Étude d'impact au format PDF (557 Koctets)

ETUDE D'IMPACT

PROJET DE LOI

relatif à la sécurité publique

NOR : INTX1634434L/Bleue-1

20 décembre 2016

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE 5

TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS MENÉES 7

TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION DU PROJET DE LOI 8

ARTICLE 1 ER - USAGE DES ARMES PAR LES FORCES DE L'ORDRE 11

ARTICLE 2 - IDENTIFICATION DES ENQUÊTEURS PAR UN NUMÉRO 34

ARTICLE 3 : PROTECTION DE L'IDENTITÉ DES AUTEURS DE DÉCISIONS ADMINISTRATIVES ................................................................................................... ....59

ARTICLE 4 : ENQUETES ADMINISTRATIVES CONCERNANT LES AFFECTATIONS ET LE RECRUTEMENT DANS LES ENTREPRISES DE TRANSPORT PUBLIC DE PERSONNES ET DANS LES ENTREPRISES DE TRANSPORT DE MARCHANDISES DANGEREUSES 62

ARTICLE 5 : RENFORCEMENT DE LA MESURE DE CONTRÔLE ADMINISTRATIF DES RETOURS SUR LE TERRITOIRE NATIONAL 69

ARTICLE 6 : POSSIBILITE D'UN ARMEMENT DES AGENTS DE SECURITE PRIVEE EXERÇANT DES ACTIVITÉS DE PROTECTION DE L'INTÉGRITE PHYSIQUE DES PERSONNES 72

ARTICLE 7 : AGGRAVATION DES PEINES DE L'OUTRAGE COMMIS CONTRE DES PERSONNES DÉPOSAITAIRES DE L'AUTORITÉ PUBLIQUE 79

ARTICLE 8 : RENFORCEMENT DES MOYENS DES PERSONNELS DE SURVEILLANCE AFFECTÉS DANS LES ÉQUIPES DE SÉCURITÉ PENITENTIAIRE 8 3

ARTICLE 9 : EXPÉRIMENTATION DU CUMUL DU PLACEMENT À L'AIDE SOCIALE A L'ENFANCE AVEC UNE MESURE D'ACTION ÉDUCATIVE EN MILIEU OUVERT 88

ARTICLE 10 : CREATION DU STATUT DE STAGIAIRES DU VOLONTARIAT MILITAIRE D'INSERTION 90

INTRODUCTION GENERALE

Les forces de sécurité intérieure ont connu une année 2016 marquée par une mobilisation sans précédent pour garantir la sécurité des Français. Cette mobilisation a concerné les policiers, les gendarmes, de nombreux militaires des trois armées, les douaniers, ainsi que beaucoup d'autres dépositaires de l'autorité publique.

Malgré une activité particulièrement soutenue, ainsi qu'un climat parfois extrêmement tendu, les forces de l'ordre ont toujours fait preuve d'une grande maîtrise de leur comportement. Ces attitudes ont contribué à l'apaisement, alors même que leur tâche est de plus en plus délicate, en particulier dans le contexte actuel de menace terroriste.

Afin de renforcer l'efficacité de la mobilisation des forces de l'ordre pour la sécurité, il apparaît nécessaire de prévoir des dispositions leur permettant d'être juridiquement plus assurées lorsqu'elles ont à faire usage de leurs armes. Il apparaît également nécessaire de les protéger, à l'occasion des procédures pénales, contre ceux qui souhaiteraient se venger de l'autorité publique en s'en prenant aux personnes physiques qui l'incarnent. Enfin, les sanctions des outrages commis contre des personnes dépositaires de l'autorité publique paraissent devoir être aggravées.

Plusieurs mesures du projet renforcent par ailleurs les moyens d'action de ceux qui oeuvrent quotidiennement à la sécurité de tous.

Ainsi, les auteurs de décisions administratives fondées sur des motifs en lien avec le terrorisme font également l'objet d'une protection renforcée.

Le projet de loi précise la rédaction des dispositions du code de la sécurité intérieure relatives aux enquêtes administratives concernant les affectations et le recrutement dans les entreprises de transport public de personnes et dans les entreprises de transport de marchandises dangereuses et renforce la mesure de contrôle administratif des retours sur le territoire national.

Il permet par ailleurs, en l'encadrant, l'armement des agents de sécurité privée exerçant des activités de protection de l'intégrité physique des personnes.

Les personnels de surveillance affectés dans les équipes de sécurité pénitentiaire sont dotés de prérogatives nouvelles leur permettant d'accomplir leurs missions de sécurité périmétrique, sur l'ensemble de l'emprise foncière affectée aux établissements pénitentiaires.

Au vu de la complexité de la situation de certains jeunes, nécessitant d'assurer l'articulation de toutes les compétences, le projet de loi permet, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, que le placement en assistance éducative auprès d'un service de l'aide sociale à l'enfance soit, dans certaines hypothèses, doublé d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert exercée par un service du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse.

Enfin, le texte crée, à titre expérimental et jusqu'au 31 décembre 2018, un volontariat militaire d'insertion et dote les stagiaires concernés d'un statut spécifique combinant celui de militaire et celui de stagiaire de la formation professionnelle.

TABLEAU SYNOPTIQUE DES CONSULTATIONS MENÉES

Article

Objet de l'article

Consultations menées

4

Enquêtes administratives concernant les affectations et le recrutement dans les entreprises de transport public de personnes et dans les entreprises de transport de marchandises dangereuses

Commission nationale de la négociation collective

8

Renforcement des moyens des personnels de surveillance affectés dans les équipes de sécurité pénitentiaire

Comité technique de l'administration pénitentiaire

10

Création du statut de stagiaires du volontariat militaire d'insertion

Conseil national d'évaluation des normes

TABLEAU SYNOPTIQUE DES MESURES D'APPLICATION DU PROJET DE LOI

ARTICLE

TEXTE(S) D'APPLICATION

ADMINISTRATION(S) COMPETENTE(S)

2

Décret en Conseil d'Etat

Ministère de la justice / Ministère de l'intérieur

6

Décret en Conseil d'Etat

Ministère de l'intérieur

8

Décret simple

Ministère de la justice

ARTICLE 1 ER - USAGE DES ARMES PAR LES FORCES DE L'ORDRE

1. Etat des lieux et diagnostic

Le régime juridique de l'usage des armes par les forces de sécurité, policiers et gendarmes, mais aussi des douaniers et des militaires déployés sur le territoire national dans le cadre de réquisitions ou protégeant des installations militaires est un sujet ancien, qui ressurgit de façon récurrente, à l'occasion d'évènements dramatiques.

Tant le rapport produit par M. Guyomar de juillet 2012 que le tout récent rapport d'H. Cazaux-Charles rendu en novembre 2016 ont regretté, d'une part, l'absence de lisibilité de ce régime d'usage des armes, peu prévisible, devant être complété par l'interprétation qu'en font les juridictions nationales et européenne et d'autre part, l'absence de cadre commun et spécifique aux deux forces de l'ordre.

Or, depuis plus de quinze ans, la représentation nationale a été régulièrement saisie de ce débat sans que jamais il n'aboutisse.

1.1 État des lieux du système juridique français : des règles d'usage des armes foisonnantes et peu lisibles

L'usage des armes par les forces de l'ordre est possible :

- En situation de légitime défense, situation d'irresponsabilité pénale prévue aux articles 122-5 et 122-6 du code pénal 1 ( * ) ;

- En accomplissant un acte prescrit par des dispositions législatives ou réglementaires (article 122-4 2 ( * ) ) ;

- En état de nécessité (article 122-7 3 ( * ) ) même si ce cas est plus rarement admis par la jurisprudence comme justifiant l'usage des armes.

Si les militaires de la gendarmerie disposent d'un cadre légal d'usage des armes, au sens de l'article 122-4 du code pénal, qui se superpose à la légitime défense mais prévoit d'autres hypothèses, les policiers ne peuvent faire usage de leurs armes qu'en situation de légitime défense, comme n'importe quel citoyen, en dehors de quelques situations spécifiques autorisées par la loi.

1.1.1 Dans quelques situations, policiers et gendarmes disposent d'un cadre d'usage des armes à feu identique et prévu par la loi.

Il en va ainsi des opérations de maintien de l'ordre public qui répondent à un régime juridique identique pour la police et la gendarmerie nationales. C'est ce qui ressort de l'article 431-3 du code pénal qui dispose que «  Un attroupement peut être dissipé par la force publique après deux sommations de se disperser restées sans effet, adressées dans les conditions et selon les modalités prévues par l'article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure 4 ( * ) ».

Ce délit d'attroupement crée un fait justificatif légal spécifique pour l'emploi de la force, qui peut inclure l'usage des armes.

Pour employer la force dans le cadre du maintien de l'ordre, les conditions suivantes doivent être réunies :

- l'existence d'un attroupement ;

- la décision de dissipation par une autorité habilitée ;

- des sommations réitérées ;

- la persistance de l'attroupement.

Depuis la modification de l'article R 431-3 du code pénal opérée par le décret n o 2011-794 du 30 juin 2011, un ordre exprès de l'autorité habilitée à décider de l'emploi de la force est nécessaire dans ce cas. Cet ordre est transmis par tout moyen permettant d'en assurer la matérialité et la traçabilité, tels que l'enregistrement des échanges radio ou la tenue d'un registre de main courante relatant, au fur et à mesure, la succession horodatée des événements et instructions. Sous cette condition, il est donc possible d'utiliser d'autres moyens de communication que l'ordre écrit.

Par exception à cette règle , en raison de circonstances exceptionnelles et précises, l'emploi de la force peut être mis en oeuvre sans sommation à l'encontre de manifestants troublant gravement l'ordre public.

- lorsque des violences ou voies de fait sont exercées contre les représentants de la force publique ;

- lorsque ces derniers ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent.

Le nouvel article 122-4-1 du code pénal introduit par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale prévoit une nouvelle cause d'exonération de responsabilité pénale pour le fonctionnaire de la police nationale, le militaire de la gendarmerie nationale, le militaire déployé dans le cadre du maintien de l'ordre public ou l'agent des douanes qui fait usage de son arme, sous certaines conditions strictes, correspondant à la nécessité d'interrompre un « périple meurtrier » :

Ce cas d'usage de l'arme est précisément encadré :

- il doit être absolument nécessaire et strictement proportionné ;

- il doit intervenir dans le but exclusif d'empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d'un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d'être commis ;

- et ce lorsque l'agent a des raisons réelles et objectives d'estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont il dispose au moment où il fait usage de son arme.

L'introduction de cette disposition vise à permettre aux forces de l'ordre de stopper un ou plusieurs individus armés venant de commettre un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre et dont on peut légitimement supposer qu'il se prépare à en commettre d'autres, alors même qu'il ne constituerait pas une menace actuelle - susceptible de caractériser la légitime défense - au moment précis où le policier est en capacité d'intervenir.

Cet usage a bien entendu vocation à demeurer limité. Toutefois, il n'en constitue pas moins, pour la première fois, un cadre d'usage des armes commun à l'ensemble des forces de l'ordre et distinct de celui du simple citoyen , prenant en compte la spécificité et les finalités de leur mission pour autoriser l'usage de l'arme indépendamment de l'actualité de la menace, du seul fait du caractère certain de la réitération d'un passage à l'acte meurtrier et de l'absolue nécessité de son intervention.

Il s'agit donc d'une avancée notable du droit de l'usage légal des armes par les forces de sécurité, tout en restant conforme aux engagements internationaux et notamment européens (CEDH) de la France.

1.1.2 Toutefois, les règles générales d'emploi demeurent différentes entre la police nationale et la gendarmerie nationale

• Les policiers ne disposent pas d'un cadre spécifique et ne peuvent faire usage de leur arme que dans les situations de légitime défense.

L'article 114-4 de l' arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale  précise que « les fonctionnaires actifs des services de la police nationale reçoivent en dotation une arme individuelle dont l'usage est assujetti aux règles de la légitime défense et aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur . »

Aussi, seule la légitime défense, définie aux articles 122-5 et 122-6 du code pénal 5 ( * ) , régit l'usage de l'arme à feu par les agents de police

Ce n'est donc qu'au regard des règles de droit commun applicables aux particuliers qu'ils tirent leur droit d'usage de leur arme à feu et, dans leur appréciation, les juridictions nationales ou européenne ne distinguent pas selon que l'usage de l'arme à feu est le fait d'un simple citoyen, qui d'ailleurs a le statut de collaborateur occasionnel du service public lorsqu'il agit en état de légitime défense, ou d'un policier.

Les conditions relatives à l'atteinte sur la personne :

- Il faut qu'il y ait une atteinte injustifiée.

- La légitime défense est admise si l'agression porte sur la personne de l'auteur de la défense, sur celle d'autrui, ou sur les biens. Par agression, on entend le plus souvent un danger physique menaçant l'intégrité d'une personne sans toutefois consister nécessairement en un danger de mort 5 ( * ) .

- L'attaque doit créer un danger certain, ou du moins fortement probable, mais non simplement éventuel. L'apparence d'une agression est toutefois assimilée à l'agression elle-même 6 ( * ) . La difficulté d'appréciation des circonstances ne peut être assimilée à de la légitime défense. Il faut que le danger soit certain.

Les conditions relatives à l'acte de défense :

- La riposte doit être nécessaire à la sauvegarde de l'intérêt menacé. Il faut donc que la réaction immédiate à l'agression soit la seule solution pour conjurer l'attaque. En d'autres termes, il ne doit pas y avoir d'autres moyens d'y parvenir.

- La riposte doit être concomitante à l'atteinte. Si le danger a cessé (par exemple si l'agresseur prend la fuite) l'intervention ne se justifie plus et il ne s'agit plus de légitime défense. Ainsi, la défense tardive ne saurait être justificative. Elle consiste à réagir après l'agression, et donc à intervenir alors qu'il n'est plus nécessaire. Cette attitude s'apparente à de la vengeance.

Par exemple, la Cour de cassation a admis la légitime défense au profit d'un gardien de la paix qui, ayant fait signe aux occupants d'un véhicule de s'arrêter, avait été projeté sur le capot de ce véhicule, traîné sur plusieurs dizaines de mètres et blessé, avant de tirer à travers le pare-brise sur les occupants, tuant l'un d'eux et blessant l'autre 7 ( * )

En revanche, la Cour a rejeté toute légitime défense au cas d'usage d'une arme à feu à l'encontre d'un malfaiteur qui, interpellé en flagrant délit, prend la fuite ou du chauffeur d'un véhicule qui n'obtempère pas aux injonctions d'arrêt à lui lancées par un policier en uniforme, sans mettre en péril l'intégrité corporelle de celui-ci (Cour de cassation, chambre criminelle, 1er décembre 1955).

Ce dernier cas illustre la différence de régime applicable aux policiers et aux gendarmes, l'usage de l'arme par ces derniers étant régi par les dispositions de l'article L. 2338-3 du code de défense et n'étant pas subordonné à ce titre à la condition de légitime défense.

• L'usage des armes à feu par les militaires de la gendarmerie n'est pas conditionné aux seules situations de légitime défense, ces derniers bénéficiant en vertu de l'article L. 2338-3 du code de la défense d'un usage des armes élargi.

Tout comme les agents des douanes (article 56 du code des douanes) et les personnels de l'administration pénitentiaire (article R. 57-7-84 du code de procédure pénale), les gendarmes bénéficient, outre de la légitime défense dans les conditions de droit commun, d'un cadre spécifique d'utilisation des armes, dont les conditions sont énumérées à l'article L. 2338-3 du code de la défense 8 ( * ) et qui constitue l'autorisation de la loi, au sens de l'article 122-4  du code pénal : « N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ».

Aux termes de cette disposition, les officiers et sous-officiers de gendarmerie sont autorisés à déployer la force armée dans les cas suivants :

- lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux ou lorsqu'ils sont menacés par des individus armés (1°) ;

- lorsqu'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est telle qu'elle ne puisse être vaincue que par la force des armes (2°) ;

- lorsque les personnes invitées à s'arrêter par des appels répétés de « Halte gendarmerie » faits à haute voix cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et ne peuvent être contraintes de s'arrêter que par l'usage des armes (3°) ;

- lorsqu'ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt (4°).

Ce texte permet donc aux gendarmes d'utiliser leurs armes pour se défendre, hypothèse que recoupe celle de la légitime défense (1°), mais également pour défendre un terrain ou un poste ou une personne qui leurs sont confiés (2°) ou s'ils ne sont pas attaqués, simplement s'ils voient une personne (3°) ou un véhicule (4°) fuir et après sommations et s'il n'existe pas d'autre moyen de l'arrêter que d'utiliser son arme.

Ces hypothèses, et notamment les 3° et 4° prennent en compte les besoins opérationnels des forces de l'ordre dans leur missions et leurs spécificités, en leur offrant des possibilités d'action différentes de celles ouvertes, à tout citoyen, au titre de la légitime défense.

Ce cadre légal n'est pas ouvert aux policiers, et l'on trouve plusieurs situations analogues mettant en présence des policiers faisant usage de leurs armes pour stopper un individu cherchant à s'échapper, et pour lesquels en l'absence de cadre légal identique au L. 2338-3-3°, le tir a été estimé fautif, étant apprécié à l'aune de la seule légitime défense :

- Lorsque deux individus cagoulés prennent la fuite après un braquage, le tir pendant le braquage répond aux critères de la légitime défense car la riposte est légitime et proportionnée ; en revanche, les tirs mortels commis pendant la fuite des agresseurs à l'extérieur ne relevaient pas de la légitime défense ( CA Nancy 24 novembre 1985 confirmé par Crim 28 février 2006 n° 05-87400 ).

- De la même façon, la Cour de cassation a récemment cassé un arrêt de non-lieu d'une chambre de l'instruction relaxant un policier ayant fait usage de son arme au motif qu'il ne pouvait être considéré comme en état de légitime défense dès lors que si, au moment de l'intervention des policiers à son domicile, l'individu tenait un couteau à la main, a proféré des menaces de mort envers les policiers, a tenté de prendre une voisine en otage et s'est enfui dans les rues avoisinantes, il n'était plus armé lorsqu'il a été repéré par la police et, alors même qu'il se serait jeté en criant sur un fonctionnaire de police, l'usage mortel de l'arme par son collègue, en direction des organes vitaux de l'agresseur a été disproportionné à la gravité de l'atteinte portée ( Crim. 9 septembre 2015, n° T14-81.308 ).

De même, le cadre légal permettant l'immobilisation de véhicules (L. 2238-3, 4° du code de la défense) est également particulièrement adapté aux missions des force de l'ordre ainsi que le montre la jurisprudence récente :

- Véhicule repéré lors d'un vol de carburant et d'un cambriolage, dont les occupants refusent d'obtempérer aux sommations d'arrêt . Tirs pour stopper un véhicule ayant forcé un barrage et éloigné de plus de 20 mètre du gendarme. Ce tir, qui ne correspond pas à un cas de légitime défense, était justifié sur le fondement du L. 2238-3 du code de la défense et au regard des différentes manoeuvres faites par le conducteur pour effecteur un demi-tour et poursuivre sa route, révélant ainsi son intention de ne pas obtempérer mais également sa dangerosité, le gendarme ayant dû par deux fois s'esquiver pour ne pas être percuté par le conducteur  (Crim. 21 octobre 2014, n° 13-85519).

- Véhicule en fuite, après première tentative d'interpellation de son occupant pas le gendarme, lequel a été traîné sur plusieurs centaines de mètre à grande vitesse, le conducteur tentant de le faire tomber du véhicule, par mouvements brusques du volant. Les sommations exercées dans le cadre du L. 2333-8 (4°) par la patrouille, armes sorties et visibles, rampe lumineuse. Le véhicule ralentit puis force le barrage, s'ensuivent deux tirs : le premier, en légitime défense ; le second, mortel, alors que le gendarme est sur le trottoir et n'est donc plus en état de légitime défense. La Cour de cassation fait application du L. 2338-3 (4°) au motif que l'usage de son arme par le gendarme était rendu absolument nécessaire pour contraindre le conducteur du véhicule, qui avait commis des infractions graves et répétées, et refusé, à plusieurs reprises, d'obtempérer aux ordres d'arrêt dans des circonstances dangereuses pour leur sécurité (Cass, 12 mars 2013, n° 12-82683).

- Usage des armes le 4 septembre 2016 à 14h30 à Guénange (57 - ZGN) , le conducteur d'un véhicule refuse d'obtempérer et prend la fuite. Rapidement, le véhicule de la gendarmerie revient à distance des fuyards. Face au comportement dangereux du conducteur qui commet plusieurs infractions au code de la route, le chef de patrouille fait usage de son arme de dotation à deux reprises en direction des pneumatiques. Le mis en cause perd alors le contrôle de son engin et finit sa course dans une rambarde. Les trois passagers sont interpellés. La brigade de recherches de Thionville, appuyée par la section de recherches de Metz diligente l'enquête judiciaire. Présenté en comparution immédiate le conducteur a été condamné à 10 mois de prison ferme et  200€ d'amende.

Tous ces exemples montrent que ce cas d'usage des armes est particulièrement adapté aux missions des forces de l'ordre. En revanche, ces permissions de la loi ne leurs sont ouvertes que lorsqu'ils portent leur uniforme. Dans le cas contraire, au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, ils ne peuvent faire usage de leur arme à feu que dans les conditions de droit commun, ouvertes à toute personne en général et aux policiers en particulier 9 ( * ) .

• Une différenciation réduite par l'application qu'en font les juridictions nationales et européenne

En réalité, que l'acte soit justifié par la légitime défense (art. 122-5 du code pénal) ou par l'ordre de la loi (art. 122-4 du code pénal ; art. L.211-9 du CSI ; L. 2238-3 code de la défense pour les gendarmes ou 73 du code de procédure pénale pour les policiers comme pour toute personne, à défaut d'autre texte), il est, sous l'angle de la contrainte, régi par les mêmes principes : absolue nécessité et proportionnalité, telles qu'ils découlent de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH).

Ainsi, selon l'article 2 paragraphe 2 de la CESDH , « La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire :

a. pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale;

b. pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue;

c. pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. »

L'encadrement juridique de l'usage des armes repose donc sur le respect des notions clefs que sont le droit à la vie , la proportionnalité dans l'emploi de la force et son absolue nécessité . Tous les sujets de droit y sont soumis, qu'ils soient agents de l'Etat ou non, et toutes les dispositions légales adoptées doivent s'y conformer qu'il s'agisse de celles gouvernant la légitime défense ou celles conférant une autorisation particulière.

La cour européenne des droits de l'homme s'attache donc à rappeler, de manière régulière, que le droit d'usage des armes n'équivaut pas à la délivrance d'un permis de tuer, et cet avertissement vaut autant pour les fonctionnaires de la police nationale que pour les militaires de la gendarmerie nationale et quelle que soit la lettre des dispositions qui fondent l'usage de leur arme.

L'absolue nécessité s'apprécie in concreto , en fonction des circonstances de fait et en fonction de la « conviction honnête » que celui qui a recouru à la force a pu se forger « pour de bonnes raisons [...] à l'époque des évènements », quand bien même celles-ci se révèleraient ensuite erronées (CEDH 27 septembre 1995, Mc Cann c. Royaume-Uni ).

Ainsi, pour la CEDH « le recours à une force potentiellement meurtrière ne saurait passer pour absolument nécessaire lorsque l'on sait que la personne qui doit être appréhendée ne représente aucune menace pour la vie ou l'intégrité physique d'autrui et qu'elle n'est pas soupçonnée d'avoir commis une infraction à caractère violent » (CEDH 5 juin 2012, Ülüfer c. Turquie ) . Dans cet arrêt portant sur l'usage d'une arme à l'encontre d'un prévenu menotté et escorté par trois gendarmes qui était parvenu à s'enfuir d'un palais de justice après avoir commis des violences sur ces derniers, la Cour sanctionne la législation spécifique de légitime défense dont bénéficient les gendarmes turcs, considérant que celle-ci ne renferme presque aucune garantie claire visant à empêcher que la mort ne soit infligée de manière arbitraire dans la mesure où elle « permet effectivement d'utiliser la force meurtrière pour arrêter un suspect fugitif, même si celui-ci ne représente aucune menace réelle pour qui que ce soit et est soupçonné d'avoir commis une infraction non violente » .

En revanche, la CEDH a eu l'occasion de se prononcer , dans son arrêt Guerdner et autres c. France rendu le 17 avril 2014 10 ( * ) , sur la conformité de la législation française et plus précisément des dispositions de l'article L. 2338-3-3° du code de la défense, qui autorisent l'emploi de la force pour arrêter un fugitif même si ce dernier ne représente pas de menace réelle pour le gendarme ou des tiers et n'est pas soupçonné d'avoir commis une infraction violente.

Cette disposition n'a été jugée conforme aux exigences de la CEDH :

- qu'à raison de plusieurs circulaires qui en ont précisé la portée dans un sens plutôt restrictif, en rappelant les principes d'absolue nécessité et de proportionnalité ;

- et de l'application qui en est faite par la Cour de cassation qui exige que le recours à la force meurtrière soit absolument nécessaire au regard des circonstances de l'espèce.

Dans le cas d'espèce de l'affaire Guerdner, la CEDH a néanmoins estimé que l'intéressé était entravé, n'était pas armé et pouvait difficilement représenter une menace immédiate pour la vie ou l'intégrité physique d'autrui (§70).

La Cour de cassation, dans toutes les affaires relatives à des usages d'arme fondés sur le cadre juridique ouvert par l'article L. 2338-3-3° du code de la défense, exige également que les juges du fond recherchent si cet usage était « absolument nécessaire en l'état des circonstances de l'espèce ».

Compte tenu de l'interprétation qu'elle fait de ces dispositions, la Cour de cassation a jugé que l'article L. 2338-3 du code de la défense était, d'une part, compatible avec les dispositions de l'article 2.2 de la CESDH et, d'autre part, n'était contraire à aucune disposition de droit interne (Cf. Crim., 18 février 2003).

Par ailleurs, elle a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité intéressant l'article L. 2338-3 4° du code de la défense en estimant « que les dispositions légales contestées ne méconnaissent aucun des droits et principes invoqués, dès lors que le droit pour les gendarmes de faire usage de leur arme, notamment quand ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt, n'est reconnu par le juge judiciaire que lorsque les circonstances de l'espèce rendent cet usage absolument nécessaire. » ( Crim., 1 er avril 2014 ).

Prenant acte de cet impératif juridique, les textes nationaux récents intègrent le principe d'absolue nécessité pour tous les cas d'usage des armes.

