Les rencontres internationales

Table des matières




Groupe sénatorial France-Chine



CHINE

CONTRADICTIONS ET PERSPECTIVES

ACTES DU COLLOQUE

DU 27 OCTOBRE 1999

Sous le haut patronage de :

Christian PONCELET , Président du Sénat

Jean-Daniel GARDÈRE , Directeur général du Centre Français du Commerce Extérieur

et sous l'égide de :

Jean BESSON , Président du groupe sénatorial d'amitié France-Chine

en présence de :

Philippe DOYON , Chef de la Mission Économique et Financière à Pékin

- SERVICE DES RELATIONS INTERNATIONALES -


Colloque organisé par le Sénat et le Centre Français du Commerce Extérieur

Allocution d'ouverture,
Jean-Daniel GARDERE,
Directeur général du CFCE

Une fois de plus, le Sénat et le CFCE sont associés dans l'organisation d'un colloque sur un thème d'actualité, et je voudrais remercier le Président Poncelet et le Sénateur Besson d'avoir permis la tenue de cette rencontre.

Aujourd'hui, lorsqu'il s'agit de la Chine, nous ne pouvons plus utiliser les formules habituelles. La vision de la Chine doit être plus contrastée, plus objective, plus critique que par le passé. Appréhender la réalité chinoise n'a certes jamais été simple mais, aujourd'hui, alors même que ce grand pays semble s'intégrer dans l'économie mondiale, l'analyse de ce qui s'y passe n'a jamais été aussi délicate.

A l'occasion du 50 ème anniversaire du 1 er octobre 1949, vous avez tous noté le grand nombre d'articles qui ont tenté d'éclairer l'évolution de la Chine. Je voudrais, si vous me le permettez, citer Foreign Affairs : " Même si l'empire du milieu n'est encore qu'une puissance moyenne, qui compte beaucoup moins que le poids supposé que lui prête l'Ouest, la Chine compte. Même la puissance moyenne qu'elle est appelle notre engagement, et le fait de la traiter normalement, à sa juste mesure, est le meilleur moyen d'accompagner son essor et d'en tirer, pour elle et pour nous, avantage " . Ainsi, dans Politique Internationale, j'ai pu lire que " même si le régime chinois s'effondrait dans le chaos, le désordre, les Chinois auraient au moins un avantage : l'économie de marché qu'ils connaissent et à laquelle ils se frottent depuis plus de vingt ans ".

Aujourd'hui, l'engagement de notre pays dans le développement de la Chine ne fait plus de doute. Reste à savoir si les perspectives tracées par le numéro un chinois il y a quelques jours à Paris sont tenables. Car, s'il a cité les secteurs habituels de collaboration entre son pays et le nôtre, il a aussi proposé des ouvertures extrêmement intéressantes. Je pense à la maîtrise de l'espace urbain, à la maîtrise du réseau routier et autoroutier, à la maîtrise des ressources rares, comme l'eau, et à la maîtrise de la diversité. Jiang Zemin a également souligné l'importance des formes nouvelles de financement et de coopération décentralisée. Nous avons devant nous des défis considérables à relever. Sont-ils accessibles ? C'est tout l'enjeu de cette journée que de répondre à cette question.

Allocution d'ouverture,
Christian PONCELET,
Président du Sénat

Ce nouveau colloque organisé par le Sénat et le CFCE tombe à point nommé. En effet, les anniversaires et l'actualité ont attiré tout récemment l'attention de l'opinion publique sur un grand pays, avec lequel nous entretenons les meilleures relations, la Chine. La République Populaire de Chine fut en effet créée il y a 50 ans et le Général de Gaulle fut le premier grand responsable occidental à reconnaître ce pays, il y a 35 ans. La répression des manifestations de Tienanmen fut un événement dramatique ; c'est de notre point de vue incontestable. Mais, sans doute faut-il se rencontrer pour résoudre ce genre d'incompréhension ; il est certain que s'ignorer ne permettra pas de mieux se connaître. C'est, je crois, dans cette optique qu'il faut comprendre la récente visite en France du Président Jiang Zemin.

J'ai moi-même récemment visité la Chine et j'ai pu, par rapport à mes premiers voyages en Chine, à la fin des années 70, mesuré l'évolution rapide de ce pays, qui peut désormais prétendre à une place importante dans le concert des nations. Dans cette évolution, les entreprises françaises ont un rôle à jouer. D'ores et déjà, de nombreuses entreprises de tous les secteurs investissent en Chine et favorisent les échanges entre les deux pays. Il faut noter qu'il s'agit surtout d'actions menées par des grands groupes mais, de plus en plus, des représentants d'entreprises plus petites s'intéressent à la Chine et de premières actions encourageantes ont été menées.

Le colloque d'aujourd'hui a pour but d'encourager d'autres entreprises à s'installer en Chine, pour faire bénéficier ce pays de nos savoir-faire, et profiter nous-mêmes de l'immense demande de nouveaux biens et services. Mais la situation n'est pas encore satisfaisante. La place de la France en Chine, le déficit commercial de notre pays, la place des investissements en Chine dans l'ensemble des investissements français sont autant d'indicateurs qui peuvent être améliorés. Il faut, en particulier, ne pas manquer l'occasion des " grands projets ". A ce sujet, je suis heureux de vous informer qu'à propos de la liaison par train à grande vitesse entre Pékin et Shanghai, le Président Jiang Zemin a déclaré dans mon bureau, lors de sa récente visite au Sénat, qu'à performances égales, il donnerait la préférence à la France.

Pour toutes ces raisons, je me félicite de la tenue de ce colloque. J'espère qu'il contribuera à une meilleure connaissance des réalités chinoises et, partant, à l'amélioration de nos relations économiques avec la Chine, qui méritent d'être au moins au niveau de l'excellence de nos relations politiques. Je me souviens des propos de Michel Debré qui, il y a bien des années, avait noté que nous nous engagions dans une " guerre économique ". Aujourd'hui, force est de constater que les faits lui donnent raison. La France doit être au rendez-vous des vainqueurs et, pour cela, nous devons nous mobiliser autour de notre volonté de gagner.

