Réunion de la commission des affaires européennes du mardi 31 mars 2009


Table des matières

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Politique de coopération

Situation de l'Union pour la Méditerranée

Communication de M. Robert del Picchia

Le 8 juillet dernier, je vous avais présenté une communication sur le projet d'Union pour la Méditerranée (UPM) quelques jours avant le Sommet de Paris. Il m'a semblé utile de faire le point et de vous exposer les évolutions qu'a connues l'UPM depuis lors.

Le Sommet de Paris, qui s'est tenu le 13 juillet 2008, a réuni 43 chefs d'État et de gouvernement sous la verrière du Grand Palais. Le succès diplomatique fut indéniable puisque les 27 États membres de l'Union européenne étaient représentés, ainsi que les dix partenaires du processus de Barcelone (Algérie, Autorité palestinienne, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie, Tunisie et Turquie), rejoints par six nouveaux États (Albanie et Mauritanie, qui ont rejoint le processus de Barcelone en novembre 2007, ainsi que Bosnie-Herzégovine, Croatie, Monaco et Monténégro, admis à cette occasion). Si la présence à Paris du président syrien a été largement commentée, le leader libyen, quant à lui, avait décidé de ne pas participer à cette réunion (la Libye est invitée par la Présidence depuis la réunion ministérielle Euromed de Stuttgart, en 1999). Étaient également absents le roi du Maroc et les Premiers ministres belge et tchèque. Le Sommet a donné l'occasion au président syrien et au Premier ministre israélien de s'asseoir pour la première fois à une même table, même si aucune « photo de famille » ne fut prise. Des réunions bilatérales sensibles ont également eu lieu à Paris, en particulier entre la Syrie et le Liban, qui ont décidé d'instaurer des relations diplomatiques, ainsi que, sous l'égide de la Turquie, entre la Syrie et Israël.

Le Sommet a donné lieu à l'adoption d'une déclaration commune instituant « le processus de Barcelone : une Union pour la Méditerranée ». Il s'agit d'« insuffler un élan nouveau et durable » au processus engagé en 1995. L'objectif consiste « à renforcer les relations multilatérales, à accroître le partage de la responsabilité du processus, à fonder la gouvernance sur l'égalité de toutes les parties et à traduire le processus en projets concrets [...] davantage visibles pour les citoyens ».

Ce dernier point est essentiel, les promoteurs de l'UPM ayant cherché à renouer avec les « solidarités de fait » chères à Robert Schuman et Jean Monnet. À cet égard, six « initiatives clés » ont été retenues, dont la liste est annexée à la déclaration de Paris : la dépollution de la Méditerranée, les autoroutes de la mer et autoroutes terrestres, la protection civile, le plan solaire méditerranéen, l'université euro-méditerranéenne et l'initiative méditerranéenne de développement des entreprises, centrée sur les PME.

L'UPM est également dotée d'institutions : un sommet tous les deux ans ; une coprésidence partagée entre l'Union européenne et un pays partenaire ; un secrétariat, chargé de l'identification, du suivi et de la promotion des projets ainsi que de la recherche de partenaires ; un comité permanent conjoint, basé à Bruxelles, chargé de préparer les réunions des hauts fonctionnaires et d'en assurer le suivi. À Paris, il fut décidé que la coprésidence serait assurée, pour l'Union européenne, par la France et, pour la composante Sud, par l'Égypte. De nombreuses questions d'ordre institutionnel, en particulier le fonctionnement de la coprésidence, la composition, le siège et le financement du secrétariat, ont été renvoyées à une réunion ultérieure des ministres des affaires étrangères. Enfin, la disposition relative au financement est extrêmement vague, la déclaration indiquant que les projets devront bénéficier de « moyens de financement supplémentaires » et évoquant, outre le budget communautaire, la participation du secteur privé et des institutions financières internationales. Au total, la déclaration de Paris, pour l'essentiel, a posé des grands principes et renvoyé de nombreuses questions à plus tard.

De son côté, la France a mis en place ses propres structures administratives. Un décret de novembre 2008 a créé une mission interministérielle de l'UPM, dont le chef est Henri Guaino, conseiller spécial du Président de la République, assisté par l'ambassadeur en charge de l'UPM, Serge Telle. Le mois suivant, a été institué par décret un Conseil culturel de l'UPM, présidé par notre collègue député Renaud Muselier.

La courte existence de l'UPM a été marquée par des difficultés de natures différentes, mais souvent liées au conflit israélo-palestinien. Ces difficultés ont d'abord été d'ordre institutionnel. La première d'entre elles a tenu au statut à accorder à la Ligue arabe, qui, jusqu'à présent, était observateur dans le processus de Barcelone. Israël a contesté que la Ligue arabe, invitée par la coprésidence à la première réunion du comité permanent conjoint, puisse participer à d'autres réunions que les ministérielles, tandis que les pays arabes faisaient de sa présence une question de principe. Cette querelle a provoqué l'annulation de plusieurs réunions, y compris une ministérielle sur l'eau prévue en Jordanie.

Un autre problème institutionnel tenait à la localisation du secrétariat de l'UPM, que la déclaration de Paris n'avait pas tranchée. Plusieurs pays ont posé leur candidature pour accueillir le siège du secrétariat : la Tunisie, le Maroc, l'Espagne et Malte, La Valette étant déjà le siège du secrétariat de l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM). La candidature de la ville de Marseille a également été évoquée. Alors que Tunis était très attaché à héberger le secrétariat, sa candidature n'a été que mollement soutenue par les pays arabes, peu enclins à accepter des réunions auxquelles participerait Israël sur la rive Sud, si bien que le gouvernement tunisien a préféré renoncer.

Par ailleurs, le fonctionnement de la coprésidence a également suscité de nombreux débats, mais essentiellement du côté européen cette fois-ci. Alors que, pour la composante Sud, la coprésidence assurée par l'Égypte pour deux ans ne pose guère de problème de principe, la déclaration de Paris est peu claire en ce qui concerne l'Union européenne puisqu'elle indique à ce titre que la coprésidence « devra [...] être compatible avec la représentation extérieure de l'Union européenne conformément aux dispositions du traité qui sont en vigueur ». Or, cette exigence, qui laisse entendre que la France devra céder sa place à l'issue de sa présidence de l'Union européenne, doit être conciliée avec la nécessité d'assurer une certaine continuité dans la coprésidence européenne, en particulier dans un contexte de mise en place de l'UPM. Un accord avec les présidences de l'Union européenne suivantes doit donc être trouvé. À la fin du mois d'octobre dernier, une rencontre entre le Président français et le Premier ministre tchèque a permis de finaliser un accord sur le fonctionnement de la coprésidence européenne, qui laisse de facto une très large place à notre pays à l'issue de sa présidence de l'Union européenne.

La réunion des ministres des affaires étrangères évoquée par la déclaration de Paris, mais d'ores et déjà prévue dans le cadre du processus de Barcelone, s'est tenue à Marseille les 3 et 4 novembre 2008. Elle avait en particulier pour objectif de régler ces différentes questions institutionnelles. La réunion s'est déroulée dans un climat de grande confusion et n'est pas passée loin de l'échec. La déclaration finale adoptée à cette occasion, à l'issue d'une négociation laborieuse, est extrêmement longue, les pays arabes ayant déposé de multiples amendements. Les décisions prises à Marseille reflètent de nombreux compromis et concessions réciproques :

- la Ligue arabe a finalement obtenu un statut d'observateur dans toutes les réunions à tous les niveaux ;

- le siège du secrétariat a été attribué à la ville de Barcelone, là où le processus euro-méditerranéen avait été lancé en 1995 ;

- en contrepartie, le secrétaire général de l'UPM devra être un ressortissant d'un État de la composante Sud ;

- cinq postes de secrétaires généraux adjoints seront créés et attribués, pour le premier mandat, à Israël, à l'Autorité palestinienne, à Malte et à la Grèce, l'Italie ayant obtenu un poste à la dernière minute ;

- l'accord franco-tchèque sur le fonctionnement de la coprésidence européenne, conclu quelques jours plus tôt, a été entériné.

