Portrait de Léon Bourgeois © Sénat
Portrait de Léon Bourgeois vers 1906
Archives du Sénat 119 AS 4

En 2020, une exposition virtuelle a été réalisée par la division des Archives du Sénat avec le concours des musées de Châlons-en-Champagne qui ont organisé, au premier semestre 2021, une exposition intitulée « Bâtir la Paix. Léon BOURGEOIS, Prix Nobel de la Paix (1920-2020) », avec la participation du Sénat. 

Le sénateur de la Marne

Élu pour la première fois au Sénat en 1905, Léon Bourgeois remplace le duc Edme d'Audiffret-Pasquier, sénateur inamovible, décédé le 4 juin de cette même année. Il emporte le siège au premier tour de scrutin, à l'élection partielle du 20 août 1905 par 747 voix sur 828 suffrages exprimés, malgré quelques protestations.

Au palais du Luxembourg, il siège dans diverses commissions. Après avoir déposé une proposition de loi tendant à instaurer des dispensaires d’hygiène sociale et de prévention antituberculeuse en 1913, il est élu président de la commission chargée de l’examen de ce texte. Le projet de loi est voté le 15 avril 1916, publié dans le Journal officiel Lois et décrets du 18 avril.

Durant ses différents mandats de Sénateur, Léon Bourgeois qui appartient au groupe de la gauche radicale demande à plusieurs reprises à changer de place dans l’hémicycle.

Monsieur Léon Bourgeois, sénateur de la Marne, prie Monsieur le Secrétaire Général de bien vouloir l'inscrire pour l'un des fauteuils devenus vacants par suite du décès de MMrs Bernard et Goujon, de préférence pour le fauteuil de ce dernier [...]

9 décembre 1907 - Voir le fac-similé ci-dessous

Le Président du Sénat

Le 14 janvier 1920, Léon Bourgeois est élu Président du Sénat au troisième tour de scrutin par 147 voix contre 125 à Antonin Dubost, Président sortant.

Dans sa première allocution, il n’a qu’un seul mot d’ordre : « À l’œuvre ! ».
Son mandat prend fin le 16 février 1923.

Concomitamment à sa présidence, il se consacre à une autre grande œuvre : la promotion de la Société des Nations. Il prononce à ce titre, le 21 janvier 1922, à l’Institut des Hautes études internationales, une conférence sur la Morale internationale dont le texte fait l’objet d’une publication.

Documents : Léon Bourgeois sénateur

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Le promoteur de la Société des Nations (SDN)

Marqué par la guerre de 1870, Léon Bourgeois est profondément pacifiste et souhaite parvenir à la paix par le droit en réunissant les États dans une Société des Nations.
En 1899 et en 1907, il est le chef de la délégation française aux conférences de la Paix réunies à La Haye aux Pays-Bas.
Après la Grande Guerre, les idées de Léon Bourgeois trouvent un aboutissement avec la signature du pacte de la Société des Nations, le 28 juin 1919, lors de la Conférence de la Paix à Paris.  Il y consacre un opuscule où il indique :

« Dans l’organisation internationale que nous prévoyons, chacun reconnaît, qu’au-dessus des intérêts distincts de chacun des peuples, il est un intérêt supérieur, commun à tous : celui de la justice, de l’ordre et de la paix fondés sur le Droit. Le jour où un conflit menacera de se produire, il faut que nous puissions mettre, de notre côté, dans la balance, toute la force du Droit. »

Léon Bourgeois - Politique des alliances ou politique de la Société des Nations ? 13 novembre 1916

Le 16 janvier 1920, le Conseil de la Société des Nations tient sa première réunion au Quai d’Orsay, sous la présidence de Léon Bourgeois.

Son rôle d’infatigable militant de la paix est couronné par le Prix Nobel de la Paix qui lui est décerné en décembre. Affaibli par la maladie, Léon Bourgeois ne peut se rendre en Suède pour y recevoir cette récompense.
Il rédige néanmoins un discours qui peut être consulté sur le site Nobelprize.

Le penseur et l'écrivain

Parmi les autres causes que Léon BOURGEOIS défend, l’éducation tient une place essentielle.
Il est, en effet, ministre de l’Instruction publique de 1890 à 1892 dans les gouvernements FREYCINET et LOUBET.

Mais l’un de ses ouvrages les plus marquants est sans conteste Solidarité, où il expose sa conception du « solidarisme », une  Philosophie politique qui se fonde sur l’existence d’un « lien fraternel qui oblige tous les êtres humains les uns envers les autres, nous faisant un devoir d'assister ceux de nos semblables qui sont dans l'infortune ».

