En 1974, le ministère de l'intérieur avait bâti un fichier informatisé au nom évocateur : S.A.F.A.R.I., acronyme de système automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus. Ce système prévoyait de créer une base de données centralisée de la population, en utilisant le fichier de sécurité sociale comme identifiant commun à tous les fichiers administratifs. Devant le tollé généralisé provoqué par ce projet - le journal Le Monde allant jusqu'à titrer «  SAFARI, ou la chasse aux Français » -, le Premier ministre de l'époque, Pierre Messmer, ne put que le retirer et créer dans la foulée une commission dite Informatique et liberté, chargée de proposer une réglementation sur l'utilisation des moyens informatiques. 

Son travail débouchera sur la publication, dès 1975, du rapport TRICOT, dont le projet de loi relatif à l'informatique et aux libertés est le fils naturel, pour reprendre l'expression d'Alain PEYREFITTE, alors Garde des Sceaux .

C'est dans ce contexte encore tendu que s'engage, au Sénat, le 17 novembre 1977, la discussion en première lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'informatique et aux libertés.

Dans son rapport, rédigé au nom de la commission des Lois, M. Jacques THYRAUD souligne, dans une phrase d'une étonnante modernité à l'époque d'Internet et du multimedia, que ce texte conduit à s'interroger "sur le devenir des libertés individuelles et publiques dans la quête permanente à l'information".

  

L'objet du texte consistait à mettre en place un garde-fou contre les abus de l'informatique mal maîtrisé, via l'institution d'une autorité administrative de contrôle. La question de l'indépendance de cette autorité allait se trouver au cœur des débats tant, à l'époque, l'auteur présumé de ces abus ne pouvait avoir qu'un nom dans l'imaginaire collectif : l'Etat. Le souvenir encore brûlant du projet SAFARI et les investissements très importants nécessaires à la mise en place de larges banques de données informatisées, faisaient se tourner tous les regards vers le Gouvernement dès lors qu'il était question de libertés publiques et d'informatique.