On notera que le terme « processus de Barcelone : une Union pour la Méditerranée » est abandonné au profit d'« Union pour la Méditerranée », concession faite à la France par l'Espagne qui venait d'obtenir le siège du secrétariat. En ce qui concerne le conflit au Proche-Orient, la déclaration mentionne l'initiative de paix arabe, présentée par l'Arabie saoudite en 2002. Enfin, la déclaration finale dresse un programme de travail pour 2009, comporte des développements sur d'autres domaines de coopération et présente l'état d'avancement des projets retenus à Paris.

Plusieurs questions sont toutefois restées en suspens après Marseille, en particulier celles du mandat et des statuts du secrétariat, qui, en principe, auraient dû être adoptés au cours du premier semestre 2009 sur la base d'une proposition du groupe de rédaction créé à cet effet, et de la nomination du secrétaire général et de ses adjoints. La Jordanie est le principal candidat au poste de secrétaire général.

Surtout, l'UPM a directement souffert des conséquences de l'opération militaire israélienne dans la bande de Gaza, fin 2008 et début 2009. La coprésidence égyptienne, par ailleurs critiquée par les pays arabes pour son indulgence supposée envers Israël, a proposé de suspendre toutes les activités de l'UPM. Cette décision a entraîné l'annulation et le report de plusieurs réunions, y compris au niveau ministériel, à tel point que l'UPM apparaît bloquée. Il est fort probable que ses activités ne reprendront pas avant le sommet de la Ligue arabe à Doha, qui se tient en ce moment même. De surcroît, et sans que cette information ait été confirmée, la réunion des ambassadeurs des 43 États membres de l'UPM, prévue le 7 avril, qui devait marquer la reprise des travaux, pourrait être reportée à la fin de ce mois, à la demande de l'Égypte. La coprésidence française se montre rassurante en indiquant que les travaux se poursuivent en interne, mais il n'en demeure pas moins que la rédaction des statuts du secrétariat, par exemple, prend du retard.

Cette question est plus importante qu'il n'y paraît car des problèmes institutionnels continuent de se poser. Le secrétariat ne sera probablement pas opérationnel avant la fin de l'année. Son rôle sera important puisqu'il doit sélectionner les projets. Mais la question de son financement promet bien des négociations ardues. Si la Commission européenne a indiqué qu'elle prendrait en charge ses dépenses jusqu'à hauteur de 50 %, plusieurs États membres ont d'ores et déjà prévenu qu'ils refuseraient un budget trop élevé - d'aucuns estiment que le budget communautaire aurait à supporter environ 40 millions d'euros à ce titre.

Par ailleurs, la question de l'exercice de la coprésidence par notre pays continue de se poser après la fin de la présidence tchèque de l'Union européenne, au second semestre 2009. En effet, la Suède a d'ores et déjà fait savoir que l'accord franco-tchèque ne constituait pas un précédent à ses yeux et a même indiqué ne pas vouloir connaître « l'humiliation » vécue par la République tchèque en la matière. Elle n'entend pas renoncer à ses prérogatives de coprésidence et souhaite s'impliquer pleinement dans l'identification et la mise en oeuvre des projets. Il est vrai que la situation actuelle est ambiguë : c'est la France qui négocie directement avec la Commission en ce qui concerne les projets, mais c'est la présidence tchèque qui doit introduire auprès d'elle les demandes de financement.

Le paysage institutionnel de l'UPM, complexe en soi, est rendu encore plus difficile par la revendication de la Turquie d'obtenir un poste de secrétaire général adjoint, en dehors de l'accord retenu dans la déclaration finale de Marseille qui ne mentionne que cinq postes de secrétaires généraux adjoints. La Turquie souffre en effet de ne pas trouver sa place dans l'UPM. On sait qu'elle a longtemps été hostile à ce projet, craignant qu'il ne soit utilisé comme alternative à son adhésion à l'Union européenne. Or, elle reproche à la coprésidence égyptienne de ne traiter qu'avec et pour les États arabes et ne pas accorder d'intérêt aux États non arabes non membres de l'Union européenne. En outre, elle est très hostile à la déclaration interprétative de la coprésidence figurant au bas de la déclaration finale de Marseille, selon laquelle « l'invocation par un État de ses intérêts légitimes pour s'opposer à la mise en oeuvre d'un projet devra être appréciée par l'ensemble des États de l'UPM », qu'elle considère comme dirigée contre elle. Elle réclame donc des responsabilités dans les institutions de l'UPM, et, en contrepartie, n'évoque plus la participation de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) comme observateur. Naturellement, Chypre, soutenu par la Grèce, refuse d'accorder ce sixième secrétaire général adjoint à la Turquie au nom du respect des engagements. Ces querelles donnent l'occasion à certains, à l'Algérie en particulier, de dénoncer un secrétariat plus politique que technique, avant même qu'il ne fonctionne.

Je terminerai sur les projets, qui constituent sans doute le volet à la fois le plus original et le plus ambitieux de l'UPM. Je l'ai dit, de nombreuses conférences ministérielles prévues pour lancer des projets - développement durable, enseignement supérieur et recherche, énergie... - ont été reportées en raison des événements à Gaza. Pour autant, les travaux continuent au sein des institutions communautaires et plusieurs missions sectorielles françaises ont effectué des déplacements à Bruxelles, au risque, éventuellement, de donner l'impression d'une absence de coordination au sein de l'administration de notre pays.

Le financement des projets est d'ailleurs abordé de manière paradoxale. Alors que de nombreux États membres rappellent régulièrement le rôle central de l'Union européenne et des procédures communautaires sur tous les sujets liés à l'UPM, la Commission se montre extrêmement prudente quant à la disponibilité des crédits communautaires pour financer les projets. Or, il me semble que la clef du succès de l'UPM résidera dans la capacité à obtenir des fonds du secteur privé et à établir des partenariats public/privé. C'est là que se trouvera la véritable valeur ajoutée de l'UPM par rapport au processus de Barcelone.

Compte rendu sommaire du débat

M. Hubert Haenel :

L'intervention de notre collègue me laisse penser que l'Union pour la Méditerranée est confrontée à de nombreux problèmes institutionnels qui ne sont pas de bon augure pour son avenir.

M. Jean-Claude Peyronnet :

Je ne suis pas étonné que les choses se passent ainsi. L'UPM est en effet confrontée aux effets pervers de la démarche globale retenue par ses concepteurs, qui conduit à subir les conséquences des nombreux conflits de la région. Je pense qu'il y avait d'autres solutions pour promouvoir des projets de développement de la Méditerranée, qui passent par des actions avec un nombre plus réduit de pays, ceux du Maghreb par exemple. Ce cadre aurait sans doute été moins spectaculaire mais plus efficace. Je ne suis donc guère optimiste sur l'avenir d'une initiative intéressante par ailleurs.

M. Michel Cointat :

Je reste quant à moi plutôt optimiste, car le fait que les pays de la région se rencontrent et discutent entre eux est une bonne chose en soi. En revanche, je suis relativement inquiet quant aux valeurs portées par certains des partenaires de l'UPM, plusieurs participants de l'actuel Sommet de la Ligue arabe à Doha ayant fait bon accueil au président soudanais, qui fait pourtant l'objet d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), ou ayant condamné les résultats du récent référendum à Mayotte.

Mme Annie David :

J'estime que les droits humains doivent être respectés dans l'ensemble des pays partenaires de l'UPM et je constate qu'Israël ne respecte pas toutes les résolutions de l'ONU.

M. Simon Sutour :

L'idée de faire travailler ensemble les États de la région est une bonne idée, tant il apparaît nécessaire de réduire le fossé qui sépare les deux rives de la Méditerranée. Je regrette en revanche que le Parlement français n'ait pas été davantage associé à la mise en place de l'UPM, qui a été cantonnée au pouvoir exécutif. Je m'interroge sur le caractère démocratique du régime politique de certains des partenaires de cette Union et je remarque que les dirigeants d'Israël sont, eux, élus démocratiquement. J'estime que la coopération doit être renforcée avec les pays du Maghreb. Certains problèmes auxquels nous sommes confrontés, par exemple l'immigration, ne seront réglés qu'avec le développement de ces pays. La crise économique actuelle ne doit pas conduire à réduire nos relations avec eux.

