Le cadre constitutionnel de la Restauration

A la suite de l'effondrement de l'Empire, le Sénat conservateur prononce la déchéance de l'Empereur et appelle Louis XVIII sur le trône, le 6 avril 1814. Le projet de Constitution avancé par le Sénat est rejeté par le nouveau roi. Cependant, celui-ci ne peut faire abstraction de la rupture qui s'est opérée en 1789. S'il veut « renouer la chaîne des temps » et effacer des mémoires les « funestes écarts » qui se sont produits, il n'en concède pas moins « volontairement, et par le libre exercice de [son] autorité royale », une Charte constitutionnelle, le 4 juin 1814.

Le texte tient compte des acquis fondamentaux de la Révolution en proclamant l'égalité entre les citoyens, l'abolition des privilèges (égalité devant l'impôt et l'accès aux charges publiques), la liberté individuelle, la sûreté des personnes. La liberté de culte est également conservée, même si la religion catholique demeure la religion de l'État.

La Charte dessine l'ébauche d'une monarchie constitutionnelle, fondée sur le suffrage censitaire. Si le roi, dont la personne est inviolable et sacrée, incarne seul la souveraineté nationale, il s'appuie cependant sur deux chambres : une Chambre des pairs qu'il nomme et une Chambre des députés élue pour cinq ans par cinquième.

Il n'y a pas de véritable séparation des pouvoirs, l'essentiel de ceux-ci étant concentré dans les mains du roi. Chef de l'exécutif, ce dernier détient aussi le pouvoir de proposer les lois. Les deux chambres ne peuvent que le « supplier » d'examiner un texte. Tout amendement porté à une loi doit recevoir l'approbation du roi et la promulgation des textes est soumise à son bon vouloir : ainsi possède-t-il un droit de veto absolu. Il peut dissoudre la Chambre des députés. Ses ministres ne sont théoriquement responsables que devant lui ; c'est seulement sur le plan pénal qu'ils peuvent être mis en cause par les Chambres.

L'interprétation et la mise en
œuvre de la Charte

Pourtant, de nombreuses voix s'élèvent en faveur d'une interprétation de la Charte favorable à une responsabilité des ministres devant les Chambres. C'est l'opinion des libéraux, mais aussi de certains anciens ultras, comme Chateaubriand. Ils estiment en effet que le roi ne pouvant être responsable et mis en cause par les Chambres, il faut que ces dernières puissent s'adresser aux ministres. Cette interprétation est d'ailleurs validée par la pratique politique. En 1820, Decazes démissionne alors qu'il a encore le soutien du roi, parce que sa réaction après l'assassinat du duc de Berry avait été jugée trop molle. De même, après avoir obtenu par deux fois la dissolution d'une Chambre des députés récalcitrante, Villèle se voit contraint de démissionner après l'élection d'une assemblée qui lui est plus hostile encore. Les députés donnent par ailleurs un sens politique au droit d'adresse (qui n'est initialement qu'une réponse au discours du Trône en début de session) et au droit de pétition.