Le code de déontologie de la police et de la gendarmerie nationales, prévoit à l'article R. 434-18 du code de la sécurité intérieure que « Le policier ou le gendarme emploie la force dans le cadre fixé par la loi, seulement lorsque c'est nécessaire, et de façon proportionnée au but à atteindre ou à la gravité de la menace, selon le cas. Il ne fait usage des armes qu' en cas d'absolue nécessité et dans le cadre des dispositions législatives applicables à son propre statut . »

De même, l' article 113-4 du règlement général d'emploi de la police nationale issu de l'arrêté du 6 juin 2006 énonce que « lorsqu'ils sont autorisés par la loi à utiliser la force et, en particulier, à se servir de leurs armes dans le respect des règles relatives à la légitime défense, les fonctionnaires actifs de la police nationale ne peuvent en faire qu'un usage strictement nécessaire et proportionné au but à atteindre . »

La condition d'absolue nécessité apparaît également à l' article 8 de la charte de la gendarmerie nationale : « Le gendarme fait preuve de discernement dans l'exercice de ses fonctions par un usage mesuré et juste des pouvoirs que lui confère la loi. Il privilégie la dissuasion et la négociation à la force. Il se montre impartial lorsqu'il s'interpose entre groupes ou individus qui s'opposent et s'affrontent. Il ne recourt à la force nécessaire que de manière graduée, proportionnée et adaptée, et à l'usage des armes qu'en cas de nécessité. »

Pour autant, il reste que, même unifié par l'application qu'en font les juridictions, nationales ou européenne, le cadre d'usage des armes dont disposent les militaires de la gendarmerie s'avère plus opérationnel et répond davantage aux missions des forces de l'ordre.

1.2 Comparaisons internationales

Outre la légitime défense, qui existe dans des conditions peu ou prou analogues à celles figurant dans l'ordonnancement juridique français, la plupart des Etats disposent d'une législation spécifique relative à l'usage des armes par les forces de l'ordre, leur donnant les moyens opérationnels d'exercer leur mission, tout en respectant le diptyque de l'absolue nécessité et de la proportionnalité résultant de de l'article 2, paragraphe 2, de la CESDH.

Tous les États ne dotent toutefois pas leurs forces de l'ordre de tous les cas d'usage des armes autorisés par cette stipulation.

1.2.1 En Allemagne

La loi UZwG ( Gesetz über den unmittelbaren Zwang bei Ausübun öffentlicher Gewalt durch Vollzugsbeamte des Bundes) , loi sur les actes de coercition directe accomplis dans l'exercice de leurs fonctions par les agents de la fédération chargés de l'application des lois) complète le code pénal sur l'usage des armes par les forces de l'ordre.

L'usage des armes est autorisé lorsque celui-ci est nécessaire :

- Pour éviter une menace directe contre la vie ou la sécurité d'une personne (légitime défense) ;

- Pour mettre un terme à la commission d'une infraction continue ou qui se commet actuellement lorsqu'elle constitue un crime ou bien un délit commis au moyen d'une arme à feu ou par l'emploi de moyens explosifs ;

- Pour mettre un terme à la fuite d'une personne qui tente de se soustraire à son interpellation ou à son maintien à la disposition de la force publique :

o Lorsqu'elle a commis un crime ou un délit flagrant au moyen d'une arme à feu ou d'explosifs,

o Lorsqu'elle est lourdement soupçonnée d'avoir commis un crime,

o Lorsqu'elle est soupçonnée d'avoir commis un délit et qu'il existe des éléments laissant à penser qu'elle pourrait faire usage d'une arme à feu ou d'explosifs

Pour mettre un terme à la fuite d'une personne lorsqu'elle est soustraite à une mesure privative de liberté ordonnée :

o Pour l'exécution d'une peine d'emprisonnement ou de détention provisoire,

o Pour l'exécution d'une détention de sureté (rétention de sûreté allemande),

o En vertu des soupçons qui pesaient sur elle d'avoir commis un crime,

o Liée à l'exécution d'un mandat d'arrêt délivré par les autorités judiciaires,

o Mesure de garde à vue à l'encontre d'une personne sur le point de commettre un crime ou un délit avec usage d'armes à feu ou d'explosifs,

o Pour empêcher que des moyens violents soient utilisés pour libérer un détenu.

- Pour faire cesser une prise d'otage (tir de neutralisation).

Les lois relatives à la police promulguées par la plupart des Länder réglementent les conditions d'usage des armes à partir de dispositions semblables.

Les catégories de forces de l'ordre bénéficiant de l'usage des armes : police, douanes, agents pénitentiaires, agents fédéraux.

1.2.2 Au Royaume Uni

Aucune loi ne donne explicitement le droit d'utiliser les armes à feu. Seule l'utilisation d'une force raisonnable, proportionnée et nécessaire est évoquée dans le cadre de la légitime défense.

Seule une petite proportion des forces de l'ordre est armée. Il s'agit des AFO ( Authorized Firearms Officers ), soit environ 4,5% du nombre total de policiers sont autorisés après formation à avoir une arme (en légère augmentation depuis 2009-2010). Les douaniers et les personnels de l'administration pénitentiaire ne sont pas armés.

Par exceptions, tous les officiers d'Irlande du Nord sont armés, ainsi que les policiers chargés de la surveillance des sites sensibles.

1.2.3 En Belgique

La loi du 5 août 1992 sur la fonction de police encadre spécifiquement le recours à la force et décrit les situations dans lesquelles les fonctionnaires de police peuvent faire usage d'armes à feu contre des personnes, dont la légitime défense au sens des articles 416 et 417 du code pénal.

L'article 1 er précise : « Pour accomplir leurs missions, ils n'utilisent des moyens de contrainte que dans les conditions prévues par la loi ».

L'article 37 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police dispose que :

« Dans l'exercice de ses missions de police administrative ou judiciaire tout fonctionnaire de police peut, en tenant compte des risques que cela comporte, recourir à la force pour poursuivre un objectif légitime qui ne peut être atteint autrement. Tout recours à la force doit être raisonnable et proportionné à l'objectif poursuivi. Tout usage de la force est précédé d'un avertissement, à moins que cela ne rende cet usage inopérant. »

L'article 38 prévoit précisément les quatre cas dans lesquels les forces de l'ordre peuvent faire usage de leur arme à feu :

« Sans préjudice des dispositions de l'article 37, les fonctionnaires de police ne peuvent faire usage d'armes à feu contre des personnes que dans les cas suivants :

1° en cas de légitime défense au sens des articles 416 et 417 du Code pénal;

2° contre des personnes armées ou en direction de véhicules à bord desquels se trouvent des personnes armées, en cas de crime ou de délit flagrant au sens de l'article 41 du Code d'instruction criminelle, commis avec violences, lorsqu'il est raisonnablement permis de supposer que ces personnes disposent d'une arme à feu prête à l'emploi et qu'elles l'utiliseront contre des personnes;

3° lorsqu'en cas d'absolue nécessité, les fonctionnaires de police (...) ne peuvent défendre autrement les personnes, les postes, le transport de biens dangereux ou les lieux confiés à leur protection.

Dans ces cas, les armes à feu ne peuvent être utilisées que conformément aux instructions et sous la responsabilité d'un officier de police administrative;

4° lorsqu'en cas d'absolue nécessité, les fonctionnaires de police (...) ne peuvent défendre autrement les personnes confiées à leur protection dans le cadre de l'exécution d'une mission de police judiciaire.

Dans ce cas, les armes à feu ne peuvent être utilisées que conformément aux instructions et sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire.

Le recours aux armes prévu aux 2°, 3° et 4°, ne s'effectue qu'après avertissement donné à haute voix ou par tout autre moyen disponible, y compris par un coup de semonce, à moins que cela ne rende ce recours inopérant.

Le code de déontologie des services de police (CDSP), pris par arrêté royal du 10 mai 2006, reprend les termes de la loi précitée et apporte quelques précisions sur l'usage de la contrainte.

Les policiers de niveau fédéral ou local bénéficient des dispositions sur l'usage des armes.

Le droit belge de l'usage des armes est très proche du droit français. La seule différence notable est que la sommation puisse se faire par un coup de semonce qu'on imagine à défaut de précision être un coup de feu tiré en l'air.

1.2.4 En Italie

Le cadre légal de l'usage des armes est assez similaire à celui qui existe actuellement en France. Il est prévu à l'article 53 du code pénal : « l'officier public qui, dans l'exercice d'un devoir relevant de sa fonction, fait usage ou ordonne de faire usage d'une arme ou de tout autre moyen de coercition physique, quand il y est obligé par la nécessité de repousser une violence ou de vaincre une résistance à l'autorité, et, en tout cas, s'il s'agit d'empêcher l'accomplissement de faits délictueux tels que massacre, naufrage, submersion, désastre aéronautique, désastre ferroviaire, homicide volontaire, vol à main armée et séquestration de personne (...). La loi prévoit d'autres cas où l'usage des armes ou de tout autre moyen de coercition physique est autorisé. ».

La CEDH a eu l'occasion de considérer que « l'article 53 du CP se caractérise, certes, par des formules plus vagues ; il n'en demeure pas moins qu'il fait référence à la « nécessité » de repousser une violence » ( Affaire Giuliani et Gaggio c. Italie n°23458/02 du 24 mars 2011.).

Ainsi, face à l'exécution d'un crime grave (ou dans les cas d'évasion de lutte contre la contrebande ou pour empêcher les passages abusifs aux frontières), s'il n'est pas déféré à ses sommations, le policier ou le carabinier italien se trouve dans un cas d'usage légitime des armes car il y a violence à repousser, résistance à vaincre ou consommation d'un crime à prévenir.

En revanche, s'il est autorisé à faire feu tant que la personne exécute un crime, l'agent des forces de l'ordre ne peut cependant pas faire usage des armes sur une personne qu'il cherche à arrêter, faute de cadre légal.

Les catégories de forces de l'ordre bénéficiant de l'usage des armes sont : la police nationale, les carabiniers, la guarda di finanza et la police pénitentiaire.

1.2.5 Aux Pays-Bas

Plusieurs textes participent à l'encadrement légal de l'usage des armes par les forces de l'ordre. Ainsi, outre le code pénal, une loi de 1993 sur la police ( politiewet ) et une instruction de service de 1994 ( Bewapeningsregeling Politie ) viennent fixer l'ensemble du régime de l'usage des armes : le port de l'arme, l'usage des armes et les enquête de l'inspection générale.

L'article 8 § 1 de la loi sur la police de 1993 autorise le recours à la force par les policiers :

« Tout policier nommé pour exécuter les tâches de la police est habilité à user de la violence dans l'exercice légal de ses fonctions lorsque le but ainsi poursuivi le justifie compte tenu également des risques associés à l'usage de la violence et que ledit but ne peut être atteint autrement. L'usage de la violence doit être précédé si possible d'un avertissement. »

L'instruction de service pour la police, la gendarmerie et les fonctionnaires investis de pouvoirs d'enquête spéciaux de 1994 prévoit le cadre commun de l'usage des armes :

Article 7 :

« 1. L'usage des armes à feu autre qu'une arme à feu pouvant être utilisé pour le tir automatique ou le tir de précision à longue distance n'est autorisé que dans les cas suivants :

a) Pour arrêter une personne qui représente une menace liée à l'usage d'armes à feu,

b) Pour arrêter une personne qui cherche à se soustraire ou s'est soustraite à son arrestation ou à sa présentation à l'autorité judiciaire compétence et qui est soupçonnée d'avoir commis ou a été condamnée pour avoir commis un délit grave qui doit en outre être considéré comme une perturbation grave de l'ordre juridique.

(...)

3. Dans les cas mentionnés au paragraphe 1 sous les alinéas a) et b), il ne peut être fait usage d'une arme à feu si l'identité de la personne devant être arrêtée est connue et que l'on peut raisonnablement supposer que le report de l'arrestation ne compromettra pas l'ordre juridique d'une manière pouvant être jugée inacceptable (...) ».

L'article 12 :

« 1. Immédiatement avant qu'il ne fasse usage d'une arme à feu (...), le fonctionnaire lance d'une voix forte ou d'une autre manière non équivoque un avertissement aux termes duquel il fera feu si son injonction n'est pas sur le champ suivi d'effet. Cet avertissement, qui ne peut en cas de nécessité être remplacé par un tir de sommation, ne peut être omis que si les circonstances ne permettent pas de le lancer.

2. Tout tir de sommation doit être exécuté de manière à éviter autant que possible de mettre en danger les personnes ou les biens. »

1.2.6 En Suisse

Les forces de police se subdivisent en trois échelons : l'échelon municipal, l'échelon cantonal et l'échelon fédéral.

Une loi du 20 mars 2008 sur l'usage de la contrainte et de mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération précise les conditions d'usage des armes.

L'article 11 de cette moi prévoit :

« 1. Les armes ne doivent être utilisées qu'en dernier recours.

2. Les armes à feu ne peuvent être utilisées que pour empêcher la fuite ou arrêter des personnes qui :

a) ont commis une infraction grave ;

b) sont sérieusement soupçonnées d'avoir commis une infraction grave.

3. Un tir de sommation ne peut être effectué que si l'avertissement reste sans effet ou semble d'emblée inutile.

4. Tout usage d'arme doit faire l'objet d'un rapport à l'autorité compétente. »

L'article 9 de la loi susmentionnée prévoit les conditions de mise en oeuvre qui accompagnent classiquement l'usage de la contrainte. L'alinéa 2 prévoit que « L'usage de la contrainte et des mesures policières doit être proportionné aux circonstances : l'âge, le sexe et l'état de santé des personnes concernées doivent notamment être pris en compte. ». L'aliéna 3 dispose que « Il ne doit pas entraîner d'atteintes ou d'inconvénients disproportionnés par rapport au but visé » et l'alinéa 4 que « les traitements cruels, dégradants ou humiliants sont interdits ».

Enfin l'article 22 dispose que « si la contrainte policière occasionne une atteinte à la santé, les autorités d'exécution doivent administrer les premiers secours et veiller à ce que l'assistance médicale nécessaire soit fournie ». Cet article est complété par l'article 23 qui prévoit que « toute personne à l'encontre de laquelle il a été fait usage de la contrainte policière ou qui est retenue doit être soumise à un examen médical, à moins que toute atteinte importante à sa santé puisse être exclue ».

1.2.7 En Espagne

L'usage des armes à feu en Espagne n'est autorisé qu'en cas de légitime défense de soi-même ou d'autrui, et doit être conforme aux dispositions de la loi organique 2/1986 du 13 mars 1986 relative aux forces et corps de sécurité.

L'article 5-2-d du chapitre 2 de cette loi indique :

Chapitre 2 - Normes basiques d'action

Article 5 Les principes basiques d'action des membres des Forces et Corps de sécurité sont les suivantes :

1. Respect de l'ordre juridique, en particulier : (...)

2. Relation avec la communauté, singulièrement :

(. .. )

c) dans l'exercice de leurs fonction, ils devront agir avec la détermination requise, et sans retard lorsqu'un dommage grave, immédiat et irréparable dépend de cela ; les principes de congruence, d'opportunité, et de proportionnalité dans l'utilisation des moyens à leur disposition doivent régir leur action,

d) Utiliser les armes seulement dans les situations dans lesquelles il existe un risque rationnellement grave pour sa vie, son intégrité physique ou celle de tierce-personnes, ou dans les circonstances qui peuvent supposer un risque grave pour la sécurité publique et de manière conforme avec les principes auxquels se réfère le paragraphe antérieur. »

Des textes complémentaires ont été édictés pour encadrer, autant que faire se peut, l'usage de celles-ci :

1) Instruction de la Direction de la sécurité de l'Etat sur l'utilisation des armes à feux par les membres des corps et forces de sécurité de l'Etat, en date du 14 avril 1983

2) Circulaire de la Direction générale de la Garde civile (sous-direction générale des opérations) sur l'utilisation des armes à feux, en date du 28 février 1994 ;

3) Instruction 1212007 du Secrétariat d'Etat à la Sécurité sur les comportements exigés des membres des forces et corps de sécurité de l'Etat pour garantir les droits des personnes détenues ou placés sous surveillance policière.

Ces diverses instructions encadrant l'usage de l'arme de service, outre les points généraux repris des normes de base (agression illégitime contre les personnes, mettant en jeu la vie ou l'intégrité physique des personnes attaquées, adéquation et proportionnalité du moyen ... ), précisent que tout tir doit être précédé, si les conditions le permettent (distance, rapidité, violence de l'agresseur), de sommations puis en cas d'attitude inchangée ou plus agressive, d'un tir en l'air ou au sol, et en derniers recours, un tir sur des parties non vitales du corps de l'agresseur afin d'être le moins préjudiciable.

En ce qui concerne la fuite d'un délinquant présumé, les membres des forces de sécurité ne peuvent tirer que dans les cas de délits graves supposés et dans les conditions suivantes : Sommation verbales avec tir en l'air ou au sol avec pour seul objectif dissuasif, si les conditions environnante le permettent sans risque de blesser d'autres personnes, puis tir dans des parties non vitales du corps du fugitif si l'agent est persuadé de l'extrême dangerosité de celui-ci en raison de la détention d'une arme blanche, d'une arme à feu ou d'explosif, en respectant le caractère le moins dommageable du tir en termes de blessures.

L'instruction de 1983 précise qu'en cas de doute sur la gravité du délit ou sur l'identité du délinquant, l'agent ne doit pas user son arme à feu. Il en est de même en cas de risque de blesser un innocent.

1.2.8 En Pologne

Les conditions d'utilisation des armes à feu sont déterminées par la loi du 24 mai 2013 relative à l'utilisation des armes à feu et des autres moyens de contrainte directe.

Les armes à feu peuvent être utilisées par les fonctionnaires de police lorsque le recours aux autres moyens de contrainte s'est avéré insuffisant par rapport au but recherché ou lorsque l'utilisation de ces moyens n'a pas été rendue possible par les circonstances dans lesquelles des faits ont été commis.

Les cas d'usage des armes sont les suivants :

1) Nécessité d'empêcher directement un attentat, ou lorsqu'il y a la nécessité d'empêcher les actions directes visant à le commettre, sur :

a) la vie, la santé ou la liberté d'un policier ou d'une tierce personne,

b) les sites sensibles, appareils ou territoires donnés,

c) les biens susceptibles de constituer un danger direct pour la vie, la santé, la liberté d'un policier ou d'une tierce personne,

d) la sécurité d'un convoi ou d'un dépôt.

2) Nécessité de s'opposer à une personne :

a) n'obtempérant pas à une demande d'abandon immédiat d'une arme, d'un engin explosif ou de tout autre objet dangereux dont l'exploitation présenterait une menace à la vie, la santé ou la liberté d'un policier ou d'une tierce personne,

b) tentant de s'emparer de manière illégale d'une arme à feu à un policier ou à toute autre personne autorisée à posséder de telles armes.

3) La poursuite d'une personne à l'encontre de laquelle :

a) l'utilisation d'une arme à feu était justifiée dans les circonstances indiquées aux points:

1) a-c et 2), ci-dessous précités,

b) il existe des suspicions suffisamment réelles qu'elle ait pu commettre une infraction à caractère terroriste (article 115, paragraphe 20 du code pénal), un meurtre (article 148 du code pénal), des coups et blessures graves (article 156, paragraphe 1 du code pénal), un viol ou autre infraction à caractère sexuel (article 197 du code pénal), une prise d'otage (article 252 du code pénal), un vol, ou un vol aggravé (articles 280-282 du code pénal).

4) La nécessité d'empêcher la fuite d'un individu faisant l'objet d'une interpellation, d'une détention provisoire ou d'une condamnation à prison ferme, si :

a) la fuite de cet individu présente une menace à la vie, à la santé ou à la liberté d'un policier ou d'une tierce personne,

b) il existe une suspicion qu'il peut utiliser des engins explosifs, d'une arme à feu, ou de tout autre objet dangereux,

c) son arrestation résulte du fait d'être suspectée d'avoir commis l'une des infractions citées au point 3) b).

Les forces de l'ordre bénéficiant de l'usage des armes sont : la police, les gardes frontières et les forces pénitentiaires.

1.2.9 Au Portugal

L'usage des armes a fait l'objet d'un décret loi n° 457/99 du 5 novembre 1999 qui a uniformisé les règles d'utilisation par tous les corps de police.


En application des principes de la nécessité absolue et de la proportionnalité, l'usage des armes n'est autorisé que dans les situations extrêmes et à défaut d'autres moyens plus efficaces.

Une première distinction est faite selon que ces armes sont utilisées contre des objets ou contre des personnes. Dans le second cas, elles ne doivent servir que dans le but de protéger la vie humaine et dans les trois situations suivantes :

- pour faire face à une agression en cas de danger imminent ;

- pour prévenir un crime particulièrement grave menaçant des vies humaines ;

- pour se rendre maître de la personne à l'origine de cette menace si elle résiste à l'autorité ou tente de fuir.

L'usage des armes à feu est assorti de l'obligation de faire des sommations, du devoir de secours, de l'obligation d'établir un rapport et de le communiquer au ministère public. Enfin, si la mort ou une blessure grave s'ensuit, l'inspection générale de l'administration interne doit être avertie et ouvrir immédiatement une enquête.

Un code de déontologie commun à la garde nationale républicaine et à la police de sécurité publique a été adopté par une résolution du conseil des ministres n° 37/2002 du 7 février 2002.

L'article 8 dispose notamment que :

« 1. Les membres des forces de sécurité utilisent les moyens coercition adéquate pour la restauration de la légalité et l'ordre, de la sécurité et de la tranquillité publique quand ils se montrent indispensables, nécessaires et suffisantes pour la bonne exécution de leurs fonctions et ont puisé les moyens de persuasion et de dialogue.

2. Les membres des forces de sécurité évitent le recours à l'usage de la force, sauf dans les cas expressément prévus par la loin, quand elle se révèle légitime, strictement nécessaire, appropriées/adéquate et proportionné à l'objectif visé.

3. En particulier, ne doivent recourir à l'usage des armes à feu, comme mesure extrême, lorsque cela apparaît absolument nécessaire, approprié, qu'il existe un danger pour leur vie ou celle d'un tiers, et dans d'autres cas limitativement prévus par la loi ».

2. Objectifs poursuivis

• Doter les forces de l'ordre d'un cadre commun et spécifique d'usage des armes

Des développements qui précèdent, il apparaît que le système juridique français offre aux militaires de la gendarmerie nationale un droit d'usage des armes plus opérationnel que celui dont disposent les fonctionnaires de la police nationale. Quand bien même cette différenciation mérite d'être relativisée en considération de la jurisprudence qui s'y rapporte, elle apparaît injustifiée dans le contexte actuel de rapprochement des deux principales forces de sécurité intérieure.

Si l'usage des armes à feu par les militaires de la gendarmerie nationale couvre un assez large spectre de situations allant des missions traditionnelles de police administrative et judiciaire jusqu'aux conflits armés, en passant par le rétablissement de l'ordre dans des contextes dégradés et s'il ne saurait être question de toucher à l'ensemble de ces règles, à tout le moins apparaît-il opportun d'unifier celles qui concernent des missions exercées de manière identique à celles des policiers, sur le territoire national.

En effet, cette différence de traitement n'est en rien justifiée, ni par leur rattachement organique désormais identique, ni par leurs missions (identiques en matière de sécurité intérieure), ni même au regard des risques encourus, la seule différence de statut (militaire ou non) n'étant pas de nature, à elle seule, à justifier une telle différence de traitement.

• La nécessité d'un cadre intégrant les apports de la jurisprudence, permettant une meilleure prévisibilité

Le régime d'usage des armes des gendarmes nécessite d'être rénové pour tenir compte des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme ( CEDH, Guerdner c. France, 17 avril 2014 ).

Cet objectif rejoint d'ailleurs l'avis du Conseil d'Etat, émis à l'occasion de l'examen du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et son financement, l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, lequel souligne que « dès lors que le parti est pris par le Gouvernement de modifier le régime de l'usage des armes par les forces de l'ordre, devrait être redéfini plus globalement cet usage afin notamment de renforcer la cohérence de l'ensemble du dispositif, dans le respect des exigences constitutionnelles et conventionnelles et notamment de l'article 2 de la convention européenne des droits de l'homme sur le droit à la vie, de prendre en compte les jurisprudences de la Cour de Cassation et de la Cour européenne des droits de l'homme sur l'usage des armes par les forces de l'ordre, de fixer à ces forces des conditions d'usage plus précises et moins sujettes à difficultés d'appréciation, et enfin d'harmoniser les règles applicables aux policiers et aux gendarmes, ces deux forces étant désormais placées sous une même autorité » 11 ( * ) .

A cet effet, le présent projet de loi vise à insérer, dans le code de la sécurité intérieure, un cadre d'usage légale des armes pour les forces de l'ordre qui a pour ambition :

- De donner un cadre commun d'usage des armes aux policiers et gendarmes, et par renvoi, aux douaniers et militaires déployés sur le territoire national dans le cadre de réquisitions (Sentinelle) ou protégeant des installations militaires ;

- De moderniser et d'intégrer au cadre actuellement en vigueur pour les militaires de la gendarmerie (L. 2238-3 code de la défense), les exigences découlant de la convention européenne des droits de l'homme (principes d'absolue nécessité et de proportionnalité), telles qu'interprétées par la CEDH et les juridictions nationales ;

- De doter ainsi les forces de l'ordre d'un cadre d'usage des armes lisible et prévisible. Une telle rénovation, rendue commune à l'ensemble des forces de sécurité intérieure, répondrait à cette exigence en offrant une meilleure lisibilité, garante de sécurité de leur action.

3. Options

Tant pour des raisons juridiques que symboliques, il n'a pas été jugé souhaitable de proposer une présomption de légitime défense au profit des membres des forces de l'ordre. Une telle évolution serait à la fois factice et dangereuse.

Factice parce que, s'agissant du droit pénal, il ne pourrait s'agir que d'une présomption simple, par nature réfragable, une présomption irréfragable qui exclurait tout contrôle du juge, ne pouvant être envisagée.

Or, une présomption simple aurait seulement pour effet de renverser la charge de la preuve en déplaçant sur l'accusation ou la partie civile la démonstration de l'absence de réunion effective des conditions de la légitime défense. Le gain serait seulement apparent dès lors que le contrôle du juge sur l'absolue nécessité et la proportionnalité fait fi, en réalité, des règles d'établissement de la preuve, la CEDH exigeant que dans tous les cas d'usage des armes, une enquête soit diligentée.

Par suite, qu'elle soit présumée ou prouvée, la légitime défense devra en tout état de cause être établie pour exonérer le fonctionnaire de police ou le militaire de gendarmerie de sa responsabilité, et le sera le plus souvent, moins par l'action de la victime que par celle des inspections générales, du parquet puis du juge d'instruction dont les pouvoirs inquisitoriaux sont de nature à suppléer les règles d'établissement de la preuve.