Mme Bernadette Bourzai :

Il était indispensable de relancer le processus de Barcelone qui était à bout de souffle. Il me semble nécessaire de résoudre les difficultés de la région méditerranéenne grâce à une politique de coopération multiforme dans des domaines tels que l'environnement, l'agriculture ou encore l'eau. Les pays d'Europe centrale et orientale n'ont pas forcément bien vécu les modalités de la création de l'UPM, ce qui explique sans doute des initiatives telles que le Partenariat oriental. Enfin, je considère que la France aurait tort de s'entêter sur la question de la coprésidence de l'UPM et qu'elle devrait respecter les dispositions communautaires en matière de représentation extérieure, la Suède étant tout à fait légitime à succéder à la France au deuxième semestre 2009.

Mme Monique Papon :

L'UPM peut servir d'exemple pour mettre en place d'autres cadres de coopération régionale, tels que l'Union baltique.

M. Michel Billout :

L'évolution de l'UPM pose le problème de la capacité de l'Union européenne à se doter d'une politique extérieure. Plusieurs initiatives existent en la matière, par exemple la dimension septentrionale ou le Partenariat oriental. De même l'Union européenne est-elle confrontée à la perspective d'adhésion des pays des Balkans occidentaux. Il me semble que la coprésidence française n'est pas une question essentielle. Sans doute notre pays pourrait-il plutôt inciter à développer des projets avec les pays du Maghreb ou s'impliquer davantage dans le règlement du conflit israélo-palestinien. Enfin, je voudrais souligner que le Hamas a, lui aussi, été démocratiquement élu.

M. Robert del Picchia :

En ce qui concerne le président soudanais, je rappelle que l'Égypte, qui assure la coprésidence de l'UPM pour la composante Sud, ne reconnaît pas la juridiction de la Cour pénale internationale, de même d'ailleurs que les États-Unis. Les parlementaires qui siègent à l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM) suivent les développements de l'UPM, et le ministre français des affaires étrangères a récemment indiqué que cette Assemblée pourrait devenir observateur dans les instances exécutives de l'UPM.

L'immigration est un problème auquel sont également confrontés certains pays du sud de la Méditerranée, qui constituent des pays de transit pour les immigrés en provenance d'Afrique noire. L'UPM étant centrée sur la réalisation de projets concrets, il convient d'attendre leur mise en oeuvre pour en mesurer les résultats.

Quant à la coprésidence pour la rive Nord, je rappelle que les Tchèques ne souhaitaient par l'exercer et étaient d'accord pour la laisser à la France. De surcroît, il me semble nécessaire d'assurer une certaine stabilité institutionnelle à l'UPM, en particulier au cours de sa période de mise en place. Je constate que les cadres de coopération régionale dans l'Union européenne existaient avant la création de l'UPM.

Le processus de Barcelone était précisément bloqué par les nombreux problèmes politiques existant dans la région, et l'UPM cherche justement à en sortir grâce à des projets concrets. Ceux-ci seront développés sur la base de coopérations renforcées. Enfin, l'UPM ne constituera pas un obstacle à des relations bilatérales.

Politique de coopération

5e session plénière de l'Assemblée parlementaire
euro-méditerranéenne (16-17 mars 2009)

Communication de M. Robert del Picchia

L'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne (APEM), qui comprend des parlementaires des 27 États membres de l'Union européenne et des dix partenaires méditerranéens, s'est réunie à Bruxelles, pour sa 5e session plénière, les 16 et 17 mars derniers, après Athènes en 2008. Je rappelle que l'APEM avait tenu une session plénière extraordinaire en Jordanie, sur les bords de la Mer morte, les 12 et 13 octobre 2008.

1. Le contexte

Cette 5e session intervenait dans un contexte marqué par le développement de l'initiative française de l'UPM. La déclaration commune adoptée lors du Sommet de Paris du 13 juillet 2008 indique que l'APEM « sera l'expression parlementaire légitime [de l'UPM]. Les chefs d'État ou de gouvernement soutiennent sans réserve le renforcement du rôle de l'APEM dans ses relations avec les partenaires méditerranéens ». Quant à la déclaration finale adoptée à l'issue de la conférence euro-méditerranéenne des ministres des affaires étrangères de Marseille, les 3 et 4 novembre suivants, elle précise que « les ministres estiment que l'APEM renforce la légitimité démocratique du partenariat. [...] [L'UPM] doit avoir une dimension parlementaire forte. Par conséquent, les ministres soulignent que la position de l'APEM devrait être encore renforcée et ses travaux mieux coordonnés avec ceux des autres institutions du partenariat ».

L'APEM comptant des parlementaires palestiniens et israéliens parmi ses membres, le conflit au Proche-Orient focalise généralement les débats. La récente opération militaire israélienne dans la bande de Gaza a conduit les pays arabes et la Turquie à suspendre leur participation aux activités de l'UPM. En ce qui concerne l'Assemblée, cette décision a été notifiée par une lettre du vice-président jordanien de l'APEM. La réunion du Bureau de cette dernière, le 29 janvier dernier, démontre toutefois une certaine continuité des travaux au niveau parlementaire. Les pays de la composante Sud sont néanmoins, comme souvent, divisés. La Turquie a ainsi participé à une réunion du groupe de travail sur le règlement et le financement, tenue en janvier. Par ailleurs, dès le 9 février, le vice-président jordanien de l'APEM a adressé une lettre indiquant que les travaux de l'Assemblée pouvaient reprendre, en contradiction avec la position défendue par la coprésidence égyptienne de l'UPM. Toujours est-il que, de façon étonnante compte tenu du contexte, les échanges ont été nettement moins vifs que par le passé.

2. Un ordre du jour largement focalisé sur le Proche-Orient et le fonctionnement de l'Assemblée

a) Les réunions de commissions

Avant la session plénière proprement dite, trois commissions de l'APEM - la commission politique, de la sécurité et des droits de l'Homme ; la commission des affaires économiques, financières, des affaires sociales et de l'éducation ; la commission de la promotion de la qualité de la vie, des échanges humains et de la culture - se sont réunies le dimanche 15 mars. La commission des droits de la femme et la commission ad hoc sur l'énergie et l'environnement, instituée l'année précédente à l'initiative de la Grèce, se sont réunies le lendemain matin. Ces cinq commissions ont examiné des projets de recommandations, soumises les jours suivants à la séance plénière.

Avant cela, l'Italie, qui siège au Bureau de l'APEM, aux côtés du Parlement européen, de la Jordanie et du Maroc, avait pris l'initiative d'une réunion de coordination des parlements nationaux de l'Union européenne. Il s'agissait pour elle de parvenir à un accord sur un certain nombre de modifications à apporter au Règlement de l'APEM, touchant à la composition de l'Assemblée et de ses commissions permanentes du fait de l'adhésion de nouveaux membres, mais aussi à son budget et à son secrétariat, questions en suspens depuis longtemps. Un consensus, excluant toutefois la Grèce, s'y est dessiné sur un secrétariat de taille réduite, regroupant quatre fonctionnaires rémunérés par leur État d'origine. En revanche, aucune position claire n'est apparue sur le budget, plusieurs délégations, en particulier la Suède et le Luxembourg, insistant sur le fait qu'elles n'avaient pas reçu de mandat des autorités de leur Parlement respectif pour engager les dépenses de celui-ci. L'Italie a présenté une série d'amendements visant à retirer l'ensemble des propositions de modifications du Règlement afférentes aux questions financières.