Un modèle politique et social en questions,
Jean-Luc DOMENACH,
Directeur scientifique de la Fondation Nationale des Sciences Politiques
Chercheur associé au CERI

Un modèle en marche

Je voudrais, en introduction à cette journée, vous donner un certain nombre de " dates repères ".

Rappelons d'abord celle de 1935 quand, en plein milieu de la Longue Marche, le parti communiste s'est donné les bases nationalistes qui lui servent encore aujourd'hui de fondements. Quatorze ans plus tard, en 1949, le parti communiste prend le pouvoir. Par la suite, les délires du Grand bond en avant et de la Révolution culturelle menacent le régime mais, quand Mao meurt, Deng Xiao Ping relance le pays sur de nouvelles bases. Viennent ensuite deux dates importantes. En 1989, avec Tienanmen, le régime est sur le point de tout perdre, mais Deng Xiao Ping profite du massacre pour mettre en Ïuvre, paradoxalement, une politique encore plus réformiste. Enfin, en 1997, Jiang Zemin réussit à s'imposer en se débarrassant de la tutelle de l'armée et en s'appuyant très habilement sur deux personnages essentiels : Li Peng, que l'on avait longtemps cru affaibli mais qui conserve une grande influence à la tête de l'Assemblée nationale ; Zhu Rong Ji, Premier Ministre, le vieux camarade de Shanghai.

Trois grandes interrogations sur le modèle chinois

Ce modèle, qui évolue en arènes granitiques avec une certaine cohérence, est également métissé et métamorphique.

Tout d'abord, ce n'est plus tout à fait du communisme. Malgré le maintien des grands monopoles centraux (pouvoir, violence, parole légitime), les réformes économiques ont été si puissantes que le pouvoir contrôle moins qu'auparavant la société. Ensuite, ce n'est pas encore la démocratie. La démocratie exerce certes en Chine une attraction extraordinaire, mais la Chine n'est pas encore un pays démocratique. Elle se trouve au début d'un très long processus d'érosion du modèle autoritaire qui, certainement, l'amènera à construire un modèle propre. S'agira-t-il d'un modèle à l'occidentale ? Nul ne le sait. A cet égard, l'exemple de Taiwan est intéressant. Enfin, ce n'est pas du tout le capitalisme, quoi que l'on en pense. Il faudra, là aussi, encore beaucoup de temps pour faire évoluer les choses.

Trois grands contrastes dans le paysage chinois

Trois contrastes majeurs contribuent à compliquer la situation chinoise.

Le premier de ces contrastes oppose la puissance de l'ordre politique à l'importance du désordre social. Le deuxième contraste à noter est l'opposition entre l'extrême diversité des régions et la force du pouvoir central. Le troisième contraste, enfin, est la coexistence d'une fascination pour l'occident moderne et la remontée de toute une série d'éléments traditionnels.

En conclusion, je voudrais faire trois remarques sur la situation actuelle de la Chine. Tout d'abord, l'évolution de la Chine sera fonction de la capacité des dirigeants à conduire une politique rationnelle sur le long terme. Par ailleurs, le pays reste, pour des raisons intimes, à la fois fort et désordonné. Enfin, je ne peux que vous inciter, vous, les hommes d'affaires, à vous engager en Chine, mais je vous enjoins à la prudence et je vous conseille de vous " siniser " autant que possible.

La Chine : réforme et continuité,
Philippe DOYON,
Chef de la Mission Economique et Financière, Ambassade de France en Chine

En analysant la situation de la Chine, je pense qu'il faut éviter deux écueils : l'analyse à trop court terme et la fascination pour la catastrophe. Pour ma part, je voudrais juste dégager quelques fils directeurs à propos de la réforme et de la continuité en Chine.

La crise chinoise et la réforme d'un nouveau modèle économique

La réforme a eu pour origine la prise de conscience, par les dirigeants chinois, de la crise que connaissait le pays et de la nécessité de le réformer. Mais cette crise n'était pas liée à la crise asiatique de 1997. Tous les indicateurs le montrent : je pense, par exemple, à la très faible décrue du taux de croissance, à la préservation du système bancaire et à la bonne tenue des comptes extérieurs. La Chine, en trois ans, a augmenté de 50 milliards de dollars ses réserves et, pour l'année 1999, elle espère un excédent commercial de 30 milliards de dollars. Les investissements étrangers ont représenté 30 milliards de dollars sur les neufs premiers mois de l'année 1999. La dette extérieure de la Chine est cantonnée au-dessous des 150 milliards de dollars, dont moins de 15 % à court terme. Comment l'expliquer ? Fondamentalement, la Chine n'est pas un pays ouvert, et cette relative fermeture l'a protégée de la crise externe.

Mais il y a bien une crise interne actuellement en Chine. Je l'analyse d'abord comme la conséquence de l'emballement économique sans précédent que la Chine a connu ces dernières années. La Chine a connu de très importants succès économiques et, conséquence logique, le pays a dú affronter l'inflation, la spéculation immobilière, l'anarchie des investissements et le désordre financier. Il a fallu lutter contre cette surchauffe et, dans le cadre de cette lutte, les autorités ont compris qu'elles commençaient à perdre le contrôle de l'économie. La crise du modèle était patente. Il fallait une réforme.

Une nécessaire réforme...

Cette réforme a revêtu deux aspects. Le premier est un changement de la logique économique, en quatre points essentiels. Premièrement, la propriété publique n'est plus indispensable à l'économie socialiste. Deuxièmement, il faut libérer les entreprises des injonctions du Plan (ce qui a provoqué une réduction drastique des effectifs des administrations centrales). Troisièmement, il faut libérer les entreprises de leurs responsabilités sociales. Enfin, quatrième point, il faut libérer les entreprises des obligations de l'emploi. C'est ainsi qu'il faut comprendre la vague de licenciements que l'on constate en Chine depuis deux ans.

Le deuxième aspect essentiel de la réforme concerne la gestion des entreprises au cÏur de laquelle le pouvoir a placé la nécessité de la rentabilité. Trois types de mesures ont été envisagés : la réforme du système bancaire, la liquidation des entreprises irrécupérables, l'obtention de ressources capitalistiques sur les marchés financiers.

