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Mercredi 30 mars 2011

Échange de vues sur l'ordre du jour

M. Pierre Bernard-Reymond. - Comme je vous l'ai indiqué hier, il n'y a plus qu'un seul point à l'ordre du jour de notre réunion, l'examen des deux propositions de résolution sur le ferroviaire ayant été reporté.

Nous devions avoir, je le rappelle, deux propositions à l'ordre du jour :

- une proposition de notre collègue Mireille Schurch et des membres du groupe CRC-SPG,

- une proposition qui était en préparation au sein de notre commission avec deux rapporteurs, Jean-François Humbert et Roland Ries. Cependant, les différences d'approche entre les deux rapporteurs n'ont pas permis de parvenir à un texte commun, et le groupe socialiste envisagerait de déposer sa propre proposition de résolution.

Il nous faudra donc revenir sur le sujet ultérieurement. C'est une tradition dans notre commission d'essayer de trouver des consensus, mais il y a naturellement des cas où le consensus n'est pas possible, cela n'a rien d'anormal dans une assemblée politique.

Je précise toutefois que le règlement nous impose un délai pour examiner les propositions de résolution qui nous parviennent de l'extérieur de notre commission. Le délai est d'un mois. La proposition de résolution du groupe CRC-SPG ayant été déposée le 23 mars, nous devons l'examiner avant le 23 avril. Mais comme la semaine du 18 au 23 avril est une semaine d'interruption des travaux parlementaires, nous devrons nous prononcer à la mi-avril, en pratique le 12 ou le 13 avril.

L'idéal serait bien sûr que nous ayons à ce moment-là les différentes propositions en présence, cela nous permettrait de nous prononcer sur le paquet ferroviaire en une seule séance. Mais il y aura donc en tout état de cause au moins un premier épisode dans une quinzaine de jours.

M. Roland Ries. - Jean-François Humbert et moi-même avons beaucoup travaillé sur la proposition de la Commission européenne de refonte du premier paquet ferroviaire. Nous avons auditionné de nombreuses personnes et tenté de trouver un texte commun. Ce texte ne convenait finalement à personne puisqu'il s'agissait d'un point d'équilibre. Entre-temps, le groupe CRC-SPG a décidé de déposer sa propre proposition de résolution européenne. Par ailleurs, le président de la SNCF, Guillaume Pepy, a pris des positions étonnantes dans un article publié dans le Monde du 25 mars 2011. C'est pourquoi il est préférable de se donner un peu plus de temps : nous verrons quel sera le fruit de ces réflexions complémentaires. On annonce en outre la publication du rapport de Francis Grignon sur le transport ferroviaire régional autour de Pâques ; peut-être pourra-t-il aussi éclairer nos réflexions.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Ce qui subsiste de notre ordre du jour de ce débat d'après-midi est une communication de notre collègue Roland Ries sur la directive concernant les soins de santé transfrontaliers. Il a suivi ce texte important pour notre commission aux différentes étapes de la négociation. Maintenant, le texte est adopté et Roland Ries a souhaité nous présenter le résultat final.

Questions sociales et santé

Soins de santé transfrontaliers
Communication de M. Roland Ries

M. Roland Ries. - J'ai déjà évoqué à deux reprises devant la commission la proposition de directive relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers, présentée par la Commission européenne en juillet 2008. Le 28 février dernier, cette proposition a achevé son parcours législatif. J'ai souhaité à cette occasion faire un point sur les développements intervenus et vous présenter les grandes lignes de la nouvelle directive qui devra être transposée par les États membres, en théorie, avant la fin de l'année 2013.

Je rappellerai brièvement, en préambule, les enjeux que comportait la proposition de directive lorsqu'elle a été présentée par la Commission.

L'objectif principal pour la Commission était de mettre fin à l'incertitude juridique liée à la coexistence de deux voies de remboursement pour les patients soignés dans un État membre autre que celui de leur organisme social d'affiliation : la première, datant de 1971, a été établie par le règlement de coordination des régimes de sécurité sociale des États membres ; la seconde, plus récente, résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE).

Dans les deux cas, c'est le système de protection sociale auquel est affilié le patient qui est censé prendre en charge, en partie ou en totalité, le remboursement des soins reçus à l'étranger ; la Cour de justice a toutefois introduit une différence de taille par rapport au règlement : selon elle, sauf exception, il n'y a nul besoin d'obtenir une autorisation préalable de l'assurance maladie de l'État d'affiliation pour avoir droit au remboursement de soins de santé programmés. La Cour de justice considère en effet l'autorisation préalable comme « une entrave injustifiable à la liberté de circulation des marchandises et des services » (arrêts Kohll et Decker - 28 avril 1998).

L'intention de la Commission dans sa proposition de directive était de codifier cette jurisprudence de la Cour de justice.

La proposition de la Commission comportait également des dispositions visant à garantir, dans tous les États membres, la qualité et la sécurité des soins, ainsi que des mesures favorisant la coopération entre États membres pour la prestation de soins de santé transfrontaliers.

Je vous avais indiqué combien l'élaboration de cette proposition par la Commission avait été longue et compliquée. Sa présentation fut ainsi reportée à plusieurs reprises en raison de dissensions au sein du collège des commissaires. Des difficultés du même ordre sont apparues au cours de l'examen de la proposition par le Conseil et le Parlement européen.

Les premiers travaux au sein du Conseil ont été conduits par la présidence française de l'Union européenne durant le second semestre 2008. Très vite, les discussions ont mis en évidence des réserves de fond de la part de la quasi totalité des États membres. La majorité d'entre eux ont notamment estimé qu'il était indispensable que le remboursement de soins fournis dans un autre État membre reste conditionné à une autorisation préalable établie au niveau national. La recherche de l'équilibre financier des systèmes de sécurité sociale et la planification de l'offre de soins sont des aspects fondamentaux pour les États membres. Il était donc indispensable, à leurs yeux, de pouvoir continuer de maîtriser les flux de patients.

Les projets d'accord élaborés par les présidences successives ont tous maintenu cette exigence, allant en cela à l'encontre de la position de la Commission. Il n'a pas été aisé pour autant de dégager une position commune au sein du Conseil car les négociations entre États ont achoppé sur d'autres points (la question des retraités établis à l'étranger, les prestataires de soins non conventionnés). Ce n'est qu'en juin 2010 que les obstacles ont fini d'être levés, sous présidence espagnole, ouvrant ainsi la voie à une négociation avec le Parlement européen et la Commission, dans le cadre de trilogues.

Au sein du Parlement européen, c'est la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire qui était pilote, sept autres commissions ayant par ailleurs formulé des avis. John Bowis, ancien ministre de la santé britannique, rapporteur désigné au fond, en première lecture, a été remplacé après son départ du Parlement européen par notre compatriote, Françoise Grossetête.

