au médecin ou au psychologue qui doit suivre la personne condamnée. Les rapports des expertises réalisées pendant la procédure sont adressés au médecin ou au psychologue, à leur demande ou à l'initiative du juge de l'application des peines. Celui-ci peut également leur adresser toute autre pièce utile du dossier ;

« 4° Justifier qu'il contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les pensions alimentaires dont il est débiteur ;

« 5° Réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l'infraction, même en l'absence de décision sur l'action civile ;

« 6° Justifier qu'il acquitte en fonction de ses facultés contributives les sommes dues au Trésor public à la suite de la condamnation ;

« 7° S'abstenir de conduire certains véhicules déterminés par les catégories de permis prévues par le code de la route ou de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé, par un professionnel agréé ou par construction, d'un dispositif homologué d'antidémarrage par éthylotest électronique ;

« 7° bis Sous réserve de son accord, s'inscrire et se présenter aux épreuves du permis de conduire, le cas échéant après avoir suivi des leçons de conduite ;

« 8° Ne pas se livrer à l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ou ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs ;

« 9° S'abstenir de paraître en tout lieu, toute catégorie de lieux ou toute zone spécialement désignés ;

« 10° Ne pas engager de paris, notamment dans les organismes de paris mutuels, et ne pas prendre part à des jeux d'argent et de hasard ;

« 11° Ne pas fréquenter les débits de boissons ;

« 12° Ne pas fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ;

« 13° S'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime, ou certaines catégories de personnes, et notamment des mineurs, à l'exception, le cas échéant, de ceux désignés par la juridiction ;

« 14° Ne pas détenir ou porter une arme ;

« 15° En cas d'infraction commise à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur, accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;

« 16° S'abstenir de diffuser tout ouvrage ou oeuvre audiovisuelle dont il serait l'auteur ou le coauteur et qui porterait, en tout ou partie, sur l'infraction commise et s'abstenir de toute intervention publique relative à cette infraction ; les dispositions du présent alinéa ne sont applicables qu'en cas de condamnation pour crimes ou délits d'atteintes volontaires à la vie, d'agressions sexuelles ou d'atteintes sexuelles ;

« 17° Remettre ses enfants entre les mains de ceux auxquels la garde a été confiée par décision de justice ;

« 18° Accomplir un stage de citoyenneté ;

« 19° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; les dispositions du présent 19° sont également applicables lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime. Pour l'application du présent 19°, l'avis de la victime est recueilli, dans les meilleurs délais et par tous moyens, sur l'opportunité d'imposer au condamné de résider hors du logement du couple. Sauf circonstances particulières, cette mesure est prise lorsque sont en cause des faits de violences susceptibles d'être renouvelés et que la victime la sollicite. La juridiction peut préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement ;

« 20° Accomplir à ses frais un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes ;

« 21° Obtenir l'autorisation préalable du juge de l'application des peines pour tout déplacement à l'étranger ;

« 22° Respecter les conditions d'une prise en charge sanitaire, sociale, éducative ou psychologique, destinée à permettre sa réinsertion et l'acquisition des valeurs de la citoyenneté ; cette prise en charge peut, le cas échéant, intervenir au sein d'un établissement d'accueil adapté dans lequel le condamné est tenu de résider. »

* 153 La notion de mise à exécution recouvre ici les cas d'incarcération du condamné et les cas d'aménagement de peine (article 723-15 du code de procédure pénale). Le périmètre de l'indicateur porte sur les peines d'emprisonnement ferme ou en partie ferme, devenues exécutoires et prononcées par les tribunaux correctionnels. La détermination du caractère exécutoire de la peine implique de prendre en compte la qualification du jugement. Entrent ainsi dans le périmètre de l'indicateur les jugements c ontradictoires, contradictoires à signifier, itératif défaut . Une peine entre ainsi dans le champ de l'indicateur 10 jours après son prononcé (en cas de jugement contradictoire) ou après sa signification (jugements contradictoires à signifier ou itératifs défauts) et si elle n'a pas fait l'objet d'un appel.