Dangereuse parce que cette évolution pourrait entretenir l'illusion d'un affranchissement des forces de l'ordre quant aux principes de nécessité absolue et de proportionnalité enserrant l'usage des armes et qui exigent un contrôle in concreto des conditions dans lesquelles ils en font usage, alors que le parti adopté par le présent texte est précisément inverse en visant à intégrer les exigences de la jurisprudence, notamment européenne, dans le cadre modernisé d'usage des armes qu'il prévoit.

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1 L'article 1 er crée tout d'abord, au sein du code de la sécurité intérieure, un cadre d'usage des armes commun aux agents de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie nationale.

Le présent projet de loi insère un chapitre V au sein du titre III du livre IV du code de la sécurité intérieure qui rappelle, pour les agents de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie dans l'exercice de leurs fonctions et revêtus de leurs uniformes ou des insignes de leurs fonctions, en facteurs communs pour l'ensemble des cas d'usage des armes, les principes d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité gouvernant cette matière, tels qu'interprétés de manière constante par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et les juridictions nationales.

Par ailleurs, chaque fois que cela est matériellement possible, les cas d'usage des armes requièrent deux sommations préalables.

L'article reprend également, dans un souci de cohérence, les dispositions relatives au « périple meurtrier », inscrites à l'article 122-4-1 du code pénal, qui prévoient que les agents des forces de sécurité peuvent utiliser leurs armes, dans le but exclusif d'empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d'un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d'être commis, lorsqu'ils ont des raisons réelles et objectives d'estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont ils disposent au moment où ils font usage de leurs armes.

Enfin, ce cadre légal des armes est applicable à l'ensemble des forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions, que les agents soient en uniforme ou en civil, dès lors qu'ils peuvent s'identifier par un insigne ou un signe extérieur de leurs fonctions. Cet apport tient compte des modes de fonctionnement actuels des forces de l'ordre, qui sont fréquemment amenées à travailler en civil.

En revanche, ce cadre d'usage des armes ne leur est pas applicable lorsqu'ils sont hors service, et ce, et alors même qu'ils seraient amenés à porter leur arme pour les besoins de leur protection. Dans ce cadre, ils ne peuvent faire usage de leur arme qu'en situation de légitime défense (article 122-5 et 122-6 du code pénal).

a) En riposte à des violences ou face à des individus armés

Deux hypothèses sont distinguées dans ce premier cas :

- La première est celle de la légitime défense stricto sensu : « Lorsque des atteintes à la vie ou à l'intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui » . Cette rédaction est plus moderne et plus complète que la première des deux hypothèses couvertes par le 1° de l'article L. 2338-3 du code de la défense (« Lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux ») : le projet de texte retranche les voies de fait (beaucoup trop large), élargit le cas de figure aux atteintes perpétrées contre les tiers, et adopte une terminologie plus proche de celle du code pénal moderne. Cette première hypothèse est très proche de la rédaction du cadre de la légitime défense défini à l'article 122-5 du code pénal (« N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui ... »), tel qu'interprété par le juge pénal.


- La seconde hypothèse est celle où des personnes armées menacent leur vie ou leur intégrité ou celles de tiers. Elle est plus descriptive en ce qu'elle précise comment doit être interprétée la menace (personnes armées qui menacent) et l'usage de l'indicatif présent « menacent leur vie ... » caractérise la nécessité d'une menace actuelle, que l'on peut illustrer par un individu pointant son arme à feu sur le policier ou gendarme ou sur un tiers, ou brandissant un couteau à courte distance. Elle se distingue de la précédente dans la mesure où la rédaction de celle-ci (qu'il s'agisse de l'article L. 122-5 du code pénal ou de la première partie du 1° de l'article L. 435-1 nouveau du code de la sécurité intérieure) évoque une action en cours ( « atteintes portées » ), alors qu'il s'agit ici d'une menace par des individus armés. La jurisprudence tend cependant à étendre la légitime défense à cette hypothèse, la légitime défense étant régulièrement reconnue dans le cas d'ouverture du feu sur un individu braquant une arme sur un policier ou un gendarme, y compris en cas de légitime défense putative (Crim. 14 février 1957, Bull.crim. n° 155 ; Nancy, 9 mars 1979, D. 19891, n° 462).

Dans ces deux cas, les sommations ne sont pas exigées, en raison de l'actualité de la menace qui exige une riposte instantanée, même si elles sont toujours utiles, dès lors qu'elles peuvent être mises en oeuvre sans risque pour les forces de l'ordre.

b) Pour défendre un terrain, un poste ou des personnes qui leur sont confiées

Le 2° de l'article L. 435-1 du CSI reprend, tout en le modernisant, la première partie du 2° de l'article L. 2338-3° qui mérite d'être conservée, même si elle pourrait paraître redondante avec la rédaction de l'article L. 211-9 alinéa 6 du code de la sécurité intérieure relatif à la dispersion d'attroupements. En effet, cette disposition pourrait trouver application dans des cas n'entrant pas dans le champ des attroupements (ex : attaque d'une brigade, d'un commissariat, protection rapprochée d'une personne).

La deuxième partie de la disposition actuelle était en revanche inutile dès lors qu'elle ne permet d'intervenir qu'en cas de résistance armée, situation qui recoupe la deuxième occurrence du 1°.

Par ailleurs, la disposition intègre la nécessité de deux sommations faites à haute voix, dès lors que cette situation n'exige pas, en principe, une intervention instantanée. Ces sommations sont d'ailleurs prévues à l'article L. 4123-12 du code de la défense, s'agissant de l'usage des armes en cas d'intrusion dans une zone de défense hautement sensible, disposition de même portée que celle-ci 12 ( * ) .

c) Pour arrêter, dans un cadre très strictement défini, un fugitif

Ainsi qu'il a été démontré, la rédaction du 3° du L. 2338-3 n'est pas, à elle seule, conforme à la jurisprudence de la CEDH dès lors qu'elle permet de faire usage d'une arme pour arrêter une personne, quelle que soit sa dangerosité. Le critère posé par cet article a pour seul objectif d'empêcher une personne de s'enfuir ; ni le principe de nécessité ni celui de proportionnalité ne figurent dans cette disposition.

Certes, l'alinéa 2 de l'article 2 de la CESDH prévoit que « La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire : (...) b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue ».

Toutefois, la jurisprudence de la CEDH considère que « le but légitime d'effectuer une arrestation régulière ne peut justifier de mettre en danger des vies humaines qu'en cas de nécessité absolue. (...) En principe il ne peut y avoir pareille nécessité lorsque l'on sait que la personne qui doit être arrêtée ne représente aucune menace pour la vie ou l'intégrité physique de quiconque et n'est pas soupçonnée d'avoir commis une infraction à caractère violent, même s'il peut en résulter une impossibilité d'arrêter le fugitif «  ( CEDH, arrêt de Grande chambre du 6 juillet 2005, Natchova et autres c. Bulgarie , req. n° 43577/98 et 43579/98, § 107] » (§ 63) ; CEDH du 5 juin 2012 : Ülüfer c. Turquie , et du 17 avril 2014 : Guerdner et autres c. France ).

Ainsi, dans son appréciation in concreto , la CEDH tient compte :

- du profil du fugitif : criminel endurci et aguerri (Finogenov c. Russie 2011 §200) ou non (Andronicou et Constantinou, précité, § 183, où la Cour a souligné que le preneur d'otages « n'était pas un terroriste ou un criminel endurci » ) ;

- de son caractère déterminé ;

- de la menace d'un passage à l'acte ;

- et alors même que les autorités ne pouvaient savoir avec certitude si l'individu serait ou non passé à l'acte.

Dans tous les cas, l'absolue nécessité rapportée à l'usage des armes par les forces de sécurité doit être appréciée au moment du tir et compte tenu des informations dont dispose celui qui fait usage de son arme quant au profil et aux motivations de la personne qu'il cherche à arrêter, à l'existence d'un danger et à la nécessité de mettre la personne hors d'état de nuire.

La disposition précise donc que ce n'est que dans l'hypothèse où les forces de l'ordre ne peuvent contraindre à s'arrêter une personne cherchant à échapper à leur garde ou à leurs investigations et dans le but de l'empêcher de perpétrer, de manière imminente, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles de tiers qu'ils peuvent faire usage de leur arme, de manière absolument nécessaire et strictement proportionnée comme pour tous les cas du nouvel article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure, alors même qu'ils ne seraient pas en situation de légitime défense.

Toute autre interprétation, et notamment celle qui consisterait à permettre un usage de l'arme pour seulement empêcher la fuite d'un individu, y compris s'il est soupçonné de meurtre mais dont rien ne permet de penser qu'il va réitérer son acte, ne serait pas compatible avec l'exigence de nécessité posée par la CEDH (cf. CEDH - arrêt Guerdner).

La disposition introduit également l'usage de deux sommations.

d) Pour immobiliser un véhicule

Là encore, le 4° de l'article L. 435-1 du CSI reprend le 4° de l'article L. 2338-3 du code de la défense en ajoutant le même encadrement que pour le 3°, l'usage de l'arme absolument nécessaire et strictement proportionné étant limité aux cas dans lesquels les forces de l'ordre ne peuvent arrêter autrement des véhicules dans le but de les empêcher de perpétrer de manière imminente des atteintes à la vie ou à l'intégrité physique des forces de l'ordre ou de tiers.

En effet, il ne saurait être question pour les forces de l'ordre, même avec l'autorisation de la loi, de faire usage de leur arme pour contraindre un véhicule à s'arrêter, en l'absence de toute dangerosité de ses occupants. Pour juger légal l'usage de l'arme à feu par un gendarme, la Cour de cassation a ainsi pris en compte non seulement la situation de fuite, mais aussi la dangerosité de la conduite du véhicule 13 ( * ) .

e) Dans le cas d'un « périple meurtrier »

Le 5°, qui reprend, dans un souci de cohérence, les dispositions relatives au « périple meurtrier », introduites à l'article 122-4-1 du code pénal par la loi du 3 juin 2016, prévoit que les agents des forces de sécurité peuvent utiliser leurs armes, dans le but exclusif d'empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d'un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d'être commis, lorsqu'ils ont des raisons réelles et objectives d'estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont ils disposent au moment où ils font usage de leurs armes.

4.2 Un cadre d'usage des armes élargi à d'autres forces de sécurité

Ainsi encadré, le régime d'usage des armes nouvellement créé est conforme à la jurisprudence européenne et constitue un cadre parfaitement lisible et prévisible, applicable aussi bien aux gendarmes, dans leurs missions de sécurité intérieure, qu'aux policiers.

L'article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure est par ailleurs rendu applicable, par renvoi, aux agents des douanes qui disposent, sur le fondement de l'article 56 du code des douanes 14 ( * ) d'un cadre d'usage des armes presque analogue à celui des militaires de la gendarmerie, notamment pour immobiliser un véhicule, ou pour arrêter « une réunion » de personnes qui n'obtempèrent pas après sommations. Or, tout comme l'article L. 2338-3 du code de la défense, l'article 56 du code des douanes est lacunaire, en ce qu'il n'intègre pas les critères retenus par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) et de la Cour de cassation.

Enfin, et pour conserver son unité au code de la défense, l'article 1 er modifie l'article L. 2338-3 du code de la défense, qui s'agissant des missions de sécurité intérieure des militaires de la gendarmerie nationale, se borne désormais à renvoyer au régime commun ainsi créé et le rend également applicable aux militaires déployés sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l'article L. 1321-1 du code de la défense 15 ( * ) et aux militaires chargés sur ce même territoire national de la protection des installations militaires sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-1 et L. 4123-12 du code de la défense. Toutefois, les militaires chargés de la protection des installations militaires ne peuvent faire usage de leurs armes que dans les cas prévus au 1° au 4° de l'article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure.

4.3 Un cadre commun d'immobilisation des moyens de transport

Enfin, dans le même objectif de doter l'ensemble des forces de l'ordre intervenant sur le territoire nationale d'un cadre commun, l'article 1 er étend aux militaires de gendarmerie, aux militaires déployés sur le territoire national dans le cadre de réquisitions ou chargés de la protection des installations militaires, le cadre prévu à l'article L. 214-2 du code de la sécurité intérieure, permettant aux policiers de faire usage de matériels appropriés pour immobiliser les moyens de transport. Sont abrogés par voie de conséquence, les dispositions de même nature mais de moindre portée, propres aux gendarmes. S'agissant des douanes, le 2. de l'article 61 du code des douanes est remplacé par des dispositions prévoyant que les agents des douanes peuvent faire usage de matériels appropriés, conformes à des normes techniques définies par arrêté du ministre chargé des douanes, pour immobiliser les moyens de transport dans les cas prévus à l'article L. 214-2 du code de la sécurité intérieure.

ARTICLE 2 - IDENTIFICATION DES ENQUÊTEURS PAR UN NUMÉRO

1. Etat des lieux et diagnostic

1.1 État des lieux du système juridique français

1) Dispositions de droit commun

a) Le formalisme des procès-verbaux en matière de police judiciaire et douanière

Le formalisme des procès-verbaux en matière de police judiciaire trouve une assise juridique à l'article 427 du code de procédure pénale qui dispose que « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction. Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui ».

Le juge ne peut donc fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui.

En application de l'alinéa 1 er de l'article 429 du code de procédure pénale, un procès-verbal ou un rapport n'a de valeur probante que s'il est régulier en la forme, si son auteur a agi dans l'exercice de ses fonctions et a rapporté sur une matière de sa compétence ce qu'il a vu, entendu ou constaté personnellement. La valeur probante des procès-verbaux est variable : simples renseignements (article 430 du code de procédure pénale), foi jusqu'à preuve contraire rapportée par écrit ou par témoins (articles 431 et 537 du code de procédure pénale), foi jusqu'à inscription de faux (article 433 du code de procédure pénale).

S'agissant de la régularité des procès-verbaux, l'article D. 9 du code de procédure pénale prévoit que « les officiers de police judiciaire doivent énoncer leur nom et leur qualité dans tous les procès-verbaux qu'ils établissent en matière de police judiciaire ». L'article D. 10 relatif aux procès-verbaux établis en exécution d'une commission rogatoire ou dans le cadre d'une enquête de flagrance précise que « chaque procès-verbal doit mentionner le nom et la qualité de l'officier de police judiciaire qui a opéré personnellement, à l'exclusion de tout autre » . L'article D. 11 précise en outre que si plusieurs officiers ou agents de police judiciaire concourent à une enquête préliminaire, le nom de celui qui a personnellement accompli chacune des opérations doit être précisé .

Le deuxième alinéa de l'article 19 du code de procédure pénale prévoit que les procès-verbaux doivent énoncer la qualité d'officier de police judiciaire de leur rédacteur.

En matière douanière, les procès-verbaux de constat, qui incluent les procès-verbaux d'interrogatoire, doivent énoncer la date et le lieu des contrôles et des enquêtes effectués, la nature des constatations faites et des renseignements recueillis, la saisie des documents, s'il y a lieu, ainsi que les nom, qualité et résidence administrative des agents verbalisateurs (article 334 2°. du code des douanes). Les procès-verbaux de saisie énoncent la date et la cause de la saisie, la déclaration qui a été faite au prévenu, les nom, qualité et demeure des saisissants et de la personne chargée des poursuites (article 325 du code des douanes). Une copie de ce procès-verbal doit être remise à l'infracteur s'il est présent lors des opérations de saisie (article 327 1° du code des douanes).

b) Les mesures de protection des personnels chargés de missions de police judiciaire

En vertu de l'article 62-1 du code de procédure pénale, les personnels chargés de missions de police judiciaire 15 ( * ) concourant à la procédure sont autorisés à déclarer comme domicile l'adresse du siège du service dont ils dépendent .

En application de l'article R. 15-33-76 du code de procédure pénale, pris en application de ce texte, les services de police ou les unités de gendarmerie sont tenus, à la demande des seules autorités judiciaires, de délivrer dans les meilleurs délais aux personnes bénéficiaires des dispositions de l'article 62-1, les convocations émanant de ces autorités. Ils doivent de même remettre les citations à comparaître dont peuvent faire l'objet ces personnes.

Lorsqu'elles sont entendues comme témoins devant une juridiction d'instruction ou de jugement, ces personnes sont autorisées à continuer de déclarer comme domicile l'adresse du service de police ou de l'unité de gendarmerie.

2) Le cas des enquêteurs chargés de la lutte contre le terrorisme de leur numéro d'immatriculation administrative (article 706-24 CPP)

a) Le cadre juridique

L'article 706-24 du code de procédure pénale, issu de la loi n ° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, prévoit qu'après autorisation du procureur général près la cour d'appel de Paris, les officiers de police judiciaire et agents de police judiciaire des services de police judiciaire spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme peuvent procéder aux investigations relatives aux infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 en s'identifiant sous un numéro d'immatriculation administrative. Si aucune condamnation ne peut être prononcée sur le fondement des actes rédigés dans ce cadre, cette limite tombe si l'identité réelle des fonctionnaires est communiquée, à sa demande, au président de la formation de jugement.

Plus exactement, l'article 706-24 du code de procédure pénale prévoit que « Les officiers et agents de police judiciaire, affectés dans les services de police judiciaire spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme, peuvent être nominativement autorisés par le procureur général près la cour d'appel de Paris à procéder aux investigations relatives aux infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 16 ( * ) , en s'identifiant par leur numéro d'immatriculation administrative. Ils peuvent être autorisés à déposer ou à comparaître comme témoins sous ce même numéro. L'état civil des officiers et agents de police judiciaire visés au premier alinéa ne peut être communiqué que sur décision du procureur général près la cour d'appel de Paris. Il est également communiqué, à sa demande, au président de la juridiction de jugement saisie des faits. Les dispositions de l'article 706-84 sont applicables en cas de révélation de l'identité de ces officiers ou agents de police judiciaire, hors les cas prévus à l'alinéa précédent. Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement d'actes de procédure effectués par des enquêteurs ayant bénéficié des dispositions du présent article et dont l'état civil n'aurait pas été communiqué, à sa demande, au président de la juridiction saisie des faits. Les modalités d'application du présent article sont, en tant que de besoin, précisées par décret en Conseil d'Etat.

L'article R 50-29 du code de procédure pénale prévoit quant à lui les modalités de tenue par le parquet général du registre dans lequel sont mentionnées les autorisations d'anonymat et prévoit que celles-ci sont valables pendant toutes la durée de l'affectation des officiers de police judiciaire et agents de police judiciaire dans le service concerné.

L'article R. 50-29 du code de procédure pénale dispose plus précisément que « Pour l'application de l'article 706-24, il est tenu, au parquet général de la cour d'appel de Paris, un registre coté et paraphé dans lequel sont mentionnées les autorisations de s'identifier par leur numéro d'immatriculation administrative délivrées par le procureur général de Paris à des officiers ou agents de police judiciaire affectés dans des services de police judiciaire spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme et auquel sont annexées les copies de ces autorisations.

Les numéros d'immatriculation administrative sont donnés par le chef du service. Ils peuvent être différents pour chaque procédure à laquelle participent les officiers ou agents de police judiciaire. Ces numéros sont mentionnés, pour chaque procédure, dans un registre coté et paraphé détenu par le service, registre auquel sont annexées les autorisations. Les autorisations sont valables pendant toute la durée de l'affectation des officiers ou agents de police judiciaire dans le service.

Ces officiers et agents peuvent ne pas signer de leur signature habituelle les procès-verbaux qu'ils établissent, en recourant à une signature reproduisant, le cas échéant, tout ou partie du numéro d'immatriculation et dont ils ont apposé un exemplaire dans le registre prévu au deuxième alinéa du présent article ».

b) La mise en oeuvre du dispositif

La circulaire interministérielle du 18 mars 2008 a explicitement rappelé que seuls les officiers et agents de police judiciaire des services et unités mentionnés dans l'arrêté du 31 mars 2006 (au principal actuellement la DGSI et la SDAT de la DCPJ) peuvent demander à bénéficier de cette mesure dans le cadre des investigations judiciaires qui leur sont confiées.

Il a également été spécifié que l'autorisation nominative individuelle délivrée par le procureur général près la cour d'appel de Paris « revêt une portée générale et n'a pas à être renouvelée à chaque attribution d'un nouveau numéro d'immatriculation administrative ; temporaire, elle devient caduque en cas de changement d'affectation. [...] Le bénéfice de l'autorisation accordée à l'enquêteur n'emporte pas, pour ce dernier, l'obligation d'avoir recours à cette procédure, facultative et à laquelle il peut renoncer ».

Une dépêche de la direction des affaires civiles et du Sceau du 30 mai 2008 est venue, dans le prolongement de la circulaire interministérielle susmentionnée, rappeler que la mise en oeuvre du dispositif doit être réservée à des « situations le nécessitant particulièrement ».

Une note du procureur général de Paris adressée le 8 juillet 2008 aux directeurs des services de police et de gendarmerie est par la suite venue souligner que le dispositif devait protéger les enquêteurs tout en ne fragilisant pas les procédures lorsque celles-ci seront examinées par les juridictions du fond. A travers cette note, le parquet général de Paris tendait à durcir les conditions de mise en oeuvre du dispositif, en prévoyant notamment que le recours à l'utilisation du numéro devait être justifié par la « mise en évidence de la réalité concrète de la menace ».

Par un rapport du 20 juin 2013 , le parquet général de Paris relayait le souhait de la direction générale de la sécurité intérieure de voir réactiver les dispositions de l'article 706-24, qui n'avaient jamais été mises en oeuvre, compte tenu de cette exigence du parquet général d'une justification concrète de la menace au fondement de chaque demande. Aux termes de ce rapport le parquet général indiquait qu'il envisageait d'assouplir sa doctrine.

Par une dépêche du 31 janvier 2014 , la direction des affaires civiles et du Sceau indiquait au parquet général de Paris que le faible nombre d'enquêteurs ciblés par la direction générale de la sécurité intérieure suffisait à constituer une motivation suffisante du danger encouru par ces derniers, sans exiger d'éléments précis pour chaque affaire au stade de la demande d'autorisation.

Il peut être souligné que le dispositif prévu par l'article 706-24 du code de procédure pénale présente un caractère permanent. En effet, les autorisations pour les enquêteurs chargés de la lutte contre le terrorisme d'utiliser leur numéro d'immatriculation administrative, conformément aux dispositions de l'article R. 50-29 du code de procédure pénale, « sont valables pendant toute la durée de l'affectation des officiers ou agents de police judiciaire dans le service ». Ces autorisations nominatives n'ont donc pas à être délivrées de manière spécifique dans chaque procédure particulière diligentée en matière de terrorisme.

La direction des affaires civiles et du Sceau a souligné de manière constante que le dispositif prévu à l'article 706-24 du code de procédure pénale devait protéger les enquêteurs tout en ne fragilisant pas les procédures et qu'il convenait d'en réserver la mise en oeuvre à des situations le nécessitant particulièrement. En effet, aux termes des dispositions de l'article précité, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement d'actes de procédure effectués par des enquêteurs ayant bénéficié de ces dispositions.

Enfin, au mois de février 2016, la Direction générale de la police nationale portait à la connaissance de la Direction des affaires civiles et du Sceau une demande d'extension du dispositif aux enquêteurs affectés dans les services territoriaux de la DCPJ dès lors qu'ils sont amenés à traiter d'affaires de terrorisme (principalement les enquêteurs des DIPJ co-saisis avec la SDAT), demande relayée par la Direction des affaires civiles et du Sceau au Parquet général de Paris.

A l'heure actuelle, le dispositif prévu par l'article 706-24 a été mis en oeuvre au bénéfice de 963 enquêteurs spécialisés :

• 727 enquêteurs de la Direction générale de la sécurité intérieure

• 131 de la Sous-direction anti-terrorisme

• 100 de la Brigade criminelle

• 5 de la section de recherche de Pau

1.2 Eléments de droit comparé

Une brève présentation des systèmes prévoyant l'anonymat des policiers dans les procédures pénale est réalisée pour les Etats suivants  : Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni), avant de les examiner séparément plus en détail. Le recours à l'anonymat des policiers dans les procédures n'existe pas dans tous les pays. C'est en Espagne que ce système est le plus développé.

1.2.1 Présentation des systèmes juridiques étrangers

1) L'existence de dispositions légales permettant l'anonymat des policiers dans les procédures

Il existe des dispositions spécifiques à l'anonymat des policiers en Espagne et au Royaume-Uni. Dans le premier pays, le recours à l'anonymat est automatique, tandis que dans le second, c'est une juridiction qui en prend la décision.

En Espagne, les procès-verbaux ne contiennent pas les noms des policiers et enquêteurs, mais seulement leur matricule et leur unité de rattachement.

Au Royaume-Uni, lorsque le témoin est un membre des forces de l'ordre, un dossier de demande pour un Witness Anonymity Order doit être envoyé au Crown Prosecution service qui étudiera la demande et décidera ou non de la soumettre à la Cour.

Une évaluation des risques est effectuée par la police, qui doit expliquer les raisons pour lesquelles un programme de mesures spéciales ne serait pas suffisant face aux risques identifiés  et indiquer les dispositions déjà prises en faveur du témoin - un changement d'adresse par exemple. Le procureur de la Couronne doit aussi être en mesure de démontrer que toute crainte exprimée par le témoin que son identité soit révélée est raisonnable. Le juge prendra sa décision sur la base des motivations fournies à la fois par les services de police et par le service des poursuites. Doivent s'ajouter à ces mesures spécifiques les règles générales de fond applicables aux témoins anonymes.

En revanche, dans d'autres Etats européens il n'existe aucune disposition légale permettant le recours à l'anonymisation des forces de l'ordre dans les procédures. C'est le cas notamment de l'Allemagne . En Italie, il semblerait qu'il n'existe pas de dispositions spécifiques à l'anonymat des policiers. L'article 373 du code de procédure pénale italien, rédigé en des termes assez généraux, exige que les procès-verbaux contiennent le nom du policier qui les a rédigés. L'article 142 du code de procédure pénale italien précise que le procès-verbal qui ne contient pas une telle mention est nul.

La situation aux Pays-Bas est intermédiaire. Il n'existe pas de dispositions spécifiques à l'anonymat des policiers dans le code de procédure pénale. Cependant, en pratique , certains policiers peuvent recourir à la seule mention de leur matricule dans les procès verbaux.

2) Champ d'application de ces dispositions

Généralisation

En Espagne , le champ d'application est très général, les dispositions relatives à l'anonymat des policiers dans les procédures n'étant pas réservées aux enquêtes sensibles ou aux infractions graves.

L'Espagne présente réellement une spécificité en la matière.

