M. Jean-Claude Carle, président du groupe, a accueilli M. Pierre-Marc Johnson, ancien Premier ministre du Québec, accompagné par le Délégué général du Québec en France, M. Michel Robitaille, au Sénat, le 18 mars 2015. Étaient également présents Mmes Michèle André, Maryvonne Blondin, M. Alain Chatillon, Mme Hélène Conway-Mouret, M. André Gattolin, Mme Dominique Gillot, vice-présidents du groupe, MM. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire, Jacques Bigot, Loïc Hervé et Jeanny Lorgeoux, membres du groupe d’amitié.

M. Jean-Claude Carle a d’abord rappelé l’importance de la relation entre la France et le Québec, « têtes de pont » des interactions entre l’Union européenne et le Canada. M. Pierre-Marc Johnson, qui en a été le négociateur en chef pour le Québec, a ensuite exposé le contenu de l’accord économique et commercial global (AECG) entre l’Union européenne (UE) et le Canada, et mis en lumière ses avantages pour chacune des parties. Cette rencontre s’inscrivait dans le cadre de la tournée européenne effectuée par l’ancien Premier ministre québécois pour défendre l’AECG, afin de convaincre des avancées possibles grâce à l’accord, dont les négociations se sont clôturées en septembre 2014.

M. Pierre-Marc Johnson a tout d’abord insisté sur la possibilité pour les entreprises européennes d’avoir accès aux marchés publics canadiens et québécois en particulier, qui représentent 120 milliards de dollars par an de biens et services achetés par les municipalités, les écoles, le secteur de la santé, etc. Il a également tenu à apporter des précisions au sujet du secteur agricole. L’exportation de viande depuis le Canada, par exemple, ne représentera qu’une part extrêmement mineure du marché de la viande européenne (1%) et les clauses appliquées au secteur agricole protègeront les consommateurs européens du bœuf aux hormones ou encore des OGM, qui soulevaient l’inquiétude.

L’AECG contient de nombreuses dispositions destinées à faciliter et stimuler les échanges de biens et de services. Les entreprises européennes auront ainsi un meilleur accès au marché canadien, qui représente 35 millions de personnes. L’accord vise aussi à créer les conditions d’un essor des mouvements de personnes – en particulier par l’assouplissement des règles de mobilité applicables à la main d’œuvre spécialisée – et de capitaux, en soutenant les investissements. Les investissements croisés représentent déjà environ 350 milliards de dollars, répartis à parts presque égales entre l’Union européenne et le Canada (près de 175 milliards d’investissements européens au Canada, et autant réciproquement).

Puis, M. Pierre-Marc Johnson a abordé le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE). La question de ces tribunaux d’arbitrages privés créés pour régler les différends entre entreprises et États s’est révélée une source de résistances à l’AECG dans son ensemble, notamment en France et en Allemagne. M. Johnson a rappelé l’existence des RDIE dans la plupart des accords commerciaux signé par les différents pays européens et leur nécessité pour protéger les investisseurs. Il a insisté sur le fait que ce mécanisme éviterait aux États de devoir s’immiscer dans certaines affaires économiques privées et permettrait de limiter les recours judiciaires. Les différends entre entreprises et États sont rares, car coûteux pour les entreprises. M. Johnson a insisté sur le fait que dans le cadre des négociations sur l’AECG, les RDIE avaient fait l’objet de développements particulièrement détaillés, afin d’assurer la protection la plus complète et la plus équilibrée des intérêts tant des investisseurs que des États. A titre de comparaison, l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), entré en vigueur en 1994, a donné lieu seulement à 35 recours contre les États, dont 15 ont été écartés, six ont été clos au détriment des investisseurs et trois en leur faveur. L’ALENA a d’ailleurs permis une croissance extraordinaire au Canada, en dépit des pronostics des Cassandre de l’époque.

Les sénateurs ont ensuite engagé un échange avec M. Pierre-Marc Johnson. Mme Maryvonne Blondin et M. Jeanny Lorgeoux ont abordé la question de la collusion sur les marchés publics de la construction au Québec. Soulignant les progrès permis par l’accord, Mme Hélène Conway-Mouret et M. Jean-Baptiste Lemoyne ont déploré que les négociations aient été préparées et suivies de manière moins transparente par l’Union européenne que par le Canada, les responsables politiques et les acteurs économiques européens n’y ayant guère été associés. M. Johnson, rappelant qu’il avait, de son côté, mené de nombreuses concertations, s’est dit préoccupé de certaines demandes de réouverture des négociations de l’AECG exprimées en Europe. Un report de la ratification de l’accord et de l’application des mesures qu’il contient mettrait le Canada « à la remorque » des États-Unis, aujourd’hui en cours de négociation pour le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP) avec l’UE. L’ancien Premier ministre du Québec a regretté l’amalgame États-Unis/Canada lié à la proximité des deux accords. Enfin, M. Carle, président du groupe d’amitié, a relevé que la Plan Nord québécois pourrait peut-être inciter les États à ratifier plus rapidement l’accord,  afin de permettre aux entreprises européennes d’avoir accès aux projets lancés dans ce cadre.

En conclusion, M. Pierre-Marc Johnson a souligné sa conviction que l’AECG, texte très équilibré, serait une source de prospérité pour le Canada comme pour l’Union européenne, qui partagent d’ailleurs nombre de traits communs et sont confrontés à des défis similaires.

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