Deux semaines après les élections législatives irakiennes, le président du groupe d’amitié France-Irak M. Bernard Cazeau a adressé une note d’information à ses collègues sur les principaux enseignements du scrutin du 12 mai, dont les résultats ont été les suivants:

-          Sairoun (« En marche »), conduite par Moqtada al-Sadr, allié avec les communistes : 54 sièges ;

-          Fatah (Conquête), coalition des Unités de mobilisation populaires, dirigée par Hadi al-Ameri (proche de l’Iran) : 47 sièges ;

-          Nasr (Victoire), dirigée par Hayder al-Abadi : 42 sièges ;

-          Etat de droit (Nouri al-Maliki), 26 sièges ;

-          Parti démocratique du Kurdistan (KDP) : 25 sièges ;

-          Al-Wataniya (Sunnite et séculariste, dirigé par Ayad Allawi), 21 sièges ;

-          Alliance nationale de la sagesse (chiite, Ammar al-Hakim) : 19 sièges ;

-          Union patriotique du Kurdistan, (UPK), dirigée par Kosrat Rasul Ali : 18 sièges ;

-          Qarar al-Iraqi Coalition (Sunnite), dirigée par Khamis Al-Khanjar : 14 sièges ;

-          Gorran, conduit par Omar Said Ali : 5 sièges ;

-          Nouvelle génération, kurde, dirigée par Shaswar Abdulwahid : 4 sièges ;

-          Kurdistan Islamic Group (Komal) conduit par Ali Bapir : 2 sièges;

-          Coalition pour la Démocratie et la Justice, kurde (opposition), dirigée par Barham Salih : 2 sièges ;

-          Union islamique du Kurdistan : 2 sièges ;

-          Autres partis : 48 sièges.

La victoire du parti de Moqtada al-Sadr a ainsi été une relative surprise. En effet, celui-ci a fait campagne depuis plusieurs années sur une ligne nationaliste irakienne, anti-confessionnelle et anti-corruption. Le parti Sairoun a sans doute bénéficié de plusieurs facteurs :

-          le prestige personnel de son dirigeant, dû à la fois de ses origines – il appartient à une grande famille de religieux chiites et son père a été assassiné, avec l’un de ses fils, sur ordre de Saddam Hussein en 1999 – et de son parcours (en 2004 il a constitué l’Armée du Mahdi, une milice recrutant dans la jeunesse chiite pauvre, pour mener un soulèvement armé contre l’occupant américain) ;

-          son insistance sur la lutte contre la corruption et le confessionnalisme, qui a rencontré un fort écho dans une population lassée des années al-Maliki, où un parti (Dawa) a confisqué le pouvoir et distribué les prébendes à ses affiliés ;

-          son discours d’indépendance nationale, à la fois vis-à-vis des Américains et de l’Iran.

Toutefois, même vainqueur, ce parti ne dispose que d’une base étroite de 54 sièges sur 329. L’élection a donc ouvert une période d’intenses tractations.

Parmi les scénarios possibles, les plus probables  semblent être :

-          soit  une coalition associant Moqtada al-Sadr et Hayder al-Abadi, ainsi que plusieurs partis sunnites. Moqtada lui-même – qui n’est pas candidat au poste de Premier ministre – a appelé de ses vœux la formation d’un gouvernement « technocratique », c’est-à-dire composé de professionnels compétents, étrangers au sectarisme qui a dominé la politique irakienne depuis 2005 ;

-          soit la reconstitution d’un « bloc chiite » entre Hayder al-Abadi et Nouri al-Maliki ; resterait néanmoins à régler l’épineuse question de l’identité du Premier ministre, aucun des deux n’étant prêt à céder à l’autre. Cette solution aurait les faveurs de l’Iran.

Au Kurdistan, malgré les troubles qui ont suivi le référendum, l’emprise des deux partis historiques PDK et UPK n’est pas remise en cause, avec 25 et 19 sièges respectivement, alors que les partis d’opposition, qui avaient tenté de capitaliser sur le mécontentement qui a suivi les revers post-référendum, ont eu des résultats décevants (15 sièges, éparpillés entre 5 listes).

Fait notable, le scrutin a donné lieu à peu d’incidents, sauf dans la région de Kirkouk où la liste kurde, dirigée par l’UPK, a remporté la moitié des sièges – le reste se divisant entre la liste arabe et la liste turkmène. Ce résultat étantt apparu douteux  - notamment parce que l’UPK a réalisé des scores importants dans des zones turkmènes ou arabes où il n’est pas implanté- il a été contesté, à la fois auprès de la commission électorale nationale et dans la rue, où plusieurs incidents ont eu lieu.

Enfin, au niveau international, ce scrutin est analysé comme un « succès relatif » pour l’Arabie saoudite, qui a de bonnes relations avec Moqtada al-Sadr et reprend progressivement pied en Irak après les années Maliki ; et parallèlement un « revers relatif » pour l’Iran, qui reste cependant l’acteur étranger dominant, ne serait-ce qu’à cause du soutien décisif apporté dans la lutte contre Daech.

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