La mission de contrôle du Sénat s’exerce aussi en matière européenne.

Sa commission des affaires européennes est particulièrement chargée de cette mission à l’égard de l’action européenne menée par l’exécutif et, plus largement, à l’égard des politiques et institutions de l’Union européenne, en lien avec les commissions permanentes du Sénat. Le Sénat coopère également avec les autres parlements de l’Union européenne, contribuant ainsi au contrôle démocratique de celle-ci.

Par ailleurs, le Sénat désigne plusieurs de ses membres pour siéger au sein des assemblées parlementaires d’autres organisations de dimension européenne distinctes de l’Union européenne dont la France est aussi membre : le Conseil de l’Europe et l’Organisation sur la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Contrôle de l'action européenne de l'exécutif

Le Sénat contrôle l’action européenne de l’exécutif au sein des institutions européennes : d’une part, celle menée par le Président de la République au Conseil européen qui réunit les chefs d’État ou de gouvernement des États membres; d’autre part, celle menée par le Gouvernement au Conseil de l’Union européenne qui réunit les ministres des États membres en différents formations selon le sujet traité.

Ainsi, chaque réunion ordinaire du Conseil européen est précédée au Sénat d’un débat en séance plénière, en présence du ministre en charge des affaires européennes. Ce dernier rend ensuite compte de la réunion devant la commission des affaires européennes.

L’action du Gouvernement au Conseil donne lieu, pour sa part, à un suivi régulier de la commission des affaires européennes qui peut à cet effet auditionner des ministres, ainsi que le Représentant de la France auprès de l’Union européenne, qui siège au sein du Comité des représentants permanents des gouvernements des États membres de l’Union européenne (COREPER), l’instance chargée de préparer les travaux et décisions au sein du Conseil.

Le Sénat peut aussi adopter des résolutions européennes pour prendre position sur des projets d’acte législatif européen : il s’agit d’un instrument essentiel au service de la dimension européenne du contrôle sénatorial puisque les résolutions indiquent au Gouvernement l’orientation politique que le Sénat souhaite voir défendue dans la négociation au Conseil sur ces projets, avant qu’ils ne deviennent définitivement directives, règlements ou décisions de l’Union européenne.

Tout sénateur peut déposer une proposition de résolution européenne qui est alors soumise à l’examen de la commission des affaires européennes puis renvoyée à la commission permanente compétente au fond : si celle-ci ne statue pas dans le mois qui suit, le texte élaboré par la commission des affaires européennes est considéré comme adopté. Cette proposition de résolution peut également faire l’objet d’un examen en séance plénière. La commission des affaires européennes peut aussi prendre d’elle-même l’initiative d’une résolution européenne, qui obéit ensuite à la même procédure (renvoi à la commission permanente, possible examen en séance plénière à la demande du Président du Sénat, d'un président de groupe ou de commission, ou du Gouvernement).

La commission des affaires européennes publie annuellement un rapport d’information sur le suivi des positions européennes du Sénat. En règle générale, le Sénat adopte en moyenne une quinzaine de résolutions européennes par an. Les suites données aux résolutions européennes varient selon la nature du texte sur lequel elles portent, selon la valorisation qu’en fait le Gouvernement au Conseil et selon les positions des autres États membres dans les négociations au Conseil. Dans la très grande majorité des cas, les résolutions européennes du Sénat sont prises en compte, en tout ou partie.

Enfin, la commission des affaires européennes contrôle également la transposition du droit européen en droit national quand le Gouvernement y procède par le biais de projets de loi. L’examen des projets ou propositions de loi de transposition ressort des commissions permanentes, mais la commission des affaires européennes peut, en complément, formuler des observations dans le but d’alerter le Sénat sur les sur-transpositions qu’envisage le Gouvernement : ses observations prennent la forme d’un rapport qui rappelle les dispositions du texte européen, décrit les marges de manœuvre que celui-ci ouvre, analyse les mesures de transposition, identifie les sur-transpositions proposées et vérifie qu’elles sont effectivement justifiées par le Gouvernement, l’appréciation au fond de l’opportunité de la sur-transposition identifiée restant du ressort de la commission permanente.

