Le 26 juin dernier, MM. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, Alain Richard, représentant spécial pour la diplomatie économique dans les Balkans occidentaux et Mme Marta de Cidrac, présidente du groupe interparlementaire d’amitié France-Balkans occidentaux, présidente déléguée pour le Kosovo, ont reçu une délégation composée de députés et de responsables politiques du Kosovo, représentant tous les courants politiques : MM. Bekim Çollaku, chef de cabinet du président kosovar, Blerand Stavileci, membre de la présidence du Parti démocratique du Kosovo (PDK), Ardian Gjini, vice-président de l’Alliance pour l’avenir du Kosovo (AAK) et maire de Gjakova, Endrit Shala, membre de la présidence de NISMA, Mmes Vjosa Osmani-Sadriu, députée (Ligue démocratique du Kosovo, LDK) et présidente de la commission des affaires étrangères, Mimoza Kusari-Lila, députée et présidente d’Alternativa, MM. Glauk Konjufca, Vetevendosje, député et président du groupe parlementaire de Vëtevendosje, Arban Abrashi, député (LDK) et Visar Ymeri, député et vice-président du Parti social-démocrate (PSD). M. Qëndrim Gashi, ambassadeur du Kosovo à Paris, M. Cyril Pellevat et Mme Gisèle Jourda, respectivement vice-président et secrétaire de la commission des affaires européennes, ont également participé à l’entretien.

La délégation a longuement évoqué le dialogue entre Belgrade et Pristina, engagé en 2011 sous l’égide de l’Union européenne (UE), et plus particulièrement l’urgence et la nécessité de conclure un accord de normalisation global et juridiquement contraignant. La reconnaissance mutuelle des deux États est la condition essentielle à une paix durable dans la région des Balkans occidentaux et à la poursuite de l’intégration dans les instances internationales, au premier rang desquelles l’OTAN et l’UE. Les députés kosovars ont souligné l’importance qu’il y avait à fédérer une union nationale autour du futur accord avec Belgrade. Le parlement du Kosovo, qui devra ratifier l’accord avec une majorité des deux tiers, est le premier lieu de construction d’un tel consensus et le garant du respect des lignes rouges qui encadrent les négociations : intégrité territoriale, pleine souveraineté et personnalité juridique internationale pour l’État du Kosovo.

La situation dans le Kosovo septentrional, peuplé majoritairement de citoyens se considérant serbes mais ne regroupant qu’un tiers des Serbo-Kosovars, constitue un obstacle majeur à la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo. Belgrade y aurait favorisé l’implantation et les activités de groupes criminels, qui échapperaient maintenant à tout contrôle. Plus généralement, l’intégration des Serbo-Kosovars dans la vie publique kosovare serait largement entravée, alors même que les droits des minorités au Kosovo font l’objet d’une protection constitutionnelle et législative avancée. Ainsi que l’a souligné M. Alain Richard, cette question doit être réglée de manière urgente.

Mme Marta de Cidrac a rappelé que l’Europe avait déjà connu des situations de conflit et que l’exemple de la réconciliation franco-allemande montrait que la paix était possible. Dans les Balkans, l’Histoire a, depuis des décennies, laissé une empreinte forte, mais il y a encore une histoire commune à écrire.

M. Jean Bizet, qui a conduit une délégation de la commission des affaires européennes en Serbie et au Monténégro au mois de juin 2018, a fait état des craintes qui y ont été exprimées : sous l’influence de puissances étrangères, un arc islamiste semblait sur le point de voir le jour dans les Balkans occidentaux, au risque d’une déstabilisation. Les membres de la délégation kosovare ont insisté sur le caractère séculier et tolérant de la pratique religieuse musulmane dans la région, avant de rappeler que le Kosovo avait très tôt adopté des mesures efficaces pour lutter contre la participation de ses ressortissants à des organisations terroristes étrangères.

L’hypothèse d’un échange de territoires et de populations – qui porterait sur le Nord « serbe » du Kosovo et sur la vallée « albanaise » de Preševo, dans le Sud de la Serbie – est parfois évoquée dans les discours des actuels dirigeants serbes. La délégation kosovare a exposé toutes les difficultés et tous les risques qui naîtraient d’une telle option : possible « réaction en chaîne » dans le reste des Balkans occidentaux, incertitudes quant à la situation des minorités qui ne seraient pas concernées par l’échange de populations, absence d’amélioration quant à la protection des lieux de culte orthodoxes au Kosovo, situés dans des enclaves au centre et au Sud du pays et déjà couverts par la Constitution kosovare, …

La délégation kosovare a dit attendre de la France la poursuite de son soutien au sein des instances européennes : il s’agit notamment de veiller à ce que l’intégrité territoriale du Kosovo et sa pleine souveraineté ne soient pas remises en question à l’occasion des négociations en vue de la conclusion d’un accord de normalisation global et juridiquement contraignant entre Belgrade et Pristina, tout en s’assurant que l’État kosovar soit fonctionnel. Par ailleurs, il a été rappelé que les ressortissants kosovars, bien que largement animés d’un sentiment européen, étaient toujours soumis à une obligation de visa pour se rendre dans l’espace Schengen et que tant la population kosovare que les autorités espéraient instamment une libéralisation de ce régime de circulation. Enfin, les responsables politiques présents ont souhaité que la France puisse aider la Serbie à comprendre et accepter l’indépendance et la pleine souveraineté du Kosovo comme une réalité dorénavant intangible.

Au terme d’un échange jugé riche et franc, les sénateurs ont assuré la délégation kosovare de leur attachement à la paix dans les Balkans occidentaux. Ils ont redit leur espoir dans la poursuite des négociations entre le Kosovo et la Serbie, ainsi que dans le progrès de l’État de droit dans ces deux pays, et leur entier soutien à tous les efforts qui seront déployés en ce sens

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Les sénateurs (à gauche) et la délégation du Kosovo (à droite), dans l’annexe de la bibliothèque du Sénat.

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