Le Sénat est avant tout le gardien de la Constitution. Il a également un pouvoir constituant et un pouvoir législatif mais celui-ci est faible et se traduit essentiellement par l'examen de pétitions adressées par les citoyens.  

Salle des séances du Sénat en 1860

Gardien de la Constitution

« Le Sénat est le gardien du pacte fondamental et des libertés publiques. Aucune loi ne peut être promulguée avant de lui avoir été soumise» (art. 25). Le Sénat est garant de la constitutionnalité des lois. Il peut annuler les textes votés par le Corps législatif s'ils sont contraires « à la religion, à la morale, la liberté des cultes, la liberté individuelle, l'égalité des citoyens, l'inviolabilité de la propriété, l'inamovibilité de la magistrature » (art. 26) ou encore s'ils compromettent la défense du territoire.

Le Sénat n'est donc pas censé examiner les lois au fond. Pourtant, il ne se résigne pas toujours à adopter des lois jugées mauvaises sans en débattre en son sein. Il est donc arrivé qu'il proteste contre une loi sur le fond, à l'encontre de son rôle institutionnel, tout en admettant finalement sa légalité constitutionnelle. Si ces délibérations sont longtemps restées secrètes, elles ont parfois valu au Sénat les réprimandes du Moniteur, journal officiel du régime, jusqu'à ce que le droit d'examiner les lois au fond lui soit reconnu par le senatus-consulte du 14 mars 1867.


Le Sénat peut également annuler les actes inconstitutionnels qui lui sont déférés par le gouvernement ou une pétition de citoyens. Il ne peut néanmoins pas s'agir d'actes sur lesquels il s'est déjà prononcé (lois promulguées, par exemple) ou d'actes de justice.

Pouvoir constituant

« Le Sénat peut, de concert avec le gouvernement, modifier tout ce qui n'est pas fondamental dans la Constitution ; mais quant aux modifications à apporter aux bases premières, sanctionnées par vos suffrages, elles ne peuvent devenir définitives qu'après avoir reçu votre ratification. Ainsi, le Peuple reste toujours maître de sa destinée. Rien de fondamental ne se fait en dehors de sa volonté. » Proclamation du 14 janvier 1852

Le Sénat peut voter des sénatus-consulte, proposés (sauf exception), validés et promulgués par l'Empereur, qui interprètent, complètent ou modifient la constitution. Si les modifications concernent les principes fondamentaux de la constitution, elles doivent être ratifiées par un plébiscite.

Ce pouvoir a été fréquemment utilisé, le Sénat traduisant en termes constitutionnels les évolutions que l'Empereur souhaitait donner au régime. Les premiers senatus-consulte tendent à asseoir le pouvoir. Ainsi, celui du 7 novembre 1852 rétablit la dignité impériale. D'autres ensuite règlent les problèmes de régence et de dotation de la couronne. Puis, à partir de 1860, les sénatus-consulte modifient de plus en plus radicalement le régime, en procédant à sa libéralisation. En voici les principales étapes :

2 février 1861 : senatus-consulte assurant une meilleure publicité des débats du Corps législatif et du Sénat.

18 juillet 1866 : senatus-consulte élargissant le droit d'amendement du Corps législatif

14 mars 1867 : senatus-consulte instaurant une possibilité de renvoi d'une loi à l'examen des députés par le Sénat.

8 septembre 1869 : senatus-consulte établissant (entre autres) un partage de l'initiative des lois, une responsabilité implicite des ministres devant le Corps législatif et une plus grande autonomie d'organisation pour ce dernier (élection de son président, de son bureau...). Les séances du Sénat sont rendues publiques. Le droit d'interpellation donné aux deux assemblées par le décret impérial du 19 janvier 1867 est confirmé.


Escalier d'honneur

20 avril 1870 (ratifié le 21 mai 1870 par plébiscite)
 : senatus-consulte établissant une responsabilité plus explicite des ministres devant les chambres ; transformation du Sénat en seconde chambre législative, associée à l'initiative des lois. Les séances des deux chambres sont publiques (sauf exceptions fixées par le règlement). La constitution ne peut plus être modifiée que par le peuple, sur proposition de l'Empereur. 

Pouvoirs législatifs

Même si le rôle constitutionnel du Sénat est prédominant, il possède néanmoins quelques attributions à caractère législatif. Ainsi peut-il présenter à l'Empereur un rapport posant les bases d'un projet de loi d'intérêt national (art. 30), possibilité qu'il a d'ailleurs peu utilisée. Après l'adoption du senatus-consulte du 14 mars 1867, il peut examiner une loi au fond et décider de la renvoyer au Corps législatif avant de se prononcer sur sa légalité constitutionnelle.

Il a également à connaître des pétitions adressées par les citoyens. Ce rôle prend de l'importance en 1861, quand les débats du Sénat sont rendus publics et les citoyens peuvent voir le traitement donné à leurs réclamations.

Enfin, le Sénat dispose, comme le Corps législatif, d'un droit d'adresse. Cela signifie qu'il peut répondre au discours annuel sur la situation générale fait par l'Empereur. Le projet est rédigé par une commission mixte des deux Assemblées. Il est ensuite discuté et voté. Si les discussion entourant les adresses sont parfois vives, le résultat est souvent peu critique vis-à-vis de l'Empereur. Le droit d'interpellation est, quant à lui, obtenu en 1867. Le Sénat en fait un usage très discret.

Il faut ajouter que le Sénat peut mettre les ministres en accusation, sans jouer toutefois le rôle de Haute-Cour, celle-ci étant constituée hors de lui. Ce pouvoir ne fut jamais utilisé.