Né le 14 février 1910 à Paris, Pierre Marcilhacy était le fils d’un avocat parisien. Après des études de droit, il entame, en 1936, une carrière de journaliste à " Paris-Soir " où il est secrétaire de rédaction jusqu’en 1939.

Rappelé sous les drapeaux à la déclaration de guerre, il est ensuite démobilisé comme aspirant après l’armistice de 1940. Il s’inscrit alors au Barreau de Paris. Il débute dans la carrière d’avocat en se consacrant à la défense des résistants. Il devient second secrétaire de la Conférence du stage des avocats à la Cour d’Appel et 1942 et à la Cour de Cassation en 1943, date à laquelle il succède à son père qui détenait une charge d’avocat au Conseil. Pierre Marcilhacy conservera cette charge jusqu’en 1974.

Après avoir été élu conseiller général de Jarnac, canton représenté par sa famille depuis 1852, Pierre Marcilhacy est élu en 1948 conseiller de la République en Charente.

Dans sa profession de foi il déclare : " C’est pour faire un peu plus que mon devoir que je mets aujourd’hui à votre disposition mes connaissances, mon dévouement et ma totale indépendance ". Au cours de toute sa longue carrière politique, Pierre Marcilhacy s’emploiera avec succès à rester fidèle à ces trois qualités qui le caractérisent.

C’est ainsi qu’après un bref passage au groupe des Indépendants, il siègera au Sénat parmi les non-inscrits jusqu’à son départ en 1980, gage d’une totale indépendance d’esprit et de vote. Ses compétences juridiques le conduisirent tout naturellement à devenir membre de la commission des lois où il se vit confier la présidence de deux importantes commissions d’enquête qui firent beaucoup de bruit : celle sur l’affaire des abattoirs de La Villette en 1970 et celle sur les écoutes téléphoniques en 1973.

C’est en 1965 que l’opinion publique l’a véritablement découvert puisqu’il est un des tout premiers candidats déclarés à l’élection présidentielle qui a lieu désormais au suffrage universel.

C’est la candidature d’un notable de province dont les partisans espèrent qu’il va personnifier le renouveau centriste ; c’est une candidature anti-gaulliste. Dépourvu de gros moyens financiers, Pierre Marcilhacy fait une campagne électorale traditionnelle sans avoir recours aux moyens modernes de communication. Le résultat du premier tour est décevant puisqu’il n’obtient que 1,71 % des suffrages exprimés.

Après cet épisode, Pierre Marcilhacy reprend son rôle de censeur vigilant du pouvoir, animé par la passion du droit et de la vérité. Opposé au Général de Gaulle (qu’il dépassait en taille de quelques centimètres, mesurant 2,01 m !), il sut forcer son estime bien qu’il n’approuvât ni sa conception du rôle du Président de la République, ni la façon dont il avait réglé l’affaire algérienne, ni la manière dont était géré le dossier européen.

Pierre Marcilhacy se retrouva dans le camp du " non " au référendum de 1969 sur la réforme du Sénat. Défenseur de la seconde Chambre, il se rangea aux côtés du Président Poher lors de sa candidature malheureuse face à Georges Pompidou à l’élection présidentielle de 1969.

Il appelait de ses vœux la création d’un parti travailliste français et reconnaissait lui-même qu’il préférait être " à l’aile droite de la gauche plutôt qu’à l’aile gauche de la droite ". Il se montra sévère à l’égard de Valéry Giscard d’Estaing qu’il accusait d’être peu sérieux et souvent incohérent, de même qu’avec ses Premiers ministres : Jacques Chirac et Raymond Barre.

Il appela par deux fois à voter François Mitterrand, en 1974 et 1981. C’est dans le journal " Le Monde " qu’il écrivait régulièrement ses critiques, ses invectives et ses avertissements mais aussi ses conseils et ses espoirs.

Son exigence d’honnêteté et de rigueur, son intransigeance, son rôle de moraliste lui valurent de nombreuses inimitiés. On lui reprocha aussi une conception plus nationale que locale de sa fonction sénatoriale. Peut-être cette conception lui fit-elle perdre son siège au Sénat en 1981. Il retrouve néanmoins une fonction prestigieuse en 1983 lorsque il est nommé membre du Conseil constitutionnel par Louis Mermaz, président de l’Assemblée nationale. Pendant les quatre ans qu’il passe au Palais-Royal, jusqu’à sa mort en 1987, il s’est souvent montré le défenseur " puriste " de la Constitution et de son interprétation. Dans cette attitude, il se souvenait de sa participation en août 1958 aux travaux du comité consultatif constitutionnel présidé par Paul Reynaud.

Pierre Marcilhacy se plaisait à dire qu’il avait une triple expérience : celle du législateur grâce à son mandat de sénateur, celle du " ministère " grâce à son mandat de conseiller général (il voulait parler du rôle social et du rôle d’intermédiaire entre l’administré et l’administration que joue un élu local) et celle de l’avocat. Dans ces trois fonctions, il a constamment défendu l’homme face aux pouvoirs. Ainsi, en 1972, dans la Revue politique et parlementaire, il écrivait : " Il y a longtemps que j’ai l’impression que la lutte du citoyen contre l’Etat est peut-être la grande question de notre époque ".

A côté de ses talents de polémiste et de chroniqueur, Pierre Marcilhacy était aussi écrivain. Outre des ouvrages de réflexion politique, il a écrit deux romans, sous le pseudonyme de Debassac, " La musique de la Tante Aurèle " et " Le lion et la demoiselle " et un conte philosophique " Arrêtez la machine ". Dans ce conte qui se passe en l’an 2030, on découvre un monde mécanique et déshumanisé où seule une machine ambulante dont on a perdu le contrôle apporte un peu de drôlerie.