... dans le pragmatisme

Les autorités ont dú faire face à trois problématiques principales. La première est celle du niveau de croissance : la réforme n'a pas permis d'enrayer la décélération de la croissance. Au contraire, la réforme a ralenti la croissance de la consommation des ménages et, du côté de l'offre, des pans entiers de l'industrie se sont écroulés. Dès lors, les autorités ont voulu relancer la consommation et l'investissement. Les investissements ont effectivement progressé, mais la relance de la consommation est beaucoup plus difficile. En réalité, l'économie ne redémarre pas.

Deuxième problématique, l'Etat n'a pas pu se retirer de l'économie comme il le souhaitait. La volonté de relancer la consommation s'est traduite par la création d'un certain nombre d'allocations souvent importantes, qui ont conduit à intensifier l'action directe des autorités centrales dans l'économie.

La résistance à la réforme a, troisième point, paradoxalement conduit les autorités à contrôler davantage l'entreprise. Cette évolution est sensible au niveau du contrôle des investissements et des relations avec l'extérieur. Dans les deux cas, il s'agit, pour les autorités centrales, de mettre fin à l'anarchie. Mais, en même temps, cette reprise en main vise à mettre en place des outils modernes de contrôle macro-économiques.

Conclusion

Dans ces conditions, qu'en est-il vraiment de l'ouverture dont les autorités chinoises ont fait leur mot d'ordre ? Fondamentalement, je crois que la Chine ne souhaite pas, par le biais de cette ouverture, jouer un rôle plus important à l'échelle mondiale. La Chine ne souhaite s'ouvrir que dans la mesure où cette ouverture sert ses intérêts nationaux. Or, à cet égard, les objectifs à atteindre, entre réforme et continuité, entre efficacité économique et préservation de la stabilité, sont paradoxaux. La solution réside dans une ouverture progressive, et je vous renvoie à mon introduction sur les dangers de l'analyse à court terme.

Renaissance et reconnaissance du secteur privé,
André CHIENG,
Président-directeur général, Asiatique Européenne de Commerce,
Vice-président du Comité France-Chine

Je suis frappé, en lisant la presse, de constater combien, au fond, les analyses sur la Chine nous décrivent un pays schizophrénique. A propos de la visite du Président chinois, il m'a semblé lire qu'il s'agissait, globalement, d'un voyage décevant. Les critiques me semblent quelque peu incohérentes : on regrette que le Président chinois fasse dépendre la ratification du traité sur l'interdiction des essais nucléaires de l'accord de son Parlement alors même que l'on reproche à la Chine de ne pas être suffisamment démocratique ; on critique la Chine lorsqu'elle demande aux industriels français d'être compétitifs alors même que c'est ce qu'on lui recommande...

Le rôle du secteur privé en Chine

Revenons au champ économique et au rôle du secteur privé en Chine. Je pense qu'il faut distinguer l'approche juridique d'une approche plus opérationnelle. Si l'on s'en tient au plan juridique, force est de constater qu'il est difficile d'estimer correctement le poids du secteur privé, les statistiques faisant varier les effectifs employés dans la sphère privée entre 40 et 80 millions de personnes. C'est qu'en réalité, la situation est complexe : des entreprises collectives peuvent être privées, tandis que des joint-ventures sont parfois directement contrôlées par l'Etat. La bonne explication, en réalité, est probablement que les faits ont anticipé les textes réglementaires. En Chine, la loi " court " après les faits. C'est pourquoi, si l'on veut analyser la situation de l'entreprise privée, il est nécessaire de privilégier l'approche opérationnelle, pragmatique, en se centrant, non pas sur les statuts juridiques et législatifs, mais sur la façon dont les entreprises sont gérées.

A cet égard, la France est probablement la mieux placée pour comprendre ce qui se passe en Chine. Il y a longtemps eu en France un grand nombre d'entreprises publiques gérées en fonction des règles du secteur privé. Arrêtons-nous donc aux faits et à un certain nombre d'expériences concrètes.

La montée en puissance du secteur privé est indiscutable : dans certains cas, la propriété des entreprises a été transférée aux personnes qui travaillent ; dans un autre cas, la propriété des entreprises a été transférée aux collectivités locales ; dans un dernier cas, les entreprises privées (au sens occidental du terme) se développent en tant que telles, dès lors qu'il s'agit de PME. Il y a donc bien là une réelle émergence du secteur privé.

Les conséquences pour la France de l'émergence du secteur privé chinois

Selon moi, cette émergence a pour la France des conséquences considérables, même si leur portée n'est pas encore directement perceptible aujourd'hui. Première conséquence, il y a en Chine un changement de mentalité très net. Il y a dix ans, lorsque l'on s'occupait d'un projet, on demandait d'abord aux Chinois le budget dont ils disposaient. Aujourd'hui, il faut surtout leur vendre la possibilité de réaliser des profits. Deuxième conséquence, l'entreprise chinoise, à qui le crédit est de fait pratiquement interdit, devient très opportuniste en matière de financements. Troisième conséquence, l'entreprise chinoise devient très adaptable et fait figure de relais efficace pour toucher le marché. Elle le comprend et sait désormais qu'elle peut avoir intérêt à distribuer plutôt qu'à produire, ce qui change bien súr ses relations avec ses partenaires étrangers qui, autrefois, devaient impérativement fabriquer sur le territoire chinois. Bien súr, cette évolution a aussi des inconvénients. La lisibilité et la prévisibilité des opérations en Chine sont bien moins grandes. Il faut donc mettre la prudence au cÏur de sa politique de développement en Chine. Enfin, du fait que les entreprises privées se développent, elles vont probablement se tourner vers l'étranger pour y investir, ce qui ouvre encore de nouveaux champs de coopération.

