A l'invitation de sa présidente Mme Catherine Procaccia, le groupe interparlementaire d’amitié France-Vanuatu-Iles du Pacifique a reçu, le 4 avril 2018, au Palais du Luxembourg, M. Jules Irrmann, chef de la mission d’Océanie au Ministère des affaires étrangères, qui a dressé un vaste panorama des relations entre la France et les États océaniens.

1. Évolution du poids de la France dans la zone

L’image de la France en Océanie s’est considérablement améliorée en 20 ans. Auparavant, la France était vue comme le pays des essais nucléaires et une puissance coloniale aux prises avec les événements de Nouvelle-Calédonie. Cela lui valait une mauvaise image auprès des petits États insulaires, comme de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande qui s’employaient à la chasser de la zone. La  donne a changé avec l’arrêt des essais nucléaires, avec la progression du processus des accords de Matignon et de Nouméa, et avec la position très en pointe de la France sur les questions de changement climatique. Avant la COP21, la France avait organisé une rencontre avec les pays océaniens et Laurent Fabius alors ministre des affaires étrangères avaient des contacts fréquents avec le Premier ministre des Tuvalu au cours des négociations climatiques.

La France joue un rôle important dans les organisations internationales de la zone : la Communauté du Pacifique (organisme de coopération technique mettant en œuvre des projets de développement, installé à Nouméa), le Programme régional océanien de l’environnement, ainsi qu’indirectement, dans le Forum des îles du Pacifique, via l’admission de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie. Le Forum des îles du Pacifique ayant une vocation politique, même si la France n’en est pas membre à part entière, dès que l’on y débat de sujets qui intéressent les compétences régaliennes de l’État, les positions de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française sont calées au terme d’un dialogue étroit avec les autorités nationales. Autre exemple de la synergie entre la diplomatie nationale et les territoires autonomes du Pacifique : en mai 2018 se tiendra un sommet Japon-Océanie où le ministère des affaires étrangères est parvenu à obtenir des autorités japonaises qu’elles invitent la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.

2. Relations de la France avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande

Les deux grands partenaires dans la région demeurent l’Australie et la Nouvelle-Zélande. L’Australie constitue la grande puissance régionale. La relation stratégique avec la France est forte et structurée par le marché des sous-marins sur 50 ans. Elle a été encore rehaussée par la récente visite du ministre des affaires étrangères Le Drian. L’enjeu est de faire « déborder » cette relation stratégique vers d’autres coopérations, notamment universitaires et scientifiques. Une visite du Président de la République est prévue en Australie au mois de mai. La Nouvelle-Zélande est un autre partenaire intéressant, en manque de visite officielle à cause de la distance, même si Manuel Valls y est passé brièvement comme premier ministre dans les pas de Michel Rocard. La Première ministre néozélandaise doit se rendre à Paris le 16 avril. La relation de la Nouvelle-Zélande avec la Chine est particulière, le pays étant jusqu’à présent beaucoup moins méfiant que l’Australie et souhaitant ménager une grande puissance mondiale avec laquelle elle a conclu un accord de libre-échange. Cependant, une nouvelle inquiétude se fait jour dans le pays sur les ambitions chinoises. L’Australie et la Nouvelle-Zélande souhaitent le maintien de la présence française et s’inquiètent de tout ce qui s’apparenterait à un désengagement ou à un départ, ce qui les fait notamment s’interroger sur les conséquences du référendum d’autodétermination de l’automne 2018 en Nouvelle-Calédonie.

3. Cas du Pacifique insulaire: Papouasie, Nouvelle Zélande et Fidji

Au sein du Pacifique insulaire, deux pays méritent un traitement particulier, Fidji et la Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG). Fidji est un pays structuré qui constitue un hub régional aussi bien en matière de transport aérien que de numérique. La PNG qui représente 80 % de la population de la Mélanésie (environ 10 millions d’habitants) est encore une nation en construction, les logiques ethniques demeurant fortes. L’organisation sociale de ce pays aux 900 langues demeure encore très traditionnelle. Il suscite toutefois beaucoup d’intérêt en raison de ses richesses naturelles (minerais, pétrole, gaz). Il a enregistré 6 % de croissance sur les dernières années mais souffre d’une insécurité et d’une corruption endémiques. Total investit 10 milliards d’euros pour l’exploitation d’un gisement off-shore massif, qui fait de la PNG le 3ème relais de croissance du groupe avec le golfe de Guinée et la Sibérie, loin devant la Birmanie. Total est dans les pas d’ExxonMobil qui est arrivé beaucoup plus tôt dans le pays.

Parmi les organisations politiques insulaires, il faut souligner l’importance du Groupe du Fer de lance mélanésien. Il est organisé essentiellement autour de PNG, Salomon, Vanuatu mais Fidji en fait aussi partie pour des raisons stratégiques afin de tirer parti de sa position à la charnière de la Mélanésie et de la Polynésie. Le Groupe a fait nettement évoluer ses positions, très politiques à l’origine et militantes pour l’indépendance des nations mélanésiennes, vers des questions plus économiques et la promotion du libre-échange dans la zone. Le gros sujet politique n’est plus la Nouvelle-Calédonie (même si le Vanuatu y reste très attentif) mais la revendication d’indépendance de la province indonésienne de Papua (ex Irian Jaya). L’autre groupe de discussion politique des États insulaires est le Groupe des dirigeants polynésiens (Samoa, Tonga, Îles Cook, Polynésie française notamment) qui pratique une diplomatie plus informelle et qui est très tournée vers la Chine. La Micronésie, la 3ème partie du Pacifique insulaire est beaucoup moins structurée, même si la France travaille aussi avec eux, par exemple, avec les Marshall sur la reconnaissance des émissions de gaz à effet de serre dues au transport maritime.

La plupart des actions de coopération et de l’aide passe désormais par le FED, avec une médiation européenne donc. Cependant, il reste avec le Vanuatu  de la coopération bilatérale dans laquelle la Nouvelle-Calédonie, proche géographiquement et culturellement joue un rôle important. L’Agence française de développement  (AFD) était sortie de la zone mais le ministère des affaires étrangères pousse pour son retour afin de piloter l’utilisation des fonds européens d’un montant de 700 millions d’euros sur 5 ans. En effet, aujourd’hui les projets financés par l’union européenne sont mis en place par la Communauté du Pacifique ou des ONG, sans visibilité européenne donc sans bénéfice indirect en termes d’image et de soft power. Les négociations sur le climat ont donné une impulsion nouvelle et le Président de la République a récemment annoncé que l’AFD pourrait à nouveau intervenir directement dans le Pacifique sous l’angle du climat et de la biodiversité.

Dans ce domaine, Kiribati est un pays intéressant. La relation avec l’ancien président était très bonne car il était particulièrement sensible à l’investissement de la France dans les négociations climatiques. Kiribati a racheté des terres à Fidji pour pouvoir reloger une partie de sa population si le changement climatique rendait ses îles inhabitables. Le pays a  également crée une vaste aire marine protégée mais ne dispose que de très peu de moyens pour la gérer ou la défendre, notamment contre les flottilles de blue boats vietnamiens à la recherche d’holothuries (concombre de mer).

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