Charles-Augustin Sainte-Beuve est né à Boulogne-sur-mer le 23 décembre 1803. Son père, Charles-François, était agréeur des eaux-de-vie de genièvre et employé des aides. Il mourut quelques mois avant sa naissance. Il fait ses classes au collège de Boulogne et poursuit ses études à Paris au collège Charlemagne et au collège Bourbon.

Il commence des études de médecine mais se tourne rapidement vers la littérature et publie des articles de critique littéraire pour le Globe à partir de 1824. En 1827 il se lie avec Victor Hugo et est admis aux réunions presque quotidiennes du Cénacle, berceau du mouvement romantique français. En publiant en 1828 le Tableau de la poésie française au seizième siècle, Sainte-Beuve se propose de retrouver dans la littérature ancienne les aïeux des romantiques et de rattacher ainsi ces derniers à une véritable tradition. Sainte-Beuve s'essaye à la poésie dans Vies et Poésies de Joseph Delorme, publié en 1829, ouvrage qui fit scandale à l'époque ; il publie son unique roman, Volupté, en 1834 et rassemble ses conférences sur les écrivains jansénistes dans Histoire de Port Royal.

Tour à tour attiré par le saint-simonisme avec Pierre Leroux, le mysticisme avec Lammenais et Lacordaire et le libéralisme avec Armand Carrel, Sainte-Beuve se rallie finalement ouvertement à l'empire en 1852, ce qui lui vaudra les huées des étudiants libéraux au Collège de France où il ne put faire son cours sur Virgile

Son œuvre la plus considérable, celle où il a le mieux révélé son originalité d'analyste et de critique psychologique, est la longue série commencée sous le titre de Portaits, dès 1829, dans la Revue de Paris, continuée sous le même titre dans la Revue des Deux-Mondes, et reprise sous le titre de Causeries du lundi au Constitutionnel et au Moniteur. Ils ont été réunis dans un ensemble de 43 volumes.
En 1844 il fut nommé à l'Académie française pour remplacer Casimir Delavigne et il fut reçu à cette occasion par Victor Hugo. Sainte-Beuve fut appelé à siéger au Sénat le 28 avril 1865 et participa à ses travaux pendant à peine 5 années. Il ne prit la parole que dans les questions qui intéressaient la liberté des lettres et de la pensée et toujours pour la défendre. Rapporteur d'un projet de loi sur la propriété littéraire en 1866, Sainte-Beuve déclarait : « Et moi-même, si j'osais me citer en exemple, avant que la bonté toute particulière de l'empereur voulût bien m'appeler à l'honneur de siéger parmi vous, qui étais-je ? Un producteur dans un genre relativement facile, un producteur que l'exigence du journal stimulait, que la bienveillance du public encourageait à donner souvent, et à faire de son mieux. »
Lors de la discussion de la loi sur l'enseignement primaire le 29 mars 1867, il prit la parole un peu vivement pour défendre M. Renan qu'il estimait attaqué : « Mais il y a aussi des opinions philosophiques honorables et respectables que je défends au nom de la liberté de penser et que je ne laisserai jamais attaquer et calomnier sans protestation ».

Le Président Rouher reviendra sur cet incident quand il prononcera son éloge funèbre le 3 décembre 1869 : « Notre collègue s'était placé aux limites extrêmes des opinions représentées dans cette assemblée. Un incident empreint de quelque vivacité nous avait signalé ses tendances, et avait laissé dans son esprit impressionnable certains ombrages dont ses discours ultérieurs conservèrent la trace. »

Prenant la parole sur une pétition relative aux bibliothèques dans la séance du 19 avril 1868, il continue sa croisade : « Mais ce qui me paraît d'autre part excessif, injustifiable, c'est qu'on prenne occasion de ce qui peut être un fait controversable ou blâmable, pour venir afficher une sorte de jugement public et officiel d'ouvrages et de noms livrés à la dispute des hommes, établir contre eux une sorte de sentence définitive et sans appel, les frapper d'une note odieuse de censure, et instituer dans notre libre France une sorte d'index des livres condamnés, comme à Rome. (Protestations) ». La même année, il intervient une dernière fois au Sénat, sur la liberté de la presse. Il y expose longuement une opinion qu'il résume d'emblée de cette façon : « En un mot, j'approuve la loi dans son principe, et je la contredis dans presque tous ses détails ».

Sainte-Beuve meurt à Paris le 13 octobre 1869. Lors de son éloge funèbre, le président rend hommage à son œuvre : « Les écrits de Sainte-Beuve franchiront les régions contemporaines et survivront à leur temps, car ils ont à la fois la pensée et le style » ; il ne pourra toutefois pas cacher sa désapprobation devant la volonté du défunt d'être inhumé sans solennité, civilement, sans la présence d'aucun membre de l'Académie et du Sénat : « Ne jugeons point ces choses, messieurs ; toutefois, hâtons-nous de dire que l'exemple en est rare dans notre société. Ceux-là mêmes chez lesquels le sentiment religieux était resté longtemps assoupi le réveillent au soir de la vie et lui demandent le courage de l'adieu et ses confiances sublimes qui couronnent la vie de l'homme de bien ».

En 1898 eut lieu l'inauguration du monument érigé à sa mémoire dans le jardin du Luxembourg. Y sont gravés les mots qui furent en quelque sorte la devise du célèbre auteur de Port Royal : « Le vrai ! Le vrai seul ! ».