Spécialisation

Aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, il n'est fait usage de l'anonymisation que dans les affaires graves.

Au Royaume-Uni, le Witness Anonymity Order est une mesure exceptionnelle utilisée dans des affaires pénales complexes.

Aux Pays-Bas, il est possible en pratique pour les officiers de police néerlandais d'acter sous leur numéro de matricule en certaines matières, lorsque leur sécurité est en jeu : terrorisme, criminalité organisée, infiltration, surveillance, livraisons contrôlées.

3) Eventuelles conséquences de l'anonymisation sur le plan de la force probante des actes réalisés

Droit commun de la preuve

En Espagne, il n'existe pas de conséquences particulières, compte tenu du fait que le recours au seul matricule des forces de l'ordre dans les procès-verbaux est généralisé.

Droit spécial de la preuve

Aux Pays-Bas, l'utilisation par un tribunal des constatations faites par procès-verbal rédigé sous matricule est soumis à une motivation particulière, qui doit préciser en quoi le recours à l'anonymat « restreint » ne fait pas obstacle à l'exercice des droits de la défense et au principe du contradictoire.

Au Royaume-Uni, conformément aux règles générales applicables en matière de témoignage anonyme, si les preuves apportées par un témoin anonyme, en l'occurrence un policier, sont les seules preuves ou si les preuves apportées sont déterminantes contre le prévenu, il est fort possible qu'une demande d'anonymisation échouera.

1.2.2 Analyse détaillée des différents systèmes recourant à l'anonymat (Pays-Bas, Royaume-Uni et Espagne)

1) Pays-Bas

Selon les informations communiquées par le Parquet National, il n'existe pas de dispositions spécifiques à l'anonymat des policiers dans le code de procédure pénale.

Il est néanmoins possible pour les officiers de police néerlandais d'acter sous leur numéro de matricule en certaines matières, en pratique, lorsque leur sécurité est en jeu : terrorisme, criminalité organisée, infiltration, surveillance, livraisons contrôlées.

Le code de procédure pénale (dispositions générales applicables aux témoins anonymes) et la jurisprudence encadrent le recours à cette pratique, qui n'est pas sans conséquences en termes d'administration de la preuve.

En application de l'article 360 § 1 du code de procédure pénale, l'utilisation par un tribunal des constatations faites par procès-verbal rédigé sous matricule est soumis à une motivation particulière, qui doit préciser en quoi le recours à l'anonymat « restreint » ne fait pas obstacle à l'exercice des droits de la défense et au principe du contradictoire.

En toute hypothèse, le Rechter-commissaris , juge de l'enquête, peut entendre le rédacteur d'un procès-verbal rédigé sous matricule tout en protégeant son identité, ce qui a les mêmes conséquences en termes d'obligation de motiver l'utilisation des éléments de preuve.

2) Royaume-Uni

Il est fait application en la matière des dispositions générales relatives au témoin anonyme ainsi que de dispositions spécifiques relatives aux forces de l'ordre et aux enquêteurs.

Application des dispositions de droit commun


Au Royaume-Uni une disposition appelée Witness Anonymity Order et prévue par l'article 87 du Coroner and Justice Act de 2009 permet l'anonymisation d'un témoin dans les affaires pénales.

Cette législation est entrée en vigueur le 1er janvier 2010 et a remplacé le Criminal Evidence (Witness Anonymity) Act de 2008.

Si au Royaume-Uni, la justice pénale repose sur le droit fondamental du procès équitable, et en particulier sur le fait que l'accusé doit pourvoir faire face à celui qui l'accuse, dans des circonstances exceptionnelles, le service des poursuites ( Crown Prosecution Service) ou le prévenu ( defendant ) peut demander qu'un Witness Anonymity Order soit délivré par la juridiction pénale qui jugera l'affaire (la Crown Court dans la majorité des cas), afin que l'identité d'un témoin reste secrète pendant le procès.

Application de dispositions spéciales

Lorsque le témoin est un membre des forces de l'ordre ou toute autre agence responsable de l'enquête pénale, un dossier de demande pour un Witness Anonymity Order doit être envoyé au Crown Prosecution service qui étudiera la demande et décidera ou non de la soumettre à la Cour.

Ce dossier doit inclure :

- la requête d'un commissaire de police pour une demande d'anonymisation de témoin concernant un témoin à charge.

- une version censurée de la déclaration complète du témoin, dans laquelle tous les éléments pouvant permettre l'identification du témoin ont été retirés.

- une confirmation que l'anonymat du témoin est requis pour éviter toute nuisance à l'ordre public (que ce soit pour assurer le bon exercice des activités professionnelles des forces de l'ordre ou assurer la sécurité de l'officier témoin en question).

- un rapport comprenant :

. une évaluation des risques effectuée par la police (conformément à Osman v UK (2000) 29 EHRR 345), les raisons expliquant pourquoi des mesures de protection ne seraient pas suffisantes pour le témoin ;

. l'examen des mesures spéciales et les raisons expliquant pourquoi une mesure spéciale ou un programme de mesures spéciales ne seraient pas adéquates ou suffisantes face aux risques identifiés

. une indication des dispositions spéciales prises par le témoin (un changement d'adresse par exemple).

Le procureur de la Couronne doit aussi être en mesure de démontrer que toute crainte exprimée par le témoin est raisonnable (le témoin risque d'être blessé ou tué, son domicile risque d'être vandalisé, etc.).

La plupart des demandes sont faites auprès de la Crown Court. Toutefois, de telles demandes peuvent être faites dans des tribunaux de première instance, et particulièrement au sein des tribunaux pour mineurs, devant lesquels des infractions plus graves peuvent être jugées.

Dans les affaires qui peuvent être jugées par la Magistrates' Court et la Crown Court (either way offences) la demande d'anonymat d'un témoin justifie le renvoi de l'affaire devant la Crown Court comme indiqué dans l'article 19(3) du Magistrates Courts Act de 1980

Le juge doit être convaincu que l'ensemble de ces conditions est satisfaite avant de prendre sa décision.

Le Witness Anonymity Order est une mesure exceptionnelle utilisée dans des affaires pénales complexes.

3) Espagne

Le dispositif est fondé sur une loi organique du 13 mars 1986 et sur un décret d'application du 4 décembre 1987 pour la police et une circulaire du 31 aout 1990 pour la garde civile. Les agents qui portent un uniforme doivent toujours porter leur numéro de carte professionnelle (TIP pour tarjeta de identidad profesional) sur une plaque visible. Il existe un registre des TIP et chaque numéro de TIP correspond à une identité. L'agent est ainsi identifié par son TIP

Par ailleurs, plusieurs articles du code de procédure pénale espagnol appréhendent la question de l'utilisation du TIP sur les procès-verbaux pendant la phase et d'instruction et de jugement. Il s'agit des notamment des articles 436 et 708.

Il est ainsi prévu dans l'article 436, que si les témoins doivent indiquer leur identité complète, en revanche, s'il s'agit d'un policier ou d'un garde civil dans l'exercice de ses fonctions, celui-ci s'identifiera avec son TIP.

Lors de l'audience de jugement, l'article 708 prévoit également que les forces de sécurité ne s'identifieront pas avec leurs données personnelles.

Cette anonymisation ne doit pas être confondue avec celles des témoins protégés, technique d'enquête également utilisée en Espagne en matière de délinquance organisée ou de terrorisme.

Il faut relever que cette règle ne s'applique pas seulement au terrorisme, mais à l'ensemble des procédures de droit commun. Cependant, l'origine de cette législation repose bien sur le contexte du terrorisme de l'ETA très aigu en Espagne dans les années 80 et la nécessité de protéger les forces de l'ordre.

A cet égard, en raison du terrorisme de l'ETA, toutes les nominations des policiers et garde civiles sont publiées au BOE (Journal officiel), non pas avec les identités des agents, mais avec leur TIP, et ce, pour éviter que les membres de l'ETA ne puissent savoir quels fonctionnaires travaillent dans telle ou telle unité et remonter ainsi le fil pour commettre des attentats. Il faut en effet rappeler que le terrorisme de l'ETA (sauf l'attentat de l'Hypercor en 1987) a été un terrorisme ciblé (fonctionnaires de police et gardes civils, magistrats, militaires et politiques).

Par ailleurs, un décret récent (du 27 décembre 2015, n°1068/2015), prévoit un régime spécifique de désignation et de publicité pour les postes de responsables des sous-directions du Secrétariat d'État à la Sécurité. Ces nominations ne sont plus régies par les normes générales de publicité de l'administration de l'État. Elles ne seront dorénavant plus publiées dans le BOE mais seulement dans les bulletins officiels de la Police Nationale et de la Garde civile.

Certaines nominations, considérées comme particulièrement sensibles pourront ne pas être publiées du tout. Les sous-directions visées sont :

- le CITCO (centre de renseignement contre le terrorisme et le crime organisé);

- le cabinet de coordination et études;

- l'inspection du personnel et des services de sécurité;

- la gérance des infrastructures et équipements de la sécurité de l'État.

Les espagnols considèrent que la question pertinente est l'importance de l'identification de la personne qui témoigne ou atteste. Or, il n'existe aucune obligation constitutionnelle aux termes de laquelle cette identification passe nécessairement par un prénom et un nom de famille. Cette identification peut donc passer par le biais d'un numéro d'identification qui est unique.

Ce dispositif juridique n'a jamais été porté devant la Cour Européenne des droits de l'homme. Il n'y a par ailleurs pas de jurisprudence du Tribunal Constitutionnel en la matière. Il y a en revanche de la jurisprudence de la chambre criminelle du Tribunal Suprême. Ainsi, dans une décision récente du 5 mai 2016, le Tribunal Suprême introduit une distinction entre le policier ou garde civile qui témoigne et n'a jamais eu de relation antérieure avec l'accusé et celui qui aurait pu avoir une relation personnelle antérieure. Dans ce dernier cas, pour préserver les droits de la défense, il peut être pertinent que ce dernier décline son identité si la demande de la défense est suffisamment motivée. Un arbitrage sera alors effectué par le Tribunal entre les différents intérêts en jeu: sécurité du témoin versus droits de la défense.

Dans le premier cas en revanche, il est considéré que les droits de la défense ne sont pas en cause.

1.3 Normes conventionnelles et constitutionnelles applicables

1.3.1 Jurisprudence de la CEDH

La Cour européenne des droits de l'homme a rendu diverses décisions venant circonscrire les possibilités de recours aux mesures d'anonymisation des fonctionnaires de police.

Ainsi, l'identification des agents par un numéro doit être au premier chef liée à la nature des missions qu'ils exercent et non à leur seule qualité de fonctionnaire (CEDH- Lüdi c/ Suisse - 6 décembre 1990).

Par ailleurs, la force probante des documents et témoignages produits par des fonctionnaires bénéficiant d'un tel anonymat est diminuée. Ainsi, si la CEDH a admis que dans certaines circonstances, des dépositions anonymes puissent être utilisées pour asseoir une condamnation (CEDH- DOORSON c/ Pays-Bas- 26 mars 1996), elle souligne invariablement qu'une condamnation ne peut se fonder uniquement, ni dans une mesure déterminante sur des déclarations anonymes.

S'agissant plus particulièrement du témoignage des policiers anonymes, à l'occasion de son arrêt VAN MICHELEN et autres c/ Pays-Bas du 23 avril 1997, la CEDH a jugé, §56, que « la mise en balance des intérêts de la défense et des arguments militant en faveur du maintien de l'anonymat des témoins pose des problèmes particuliers si les témoins en question appartiennent aux forces de police de l'Etat. Si les intérêts de ces derniers - comme évidemment ceux de leurs familles - méritent eux aussi la protection de la Convention, il faut reconnaître que leur situation diffère quelque peu de celle d'un témoin désintéressé ou d'une victime. Ils ont un devoir général d'obéissance envers les autorités exécutives de l'Etat, ainsi d'ordinaire que des liens avec le ministère public ; pour ces seules raisons déjà, il ne faut les utiliser comme témoins anonymes que dans des circonstances exceptionnelles. De surcroît, il est dans la nature des choses que parmi leur devoir figure, spécialement dans le cas de policiers investis de pouvoirs d'arrestation, celui de témoigner en audience publique . »

De la même manière, dans l'affaire Kostovski c. Pays-Bas du 20 novembre 1989, la CEDH a jugé qu'en soi, le témoignage anonyme n'est pas contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, mais que son utilisation peut méconnaître le principe du procès équitable dans la mesure où, « si la défense ignore l'identité d'un témoin, elle peut être dans l'incapacité d'établir qu'il est partial, hostile ou indigne de foi ».

Toutefois, la plupart de ces décisions ont été rendues dans des hypothèses de témoignage totalement anonymes ou d'intervention d'enquêteurs non identifiés ni identifiables, et non dans l'hypothèse, juridiquement et pratiquement différente, de l'intervention d'un enquêteur qui n'est nullement anonyme, puisqu'il est précisément identifié - et qu'une confrontation directe entre lui et l'accusé est notamment possible sans aucune difficulté - mais que cette identification ne se fait pas par référence à ses nom et prénom, mais uniquement à un numéro administratif unique, à sa qualité et à son service ou unité d'affectation.

1.3.2 Jurisprudence du Conseil constitutionnel

Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 2014-693 DC du 25 mars 2014 - loi relative à la géolocalisation - a, pour sa part, rappelé qu'une information mettant en cause une personne, ne peut pas constituer un élément de preuve devant la juridiction répressive si la personne mise en cause est privée de la possibilité de contester les conditions dans lesquelles elles ont été recueilles.

En l'espèce, les articles déférés au conseil prévoyaient la possibilité, uniquement en matière de délinquance ou de criminalité organisée, de ne pas verser au dossier de la procédure les modalités d'installation d'un dispositif de géolocalisation lorsque la connaissance de ces informations était susceptible de mettre gravement en danger la vie ou l'intégrité d'une personne, des membres de sa famille ou de ses proches. Le Conseil Constitutionnel a jugé inconstitutionnel l'emploi du terme « seul » à l'article 230-42 du code de procédure pénale qui énonçait qu'« aucune condamnation ne pouvait être prononcée sur le seul fondement des éléments recueillis » dans ces conditions. L'article 230-42 du code de procédure pénale, modifié en conséquence, dispose désormais qu' « aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de ces éléments »

Le Conseil Constitutionnel a précisé en conséquence qu'afin de respecter les droits de la défense, il appartiendrait à la juridiction d'instruction d'ordonner que les éléments recueillis dans ces conditions soient retirés du dossier de l'information avant saisine de la juridiction de jugement.

Le décret n° 2016-867 du 29 juin 2016 portant application des articles 230-40 à 230-42 du code de procédure pénale tire les conséquences de la censure et de la réserve du Conseil.

Ainsi, il fixe les modalités de constitution, de conservation, de communication et de destruction du dossier distinct de la procédure mentionnée à l'article 230-40 du code de procédure pénale. Il précise également la liste des éléments susceptibles d'être versés dans ce dossier. Enfin, il définit les conditions dans lesquelles, avant la clôture de l'information judiciaire, la chambre de l'instruction verse dans le dossier distinct l'ensemble des éléments de preuve recueillis dans les conditions prévues à l'article 230-40 du code de procédure pénale et qui figurent dans le dossier de la procédure.

Il est ainsi prévu, ce qui n'avait pas de précédent, de distraire à la fin de l'information judiciaire des éléments de preuve recueillis dans le cadre de l'instruction qui ne seront, par conséquent, pas transmis à la juridiction de jugement.

La décision du Conseil constitutionnel de mars 2014 susmentionnée n'est pas transposable à celle d'un enquêteur identifié par un numéro administratif : elle porte sur des éléments de preuve dont il était envisagé de cacher à l'accusé les conditions dans lesquelles ils avaient été réunis, ce qui a été jugé contraire à la Constitution.

Dans la réforme envisagée, les actes établis par des enquêteurs identifiés par un numéro seront précisément décrits dans les procès-verbaux versés à la procédure et soumis à la discussion contradictoire des parties, seuls seront inconnus les nom et prénom de l'enquêteur.

Celui-ci pourra être pleinement interrogé par la défense si elle le souhaite, ce qui garantit le respect des droits de la défense et le droit à un procès équitable.

2. NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS

2.1 Nécessité de légiférer

Cette nécessité résulte de l'importance des menaces pesant sur les enquêteurs, menaces qui justifie une protection étendue à tous les personnels.

2.1.1 Les menaces recensées

1) Contexte des menaces liées à l'identification

L'identification des agents de la police nationale, des personnels civils et militaires de la gendarmerie nationale, des douaniers, des agents des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application de l'article 28-2 du code de procédure pénale ou de leurs familles par les délinquants ou les criminels aux fins de vengeance ou d'agressions est un risque permanent, d'autant plus prégnant dans le contexte actuel de la menace djihadiste. Des communiqués revendiqués comme issus de l'organisation terroriste Daesh visent expressément les policiers et les militaires.

Au-delà du terrorisme, les personnels des forces de l'ordre sont régulièrement exposés à des risques physiques graves et à des volontés de représailles de la part de délinquants appartenant à des organisations criminelles rompues à la détection et l'identification des forces de l'ordre .

Enfin, un nombre conséquent d'incidents, menaces ou violences ont été recensés à la suite de l'identification d'agents de la police ou de la gendarmerie nationales dans le cadre d'affaires de délinquance dite de droit commun, ou encore à la suite de manifestations .

L'analyse du service central de renseignement territorial met en avant que le phénomène de « copwatching » (un ou plusieurs sites internet dédiés à l'identification de policiers) a muté pour prendre la forme d'une contestation globale de l'ensemble de l'institution policière.

A l'occasion de plusieurs des manifestations du printemps 2016, mais encore récemment à Lyon lors d'un rassemblement de fonctionnaires de police (le 20 octobre 2016), des appels au meurtre de policiers ont été scandés et diffusés. En parallèle de ces manifestations, de nombreuses photographies et vidéos de policiers et de gendarmes ont été partagées sur les réseaux sociaux, parfois accompagnées de la divulgation de données personnelles .

2) Exemples de menaces et violences exercées

Le double assassinat terroriste perpétré au domicile d'un commandant de police et de sa compagne, agent administratif de la police nationale, à Magnanville (78) le 13 juin 2016, témoigne du fait que les membres des forces de sécurité et leurs familles constituent une cible des actions terroristes à raison de leur appartenance à la police ou la gendarmerie nationales.

Au cours de l'année 2016, de nombreux cas de menaces de mort ou de représailles exercées à la suite de l'identification d'agents de police ou de leur famille ont également été recensés. Parmi les plus significatifs, il est possible de relever les faits suivants.

- En début d'année 2016, des policiers de l'antenne de police judiciaire (APJ) de Tours (37) apprenaient qu'ils faisaient l'objet de la vindicte d'une famille de trafiquants de stupéfiants qu'ils avaient interpellés. Les renseignements obtenus par les délinquants étaient très précis : lieux d'habitation des policiers ainsi que le lieu d'exercice professionnel de l'épouse de l'un d'eux.

- En mai 2016, le chef d'une organisation criminelle d'un quartier sensible de Grenoble (38), alors placé sur écoute, proférait des menaces à l'encontre du chef de l'antenne Isère du groupe d'intervention régional (GIR) Rhône-Alpes, qui avait traité une procédure ayant conduit à son placement en détention. Il était convoqué devant le tribunal correctionnel.

- En juin 2016, cinq fonctionnaires affectés dans un poste de police de la circonscription de sécurité publique (CSP) d'Istres (13) étaient nommés par des tags qui les insultaient, menaçaient leurs enfants de séquestration et citaient le groupe terroriste Daech.

- Le 15 juin 2016, à l'occasion d'un épisode de violences urbaines à Roubaix (59), un individu était interpellé après avoir crié aux policiers qu'il connaissait leur domicile et qu'il irait « violer et égorger [leurs] femmes et enfants ».

- Au mois de juin 2016, un policier était victime de menaces de mort rendues publiques par un individu sur son compte Facebook. Ce policier avait fait l'objet d'une mutation en 2014 à la suite du partage d'une vidéo par le même auteur qui l'avait déjà identifié et menacé, à la suite d'une enquête de l'IGPN qui n'avait pas donné de suite à sa plainte.

- Au mois de juillet 2016, une technicienne de la police technique et scientifique de Tours (37) était suivie de son lieu de travail jusqu'aux abords de son domicile par deux individus défavorablement connus.

- En juillet 2016, un gardien de la paix de la CSP de Tourcoing (59) déposait plainte à la suite de menaces de mort réitérées et de harcèlement dont étaient victimes les membres de sa famille au motif de sa qualité de policier. Les mis en cause se présentaient plusieurs fois au domicile du fonctionnaire et y proféraient des menaces, quatre individus étaient finalement interpellés, trouvés porteurs de pistolets à impulsion électrique et de couteaux.

- Toujours au mois de juillet 2016, un policier affecté à la CSP de Strasbourg (67) était menacé de mort devant son domicile à raison de ses fonctions.

- Au mois d'août 2016, les parents d'un policier affecté à la CSP de Lyon (69) recevaient des menaces de mort téléphoniques émanant d'individus se réclamant de Daech. Ces mêmes individus contactaient en parallèle le service du policier pour informer de la mort imminente de ses parents, expliquant à leur interlocuteur que la raison tenait dans le trop grand nombre d'interpellations réalisées par ce fonctionnaire.

- En août 2016, un policier de l'antenne de police judiciaire de La Rochelle (17) se faisait aborder dans la rue par un délinquant, notoirement connu pour diverses infractions à la législation sur les stupéfiants, qui tentait de l'intimider.

- Au mois de septembre 2016, une femme alertait la CSP d'Argenteuil (95) du fait que son frère voulait s'en prendre aux femmes des policiers qui avaient traité une affaire de menaces de mort et harcèlement dans laquelle il avait été mis en cause en 2015.

- En septembre 2016, le chef de l'antenne de police judiciaire de Saint-Etienne (42) était rendu destinataire, via le quotidien « Le Progrès », d'une lettre de menaces de mort émanant du père d'un djihadiste actuellement localisé en Syrie, rédigé à la suite des perquisitions opérées dans les différents domiciles familiaux.

- Au mois de septembre 2016, l'épouse d'un policier en poste à la DSPAP 75 qui se trouvait au volant de son véhicule à proximité immédiate de l'école de Jouy-le-Moutier (95) où elle venait de déposer son fils, recevait des menaces de mort proférées par 3 individus, à raison de la profession de son mari.

- En octobre 2016, un gardien de la paix affecté à la CRS 56 de Montpellier (34) recevait deux courriers d'intimidation à son domicile, mentionnant sa famille.

- Au mois d'octobre 2016, un fonctionnaire de police de Saint-Germain-en-Laye était menacé hors service par un individu qui indiquait avoir identifié sa qualité.

- En novembre 2016, des policiers de l'antenne de police judiciaire d'Amiens (80) étaient menacées de mort par un accusé lors de son procès devant la cour d'assises.

- Fin novembre 2016, un enquêteur de la brigade des stupéfiants de la direction interrégionale de la police judiciaire de Rennes (35) était menacé par téléphone depuis le Maroc par un trafiquant de stupéfiants, à la suite de nombreuses saisies de produits et d'argent en espèces.

Des cas de violences volontaires au préjudice de policiers identifiés à raison de leurs fonctions sont également à déplorer, tels qu'en témoignent les faits suivants :

- Au mois de juillet 2016, l'agression physique d'une fonctionnaire du siège de la direction interrégionale de la police judiciaire de Rennes (35) par un individu préalablement placé en garde à vue.

- En octobre 2016, un policier de Saint-Germain-en-Laye (78) hors service, accompagné de son fils, était reconnu, menacé et subissait des violences.

- A la fin du mois d'octobre 2016, une policière hors service affecté à Cergy (95), en compagnie de sa mère, était reconnue par 3 individus qui, après l'avoir invectivée et outragée, la frappaient au visage avant de la faire chuter au sol et de lui jeter un projectile au visage.

S'agissant des militaires de la gendarmerie nationale , la situation la plus courante rencontrée est d'ailleurs celle de l'outrage ou des menaces de mort réalisées sur les lignes téléphoniques de l'unité . De nombreux mis en cause ont appelé et proféré des menaces à l'encontre d'un ou plusieurs gendarmes nominativement identifiés, ou encore enregistré des messages vocaux sur le téléphone professionnel de la victime identifiée à la suite de procédures judiciaires conduites pour des faits de tout type (des cas de menaces de mort proférées à l'encontre de militaires ayant procédé à des procédures de défaut d'assurance, de conduite sans permis ou encore de placement en fourrière d'un véhicule ont ainsi été recensés). Une affaire emblématique relevée par la gendarmerie nationale concerne un gendarme de la brigade de recherches de Grasse, identifié au mois de mars 2014 par des mis en cause à la suite d'une enquête judiciaire qu'il avait conduite à leur encontre. Cet enquêteur a depuis subi des intimidations devant l'école de ses deux enfants et en leur présence, et a ensuite dû être muté dans une autre unité afin d'assurer sa protection et celle de sa famille.

3) Typologie des identifications

Les menaces et violences dont sont victimes les policiers et les gendarmes sont souvent commises lors d'une rencontre fortuite avec un ancien mis en cause, susceptible de les reconnaître physiquement.

Certaines agressions ont également pu faire suite à la filature d'un policier, depuis son lieu de travail.

Dans de nombreux cas, les fonctionnaires et militaires sont toutefois victimes de menaces proférées à leur encontre par des mis en cause qui ont identifié leur identité par l'intermédiaire d'une procédure.

Enfin, quand bien même l'identité n'aurait pas été connue des auteurs dont l'agression a fait suite à une identification visuelle, la décision pour le policier et le gendarme de déposer plainte et d'entamer une procédure judiciaire donne accès à l'état-civil des agents , facilitant ainsi la localisation de ce dernier et surtout celle de sa famille. Pour les militaires, la localisation est facilitée car la possibilité offerte par l'article 62-1 du code de procédure pénale (domiciliation au siège du service) est souvent rendue inopérante par le fait que les familles sont logées sur le même site que l'unité de rattachement.

2.1.2 Nécessité d'une protection étendue à tous les personnels

Aujourd'hui, seuls les officiers et agents de police judiciaire, affectés dans les services de police judiciaire spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme bénéficient du dispositif permettant l'anonymisation régi par l'article 706-24 du code de procédure pénale et l'arrêté du 7 mai 2012, pris pour l'application de l'article 33 de la loi n°2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme. Cette protection a démontré son efficacité auprès des fonctionnaires de la sous-direction anti-terroriste .