Renaissance et reconnaissance du secteur privé,
Jean-Louis LEGENS,
Directeur export, Tréfimétaux

La société Tréfimétaux est une filiale du groupe KME, l'un des leaders mondiaux de la transformation du cuivre. KME est présent en France, en Allemagne, en Suisse et en Italie. Le Groupe compte 8 145 salariés et réalise un chiffre d'affaires global de 13 milliards de francs. Il produit 820 000 tonnes de cuivre chaque année.

Il y a trois ans, KME a décidé de créer une joint-venture en Chine. Après six mois de recherche d'un partenaire, KME s'est installé à Guangzhou, entre Shanghai et Nankin.

En quoi consiste notre joint-venture chinoise ? KME produit et commercialise en Chine des tubes en cuivre très spéciaux, destinés à l'industrie de l'air conditionné. Le capital de la joint-venture est de 5 millions de dollars US. Le partenaire chinois est une entreprise de village ; il a apporté 25 % du capital en nature, KME ayant apporté 75 % du capital, en numéraire et en apport de technologies et de savoir-faire.

Les négociations avec notre partenaire chinois furent de vraies négociations, très proches de celles que nous aurions pu avoir avec un partenaire occidental. Elles furent directes, sans intervention extérieure administrative des pouvoirs publics, et, je vous prie de me croire, remplies de l'âpreté qui aurait caractérisé toute autre négociation de goodwill. Dans la marche des affaires, je veux souligner que nous avons reçu un soutien très actif des autorités locales. Il ne nous a fallu, par exemple, que trois semaines pour obtenir notre business licence.

Bref, sur tous ces aspects, nos relations avec notre partenaire chinois n'ont pas présenté plus de particularités que celles suscitées par les inévitables décalages culturels. Mais ces décalages n'étaient pas plus compliqués à surmonter en Chine qu'ailleurs.

Questions

Monsieur Chieng a évoqué différentes solutions mises en Ïuvre pour développer le secteur privé en Chine. Connaissent-elles toutes le même succès ?

André CHIENG


J'ai l'impression que le principe de la coopérative ouvrière ne fait plus figure de voie d'avenir. Les deux autres solutions me semblent assez efficaces mais avec, chacune, leurs avantages et leurs inconvénients. La solution du " village-entreprise ", avec un élu local qui tient lieu de PDG, est pertinente, comme nous le montre l'exemple qui vient d'être décrit. Mais il présente aussi des limites, dont au premier chef les risques de collusion et/ou de corruption, et peut-être faut-il le considérer comme une étape temporaire de montée en puissance du secteur privé. Quant au troisième modèle, il est également efficace, si ce n'est qu'il ne laisse la place qu'à de petites entreprises et, là encore, je crois que l'évolution chinoise mettra à jour d'autres types d'entreprises privées, plus grandes et plus proches de celles que nous connaissons en Occident. D'ores et déjà, quelques entreprises chinoises sont devenues des acteurs importants à l'échelle internationale.

Monsieur Legens, tout de même, n'avez-vous pas rencontré des difficultés dans vos relations avec vos partenaires chinois ?

Jean-Louis LEGENS


Dans le village où nous travaillons, nous co-existons avec deux autres sociétés françaises. Ceci a considérablement facilité notre travail au quotidien : nous avons bénéficié du travail de nos prédécesseurs, qui a permis à notre partenaire de se former aux habitudes occidentales. Bien súr, notre partenaire n'est pas un professionnel des affaires ; mais, comprenez-le, s'il était un homme d'affaires efficace en plus d'être ce qu'il est déjà, un bon technicien, il n'aurait pas eu besoin de nous et il n'y aurait pas eu d'accord.

Il faut aussi savoir qu'avant notre arrivée et la création de cette joint-venture, que nos partenaires et nous-mêmes considérons comme une entreprise chinoise, le marché était dominé par les Japonais. Nos partenaires chinois ont probablement apprécié cette montée en puissance d'un intervenant chinois et ont veillé à ce que tout se passe bien.

Pour l'instant, nous n'avons que six mois d'expérience et il est difficile de dresser un bilan économique définitif, mais j'ai l'espoir d'être à l'équilibre dès la fin de l'année prochaine.

Comment analysez-vous l'évolution chinoise dans le contexte de la mondialisation ?

Philippe DOYON


L'ambition chinoise à l'échelle mondiale est, comme je l'ai dit, très secondaire par rapport aux objectifs internes du pays. Autrement dit, quand ils réforment leurs entreprises, les Chinois ne pensent pas à gagner des places solides à l'échelle mondiale mais à trouver un mode de fonctionnement interne compatible avec les différentes préoccupations que j'ai listées tout à l'heure.

Ni mirage, ni miracle,
Aldo SALVADOR,
Délégué général Grande Chine de Rhône Poulenc,
Conseiller du Commerce Extérieur de la France

Les investisseurs étrangers en Chine sont passés du trop grand optimisme des pionniers aux déceptions actuelles, qui sont exagérées. Autrement dit, je crois que, depuis dix ans, nous avons manqué de mesure : si la Chine n'est certes pas un Eldorado, les investissements que l'on peut y faire n'ont pas une rentabilité aussi faible que certains le prétendent.

Données chiffrées

Entre 1992 et 1997, la Chine a été le deuxième pays mondial le plus attractif en matière d'investissements internationaux, après les Etats-Unis. A elle seule, elle a reçu 40 % des investissements destinés aux pays en voie de développement. Si l'on extrait de l'analyse les investissements en provenance de Hong Kong, toujours délicats à comptabiliser, 55 % des investissements viennent de la zone asiatique, 15 % des Etats-Unis et 12 % de la zone européenne. Dans le temps, la part de l'Union Européenne est celle qui a le plus augmenté au cours de la période 1992-1998. Au sein de l'Union Européenne, le premier investisseur est le Royaume-Uni, et le second l'Allemagne, la France occupant le troisième rang, à 700 millions de dollars US en 1998.

Des investissements indispensables mais dont il faut relativiser l'importance

Les investissements étrangers ont directement contribué à la modernisation de l'économie chinoise. Mais, ramenés à la totalité de la croissance chinoise ou à l'équilibre des échanges commerciaux du pays, leur poids doit être relativisé. Globalement, je crois qu'il faut surtout souligner l'apport qualitatif des investissements étrangers.