La commission politique, dont la présidence est assurée par le Parlement européen et dont je suis le vice-président, s'est ensuite réunie. Elle ne l'avait plus fait depuis le 11 octobre 2008 en Jordanie, les réunions prévues en janvier ayant été successivement « reportées », en lien avec le gel des activités de l'UPM. On notera l'absence du vice-président palestinien de la commission, présenté comme proche du Hamas, qui n'avait pas été autorisé par Israël à se rendre à Bruxelles.

L'intervention de Tsahal à Gaza a conduit à modifier l'ordre du jour initial de la réunion. La commission politique a donc entendu une communication de sa présidente sur le déplacement qu'a effectué une délégation de haut niveau de l'APEM au Caire, à Gaza, à Ramallah, à Jérusalem et à Amman, du 22 au 24 février derniers. Cette mission, décidée par le Bureau au cours de sa réunion du 29 janvier dernier, a donné l'occasion aux membres de la délégation de rencontrer, notamment, les plus hautes autorités israéliennes et le Premier ministre palestinien. Elle était consacrée à l'observation de la situation humanitaire, à l'évaluation des besoins et des conditions d'acheminement de l'aide à la population palestinienne, au coût de la reconstruction et à la contribution de la diplomatie parlementaire à la solution du conflit.

Les délégations se sont ensuite livrées à un large échange de vues sur la situation au Proche-Orient, devant servir de base à l'adoption d'un projet de recommandation à soumettre à la plénière. Pendant une suspension de séance d'environ 40 minutes, j'ai participé à la rédaction du projet de recommandation en essayant de rendre compte des points de vue exprimés. Puis j'ai présenté le texte aux membres de la commission, qui l'ont adopté avec quelques amendements. Le représentant de la Knesset, dont l'isolement était manifeste, a argué du caractère déséquilibré du projet de recommandation pour quitter la salle, après avoir indiqué qu'il démissionnait de son poste de vice-président de la commission et qu'il suggèrerait à son parlement de ne plus siéger à l'APEM.

La commission a tenu une seconde réunion le lendemain matin, en présence de Bernard Kouchner et Ahmed Aboul-Gheit, ministres français et égyptien des affaires étrangères, au nom de la coprésidence de l'UPM. Le ministre tchèque des affaires étrangères, Karel Schwarzenberg, pour la présidence du Conseil de l'Union européenne, bien qu'annoncé, n'a pas pu participer aux travaux de la commission. Les ministres ont évoqué la situation politique au Proche-Orient et l'état de l'UPM. Le ministre français a notamment indiqué que l'APEM avait logiquement vocation à devenir l'assemblée de l'UPM et qu'elle pourrait devenir observateur dans les instances exécutives de celle-ci.

Je souhaite indiquer qu'en marge de cette réunion, un conseiller du Président Pöttering, qui est aussi président de l'APEM, m'a fait savoir que celui-ci n'était pas satisfait du projet de recommandation adopté la veille, qu'il estimait trop unilatéral, et qu'il souhaitait absolument éviter le départ des Israéliens. Il a alors évoqué une solution consistant à ne pas tenir compte de ce texte et à le remplacer par une déclaration du Bureau sur le même sujet. J'ai vivement contesté ce scénario, faisant valoir que les délégations ne le jugeraient pas acceptable et que, de surcroît, le Bureau n'avait pas à se substituer à l'Assemblée plénière, seule habilitée à adopter des recommandations.

b) La séance plénière

La 5e session plénière a été ouverte, en l'absence du Président Pöttering, par Abdelhadi Majali, président de la Chambre des représentants de Jordanie et vice-président de l'APEM. La Syrie, le Liban et la Slovaquie n'étaient pas représentés. En revanche, pour la première fois, le Parlement britannique, qui ne participe traditionnellement pas aux travaux de l'APEM, avait envoyé un fonctionnaire pour « observer » la session.

La séance du lundi après-midi a été consacrée au thème « L'impact de la crise financière internationale sur l'Union pour la Méditerranée ». Elle a donné lieu à des allocutions de Joaquin Almunia, commissaire européen en charge des affaires économiques et monétaires, et de Philippe de Fontaine Vive, vice-président de la Banque européenne d'investissement.

Le débat, dans lequel je suis intervenu, a été introduit par Abu El Enein, président égyptien de la commission des affaires économiques, financières, des affaires sociales et de l'éducation de l'APEM.

L'Assemblée a ensuite adopté les recommandations émanant de la commission de la culture et de la commission des affaires économiques. On notera que notre collègue député Jean-Claude Guibal était le co-rapporteur de la recommandation de la première de ces deux commissions.

L'Assemblée a ensuite abordé les propositions de modifications de son Règlement. Parmi celles-ci figuraient notamment la substitution de la dénomination « Union pour la Méditerranée » à celle relative au processus de Barcelone, la composition de l'Assemblée après l'adhésion de nouveaux membres, le budget et le secrétariat de l'Assemblée.

Ce point de l'ordre du jour a été l'occasion d'un débat extrêmement confus. Les délégations tunisienne et algérienne, en particulier, ont émis de fortes réserves quant au rattachement des nouvelles délégations albanaise, bosniaque, croate, monégasque et monténégrine à la composante Sud, qui obligerait à réduire le format des actuelles délégations méditerranéennes, dès lors que le nombre de 260 membres constitue un plafond à ne pas dépasser. D'autres délégations, appartenant à la composante Nord, ont quant à elles contesté les dispositions relatives au budget et au secrétariat.

Devant cette opposition tous azimuts, le Président Majali a décidé, de façon soudaine et inattendue, de retirer l'ensemble des propositions de modifications du Règlement, après avoir expliqué pourquoi il était important de les adopter !

Cette décision a pour effet de reporter une fois encore la question du budget et du secrétariat de l'APEM, et donc de freiner son activité, alors même que l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM) fonctionne depuis plusieurs années. Elle porte atteinte, selon moi, à sa crédibilité. De surcroît, elle a empêché d'approuver formellement l'adhésion de l'Albanie, de la Mauritanie et de Monaco, alors que les présidents des parlements de ces États avaient été invités à s'exprimer devant l'Assemblée à cette occasion. Enfin, on pourra remarquer que la composante Sud n'a pas soutenu le Président Majali. Peut-être s'agissait-il de lui faire payer sa décision unilatérale de reprendre sa participation aux travaux de l'UPM ?

La séance du mardi matin a été consacrée à la situation au Proche-Orient. Le Président Pöttering, de retour dans l'hémicycle, a présenté son rapport sur le déplacement du Bureau dans la région, du 22 au 24 février 2009.

L'Assemblée a ensuite entendu des allocutions de Karel Schwarzenberg, président en exercice du Conseil de l'Union européenne, du Haut Représentant pour la PESC, Javier Solana, et de la commissaire pour les relations extérieures et la politique européenne de voisinage, Benita Ferrero-Waldner.

Après le débat, le Président Pöttering a de nouveau abordé la question des modifications du Règlement. Je suis intervenu pour présenter ma proposition que j'avais exposée le matin même lors de la réunion du Bureau, à laquelle j'avais participé, de façon exceptionnelle, et où je représentais, à sa demande, la présidente de la commission politique, qui était souffrante. J'avais d'ailleurs mis à profit le dîner de la veille pour rencontrer le plus grand nombre possible de délégations afin d'obtenir leur accord. J'ai en effet proposé d'augmenter le nombre des membres de l'APEM de 260 à 280 et d'attribuer les vingt sièges supplémentaires de façon paritaire, soit 10 à la Mauritanie pour la composante Sud et deux à chacun des cinq nouveaux membres qui rejoindraient la composante Nord. Cette solution m'a semblé la seule à même de sortir de l'impasse et constitue une base nouvelle sur laquelle pourraient se poursuivre les discussions au sein du groupe de travail sur le Règlement. Toutes les délégations qui se sont exprimées se sont ralliées à ma proposition, qui a ainsi été approuvée à l'unanimité. La Turquie, qui aurait pu demander à avoir le même statut que la Croatie en tant que pays candidat et rejoindre la composante Nord, est restée silencieuse. Sans doute voulait-elle conserver sa délégation de treize membres plutôt que de passer à deux.