Cependant, l'étude d'une partie des incidents recensés en 2016 a mis en lumière le fait que tous les agents sont susceptibles d'être victimes de ce type de menaces ou violences , qu'ils soient affectés dans des services centraux traitant de criminalité organisée ou dans des services territoriaux paradoxalement plus exposés, en raison d'une forte proximité géographique avec les individus qu'ils sont amenés à croiser dans le cadre de leurs fonctions.

Le projet de rédaction de l'article 15-4 du code de procédures pénale prévoit donc que les dispositions relatives à l'anonymat sont applicables à « tout agent de la police nationale et tout personnel civil ou militaire de la gendarmerie nationale ».

- Nécessité de l'étendue de cette protection :

Cette mention est primordiale afin de protéger l'ensemble des personnels de la police et de la gendarmerie nationales de façon identique lorsqu'ils sont amenés à apparaître dans des actes de procédure. Elle est également importante pour les agents mentionnés dans le code de procédure pénale aux articles 28-1 (agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires 17 ( * ) ) et 28-2 (agents des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires).

Cette protection s'explique par leur statut qui les lie avec la police ou la gendarmerie nationale , et n'est pas attaché à leur qualité et compétence judiciaires reconnues par le code de procédure pénale. En effet, l'étude des cas d'incidents démontre que les victimes recensées l'ont été à raison de leur appartenance aux forces de sécurité, sans considération aucune de leur qualité d'OPJ ou d'APJ.

2.2 Objectifs poursuivis

L'objectif du projet de loi est de permettre une protection des enquêteurs, à l'occasion des procédures pénales, contre ceux qui souhaiteraient se venger de l'autorité publique en s'en prenant aux personnes physiques qui l'incarnent.

Il insère ainsi dans le code de procédure pénale un article 15-4 prévoyant que les agents de la police nationale ainsi que les personnels civils et militaires de la gendarmerie nationale, qu'ils aient ou non la qualité d'officier ou d'agent de police judiciaire, auront la possibilité de s'identifier, dans les procès-verbaux, rapports et réquisitions qu'ils établissent, par un numéro d'immatriculation administrative, comme cela existe de manière généralisée depuis plus de trente-cinq ans en Espagne, et comme le prévoit déjà en France l'article 706-24 du code de procédure pénale pour les services spécialisés en matière de lutte contre le terrorisme.

Cette possibilité qui s'appliquera également en cas de déposition comme témoin et ne sera exclue que si l'enquêteur est suspecté ou poursuivi, sera limitée à certaines infractions, conditionnée par l'existence d'un danger et soumise à l'autorisation d'un supérieur hiérarchique.

Ces dispositions s'appliqueront également aux agents des douanes et aux agents des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application de l'article 28-2 du code de procédure pénale dans les conditions prévues au nouvel article 15-4 du code de procédure pénale.

Ce projet de disposition permet de couvrir l'ensemble des personnels dont l'identité est susceptible d'apparaître dans les procédures judiciaires dans le cadre de procès-verbaux, mais également de rapports de tout type (surveillance, interpellation, opérations de police technique et scientifique, fiches de mise à disposition, etc.).

?   Pour les agents de la police nationale, cette disposition permet d'assurer la protection de tout agent susceptible d'apparaître dans une procédure judiciaire, à savoir : aux fonctionnaires des corps de conception et de direction, de commandement et d'encadrement et d'application en qualité d'OPJ et APJ mais également à ceux d'entre eux qui ont le statut d'agent de la force publique (perte de la qualification judiciaire au cours des missions de maintien de l'ordre public, RAID), aux personnels administratifs et de police technique et scientifique (PATS) et aux adjoints de sécurité (ADS).

?   Pour les personnels militaires de la gendarmerie nationale, en sus de ceux ayant la qualité OPJ, APJ et d'APJA, il convient de protéger tous ceux qui peuvent intervenir dans une mission judiciaire. Sont visés les militaires qui ont le statut d'agent de la force publique (GIGN, antennes GIGN, la gendarmerie mobile, la garde républicaine).

?   Pour les personnels civils de la gendarmerie nationale, il s'agirait notamment des « experts » (IRCGN notamment) qui réalisent des rapports qui sont annexés à la procédure.

Compte tenu des objectifs recherchés, ce dispositif doit être étendu aux agents de la douane judiciaire prévus par l'article 28-1 du code de procédure pénale et aux agents des services fiscaux prévus par l'article 28-2 de ce code qui, même s'ils n'ont pas la qualité d'officiers de police judiciaire, disposent des mêmes prérogatives que ces derniers pour mener, dans les domaines infractionnels limitativement énumérés par ces articles, des enquêtes de police judiciaire à l'occasion desquelles ils peuvent être exposés à exactement les mêmes menaces que les enquêteurs de la police ou de la gendarmerie nationale.

Concrètement, l'objectif est de permettre l'identification par un numéro d'immatriculation administrative. Créé par le décret n° 2013-1113 du 4 décembre 2013, l'article R. 434-15 du code de la sécurité intérieure prévoit que le "policier ou le gendarme exerce ses fonctions en uniforme [...]. Sauf exception [...], il se conforme aux prescriptions relatives à son identification individuelle ». La référence à un numéro d'immatriculation administrative, qui correspond dans tous les cas au numéro visible arboré par les agents de la police nationale et les personnels de la gendarmerie nationale, porte une appellation différente selon qu'il s'agisse de la police nationale (référentiel des identités et de l'organisation -RIO-) ou de la gendarmerie nationale (matricule opérationnel).

- S'agissant de la police nationale : Conformément aux dispositions issues de l'arrêté du 24 décembre 2013 relatif aux conditions et modalités de port du numéro d'identification individuel par les fonctionnaires de la police nationale, les adjoints de sécurité et les réservistes de la police nationale, ces personnels doivent tous revêtir "de façon visible" un moyen matériel d'identification qui présente leur numéro d'identification individuel correspond au numéro référentiel des identités et de l'organisation « RIO » , qu'ils soient en tenue d'uniforme ou en tenue civile.

- S'agissant de la gendarmerie nationale : Conformément à la note-expresse n°85859 du 13 décembre 2013 relative au port du bandeau identifiant par les militaires de la gendarmerie, le port du bandeau identifiant est systématique et permanent pour l'ensemble des militaires de la gendarmerie.

La seule exception au port ostensible concerne les agents des services de la police nationale et les personnels de la Gendarmerie nationale cités en annexe de la version en vigueur de l'arrêté du 7 avril 2011 relatif au respect de l'anonymat de certains fonctionnaires de police et militaires de la gendarmerie nationale (SDAT, RAID, SIAT, GIGN, GPI, PI2G, PSPG..).

Dans le cadre de la mise en oeuvre des mesures autorisées par la loi du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste, et notamment pour les mesures d'assignation à résidence et les perquisitions administratives, les personnels de la police et la gendarmerie nationales ont été autorisés par leurs directions respectives à s'identifier dans tous les actes administratifs qu'ils établissent sous leur numéro d'immatriculation administrative en lieu et place de leurs nom et prénom .

3. OPTIONS

De nombreuses options et sous-option étaient possibles concernant les conditions et le domaine d'application de la possibilité pour les enquêteurs d'être identifiés par un numéro concernant les cas d'exclusion du dispositif et concernant les possibilités de recours.

3.1 Options concernant les conditions et le domaine d'application de la possibilité pour les enquêteurs d'être identifié par un numéro

a) Option écartée : Identification par un numéro applicable de façon systématique à l'ensemble des procédures pénales

Cette solution, n'a pas été retenue car elle a paru excessive au regard du nécessaire équilibre de la procédure pénale.

Si ce dispositif existe en Espagne, c'est pour des raisons historiques, liées principalement au contexte du terrorisme basque ayant perduré pendant plusieurs décennies et ayant été spécialement dirigé contre les personnes publiques, raisons qui ne sont pas transposables en France.

b) Option retenue : possibilité limitée à certaines infractions, conditionnée par l'existence d'un danger et soumise à l'autorisation du chef de service ou d'unité.

1) Sous options relatives à la détermination des procédures dans lesquelles il pourra être recouru à l'identification par un numéro

i) Option écartée : dispositif susceptible d'être appliqué à l'ensemble des procédures pénales, quelle que soit la nature ou la gravité des infractions concernées

Une telle solution a paru excessive au regard de nos traditions juridiques.

ii) Option retenue : procédures portant sur des crimes ou des délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement

La gravité des infractions concernées - le seuil de 3 ans étant notamment celui qui permet la détention provisoire - paraît justifier cette exception aux règles de droit commun sur l'identification des auteurs des procès-verbaux et des rapports.

2) Sous-option relative aux conditions du recours à l'identification par numéro

i) Option écartée : recours au dispositif quelles que soient les circonstances

Une telle solution a paru excessive au regard de nos traditions juridiques.

ii) Option retenue : existence d'un danger

Il est prévu que l'identification par un numéro d'immatriculation administrative pourra être autorisée lorsque la révélation de l'identité de l'agent sera susceptible, compte-tenu des conditions d'exercice de sa mission ou de la nature des faits qu'il est habituellement amené à constater, de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches.

Les raisons de l'existence de ce danger pourront être diverses, et ne sont pas limitativement énumérées par la loi.

Ce danger pourra notamment être caractérisé par la nature des crimes et délits que traite habituellement l'enquêteur, l'existence de menaces actuelles ou antérieures dont il a fait l'objet ou dont ont fait l'objet d'autres enquêteurs du même service, ou les caractéristiques du territoire où il exerce son activité.

3) Sous-option relative au niveau de décision du recours à l'identification par numéro

i) Option écartée : décision prise par l'enquêteur lui-même

Cette solution ne permettrait pas un contrôle extérieur et objectif sur la réalité du danger justifiant le recours à un numéro. Elle n'a donc pas pu être retenue.

ii) Option écartée : décision prise par l'autorité judiciaire

Même si cette solution est celle prévue par l'article 706-24 du code de procédure pénale pour le terrorisme, qui prévoit une décision du procureur général de la cour d'appel de Paris, et qu'on aurait ainsi pu envisager une autorisation délivrée par le procureur de la République, elle n'a paru en l'espèce justifiée pour principalement trois raisons.

D'une part, elle constituerait une charge susceptible d'être excessivement lourde pour les magistrats.

D'autre part, elle pourrait conduire selon les parquets à des interprétations différentes sur la condition de danger, et aboutir à des disparités injustifiées dans l'octroi des autorisations (risque qui n'existe pas avec la procédure centralisée de l'article 706-24 susmentionné).

Enfin, il n'est pas certain que cela constituerait une véritable garantie pour éviter un usage abusif du dispositif, la décision du magistrat étant nécessairement tributaire des informations et de l'avis qui lui seraient alors nécessairement donnés par le chef de service de l'enquêteur.

iii) Option retenue : décision prise par un supérieur hiérarchique d'un niveau suffisamment élevé

Le bon niveau de décision paraît être celui d'un supérieur hiérarchique qui, sans être trop proche de l'enquêteur, disposera de tous les éléments d'appréciation nécessaires pour décider, de manière homogène dans son ressort territorial, de délivrer ou non l'autorisation. Le décret d'application fixera ce niveau hiérarchique. Copie de l'autorisation sera donnée au procureur de la République.

3.2 Options relatives aux cas d'exclusion

a) Option retenue : Exclusion en cas de poursuites

L'identification par un numéro ne sera évidemment pas possible si l'enquêteur est suspecté ou poursuivi.

Les nouvelles dispositions ne seront ainsi pas applicables lorsqu'en raison d'un acte commis dans l'exercice de ses fonctions, la personne soit sera entendue comme suspect en application de l'article 61-1 du code de procédure pénale, dans le cadre d'une audition libre, ou dans le cadre d'une garde à vue, soit fera l'objet de poursuites pénales.

b) Option retenue : Absence d'exclusion lorsque l'enquêteur est victime et se constitue partie civile

L'exclusion du dispositif lorsque la personne se constitue partie civile a été envisagée, au regard de la nécessité de respecter le principe du contradictoire.

Cette exclusion n'a toutefois pas paru pouvoir être retenue pour trois raisons.

D'une part, elle aurait pu nuire à l'objectif de protection, en obligeant l'enquêteur, alors même qu'il est précisément victime d'une infraction dans l'exercice de ses fonctions, de révéler son identité et donc de s'exposer encore plus.

D'autre part, la question du risque d'une éventuelle partialité de l'enquêteur ne se pose pas dans une telle hypothèse : par nature, il est alors partie à la procédure et l'exigence d'impartialité ne se pose pas.

Enfin, comme prévu ci-dessous, les dispositions concernant la possibilité de contester l'identification par un numéro si la connaissance de l'identité est nécessaire à l'exercice des droits de la défense demeureront applicables .

3.3 Options relatives aux recours possibles en cas d'identification par un numéro

a) Option écartée : absence de recours

Il aurait pu être prévu que, dès lors qu'en raison d'un danger pesant sur l'enquêteur ou sa famille, il a été décidé qu'il serait identifié par un n°, aucune possibilité de revenir sur cette décision n'était possible (hors le cas d'un accord de l'intéressé).

Ainsi, en matière de témoignages sous X, le juge ne peut obliger le témoin à révéler son identité (il peut seulement écarter le témoignage du dossier) ; en matière d'infiltration, aucun recours n'est possible permettant au juge de révéler l'identité de l'enquêteur infiltré.

Ces solutions n'ont pas pu être retenues, car l'absence de recours aurait été excessif, dès lors que, à la différence des témoignages sous X ou des enquêtes sous infiltration, il n'est pas prévu - ce qui n'aurait par ailleurs pas été justifié - de donner une force probante limitée aux actes accomplis par un enquêteur identifié par un n°.

b) Option écartée : application des recours de droit commun

En droit commun, devant le juge d'instruction ou la juridiction de jugement, deux types de recours sont possibles. Des demandes d'actes - consistant à demander la révélation de l'identité des enquêteurs - et des demandes en annulation - notamment en raison de l'incompétence de l'auteur de l'acte.

Ne rien préciser dans la loi et donc autoriser l'application de ces recours de droit commun aurait pu susciter des difficultés, en ne permettant pas, au regard de l'objectif de protection des forces de l'ordre qui justifie la réforme, d'encadrer et de limiter de façon appropriée les possibilités de révélation de l'identité de l'enquêteur à la demande expresse du juge ou du fait du déroulement normal de la procédure de demande de nullité.

Cette solution a donc été écartée.

c) Option retenue : recours spécifiques liés à l'exercice des droits de la défense et au contentieux des nullités

Compte tenu des observations précédentes, il est ainsi prévu :

- Une procédure spécifique permettant, dans les cas exceptionnels où la connaissance des noms et prénoms de l'enquêteur apparaîtrait nécessaire à l'exercice des droits de la défense, que le juge d'instruction ou le président de la juridiction de jugement ordonne la révélation de ces informations.

- Une procédure spécifique conciliant office du juge, respect du contradictoire et protection de l'identité de la personne, en cas de demande d'annulation d'un acte de procédure fondée sur la violation des formes prescrites par la loi dont l'appréciation nécessite la révélation de l'identité des personnes.

Dans le premier cas, il est prévu que, saisi par une partie à la procédure d'une requête écrite et motivée tendant à la communication du nom et du prénom d'une personne ayant été autorisé à s'identifié sous un numéro, le juge d'instruction ou le président de la juridiction de jugement décidera, après avis du ministère public et tenant compte, d'une part, de la menace que la révélation de l'identité de cette personne ferait peser sur sa vie ou son intégrité physique ou celle de ses proches, et d'autre part, de la nécessité de révéler ces informations pour l'exercice des droits de la défense de l'auteur de la demande, s'il y a lieu de communiquer ces informations. Le procureur de la République statuera dans les mêmes conditions lorsqu'il est fait application de l'article 77-2, à l'issue des enquêtes ayant duré plus d'une année.

Conformément aux dispositions de droit commun, la décision du juge d'instruction ou de la juridiction pourra être contestée en cas appel (soit par appel devant la chambre de l'instruction de la décision motivée du refus du juge qui sera prise en application de l'article 82-1 du code de procédure pénale, soit devant la chambre des appels correctionnels en cas d'appel d'une condamnation correctionnelle, soit par une nouvelle demande formé devant le président de la cour d'assises statuant en appel). La décision du procureur prise en application de l'article 77-2 ne pourra en revanche pas être contestée.

Dans le second cas, il est prévu qu'en cas de demande d'annulation d'un acte de procédure fondée sur la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou sur l'inobservation des formalités substantielles dont l'appréciation nécessite la révélation des nom et prénom des personnes ayant été autorisées à s'identifier sous un numéro, le juge d'instruction, le président de la chambre de l'instruction ou le président de la juridiction statueront sans verser ces éléments dans le cadre du débat contradictoire ni indiquer les nom et prénom des personnes dans leur décision.

4. ANALYSE DES IMPACTS DES DISPOSITIONS ENVISAGÉES

4.1 Impacts juridiques

Le présent projet de loi vise à ajouter, après l'article 15-3 du code de procédure pénale, un article 15-4 dont les dispositions devront être précisées par un décret en Conseil d'Etat. Ce décret en Conseil d'Etat précisera notamment le niveau hiérarchique auquel l'autorisation pourra être donnée. Il pourra également préciser la nature du numéro d'identification, et les modalités de contrôle par l'autorité judiciaire de l'utilisation de ce numéro, grâce à la création d'un traitement spécifique.

Il conviendra par ailleurs, par décret simple, de modifier par coordination les articles D. 9, D. 10 et D. 11 du code de procédure pénale.

Enfin, le présent projet de loi conduirait à l'insertion d'un article 55 Bis dans le code des douanes.

4.2 Impacts sur les services de police et de gendarmerie

Localement, chaque service de police ou de gendarmerie est en capacité de partager avec les magistrats de son ressort les données minimales nécessaires afin de permettre aux magistrats d'exercer leur contrôle sur l'activité des agents de police judiciaire et des officiers de police judiciaire (et la notation de ces derniers).

- S'agissant de la police nationale : les informations figurant dans le logiciel de gestion des ressources humaines « Dialogue », accessible dans chaque service de police, permettent l'identification d'un agent: numéro RIO, grade, service d'affectation, qualité (OPJ, APJ, OFJ) y figurent notamment.

- S'agissant de la Gendarmerie nationale : tous les gestionnaires des ressources humaines au niveau région peuvent interroger leur base pour obtenir l'identification à partir du matricule opérationnel.

Pour les cas où un magistrat ou un service d'enquête travailleraient en lien avec des services d'investigation issus de ressorts différents (voire avec un office central), il conviendra de prévoir la création d'un point de contact national. Ce point de contact, qui devra être désigné pour la DGPN et la DGGN, pourrait être consulté téléphoniquement ou par courriel.

Le nombre d'enquêteurs susceptibles de bénéficier des nouvelles dispositions ne peut faire l'objet d'une évaluation. À titre de comparaison, à l'heure actuelle, le dispositif prévu par l'article 706-24, dans un champ toutefois plus étroit, a été mis en oeuvre au bénéfice de 963 enquêteurs spécialisés :

• 727 enquêteurs de la Direction générale de la sécurité intérieure

• 131 de la Sous-direction anti-terrorisme

• 100 de la Brigade criminelle

• 5 de la section de recherche de Pau

Il conviendra, au sein du ministère de l'Intérieur, de mettre en place une application commune à la police et à la gendarmerie nationales qui permettra à terme d'identifier un personnel à partir du numéro d'immatriculation administrative.

Une première estimation laisse envisager que les contraintes techniques propres à ces projets ne pourraient permettre leur réalisation avant un délai d'environ six mois à compter du lancement des travaux.

4.3 Impacts sur les services de la Direction générale des douanes et droits indirects

La Direction générale des douanes et droits indirects dispose d'un traitement informatisé de gestion des ressources humaines accessible dans chaque service, permettent l'identification d'un agent des douanes : numéro de commission d'emploi, grade, service d'affectation, y figurent notamment.

A l'instar des travaux prévus par le ministère de l'intérieur, une application permettra d'identifier tout agent des douanes à partir de son numéro de commission d'emploi.

Enfin, si le nombre d'agents susceptibles de bénéficier des nouvelles dispositions ne peut faire l'objet d'une évaluation précise, il est possible de considérer que compte tenu de la sensibilité de leurs missions, il s'agira des agents en fonction dans les services de la surveillance douanière (brigades de douane) ou ceux de la direction des opérations douanières de la direction nationale du renseignement et des opérations douanières (DNRED).

4.4. Impacts sur les services de la Direction générale des finances publiques

La Direction générale des finances publiques met à la disposition de la Brigade Nationale de Répression de la délinquance fiscale (BNRDF) des agents habilités en tant qu'officiers fiscaux judiciaires.

A ce jour, plus de vingt agents sont mis à disposition de la BNRDF et leur nombre devrait croître de plus d'une dizaine d'agents à partir de janvier 2017.

L'identification de ces agents et leur habilitation seront pris en charge par la BNRDF en tant que service d'affectation. Ces agents sont identifiés dans le logiciel de gestion des ressources humaines « Dialogue », quand ils sont mis à disposition de la BNRDF (voir paragraphe 4.2. ci-dessus).

4.5 Impacts sur les services judiciaires

Les précédents espagnol et de la mise en oeuvre de l'article 706-24 en matière de terrorisme, tendent à montrer que les contestations contre les procédures dans lesquelles les enquêteurs ont été identifié par un numéro, qu'il s'agisse d'une demande de révélation de l'identité pour l'exercice des droits de la défense ou d'une demande de nullité, sont peu nombreuses.

Toutefois, et notamment dans la mesure où ces contestations pourront intervenir à l'audience - et notamment aux cours des audiences de comparution immédiate - il conviendra de permettre un accès direct des magistrats et greffiers chargés de fonction pénale au traitement devant être mis en oeuvre par le ministère de l'intérieur.

Plus concrètement, comme la DACG l'avait proposé en mars 2015, il sera prévu la création d'un fichier national des APJ et OPJ, permettant d'assurer un meilleur suivi des habilitations et des notations. Cet outil, sécurisé et traçable, aurait vocation à être alimenté et mis à jour par les logiciels de gestion RH de la police et de la gendarmerie nationales. Il pourra servir de référentiel au ministère de la justice pour l'identification des policiers et des gendarmes.

Consultable directement depuis les tribunaux, y compris durant l'audience, il permettra de répondre aux risques d'engorgement des tribunaux liés aux reports d'audience.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1 Consultations

Aucune consultation n'est juridiquement obligatoire.

5.2 Application de la loi dans le temps

L'entrée en vigueur de ces dispositions suppose le temps de procéder aux modifications réglementaires et à l'adaptation des applications informatiques.

- S'agissant de la police nationale : le logiciel de rédaction de procédure de la police nationale (LRPPN) doit subir une évolution préalable, afin de permettre à l'enquêteur de faire le choix de s'identifier par son nom/prénom ou par son RIO dans chaque document d'enquête (rapport, PV, réquisition, etc.).

Si une première évaluation laisse envisager la possibilité d'une adaptation du logiciel en quelques jours et pour un coût modéré (6 000 euros TTC), il sera nécessaire d'assurer la fiabilisation et l'appropriation de ces outils.

- S'agissant de la gendarmerie nationale : La généralisation de l'identification par le matricule opérationnel peut être mise en place immédiatement au sein de la GN, de la même façon que pour les procédures administratives de l'état d'urgence (envoi de directives pour modifier manuellement l'identification). Au besoin, cette modification pourrait encore être simplifiée par une modification du logiciel de rédaction de procédure de la gendarmerie nationale en interne, qui ne devrait alors prendre que peu de temps.

- S'agissant de la direction générale des douanes et droits indirects : le logiciel de rédaction des procédures établies par les agents des douanes habilités, au titre de l'article 28-1 du code de procédure pénale, à effectuer des enquêtes judiciaires (LRPDJ) devra faire l'objet d'une évolution préalable. La même modification doit être envisagée pour le logiciel de rédaction des actes (GARANCE) utilisé par les agents des douanes lorsqu'ils mettent en oeuvre le code des douanes.

- S'agissant de la direction générale des finances publiques : les agents utilisent les logiciels de rédaction de procédure de leur structure d'accueil, c'est-à-dire ceux de la police nationale (voir ci-dessus). Aucune adaptation n'est donc nécessaire.

Pour les trois forces de l'ordre, un délai raisonnable semble nécessaire afin :

- d'effectuer une transmission des consignes ainsi qu'une communication des conséquences induites par la réforme auprès de l'ensemble des personnels et des partenaires concernés ;

- d'organiser les conditions opérationnelles du contrôle a posteriori de l'identité des agents au sein des services et par l'autorité judiciaire du ressort.

Un délai d'au moins six mois sera nécessaire.

5.3 Application de la loi dans l'espace

Ces dispositions seront applicables sur tout le territoire, par une mise à jour du compteur de l'article 804 du code de procédure pénale.

ARTICLE 3 : PROTECTION DE L'IDENTITÉ DES AUTEURS DE DÉCISIONS ADMINISTRATIVES

1. Etat des lieux

Le code des relations entre le public et l'administration est fondé sur un principe de transparence de l'administration. L'article L. 111-2 dispose en effet que « toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées ».

De même, l'article L. 212-1 prévoit que toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.

Cette exigence de transparence connaît une exception prévue à l'article L. 111-2, visant à préserver l'anonymat des agents chargés de l'instruction d'un dossier ou du traitement d'une affaire, lorsque des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient.

Cette exception ne s'étend pas toutefois aux signataires des décisions, dont la compétence doit pouvoir être vérifiée par les mentions relatives à leur identité et qualité.

Toutefois, compte tenu des publics qu'elles visent et des possibilités de rétorsion auxquelles ils sont potentiellement exposés, les signataires des décisions fondées sur des motifs en lien avec le terrorisme doivent également bénéficier d'une telle exception. Il s'agit notamment des mesures d'interdiction de sortie du territoire, d'expulsion du territoire français, d'interdiction administrative du territoire, de gel d'avoirs ou des autres mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence.

2. Objectif poursuivi

Le présent article vise en premier lieu à étendre cette possibilité d'anonymat au signataire de la décision en prévoyant de ne notifier à la personne concernée ou de ne communiquer à des tiers (autorité judiciaire, autorités administratives, etc.) qu'une ampliation anonyme de l'acte, l'original signé étant conservé par l'administration. Par suite, le destinataire de la décision n'est pas en mesure de connaître l'identité de son signataire.

Cette possibilité est du reste déjà admise par la jurisprudence qui considère que dès lors que l'original de la décision comporte, en caractères lisibles, les mentions prévues par la loi, la circonstance que l'ampliation de cette décision notifiée ne comporte pas la signature de l'auteur de l'acte attaqué ou son identité est sans influence sur la légalité de cet acte (CE 22 février 2002, Senina , req. n o 231414, Lebon T. 773 ; CE 29 janvier 2016, n° 396449 ou CAA Paris, 8 juillet 2016, n°16PA01153).