Entré dans la franc-maçonnerie, membre éminent du parti radical, il organise, en 1900, conformément à une tradition qui remonte à la « campagne des banquets », un grand banquet républicain à la Présidence du Sénat.

Documents : Léon Bourgeois auteur

L'esthète et le sculpteur

Léon BOURGEOIS a également un talent de sculpteur. Il immortalise sa fille Hélène vers 1900 en sculptant son buste de marbre aujourd’hui conservé par les musées de Châlons-en-Champagne.

Le décès de Léon Bourgeois

Frappé de cécité partielle dans les dernières années de sa vie, Léon Bourgeois renonce à la Présidence du Sénat en 1923 et se retire dans sa demeure d’Oger où il meurt le 29 septembre 1925. Le Président du Sénat, Justin de Selves, lui rend un vibrant hommage dans un éloge funèbre prononcé dans l’hémicycle du palais du Luxembourg, le 29 octobre 1925, qu’il conclut par ces mots : « Léon Bourgeois a parlé, je n’ai plus rien à dire ».

Séance du Jeudi 29 octobre 1925

Présidence de M. Justin de Selves

"M. le président. Mes chers collègues, au cours de l'intersession des Chambres, deux de nos plus collègues nous ont quittés, et chacun de nous a appris, avec le plus profond regret, la mort de René Viviani, la mort de Léon Bourgeois.

[Le président fait l'éloge de Viviani et parle de sa nature "marquée d'une certaine rudesse"]

Avec Léon Bourgeois, né à Paris le 20 mai 1851, au contraire, jamais la moindre rudesse; quel charme, quelle grâce enchanteresse se dégageaient de toute sa personne ! Une rare culture semblait l'avoir [...] paré de la plus délicate finesse, que jamais Athénien ne dut posséder à un tel degré. [...] En lui, point d'emportement, rien de tumultueux, une douce et persuasive raison qui gagnait ses auditeurs les plus réfractaires, les déterminait souvent, les séduisait toujours.

[...] une orientation commune [...] guide [les grands hommes comme Viviani et Bourgeois], un même souci d'intérêt humain les dirige, lorsqu'ils sont à la fois grands par l'esprit et le coeur [... ils] se penchent, en effet, vers l'être humain qui souffre et ils écoutent ses plaintes : soit dans le langage tendre et doux de Bourgeois, soit dans celui plus vibrant et lyrique de Viviani."

Justin de Selves, Président du Sénat

La presse de l’époque se fait également l’écho de sa disparition et lui rend hommage à l’exemple du journal L’Illustration du 10 octobre 1925 qui le qualifie d’« organisateur de la paix ».

Archives du Sénat, 537S 26
Archives du Sénat, 537S 26

La salle Léon Bourgeois

En 1928, le Sénat décide de rendre hommage à Léon Bourgeois en donnant son nom à une des salles du Sénat et en y faisant apposer une plaque.
Cette salle est aujourd’hui la buvette des parlementaires.

Sources et bibliographie

1)    Sources non publiées :

Les Archives du Sénat conservent les documents suivants relatifs à Léon BOURGEOIS :

  • 119AS : dossier individuel de Léon BOURGEOIS ;
  • 66S 102 et 103 : dossiers d’élections du département de la Marne (1905-1925) ;
  • 5S 324 : dossier de séance comprenant une allocution de Léon BOURGEOIS en qualité de Président du Sénat (1921) ;
  • 80S 30 : procès-verbaux du Groupe parlementaire des départements envahis (1915) ;
  • Procès-verbaux des commissions dont il a été membre ou devant lesquelles il a été entendu en qualité de ministre ;
  • 7S 5, 537S 50, 573S 405 : dossiers du Bureau, du Secrétariat général de la Questure et du Service du Bâtiment relatifs à l’appellation d’une salle en hommage à Léon BOURGEOIS au palais du Luxembourg (1928-1933) ;
  • 1EO 2/6 : lettre autographe relative à une souscription en faveur de l’Union patriotique (1922) et une carte de visite manuscrite (sd).

La Bibliothèque du Sénat conserve une lettre de Léon BOURGEOIS à Jean JAURÈS :

De nombreux objets et documents appartenant à Léon BOURGEOIS sont conservés dans les musées de Châlons-en-Champagne.