Contrôle et suivi des politiques et institutions de l’Union européenne

1 - Contrôle de subsidiarité

En vertu du traité sur l’Union européenne (article 5), le Sénat, au même titre que les autres chambres des parlements nationaux de l’Union européenne, veille au respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité qui régissent l’exercice des compétences attribuées à l’Union européenne : il lui revient donc de vérifier que l’Union européenne reste bien dans son rôle, qu’elle intervient à bon escient – ie. quand une action européenne présente une valeur ajoutée par rapport à une action au niveau national- et qu’elle évite l’excès de réglementation.

S’il estime qu’une proposition de législation européenne ne respecte pas le principe de subsidiarité, le Sénat peut adopter un avis motivé dans lequel il indique les raisons pour lesquelles la proposition ne lui paraît pas conforme. Le délai pour adopter un avis motivé est fixé par les traités à huit semaines à compter de la date à laquelle le Sénat a été saisi du texte.

À cette fin, le Sénat reçoit directement de la Commission européenne –et, exceptionnellement, du Parlement européen- les projets d’actes législatifs européens. Un groupe de travail, présidé par le président de la commission des affaires européennes et comprenant un représentant de chaque groupe politique au sein de la commission des affaires européennes, effectue un examen systématique de ces textes au regard du principe de subsidiarité. La commission des affaires européennes peut adopter une proposition de résolution portant avis motivé de sa propre initiative. Tout sénateur peut aussi déposer une proposition de résolution portant avis motivé.

L’adoption définitive, par le Sénat, d’une résolution portant avis motivé obéit aux mêmes règles procédurales que l’adoption des résolutions européennes, sauf que la proposition d’avis motivé est implicitement adoptée par la commission compétente au fond sans intervention de celle-ci dans les huit semaines suivant la réception en langue française, par le Sénat, du projet d'acte législatif visé, au lieu d’un mois suivant la transmission de la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes au titre de l’article 88-4 de la Constitution. À tout moment de la procédure, un président de groupe peut demander l’examen de la proposition de résolution en séance plénière. L’avis motivé est transmis aux institutions européennes (Commission européenne, Conseil de l’Union européenne, Parlement européen).

Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne qui a consacré le contrôle du principe de subsidiarité par les parlements nationaux, le Sénat se distingue comme une assemblée particulièrement active en la matière parmi les assemblées parlementaires de l’Union européenne.

Outre ce contrôle en amont sur les projets d’actes législatifs européens, le Sénat peut exercer un contrôle en aval sur la conformité d’un acte législatif européen au principe de subsidiarité, en décidant de former un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) contre cet acte pour violation du principe de subsidiarité, dans un délai de huit semaines à compter de la publication de l’acte. La procédure d’adoption d’une telle résolution, qui peut être initiée par au moins 60 sénateurs, est identique à celle applicable pour le contrôle en amont du principe de subsidiarité, à une réserve près : ce type de résolution visant à former un recours en annulation contre un acte législatif européen est transmis au Gouvernement aux fins de saisine de la CJUE.

2 - Dialogue politique avec la Commission européenne

Initialement centré sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, un dialogue direct a été instauré par la Commission européenne avec les parlements nationaux. Ce dialogue politique porte sur l’opportunité des documents adressés aux parlements nationaux.

La commission des affaires européennes peut ainsi adopter des « avis politiques », dans un délai de deux mois suivant la transmission de ces documents. La Commission européenne doit en principe y répondre dans les trois mois. En ce domaine également, le Sénat figure parmi les assemblées parlementaires de l’Union européenne les plus actives.

3 - Auditions de personnalités européennes

La commission des affaires européennes dialogue directement (à Bruxelles, Strasbourg, Paris ou en visioconférence) avec les commissaires européens et d’autres personnalités de l’Union européenne.  

Ces auditions sont l’occasion de connaître les priorités européennes dans un domaine d’action particulier et d’avoir un échange de vues sur la législation européenne en vigueur ou en préparation. Elles peuvent être organisées en commun avec la commission permanente compétente au fond et être ouvertes à l’ensemble des sénateurs.