Le Parlement a adopté une position différente de celle du Conseil sur la question de l'autorisation préalable. Il n'en a toutefois pas remis en cause le principe, cherchant plutôt à limiter son application aux soins hospitaliers ou spécialisés et à encadrer strictement les conditions de son refus, face à la volonté des États de ne pas motiver leur décision. Il a ainsi pris ses distances avec la Commission qui visait à faire de l'autorisation préalable une procédure vraiment exceptionnelle.

Les positions du Conseil et du Parlement européen ont paru longtemps inconciliables, notamment en ce qui concerne l'encadrement de l'autorisation préalable. Les deux institutions sont toutefois parvenues à un compromis le 15 décembre 2010. Les députés l'ont approuvé en séance plénière le 19 janvier 2011 ; le Conseil a clos la procédure en l'entérinant le 28 février.

Quel est le résultat final des négociations entre le Conseil et le Parlement ?

Tout d'abord, retenons que la nouvelle directive fixe un principe général selon lequel les citoyens européens pourront être remboursés par leur système national pour des soins reçus dans un autre État membre, à hauteur du remboursement prévu par ce système national pour un traitement similaire (sans que cela dépasse les coûts réels des soins de santé reçus).

La directive reconnaît toutefois aux États la possibilité de limiter l'application de ces règles pour des « raisons impérieuses d'intérêt général », telles que la planification de l'offre de soins sur leur territoire ou le risque d'un déséquilibre financier au sein du système de protection sociale.

De plus, les États sont en mesure de mettre en place un régime d'autorisation préalable pour les soins de santé nécessitant un séjour de nuit à l'hôpital ou le recours à des infrastructures ou équipements médicaux spécialisés et coûteux. Toutefois, les députés européens ont obtenu que tout refus soit clairement motivé. Ainsi, l'article 8 de la directive prévoit que les États ne pourront refuser une autorisation que dans quatre cas précis : (1) l'existence de risques pour l'état de santé du patient en cas de déplacement ou (2) de risques pour le grand public (par exemple, en cas d'épidémie) ; (3) si la qualité et la sécurité des soins fournis par le prestataire envisagé sont mises en doute (par exemple, survenance de maladies nosocomiales) ; (4) enfin, si les soins peuvent être fournis par l'État membre d'affiliation dans un délai raisonnable pour le patient, en regard de son état de santé du moment et de l'évolution probable de sa maladie.

Élément important, les soins de santé soumis à autorisation préalable feront l'objet d'une liste établie au niveau national, et non par la Commission européenne comme il en était question au début.

Les soins de santé courants ne nécessiteront pas d'autorisation préalable ; il suffira au patient de s'adresser à son système de protection sociale qui lui remettra un document lui permettant de se faire soigner dans un autre État membre et d'être remboursé. Parallèlement à ces dispositions, le régime de la carte européenne d'assurance maladie continuera à s'appliquer pour les citoyens qui ont besoin de soins d'urgence lors d'un séjour dans un autre État membre.

En ce qui concerne le remboursement des coûts des soins de santé transfrontaliers, la directive adoptée propose une avancée intéressante par rapport au projet initial de la Commission. Celui-ci prévoyait en effet que le patient avance les fonds au prestataire de soins, puis soit remboursé ultérieurement par la caisse de son État d'affiliation. Cette solution posait de sérieux problèmes d'équité comme je l'avais souligné dans mon rapport en 2009. Aujourd'hui, la directive offre également la possibilité aux États d'affiliation d'organiser le paiement direct des prestataires de soins étrangers. La mise en application d'une telle option devra s'appuyer sur des accords bilatéraux entre États membres, voire sur les mécanismes d'indemnisation en oeuvre dans le cadre du règlement de coordination des régimes de sécurité sociale. Si cette option n'est pas retenue, la directive prévoit que le remboursement des patients devra s'effectuer dans un « délai raisonnable ».

En matière de remboursement, deux questions spécifiques ont fait débat au sein du Conseil, comme je l'évoquais tout à l'heure : celle des retraités résidant dans un autre État membre et celle des prestataires de santé non conventionnés.

La question du remboursement des soins transfrontaliers reçus par des retraités résidant dans l'Union européenne hors de leur État d'origine a suscité des inquiétudes chez les États membres du Sud - Espagne en tête - qui en raison de l'attractivité de leur territoire accueillent de nombreux pensionnés européens. Craignant de devoir supporter une charge financière supplémentaire, ils ont obtenu que les soins des pensionnés, lorsqu'ils retournent en séjour dans leur État d'origine, soient bien pris en charge par ce dernier. En revanche, c'est l'État de résidence du retraité qui remboursera les soins reçus dans un État membre différent de l'État d'origine.

Des inquiétudes ont été également exprimées sur le remboursement des soins administrés dans des établissements privés non conventionnés. Sur ce sujet, malheureusement, aucune solution satisfaisante n'a pu être trouvée. Les États ont néanmoins convenu qu'ils pourraient ne pas rembourser de tels soins, s'ils faisaient valoir que les traitements « soulèvent des préoccupations graves et spécifiques liées à la qualité ou à la sûreté des soins », soit l'une des situations pouvant justifier que l'État d'affiliation exige une autorisation préalable. Il y a fort à craindre toutefois qu'un tel jugement de valeur donne lieu à de nouvelles contestations en justice.

Outre le règlement de la question du remboursement des soins de santé transfrontaliers, la directive comporte des dispositions sur l'information des patients et sur la reconnaissance des prescriptions établies dans un autre État membre :

- Chaque État devra désigner un point de contact national - un guichet unique, en quelque sorte - en vue d'une part, d'informer et d'orienter les patients qui envisagent de se faire soigner à l'étranger et, d'autre part, de fournir aux patients des autres États membres des informations concernant les normes de sécurité et de qualité appliqués sur son territoire afin que ces patients puissent faire un choix en toute connaissance de cause.

- La directive pose le principe selon lequel une ordonnance délivrée dans l'État de traitement devra être acceptée dans n'importe quel État membre de l'Union où le patient a sa résidence, sans préjudice des dispositions nationales sur la prescription et la délivrance des médicaments. Des outils devront être mis en place afin de permettre aux pharmaciens de comprendre les ordonnances établies dans un autre État membre (par exemple, pour faciliter l'identification des médicaments dont les noms peuvent varier d'un État à un autre).

Enfin, la directive cherche à favoriser, sans se faire contraignante, la coopération des États en matière de soins de santé. Outre la coopération dans les régions transfrontalières, elle vise les domaines suivants :

- la « santé en ligne », notamment afin de permettre à terme la consultation des dossiers des patients d'un État à un autre ;

- la création de réseaux européens de référence qui regrouperont, sur une base volontaire, des prestataires de soins de santé et des centres d'expertise. Ils ont pour vocation de travailler au développement de soins de santé hautement spécialisés (en particulier dans le domaine des maladies rares), de promouvoir l'établissement de normes de qualité et de sécurité et de contribuer à la définition et à la diffusion de bonnes pratiques.