La Chine doit mieux orienter l'orientation géographique des investissements. Aujourd'hui, 90 % de ces investissements concernent les régions côtières. La nécessité d'une meilleure répartition doit aussi concerner les secteurs d'investissement : actuellement, 85 % des investissements se portent sur l'industrie ou l'immobilier, alors même que les besoins sont immenses dans bien d'autres secteurs.

Bien que la situation progresse en Chine, l'approche du marché chinois reste difficile en raison de décalages culturels majeurs : problème linguistiques, différences d'appréciation du temps, préjugés raciaux, etc.

La présence française

En 1992, la Chine n'a reçu que 0,8 % des investissements français réalisés dans le monde ; en 1998, cette part représentait 1 % (elle était inférieure à celles de pays comme le Gabon, le Mexique ou la Pologne). Mais il y a matière à progresser : en effet, l'adéquation entre les besoins de la Chine et les domaines d'excellence de la France est bonne. On peut donc penser que le nombre des implantations françaises, qui s'élèvent aujourd'hui à 350, progressera rapidement à l'avenir.

En effet, fondamentalement, il paraît plus risqué aujourd'hui de ne pas être présent en Chine que d'y être présent. Pour cette raison, il est nécessaire d'engager des moyens en Chine, de s'y développer en étant " aussi chinois que possible ", au moyen de stratégies offensives et de spécialisations, en exploitant les moyens qui, un jour, feront la différence : capacité compétitive, nouvelles technologies, équipements modernes, productivité occidentale, qualification ISO 9000, laboratoires d'application, etc.

Dans ce contexte, les PME françaises peuvent faire mieux en Chine. Pour cela, elles doivent à la fois compter sur elles-mêmes, en s'assurant que, sur une période de cinq ans, le risque de la Chine est compatible avec leurs ressources limitées, et à la fois compter sur des soutiens plus actifs (grandes entreprises, pouvoirs publics, etc.). Dans cette optique, la Chambre de Commerce a lancé le projet " Initiative parrainage 2000 CCIFC ".

En conclusion, je voudrais m'arrêter sur la question de la rentabilité des investissements en Chine. Il est vrai que les coúts (salaires, matières premières...) ont augmenté plus vite que prévu tandis que les prix diminuaient (le renminby est très fort ; de nombreux produits importés passent par les canaux parallèles ; les coúts des concurrents chinois sont très bas). On peut dès lors adopter deux positions, aussi défendables l'une que l'autre, selon que l'on considère l'investissement du point de vue de la joint-venture ou de l'investisseur. Dans le deuxième cas, la situation est loin d'être aussi mauvaise que beaucoup le disent.

De la société conjointe à la filiale ou le " reengineering " des joints-ventures,
Laurent GASSER,
Président de la Chambre de Commerce et d'Industrie Française en Chine,
Directeur de Salustro Reydel Chine

La Chine est un pays en mutation permanente, qui connaît actuellement un tournant en ce qui concerne le comportement des investisseurs étrangers. En effet, aujourd'hui, les investisseurs connaissent mieux la Chine, et beaucoup d'entre eux revoient leurs positions historiques pour se replacer dans une position gagnante. Mais si l'on sait aujourd'hui ce qu'il ne faut pas faire, on ne sait pas bien ce qu'il faut faire : la seule solution est de réfléchir en permanence sur la façon dont le pays évolue, en basant cette réflexion sur une observation attentive, afin d'être en mesure d'évoluer soi-même. Le cas des joint-ventures est à, cet égard, très intéressant.

Pendant longtemps, la joint-venture fut la seule forme de société à investissements étrangers autorisée en Chine. Aujourd'hui, de nombreuses joint-ventures chinoises connaissent des difficultés réelles. Plusieurs raisons l'expliquent : intérêts divergents des associés, capacité financière insuffisante de la part des partenaires chinois, difficultés dans le partage des postes de management, blocages du conseil d'administration, opacité des informations financières, etc. On rencontre même parfois des cas plus extrêmes, allant par exemple jusqu'aux faux certificats d'apport de capital ou au sur-paiement des fournitures livrées à la joint-venture par le partenaire chinois.

Aujourd'hui, votre réflexion doit débuter par une question simple et essentielle : faut-il un partenaire chinois ? Si oui, est-ce pour ses actifs industriels, son réseau commercial, son réseau relationnel ou sa capacité financière ? Pour chacun de ces points, le fait d'avoir un partenaire local est-il la meilleure solution ? Votre réflexion doit également tenir compte du secteur dans lequel vous travaillez et de la région dans laquelle vous intervenez : certaines spécificités peuvent vous imposer un partenariat local.

Une fois la relation nouée avec un partenaire chinois, que peut-on faire en cas de situation de blocage ? Parfois, certains investisseurs ont tout simplement baissé les bras et sont partis. Mais vous ne récupérerez probablement pas mieux votre argent en devenant un actionnaire financier minoritaire. Mieux vaut racheter ses parts à votre partenaire. Comment faire ? En général, il faut simultanément prendre les rênes du management, monter un dossier solide sur les irrégularités de votre partenaire, faire pression sur les autorités et menacer d'un conflit juridique. Mais, au final, la seule solution réaliste est celle d'un accord à l'amiable.

De la société conjointe à la filiale ou le "reengineering " des joints-ventures,
Yves DESBARRES,
Directeur général, Sitram

Sitram est spécialisée dans la fabrication d'instruments culinaires. Elle réalise un chiffre d'affaires de 300 millions de francs en France. Très tôt, Sitram a été confrontée à une concurrence asiatique très vive. Pour répondre à ses compétiteurs asiatiques, Sitram a décidé d'aller s'implanter en Asie. La Chine a été choisie, à l'époque, car elle apparaissait comme un partenaire encore non déstabilisé par les influences occidentales et à même de s'adapter dans la durée aux méthodes de travail que nous proposions. Les premières rencontres ont commencé en 1998. Nous avons avant tout recherché un partenaire solide et fiable. Et nous nous sommes tout simplement tournés vers notre principal concurrent, qui présentait l'avantage d'être une structure du gouvernement de Shanghai. En 1991, un contrat de joint-venture à 50-50, alors le seul cadre juridique possible, fut signé. Nous ne voyions pas, à l'époque, d'inconvénient à cette structure à parité, car elle nous apparaissait comme la meilleure manière de motiver notre partenaire.