Ce déblocage a également permis d'admettre officiellement l'Albanie, la Mauritanie et Monaco parmi les membres de l'APEM, les trois autres nouveaux membres de l'UPM devant entrer plus tard à l'Assemblée. Le vote intervenu leur ouvre toutefois la voie.

Puis l'Assemblée a adopté les recommandations de la commission politique, de la commission des droits de la femme et de la commission ad hoc sur l'énergie et l'environnement.

J'ai été chargé de présenter le projet de recommandation de la commission politique. Compte tenu des tentations du Bureau de ne pas tenir compte de ce texte, j'ai fait une mise au point insistant sur l'importance de respecter la position des délégations, tout en convenant de la nécessité d'amender le texte, dont l'adoption relève toutefois de la seule assemblée plénière.

Après avoir proposé, en temps réel, des modifications au texte afin de prendre en compte les observations des délégations qui sont intervenues, l'Assemblée a adopté la recommandation, seul le représentant israélien, finalement revenu participer aux travaux, ayant voté contre.

La fin de la session a été marquée par le passage de la présidence de l'APEM du Parlement européen au président de la Chambre des représentants de la Jordanie.

Justice et affaires intérieures

Système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II)

Communication de M. Robert del Picchia

Nous avons encore récemment, c'était en juin 2008, examiné la question de la mise en place d'un Système d'Information Schengen de deuxième génération. Nous avions alors adopté des conclusions qui soulignaient le rôle essentiel du système d'information Schengen pour garantir que la libre circulation dans l'espace Schengen se concilie avec un haut niveau de sécurité. Nous avions, en conséquence, rappelé qu'il était nécessaire que toutes les conditions soient réunies pour que le système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) soit au moins aussi performant que le système existant. Nous avions par ailleurs demandé au Gouvernement de veiller à ce que le mandat donné à la Commission européenne pour le développement du SIS II en 2001 et prorogé en 2006 soit explicitement prolongé jusqu'au développement complet du SIS II.

Je crois donc qu'il est utile de faire un nouveau point aujourd'hui sur le développement de ce SIS II qui enregistre malheureusement d'importants retards. Auparavant, je ferai un bref rappel de ce qu'est le système d'information Schengen.

1. Ce système d'information Schengen (le « SIS ») joue un rôle essentiel

Le SIS est une base de données informatique commune qui relie entre eux les États participant aux accords de Schengen. Il est opérationnel depuis 1995. Il constitue la contrepartie de la libre circulation des personnes au sein de l'espace Schengen.

Le SIS est, en effet, un outil de contrôle aux frontières extérieures et de sécurité intérieure. Il permet aux autorités compétentes (policiers, gendarmes, douaniers, autorités judiciaires) de disposer en temps réel des informations introduites dans le système par l'un des États membres grâce à une procédure d'interrogation automatisée.

Dix-huit millions de signalement sont inscrits au SIS. Ils couvrent l'ensemble du spectre de la délinquance (petite criminalité, délinquance transfrontalière, criminalité organisée ou terrorisme). Ils sont accessibles à des milliers d'utilisateurs. Le SIS est soumis à des règles strictes de protection des données, avec notamment une autorité commune de contrôle, qui est un organisme indépendant composé de représentants des autorités nationales chargées de la protection des données personnelles (comme la CNIL pour la France).

Le SIS est composé d'une partie nationale dans chaque État membre et d'une structure de support centrale, installée à Strasbourg et dont la gestion technique est assurée par la France pour le compte des autres États membres. Chaque pays a la charge de réglementer son propre accès au SIS. Pour la France, environ 15 000 terminaux d'ordinateurs répartis entre police nationale, gendarmerie, douanes, préfectures et autres services du ministère de l'Intérieur ou des Affaires étrangères autorisent cet accès.

2. L'évolution vers le SIS II a subi de nombreux retards

En 2001, le Conseil a souhaité développer un système de deuxième génération (le SIS II). Le SIS II serait doté de nouvelles fonctionnalités comme les photographies et les empreintes. Il devait en outre permettre la connexion des nouveaux États membres.

Dès l'origine, la mise en oeuvre de ce projet a connu d'importants retards. Afin de respecter le calendrier de l'élargissement de l'espace Schengen aux dix nouveaux États membres ayant adhéré en 2004, la présidence portugaise de l'Union a proposé d'étendre le système de première génération à ces pays. Baptisé du nom de SISOne4all, ce dispositif fonctionne depuis le 1er septembre 2007. Il a permis à ces nouveaux États membres d'intégrer l'espace Schengen, depuis le 21 décembre 2007, pour les frontières terrestres et maritimes et, depuis le 30 mars 2008, pour les frontières aériennes.

En raison de nouvelles difficultés techniques, le Conseil a décidé, sous présidence slovène, de reporter la mise en service opérationnel du SIS II à septembre 2009.Il a par ailleurs approuvé un calendrier pour toutes les opérations et tests nécessaires. Afin d'éviter tout risque d'interruption du système, le Conseil a décidé d'un basculement progressif du système en place vers le SIS II. Ce qui nécessite la mise en place d'un convertisseur.

Compte tenu de ces retards, il a fallu renouveler la base juridique permettant de charger la Commission européenne de développer le SIS II. Cette mission, confiée à la Commission en 2001 et confirmée en 2006 devait en effet s'achever le 31 décembre 2008. La présidence française a donc fait adopter par le Conseil, le 24 octobre 2008, un projet de règlement et un projet de décision qui ont permis de proroger le mandat de la Commission européenne et de clarifier ses relations avec les États membres.

3. Où en est-on aujourd'hui ?

La clarification juridique n'est pas allée de pair avec une clarification technique. Sur ce plan, bien au contraire, de nouvelles difficultés sont apparues au cours de deux campagnes successives de tests. Ces difficultés rendent d'ores et déjà inapplicable le calendrier modifié début 2008 et donc l'échéance de septembre 2009 pour la mise en oeuvre du SIS II. Les tests ont, en effet, mis en évidence, des blocages qui empêchent le système central de fonctionner de manière satisfaisante. Face à cette situation, il a été décidé sous présidence française, d'engager une réflexion destinée à faire émerger une solution alternative, au cas où il s'avérerait impossible de rendre le SIS II opérationnel.

Au cours de la réunion informelle des ministres de la justice et des affaires intérieures, qui s'est tenue à Prague le 15 janvier, la présidence tchèque a présenté une démarche à mettre en oeuvre au premier semestre, en vue de permettre au Conseil de prendre une décision sur l'avenir de ce projet lors de sa session des 4 et 5 juin au plus tard. Pendant cette période, les efforts seront poursuivis pour remettre en état le système central du SIS II. Je souligne qu'il faudra aussi vérifier la fiabilité des liens entre le système central et les systèmes nationaux.

Parallèlement, l'examen d'un scénario alternatif fondé sur l'évolution du système actuel et permettant d'intégrer les fonctionnalités du SIS II sera poursuivi. Un appel d'offres doit être lancé qui, tout en permettant la maintenance du système en vigueur, permettra d'évaluer la visibilité d'une option alternative au SIS II.

Lors de sa réunion des 26 et 27 février 2009, le Conseil Justice et affaires intérieures a prévu qu'un rapport devra être présenté en mai prochain par la présidence et la Commission européenne en liaison avec la « task force » qui associe les États membres. Ce rapport devra contenir une évaluation et une comparaison détaillée des deux scénarii, afin de permettre au Conseil de prendre une décision.

Que penser de cette situation peu favorable, voire même assez inquiétante ? D'abord nous ne pouvons que constater que les réserves que nous avions émises dès l'origine sur la méthode retenue étaient fondées. J'avais moi-même fait valoir devant notre délégation pour l'Union européenne, le 13 décembre 2005, que l'idée de confier à la Commission européenne la gestion d'une base de données telle que le SIS ne paraissait pas souhaitable. A l'époque, j'avais fait observer que la Commission européenne ne disposait ni des experts informatiques, ni des policiers, nécessaires au fonctionnement du système.