4 - Rapports d'information sur les politiques européennes

Conformément à sa mission, la commission des affaires européennes assure l’information du Sénat sur les questions européennes. À cette fin, elle désigne des rapporteurs pour suivre le développement des diverses politiques européennes, les évaluer et les contrôler et, sur ce fondement, établir des rapports d’information soumis à la commission pour adoption.

5 - Représentation du Sénat auprès des institutions européennes

Le Sénat dispose d’une représentation auprès des institutions européennes, établie à Bruxelles. Le fonctionnaire assurant cette représentation facilite les contacts du Sénat avec les institutions européennes et participe au réseau des représentants des parlements nationaux de l’UE, que les institutions européennes tiennent régulièrement informés de leurs activités et initiatives.

Coopération avec les autres parlements de l’Union européenne

Le Sénat coopère également avec les autres parlements de l’Union européenne, contribuant ainsi au contrôle démocratique de celle-ci.

Il participe ainsi à la Conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC), fondée en 1989 à Paris. La COSAC est un forum de discussion parlementaire, permettant des échanges réguliers entre les commissions parlementaires nationales traitant des affaires européennes et le Parlement européen sur les grands sujets européens. Elle peut adopter des contributions, qui sont adressées au Parlement européen, à la présidence du Conseil et à la Commission. Si ces contributions sont des textes sans portée juridique obligatoire qui ne lient pas les parlements nationaux, elles présentent le grand intérêt de représenter le point de vue des commissions des affaires européennes sur les sujets liés à l’actualité européenne et l’évolution nécessaire de l’Union.

L’existence de la COSAC a été consacrée par le traité d’Amsterdam en 1997, dans le protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne annexé au Traité sur l’Union européenne (TUE), avant que le traité de Lisbonne de 2007 ne reconnaisse la contribution des Parlements nationaux « au bon fonctionnement de l’Union » en mentionnant directement ce rôle pour la première fois dans le corps même du traité (article 12 du TUE). Au moins deux conférences de la COSAC sont organisées chaque semestre : la réunion des présidents des commissions des affaires européennes et la réunion plénière de la COSAC, composée de 6 parlementaires par État membre et de 6 députés européens (auxquels s’ajoutent 3 observateurs par pays candidat).

En outre, des sénateurs participent aux réunions interparlementaires organisées conjointement, chaque semestre, par le Parlement européen et le parlement du pays exerçant la présidence du Conseil de l’Union : la Conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance ; les conférences interparlementaires sur la politique étrangère et de sécurité commune et sur la politique de sécurité et de défense commune ; ainsi que le groupe de contrôle parlementaire conjoint d'Europol.

Des membres de la commission des affaires européennes participent également à d’autres réunions des commissions du Parlement européen ouvertes aux parlementaires nationaux, en fonction des thèmes abordés, ainsi qu’aux réunions parlementaires organisées par le Parlement de l’État présidant le Conseil de l’Union.

Enfin, les sénateurs désignés rapporteurs sur un sujet européen ont des échanges fréquents avec les députés européens suivant le même dossier. Des rencontres réunissant sénateurs et députés, membres des commissions des affaires européennes et les eurodéputés français sont aussi organisées afin d’échanger entre parlementaires français sur les sujets d’actualité européens les plus importants.

La commission des affaires européennes développe également, sur le plan bilatéral, des échanges réguliers avec les commissions des parlements des autres États membres.

Les délégations sénatoriales aux assemblées parlementaires du Conseil de l’Europe et de l’OSCE

Le Sénat désigne plusieurs de ses membres pour siéger au sein des assemblées parlementaires d’autres organisations de dimension européenne distinctes de l’Union européenne dont la France est aussi membre : le Conseil de l’Europe et l’Organisation sur la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Ces assemblées rassemblent des parlementaires de chaque État partie à ces organisations, dont l’organe décisionnel (le Comité des ministres, s’agissant du Conseil de l’Europe, et le Conseil ministériel, s’agissant de l’OSCE) réunit les ministres de ces États.