* 154 Les données au 1 er janvier 2018 ne sont pas disponibles.

* 155 Considérant 3.

* 156 Considérant 28.

* 157 Notamment Décision 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010 considérant 4, Décisions n° 2010-40 et 2010-41 QPC du 29 septembre 2010 considérant 3, Décision n° 2010-72/75/82 QPC du 10 décembre 2010 considérant 3, Décision 2015-493 QPC - 16 octobre 2015 considérant 5.

* 158 La juridiction ne pouvait prononcer une peine inférieure au seuil minimum ou une peine autre que l'emprisonnement que si l'auteur des faits présentait des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion.

* 159 Considérants 13 à 19, et 27.

* 160 Considérant 7.

* 161 Considérant 2 : « qu'ainsi, il était loisible au législateur de conférer, comme le fait le premier alinéa de l'article 733-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 4 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, le caractère de "mesures d'administration judiciaire" aux décisions prises par le juge de l'application des peines ».

* 162 Cette procédure dite PSAP avait vocation à faire bénéficier dans la mesure du possible du régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique, les condamnés détenus pour lesquels il restait :

- trois mois d'emprisonnement à subir, en exécution d'une ou plusieurs peines d'emprisonnement d'une durée supérieure ou égale à six mois mais inférieure à deux ans ;

- six mois d'emprisonnement à subir, en exécution d'une ou plusieurs peines d'emprisonnement d'une durée supérieure ou égale à deux ans mais inférieure à cinq ans.

Sauf en cas de mauvaise conduite du condamné en détention, d'absence de projet sérieux de réinsertion, d'impossibilité matérielle de mettre en place une mesure d'aménagement ou de refus par le condamné de bénéficier de la mesure qui lui est proposée, le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation, chargé d'examiner le dossier de chaque condamné afin de déterminer, après avis du chef d'établissement, la mesure d'aménagement de la peine la mieux adaptée à leur personnalité, saisissait par requête le juge de l'application des peines d'une proposition d'aménagement. A défaut de réponse du juge de l'application des peines dans le délai de trois semaines, le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation pouvait décider de mettre en application la mesure d'aménagement. Cette décision, qui constituait une mesure d'administration judiciaire, était préalablement notifiée au juge d'application des peines et au procureur de la République, procureur qui pouvait, dans un délai de 24 heures, former un recours suspensif contre cette décision devant le président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel.

* 163 Considérants 123 à 126.

* 164 Considérants 10 à 12 : « le législateur a déterminé les cas et conditions dans lesquels le tribunal correctionnel peut prononcer cette peine ; qu'il a fixé la durée maximale de la contrainte, la liste des mesures de contrôle auxquelles le condamné est soumis de plein droit et celle des obligations et interdictions particulières auxquelles il peut être soumis par la juridiction de jugement ou le juge de l'application des peines ; qu'il a fixé la durée maximale de l'emprisonnement qui peut être exécuté par le condamné ainsi que les conditions et les modalités selon lesquelles l'exécution de cet emprisonnement peut être ordonnée ; que ces dispositions ne sont ni ambigües ni imprécises ».