Tout en approuvant le remplacement du SIS I par le SIS II, le Sénat avait, dans une résolution en date du 8 février 2006, demandé au Gouvernement de s'opposer à l'idée d'en confier la gestion à la Commission. Le Sénat avait, en outre, sur la suggestion de la commission des Lois, proposé une gestion par une agence européenne ad hoc qui devrait être située à Strasbourg. Il avait souhaité que soit étudiée la possibilité de fusionner à terme cette agence avec Europol. Le coût financier de l'opération mérite attention : 68 millions d'euros ont été engagés dans le SIS II depuis le début du projet et 27 millions d'euros ont été payés sur le budget communautaire. Mais, si une solution alternative était retenue, il n'est pas exclu que les travaux réalisés pour le SIS II puissent néanmoins être réutilisés, ce qui couvrirait une partie des dépenses déjà payées.

Ensuite, nous ne pouvons que prendre acte des actions qui sont entreprises à la fois pour remettre en état le système central du SIS II et pour envisager un scénario alternatif. Dans la perspective du rapport prévu pour le mois de mai et surtout des décisions du Conseil en juin, il faut néanmoins réaffirmer que le nouveau système devra être au moins aussi performant que le système existant. C'est un impératif car c'est bien la fiabilité de l'espace Schengen qui est en jeu. Le Sénat l'avait clairement indiqué dans sa résolution de 2006. Je crois qu'il faut aussi souhaiter que le Conseil puisse parvenir à des conclusions fermes permettant de tracer une feuille de route précise avec une échéance qui soit enfin réaliste. Il sera alors nécessaire de déterminer les modalités de gestion les plus opérationnelles de ce système.

Compte rendu sommaire du débat

M. Hubert Haenel :

Je vous rappelle que nous aurons le 30 avril prochain un débat en séance publique. Ce sera l'occasion d'interroger le Gouvernement sur les suites réservées à nos résolutions européennes ou aux conclusions que nous lui adressons. Nous pourrons le faire notamment sur l'état d'avancement du système d'information Schengen deuxième génération. C'est pourquoi je remercie Robert del Picchia de sa communication qui fait un point très utile sur ce projet.

Subsidiarité

Subsidiarité et proportionnalité :
examen des textes transmis par la Commission européenne

M. Hubert Haenel :

Nous en arrivons à notre examen périodique des propositions de la commission des Affaires européennes au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité. Notre dernier exercice de ce genre remonte en effet au 3 février.

De l'ensemble des textes que nous a adressés la Commission durant ces deux derniers mois, quasiment aucun ne soulève de problème de subsidiarité ou de proportionnalité.

Tout au plus pouvait-on s'interroger sur la proposition de directive faisant obligation aux États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut ou de produits pétroliers.

On peut d'abord se demander si une action de l'Union européenne est véritablement nécessaire à cet égard et si les États membres ne sont pas en mesure par eux-mêmes de maintenir un niveau suffisant de stocks pétroliers. Mais il faut bien constater que ce n'est pas le cas. Aujourd'hui, certains États membres ne satisfont pas aux exigences minimales en la matière. Une action de l'Union européenne paraît donc utile et nécessaire.

Quant aux modalités de cette action, on peut noter que les États membres continueront de jouir d'une grande liberté pour définir les modalités d'exécution des obligations de stockage minimal, notamment compte tenu de leur situation géographique et de leurs capacités de stockage.

La Commission européenne souhaiterait que, en plus de stocks indexés sur la consommation, les États membres s'engagent à maintenir un niveau minimal indépendant de la consommation, mais elle laisse néanmoins cela à la discrétion des États membres, de même que la définition des sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales prises en application de la directive.

Finalement, la proposition porte essentiellement sur le calcul des obligations de stockage, sur le niveau des stocks et leur disponibilité, sur l'établissement d'entités centrales de stockage gérées par les États, et sur la création d'un groupe de coordination destiné à intervenir en cas de crise.

Autant dire que ce texte semble parfaitement respectueux des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Aucun autre texte adressé récemment par la Commission ne me paraît de nature à violer la subsidiarité ou la proportionnalité. Mais il nous faut également examiner les réponses que la Commission nous a fait parvenir.

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Durant le mois de mars, la Commission européenne nous a en effet adressé des réponses aux cinq observations que nous avions adoptées lors de notre réunion du 10 décembre dernier.

Le premier texte concerné est la proposition de règlement qui vise a étendre les compétences de l'Agence européenne de sécurité aérienne en matière de navigation aérienne et en matière de sécurité des aérodromes.

Nous avions considéré que les critères retenus pour l'application de cette directive pouvaient conduire à soumettre certains petits aérodromes à des exigences disproportionnées. Nous avions en conséquence demandé à la Commission de ne soumettre à ces nouvelles obligations que des aérodromes accueillant un trafic minimal. Dans sa réponse, la Commission estime que le critère de trafic minimal « n'est pas assez précis et trop fluctuant ». Elle signale toutefois que des modifications ont été d'ores et déjà introduites au cours de l'examen de ce texte par le Parlement européen et le Conseil, afin de limiter l'application des normes de sécurité proposées aux seuls aérodromes ouverts au public disposant d'une piste supérieure à 800 mètres.

On peut être quelque peu surpris que la Commission considère que le critère de trafic minimal n'est pas assez précis et est trop fluctuant. En effet, ce critère de seuil de trafic, qu'il soit exprimé en nombre de passagers ou en nombre de mouvements d'avions, est souvent utilisé par la Commission européenne dans d'autres réglementations communautaires : directive assistance en escale, directive redevances aérodromes, règlement personnes à mobilité réduite, règlement sur la tarification des services de navigation aérienne... Nous ne pouvons en revanche que nous féliciter que d'autres, au Parlement européen et au Conseil, aient formulé la même observation que nous et nous aient rejoints. Peut-être pourrait-on aller plus loin. Si la Commission européenne est réticente à l'idée d'un seuil d'application, nous pourrions suggérer que l'on renverse cette notion de seuil en permettant aux États membres de déroger au cadre réglementaire proposé, en sorte que les aérodromes les plus modestes échappent à l'application des normes envisagées. Je vous suggère que nous adressions une nouvelle observation à la Commission européenne.

M. Christian Cointat :

Nous devrions faire une proposition de seuil, car sinon la Commission risque de nous opposer le caractère trop flou de notre observation.

M. Hubert Haenel :

J'attire votre attention sur la réponse de la Commission qui mentionne que « seuls des experts » pourraient proposer un seuil.

M. Christian Cointat :

Dans ce cas, il faudrait préciser dans notre proposition de résolution un seuil « déterminé par des experts ».

Il en est ainsi décidé et le projet d'observations est adopté dans le texte suivant :

- Proposition de règlement modifiant le règlement (CE) n° 216/2008 dans le domaine des aérodromes, de la gestion du trafic et des services de navigation aérienne, et abrogeant la directive 2006/23/CE (COM (2008) 390 final) ;

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La commission des Affaires européennes du Sénat, soucieuse d'éviter que certains aérodromes soient soumis à des exigences disproportionnées, se félicite que, dans le cadre des discussions en cours, on s'oriente vers une certaine limitation du champ d'application de ce règlement, mais demande à la Commission que les États membres aient la possibilité de déroger aux dispositions de ce règlement pour les aérodromes accueillant un trafic inférieur à un certain seuil déterminé par des experts.

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M. Hubert Haenel :

Le deuxième texte pour lequel nous avons reçu une réponse de la Commission est la proposition de résolution sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort.

Nous avions formulé toute une série d'observations à propos de ce texte. Et je dois reconnaître que la Commission européenne nous a adressé une réponse détaillée et circonstanciée qui répond point par point à nos interrogations, et qui, me semble-t-il, est de nature à nous satisfaire.