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A l'issue de ce long processus législatif, je crois que nous pouvons nous réjouir que le projet de la commission ait été amendé dans un sens garantissant un meilleur respect du principe de subsidiarité et des compétences des États membres.

La directive réalise ainsi un équilibre subtil entre la mobilité des patients et la nécessaire sauvegarde des systèmes nationaux de protection sociale, qui écarte le risque d'un développement du tourisme médical.

Nous pouvons toutefois nourrir le regret d'avoir aujourd'hui deux législations applicables en matière de remboursement des soins transfrontaliers. Car, à côté de la directive, le cadre réglementaire existant pour la coordination des régimes de sécurité sociale reste applicable. Selon les cas, un patient pourra donc être remboursé soit en fonction du règlement, soit en fonction de la directive. Si les institutions européennes assurent que les deux systèmes fonctionneront de manière cohérente, il me semble indispensable à l'avenir dans un souci de simplification pour les patients et les administrations de remédier à cette situation en regroupant l'ensemble des dispositions dans un texte unique.

Enfin, on peut aussi regretter que le texte ne nourrisse pas de plus grandes ambitions quant à la qualité des systèmes de santé des États membres mais c'est un sujet délicat à aborder compte tenu du fait que les États conservent la pleine compétence dans ce domaine.

M. Christian Cointat. - Si je résume bien, les patients auront désormais le droit de se faire rembourser pour des soins reçus à l'étranger, mais les règles adoptées empêcheront d'en profiter ! Je crains en effet que les États refusent trop facilement d'accorder des autorisations préalables ou objectent trop souvent du risque de déséquilibre financier.

Selon moi, la directive ne réglera pas d'elle-même les problèmes existants. Elle donnera en revanche à la Cour de justice de l'Union européenne les moyens de le faire dans le cadre de sa jurisprudence.

Ceci étant dit, je me félicite de l'adoption de cette directive qui facilitera sans doute la vie de beaucoup de nos concitoyens dans les zones transfrontalières.

M. Roland Ries. - Je peux comprendre la critique de Christian Cointat. Les critères retenus pour accorder ou non une autorisation peuvent sembler arbitraires et par trop rigides, mais il était nécessaire de fixer des limites pour ne pas déstabiliser les systèmes de santé des États.

Il me semble en effet que ce texte permettra à la Cour de justice européenne de bâtir, le cas échéant, une jurisprudence plus satisfaisante qu'à partir des principes de libre circulation énoncés par les traités.

Les régions transfrontalières seront, à mon sens, celles où les avancées seront les plus significatives. La directive facilitera davantage la circulation des patients dans ces régions et leur permettra de progresser plus rapidement qu'aujourd'hui dans la coordination des moyens.

M. Christian Cointat. - L'Alsace-Moselle est déjà une référence en la matière !

M. Roland Ries. - Un grand centre hospitalier vient d'être construit à Strasbourg qui représente un investissement très important. Il serait stupide d'avoir de l'autre côté de la frontière une structure équivalente ! Cet hôpital est d'ailleurs en recherche d'activités et est tout à fait disposé à accueillir des patients allemands. Aujourd'hui, déjà, des patients de ma région traversent la frontière pour se rendre, en Allemagne, dans un centre spécialisé pour épileptiques. C'est ainsi qu'on évite les doublons et réalise des économies.

M. Serge Lagauche. - À quelle date les listes des soins de santé soumis à autorisation préalable devront-elles être établies par les États ? Une recherche d'harmonisation entre États est-elle envisagée ? Enfin, est-il prévu de créer ou existe-t-il déjà un groupe de travail au niveau européen qui serait chargé d'orienter la planification de l'offre de soins des États membres, en particulier dans les zones transfrontalières ?

M. Roland Ries. - La logique voudrait que les listes de soins de santé soumis à autorisation préalable soient élaborées par les États dans le cadre de la transposition de la directive, donc avant 2014.

La mise en place au niveau européen de l'offre de soins est une affaire extrêmement délicate car elle met en jeu le principe de subsidiarité. Il n'y a pas à ma connaissance de structure prévue pour remplir ce rôle, la Commission se bornant, dans le texte de la directive, à « encourager » la coopération entre États. Je suis en tout cas, pour ma part, favorable à la politique des petits pas et si cela devait être réalisé, cela devrait se faire dans un premier temps à partir de l'expérience des régions transfrontalières.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Est-il possible qu'un État adopte une politique plus restrictive dans le cadre de cette nouvelle directive, en refusant davantage à ses ressortissants le droit de se faire soigner dans un autre État membre ? Des établissements accueillant régulièrement des patients étrangers pourraient ainsi se retrouver lésés. Par ailleurs, pensez-vous que la directive pourrait servir de modèle en dehors du cadre de l'Union européenne ? Je pense en particulier à nos rapports avec notre voisin suisse.

M. Roland Ries. - La nouvelle directive a certes prévu des dispositions restrictives visant à ce que les systèmes de santé des différents États membres ne soient pas déstabilisés. Mais elle a pour but d'assurer la mobilité des patients, pas de l'empêcher. L'hypothèse que vous évoquez ne me semble donc pas plausible.

J'ai présenté récemment devant notre commission un rapport sur les relations de l'Union européenne avec la Suisse. Je retire de ce travail la certitude qu'il faut mettre fin à cette pratique qui consiste à signer dans une multitude de domaines des accords de coopération bilatéraux. Il faut fondre, à l'avenir, cet ensemble dans un accord global garantissant la reprise par la Suisse de l'acquis communautaire, y compris, par conséquent, celui concernant la mobilité des patients.

Économie, finances et fiscalité

La réforme de la gouvernance économique européenne
et le pacte pour l'euro
Rencontre avec les membres français du Parlement européen
(en commun avec la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale)

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale. - Chers collègues députés et sénateurs, chers collègues membres du Parlement européen, je suis heureux, avec Pierre Bernard-Reymond, qui représente ici le président de la commission des affaires européennes du Sénat, Jean Bizet, de vous accueillir pour la cinquième édition de nos rencontres conjointes depuis février 2010, ce qui en fait désormais une tradition, et même une excellente tradition.

Je dois vous transmettre les excuses d'Alain Lamassoure et de Jean-Paul Gauzès, députés européens, ainsi que de Michel Herbillon, député, qui n'ont pu se joindre à nous aujourd'hui - sans oublier le Président Bizet, en déplacement en Turquie.

Je remercie les membres du Parlement européen d'être venus aujourd'hui particulièrement nombreux pour cette réunion sur la gouvernance économique. Sur mon invitation, le président de notre commission des finances, Jérôme Cahuzac, et le rapporteur général ont annoncé leur intention de nous rejoindre. Malheureusement, je serai moi-même obligé de vous quitter en cours de réunion pour introduire dans l'hémicycle le débat sur « Europe et Méditerranée » - mais Jérôme Lambert, vice-président de notre commission, saura me remplacer très avantageusement.