Archives orales :

2)    Sources publiées :

  • Léon BOURGEOIS, La politique de la prévoyance sociale. Troisième partie : l'action, Paris, E. Fasquelle, 1919, 438 p.
  • Léon BOURGEOIS, L'éducation de la démocratie française [Texte imprimé] : discours prononcés de 1890 à 1896, Paris : E. Cornély, 1897, 288 p.
  • Léon BOURGEOIS, Le Pacte de 1919 et la Société des Nations [Texte imprimé], Paris, E. Fasquelle, 1919, 1 vol. (280 p.) ; In-12.
  • Léon BOURGEOIS, Solidarité, Paris, Armand Colin, 1912, 294 p.
  • Léon BOURGEOIS, Pour la Société des nations [Texte imprimé], Paris, E. Fasquelle, 1910, 1 vol. (468p) ; 19 cm.
  • Léon BOURGEOIS, La politique de la prévoyance sociale. I : La doctrine et la méthode [Texte imprimé], Paris, E. Fasquelle, 1914.
  • Léon BOURGEOIS, La morale internationale / conférence faite à l'Institut des hautes études internationales par M. Léon Bourgeois, président du Sénat, délégué de la France au Conseil de la Société des Nations le 21 janvier 1922, Paris : Société anonyme de publications périodiques, 1922, 1 vol. (31 p.)
  • Ferdinand BUISSON, La politique radicale [Texte imprimé] : étude sur les doctrines du parti radical et radical-socialiste / par Ferdinand Buisson,... ; précédée d'une lettre de M. Léon Bourgeois, Paris : V. Giard et E. Brière, 1908, VII-454 p.-[1] f. de pl. : portr.


3)     Bibliographie

  • Serge AUDIER, Léon Bourgeois. Fonder la solidarité, Paris, Editions Michalon, collection « Le Bien commun », 2007, 126 p.
  • Georges CLAUSE, Léon Bourgeois. Un Châlonnais Prix Nobel de la Paix. De la « démocratie solidariste » à la paix universelle, Collection Histoire d’une Ville. Châlonnais célèbres, Editions Ville de Châlons-en-Champagne, 2001.
  • Jean-Louis DEBRÉ, « Le solidarisme. Léon Bourgeois », in Nos illustres inconnus. Ces oubliés qui ont fait la France, Paris, Éditions Albin Michel, 2018, pp. 19-26.
  • Nicolas DELALANDE, « Le solidarisme de Léon Bourgeois, un socialisme libéral ? », La Vie des idées, 30 janvier 2008. ISSN : 2105-3030.
  • Denis DEMKO, Léon Bourgeois : philosophe de la solidarité, Paris, EDIMAF, 2001, 159 p.
  • Jean-Michel GUIEU, « Les apôtres français de « l’esprit de Genève ». Les militants pour la Société des Nations dans la première moitié du XXe siècle », Thèse de doctorat, Université Paris 1, 2004, p. 45.
  • Jacques MIÈVRE, « Le solidarisme de Léon Bourgeois », Cahiers de la Méditerranée , 63 | 2001, mis en ligne le 15 octobre 2004, consulté le 15 septembre 2020
  • Alexandre NIESS, « Biographie sommaire de Léon Bourgeois »,  in Alexandre NIESS et Maurice VAÏSSE (dir.), Léon Bourgeois. Du solidarisme à la Société des Nations. Association pour la recherche sur la paix et la guerre. Langres, Éditions Dominique Guéniot, pp.147-149, 2006.
  • Jean-Pierre RAVAUX, « Léon Bourgeois, sculpteur et ami des arts »,  in Alexandre NIESS et Maurice VAÏSSE (dir.), 2006, Léon Bourgeois. Du solidarisme à la Société des Nations. Association pour la recherche sur la paix et la guerre. Langres Éditions Dominique Guéniot, pp.135-146, 2006.
  • Jean-Pierre RAVAUX, Notes, Archives des musées de Châlons, s.d.
  • Marc SORLOT, Léon Bourgeois. Un moraliste en politique. Paris, Editions Bruno Leprince, 2005.
  • Maurice VAÏSSE, « Léon Bourgeois, Prix Nobel de la paix », in Alexandre NIESS et Maurice VAÏSSE (dir.), Léon Bourgeois. Du solidarisme à la Société des Nations. Association pour la recherche sur la paix et la guerre, Langres, Éditions Dominique Guéniot,  pp. 127-134, 2006.
  • Marie-Adélaïde ZEYER, Léon Bourgeois, père spirituel de la Société des Nations. Solidarité internationale et service de la France (1899-1919).