Le groupe interparlementaire d’amitié France-Brésil a organisé, le 19 novembre 2015, un petit déjeuner de travail au Palais du Luxembourg avec de M. Paulo de OLIVEIRA CAMPOS, Ambassadeur du Brésil en France, en poste à Paris depuis le 3 juin 2015.

Ont participé à ce petit déjeuner: Mme Laurence COHEN, Présidente ; M. Antoine KARAM, Président délégué du groupe d’amitié pour le Guyana ; M. Georges PATIENT, Président délégué du groupe d’amitié pour le Suriname ; M. Louis-Jean de NICOLAÿ, Vice-président ; M. Bernard SAUGEY, Vice-président ; M. Rémy POINTEREAU, Secrétaire ; M. Guy-Dominique KENNEL.

MM. Audo FALEIRO et João Alfredo DOS ANJOS, ministres conseillers de l’ambassade du Brésil, accompagnaient M. OLIVEIRA CAMPOS.

Les participants ont pu échanger sur les perspectives d’approfondissement de la coopération interparlementaire franco‑brésilienne dans plusieurs domaines. Mme Laurence COHEN, Présidente du groupe d’amitié, a insisté, en particulier, sur les objectifs que les deux pays partagent en matière de renforcement et la valorisation du rôle du Parlement, afin de répondre à une demande croissante d’une plus grande transparence de la vie démocratique, ou encore de protection de l’environnement, à l’aune de la COP21.

Nombreuses sont les initiatives sur lesquelles les parlementaires français et brésiliens ont pu travailler ensemble. Le déplacement d’une délégation du groupe d’amitié au Brésil en septembre 2014 a ainsi été riche d’enseignements. Mme Laurence COHEN a salué les multiples contacts entretenus avec les parlementaires brésiliens qui ont permis un dialogue nourri sur les enjeux de la réforme agraire et sur les questions de santé et d’égalité entre les femmes et les hommes. La visite de favelas à São Paulo et Rio de Janeiro a éclairé les sénateurs français sur la problématique sécuritaire et l’amélioration des conditions de vie des populations qui y résident.

Enfin, dans la perspective de la COP21, les réflexions du groupe d’amitié sur la déforestation pourront être exploitées et approfondies. À ce titre, Mme Laurence COHEN a confirmé la disponibilité du groupe d’amitié sénatorial pour rencontrer des parlementaires brésiliens présents à Paris dans le cadre de cette conférence internationale.

M. Paulo de OLIVEIRA CAMPOS a fait observer que les Brésiliens ont parfois le sentiment que les Français ne prennent pas toujours la mesure de ce que la France représente pour le Brésil. L’influence française demeure très présente dans les domaines universitaire, médical, architectural ou encore littéraire. Il a aussi souligné que le Brésil est le pays qui compte le plus grand réseau d’alliances françaises au monde. À la suite des élections législatives, le groupe d’amitié Brésil‑France du parlement s’est reconstitué en mars 2015 et devrait prochainement relancer ses initiatives. Dans le cadre de la COP21, plusieurs parlementaires brésiliens se rendront à Paris et ont prévu de rencontrer leurs homologues pour échanger sur les sujets environnementaux.

Outre la culture, la coopération franco-brésilienne se développe de façon positive dans de nombreux domaines :

- en matière éducative et universitaire : en quatre ans, le Brésil a envoyé près de 7 000 étudiants en France dans le cadre de programmes de bourses. À l’heure actuelle, la France accueille environ 1 000 étudiants brésiliens ;

- en matière commerciale : les échanges commerciaux, encore limités, ont vocation à se développer dans le cadre d’un accord entre le MERCOSUR[1] et l’Union européenne, que les autorités brésiliennes attendent avec impatience et qui devrait profiter également à la Guyane française ;

- en matière militaire : la coopération très importante s’est traduite par l’acquisition par le Brésil d’équipements militaires de fabrication française, dont des sous-marins, des hélicoptères, des porte-avions et des satellites, et par la présence de 60 militaires brésiliens sur des installations militaires françaises dans le cadre de stages de formation ;

Toutefois, le Brésil est en attente d’avancées concrètes sur plusieurs dossiers :