La première pierre de l'usine fut posée en 1993 et l'usine fut inaugurée en 1994. Pendant toute la période de préparation, il est apparu que le véritable patron à qui nous devions parler était tout simplement la municipalité de Shanghai qui, de fait, avait tous les pouvoirs. Petit à petit, à force de persévérance, nous nous sommes efforcés de reprendre les rênes du management. A ce moment, nous avons à la fois découvert des aspects positifs, comme le haut niveau technique des collaborateurs chinois, mais aussi très négatifs : la valeur des apports immobiliers de notre partenaire ne fut, par exemple, jamais validée par nos experts ; la signature de la joint-venture fut utilisée pour servir de cautions à des tiers ; nos partenaires apportèrent des actifs dont ils n'avaient pas la propriété. Notons bien que deux de ces malversations avaient reçu la signature officielle du gouvernement de Shanghai.

La seule solution fut l'appel au soutien des autorités politiques françaises, qui entrèrent directement en contact avec les autorités politiques chinoises. Cette solution n'est certes pas pérenne, mais en l'occurrence, s'est révélée efficace. Une fois que ces malversations seront définitivement corrigées, nous souhaitons reprendre le contrôle de l'entreprise, tout en laissant une part minoritaire à nos partenaires chinois, dont nous continuons à penser qu'ils peuvent être des partenaires utiles.

Mais aujourd'hui, malgré toutes ces difficultés, nous pensons que, si c'était à refaire, nous le referions !

Le portage, une solution adaptée aux PME,
Philippe RABIT,
Conseiller du Président de Carrefour,
Vice-président de Partenariat France

Carrefour est le deuxième distributeur mondial. Il ne pouvait bien entendu pas se désintéresser du continent asiatique. Aujourd'hui, quelle est notre situation en Chine ? Nous sommes présents dans ce pays depuis seulement quatre ans, mais notre développement a été rapide. Actuellement, nous exploitons en effet dix-sept magasins dans neuf villes différentes. Il s'agit bien súr des villes les plus importantes de la Chine, avec un niveau de vie bien supérieur à celui des villes moyennes.

Quels enseignements tirer de notre expérience en Chine ? Pour nous, tout d'abord, le panier moyen reste faible : il est cinq fois inférieur au panier moyen français. Deuxième enseignement, le consommateur chinois apprécie le concept de l'hypermarché. Troisième enseignement, le consommateur chinois est particulièrement sensible à notre politique de discount. Quatrième enseignement, le consommateur chinois apprécie l'offre commerciale de la grande surface (bien súr, nos approvisionnements sont locaux à 95 %). Par ailleurs, le consommateur chinois accorde une importance de plus en plus grande à la qualité et à la fraîcheur des produits. Ce succès nous a permis d'augmenter la surface moyenne de nos magasins et de signer plusieurs joint-ventures avec des collectivités locales chinoises, condition indispensable au développement en Chine, qui reste pour nous un objectif majeur.

Notre développement nous permet d'emmener dans notre sillage d'autres entreprises françaises, à la fois grandes et petites. Je voudrais m'arrêter, car c'est le sujet, sur le soutien que nous apportons aux PME et qui, précisons-le, est gratuit.

Premier point, nous ouvrons des fenêtres commerciales sur le marché chinois à des PME qui, autrement, n'y auraient bien súr pas accès. En particulier, nous avons noué un accord avec 17 PME de la région Midi-Pyrénées, en partenariat avec la Mission Economique et Financière de M. Doyon. Par la suite, 5 de ces 17 entreprises ont été référencées dans nos magasins Carrefour. Nous reproduirons ce type d'opérations collectives dès l'année prochaine, et nous comptons prendre en charge le déplacement d'une centaine de PME françaises à l'occasion du SIAL.

Deuxième type d'opération, nous mettons en place des structures dédiées. Carrefour a créé une structure dédiée d'assistance au développement des PME françaises en Asie, la SAFCA. La SAFCA aide, tout d'abord, les PME à cadrer leur projet export. Elle propose, ensuite, des analyses de produits et de marchés, et sélectionne les meilleures cibles (ce peut être Carrefour mais ce n'est pas forcément le cas). Elle peut, enfin, organiser les contacts directs entre ces cibles et les chefs d'entreprise. Aujourd'hui, la SAFCA aide une centaine d'entreprises. Naturellement, elle intervient essentiellement dans le domaine de l'alimentaire, mais ce n'est pas exclusif.

Le troisième axe de notre soutien aux PME françaises est celui de Partenariat France. Si le concept de portage n'est pas nouveau, l'application qu'en fait Partenariat France est particulièrement innovante. Je pense que l'on ne peut plus parler dans ce pays de portage sans évoquer le cas de Partenariat France. Je rappelle que Partenariat France est une association qui fut créée il y a trois ans à l'initiative des pouvoirs publics et qu'elle a pour but de mettre à disposition des PME françaises se développant à l'étranger les moyens d'une quarantaine de grands groupes nationaux. La PME candidate présente un projet qui, s'il est retenu, sera soutenu dans tous ses aspects : échanges d'informations, de carnets d'adresses, accueil de CSNE, partenariats, etc. Aujourd'hui, 20 des 40 grands groupes de Partenariat France peuvent intervenir en Chine. Depuis sa création, Partenariat France a mené 500 opérations de portage.

A titre d'exemple, nous avons accueilli dans nos locaux un CSNE pour le compte d'Electricité Moderne. Sur ce point, je voudrais préciser que notre aide n'a de sens que si elle s'accompagne d'une implication constante, et a fortiori d'une implication constante de la PME partenaire. Autre exemple, nous avons organisé de nombreuses rencontres dans nos locaux entre la société FAI (spécialisée dans la congélation alimentaire) et des partenaires chinois.

