M. Jean-Pierre Vial, Président du groupe d’amitié France-Syrie, Mme Christiane Kammermann, Vice-présidente, et M. Bernard Cazeau, Président du groupe d’amitié France‑Irak se sont entretenus avec M. Khaled Issa, Représentant du Rojava en France, le mardi 21 juin 2016. M. Khaled Issa était accompagné de M. Ali Ali, membre du conseil d’administration du Rojava en France.

M. Jean-Pierre Vial, Président, a rappelé que les Kurdes de Syrie venaient d’ouvrir au mois de mai un bureau de représentation à Paris, le quatrième en Europe après ceux de Moscou, de Berlin, et de Stockholm. Il a rappelé le rôle joué par les forces kurdes dans la bataille de Kobané et leur résistance dans le nord de la Syrie. Il a également noté que malgré la proximité qui existait entre les Kurdes de Syrie et les Kurdes d’Irak, ceux-ci se trouvaient dans des situations stratégiques différentes, compte tenu des positions divergentes qu’avaient à leur égard certaines des puissances régionales, en particulier la Turquie.

M. Khaled Issa a présenté ainsi les lignes de force de ce qu’il a appelé la « troisième voie » prise par les Kurdes de Syrie : la nécessité d’opposer un front uni au danger commun que constitue le terrorisme ; le refus de la dictature actuelle du régime syrien et la volonté de défendre une forme d’organisation de la société respectueuse de l’égalité hommes‑femmes et de la diversité linguistique.

Il a rappelé que l’organisation et les frontières actuelles remontaient à la période du mandat français qui, après l’avoir envisagé, avait finalement renoncé à conférer une autonomie à des minorités, comme les alaouites ou les druzes, pour privilégier la construction d’un État centralisé trop centralisé, qui n’avait pu tenir que par la force. Il a indiqué que les Kurdes de Syrie n’entendaient pas pour autant remettre en question les frontières de la Syrie mais étaient favorables à la recherche d’une solution fédérale.

Il a rappelé que la Syrie comptait quelques 800 km de frontières avec la Turquie, dont deux tronçons de respectivement 120 et 70 km avec les territoires tenus par les Kurdes où les problèmes se posaient avec acuité. Il a regretté les pressions exercées par le gouvernement turc sur les grandes puissances, et condamné les violations du cessez-le-feu par des  groupes armés liée à la Turquie.

Interrogé par M. Bernard Cazeau, Président du groupe d’amitié France‑Irak, sur les affinités qui pouvaient rapprocher les Kurdes de Syrie respectivement du PKK, réprimé par le gouvernement turc et du Kurdistan irakien qui entretient de bonnes relations avec la Turquie, il a estimé que la majorité des Kurdes de Turquie sympathisaient avec le combat mené par les Kurdes syriens, mais que le gouvernement de M. Barzani devait compter avec les pressions effectuées par le gouvernement turc. Il a ensuite affirmé à M. Bernard Cazeau que le PKK et ses combattants ne disposaient d’aucune base de repli en Syrie.

En réponse à une question de M. Jean-Pierre Vial, Président, il a indiqué que malgré un déséquilibre des forces sur le terrain en leur défaveur, les forces kurdes étaient parvenues à faire reculer les forces terroristes, grâce à leur détermination et au soutien de l’aviation de la coalition.

Interrogé sur les relations qu’ils entretiennent avec le régime et l’armée de M. Bachar el‑Asad, il a indiqué que celles-ci étaient régies par trois considérations : la priorité donnée à la lutte contre les forces terroristes, la volonté de ne rien faire qui pourrait être interprété comme une provocation, ou une tentative de séparatisme. Il a confirmé à M. Jean-Pierre Vial que les fonctionnaires syriens présents sur les territoires contrôlés par les Kurdes continuaient de percevoir leur traitement versé par le régime syrien.

M. Khaled Issa a estimé que plusieurs pays occidentaux, dont la France, s’étaient trompés dans leur analyse de la situation en Syrie. Il a invité les grandes puissances à prendre du recul par rapport aux pressions, voire au chantage, qu’exercent sur eux les puissances régionales, et à s’entendre entre elles pour mettre fin à une guerre qui menace d’entraîner une prolifération des conflits dans la région. Il a indiqué qu’il avait été reçu par le ministre russe des Affaires étrangères, qu’il n’avait pas de relations avec le ministère français des Affaires étrangères, mais qu’il avait rencontré le Président de la République.

Il a indiqué que les autorités kurdes exercent aujourd’hui un contrôle sur un territoire de 4,5 millions d’habitants ; dans l’administration de ce territoire, elles s’attachent à promouvoir la reconnaissance des trois langues parlées et l’égalité hommes‑femmes, en dépit des résistances que cette politique suscite dans cette région du monde ; la polygamie avait ainsi pu être supprimée et l’on comptait maintenant 40 % de femmes dans les institutions.

Contact(s)