Les peines

Sous la IIIe République, se tiennent au Sénat six procès de la Haute Cour de justice. Deux d'entre eux, ceux de Marcel Cachin en 1923 et de Raoul Péret en 1931, n'emportent aucune peine : le premier aboutit à un dessaisissement et le second à un acquittement, assorti d'une condamnation morale pour les procédés employés par l'accusé. Dans les autres affaires (Boulanger, Déroulède, Malvy et Caillaux), les inculpés sont reconnus coupables à des degrés divers. La Haute Cour demeure souveraine quant à la fixation des sanctions.

Les sénateurs-juges se prononcent sur les peines applicables, formulées par le Président, en commençant par la plus forte jusqu'à ce que l'une d'entre elles obtienne la majorité des voix. Lues en séance publique, notifiées aux accusés par le greffier de la Haute Cour, affichées à la porte du Sénat, les peines prononcées sont de deux natures : l'incarcération ou le bannissement.

L'incarcération frappe essentiellement les accusés de trois procès. Le général Boulanger, tout d'abord, ainsi qu'Arthur Dillon et Henri Rochefort, tous contumax, sont reconnus coupables de complot et attentat contre le gouvernement ; ils sont condamnés à la détention dans une enceinte fortifiée. Joseph Caillaux, ensuite, accusé de correspondance avec l'ennemi, est frappé d'une peine de trois ans de prison couverts par la préventive. Dans l'affaire Déroulède, enfin, uSouillac (Lot), le 10 août 1923 : M. Malvy harangue la foulen seul accusé est incarcéré à l'issue du procès : Jules Guérin. Cette condamnation est due à sa vive résistance aux forces de police venues l'arrêter dans les locaux de la rue Chabrol, à Paris.

Dans les autres cas, la Haute Cour prononce des peines de bannissement. André Buffet, Paul Déroulède, Marcel Habert et le comte de Lur-Saluces notamment, reconnus coupables de complot contre la sûreté de l'État, sont bannis pour cinq ou dix ans après avoir obtenu le bénéfice des circonstances atténuantes. Fait inhabituel, Lur-Saluces, bien que contumax, dispose de cette même mesure de clémence. Quant à Louis Malvy, il est frappé de bannissement, après que la Haute Cour a créé une nouvelle incrimination en l'accusant de forfaiture.

Il revient en France, après avoir expurgé sa peine, et reçoit l'accueil de la population lotoise.

Les amnisties

Commentées par la presse et l'opinion publique, controversées par les juristes, les décisions de la Haute Cour ne sont susceptibles d'aucun recours. Le seul espoir des condamnés réside dans une amnistie ou une grâce présidentielle. Diverses propositions de loi d'amnistie sont déposées. En janvier 1895, celle émanant de Marcel Habert (qui sera jugé à son tour par la Haute Cour en 1899) est repoussée. Mais quelques jours plus tard, une amnistie générale est votée à l'occasion de l'élection de Félix Faure à la Présidence de la République. Bénéficiant de cette mesure, Arthur Dillon et Henri Rochefort peuvent rentrer en France. Ce dernier est accueilli à la gare du Nord par Jean Jaurès, René Viviani et des milliers de personnes.

Le 13 juillet 1905, le Président de la République accorde remise du reste de leur peine à Buffet, Lur-Saluces, Guérin et Déroulède. Ce dernier refuse cette grâce et ne revient en France qu'à la faveur de la loi d'amnistie générale du 2 novembre 1905.

Cependant cette remise de peine produit une conséquence administrative inattendue : son exécution requiert une inscription en marge des arrêts de la Haute Cour, par le greffier compétent.

Or, cette dernière n'est pas une juridiction permanente. Quant au greffier, il ne fait plus partie du personnel du Sénat. Son successeur au secrétariat général de la Présidence, non assermenté, ne peut transcrire la décision présidentielle. Finalement, le Parquet de la Cour d'appel de Paris estime qu'en dehors de ce haut fonctionnaire, « personne... ne peut avoir qualité pour faire les mentions exigées par la loi puisque c'est lui qui a la garde des minutes »  et pense qu'il appartient au Président du Sénat de dire le dernier mot sur cette question.