Toutefois, un tel anonymat ne serait pas respecté si, dans le cadre du débat contradictoire devant les juridictions administratives saisies d'une procédure engagée à l'encontre de l'une de ces décisions, l'original de la décision devait finalement être communiqué au requérant afin de justifier de la compétence de son auteur ou de la régularité formelle de l'acte original.

Aussi, afin de concilier les exigences liées à l'office du juge quant au contrôle de la compétence du signataire de l'acte, qui est d'ordre public, et celles liées à la sécurité du signataire de l'acte, il est proposé de déroger aux dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative qui prévoient que l'instruction de la requête est contradictoire.

A cette fin, l'article 3 prévoit que les exigences du contradictoire sont adaptées et permettent à l'administration de produire la décision signée ainsi que la justification de la compétence du signataire à la juridiction qui statue sur ces moyens sans communiquer ces éléments dans le cadre du débat contradictoire ni indiquer l'identité du signataire dans sa décision.

Cette exception d'asymétrie dans le contradictoire n'altère pas les droits de la défense dès lors que le contrôle opéré par le juge est objectif et formel. Elle a du reste été admise par la jurisprudence européenne, au regard des motifs impérieux propres à la lutte anti-terroriste, par la jurisprudence Kadi II (CJUE, 18 juillet 2012, Kadi II, aff C-584/10 P). Elle est notamment mise en oeuvre dans le règlement de procédure du Tribunal de l'Union en vigueur depuis le 1 er juillet 2015 dans une nouvelle section relative au Traitement des renseignements, des pièces et des documents confidentiels produits dans le cadre des mesures d'instruction.

La même exception d'asymétrie dans le contradictoire a été consacrée par l'article L. 773-1 et suivants du code de justice administrative s'agissant d'une part, du contentieux de la mise en oeuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation et d'autre part, du contentieux de l'accès aux fichiers intéressant la sûreté de l'État.

Dans ce dernier cadre, et alors même que la loi n'était pas applicable à ce litige déjà pendant, le Conseil d'État a accepté de faire application de ce raisonnement en considérant que « il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire et dans la limite des secrets qui lui sont opposables , si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux, soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, le juge rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel soient inexactes, incomplètes ou périmées, soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur conservation soit interdite, cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données litigieuses. (CE, 9 novembre 2016, A, n° 372219).

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées

L'article 3 du projet de loi relatif à la sécurité publique complète l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, pour prévoir que les décisions fondées sur des motifs en lien avec le terrorisme sont prises dans des conditions qui préservent l'anonymat de leur signataire.

Par ailleurs, l'article 3 modifie dès lors l'article L. 5 du code de justice administrative pour préciser que les exigences de la contradiction sont non seulement adaptées à celles de l'urgence, mais aussi à celles « du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ».

Enfin, l'article 3 insère un nouvel article L. 773-9 du code de justice administrative, qui prévoit que les exigences de la contradiction mentionnées à l'article L. 5 sont adaptées à celles de la protection de la sécurité des auteurs des décisions fondées sur des motifs en lien avec le terrorisme.

Cette mesure, applicable uniquement à un certain type de mesures, concernera un nombre limité de décisions et de signataires.

ARTICLE 4 : ENQUETES ADMINISTRATIVES CONCERNANT LES AFFECTATIONS ET LE RECRUTEMENT DANS LES ENTREPRISES DE TRANSPORT PUBLIC DE PERSONNES ET DANS LES ENTREPRISES DE TRANSPORT DE MARCHANDISES DANGEREUSES

Dispositions précisant les suites pouvant être données au résultat des enquêtes révélant une incompatibilité du comportement du salarié avec les fonctions exercées dans le secteur des transports (article L.114-2 du code de la sécurité intérieure)

1. Etat des lieux et diagnostic

1.1 Enjeux et périmètre de la mesure

Les attentats meurtriers de la station Saint-Michel du RER B en juillet 1995, de la gare d'Atocha à Madrid en mars 2004, des bus londoniens en juillet 2005, des stations Loubianka et Park Koultoury du métro de Moscou en mars 2010, les attentats kamikazes quasi-quotidiens contre des bus au Moyen-Orient et dans le sous-continent indien, ou plus récemment la tentative avortée d'attentat dans le Thalys le 21 août 2015, illustrent l'extrême vulnérabilité intrinsèque des transports publics collectifs face à ce type de menace.

L'article L.114-2 du code de la sécurité intérieure constitue l'une des mesures législatives adoptées dans la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 destinée à prévenir et lutter contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs. Cet article prévoit que les décisions de recrutement et d'affectation de certaines entreprises de transport concernant des emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des intéressés n'est pas incompatible avec l'exercice de ces fonctions ou des missions envisagées.

L'enquête précise si le comportement de cette personne donne des raisons sérieuses de penser qu'elle est susceptible, à l'occasion de ses fonctions, de commettre un acte portant gravement atteinte à la sécurité ou à l'ordre publics.

Le projet de décret relatif aux enquêtes administratives prévues par l'article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure concernant les affectations et les recrutements dans certaines entreprises de transport fixe notamment la liste des fonctions concernées par ce dispositif d'enquête administrative, dont les effectifs peuvent être estimés comme suit :

Opérateur et catégories d'emplois

Effectif

Cumulé

SNCF / RATP/tous opérateurs

Personnel en charge du contrôle et de la commande des installations de sécurité (aiguilleurs, gestionnaire des mouvements des trains, salariés des Postes Centraux de Commandement et des postes de régulation)

-RATP

-SNCF

-UTP

18 000

Dont :

400

9600

8000

18.000

SNCF / RATP /tous opérateurs

Administrateurs des Systèmes d'Information sensibles

(20 RATP ; 30 SNCF ; 20 UTP)

70

18.070

SNCF / RATP/tous opérateurs

Concepteurs des systèmes de contrôle et de commande

(150 RATP et 150 SNCF)

300

18.370

Conducteurs de train et de métro :

-train SNCF

-métro RATP

-RER RATP

-transport urbain hors RATP (UTP)

14.500

3.200

815

1.000

(total : 19.515)

32.870

36.070

36.885

37.885

Conducteurs de cars, bus et tramways :

-RATP Ile-de-France

-transport urbain hors RATP (UTP)

-services réguliers interurbain publics (comprenant cars scolaires et nouveaux services libéralisés)

-services occasionnels et touristiques

15.000

31.000

54.900

29.500

(total : 130.400)

52.885

83.885

138.785

168.285

Transports de marchandises dangereuses

(conducteurs, pour certaines matières dangereuses limitativement énumérées)

3000

171.285

Agents des services internes de la SNCF et de la RATP

-RATP

-SNCF

(4.100)

1100

3000

175.385

Personnel embarqué à bord des navires à passagers

5400

180.785

Agent d'une compagnie exploitant des navires à passagers

320

181.105

Conducteurs et membres d'équipage de véhicule de transport fluvial (transport public)

500

181.605

Conducteurs transport de marchandises dangereuses par la route

3000

184.605

Conducteurs et membres d'équipage transport de marchandises dangereuses par voie fluviale

500

185.105

Conducteurs et membres d'équipage transport de marchandises dangereuses par voie maritime

2500

187.605

Conducteurs de train de fret et personnels en charge de la planification opérationnelle des transports et des opérations d'examen visuel (transport ferroviaire de marchandises dangereuses)

1550

189.155

Total

Environ

189.000

189.155

À l'occasion de l'examen de ce projet de décret, le Conseil d'Etat a émis un avis favorable sur :

- la liste des fonctions fixée,

- le dispositif opérationnel de mise en oeuvre des enquêtes,

- la procédure d'information du salarié quant au résultat de cette enquête,

- la procédure de confirmation du résultat de l'enquête par l'autorité administrative qui donne lieu à un avis d'incompatibilité

- la procédure administrative contentieuse de contestation de cet avis.

1.2 Insécurité juridique liée à l'absence de disposition spécifique en matière de du droit du travail

Lors de l'examen du projet de décret précité, le Conseil d'Etat a observé que l'article L. 114-2 ne prévoyant pas quelles décisions pouvaient être prises par l'employeur à l'égard du salarié dans le cas d'une enquête administrative concluant à l'incompatibilité, les dispositions du projet de décret relatives au licenciement de ce salarié ou au retrait, à titre conservatoire, de son emploi, ont été disjointes. Elles relèvent du domaine de la loi au titre du droit du travail dont l'article 34 de la Constitution confie au législateur la détermination des principes fondamentaux.

Le code du travail pose l'obligation d'une « cause réelle et sérieuse » pour licencier un salarié (article L. 1232-1 du code du travail) et l'appréciation du caractère réel et sérieux du motif énoncé dans la lettre de licenciement relève directement de la compétence du juge prud'homal. Lorsque le juge estime que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l'employeur peut être condamné à verser au salarié des dommages et intérêts, voire à le réintégrer dans l'entreprise (article L. 1235-3 du code du travail).

Toutefois, le législateur intervient parfois pour qualifier le motif du licenciement dans certains cas très spécifiques, qui correspondent à des situations où un salarié refuse l'application à son contrat de travail des dispositions d'un accord collectif : la diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail en application d'un accord de réduction du temps de travail (article L. 1222-8 du code du travail), la mise en place par accord collectif d'un aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine (article L. 3122-6 du code du travail), l'application d'un accord de maintien de l'emploi (article L. 5125-2 du code du travail), l'application d'un accord de mobilité interne (article L. 2242-19 du code du travail), l'application d'un accord en vue de la préservation ou du développement de l'emploi. Dans ce dernier cas, le licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse (article L. 2254-2 II du code du travail).

En outre, la loi peut imposer, pour pouvoir exercer certains emplois, la possession d'un agrément ou habilitation, l'employeur est alors tenu de rompre le contrat de travail en cas de retrait de cet agrément par l'administration et le motif du licenciement est donc constitué par le retrait.

Tel est notamment le cas pour :

- les agents de sécurité (article L. 612-21 de code de la sécurité intérieure)

- les assistants-maternels et assistants familiaux (article L. 423-8 et L. 423-24 du code de l'action sociale et des familles)

- les salariés des casinos (article R. 321-31 du code de sécurité intérieure)

- l'accès aux zones de sûreté à accès réglementé des aéroports (Article L. 6342-3 du code des transports et R. 231-3 du code de l'aviation civile)

Dans la situation présente, l'incompatibilité du salarié n'est pas fautive et ne peut donc conduire à un licenciement disciplinaire. En outre, des circonstances extérieures à la vie professionnelle et tenant à la vie privée du salarié ne peuvent, en principe (art. 9 du code civil sur le droit au respect de la vie privée), être prises en compte pour justifier un licenciement, sauf si elles affectent la relation salariale, appréciation qui donne lieu à une abondante jurisprudence. Par conséquent, une disposition spécifique apparait nécessaire pour sécuriser juridiquement le licenciement sur le plan de sa justification.

Il reviendrait donc, en l'absence de nouvelle intervention du législateur, au juge du contrat de travail de préciser quelles mesures pourront être prises. Cette situation, source d'insécurité juridique, n'est pas satisfaisante s'agissant d'un dispositif destiné à renforcer la sécurité publique et dont la mise en oeuvre est susceptible d'emporter des conséquences importantes pour des salariés.

La mise en oeuvre de cette procédure dite de « criblage » destinée à renforcer la sécurité dans les transports, risque de pâtir de cette lacune de la loi, car les employeurs hésiteront à y recourir, craignant ensuite de faire l'objet d'un procès pour licenciement abusif.

2. Objectifs poursuivis

Le résultat de l'enquête concluant à une incompatibilité avec l'exercice des missions pour lesquelles le salarié a été recruté ou affecté peut donner lieu à un reclassement ou, si son reclassement n'est pas possible, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement : cette disposition vise à limiter les risques de remise en cause du licenciement devant le juge prud'homal. Son appréciation sur la validité du licenciement portera sur le respect de la procédure et la recherche d'un reclassement, mais pas sur le motif de celui-ci, ni sur la validité de l'avis d'incompatibilité émis par l'autorité administrative, qui relève directement de la compétence du juge administratif.

Le retrait du salarié de son emploi à titre conservatoire, avec maintien du salaire, pour la durée nécessaire à la mise en oeuvre des suites que l'employeur entend donner au résultat de l'enquête, garantit les droits du salarié lors de la procédure et préserve la sécurité publique, puisque le salarié n'occupe plus un emploi pour lequel il a été considéré incompatible.

3. Options et dispositifs retenus

Les dispositions précisent les suites pouvant être données au résultat des enquêtes prévues à l'article L. 114-2, et notamment les conditions de licenciement du salarié dont le comportement est incompatible avec l'exercice des missions pour lesquelles il a été recruté ou affecté, lorsque son reclassement n'est pas possible. Ce licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et est soumis aux dispositions du code du travail relatives au licenciement pour motif personnel mentionnées au chapitres II et IV et à la section 1 du chapitre V du titre III du livre II de la première partie, ainsi que celles du chapitre I er du titre I er du livre IV, de la section I du chapitre I er et au chapitre II du titre II du livre IV de la deuxième partie du code du travail.

L'article 4 précise que les dispositions de l'article L. 144-2 du code de la sécurité intérieure sont applicables aux salariés des employeurs de droit privé, ainsi qu'au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé.

Le dispositif retenu donne également la possibilité à l'employeur de retirer le salarié de son emploi avec maintien du salaire pour la durée de la procédure administrative et contentieuse nécessaire aux suites données au résultat de l'enquête.

Il convient de noter que le Conseil d'Etat s'est interrogé, lors de l'examen du projet de décret d'application, sur l'efficacité du dispositif prévu dans la rédaction actuelle de l'article L. 114-2 qui, faute de subordonner à autorisation administrative l'exercice des fonctions en lien direct avec la sécurité, conduit à confier au seul employeur la responsabilité des conséquences appropriées à tirer d'une enquête administrative concluant à l'incompatibilité, alors même que celles-ci intéressent directement la sécurité publique.

Il a toutefois été choisi de ne pas instituer un tel régime d'autorisation administrative. En effet, l'objet de ces dispositions n'est pas de revenir sur les arbitrages réalisés lors des débats tenus à l'occasion de l'adoption de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016, qui s'est effectuée de manière consensuelle, le texte ayant été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale . Lors de ces débats, un tel régime d'autorisation administrative a été écarté, car il aurait eu pour effet de rendre systématique, pour les 189 000 emplois concerné, la réalisation des enquêtes administratives.

4. Nécessité de légiférer

Les dispositions relatives au licenciement d'un salarié ou au retrait, à titre conservatoire, de son emploi relèvent du domaine de la loi au titre du droit du travail dont l'article 34 de la Constitution confie au législateur la détermination des principes fondamentaux.

La création d'une cause réelle et sérieuse de licenciement et la prévision d'une possibilité de retrait du salarié de son emploi, à titre conservatoire et avec maintien du salaire, doit donc intervenir par la loi.

5. Analyse des impacts des dispositions envisagées

5.1 Impacts pour l'administration

Les enquêtes administratives ne relèveront pas de la compétence des préfectures mais incomberont à un service central du ministère de l'intérieur qui devrait être composé de 25 agents.

Cette organisation permettra d'instaurer une doctrine du criblage, en particulier pour harmoniser les procédures, et de faciliter la rédaction des avis donnés par l'administration aux opérateurs.

Les fonctions concernées par les enquêtes administratives de l'article L.114-2 correspondent à un total d'environ 189 000 postes.

L'enquête peut être sollicitée pour des personnes déjà en poste, mais elle doit alors être justifiée par l'entreprise. Les demandes non justifiées ou abusives ne seront pas traitées.

Pour les enquêtes préalables au recrutement ou à l'affectation, la mesure ne prévoit là aussi qu'une possibilité de solliciter une enquête auprès de l'administration.

5.2 Impacts pour les entreprises

Les entreprises qui procéderont au retrait du salarié de son emploi avec maintien de son salaire devront en supporter le coût, pendant la durée strictement nécessaire à la mise en oeuvre des suites qu'elles entendront donner au résultat de l'enquête administrative, incluant, le cas échéant, la durée de la procédure contentieuse devant le juge administratif en cas de contestation de la part du salarié.

A titre d'indication, pour un salaire moyen (secteur privé marchand) de l'ordre de 2 900 € brut (source INSEE - DADS) et 1 000 € de charges patronales, le maintien du salaire pendant 1 mois représente un cout de 3 900 €. Eu égard à la qualification des salariés concernés, ce niveau peut être considéré comme un minimum.

Au coût du maintien de salaire s'ajoutera le coût du remplacement du salarié écarté de son poste lorsqu'il ne sera pas possible de permuter son emploi avec celui d'un autre salarié de l'entreprise ou que le surcroit d'activité ne pourra être absorbé à coût constant par une plus forte productivité des équipes de travail. En pratique, le coût du remplacement inférieur mais proche de celui du maintien de salaire.

Le coût pour chaque employeur peut ainsi être estimé, en hypothèse basse, à 7 800 € par emploi concerné et par mois.

Par ailleurs, en cas de licenciement, c'est le régime de droit commun de la rupture du contrat de travail pour motif personnel qui trouvera à s'appliquer.

6. Modalités d'application

Les présentes dispositions du projet de loi n'appellent pas de mesures réglementaires d'application.

ARTICLE 5 : RENFORCEMENT DE LA MESURE DE CONTRÔLE ADMINISTRATIF DES RETOURS SUR LE TERRITOIRE NATIONAL

Restriction du champ d'application de l'article L. 225-5 du code de la sécurité de la sécurité intérieure, qui prévoit l'abrogation des mesures de contrôle administratif des retours sur le territoire national en cas d'engagement de poursuites judiciaires, aux seules poursuites fondées sur des faits qualifiés d'actes de terrorisme par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal et accompagnées de mesures privatives ou restrictives de liberté

1. Etat des lieux et diagnostic

L'article 52 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale a introduit aux articles L. 225-1 à L. 225-8 du code de la sécurité intérieure un contrôle administratif des retours sur le territoire dont peuvent faire l'objet toute personne qui a quitté le territoire national et dont il existe des raisons sérieuses de penser que ce déplacement a pour but de rejoindre un théâtre d'opérations de groupements terroristes dans des conditions susceptibles de la conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français.

L'article L. 225-5 du code de la sécurité intérieure dispose que : « Lorsque des poursuites judiciaires sont engagées à l'encontre d'une personne faisant l'objet d'obligations fixées en application du présent chapitre ou lorsque des mesures d'assistance éducative sont ordonnées en application des articles 375 à 375-9 du code civil à l'égard d'un mineur faisant l'objet des mêmes obligations, le ministre de l'intérieur abroge les décisions fixant ces obligations. »

Cet article avait pour objectif d'éviter la superposition entre des mesures judiciaires et des mesures administratives en faisant primer l'ouverture d'une procédure judiciaire sur la mesure administrative. Ainsi, la mesure de contrôle administratif du retour sur le territoire a vocation à être mise en oeuvre lorsqu'il n'est pas possible pour l'autorité judiciaire de poursuivre la personne concernée, faute d'éléments suffisants, et à cesser dès lors que des éléments permettent d'ouvrir une procédure judiciaire à l'encontre d'une personne visée par le contrôle administratif des retours sur le territoire national.

Il ressort clairement de la lettre de l'article L. 225-5 du code de la sécurité intérieure que le ministre de l'intérieur est tenu de mettre fin aux obligations mises en oeuvre dans le cadre du contrôle administratif des retours sur le territoire national, et ce quelle que soit l'infraction qui constitue le fondement de la poursuite judiciaire et les mesures mises en oeuvre par l'autorité judiciaire.

Ainsi, l'engagement de toutes poursuites judiciaires, y compris pour des faits étrangers à ceux ayant justifié la mesure de police administrative, telles par exemple que des faits de vols, des infractions au code de la route, implique l'abrogation de la mesure de police administrative. De même, dans la mesure où le non-respect des obligations du contrôle administratif des retours sur le territoire national est une infraction pénale, punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende par l'article L. 225-7 du code de la sécurité intérieure, l'engagement de poursuites judiciaires pour non-respect de la mesure de contrôle administratif des retours sur le territoire national oblige également le ministre de l'intérieur à abroger cette mesure.

2. Objectifs poursuivis

La mesure de contrôle administratif des retours vise à encadrer et mieux contrôler les personnes qui, après s'être rendues sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes, ou dont l'objectif était de se rendre sur un tel théâtre, sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique lors de leur retour sur le territoire national.

L'objectif de la modification de l'article L. 225-5 du code de la sécurité intérieure est de permettre une meilleure articulation entre les poursuites engagées par l'autorité judiciaire et les mesures de police administrative prises par le ministre de l'intérieur. La modification a pour objet de réduire les hypothèses d'abrogation par le ministre de l'intérieur et de restreindre le champ d'application de la notion de « poursuites judiciaires » de l'article L. 225-5 du code de la sécurité intérieure aux seules poursuites fondées sur des faits qualifiés d'actes de terrorisme par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal qui sont accompagnées de mesures privatives ou restrictives de liberté. Telle semblait bien être l'intention du législateur lors de l'adoption des dispositions de cet article, mais sa rédaction lui a conféré une portée bien plus large.

La modification proposée doit permettre d'éviter que la personne concernée par une mesure de contrôle administratif des retours, et dont l'autorité administrative a considéré qu'elle est susceptible de porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire national, ne fasse plus l'objet d'aucune mesure de contrôle, administrative ou judiciaire, du seul fait de l'engagement de poursuites judiciaires, pour une infraction sans lien avec les faits ayant motivé la mesure administrative et n'entraînant aucune mesure privative ou restrictive de liberté.

3. Options et nécessité de légiférer

Une option aurait été de préciser, dans le décret d'application de la loi du 3 juin 2016, le champ des infractions pour lesquelles l'engagement de poursuites judiciaires oblige le ministre de l'intérieur à abroger la mesure de contrôle administratif des retours sur le territoire national.

Toutefois, il ressort clairement de la lettre de la loi que le ministre de l'intérieur est tenu de mettre fin aux obligations du contrôle administratif des retours sur le territoire national dans tous les cas d'engagement de poursuites judiciaires. Le pouvoir réglementaire n'étant pas compétent pour restreindre le champ d'application de la loi, une disposition législative s'avère nécessaire pour encadrer les cas des poursuites judiciaires concernées.

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1 Impacts juridiques

L'impact attendu de cette modification législative est l'impossibilité, pour les personnes faisant l'objet d'une mesure de contrôle administratif des retours sur le territoire national, d'en contourner l'objet initial et de permettre, en contrôlant administrativement ces personnes, de les judiciariser en disposant du temps nécessaire pour obtenir des faits matériels permettant des poursuites judiciaires en matière terroriste.

4.2 Impacts en matière de ressources humaines

Cette modification législative n'aura aucun impact en matière de ressources humaines, ni pour le ministère de l'intérieur, ni pour le ministère de la justice, dans la mesure où elle ne modifie en rien les procédures d'instruction et de traitement des dossiers individuels de contrôle administratif des retours sur le territoire national.

5. Modalités d'application

Ces dispositions législatives ne nécessitent pas de décret d'application et ne conduiront pas à une modification du décret n° 2016-1269 du 28 septembre 2016 qui ne contient pas de dispositions d'application de l'article L. 225-5 du code de la sécurité intérieure.

Ces dispositions ont vocation à être applicables de plein droit dans les collectivités de l'article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte) ainsi que dans les collectivités de l'article 74 de la Constitution qui sont régies par le principe de l'identité législative (Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon). Elles ont vocation à s'appliquer en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, régies par le principe de spécialité législative.

Pour ces collectivités, une mise à jour des articles L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1 et L. 288-1 du code de la sécurité intérieure est prévue selon la technique du « compteur Lifou ».

ARTICLE 6 : POSSIBILITÉ D'UN ARMEMENT DES AGENTS DE SÉCURITÉ PRIVÉE EXERÇANT DES ACTIVITÉS DE PROTECTION DE L'INTÉGRITÉ PHYSIQUE DES PERSONNES

1. Etat des lieux et diagnostic

Les agents privés de protection de l'intégrité physique des personnes sont des agents relevant du livre VI du code de la sécurité intérieure relatif aux activités privées de sécurité. Ces agents doivent être titulaires d'une carte professionnelle délivrée par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS).

Au 10 novembre 2016, il existe 1 603 cartes professionnelles en cours de validité et portant la mention unique "protection physique des personnes" (article R. 612-14 du code de la sécurité intérieure). Ce chiffre est porté à 18 810 cartes professionnelles s'il est tenu compte des cartes professionnelles qui comportent la mention "protection physique des personnes" et au moins une autre activité (agent de surveillance et de gardiennage, agent de sûreté aéroportuaire, etc.). Il est à noter que l'exercice d'une activité de protection de l'intégrité physique des personnes est cependant exclusive de toute autre activité (article L. 612-2 du code de la sécurité intérieure). En réalité, seules 1200 personnes exerceraient effectivement cette activité.

L'article L. 613-12 du code de la sécurité intérieure prohibe l'armement des agents de protection rapprochée, sans exception possible : « Les agents exerçant les activités mentionnées au 3°de l'article L.611-1 ne sont pas armés ».

Dès lors, en l'état du droit, deux dispositions réglementaires permettent de délivrer des autorisations de port d'arme en vue d'assurer la protection de personnes menacées.

L'article R.315-5 du code de la sécurité intérieure permet au ministre de l'intérieur d' « autoriser toute personne exposée à des risques exceptionnels d'atteinte à sa vie, sur sa demande, à porter et transporter une arme de poing ». Ces personnes exposées sollicitent souvent le port d'arme pour l'agent en charge de leur protection au prix d'une interprétation du texte qui ne le prévoit pas explicitement : le risque encouru par la personnalité protégée rejaillit sur l'accompagnateur, qui devient légitime à solliciter une autorisation de port d'arme. L'armement de l'accompagnateur, un professionnel, peut paraître parfois plus opportun que l'armement de la personnalité elle-même. Cependant, « l'accompagnateur » exerce, dans les faits, une activité de protection rapprochée et il ne peut dès lors être armé dans l'état actuel de la rédaction de l'article L. 613-12.