Notre débat économique et financier d'aujourd'hui entre parlementaires nationaux et européens est non seulement essentiel sur le fond, mais il intervient aussi à un moment particulièrement opportun, alors que des décisions essentielles ont été prises dans ce domaine par le Conseil européen, et que la discussion du paquet de six textes législatifs sur la gouvernance économique progresse fortement au Parlement européen, son adoption pouvant même être espérée pour la fin du printemps.

Sur le fond, il faut s'arrêter un instant pour mesurer les progrès accomplis.

Qui aurait pu penser en effet, il y a seulement deux ans, que nous puissions discuter désormais des éléments concrets de ce que l'on ne peut plus hésiter à appeler un « gouvernement économique européen » - termes qui, dans nos réunions avec la commission allemande homologue, suscitait à l'époque scepticisme, voire hostilité plus ou moins larvée ? Ces progrès doivent bien sûr beaucoup à la crise, qui a brutalement rappelé, l'année dernière, combien une monnaie unique non adossée à un projet économique partagé pouvait nous rendre vulnérables.

Je profite de l'arrivée parmi nous de Jérôme Cahuzac pour le remercier de la réflexion que nous avons pu avoir ensemble, avec le rapporteur général, pour que l'Assemblée nationale s'approprie pleinement cette nouvelle donne européenne.

Je me félicite que l'Europe ne se soit pas contentée de colmater les brèches, dans l'urgence, et que le Conseil européen ait su approuver, la semaine dernière, un édifice complet, fondé sur deux piliers d'égale importance.

Le premier, la convergence progressive de nos politiques économiques, est d'abord bien sûr une affaire de responsabilité collective et morale en matière de maîtrise des finances publiques, tant il est vrai que nous acquittons collectivement le prix des erreurs du passé et de la défiance des marchés par des taux d'intérêt plus élevés. Mais la réforme du pacte de stabilité est plus ambitieuse et tire heureusement les enseignements de la crise en ne se contentant pas de renforcer les sanctions - évolution indispensable -, mais également en intégrant le fait que la vision étroite de la dette ramenée au PIB était beaucoup trop restrictive et ne permettait pas de prendre conscience des dangers systémiques - tels que ceux représentés par le système bancaire ou encore par la situation de l'immobilier - susceptibles d'affecter la zone euro, à l'exemple de ce qui s'est passé en Irlande. Tel est l'objectif de la surveillance macro-économique introduite par la réforme proposée. Nous évoquerons précisément ces sujets à travers les textes en discussion relatifs à la gouvernance économique.

Le « pacte pour l'euro plus » constitue lui aussi une étape essentielle, qui était loin d'être acquise voilà quelques mois ou même quelques semaines : tout d'abord parce qu'il exprime le fait, reconnu par les dix-sept pays utilisant la monnaie unique, qu'avoir une monnaie commune implique un niveau d'obligation et de convergence renforcé ; ensuite, sur le fond, parce qu'il exprime l'engagement commun à remettre nos économies sur les rails de la compétitivité, sur la durée, au service de la croissance et de l'emploi, grâce à des engagements précis et fermes et à une évaluation régulière et ambitieuse entre pairs, sans pour autant aligner nos politiques sur des modèles figés et uniques. Je salue notamment le fait que le pacte pour l'euro ne vise pas seulement la maîtrise indispensable des finances publiques, l'évolution des salaires et des régimes de retraites, mais aussi la convergence fiscale, les investissements d'avenir, en matière de recherche, d'éducation, d'infrastructures - l'action de la France a été déterminante sur ce point.

Je vous propose donc que nous débattions de ces questions de gouvernance économique dans un premier temps, en étant particulièrement attentif à notre responsabilité parlementaire commune dans le défi qu'est l'enracinement démocratique de ces nouvelles procédures, dans le cadre du « semestre européen », qui s'applique cette année pour la première fois. Nous aborderons dans ce cadre les six propositions législatives sur le renforcement de la gouvernance économique européenne, et nos collègues du Parlement européen nous exposeront les points qui leur paraissent essentiels dans la discussion sur ces textes.

Nous aborderons, ensuite, le second pilier nécessaire d'un gouvernement économique équilibré, les aspects financiers, et d'abord la question, urgente, des crises de dettes souveraines. L'Europe, ici au pied du mur, s'est montrée à la hauteur de ses responsabilités. Avec 440 milliards d'euros de prêts effectifs, et même 500 milliards à partir de 2013, nous voilà solidement armés pour faire face aux éventuels assauts des marchés. Surtout, les modalités de fonctionnement du fonds, sur le marché des dettes comme s'agissant de l'implication du secteur privé, ont été clarifiées et renforcées.

Nous pourrons aussi évoquer, dans ce deuxième temps de notre débat : les projets de taxes financières, comme les nombreuses et innovantes propositions sur les eurobonds, soit qu'ils financent des grands travaux européens, soit qu'ils couvrent une partie des dettes nationales, soit, de manière me semble-t-il plus réaliste, qu'ils utilisent l'effet de levier de la Banque européenne d'investissement (BEI) en garantissant des investissements d'infrastructures afin d'abaisser leurs seuils de rentabilité pour le secteur privé. Il sera particulièrement intéressant, là encore, que nos collègues députés européens nous fassent part de leurs réflexions et propositions sur ces sujets.

M. Pierre Bernard-Reymond, vice-président de la commission des affaires européennes du Sénat. - Merci, cher Pierre Lequiller, de votre accueil. C'est un grand plaisir que les sénatrices et les sénateurs éprouvent à l'idée de participer à un échange de vues sur une étape fondamentale en matière de construction européenne.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale. - Messieurs les présidents, chers collègues, les États et les banques sont liés par un « pacte fatal » révélé par la crise financière, qui a plongé les premiers dans une crise des finances publiques comme le continent n'en avait pas connu depuis la grande crise de 1929. On l'a vu dans le lien entre les États et les banques, car la faillite de la Grèce aurait précipité la faillite de nombreux établissements bancaires, mais on le voit également aujourd'hui avec l'Irlande, et peut-être demain avec l'Espagne : la faillite d'une partie de l'économie et, en tout cas, du secteur bancaire, peut mettre un pays à genoux.

Les marchés n'ont pas joué en fait de rôle stabilisateur, considérant qu'au sein de la zone euro tous les États devaient bénéficier de taux d'intérêt sinon identiques, du moins très comparables, alors même que les économies de la Grèce et de l'Allemagne - pour prendre l'exemple de deux extrêmes - avaient peu à voir en termes de respect ne serait-ce que des traités signés par chacun de ces deux pays.

L'équilibre fondé à la fois sur la supposée pertinence des marchés et sur les engagements des États à respecter certaines normes en termes de stock de dettes rapporté au produit industriel brut ou de déficit public annuel, s'est révélé illusoire et, en réalité, d'une très grande instabilité dès lors que la crise survenait.