Nous avions demandé à la Commission de démontrer la nécessité de substituer un règlement à la directive existante. La Commission explique que la majorité des animaux sont éliminés dans des abattoirs appartenant à des groupes économiques opérant largement au-delà des frontières nationales, voire au-delà des frontières communautaires. Elle fait valoir qu'un règlement permettrait non seulement une règle uniforme sur le territoire de l'Union, mais aussi une application aux opérateurs des pays tiers exportant de la viande vers l'Union européenne. Or, constate la Commission, la législation existante fait apparaître de profondes différences entre les États membres, ce qui rend difficile la lisibilité de la norme communautaire.

De plus, pour répondre à une autre de nos remarques, la Commission précise qu'elle entend distinguer l'abattage rituel de celui qui est effectué à des fins alimentaires.

Nous avions également formulé des remarques sur la proportionnalité. Nous nous étions interrogés sur l'influence des processus de mise à mort des animaux sur le prix de revient de la viande. La Commission souligne que le traitement des animaux vivants en abattoir représente environ 20 % des coûts opérationnels d'un abattoir et que les techniques d'étourdissement ont une influence certaine sur la compétitivité de ces entreprises.

Enfin, nous avions exprimé un doute sur l'obligation de mettre en place un centre national de référence dans chaque État membre. La Commission justifie une telle création par la nécessité de mettre en oeuvre des contrôles ante-mortem efficaces, alors que la Communauté se caractérise par une très grande hétérogénéité en la matière d'un État membre à l'autre.

Je crois que nous ne pouvons que féliciter les services de la Commission d'avoir répondu de manière précise à toutes nos interrogations. En fonction des éclaircissements ainsi apportés, il me semble qu'il n'apparaît plus de problème de subsidiarité ou de proportionnalité pour ce texte.

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Le troisième texte est la proposition de directive relative aux droits des consommateurs.

Nous avions considéré que l'option retenue par la Commission européenne de privilégier une harmonisation totale des règles de protection des consommateurs n'était pas compatible avec le principe de subsidiarité.

En fait, nous avions estimé que cette directive profitait essentiellement aux entreprises effectuant du commerce transfrontalier et non aux consommateurs. Nous avions en outre craint que le niveau de protection du consommateur retenu pour l'ensemble des États membres se traduise par un recul de cette protection pour certains pays, dont le nôtre.

La réponse de la Commission ne me semble pas apporter de réels apaisements. Elle explique que l'harmonisation totale qu'elle propose ne concerne que certains aspects du droit des contrats de consommation. Elle estime que ces mesures répondent à l'objectif de faciliter les achats transfrontaliers par Internet. Et elle fait valoir que l'élargissement du champ d'application de la proposition aux contrats nationaux est justifié par le fait qu'il s'agit d'une demande des parties consultées sur le livre vert relatif à la politique des consommateurs.

Est-il besoin de redire que ce n'est pas parce que les entreprises, ou les États membres, demandent une mesure qu'elle est conforme au principe de subsidiarité ou au principe de proportionnalité !

Même si la réponse de la Commission ne nous satisfait pas, je ne crois pas que nous puissions trouver intérêt à poursuivre le dialogue avec elle, car elle semble décidée à rester sur ses positions.

En revanche, compte tenu de l'importance de ce texte, il me semble que nous devrions alerter la commission des Affaires économiques afin qu'elle l'examine dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution.

A cette fin, je suggère de déposer une proposition de résolution au nom de la commission des Affaires européennes. Cette proposition, qui mentionnerait seulement notre crainte que le texte actuel de la Commission n'aboutisse à un recul de la protection du consommateur français, permettrait à la commission des Affaires économiques de désigner sans tarder un rapporteur. Êtes-vous d'accord avec cette proposition ?

M. Christian Cointat :

Je suis d'accord, mais avec une petite nuance. Il y a en effet un certain nombre de pays qui sont très en retard par rapport à la France. L'action de la Commission me semble donc bénéfique pour les consommateurs de ces pays. Mais il importe que les pays qui vont déjà au-delà des mesures préconisées puissent continuer à le faire, afin qu'il n'y ait pas de régression dans ce domaine.

M. Hubert Haenel :

C'est tout l'objet de notre démarche : il ne faut pas que, par ce texte, on baisse d'un cran dans la protection des consommateurs au niveau français.

Il est en conséquence décidé de déposer la proposition de résolution suivante :


Proposition de résolution

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu la proposition de directive relative aux droits des consommateurs (texte E 4026) ;

Constate que la Commission européenne privilégie, dans cette proposition, une approche d'harmonisation complète du droit des contrats de la consommation qui interdirait aux Etats membres de s'écarter des dispositions communautaires ;

Estime que l'ensemble des dispositions législatives françaises assure aux consommateurs français une protection efficace qui ne doit pas être diminuée au motif d'améliorer le marché intérieur de détail et d'accroître les facilités offertes aux entreprises effectuant du commerce transfrontalier ;

Demande au Gouvernement de s'opposer à toute mesure qui se traduirait par un recul de la protection du consommateur français.

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Le quatrième texte est la proposition de directive concernant l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitant au travail.

Deux points figuraient dans nos observations. Le premier concernait la durée du congé de maternité. Nous demandions à la Commission d'expliquer pourquoi elle proposait dix-huit semaines plutôt que dix-sept ou dix-neuf. La Commission justifie son choix par l'existence d'une recommandation de l'OIT sur la protection de la maternité, adoptée en 2000, qui suggère un congé de maternité de dix -huit semaines dans l'intérêt de la santé et de la sécurité des femmes qui accouchent. Nous avons donc une réponse à notre première observation.

Par ailleurs, nous contestions que l'Union européenne soit fondée à empêcher les États membres de prévoir qu'une partie de ce congé soit prise pendant la durée prénatale et nous avions considéré qu'une telle intervention était contraire au principe de subsidiarité. Sur ce deuxième point, la réponse de la Commission n'est guère convaincante. Elle fait valoir que « de nombreuses femmes enceintes ne connaissent aucun problème de santé durant leur grossesse » et qu'elles souhaitent passer le plus de temps possible avec leur nouveau-né. Elle ajoute que « l'instauration du congé de maternité obligatoire n'empêche pas les femmes de travailler à la maison dans des conditions défavorables ». Ces deux arguments apparaissent quelque peu antinomiques. Si la Commission estime que la poursuite de leur activité professionnelle n'a pas de conséquence sur la santé des futures mères, comment pourraient-elles souffrir, en revanche, de travailler à la maison ? En outre, la Commission évoque l'idée que les femmes souhaitent passer le plus de temps possible avec leur nouveau-né. Cet argument ne fait de doute pour personne. Mais, la plupart des femmes souhaitent également bénéficier de temps avant la naissance pour préparer l'arrivée du nouveau-né au sein de sa famille. Le congé de maternité obligatoire pendant la période prénatale permet de préserver la santé des futures mères tout en lui offrant la possibilité d'effectuer l'ensemble des préparatifs nécessaires à la naissance de l'enfant.

Je ne pense pas qu'il puisse être intéressant de poursuivre à ce stade le dialogue avec la Commission européenne. Nous sommes cependant sur une question de principe à propos de laquelle nous sommes en désaccord net avec la proposition de la Commission. Il me semble que, à ce stade, nous pourrions déposer une proposition de résolution afin que la commission des Affaires sociales puisse se saisir du dossier.

Êtes-vous d'accord avec cette proposition ?

M. Christian Cointat :

Je suis désolé, mais je vais être obligé de m'opposer à cette proposition de résolution. Lorsque j'étais directeur général du personnel du Parlement européen, j'avais appliqué la disposition que propose la Commission européenne, et si j'avais voulu revenir aux dispositions françaises, cela aurait causé beaucoup de troubles et de perturbations au sein du personnel. Car les femmes veulent être libres de choisir quand elles bénéficient du congé de maternité.

Tout ce qui porte atteinte à la liberté est condamnable. C'est à la femme de décider quand elle prendra son congé de maternité, et l'on ne doit pas lui imposer quoi que ce soit en la matière. Il appartient éventuellement au médecin, le cas échéant, de lui fournir un certificat médical.

