Le chapitre de la Charte constitutionnelle consacré à la Chambre des pairs commence par une déclaration solennelle : « La Chambre des pairs est une portion essentielle de la puissance législative. » En optant pour le bicamérisme, selon le modèle britannique, Louis XVIII contribue à ancrer cette tradition dans l'histoire constitutionnelle française. La répartition des pouvoirs entre les deux chambres est en théorie assez équilibrée, mais le mode de recrutement des pairs induit une pratique politique qui tend à réduire le rôle de la seconde chambre.

Organisation

Les pairs sont nommés par le roi en nombre illimité. Ils peuvent être nommés à vie ou recevoir une dignité héréditaire. Les pairs ainsi nommés ont accès à la Chambre à vingt-cinq ans et ne peuvent participer au vote qu'à trente ans. Seuls les princes de sang sont pairs de droit et ont voix délibérative à vingt-cinq ans. Néanmoins, leur accès à la Chambre est conditionné par l'ordre du roi, réitéré à chaque session. Les pairs bénéficient d'une immunité plus complète que celle des députés puisqu'ils ne peuvent être arrêtés sans l'autorisation de la Chambre, même en cas de flagrant délit. La Chambre est présidée par le chancelier de France, éventuellement remplacé par un pair nommé par le roi. Ses délibérations sont secrètes.


Pouvoirs

Vue de la Chambre des pairs, avant les travaux d'Alphonse de Gisors. Référence Sénat 1035 (GR015-C). (JPG - 5.54 Mo)Les pouvoirs  de la Chambre des pairs sont presque en tous points égaux à ceux de la Chambre des députés. Les sessions des deux chambres sont identiques. Elles ne disposent normalement pas du pouvoir de proposer les lois, réservé au roi. Cependant, elles peuvent l'une et l'autre supplier celui-ci de proposer une loi. Pour cela, il faut qu'elles adoptent toutes deux un même texte avant de le soumettre au souverain.
Les textes sont déposés, au gré du roi, dans l'une des deux chambres, excepté pour la loi de finances qui doit être examinée d'abord par la Chambre des députés. Quelle que soit l'origine du texte, celui-ci doit être adopté par la majorité des deux assemblées. Le mode de résolution d'éventuels conflits entre les deux chambres n'apparaît pas dans la Charte.

En outre, la Chambre des pairs peut se constituer en Cour pour juger de certains crimes.

 


Fonctionnement

      Évolution de la composition de la Chambre

Élie DECAZES (1780-1860). Portrait extrait de L'iconographie de contemporains et fac-similé d'écritures, par F. S. Delpech (1832).

La première Chambre des pairs compte de nombreux sénateurs et maréchaux d'Empire (quatre-vingt-quatre membres sur cent cinquante-quatre). Après les Cent-Jours (ordonnance du 17 août 1815), elle est épurée de vingt-neuf de ses membres et augmentée de quatre-vingt-quatorze nouveaux pairs. La nomination « fournées » de pairs est ensuite régulièrement utilisée (accompagnée souvent par une dissolution de la Chambre des députés) pour assurer une majorité docile au pouvoir royal. La première est à l'initiative de Decazes : soixante-huit nouveaux pairs sont nommés en 1819, en deux fois, les 5 mars et 21 novembre. On trouve parmi eux la plupart des exclus de 1815. Une seconde fournée de vingt-huit pairs est ajoutée le 23 décembre 1823 pour rééquilibrer la Chambre en faveur de Villèle. Ce dernier a recours au même procédé le 6 novembre 1827 (soixante-seize nouveaux pairs). En 1830, la Chambre comptait trois cent trente-cinq membres.

     Le rôle effectif

Comte de VILLÈLE ( 1773-1854). Portrait extrait de L'iconographie de contemporains et fac-similé d'écritures, par F. S. Delpech (1832).

Le mode de recrutement de la Chambre des pairs prive celle-ci du prestige de la représentativité. Alors que la Chambre des députés puise dans le vote qui l'investit la fermeté nécessaire pour mettre en cause le Gouvernement, la Chambre des pairs se sent dépourvue de la légitimité de faire de même. Les pairs ne représentent pas l'opinion et le huis-clos de leur séance empêche tout soutien populaire à leurs éventuelles réactions. De plus, il est bien difficile aux pairs issus des « fournées » d'affirmer leur indépendance vis-à-vis du roi.

Aussi la Chambre des pairs a-t-elle bien du mal à trouver sa place au début du régime. Alors qu'elle devait être un rempart contre l'esprit nouveau, elle apparaît comme un bastion modéré face à l'extrémisme de la Chambre introuvable. Puis, elle s'oppose à Decazes, alors même que celui-ci est soutenu par le roi, et elle n'est ensuite guère favorable à Villèle. Cette opposition, faible mais constante, explique que les gouvernants aient fini par se désintéresser de cette Chambre et n'aient pas songé à s'appuyer sur elle pour affronter les députés à la fin de la Restauration.