Dans l'urgence, les États ont su réagir de différentes façons : d'abord, par une interprétation, que je qualifierai de pragmatique, des principes du Traité de l'Union européenne puisque, en dépit de la clause l'interdisant, les dettes souveraines ont été rachetées - certes, sur le marché secondaire - par la Banque centrale européenne (BCE), cette dernière veillant ultérieurement à ne pas laisser sur le marché européen un niveau de monnaie lui paraissant compromettre son objectif en matière d'inflation ; ensuite, par la mise en place de plans de soutien à la Grèce et à l'Irlande ; enfin, par la création du Fonds européen de stabilité financière (FESF).

Pour autant, plusieurs questions se posent.

Pendant combien de temps pourra-t-on supporter le fait que l'appréciation du Fonds européen de stabilité financière par les agences de notation dépende de celle qu'elles-mêmes portent sur les États constituant les garanties du Fonds ? Ce dernier ne dispose en effet de la meilleure des notations qu'à concurrence des garanties des cinq États les mieux notés, ce qui a d'ailleurs contraint ces derniers à augmenter le niveau du Fonds afin que celui-ci puisse faire face à ses éventuelles obligations.

Une autre question tient à la poursuite ou à l'arrêt du rachat de la dette des États en difficulté par la BCE. Chacun sait que celle-ci ne souhaite pas persévérer dans cette politique, même si les États semblent demander le contraire. On peut même s'interroger sur la possibilité qui lui serait offerte de racheter non seulement sur le marché secondaire, mais également sur le marché primaire - la différence entre la BCE et le FESF étant que la première dispose de fonds illimités et a la possibilité de « casser les reins » à la spéculation, qui se fait non contre l'euro, mais contre les CDS attachés aux titres de dette souveraine de chaque État. En effet, il ne sera pas possible pour l'Europe de compenser les effets d'une prophétie autoréalisatrice que l'on a déjà vu se concrétiser dans au moins deux cas - le troisième sera probablement le Portugal -, à savoir une anticipation par les marchés d'une crise de solvabilité pour justifier la crise de liquidité conduisant les États à se substituer à celui qui est a priori considéré comme défaillant.

Par ailleurs, l'aide apportée par les États ne doit pas être considérée comme une punition. Soit on aide un État, soit on le punit, mais je ne crois pas que l'on puisse poursuivre les deux objectifs à la fois : aider cet État à résoudre sa crise de liquidité pour ne pas connaître une crise de solvabilité et, en même temps, lui imposer des taux d'intérêt qu'objectivement il ne pourra respecter du fait de son taux de croissance économique.

Ces questions étant éventuellement réglées, restera d'abord celle des euro-obligations. Celles-ci ne peuvent s'envisager que lorsque d'autres procédures de discipline auront été mises en place : les eurobonds ne doivent pas être le moyen pour certains États d'échapper à un assainissement indispensable de leurs finances publiques, même si l'on sait aussi que cet assainissement ne peut s'opérer dans des conditions qui se révéleraient inacceptables pour les populations concernées.

La modification du pacte de stabilité et de croissance, à laquelle Pierre Lequiller a fait allusion, est aujourd'hui discutée. Le « pacte pour l'euro plus » a rencontré dans un premier temps des succès divers puisque, quand M. Van Rompuy estimait préférable de fixer des objectifs aux États plutôt que les moyens de les atteindre, la France et l'Allemagne convenaient d'indiquer les sujets sur lesquels les États auraient des réformes structurelles à entreprendre, telle que la réforme des retraites ou la désindexation des salaires sur l'inflation. On peut se demander si la vision de M. Van Rompuy n'est pas plus pertinente et s'il ne faut pas laisser aux États le soin de choisir les meilleurs moyens pour atteindre un objectif plutôt que d'imposer à tous une recette jugée universelle, mais néanmoins perçue parfois comme contestable par les populations concernées.

Enfin, une question ne peut être éludée : comment faire porter aux investisseurs et aux établissements financiers qui ont largement bénéficié - ce qui est peu dire - des interventions des États, une partie de la charge des ajustements budgétaires qui résultent de la crise financière et économique ? Autrement dit, est-ce seulement aux populations à assumer le coût - exorbitant à l'occasion - de ces ajustements budgétaires, ou n'est-ce pas aussi aux investisseurs d'accepter que les gains envisagés ne soient pas exactement ceux espérés, bref de participer ? Le seul moyen qui pourrait en l'espèce être utilisé est celui de la fiscalité, par la taxation soit des bénéfices, liée au retour à meilleure fortune, soit des transactions financières, dès lors que les mesures seraient prises à un niveau pertinent, c'est-à-dire au moins binational - chacun sait qu'une initiative, non pas franco-allemande, mais entre certains partis de gouvernement allemands et français, fait l'objet d'une réflexion.

M. Christophe Caresche, député, rapporteur sur le gouvernement économique européen au nom de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale. - La question du gouvernement économique européen se pose en réalité depuis la création de l'euro. A l'époque, nombreux ont été ceux à souligner combien il était difficile de créer une monnaie unique sans disposer, parallèlement, d'instruments de coordination sur le plan économique. Mais aujourd'hui, ce sont les faits - la crise évidemment, mais aussi la divergence durant ces dernières années des trajectoires économiques des différents pays européens -, et non quelques réflexions sur la mise en place d'un gouvernement économique européen, qui expliquent la nécessité pour l'Europe de réagir. Bref, ce sont les faits qui dictent la réponse européenne, ce qui d'ailleurs ne peut qu'influer sur le contenu de cette dernière.

J'aborderai pour ma part quatre sujets sur lesquels des initiatives ont été prises, et d'abord celui de la supervision financière.

Dans ce domaine, si des actions positives ont été menées, il reste des interrogations fortes, concernant notamment le secteur bancaire. Le résultat des stress tests sera connu demain, mais j'ai le sentiment que l'assainissement bancaire est loin d'être terminé en Europe et que, manifestement, des pays chercheront à contourner quelque peu les solutions qui pourraient être prises - je pense essentiellement à l'Allemagne, que l'on a vu peser en faveur de critères qui soient les plus souples possibles.

Le deuxième sujet, central, a trait au volet budgétaire et, plus largement, aux finances publiques, avec le mécanisme de crise mis en place visant au resserrement des conditions et du contenu du pacte de stabilité. Il est d'ailleurs étonnant que l'Europe ait pu vivre si longtemps sans que les marchés se posent la question de la valeur de l'euro d'un État à l'autre. A cet égard, on peut se demander comment les pays européens pourront se conformer à la proposition, confirmée au dernier Conseil, tendant à un ajustement budgétaire et financier extrêmement volontariste - c'est le moins que l'on puisse dire -, sachant qu'un tel ajustement, qui représente 1,5 ou 2 points de PIB par exemple pour la France, constitue un défi hors de portée pour un certain nombre d'entre eux.

L'outil principal, à savoir le « semestre européen », se justifie dès lors qu'il tend à mettre en cohérence les engagements pris par un pays et ses choix budgétaires effectifs. Des avancées intéressantes ont eu lieu concernant une meilleure intégration des parlements nationaux européens dans le dispositif. La première étape du « semestre européen » à l'Assemblée nationale, au mois de mai, nous permettra ainsi d'examiner et de nous prononcer sur les programmes de stabilité.