En outre, l'article R.315-6 du code de la sécurité intérieure prévoit que « le ministre de l'intérieur peut autoriser par arrêté toute personnalité étrangère séjournant en France ainsi que les personnes assurant sa sécurité, sur la demande du gouvernement du pays dont cette personnalité est ressortissante, à détenir, porter et transporter une arme de poing et, dans les limites fixées au 1° de l'article R. 312-47, les munitions correspondantes. ». Certaines personnalités étrangères se déplaçant dans un cadre privé font appel à des agents privés de sécurité pour assurer leur protection. Il peut alors s'agir d'agents étrangers, pour lesquels la vérification de la qualification et de la moralité s'avère difficile dans la mesure où les demandes sont effectuées par la voie diplomatique dans des délais contraints. Ainsi, la possibilité de faire appel à des agents privés armés établis sur le sol français permettrait de s'assurer de l'emploi d'agents formés et contrôlés au regard de la réglementation française. Cette faculté permettrait en outre de répondre à des critiques récurrentes liées aux distorsions de concurrence entraînées par l'état actuel de la réglementation.

La possibilité d'armer des agents privés de protection rapprochée existe déjà à l'étranger, notamment aux États-Unis , en Belgique, ou en Allemagne. Ces deux derniers pays voisins imposent des conditions de formation et de moralité afin d'autoriser l'armement des agents.

2. Objectifs poursuivis

Devant la nécessité de professionnaliser l'activité de protection de l'intégrité physique des personnes, et compte tenu de l'augmentation du nombre de demandes dans un contexte de menace terroriste élevée, la modification de l'article L.613-12 du code de la sécurité intérieure est nécessaire. Elle permettra d'encadrer, par voie réglementaire, la formation de ces agents. La création d'un vivier d'agents formés et contrôlés permettra de sécuriser l'intervention d'agents armés.

2.1 Rendre juridiquement possible l'armement d'agents privés de protection de l'intégrité physique des personnes dans les cas où cet armement est strictement nécessaire pour assurer la protection d'une personne exposée à des risques exceptionnels d'atteinte à sa vie

Cet armement peut être nécessaire, pour protéger des personnes exposées à « un risque exceptionnel d'atteinte à [leur] vie ». L'administration répond aujourd'hui à ce besoin dans le cadre imparfait de l'article R.315-5 du code de la sécurité intérieure.

Application de l'article R.315-5 du CSI

Autorisations en cours de validité

Evolution tendancielle sur 1 an

31/12/15

31/10/2016

Ports d'arme « accompagnateurs »

49

53

+ 40%

75% des demandes de ports d'armes dits « permanents » (PAP) concernent des accompagnateurs, et non la personnalité elle-même.

Depuis janvier 2015, les demandes d'autorisation de port d'arme présentées au ministre de l'intérieur au titre de l'article R. 315-5 du code de la sécurité intérieure ne cessent de croître, en même temps que les profils des demandeurs se diversifient. Ces demandes font l'objet d'une instruction par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques, après enquête de la direction générale de la police nationale. Elles sont de l'ordre de 70 chaque année, qu'il s'agisse de renouvellements de port d'arme ou de primo demandes. Les autorisations sont délivrées ou renouvelées pour une durée d'un an maximum. Elles concernent essentiellement 5 grandes catégories de personnalités : élus, dirigeants de grandes entreprises, journalistes, avocats, personnalités médiatiques particulièrement menacées.

Les primo-demandes représentent une part croissante du total de ces demandes dites « habituelles ». Il est ainsi significatif de constater que, pour les 9 premiers mois de l'année 2015, les primo demandes représentaient 21% du volume total des demandes « habituelles », et qu'elles en représentent 35% en 2016 18 ( * ) sur la même période.

Par ailleurs, au-delà des besoins permanents, l'article R. 315-6 permet l'armement des accompagnateurs des personnalités étrangères menacées séjournant occasionnellement en France. Ces demandes sont également effectuées par les canaux diplomatiques, rendant les contrôles parfois difficiles.

L'armement des agents privés de protection rapprochée ne sera autorisé que dans les cas où il est rendu strictement nécessaire pour assurer la protection d'une personne exposée à des risques exceptionnels d'atteinte à sa vie. Cet armement sera donc limité. Par ailleurs, les conditions de formation seront renforcées. Il est à noter que l'usage de l'arme ne pourra se faire que dans le cadre de la légitime défense.

2.2 Adapter la réglementation à l'évolution de ce secteur d'activités en imposant des garanties fortes d'encadrement

Les agents de protection de l'intégrité physique des personnes sont déjà titulaires d'une carte professionnelle délivrée par le CNAPS en vertu de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure. Cette carte professionnelle est délivrée après vérification par le CNAPS de plusieurs conditions.

D'une part, le CNAPS contrôle l'exigence de moralité des agents (L. 612-20 du code de la sécurité intérieure). A cet égard, le CNAPS a accès à différents fichiers (AGDREF, TAJ, FPR).

D'autre part, le CNAPS contrôle que la personne justifie d'une aptitude professionnelle adaptée. Seuls certains certificats de qualification professionnelle ou certifications professionnelles peuvent permettre, après contrôle du ministère de l'intérieur, de justifier de l'aptitude professionnelle. Ces formations doivent respecter un arrêté dit « cahier des charges » défini par le ministère de l'intérieur. En outre, le CNAPS contrôle désormais les organismes de formation. La formation des activités privées de sécurité a été réglementée par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi. Désormais, les organismes de formation doivent être titulaires d'une autorisation délivrée par le CNAPS, après certification par un organisme indépendant accrédité par le Comité français d'accréditation (COFRAC), au regard d'un cahier des charges fixé par arrêté du ministre de l'intérieur. Le CNAPS a d'ores et déjà commencé à contrôler les organismes de formation. Par ailleurs, cette même loi est venue imposer le suivi d'un stage de maintien et d'actualisation des compétences pour le renouvellement des cartes professionnelles de l'ensemble des agents (durée de validité : 5 ans).

L'armement des agents de protection de l'intégrité physique des personnes sera donc strictement encadré en termes de formation initiale et de formation continue. Une formation à l'armement est déjà mise en place pour les transporteurs de fonds. Une formation régulière au tir sera par ailleurs imposée par décret, en sus de la formation initiale et du stage de maintien et d'actualisation des compétences déjà imposées.

Une nouvelle carte professionnelle sera créée par décret en Conseil d'Etat. L'aptitude professionnelle initiale nécessaire à l'obtention de cette nouvelle carte sera développée et axée sur le maniement des armes et la connaissance du cadre légal de l'usage et de la détention des armes (l'arrêté du ministre de l'intérieur fixant la formation sera modifié en ce sens).

Le projet limite la possibilité d'être armés aux seuls agents en charge de la protection d'une personne exposée à des risques exceptionnels d'atteinte à sa vie. L'analyse « des risques exceptionnels » restera de la compétence centrale du ministre de l'intérieur. L'autorisation du port d'arme, par le ministre de l'intérieur, concernera donc un agent privé au regard de la mission de protection d'une personnalité identifiée. L'agent privé ne pourra porter l'arme que pour l'exercice de cette mission. L'arme devra être remisée lorsque la mission arrive à échéance. De cette manière, le ministère de l'intérieur sera en capacité de connaître quels sont les agents privés de protection en activité et armés sur son territoire. Cette connaissance permettra également de faciliter les contrôles du CNAPS.

A l'occasion de l'instruction de la demande d'autorisation du port d'arme, les services du ministre de l'intérieur vérifieront que l'agent : détient la carte spécifique d'agent armé de protection de l'intégrité physique des personnes ; ne se caractérise pas par un comportement incompatible avec le port d'une arme ; justifie d'une formation adaptée, conforme à un programme défini par la voie réglementaire ; justifie d'un certificat médical ; justifie de son emploi auprès d'une personne pour lesquelles des risques exceptionnels d'atteinte à sa vie existent.

2.3 Limiter l'intervention, sur le territoire français, d'agents privés étrangers armés

Au-delà de l'armement prévu par l'article R. 315-5 du code de la sécurité intérieure, l'article R. 315-6 permet l'armement des accompagnateurs des personnalités étrangères menacées séjournant occasionnellement en France, la demande étant formulée par la voie diplomatique. En 2015, il est possible d'estimer à 700 le nombre de ports d'arme délivrés au bénéfice de personnalités étrangères potentiellement accompagnées d'agents privés.

La modification de la réglementation permettra aux personnalités étrangères de faire appel à des agents privés français, formés et identifiés. Les enquêtes de moralité concernant des ressortissants français sont par ailleurs plus poussées (accès aux différents fichiers). Les personnes titulaires d'une carte professionnelle d'agent de protection de l'intégrité physique des personnes font déjà l'objet d'une enquête de moralité délivrée par le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS).

Enfin, cette modification sera de nature à répondre aux préoccupations légitimes soulevées par les représentants des agents de protection physique des personnes, lesquels font valoir de manière récurrente une distorsion de concurrence.

3. Nécessité de légiférer

Pour répondre au besoin de protection rappelé ci-dessus, deux autres options ont pu être explorées.

D'une part, on peut envisager qu'une personne menacée fasse l'objet d'une protection policière. Cependant, dans le contexte actuel, une mission permanente de protection policière s'effectue au détriment des autres missions prioritaires de la police nationale.

Le Service de la protection (SDLP) relevant de la direction générale de la police nationale protège de façon permanente 125 personnalités auxquelles s'ajoutent quelques personnalités étrangères en court séjour. Ce chiffre peut varier en fonction de l'actualité (grands événements). Le SDLP est actuellement en capacité de protéger 130 personnes. Au-delà, le service procède à des rappels de personnels en repos, augmentant ainsi les heures supplémentaires dues et la fatigue des policiers. Le coût financier et humain de cette protection est particulièrement lourd. De plus, l'évolution de la menace conduit le SDLP à protéger un nombre croissant de personnalités civiles (journalistes, essayistes, religieux...). A ce jour, le SDLP n'est pas en mesure d'accepter de nouvelles missions.

D'autre part, les personnes exposées à des risques d'atteinte à leur vie peuvent être elles-mêmes titulaires du port d'arme pour assurer leur protection. Néanmoins, l'utilisation des armes à feu nécessite une formation pratique spécifique et l'apprentissage du cadre légal d'intervention et d'utilisation. A cet égard, il paraît préférable de confier le maniement de l'arme à un professionnel.

En définitive, les possibilités offertes aujourd'hui pour la protection des personnes menacées sont insuffisantes. C'est pourquoi une modification de l'article L. 613-12 du CSI permettrait d'ouvrir une autre possibilité. Cette modification législative vise donc à prévoir une exception au principe de non armement des agents de protection de l'intégrité physique des personnes. Le projet limite la possibilité d'être armé aux seuls agents qui effectuent la protection d'une personne exposée à des risques exceptionnels d'atteinte à sa vie. Cette rédaction reprend celle déjà existante de l'article R. 315-5 du CSI pour laquelle il existe déjà une doctrine relative à l'appréciation des « risques exceptionnels d'atteinte à sa vie ».

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1 Impacts sur les personnes concernées

Les agents devront obtenir une formation complémentaire pour obtenir la carte spécifique. Cette formation sera précisée par arrêté du ministre de l'intérieur et portera sur le cadre légal de détention et d'usage des armes, la connaissance des armes et sur leur maniement.

Au vu du nombre de personnes titulaires d'un port d'arme en vertu de l'article R. 315-5 du code de la sécurité intérieure, il est estimé qu'une centaine d'agents privés de protection de l'intégrité physique des personnes pourraient être titulaires d'un port d'armes, s'ils répondent aux garanties susmentionnées.

Il n'est pas possible d'estimer de manière fiable le nombre de personnalités étrangères qui auraient recours à des agents privés de protection physique de nationalité française en lieu et place d'agents étrangers.

Le nombre d'autorisations de port d'armes délivrées à des accompagnateurs étrangers est estimé à 700 par an. Il y a lieu de penser qu'une redistribution en faveur des sociétés privées françaises de protection physique des personnes s'effectuera dans les années suivant la mise en oeuvre de la mesure, lorsque plusieurs sociétés se seront positionnées sur ce marché.

Il est possible que le nombre de personnes souhaitant bénéficier d'une protection armée augmente, au regard de l'actualité et du contexte de menace terroriste élevée. Cependant, la doctrine du ministère de l'intérieur relative aux « risques exceptionnels d'atteinte à sa vie » est stable et ne laisse pas présager d'augmentation du nombre de demandes par ailleurs.

4.2 Impacts sur l'administration

Le CNAPS devra délivrer les nouvelles cartes professionnelles. On estime à 1.200 le nombre de personnes exerçant réellement une activité de protection de l'intégrité physique des personnes. Le nombre de personnes faisant l'objet d'une protection en raison des risques exceptionnels d'atteinte à sa vie est assez limité. Ce constat limitera le nombre de demandes de cartes professionnelles (qui nécessitent une formation supplémentaire). Par ailleurs, le CNAPS a instruit en 2015 près de 140.000 demandes de titres et délivré 81.397 cartes professionnelles. La charge de travail supplémentaire devrait donc pouvoir être absorbée à effectifs constants.

Le ministère de l'intérieur (DLPAJ) délivrera les autorisations de port d'arme, en lien avec la DGPN, lorsqu'est justifiée la protection d'une personne exposée à des risques exceptionnels d'atteinte à sa vie.

Ce projet n'a pas d'impact sur les préfectures ou les autres services déconcentrés de l'Etat.

4.3 Impact sur les entreprises

La création d'un vivier d'agents privés armés de protection de l'intégrité physique des personnes, en France, permettra de sécuriser ce domaine d'activité en expansion.

Par ailleurs, les personnalités étrangères venant en France pourront désormais solliciter une protection émanant d'entreprises de protection de l'intégrité physique des personnes établies sur le sol français.

Il est d'ailleurs à noter qu'après la Suisse, l'Italie et la Belgique, Israël n'accordera plus dorénavant d'autorisations de port d'armes aux agents privés étrangers de protection physique des personnes.

5. Consultations et modalités d'application

5.1 Consultations

Aucune consultation n'est requise pour cette disposition.

5.2 Modalités d'application:

Le projet de loi fait expressément référence à un projet de décret en Conseil d'Etat.

Ce projet fixera les modalités d'application de l'article 6, notamment les conditions dans lesquelles est délivrée l'autorisation, celles dans lesquelles est vérifiée l'aptitude professionnelle des agents concernés, les catégories et types d'armes susceptibles d'être autorisés, les conditions de leur acquisition et de leur conservation et les conditions dans lesquelles les armes sont portées pendant le service et remisées en dehors du service.

Ce décret permettra par ailleurs :

- de créer expressément une nouvelle carte professionnelle spécifique (article R. 612-14 du code de la sécurité intérieure) ;

- de fixer les modalités de la demande de la protection armée par une personnalité menacée.

Il devra également prévoir les conditions de coordination avec les forces de l'ordre.

Ce projet de décret pourra intervenir rapidement après la mise en oeuvre de la disposition législative.

En parallèle, sera modifié l'arrêté relatif au contenu précis, et au volume horaire, de la formation des agents de protection armés.

ARTICLE 7 : AGGRAVATION DES PEINES DE L'OUTRAGE COMMIS CONTRE DES PERSONNES DÉPOSITAIRES DE L'AUTORITÉ PUBLIQUE

1. Etat des lieux

1.1 Cadre général

Le délit d'outrage est défini par le premier alinéa de l'article 433-5 du code pénal comme les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l'envoi d'objets quelconques adressés à une personne chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie.

Le délit d'outrage à personne dépositaire de l'autorité publique (PDAP) est prévu par le deuxième alinéa de cet article qui dispose : « Lorsqu'il est adressé à une personne dépositaire de l'autorité publique, l'outrage est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende ». Ces peines sont doublées par le dernier alinéa lorsque l'infraction est commise en réunion.

Sont notamment des personnes dépositaires de l'autorité publique les fonctionnaires de la police nationale et les militaires de la gendarmerie, qui sont les personnes les plus fréquemment victimes d'outrage dans l'exercice de leurs fonctions de police judiciaire ou administrative. Sont également, à titre d'exemple, des personnes dépositaires de l'autorité publique, les surveillants pénitentiaires ou encore les douaniers.

Par comparaison, lorsqu'il est commis à l'égard d'un magistrat ou d'un juré, en application de l'article 434-24 du Code pénal l'outrage est passible d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 €, ces sanctions étant doublées lorsque le délit est commis lors d'une audience.

La répression actuelle du délit d'outrage se présente comme suit, et montre que les outrages à magistrats sont effectivement plus sévèrement sanctionnés que les outrages à PDAP :

Infraction

Peines encourues

Infractions dans les condamnations de 2015

Condamnations infraction principale

Condamnations infraction unique

Taux de prononcé de l'emprison-nement ferme

Quantum ferme moyen

Outrage à personne dépositaire de l'autorité publique (433-5 CP)

6 mois et 7 500 €

17 238

9 623

3 905

24,1%

2,4 mois

Infraction commise en réunion

1 an et 15 000 €

406

287

138

17,4%

2,4 mois

Outrage à magistrat ou juré (434-24 CP)

1 an et 15 000 €

244

149

92

42,4%

2,8 mois

Infraction commise à  l'audience

2 ans et 30 000 €

109

94

78

46,2%

2,8 mois

1.2 Cadre constitutionnel

Garantie par l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme est du citoyen, la liberté d'expression est un principe à valeur constitutionnelle ainsi que le rappelle très régulièrement le Conseil constitutionnel 19 ( * ) . Ce dernier précise toutefois que « les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi » 20 ( * ), et il n'est pas contestable que tel est le cas des dispositions réprimant les outrages.

1.3 Cadre européen

La liberté d'expression est protégée par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et du citoyen, qui précise que son exercice « peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire ».

La Cour européenne des droits de l'homme admet qu'il puisse être porté atteinte à la liberté d'expression pour protéger la réputation ou la dignité d'autrui, tout en se montrant particulièrement exigeante quant à la nécessité et la proportionnalité d'une telle atteinte 21 ( * ).

Il ne fait pas de doute que la répression de l'outrage est nécessaire et proportionnée.

2. Objectif poursuivi

Afin d'en renforcer symboliquement la répression, les peines encourues du chef du délit d'outrage à personne dépositaire de l'autorité publique sont alignées sur celles prévues en cas d'outrage à magistrat et donc portées à un an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende. Par voie de conséquence, elles sont portées à deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende lorsque les faits sont commis en réunion, peines alors identiques à celles de l'outrage à magistrat commis à l'audience.

L'objectif est ainsi de supprimer, au regard des peines encourues, la distinction entre PDAP et magistrat en matière d'outrage.

Cette distinction est d'autant moins justifiée que de nombreuses dispositions du code pénal, notamment celles réprimant les atteintes à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique, placent sur le même plan les magistrats, les fonctionnaires de la police nationale et les militaires de la gendarmerie, lorsque ces derniers sont victimes de tels actes, dont la répression est alors aggravée.

3. Options

3.1 Etendre la réforme au délit de rébellion

Au titre des atteintes à l'autorité publique pouvant être commises par des particuliers visées par le code pénal, l'outrage peut apparaître moins grave que la rébellion, qui est définie, par l'article 433-6 du Code pénal, comme « le fait d'opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public agissant, dans l'exercice de ses fonctions, pour l'exécution des lois, des ordres de l'autorité publique, des décisions ou mandats de justice ».

Or la rébellion est aujourd'hui sanctionnée d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende, hors circonstances aggravantes.

Ainsi, la seule modification des peines encourues en matière d'outrage aurait pour conséquence d'aligner la répression de ce délit sur celui d'outrage, ce qui pourrait paraître incohérent et justifier que les sanctions encourues du chef du délit de rébellion soient élevées en conséquence.

Cette solution n'a cependant pas été retenue pour les raisons énoncées ci-après.

3.2 Ne modifier que les sanctions encourues en matière d'outrage

Même si l'outrage à PDAP est puni actuellement de 6 mois, celui à magistrat d'un an, et la rébellion contre PDAP également d'un an, les peines prononcées pour ces deux derniers délits sont équivalentes, comme le montre le tableau joint.

Il paraît dès lors inutile de vouloir aggraver les peines encourues en matière de rébellion, le but de la réforme n'étant pas d'aggraver la répression de la rébellion, mais de supprimer la distinction entre PDAP et magistrat en matière d'outrage.

Condamnations et peine prononcées en infraction unique pour rébellion (2013-2015*)

Infraction

Infractions dans les condamnations

Condamnations infraction principale

Condamnations infraction unique

Taux de prononcé de l'emprisonnement ferme

Quantum ferme moyen (en mois)

REBELLION

35 958

10 509

3 471

48,4%

2,8

REBELLION COMMISE EN REUNION

1 619

801

396

38,8%

3,5

REBELLION AVEC ARME

230

85

33

48,0%

5,1

REBELLION AVEC ARME COMMISE EN REUNION

55

30

19

50,0%

3,0

*2015 : données provisoires.

Source : Casier judiciaire national

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

La disposition envisagée modifie les articles 433-5 et 433-7 du code pénal.

Elle ne devrait pas avoir d'impact significatif sur la charge et les conditions de travail des magistrats et fonctionnaires.

La présente réforme ne devrait pas avoir d'impact significatif sur la charge et les conditions de travail des services de police et de gendarmerie.

ARTICLE 8 : RENFORCEMENT DES MOYENS DES PERSONNELS DE SURVEILLANCE AFFECTÉS DANS LES ÉQUIPES DE SÉCURITÉ PÉNITENTIAIRE


Ainsi qu'annoncé par le Garde des sceaux le 25 octobre 2016, la sécurité pénitentiaire est un enjeu majeur, notamment, en matière de gestion de la détention. La lutte contre les projections ou introductions au sein des établissements pénitentiaires d'objets ou de substances prohibés ou dangereux pour la sécurité des personnes ou le bon ordre des établissements figure au titre des finalités à poursuivre afin d'assurer la sécurité des établissements pénitentiaire. Il en va de même de la pratique des parloirs sauvages qu'il est actuellement extrêmement difficile d'empêcher. Le recours à des mesures de contrôle permettrait de limiter le nombre de ces projections et parloirs.

1. Etat des lieux

En l'état actuel du droit, les personnels de l'administration pénitentiaire ne disposent, en dehors de l'enceinte des établissements pénitentiaires, d'aucune prérogative légale, autres que celles prévues par les dispositions de l'article 73 du code de procédure pénale (applicables à tout citoyen) pour procéder au contrôle et, le cas échéant, l'inspection visuelle et/ou fouille de bagages ainsi que la palpation de sécurité des personnes à l'égard desquelles existe une ou plusieurs raisons sérieuses de soupçonner qu'elles vont ou ont participé à des faits de projection à l'intérieur des établissements pénitentiaires de biens, matériels ou substances interdites en détention ou parloirs sauvages. Il en va de même des possibilités de rétention d'une personne jusqu'à l'arrivée des forces de sécurité intérieure.

Le présent article a pour objectif de transposer les prérogatives prévues par la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs aux agents de l'administration pénitentiaire.

En effet, les agents de surveillance de l'administration pénitentiaire, qui ont vocation à intégrer les futures équipes de sécurité pénitentiaires, constituent, aux termes de l'article 12 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire « l'une des forces dont dispose l'Etat pour assurer la sécurité intérieure ».

L'impératif de bon ordre et de sécurité dans les établissements pénitentiaires, participant de l'objectif à valeur constitutionnelle de préservation de l'ordre public, implique que les personnels de l'administration pénitentiaire soient dotés de prérogatives légales permettant d'assurer efficacement cette mission.

Le Conseil constitutionnel n'a pas été amené à se prononcer sur les dispositions de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs. Toutefois, il considère « qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle, (...) et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figure la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l'exercice de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ; » (décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011).

En l'espèce, les mesures envisagées ne portent, à l'égard de la liberté d'aller et venir de la personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons sérieuses de soupçonner qu'elle se prépare à commettre des faits de projection à l'intérieur des établissements pénitentiaires de biens, matériels ou substances interdites en détention ou parloirs sauvages, que des restrictions limitées et temporaires, l'autorité judiciaire étant, en tout état de cause informée et pouvant décider des suites à donner à l'information.

2. Nécessité de légiférer et objectif poursuivi

2.1 L'une des vulnérabilités des établissements pénitentiaires réside dans le fait qu'ils sont régulièrement l'objet de :

- projections d'objets prohibés ou interdits depuis l'extérieur, par un public libre, à destination des personnes qui y sont détenues,

- communications illégales (dites « parloirs sauvages ») entre le public libre et les personnes détenues.

Si les communications illégales ne font pas l'objet de recensement précis, les découvertes d'objets prohibés ou interdits par projections le font.

2.2 S'agissant des projections :

- sur l'année 2014, 56 149 objets ou substances prohibés ont été découverts dans les établissements pénitentiaires français, dont 6 841 par projection extérieure,

- sur l'année 2015, 68 011 objets ou substances prohibés, dont 12 320 par projection extérieure,

- sur les dix premiers mois de l'année 2016, 53 102 objets ou substances prohibés ont été découverts dans les établissements pénitentiaires français, dont 8 664 par projection extérieure.

Il y a lieu de préciser plusieurs points :

- l'évolution d'une année sur l'autre doit être relativisée, du fait de l'évolution de la qualité des remontées d'information relatives à ces découvertes,

- il existe un chiffre noir important, tant que le nombre d'objets prohibés - car il reste des objets prohibés non découverts, malgré les contrôles réalisés - que sur le nombre de projections, un certain nombre d'objets étant trouvés sans que l'on puisse en connaître la provenance.

En tout état de cause, les tendances déduites de ces chiffres démontrent la grande vulnérabilité des établissements au regard de cette problématique.

La création des équipes de sécurité pénitentiaire, et par conséquent, la présence plus accrue des personnels pénitentiaires sur le périmètre de l'établissement, devrait permettre d'endiguer une partie de ce phénomène, qui nuit fortement à la sécurité des établissements pénitentiaires.

Pour autant, leur pouvoir actuel en matière d'intervention sur l'emprise foncière affectée au service public pénitentiaire est limité.

S'ils constatent la présence de personnes dont ils suspectent qu'elles se préparent à projeter des objets ou substances prohibés, ou qu'elles envisagent de le faire, il leur est aujourd'hui impossible d'intervenir.

2.3 S'agissant des communications illicites :

Au-delà des projections, qui constituent l'une des principales vulnérabilités de nos établissements pénitentiaires, les communications illicites (dites « parloirs sauvages ») sont également des situations dans lesquelles, aujourd'hui, les personnels pénitentiaires ne peuvent que constater la situation, sans moyen d'action possible.

L'administration pénitentiaire ne dispose pas de chiffres précis en la matière.

Cela n'en reste pas moins un sujet d'importance, ces communications participant à la capacité des personnes détenues à continuer leurs activités illicites pendant leur temps de détention et également à l'exaspération des riverains, qui subissent régulièrement, et à toute heure du jour et de la nuit, des nuisances sonores résultant de ces communications illicites.

