Pendant longtemps, Gambetta se montre fermement opposé à l’instauration d’une deuxième chambre. Le discours qu’il prononce à l’Assemblée nationale au mois de mars 1873 témoigne de la vigueur de cette opposition.

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"Ce que la France réclame, ce n’est pas deux Chambres, c’est de savoir si on la mène à la République ou à la monarchie ! (…)

Pourquoi faire une seconde Chambre ? Vous consulterez un jour le pays, vous produirez les uns et les autres vos professions de foi, monarchiques ou républicaines. Vous consulterez le pays, et lorsque le pays aura répondu, lorsqu’il aura créé une Assemblée aussi souveraine que la vôtre, vous voulez que cette Assemblée puisse rencontrer devant elle une autre Assemblée, antérieure, supérieure, investie avant elle du droit de réviser ses décisions, de refaire ses lois, et peut-être, car on va encore plus loin, du droit de la dissoudre.

C’est à dire que ce que vous ne consentiriez jamais à faire, vous le décidez par avance pour des élus que vous ne connaissez pas, dont vous ferez peut-être partie. Contre qui prenez-vous vos précautions ? contre la France ! contre la démocratie, contre le suffrage universel !

Eh bien, je le dis hautement, il peut y avoir dans cette enceinte des gens qui agissent conformément à leurs traditions, en préparant une seconde chambre, en voulant mutiler le suffrage universel. Ceux-là, héritiers ou représentants d’un passé qui a la haine, l’horreur de la démocratie, ils sont conséquents avec eux-mêmes.

Mais il en est, au contraire, qui ne sont rien que par le peuple ou pour le peuple… qui sortent du suffrage universel, qui doivent le défendre, parce qu’on ne comprend pas la démocratie, parce qu’on ne comprend pas la République sans le suffrage universel : ce sont deux termes indivisiblement liés l’un à l’autre, et livrer le suffrage universel, c’est livrer la République.

J’ai bien le droit de dire que convier les républicains à pareille entreprise et à une pareille œuvre, ce n’est certainement pas préparer la paix politique ni la paix sociale : c’est courir au devant des catastrophes. "

Puis, sentant que les républicains progressent dans l’ensemble du pays - on fait des pointages précis dans les bureaux de son journal " La République française " -, Gambetta se rallie à l’idée d’une deuxième chambre, persuadé qu’elle ne pourra que consolider la République. Gambetta s’efforce alors de conquérir les ruraux et les classes moyennes. Le discours qu’il prononce sur les lois constitutionnelles, à Belleville le 23 avril 1875, en fournit un brillant témoignage. Il constitue l’une des meilleures défenses du Sénat républicain et de son lien avec le monde rural et la démocratie communale. C’est ce jour-là que Gambetta invente la formule, qui fera date, du Sénat "Grand Conseil des communes françaises".