* 165 Considérants 13 à 15 : « la contrainte pénale pourra être prononcée pour tout délit puni d'une peine d'emprisonnement inférieure à cinq ans commis avant le 1er janvier 2017 ; qu'elle pourra être prononcée pour tout délit puni d'une peine d'emprisonnement commis postérieurement à cette date ; que la durée maximale de la contrainte est fixée à cinq ans ; que le condamné peut être soumis aux obligations et interdictions prévues par l'article 132-45 du code de procédure pénale en matière de sursis avec mise à l'épreuve, à l'obligation d'effectuer un travail d'intérêt général dans les conditions prévues par l'article 131-8 du code pénal, ainsi qu'au régime de l'injonction de soins dans les conditions prévues aux articles L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique ; que la durée maximale de l'emprisonnement encouru par le condamné en cas d'inobservation des obligations et interdictions auxquelles il est astreint ne peut excéder deux ans ou, si elle est inférieure, la durée de la peine d'emprisonnement encourue ; que ni l'existence d'une telle peine ni la circonstance que les obligations et interdictions ordonnées dans le cadre de cette peine sont destinées à prévenir la récidive en favorisant l'insertion ou la réinsertion du condamné au sein de la société ne méconnaissent les principes de nécessité et de proportionnalité des peines »

* 166 Considérants 16 à 18 : « la faculté laissée au juge de prononcer une peine qui peut comporter un emprisonnement dont la durée maximale est inférieure au maximum de la peine encourue pour les faits réprimés ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi ; que, d'autre part, l'exécution provisoire de la peine de contrainte pénale, applicable à toute condamnation à cette peine, ne porte aucune atteinte au principe d'égalité devant la loi »

* 167 Considérants 20 à 23.

* 168 Considérants 6 à 9.

* 169 Considérants 10 à 15.

* 170 Arrêt Van der Mussele c. Belgique du 23 novembre 1983, §32 et suivants.

* 171 Paragraphe 44.

* 172 Décision DC n° 89-256 du 25 juillet 1989, Loi portant dispositions diverses en matière d'urbanisme et d'agglomérations nouvelles.

* 173 Par ex Tribunal de l'Union européenne,12 septembre 2013, aff. T 347/09,Allemagne c/Commission.

* 174 Cour de justice du 4 mai 1988, Bodson, 30/87

* 175 La contenance éducative est matérialisée par une organisation de la vie quotidienne extrêmement structurée et un planning d'activités obligatoires articulant apprentissage des savoirs de base et mise en oeuvre d'actions de socialisation visant, notamment, le développement de compétences psychosociales.

* 176 Ibid

* 177 Voir par ex. Bruyn F., Choquet L-H, Thierus L., Enquête sur la réitération des mineurs placés en centre éducatif fermé entre 2003 et 2007 ,

Rapport final, direction de la protection judiciaire de la jeunesse, 2011 : http://www.justice.gouv.fr/_telechargement/dpjj/lettre-info-note orientation/recherche/PDF/8_Rapport_Reiteration_CEF.pdf ;

Choquet L-H, « La réitération à?l'issue d'un séjour en centre éducatif fermé », Cahiers dynamiques, 52, 2011 ;

Bruyn F., Choquet L-H, Thierus L., « Les ”sorties“ des mineurs d e la délinquance à l'issue d'un séjour en centre éducatif fermé » in Mohammed M., Les sorties de délinquance. Théories, méthodes, enquêtes , Éditions La Découverte, 2012 ;

le rapport annuel de l'observatoire de la récidive et de la désistance du 13 décembre 2017 : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/rapport_ord_def_2017.pdf

* 178 voir enquête sur la réitération des mineurs placés en CEF entre 2003 et 2007, DPJJ avril 2011 et graphique ci-dessous

* 179 voir rapports des inspections IGAS, IGSJ, IPJJ de janvier 2013 : mission sur l'évaluation des CEF dans le dispositif de prise en charge des mineurs délinquants et rapport sur le dispositif des CEF (« rapport de suite ») de juillet 2015 ; les magistrats donnent également cette indication à leurs interlocuteurs des directions interrégionales ou dans le cadre de la réunion annuelle de l'instance nationale de pilotage des CEF

* 180 Les services déconcentrés de la protection judiciaire de la jeunesse sont organisées en neuf directions interrégionales : Grand Nord, Ile-de-France et outre mer, grand ouest, grand est, grand centre, centre est, sud-est, sud et sud-ouest. Les CEF sont toutefois organisés en un dispositif national afin de faciliter la recherche de places disponibles et de partager cette ressource, notamment en ce qui concerne l'outre mer (2 CEF en Outre mer, en Guadeloupe et à l'île de La Réunion) et l'accueil des filles (6% des accueils en CEF, quelques CEF mixtes et un seul CEF de filles)