2.4 Les remises d'objets ou substances interdits à l'occasion de parloirs :

Enfin, les personnels pénitentiaires découvrent régulièrement des objets ou substances prohibés à l'occasion des parloirs des personnes détenues (en 2014 : 5 583 - en 2015 : 5 418 - en 2016 : 4 752).

Dans la plupart de ces cas, il est possible de suspecter que les personnes qui sont venues visiter les détenus concernés sont à l'origine de la remise de ces objets ou substances.

Dans ce cas de figure, le champ d'action des personnels pénitentiaires est aujourd'hui limité aux cas déjà autorisés par la loi ; la simple suspicion ne permettant pas une intervention de nos personnels.

Pour toutes ces raisons, il apparaît nécessaire de modifier les dispositions de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire. Le dispositif légal envisagé doit permettre l'intervention du personnel pénitentiaire en vue de :

- Procéder à l'inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de la personne, à leur fouille ;

- Réaliser une palpation de sécurité ;

- Relever l'identité de la personne.

En cas de refus de la personne de se soumettre au contrôle ou si cette dernière est dans l'impossibilité de justifier de son identité, elle peut être retenue jusqu'à l'arrivée de l'officier de police judiciaire territorialement compétent ou d'un agent de police judiciaire placé sous son contrôle.

La primo-intervention du personnel pénitentiaire consiste à :

• Faire justifier la personne de son identité,

• Procéder à des palpations de sécurité, par une personne de même sexe que la personne qui en fait l'objet,

• Procéder à l'inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de la personne, à leur fouille.

• Retenir la personne jusqu'à l'arrivée de l'OPJ ou de l'APJ, en cas de refus de se soumettre au contrôle. Dans ce cas, le procureur en est immédiatement informé et peut y mettre fin à tout moment.

3. Options

3.1. Option 1 (écartée) : périmètre élargi aux abords immédiats des établissements pénitentiaires

L'option envisagée consistait à élargir l'application des dispositions du projet de loi à l'intérieur et aux abords immédiats des établissements pénitentiaires, selon des conditions précisées par décret en Conseil d'Etat. Le terme d'abords immédiats a été écarté en raison des prérogatives qui en auraient découlées, au bénéfice des personnels pénitentiaires, en dehors de tout domaine pénitentiaire.

3.2. Option 2 (retenue) : périmètre restreint à l'emprise foncière affectée au service public pénitentiaire

La création d'un article 12-1 au sein de la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire doit permettre aux personnels pénitentiaires affectés aux équipes de sécurité pénitentiaire (incluant les équipes locales de sécurité pénitentiaire) d'intervenir auprès de personnes présentes sur l'ensemble de l'emprise foncière affectée à l'établissement pénitentiaire, autres que des personnes détenues, pour contrôler celles à l'égard desquelles existe une ou plusieurs raisons sérieuses de penser qu'elles se préparent à commettre une infraction portant atteinte à la sécurité de l'établissement pénitentiaire. Ces infractions couvrent

- la projection d'objets au sein de l'établissement (ce cas vise l'introduction, au sein d'un établissement pénitentiaire, par tout intervenant extérieur ou par le visiteur d'une personne détenue, à l'occasion d'un parloir, d'un parloir familial ou d'une UVF, de tout objet ou substance interdits par le règlement intérieur ou leur remise à la personne détenue) ;

- la communication avec une personne détenue, en dehors des cas autorités par le règlement (« parloirs sauvages »).

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1. Impact juridique

Le présent projet de loi vise à ajouter un article 12-1 au sein de la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire. Un décret précisera les conditions de définition de l'emprise foncière et de sa signalisation.

4.2. Impacts sur les services judiciaires

Les dispositions prévoient l'information de l'autorité judiciaire en cas de retenue. L'impact sur l'autorité judiciaire et les services de sécurité intérieure n'est donc pas quantifiable, mais ne devrait pas avoir d'impact sur les conditions de travail de ces autorité et services.

4.3. Impacts les agents de l'administration pénitentiaire

Les dispositions envisagées emporteront une modification des pratiques professionnelles des agents de l'administration pénitentiaire.

5. Consultations et modalités de mise en oeuvre

5.1. Consultations

Le comité technique de l'administration pénitentiaire a été consulté sur cet article.

Dans la mesure où ces dispositions modifieront les modalités d'exercice des fonctions, le comité technique de l'administration pénitentiaire devra être saisi de toute note ou acte réglementaire qui précisera ces dispositions.

5.2. Application de la loi dans le temps

La mise en oeuvre de ces dispositions suppose la création des équipes de sécurité pénitentiaires, qui interviendra en février 2017.

5.3. Application de la loi dans l'espace

Ces dispositions seront applicables sur tout le territoire.

5.4. Modalités de mise en oeuvre

Les dispositions envisagées impliquent un décret simple précisant les conditions de définition de l'emprise foncière et de sa signalisation.

ARTICLE 9 : EXPÉRIMENTATION DU CUMUL DU PLACEMENT À L'AIDE SOCIALE A L'ENFANCE AVEC UNE MESURE D'ACTION ÉDUCATIVE EN MILIEU OUVERT

1. Etat des lieux

Actuellement, la PJJ peut déjà exercer une mesure d'action éducative en milieu ouvert (AEMO) excepté dans cette hypothèse du placement à l'aide sociale à l'enfance. De même, dans le cadre de l'article 375-4 du code civil, une mesure d'AEMO ne peut être prononcée que pour des mineurs maintenus à domicile ou confiés à un particulier ou directement à un établissement d'accueil.

2. Objectif

Le projet d'expérimentation par extension du champ de l'article 375-4 alinéa 2 du code civil vise à permettre aux juges des enfants, sur réquisition du parquet, d'ordonner cumulativement un placement à l'aide sociale à l'enfance et une mesure d'AEMO, dès lors que celle-ci est confiée à un service du secteur public de la PJJ.

L'exclusion de la mesure d'AEMO en cas de placement à l'aide sociale à l'enfance a été prévue afin d'éviter des doubles références éducatives et la facturation de deux mesures éducatives aux départements, chargés de financer les mesures d'assistance éducative.

L'objectif de cette expérimentation est de permettre une articulation entre le service public de la PJJ et l'aide sociale à l'enfance pour les situations particulièrement complexes, telles que celles des enfants de retour de théâtres d'opérations de guerre et qui nécessitent une expertise spécifique et le développement d'une politique publique harmonisée.

Parallèlement à cette expérimentation et sur les mêmes thématiques, pourront être développés plusieurs projets, qui feront l'objet d'une évaluation globale.

L'article 9 précise que les dépenses afférentes aux mesures mises en oeuvre sur le fondement de cette expérimentation seront prises en charge financièrement par l'Etat.

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées

Le nombre d'enfants qui pourraient rentrer de Syrie est actuellement inconnu mais il est estimé à environ 400. Parmi eux, une grande proportion, évaluée à 80% (320 enfants), devra faire l'objet d'un placement en raison de l'incarcération, de l'absence des parents, ou d'une situation de danger, dont 80% confiés à l'aide sociale à l'enfance (256). Les 20% restants devraient être remis à des membres de la famille ou faire l'objet d'un placement direct auprès d'une institution.

Sur ces 256 enfants placés à l'aide sociale à l'enfance, tous devraient, dans un premier temps, faire l'objet d'une mesure judiciaire d'investigation éducative (MJIE) de 6 mois, financée par la PJJ dans le cadre légal existant. A l'issue de celle-ci, le magistrat appréciera l'opportunité de maintenir le placement et/ou d'ordonner une mesure d'AEMO confiée à la PJJ (nombre d'AEMO estimé à ce stade à 20 à 30 % des situations, soient 51 à 77 des enfants).

La durée moyenne de ces mesures (MJIE et AEMO), en cumul d'un placement à l'aide sociale à l'enfance, sera de 9 mois (médiane entre 6 et 12 mois). Le coût des MJIE est d'ores et déjà inclus dans le budget de l'Etat.

L'exercice de 51 à 77 mesures d'action éducative en milieu ouvert en cumul de placement pendant 9 mois, correspond à 3 ETPT pour une hypothèse basse et de 6 ETPT dans une hypothèse haute, plus conforme à la réalité des pratiques, deux professionnels étant amenés à intervenir dans chacun de ces suivis.

Le coût correspondant au besoin des six emplois d'éducateur est de 272 K€, dont 180 K€ hors CAS pensions.

ARTICLE 10 : CREATION DU STATUT DE STAGIAIRES DU VOLONTARIAT MILITAIRE D'INSERTION

1. Etat des lieux et objectifs

1.1 Le Président de la République, lors de sa conférence de presse du 5 février 2015, a annoncé l'expérimentation, en métropole, d'un « service militaire volontaire » (SMV) inspiré du service militaire adapté (SMA) existant outre-mer depuis 1961. L'objectif de cette formation est de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes, en leur dispensant une formation militaire (à l'exclusion du maniement des armes), assortie d'éléments de remise à niveau scolaire et de formations et activités civiques, puis en leur proposant des formations professionnelles pouvant à terme déboucher sur leur insertion.

Cette expérimentation, prévue par les articles 22 et 23 de la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense, a débuté le 1 er septembre 2015. Plus d'un an après, le dispositif ainsi créé présente des résultats très prometteurs. Trois centres du service militaire volontaire ont été créés (Montigny-les-Metz, Brétigny-sur-Orgeet La Rochelle), permettant la prise en charge de 1 000 jeunes en « décrochage », et le taux d'insertion de ces jeunes, en l'état, est à ce jour de 75 %.

Les réflexions en cours pour préparer le rapport qui sera remis au Parlement à la fin de l'année ont montré que le parachèvement de cette expérimentation, notamment par l'ouverture du centre de Châlons-en-Champagne en janvier 2017, et un éventuel déploiement plus large sur le territoire, nécessitaient une adaptation législative permettant une meilleure articulation avec le droit du travail du dispositif actuel.

1.2 Le dispositif permet, à titre expérimental, de compléter l'offre existante des actions d'insertion destinées aux jeunes « décrocheurs ». Il organise, sur les territoires qui choisissent d'accueillir un centre du service militaire volontaire, la collaboration de tous les acteurs impliqués ou susceptibles de l'être autour de ce projet  : les missions locales et Pôle emploi pour l'orientation, l'armée qui assurera, selon ses propres méthodes, la sélection des jeunes ainsi que la formation initiale de type militaire et l'apprentissage des compétences clés (savoir-être, secourisme, permis de conduire), les entreprises et les acteurs de la formation professionnelle, qui, avec les collectivités territoriales (en particulier les conseils régionaux), choisiront les filières de débouché, participeront à la formation professionnelle pré-qualifiante ou qualifiante dans la filière choisie et prendront en charge, au titre de la formation professionnelle, le financement du dispositif.

Les dispositions proposées prévoient ainsi les objectifs et les principes de fonctionnement du volontariat militaire d'insertion (appellation qui remplace celle de « service militaire volontaire » dans cette nouvelle phase de l'expérimentation), créent un statut spécifique combinant celui de militaire et celui de stagiaire de la formation professionnelle, afin que les jeunes bénéficient de l'ensemble des droits ouverts aux stagiaires de la formation professionnelle.

2. Options et dispositifs retenus

2.1 Options

Option 1 : le maintien en l'état du dispositif

Une première option aurait consisté à maintenir le dispositif en l'état pour le reste de la durée de l'expérimentation 22 ( * ) . Depuis le lancement de cette expérimentation, le ministère de la défense a totalement pris en charge les coûts d'infrastructure et de fonctionnement de centres (25 000 euros par stagiaire). Les jeunes ont été recrutés sous le statut de volontaires des armées. Le travail partenarial effectué à Châlons-en-Champagne a toutefois fait émerger la volonté de l'ensemble des partenaires de l'insertion professionnelle (missions locales, pôle emploi, fonds national de sécurisation des parcours professionnels, organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage, conseil régional,...) de participer à la conception et au fonctionnement du centre. Or, pour permettre ces partenariats et co-financements, il est nécessaire que les jeunes soient reconnus « demandeurs d'emploi » lors de leur sélection puis relèvent du statut de « stagiaire de la formation professionnelle » (sans toutefois perdre leur statut militaire, qui est au coeur même du dispositif).

Option 2 : la définition dans le code de la défense d'un statut de stagiaire du volontariat militaire d'insertion

Compte tenu de la nécessité de concilier les statuts de militaire (caractéristique d'un engagement et d'une discipline) et de stagiaire de la formation professionnelle (possibilité pour les jeunes de bénéficier de l'ensemble des droits ouverts aux stagiaires de la formation professionnelle pendant la totalité de leur parcours au sein du SMV et des stages en centres de formation et entreprise), une autre option consistait à créer, de façon pérenne, dans le code de la défense, un statut hybride de « stagiaire militaire de la formation professionnelle »).

Option retenue : le lancement d'une nouvelle phase de l'expérimentation

L'option retenue consiste à lancer une nouvelle phase de l'expérimentation en procédant à un ajustement législatif pour conférer aux jeunes entrant dans le dispositif du volontariat militaire d'insertion le statut le plus propice à l'efficacité du dispositif.

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées

3.1 - Impacts juridiques

Les dispositions proposées modifient la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019. Un nouvel article 23-1 est inséré dans la loi du 28 juillet 2015, et une disposition de mise en cohérence est introduite à l'article 22.

3.2 - Impacts économiques et financiers

Le coût d'un centre (hors coût d'infrastructure, à déterminer avec les collectivités locales d'accueil du centre) est de 25 000 euros par jeune, dont une majorité correspond au coût de l'encadrement des stagiaires (1 cadre de contact pour 5 jeunes, 1 encadrant pour 4 jeunes au total).

Ce coût des centres ne sera pas modifié par la disposition relative au VMI. C'est la répartition des participations budgétaires entre les partenaires associés pour soutenir un centre qui sera désormais plus ouverte et évoluera dans le temps et l'espace en fonction des besoins et capacités des acteurs du bassin d'emploi considéré.

3.3 - Impacts sur l'emploi

L'objectif est de faciliter l'insertion professionnelle de jeunes décrocheurs (environ 100 000 par an dans une classe d'âge). Les volontaires parviennent à une insertion durable (CDI, CDD de plus de 6 mois ou contrat de professionnalisation ou d'apprentissage) à plus de 75% (taux proche de 80% outre-mer au sein du SMA depuis 50 ans). Avec les nouvelles dispositions proposées, une amélioration de ce taux et, partant, de l'emploi des jeunes en France métropolitaine, est prévisible.

3.4 - Impacts sociaux

Les populations cibles (jeunes de 18 à 25 ans pas ou peu diplômés et en échec d'insertion professionnelle) trouvent le plus souvent un métier et un emploi. De plus, pendant leur formation, ils sont amenés à participer à des missions d'intérêt général et/ou de sécurité civile. L'ensemble de ce parcours permet de leur redonner confiance et estime de soi. Un suivi des cohortes pour 3 ans est mis en place avec le laboratoire du CNRS de Marne la Vallée (Pr L'Horty) dont les premières observations sur la première promotion sont édifiantes :

« Les jeunes issus du SMV affichent une proportion plus forte de sorties volontaires et positives vers l'emploi. Plus de 50 % des jeunes sont en emploi immédiatement à la sortie du SMV alors qu'au sein de l'ensemble des jeunes en difficulté d'insertion la proportion de ceux qui occupe un emploi, même instable et à temps partiel, n'est que de 14 %. L'accès à l'emploi est facilité par le programme et les emplois obtenus à l'issue du programme sont de meilleure qualité (deux fois plus fréquemment en CDI et sur des emplois dans les secteurs marchands).

Ce type de parcours produit aussi un effet bénéfique sur le niveau de diplôme si l'on suit les déclarations des bénéficiaires : un tiers des jeunes déclarent que leur niveau de diplôme a augmenté suite au SMV. Les jeunes déclarent ressentir moins d'obstacles dans l'accès à l'emploi, en particulier du point de vue de leur aptitude à la mobilité. Ils se déclarent deux fois moins concernés par des problèmes de pénurie d'offres d'emploi que ceux qui sont en

Garantie Jeunes. Ils déclarent également deux fois moins fréquemment ressentir des difficultés de mobilité. Plus de trois jeunes sur quatre passés par le SMV ont le permis de conduire alors que c'est le cas de moins d'un jeune sur trois en Garantie Jeunes. Ils bénéficient en outre d'une plus grande intensité de relations sociales, d'une plus grande participation à la vie locale et leur pratique sportive s'est intensifiée. Sur tous ces plans, le

SMV paraît donc associé à des effets très positifs sur l'insertion économique et sociale des jeunes. »

3.5 - Impacts administratifs

Le ministère de la défense va mettre en place un « service à compétence nationale » (SCN) auprès du directeur du service national et de la jeunesse et suivre précisément dans une UO budgétaire (avec centres de coûts et fonds de concours) le budget de chaque centre de manière à produire un compte précis des dépenses et recettes par centre. Le SCN lancera des appels à manifestation d'intérêt (AMI) précisant le nombre de places potentiellement ouvertes sur le territoire national en fonction du nombre d'encadrants mobilisables (selon le ratio d'un encadrant pour quatre stagiaires).

3.6 - Impacts sur les collectivités territoriales

L'acceptation d'une réponse à l'AMI entraînera la signature d'un contrat entre, d'une part, l'opérateur du VMI et, d'autre part, l'opérateur local (ou les partenaires locaux désignés) constitué par la région (chef de file des collectivités locales en raison de sa compétence en matière de formation professionnelle) et par l'Etat au sein du comité d'orientation, de professionnalisation et d'insertion (COPI). Ainsi, le président de la région et le Préfet seront obligatoirement signataires des contrats avec le ComSMV, quels que soient les autres partenaires locaux également associés et signataires mais en nombre et ordre différents suivant la réalité constatée sur chaque territoire.

Ce contrat devrait normalement avoir une durée objective de l'ordre de 5 ans. Il pourrait être reconduit pour un laps de temps plus bref, de l'ordre de 3 ans, mais à chaque fois sur la base d'un diagnostic partagé utilisant les mêmes outils qu'initialement, afin de vérifier que le principe de l'existence du centre, son calibrage, et ses modalités de fonctionnement, demeurent conformes aux besoins locaux et aux exigences nationales du dispositif, en recourant si possible à une expertise indépendante de nature académique.

Selon les modalités de l'AMI décrites ci-dessus, les territoires désireux d'accueillir un centre SMV définiront le bassin de recrutement suivant les caractéristiques mises en évidence lors du diagnostic.

3.7 Impacts sur les personnes en situation de handicap

La condition physique des jeunes volontaires est appréciée lors de la sélection par le service de santé des armées qui s'assure de leurs capacités suffisantes pour suivre la formation militaire initiale de 4 mois (sans préparation au combat ni usage d'armes).

3.8 - Impacts en termes d'égalité entre les femmes et les hommes

Les volontaires peuvent être des garçons ou des filles. Ces dernières ont représenté 1/3 des volontaires pendant la phase expérimentale.

4. Modalités d'application

4.1 Application dans le temps

Le dispositif VMI entrera en vigueur à la même date d'entrée en vigueur que celle de la loi. Toutefois, les contrats conclus en application du présent article pourront prendre effet à compter du 1 er janvier 2017.

Représentant le deuxième temps de l'expérimentation, il coexistera avec le dispositif SMV « de première génération », les centres créés sous l'empire des articles 22 et 23 de la loi du 28 juillet 2015 demeurant régis par les dispositions de ces articles.

A la fin de l'expérimentation en décembre 2018, il sera décidé si les règles applicables au MVI méritent d'être effectivement pérennisées et généralisées.

4.2 Application dans l'espace

A l'instar de l'expérimentation du SMV, le VMI ne concerne que le territoire métropolitain de la France. En effet un dispositif analogue existe avec succès depuis plusieurs dizaines d'années outre-mer : le service militaire adapté (SMA).

5. Consultations

Une trentaine d'entretiens ont été réalisés avec des interlocuteurs de niveau national (ministères de l'emploi, de la jeunesse, pôle emploi, union nationale des missions locales, association des régions de France, FNSPP...) ou local (OPCA, missions locales, DIRECCTE, ville et agglomération de Châlons, région Grand-Est...).

Le CNEN a été consulté sur cet article et a rendu un avis favorable lors de sa séance du 15 décembre 2016.

6 Textes d'application

Les jeunes volontaires sont regardés comme des stagiaires de la formation professionnelle au sens du titre IV du livre III de la sixième partie du code du travail et bénéficient de l'ensemble des droits ouverts aux stagiaires de la formation professionnelle. Un service à compétence nationale auprès du DSNJ du ministère de la défense sera créé par décret et son fonctionnement décrit dans un arrêté. Ces deux textes sont en voie d'être finalisés (consultation du CTM faite le 21 novembre 2016).

Les stagiaires sont soumis aux dispositions du code de la défense (statut général des militaires) pendant toute la durée de leur parcours au sein des centres et à la législation du travail à l'occasion exclusive des stages qu'ils réalisent pour des employeurs de droit privé dans le cadre de leur formation professionnelle.


* 1 Article 122-5 N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte.

N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction.

Article 122-6 Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l'acte :

1° Pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;

2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence.

* 2 Article 122-4 N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires. N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal.

* 3 Article 122-7 N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace.

* 4 L'article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure prévoit quant à lui que « Un attroupement, au sens de l'article 431-3 du code pénal, peut être dissipé par la force publique après deux sommations de se disperser demeurées sans effet, adressées, lorsqu'ils sont porteurs des insignes de leur fonction, par :

1° Le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police ;

2° Sauf à Paris, le maire ou l'un de ses adjoints ;

3° Tout officier de police judiciaire responsable de la sécurité publique, ou tout autre officier de police judiciaire.
Il est procédé à ces sommations suivant des modalités propres à informer les personnes participant à l'attroupement de l'obligation de se disperser sans délai.

Toutefois, les représentants de la force publique appelés en vue de dissiper un attroupement peuvent faire directement usage de la force si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent »

* 5 (Crim. 22 mai 1955, Bull. crim. n o 268, D. 1959, somm. 71, JCP 1959. II. 11161 ; Crim. 23 déc. 1959, Bull. crim. n o 576 ; Crim. 19 juin 1990, n o 90-80.888, Bull. crim. n o 250 ; Crim. 26 nov. 1991, n o 91-85.238 , Dr. pénal 1992. Comm. 120)

* 6 CA Nancy, 9 mars 1979, D. 1981. 462, note Bernardini, Gaz. Pal. 1979. 2. 655 ; Tr. Correct. Lyon 16 décembre 1986.

* 7 Crim, 14 mars 1989.

* 8 L'article 25 de la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale a abrogé l'ancienne règle résultant de l'article 174 du décret du 20 mai 1903 portant règlement sur l'organisation et le fonctionnement de la gendarmerie.

* 9 Cass. crim., 16 janvier 1996, Bull. crim. n° 22 ; cette Revue 1996.369, comm. Y. Mayaud ; 30 avril 1996, Bull. crim. n° 178 ; Dr. pén. 1996, p. 176, obs. Maron

* 10 Le 23 mai 2008, un gendarme était l'auteur d'un tir mortel sur Joseph GUERDNER, placé en garde à vue pour des faits d'enlèvement, de séquestration et de vol en bande organisée, qui, menotté, tentait de s'enfuir de la gendarmerie de Draguignan. Renvoyé devant la cour d'assises du Var du chef de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, le gendarme était acquitté au motif qu'il avait agi dans le cadre des dispositions de l'article L.2338-3 du code de la défense.

* 11 Avis CE sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et son financement, l'efficacité et les garanties de la procédure pénale du 3 février 2016.

* 12 Article L. 4123-12 code de la défense : Outre les cas de légitime défense, n'est pas pénalement responsable le militaire qui déploie, après sommations, la force armée absolument nécessaire pour empêcher ou interrompre toute intrusion dans une zone de défense hautement sensible et procéder à l'arrestation de l'auteur de cette intrusion.

Constitue une zone de défense hautement sensible la zone définie par voie réglementaire à l'intérieur de laquelle sont implantés ou stationnés des biens militaires dont la perte ou la destruction serait susceptible de causer de très graves dommages à la population, ou mettrait en cause les intérêts vitaux de la défense nationale.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des alinéas précédents. Il détermine les conditions dans lesquelles sont définies les zones de défense hautement sensibles, les conditions de délivrance des autorisations d'y pénétrer et les modalités de leur protection. Il précise les modalités des sommations auxquelles procède le militaire.

* 13 Ainsi un automobiliste conduisant en état d'imprégnation alcoolique ayant, de nuit, fait demi-tour en apercevant une patrouille de gendarmerie, dont l'un des membres avait ensuite été heurté et blessé par ce véhicule avant de tirer plusieurs coups de feu et de tuer le fuyard (Cass. crim., 5 janv. 2000, Bull. crim. n° 3).

* 14 L'article 56 du code des douanes prévoit que les agents des douanes peuvent faire usage de leurs armes :

- lorsque des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou lorsqu'ils sont menacés par des individus armés ;

- lorsqu'ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations et autres moyens de transport dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt ;

- lorsqu'ils ne peuvent autrement s'opposer au passage d'une réunion de personnes qui ne s'arrêtent pas aux sommations qui leur sont adressées ;

- lorsqu'ils ne peuvent capturer vivants les chiens, les chevaux et autres animaux employés pour la fraude ou que l'on tente d'importer ou d'exporter frauduleusement ou qui circulent irrégulièrement.

*

* 15 Visés aux articles 16 à 29 du code de procédure pénale.

* 16 L'article 706-16 CPP vise les actes de terrorisme incriminés par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal, ainsi que les infractions connexes.

* 17 200 agents des douanes sont habilités à effectuer des enquêtes judiciaires.

* 18 2015 : 14 primo demandes sur le total de 66 demandes traitées au titre de l'article R315-5 du CSI (4 accords, 10 refus).

2016 : 22 primo demandes sur le total de 63 demandes traitées au titre de l'article R315-5 du CSI (7 accords, 5 refus, 10 en instruction DGPN).

* 19 Décision n°82-141 DC, 27 juillet 1982, cons. 3, Journal officiel du 27 juillet 1982, page 2422, Rec. p. 48 ; décision n°2007-550 DC, 27 février 2007, cons. 15, Journal officiel du 7 mars 2007, page 4368, texte n° 21, Rec. p. 81.

* 20 Décision n°2011-131 QPC, 20 mai 2011, cons. 3, Journal officiel du 20 mai 2011, page 8890, texte n° 83, Rec. p. 244

* 21 CEDH, 25 juin 2002, C. et a. c/France.

* 22 Repoussée à la fin de l'année 2018 par le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté (article 12 nonies A)

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page