Le troisième sujet - nouveau - est d'ordre macro-économique. La Commission travaille dans ce domaine notamment sur l'élaboration d'indicateurs, avec la volonté de ne pas simplement se concentrer sur les problèmes budgétaires et financiers - je ne sais pas trop, d'ailleurs, où elle en est. Pour autant, la vraie question qui se pose est celle des divergences de trajectoires en termes économiques, avec des pays qui accumulent les excédents et d'autres les déficits. Tant que l'on n'aura pas réglé ce problème, il paraît illusoire de penser qu'une coordination efficace en matière macro-économique est possible. Il faut donc que cette question soit posée, de même que celle des outils de relance économique, surtout face aux ambitions de l'ajustement budgétaire programmé.

Enfin, quatrième sujet, le mécanisme de crise, le dernier Conseil ayant décidé à la fois sa pérennisation après 2013 et son renforcement. A cet égard, il me semble difficile, à partir du moment où un mécanisme « intéressera » les détenteurs de dettes aux difficultés que pourrait rencontrer tel ou tel pays, de ne pas remettre alors un certain nombre de compteurs à zéro. Sinon, comment des investisseurs accepteraient-ils de continuer à financer les dettes de tel ou tel pays si des garanties ne sont pas offertes ? Pour parler clairement, la situation de certains pays devra être inévitablement réexaminée avant 2013 si l'on veut que le mécanisme de crise ait une certaine pertinence.

Mme Pervenche Berès, députée européenne, présidente de la commission de l'emploi et des affaires sociales, rapporteure sur la crise financière, économique et sociale. - On a l'impression que le « semestre européen » est une proposition nouvelle. Or, à bien y regarder, il n'en est rien car le « semestre européen » est le prolongement exact des « grandes orientations de politique économique » et des « lignes directrices intégrées pour les politiques économiques de l'emploi ».

La crise nous a obligés à étudier ces sujets avec plus de sérieux qu'auparavant, mais l'objectivité doit nous conduire à reconnaître que la situation était la même avant que ne survienne la crise, simplement parce que le pacte de stabilité n'avait pas permis d'organiser la convergence des économies comme avaient réussi à le faire les critères de Maastricht pour le passage à l'euro. Non seulement le pacte de stabilité n'a pas permis cette convergence, mais il a autorisé l'installation de divergences entre les économies de l'Union européenne, notamment de la zone euro, et ces divergences sont devenues insoutenables avec l'arrivée de la crise. L'objet du « semestre européen » et de la coordination des politiques économiques est bien de corriger cette situation.

J'attire votre attention sur la difficulté devant laquelle se trouve le négociateur, face à un puzzle de négociations extrêmement complexes : les six textes dont le Parlement européen est saisi et dont, pour quatre d'entre eux, il est colégislateur ; le mécanisme européen de stabilité - sur lequel les Chefs d'État et de Gouvernement viennent de se mettre d'accord -, accompagné d'une révision du traité ; un premier exercice concret du « semestre européen » avec l'examen annuel de croissance, dont la Commission a produit un premier exemplaire en janvier ; enfin, le « pacte pour l'euro plus », le dernier-né.

Le « semestre européen » est la requalification de tout ce qui découlait des grandes orientations de politique économique. Nous devons nous poser la question suivante : si cela n'a pas fonctionné hier, cela peut-il fonctionner demain ? Le dernier-né des orientations stratégiques du Conseil, le « pacte pour l'euro plus », est en fait un proche équivalent de ce que Lionel Jospin avait obtenu lors de la création du « pacte de stabilité et de croissance ». Nous n'avons d'autre choix que celui de jouer le jeu.

Je voudrais cependant vous faire part de deux observations critiques.

D'abord, rien de ce qui a été défini nous conduit à penser que cela fonctionnera mieux demain, car le mécanisme proposé est centré sur la surveillance et les sanctions - et notre expérience en matière de coordination des politiques économiques nous a montré la difficulté de mettre en place un tel dispositif.

Ensuite, le mécanisme proposé pour apprécier les économies des pays membres relève de la même logique quantitative - et non qualitative - que le pacte de stabilité.

Permettez-moi de m'attarder sur le « semestre européen » et son calendrier. L'exercice est marqué par trois étapes importantes : en janvier, la Commission européenne produit son examen annuel de croissance ; en mars, le Conseil européen valide - ou ne valide pas - les grandes orientations de politique économique ; à la mi-avril, chaque État membre présente son plan national de réformes, que la Commission propose de valider, validation qui est elle-même ratifiée lors du Conseil européen, à charge pour les États de les mettre en oeuvre dans la seconde partie de l'année.

Il appartient aux parlements nationaux de débattre pour décider de la façon et du moment auquel le Parlement européen doit intervenir. En tant que rapporteure sur le « semestre européen », je n'ai pas encore arbitré car j'ai le sentiment qu'il ne suffit pas que les parlements nationaux réagissent aux recommandations de la Commission. Le rendez-vous de mai peut paraître trop tardif car le processus se met en marche en janvier, lors de la présentation par la Commission de l'examen annuel de croissance, et l'orientation de la politique économique est définie avant le Conseil européen de printemps. Je vous invite à y réfléchir. Je pense pour ma part qu'il faut intervenir aux deux moments, sans doute sous des formes différentes - il ne s'agit pas d'organiser à deux reprises une semaine européenne - : d'une part, pour envoyer un signal au Conseil européen de printemps et, d'autre part, pour permettre aux parlements nationaux de donner leur avis sur les appréciations portées sur les programmes de stabilité et de réforme.

N'oublions pas que l'Union européenne s'est dotée de la stratégie UE 2020, que l'on ne peut complètement détachée de la façon dont les États membres élaborent leurs budgets nationaux.

Le président Pierre Lequiller. Jérôme Cahuzac, Gilles Carrez et moi-même avons débattu du calendrier. Nous somme arrivés plutôt à la conclusion que le débat parlementaire devait être organisé au mois de mai, lorsque les programmes nationaux de stabilité et de réforme sont disponibles.

Mme Constance Le Grip, députée européenne. - Je remercie les présidents des commissions des affaires européennes de l'Assemblée et du Sénat pour leur invitation, à laquelle de nombreux parlementaires européens ont répondu favorablement, ce qui atteste de l'attachement qu'ils témoignent au renforcement du lien entre tous les parlementaires, nationaux et européens. Des réunions comme celle-ci présentent un grand intérêt pour nous, a fortiori lorsqu'elles traitent de gouvernance économique européenne. Il est indispensable que les représentants des citoyens et des citoyennes de l'Europe et ceux des pays européens puissent se rencontrer pour élaborer ensemble de bonnes pratiques communes.