Lorsque j'ai abordé ce problème, j'ai eu la même réaction que vous, jusqu'à ce que je constate que ce sont les femmes qui demandent le maintien de ce dispositif spécifique. Il me semble donc que la Commission européenne est fondée dans son approche, et qu'elle a élaboré son texte à la lumière de l'expérience qu'elle connait avec ses propres fonctionnaires et ceux des autres institutions européennes. Voilà pourquoi je recommande la prudence. Nous avons bien fait de demander des précisions à la Commission, mais je pense qu'il serait dommage d'aller plus loin.

Mme Annie David :

Il faut se placer du côté des femmes qui travaillent dans des conditions moins favorables que celles que l'on peut connaître au Parlement européen. J'étais hier encore, par exemple, avec les salariés d'une entreprise de mon département qui est actuellement en grande difficulté. Dans ce genre d'entreprise, si l'on n'impose pas un congé prénatal, les salariées s'en verront privées contre leur volonté.

Dans certaines entreprises, les femmes, - vous le savez bien, nous ne sommes pas tous égaux pour les conditions de travail -, sont parfois soumises à des pressions et des tensions qui les amènent à travailler aussi longtemps qu'elles le peuvent, au détriment de leur santé et de celle de leur futur enfant. Je pense donc qu'il est essentiel de maintenir un congé prénatal obligatoire.

M. Michel Billout :

Je vais bien entendu dans le même sens que ma collègue, en soulignant que, dans sa réponse, la Commission indique que « la durée du congé de maternité varie actuellement de 14 semaines dans un petit nombre d'États membres, à 28 semaines dans d'autres. Dans certaines circonstances, il peut atteindre 52 semaines, dont une partie seulement est rémunérée. 13 États membres proposent déjà un congé maternité de 18 semaines ou plus ». Il me semble que le rôle de l'Union, dans cette affaire là, est d'aller dans le sens d'une amélioration des congés de maternité, prenant en compte la période prénatale et postnatale. On ne peut pas se satisfaire d'un tel décalage entre les pays au nom d'un certain libéralisme. J'entends bien l'argument selon lequel chacun doit pouvoir choisir sa situation, mais il existe des fragilités sociales et tout le monde n'a pas la même possibilité de choisir. C'est comme pour le départ à la retraite ou la durée du temps de travail.

M. Robert del Picchia :

Il existe peut-être d'autres solutions, mais je me demande si ce débat ne relève pas de la commission des Affaires sociales.

M. Christian Cointat :

Les gens qui travaillent dans les institutions européennes n'ont pas tous des emplois extrêmement confortables. J'étais notamment responsable d'une imprimerie qui travaillait jour et nuit, et les femmes qui y travaillaient la nuit connaissaient les mêmes conditions que dans une usine !

Mais la question n'est pas là. Il s'agit de spécifier que la loi prévoit un congé de 18 semaines et que c'est la femme qui décide de son organisation, et personne d'autre. Si on lui impose quoi que ce soit, on porte atteinte à sa liberté. J'avais négocié ces mesures avec les syndicats de toutes les tendances. Je suis en faveur de la liberté et de la protection des travailleurs. L'expérience a montré que, dans l'imprimerie, effectivement, certaines femmes préféraient prendre leur congé prénatal. Mais d'autres préféraient prendre tout leur congé de façon postnatale, parce que leur grossesse se déroulait d'une manière telle que le médecin les y autorisait. Dans ce cas, elles le faisaient avec une preuve médicale.

Mme Annie David :

Je pense, moi aussi, que ce débat doit avoir lieu à la commission des Affaires sociales. Je suis également en contact très fréquent avec des organisations syndicales, et je peux vous garantir que le droit au congé prénatal est très important pour beaucoup de femmes. Il faut donc le préserver. Cela veut dire que, dans chaque pays, on doit pouvoir rester libre de prévoir un congé prénatal, quitte à ce qu'il y ait ensuite des aménagements. Il y a d'ailleurs eu récemment des aménagements dans le Code du travail français, qui prévoit que l'on peut maintenant décider « librement » de reporter deux semaines de congé prénatal sur la période du congé postnatal. La loi française prévoit donc déjà des adaptations.

Je vous avais fait remarquer, au moment où nous en avions débattu la première fois, que l'Europe se mêle finalement de choses qui ne relèvent peut-être pas de son domaine. Ce qui est sûr, c'est qu'une législation européenne sur le sujet ne doit pas entraîner une diminution de la protection -vous venez de le dire pour le texte sur les consommateurs. Il ne faut pas que, dans les pays où il existe déjà de tels droits pour les femmes, la législation européenne entraîne une régression et appauvrisse les droits des femmes enceintes. Finalement, je crois que nous allons tous dans le même sens.

M. Hubert Haenel :

Les échanges que nous venons d'avoir prouvent qu'il faut aller jusqu'au fond du problème. Il faut donc un débat au sein de la commission des Affaires sociales. Je vous propose, si Mme David en est d'accord, que, au nom de la commission des Affaires européennes, elle dépose une proposition de résolution.

Il est alors décidé de déposer la proposition de résolution suivante :


Proposition de résolution

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu la proposition de directive concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (texte E 4021) ;

Estime que permettre aux femmes de travailler le plus tard possible pendant leur grossesse ferait peser un certain nombre de risques sur leur santé et celle du foetus ;

Considère en conséquence qu'il ne faut pas supprimer la période de congé prénatal obligatoire, tant elle est essentielle pour préserver la santé des femmes enceintes et les foetus ;

Et demande au Gouvernement de s'opposer à la disposition de cette proposition de directive qui interdirait aux États membres de contraindre les femmes à prendre une partie de ce congé pendant la période prénatale.

*

Enfin, la dernière réponse reçue de la Commission européenne est relative à la télémédecine.

Nous avions demandé à la Commission d'expliquer les raisons pour lesquelles l'Union européenne est fondée à demander aux États membres d'adapter leur réglementation nationale afin de permettre un accès plus large aux services de télémédecine et nous avions souhaité savoir si elle envisage une législation contraignant les États membres à le faire.

A la demande d'explication sur l'élaboration éventuelle d'une législation contraignante pour les États dans le domaine de la télémédecine, la Commission répond d'emblée, afin de « dissiper tout malentendu », que ce n'est pas son objectif.

La Commission explicite ensuite les deux actions qu'elle préconise de conduire au niveau des États membres, et qui avait suscité nos interrogations :

1. Il est important aux yeux de la Commission de « comprendre les besoins et les priorités spécifiques à la télémédecine dans tous les États membres, et d'inviter ces derniers à mutualiser leur expérience et leurs différentes stratégies dans ce domaine ». Une telle démarche doit permettre d'éviter le développement cloisonné de systèmes de télémédecine nationaux qui aboutirait à une fragmentation du marché intérieur et, en fin de compte, à une offre de services de santé d'une qualité moindre à l'échelle de l'Union. Cette argumentation valide le principe de l'intervention communautaire, et lève l'ambiguïté qui naît de la formulation « brutale » de la communication de la Commission : « les États membres sont instamment priés d'évaluer leurs besoins et leurs priorités dans le domaine de la télémédecine d'ici la fin de 2009 ».

2. La deuxième action porte sur les dispositifs réglementaires concernant la télémédecine, en vigueur dans les États membres. La Commission fait le constat d'une disparité de situations et cite l'exemple d'États où « sont considérés comme actes médicaux uniquement ceux réalisés en présence physique du médecin et du patient dans un même lieu ». L'existence de telles règles limite le développement de la télémédecine. La Commission « invite par conséquent les États membres à se pencher sur leur dispositif réglementaire et déterminer s'il permet ou non une utilisation de la télémédecine de façon satisfaisante, et le cas échéant, d'adapter ce dispositif ». Cette formulation confirme que la Commission n'envisage pas de législation au caractère contraignant pour les États membres, et que l'action de la Communauté se déroulera dans le respect du principe de subsidiarité.

Les explications fournies par la Commission européenne dans sa réponse sont donc tout à fait satisfaisantes.

Et nous en avons ainsi terminé avec l'examen de la subsidiarité et de la proportionnalité.