- le Brésil est déterminé à engager la négociation de l’accord MERCOSUR‑Union européenne dans les meilleurs délais. Mais l’Union européenne n’a pas réussi pour l’instant à désigner clairement l’autorité responsable de cette négociation du côté européen, la Commission européenne et les États membres se renvoyant la responsabilité de la situation. Le Brésil a déjà formulé une offre de démantèlement tarifaire de 87 % des produits commercialisés par l’Union européenne, mais cette dernière réclame désormais 90 %. Or, pour démarrer des négociations équilibrées, des propositions et concessions doivent être avancées par les deux parties. En cas d’accord, les relations commerciales pourraient être amplifiées, en particulier, avec la Guyane française ;

- la libre circulation des personnes et marchandises entre le Nord du Brésil et la Guyane française reste au point mort, malgré la fin de la construction du pont de l’Amapá. Dans ce contexte, la question des visas est cruciale : le pont ne peut être ouvert à la circulation sans la résolution préalable de questions juridiques. Le Congrès national brésilien a déjà ratifié le 25 août 2015 deux accords dont l’entrée en vigueur est essentielle afin de permettre l’inauguration et le fonctionnement du pont bilatéral : l’accord relatif au transport routier international de passagers et de marchandises[2] et l’accord en vue de l’établissement d’un régime spécial transfrontalier de produits de subsistance entre les localités de Saint-Georges de l’Oyapock (France) et Oiapoque (Brésil)[3]. Le Conseil des ministres français a approuvé la semaine dernière le premier accord mais le second attend d’être examiné  par le Parlement. Les autorités brésiliennes restent dans l’attente de l’inscription de ces accords à l’ordre du jour des assemblées françaises.

À l’issue de son troisième voyage en Guyane, l’ambassadeur a pris la mesure de l’isolement de la communauté de l’Oyapock, pour qui la séparation entre France et Brésil des deux côtés de la frontière n’a pas forcément beaucoup de sens. Il lui semble qu’il est grand temps de mettre un terme à cet isolement et de faciliter dans le même temps la circulation des Brésiliens qui pourraient faire du tourisme en Guyane d’autant que le contribuable brésilien a été lourdement sollicité pour le financement de la sécurisation de la frontière avec la Guyane).

Enfin, s’agissant du problème de la déforestation, le Brésil est déterminé à l’endiguer : les Brésiliens sont déjà parvenus à réduire de 40 % le mouvement de déforestation au cours des cinq dernières années et un plan « Zéro déforestation » sera mis en œuvre pour les cinq années à venir. Le Brésil s’appuie sur un satellite lui permettant de visualiser dans les meilleures conditions les aires prioritaires. Ces efforts s’accompagnent d’un nouveau programme de reforestation.

M. Georges PATIENT a souligné que les Antilles françaises sont confrontées aujourd’hui à une invasion d’algues sargasses qui nuisent à l’activité économique et touristique.

M. Paulo de OLIVEIRA CAMPOS a indiqué que, dans le cadre d’une coopération avec les Antilles françaises, le Brésil a consenti à la donation à la Martinique d’un groupe de manatins (ou peixes-bois), présents dans les eaux de l’Amazone, qui se nourrissent d’algues sargasses. Il a précisé que plusieurs écosystèmes coexistent en Amazonie et que leur cohérence dépend de leur orientation par rapport au littoral. Le Brésil se charge de préserver le grand biosystème amazonien orienté vers l’Atlantique, mais, pour ce qui est du biosystème orienté vers le Nord, vers le littoral caribéen, une coopération étroite avec la France et la Guyane s’impose tout naturellement.

M. Antoine KARAM a insisté sur le fait que l’histoire de la Guyane est étroitement liée à celle du Brésil, le Portugal ayant occupé la Guyane de 1809 à 1817.

M. KARAM a rappelé qu’il avait lui-même plaidé auprès de M. Jacques CHIRAC, alors Président de la République, pour la construction du pont de l’Amapá et qu’il avait co‑présidé la commission mixte transfrontalière qui devait la superviser.

Il n’est évidemment pas normal que les Brésiliens du Nord, qui entendent se rendre en Guyane pour du tourisme, soient contraints d’attendre plusieurs mois pour l’obtention d’un visa auprès du Consulat français ou de se rendre à Brasilia. La Guyane française, bien que région ultrapériphérique, est la porte d’entrée de l’Union européenne sur le Brésil. Pour mémoire, l’entreprise Essilor est présente à Manaus.