Ce genre de collaboration permet de surmonter les clivages traditionnels qui existent entre grandes entreprises et PME. Nous nous battons tous pour la même chose : que l'équipe France gagne !

La protection des droits de propriété industrielle,
Paul RANJARD,
Avocat, représentant en Chine de l'Union des Fabricants

La Chine a développé un système législatif complet sur la protection des droits de propriété industrielle en un temps record, sous la pression à la fois internationale et interne. Mais la Chine constitue un environnement très complexe en matière de droits de propriété industrielle. Elle a, sur ces questions, une position très ambigu.

Un cadre législatif en évolution

La protection des marques est assurée par une loi de 1982, révisée en 1993, et par l'adhésion aux principales conventions internationales. La Chine a opté pour le principe de priorité au premier dépôt de la marque. Elle accorde, par ailleurs, une grande importance à la qualité des produits. La loi de 1982 présente cependant des lacunes : l'absence de référence à la marque tridimensionnelle (forme d'une bouteille, par exemple), l'absence de référence à l'offre en vente (la contrefaçon étant par exemple constatée à partir de l'offre d'un produit contrefait dans un catalogue ou sur Internet...), les très longs délais d'enregistrement des marques. Cette loi est en cours de révision, et il faut noter que la qualité de rédaction du texte est en très net progrès.

La protection des brevets est, elle, réglementée par une loi de 1984, révisée en 1992. Cette loi est également en cours de révision. Cette révision simplifie la procédure d'enregistrement, inclut l'offre en vente (ce qui n'est pas le cas pour les marques) et met en avant la notion de vendeur de bonne foi (qui affirme avoir contrefait par ignorance et que la loi protège s'il révèle qui est son fournisseur...).

Les droits d'auteur sont protégés par une loi de 1990 : les principes européens ont là encore été retenus, l'enregistrement n'étant pas nécessaire pour la protection. Cette loi devait elle aussi être révisée par le Congrès mais, de façon surprenante, celui-ci a rejeté la révision. Il semblerait qu'une des raisons de ce rejet soit le développement d'Internet.

Bien évidemment, cet environnement législatif a été en partie influencé par des pressions extérieures et, notamment, américaines. Mais il ne faut pas oublier qu'il y eut aussi une pression interne. La contrefaçon est aussi un des problèmes des entreprises chinoises et, au 1 er semestre 1999, l'essentiel des procès pour contrefaçon ont concerné des affaires sino-chinoises.

Un cadre complexe

Le cadre dans lequel s'effectue la défense des droits de propriété industrielle est complexe. Il est pour partie administratif et pour partie judiciaire et, dans chaque domaine, les instances sont nombreuses et peu coordonnées.

L'ambiguïté de l'attitude des autorités chinoises

Pour comprendre toute l'ambiguïté des positions des autorités chinoises, on peut prendre l'exemple de la Foire de Canton. L'Union des Fabricants avait demandé aux autorités chinoises de saisir les catalogues des exposants coupables de contrefaçon. Elle reçut un accueil excellent mais, dans les faits, il n'y eut, sur toute la Foire, que trois inspecteurs pour contrôler l'ensemble des stands ! Les marchés de gros sont un autre sujet d'inquiétude. A Shenzhen ou Yiwu, dans le Zhejiang, toute la ville vit de marchés de gros entièrement tournés vers la contrefaçon. Or ces marchés sont en théorie contrôlés par ces autorités... Enfin, dernier problème, les amendes sont très faibles et les poursuites pénales très peu nombreuses (11 cas sur les 6 328 affaires du 1 er semestre 1999).

Qu'est-il donc possible de faire ? Il faut d'abord se demander ce qui est normal et ce qui ne l'est pas. Il est normal qu'un pays en voie de développement soit tenté par la copie. Mais il est anormal que les auteurs de contrefaçon soient les autorités du pays. On quitte là la sphère juridique pour rejoindre la sphère politique. Pour agir efficacement, il faut bien comprendre la Chine et ce qui s'y passe. Par exemple, parfois, des usines entières dépendent de la contrefaçon, et il n'y a aucun sens à demander leur fermeture immédiate. Au total, il faut donc être à la fois compréhensif et ferme et, avec la pédagogie suffisante, on doit pouvoir convaincre les autorités chinoises qu'elles n'ont, à long terme, pas intérêt à développer la contrefaçon.

La protection des droits de propriété industrielle,
Jacques RITZENTHALER,
Directeur de la propriété industrielle, Schneider Electric

Schneider est présent en Chine depuis 1983. Notre première joint-venture fut créée en 1987. Fin 1998, nous comptions 7 joint-ventures, réalisant un chiffre d'affaires d'un milliard. Dès l'entrée en vigueur des propriétés de loi industrielle, en 1983 et 1985, nous avons déposé les marques et brevets de notre société. Nous avons bien fait puisque, au début des années 1990, nous avons vu apparaître un très grand nombre de produits copiés, parfois portant nos marques.

Pour réagir, nous avons en premier lieu lancé un certain nombre d'opérations avec les AIC (Administrations for Industry and Commerce), qui ont lancé un certain nombre de raids sur les contrefacteurs. A force, nous avons connu un indéniable succès : après cinq ans d'efforts, les produits contrefaits portent de moins en moins nos marques. Nous sommes également intervenus auprès des douanes qui, à notre grand étonnement, ont saisi des cargaisons frauduleuses, notamment récemment sur la frontière avec le Pakistan. Nous avons aussi lancé des actions judiciaires, qui ont été réglées définitivement en moins de 6 mois, ce qui n'aurait peut-être pas été possible en France...

Ces résultats sont indéniablement positifs mais il y a aussi des évolutions négatives. Aujourd'hui, les produits copiés sont de plus en plus nombreux avec, en plus, une qualité de moins en moins discutable. Autre problème, le fait d'obtenir une décision de justice positive ne signifie pas forcément qu'elle soit exécutée. Dans le même esprit, une cargaison saisie peut repartir dans les circuits commerciaux dès lors que les marques copiées en ont été retirées !