* 181 Selon une étude interne sur le profil des mineurs placés en CEF au 8 juin 2016,

* 182 Rapport sur le dispositif des centres éducatifs fermés publié en juillet 2015 par l'IGSJ et l'IGAS, http://www.justice.gouv.fr/art_pix/rapport_cef_2015.pdf

* 183 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur l'enquête de la Cour des comptes relative à la protection judiciaire de la jeunesse, https://www.senat.fr/rap/r14-217/r14-2171.pdf

* 184 Les CEF emploient 26,5 ETPT de personnels dont 17 éducateurs, outre un enseignant mis à disposition par l'éducation nationale ; les unités éducatives d'hébergement collectif emploient 20 ETPT de personnels dont 14 éducateurs

* 185 La PJJ au service de la justice des mineurs 18 décembre 2013

http://www.justice.gouv.fr/publication/rap_michel2013.pdf

* 186 Le décret n°2007-1853 du 26 dec.2007 pris pour l'application de l'article 16 ter de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 et relatif à la mesure d'activité de jour prévoit que le juge des enfants désigne un service ou établissement de la protection judiciaire de la jeunesse pour suivre le déroulement des mesures confiées à l'une des personnes morales ou associations mentionnées à l'article 16 ter. Une liste des activités déterminée au niveau local par le juge des enfants est établie, après avis du ministère public, et la consultation de tout organisme public compétent en matière de prévention de la délinquance des mineurs est prévue.

* 187 Tableaux de bord de l'activité de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.

* 188 Cahiers Dynamiques n°52 septembre 2011 La réitération à l'issue d'un séjour en centre éducatif fermé - Luc-Henry CHOQUET

* 189 Source : enquête sur la réitération des mineurs placés en CEF entre 2003 et 2007, DPJJ avril 2011

* 190 Cass. Civ. 2 ème , 6 juin 2002, et CE 3 juin 2009, n°300924

* 191 Source : chiffres clés de la justice 2017

http://www.justice.gouv.fr/statistiques-10054/chiffres-cles-de-la-justice-10303/

* 192 Décision CC n° 61-41 L. 18 juillet 1961 et décision CE, 27 octobre 2000 Louard

* 193 Voir, en ce sens, l'audition de M. Dominique Perben par la Commission des Lois du Sénat le 16 octobre 2002 : « s' agissant de l'article 2 du projet de loi constitutionnelle, il a souhaité préciser que les dispositions proposées visaient notamment à permettre au ministère de la justice de conduire des expérimentations, qui encouraient actuellement la censure du Conseil constitutionnel au regard de sa jurisprudence sur l'application du principe d'égalité. Il a rappelé que les débats au Sénat lors de l'examen de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, en juillet 2002, avaient mis en exergue la nécessité de procéder à une révision de la Constitution pour pouvoir mettre en oeuvre des expérimentations portant notamment sur la carte judiciaire ».

* 194 Conseil constitutionnel n° 2010-220 L du 14 octobre 2010.

* 195 Conseil d'État, 4 mai 2015, n° 366446.

* 196 Cour de cassation, chambre criminelle, 10 janvier 1996, RSC 1996 p.395, Jean-Pierre Dintilhac.

* 197 Données utilisées : affaires ayant fait l'objet d'une saisine d'un juge d'instruction en 2016. Source : SID Cassiopée - traitement Direction des affaires criminelles et des grâces - pôle d'évaluation des politiques pénales. Ressources en ETPT par juridiction déclarées par les juridictions pour l'année 2016.

* [1] Rapport sur l'Etat de la fonction publique, DGAFP, édition 2017.

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