En outre, la coopération entre la Guyane et le Nord du Brésil s’intensifie dans le domaine spatial, de la télémédecine, de la télé‑éducation, et universitaire avec un accord récent conclu entre la nouvelle université de la Guyane et l’université fédérale d’Amapá.

Si la Guyane est, d’un point de vue juridique, une région ultrapériphérique de l’Union européenne, l’Amapá est, géographiquement, une région ultrapériphérique du pouvoir central brésilien, à Brasília.

Il appartient aux sénateurs français de soutenir la démarche brésilienne et de concentrer leurs efforts sur l’accélération du processus juridique tendant à l’ouverture du pont de l’Amapá.

M. Paulo de OLIVEIRA CAMPOS a regretté la situation paradoxale actuelle dans laquelle un Brésilien peut se rendre sans grande difficulté à Paris pour motif touristique en bénéficiant d’une exemption de visa, mais il est contraint d’en obtenir un pour se rendre à Cayenne. L’endiguement de l’immigration illégale n’apparaît pas pertinent pour justifier cette différence de traitement : il semble évident que ceux qui se présentent au consulat pour obtenir un visa ne s’inscrivent généralement pas dans « une démarche de clandestinité ».

800 entreprises françaises sont installées au Brésil, mais aucune d’entre elles n’est située dans l’État d’Amapá ou près de la Guyane française. La frontière ne profite donc pas des investissements franco‑brésiliens, en l’absence d’avancée juridique pour l’ouverture du pont. L’ambassadeur a appelé les autorités des deux pays à se donner tout au plus huit à neuf mois pour résoudre l’ensemble des questions juridiques, et à ne pas attendre encore un an…

M. Georges PATIENT a fait remarquer que les réticences du Gouvernement français, et de son représentant en Guyane, le préfet, et ce malgré l’unanimité des autorités locales guyanaise pour demander le déblocage du dossier, s’expliquent par un certain nombre de blocages  qui pourraient être liés aux conditions de lutte contre l’immigration clandestine ou à l’orpaillage clandestin par les garimpeiros. Il est également nécessaire de connaître avec précision les points de blocage du côté brésilien.

M. Paulo de OLIVEIRA CAMPOS a rappelé que le Préfet de Guyane avait émis l’idée d’accorder des exceptions : cette solution n’est toutefois pas entièrement satisfaisante, et les autorités brésiliennes souhaitent à terme une ouverture générale du pont, qui se déploie sur 368 mètres et dont la construction a représenté un coût de près de 60 millions d’euros.

M. Georges PATIENT a souligné que les autorités françaises se sont engagées sur le principe d’une ouverture du pont avant les Jeux olympiques. Il appartient aux parlementaires de veiller à ce que toutes les démarches soient accomplies dans le respect de ce délai.

M. Paulo de OLIVEIRA CAMPOS a indiqué qu’après avoir rencontré M. Laurent Fabius, Ministre des Affaires étrangères et du développement international, il devrait prochainement s’entretenir début 2016 avec le ministre de l’Intérieur et la ministre des Outre-mer. Il espère que ces entretiens permettront d’avancer sur ce sujet.

Mme Laurence COHEN a insisté sur le fait que le groupe d’amitié est déterminé à accompagner l’ambassadeur dans ces démarches. À partir de l’ensemble des informations qu’il voudra bien leur transmettre, les membres du groupe d’amitié s’emploieront à écrire au ministre de l’intérieur afin de solliciter une audience et traiter des différents points sur lesquels la coopération franco‑brésilienne peut utilement être approfondie.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ a évoqué les conditions de renforcement du dispositif de sécurité dans le cadre de la préparation des Jeux olympiques.

M. Paulo de OLIVEIRA CAMPOS a mis en avant la coopération étroite développée par le Brésil avec ses principaux partenaires en matière d’intelligence et d’équipements de sécurité. Une délégation brésilienne s’est ainsi rendue en France en septembre dernier afin de tirer des enseignements du dispositif français mis en œuvre pour répondre aux derniers attentats. L’objectif brésilien est de créer un lien et une confiance entre ses centres d’intelligence et ceux de ses partenaires.


[1] Marché commun du Sud.

[2] Signé le 19 mars 2014.

[3] Signé le 30 juillet 2014.

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