Comment expliquer cette situation ? Il y a d'abord des problèmes culturels (le concept de propriété est récent en Chine). Il y aussi des conflits entre autorités centrales et autorités locales. Certains considèrent également que la contrefaçon est indissociable du développement très rapide que connaît la Chine, qu'elle est même nécessaire pour répondre aux immenses besoins du pays. Il faut enfin noter l'insuffisante formation des fonctionnaires et des juristes.

En conclusion, il y a bien súr du vrai dans ces analyses et, même s'il faut lutter sans hésitation contre la contrefaçon (vos contrefacteurs d'aujourd'hui sont probablement vos concurrents de demain !), on peut probablement considérer ce problème comme un épiphénomène du développement que connaît la Chine. D'ailleurs, le jour où la Chine se sera rangée à nos raisons, nul doute qu'un autre pays prendra le relais...

LE GROUPE SÉNATORIAL FRANCE-RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

Depuis plus de 30 ans, le groupe sénatorial d'amitié France-République populaire de Chine s'efforce de développer les liens entre les Sénateurs français et leurs homologues chinois, ainsi qu'avec les responsables territoriaux, les décideurs économiques et les universitaires.

Comprenant 74 membres, soit un tiers des Sénateurs, le groupe sénatorial d'amitié est un des plus important de la Haute Assemblée. Ses activités sont nombreuses et diverses.

I - Développement des liens entre Parlementaires

Conformément à son premier objectif, le groupe sénatorial d'amitié France-République populaire de Chine s'efforce de renforcer les liens d'amitié entre les responsables politiques des deux pays. Grâce aux contacts noués lors du déplacement en Chine ou des réceptions en France, des échanges de points de vue s'instaurent, permettant une meilleure compréhension réciproque.

Les Sénateurs français sont en contact aussi bien avec les membres de l'Assemblée populaire nationale de Chine que ceux du Conseil Consultatif Politique du Peuple Chinois (C.C.P.P.C.). C'est ainsi que M. QIAO SHI, Président de l'Assemblée nationale populaire, a été reçu par le Parlement français en 1997. M. LI RUIHAN, Président du C.C.P.P.C., est également venu en France en 1998, invité par le Président du Sénat.

De même, le Président PONCELET s'est rendu en visite officielle en Chine, au mois de Septembre 1999. Une délégation du groupe sénatorial, conduite par son Président, M. Jean BESSON, Sénateur de la Drôme, a également effectué un voyage au début du mois de Juillet 1999 au cours duquel les Sénateurs ont pu découvrir le Tibet.

Ces contacts entre le législateur français et le législateur chinois vont encore s'accroître puisque, lors de la visite de M. PONCELET, Président du Sénat, à Pékin, l'Assemblée nationale populaire de Chine a, dans le cadre du " partenariat global " institué entre les deux pays, signé avec le Sénat un accord de coopération organisant les modalités d'échanges entre les deux assemblées.

On peut noter que c'est la première fois que l'Assemblée nationale populaire de Chine signe un document de ce type.

Le Président du groupe sénatorial d'amitié a fréquemment des contacts avec des Ministres chinois, des responsables de province ou de municipalités lorsque ceux-ci effectuent un voyage en France.

II - Les autres actions

Le groupe sénatorial d'amitié entreprend ou participe à de nombreuses actions de coopération culturelle, scientifique ou économique.

De nombreux stagiaires chinois sont accueillis chaque année au Palais du Luxembourg.

Des manifestations culturelles sont organisées, comme par exemple des expositions de photos.

Dans le domaine économique, les membres du groupe sénatorial d'amitié agissent de plusieurs manières. Ils interviennent dans des colloques organisés en France ou en Chine sur des thèmes particuliers comme, par exemple, la réforme du mode de gestion des entreprises publiques ou l'énergie.

Ponctuellement, ils peuvent également jouer un rôle important d'intermédiation, de relais entre les entreprises et les autorités locales ou nationales.

Enfin, le groupe sénatorial d'amitié s'efforce de faciliter les actions de coopération décentralisées entreprises par les collectivités locales françaises.

III - Composition du Bureau du groupe sénatorial d'amitié France-République populaire de Chine.



Président

M.

Jean BESSON (Soc - Drôme)

Vice-Présidents

Mmes

Danielle BIDARD-REYDET (CRC - Seine-Saint-Denis)

Paulette BRISEPIERRE (RPR - Français établis hors de France)

MM.

Jean-Pierre CANTEGRIT (ratt. UC - Français établis hors de France)

Ambroise DUPONT (RI - Calvados)

Jacques PELLETIER (RDSE - Aisne)

Mme

Danièle POURTAUD (Soc - Paris)

M.

Jacques VALADE (RPR - Gironde)

Secrétaires

MM.

Pierre BIARNES (Soc - Français établis hors de France)

Louis BOYER (RI - Loiret)

Hubert DURAND-CHASTEL (NI - Français établis hors de France)

Léon FATOUS (Soc - Pas-de-Calais)

Jean FAURE (UC - Isère)

Aymeri de MONTESQUIOU (RDSE - Gers)

Jean-Marie POIRIER (UC - Val-de-Marne)

Jean-Jacques ROBERT (RPR - Essonne)

Trésorier

M.

Lucien NEUWIRTH (RPR - Loire)

Secrétaire exécutif

M.

Benoît CHADENET (tél. 01.42.34.20.22. - Fax 01.42.34.23.34. courrier électronique : b.chadenet@senat.fr)

Colloque organisé sous l'égide du Groupe sénatorial France-Chine
par la Direction des Relations internationales du Sénat
et la Direction de l'Information économique et réglementaire du C.F.C.E.
Pour toute information sur ce colloque, vous pouvez contacter
le Service des Relations internationales du Sénat :
M. Marc LE DORH, Administrateur des services du Sénat
Tél : 01.42.34.30.52 - Fax : 01.42.34.27.99 - courrier électronique : m.ledorh@senat.fr
ou consulter le site internet du Sénat : www.senat.fr/international

Synthèse réalisée en temps réel par la société Hors Ligne -- 01 55 64 04 44





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