J'ai en effet remis récemment au Président de la République un rapport, cosigné par votre collègue député Henri Plagnol. Ce rapport, intitulé « Un chemin pour un pilotage économique européen », contient un certain nombre de dispositions - les unes devant être prises à court ou moyen terme, d'autres dans une perspective beaucoup plus lointaine qui nécessiterait la modification de nombreux traités en vigueur.

En ce qui concerne le « semestre européen » et les récentes décisions actées par le Conseil européen des 24 et 25 mars derniers, les parlementaires européens du groupe du Parti populaire européen ont salué la création du « pacte pour l'euro plus ». Ce document, qui s'insère dans une stratégie globale comprenant le paquet législatif pour la gouvernance économique européenne et d'autres instruments de renforcement de la coordination de nos politiques budgétaires, est une avancée décisive, née de la nécessité de faire face aux crises et de répondre aux nouveaux défis qui se présentent à l'Union européenne et aux États membres. Nous saluons cette initiative qui traduit une volonté politique forte, d'autant plus qu'elle est tout à fait nouvelle.

Certes, Pervenche Berès l'a rappelé, il existait déjà des instruments et des rendez-vous européens, mais aucun n'a eu la force politique de ce nouveau pacte et de cet engagement des Chefs d'État et de Gouvernement - auxquels la Commission et d'autres institutions européennes souscrivent et au sein desquels elles trouveront toute leur place. Car il ne s'agit pas d'un engagement intergouvernemental conclu entre Chefs d'États : le « pacte pour l'euro plus » prévoit expressément la faculté laissée aux autres institutions de prendre leur place et de piloter la mise en oeuvre des engagements.

De même, bien que conscients du fait qu'il n'a pas encore abouti, nous avons salué l'accord politique intervenu au sein du Conseil sur le paquet « gouvernance économique européenne » car il constitue une base claire pour les négociations entre le Conseil et le Parlement. Il était temps que le Conseil parvienne à finaliser un accord politique fort sur les différents aspects de ce paquet législatif.

Le « pacte pour l'euro plus » représente un engagement en matière de convergence budgétaire, fiscale et sociale, et reflète une incitation pour les États à s'engager au sein de ce pacte et à mettre en place des mécanismes de retour à l'équilibre des finances publiques, comme le « frein à la dette » ou autres règles d'or. C'est une avancée significative, que le Gouvernement français a traduit dès le 16 mars en adoptant, en conseil des ministres, un projet de loi constitutionnel relatif à l'équilibre des finances publiques, ce qui traduit une volonté politique forte.

J'en terminerai avec la légitimité démocratique et le rôle des parlements nationaux et du Parlement européen. A titre personnel, j'aurais préféré que la rencontre des commissions des finances et de la Commission des budgets - rencontre que vous appellerez peut-être « conférence des finances publiques européennes » - soit prévue avant le mois de mai, plus près du démarrage du « semestre européen » et avant même que ne soient rédigés les programmes de stabilité. Ces indispensables rencontres feront apparaître, je l'espère, de plus grandes convergences entre les politiques budgétaires. Mais il faut engager un travail politique pour convaincre les non-initiés de la nécessité d'une convergence économique et budgétaire et les faire participer aux débats au sein du Parlement européen et des parlements nationaux, aux côtés des spécialistes qui siègent dans les commissions. Mais le chemin est encore long et nous devons faire preuve de créativité et d'imagination pour que la coordination économique et budgétaire ouvre la voie à une convergence fiscale et sociale.

Enfin, pour appuyer sa légitimité démocratique, pourquoi ne pas envisager une traduction parlementaire du « pacte pour l'euro plus » ?

Mme Sylvie Goulard, députée européenne. - Je suis l'un des six rapporteurs du paquet « gouvernance économique européenne », en charge d'un rapport sur les sanctions au sein de la zone euro. Les rapports, déposés en décembre au Parlement, font déjà l'objet de 1 800 amendements. Nous sommes en train d'élaborer un texte de compromis qui devrait être voté en Commission des affaires économiques et monétaires (ECON) au milieu du mois d'avril. Dès que le Parlement aura exprimé sa position, les trilogues commenceront, mais je doute qu'il soit possible d'en terminer avant l'été.

Nous aurons donc à trouver un certain nombre de compromis, en particulier en matière d'équilibre entre discipline et croissance. Nous en sommes tous conscients, on doit cesser de violer - même partiellement - les règles du pacte de stabilité et de croissance, comme cela a été le cas dans certains États. Il ne s'agit pas pour autant d'étrangler les populations. Nous devons choisir avec soin le rythme de réduction de la dette.

Le travail sur le « semestre européen » sera itératif. Pervenche Berès est chargée d'un rapport d'initiative sur cette question et les rapporteurs du paquet ont proposé un certain nombre de dispositions en ce sens. Il est indispensable que nous travaillions ensemble et en bonne intelligence, et c'est pourquoi je remercie tous ceux qui, comme le président Cahuzac, M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat et MM. Jean Gaubert et Jacques Desallangre, députés, ont assisté aux échanges organisés par la Commission ECON. Après une année de travail, nous en sommes encore aux tâtonnements, mais nous prévoyons des clauses de révision.

Ce qui me préoccupe, c'est le risque de fracture entre le Nord et le Sud de l'Europe, risque particulièrement douloureux pour la France. Les pays qui ont respecté scrupuleusement les règles ont des exigences de discipline que ne partagent pas les pays en grande difficulté. J'ai l'impression que la France se situe entre les deux. Parce que nous entretenons de bonnes relations avec les Allemands, d'une part, et parce que nous sommes en mesure d'entendre les gens du Sud, d'autre part, nous devons absolument parvenir à faire tenir ensemble la zone euro. La façon dont les choses se passent en Finlande ou aux Pays-Bas et la dureté de la discussion se répercutent sur notre travail au sein du Parlement. L'Europe, loin de se limiter à l'Allemagne et à la France, est faite à la fois de « triple A » et de pays demandeurs.

La demande d'automaticité dans les sanctions est extrêmement forte dans les pays du Nord. A cet égard, l'attitude de la France et de l'Allemagne qui, au début des années 2000, ont voulu échapper à l'application des procédures de déficit excessif, a laissé des traces. Cet épisode est resté dans les esprits.

Cela dit, je partage totalement les interrogations de ceux qui pensent que les systèmes automatiques ne sont pas forcément les plus appropriés et qu'il faut procéder au cas par cas car les situations sont différentes. Sur ce point, nous devrons trouver un équilibre.

L'un des aspects du débat sur le gouvernement économique, évoqué rarement en France, mais beaucoup en Allemagne, me préoccupe. Si les Allemands ont longtemps été réticents à l'émergence d'un gouvernement économique, au-delà de leur volonté de préserver l'indépendance de la Banque centrale, c'est que, pour eux, la notion de « gouvernement » implique la responsabilité devant un parlement. Cette question doit être abordée conjointement par les parlements nationaux et le Parlement européen : il ne s'agit pas de créer une accountability directe devant le Parlement européen, mais, comme Tommaso Padoa-Schioppa l'a relevé dans ses différents écrits, le Conseil, au cours des dix dernières années, a été à la fois le contrôleur et le contrôlé. Il nous faut inventer un nouvel espace, doté d'une nouvelle forme de « légitimation », forcément originale, au niveau national comme au niveau européen, et qui n'entrera pas dans les catégories préconçues.

Cette nécessité de légitimation au niveau européen se justifie par l'incidence des décisions que nous prenons pour les autres - ce qui jusqu'à présent était une sorte de « trou noir ». La crise a notamment fait apparaître que l'évolution des salaires, radicalement différente en Grèce et en Allemagne, a généré des problèmes de compétitivité relative qui, à l'intérieur d'une zone monétaire unique, se révèlent particulièrement difficiles à gérer.

J'en terminerai avec la question des incitations. J'évoque dans mon rapport la question des eurobonds, y compris pour la réduction de la dette, sous une forme extrêmement sévère, développée par le think tank Bruegel : séparation de la dette en deux parties - la dette « bleue », licite, permettant de mettre des fonds en commun, et la dette « rouge », au-delà d'un plafond, qui reste sous la responsabilité de chaque État.

La réforme de la gouvernance économique ne doit pas perdre de vue la dimension externe de l'euro et la création d'un marché susceptible d'attirer des investisseurs du monde entier, que ce soit pour financer de la dette ou des investissements. En Europe, nous avons créé une monnaie commune, mais nous ne bénéficions pas des effets positifs que représenterait la création d'un marché liquide des obligations. Pourtant, le Bund allemand représente 1 000 milliards d'euros et le marché américain des T-bonds atteint 8 000 milliards de dollars. Si l'Europe disposait d'un marché intégré, elle pourrait attirer de 5 000 à 6 000 milliards d'euros. Pour vous donner un ordre de grandeur, la Chine cherche actuellement à placer 2 500 milliards de dollars ; elle les place essentiellement aux États-Unis parce qu'il n'existe pas de produits liquides sûrs équivalents en Europe.

La France, qui assure la présidence du G20 et qui a une vision globale de l'avenir du système monétaire mondial, ne doit pas perdre de vue cette question.

M. Jean Gaubert, député. - J'ai participé à la réunion qu'évoquait à l'instant Sylvie Goulard, mais nous n'étions que deux parlementaires français.

Les réunions qui nous amènent à rencontrer les parlementaires des autres pays européens et nos collègues du Parlement européen ont une vertu : elles nous permettent de confronter les positions des uns et des autres. Il serait donc intéressant de les multiplier.

Permettez-moi de vous faire part de mon point de vue concernant les critères de convergence. Il faut distinguer le contenant et le contenu. Sur le premier, nous pouvons nous mettre d'accord, même si le rythme de remboursement demandé à certains pays nous semble excessif. A l'instar de la potion qui guérit la maladie mais qui tue le malade, je crains que celle-là ne soit tellement difficile à avaler qu'elle ne fasse des dégâts considérables. C'est ce qui se passe dans les pays où ont été mises en place des règles violentes d'assainissement - je pense à la Grèce, mais il se peut que d'autres pays soient concernés dans les mois à venir.

Il est parfaitement normal d'aller vers un assainissement, même partiel, de la dette publique, mais nous pouvons discuter des moyens d'y parvenir - c'est toute la question de la subsidiarité. Il semble que l'on se dirige plutôt vers des coupes budgétaires systématiques. Si certaines dépenses ne sont ni essentielles ni productives, gardons-nous de mettre en pièce les dépenses d'avenir dans les domaines de l'éducation, de la recherche ou des infrastructures. Les dépenses de services publics sont peut-être une particularité française mais, sans un tel financement, ce sont les familles elles-mêmes qui paient. Cela dit, il ne faut pas s'interdire de recourir à la solidarité entre les citoyens et, en conséquence, de demander davantage à l'impôt progressif.

On nous propose aujourd'hui le « pacte de l'euro plus » pour parler de la rigueur. En France, quand on ne sait pas régler un problème, on invente un mot nouveau. Les « femmes de ménages » sont devenues des « techniciennes de surface » : elles ont toujours mal au dos et sont toujours aussi mal payées, mais la profession a été ainsi « revalorisée ». Arrêtons de nous payer de mots !

M. Patrick Le Hyaric, député européen. - Je me sens plus proche du dernier intervenant que des précédents. On nous avait dit que le traité de Lisbonne ne pourrait être modifié. N'est-ce pas pourtant ce que nous faisons, dans l'indifférence générale et en catimini, en ajoutant des critères de conditionnalité ?

Le contrôle a priori des budgets nationaux pose un grave problème car il suppose que le parlement national ne sera plus maître ni des recettes ni des dépenses. Je ne suis pas du tout souverainiste, mais cela me paraît dangereux. Les citoyens élisent un parlement national pour qu'il fasse des choix ; or il n'en aura plus la maîtrise. Quelles seront les conséquences de ce dispositif ?

Le mécanisme de stabilité repose sur les mêmes critères de conditionnalité que le Fonds monétaire international. C'est sans doute ce qui a conduit le Président Lula à préconiser ce matin au Gouvernement portugais de ne pas passer sous ses fourches caudines, et je suis plutôt du même avis !

Une lecture attentive fait comprendre que la nouvelle gouvernance économique aura la forme d'une structure supranationale qui prendra des décisions. Je veux bien me réjouir de l'existence d'un gouvernement économique européen, mais je crains que la convergence annoncée, loin d'être sociale, ne serve qu'à renforcer un euro de spéculation. Or il est expressément écrit que les contrôles et les réductions des dépenses porteront sur les salaires, les niveaux de protection sociale et les services publics.

En ce qui concerne la fiscalité, que paient les consommateurs et les familles populaires, il serait intéressant - cela pourrait faire l'objet d'une mission parlementaire - d'étudier les conséquences pour les citoyens français, et notamment pour les familles populaires, de la fameuse harmonisation fiscale entre la France et l'Allemagne.

Je partage l'opinion de Sylvie Goulard sur la fracture entre Europe du Nord et Europe du Sud : l'Europe de demain aura un centre fort et des pays périphériques, ce qui générera des tensions de plus en plus grandes, alors qu'il faudrait aider ces derniers pays à progresser.

Je souhaite que nous réfléchissions ensemble à un véritable pacte de croissance. Un « pacte de développement social et humain » serait plus productif qu'un « pacte pour l'euro plus ». L'Europe sera la seule région du monde à appliquer une telle politique sans bénéficier en retour d'une expansion économique obtenue par la consommation, comme tentent de le faire les États-Unis et la Chine.

Enfin, le pacte est élaboré par deux pays dans lesquels des élections ont eu lieu dimanche dernier et, comme par hasard, leurs gouvernements respectifs ont été sanctionnés, avec les conséquences dramatiques qui en découlent - par « dramatiques », j'entends les très bons résultats d'un parti d'extrême droite. C'est un sujet très préoccupant auquel nous devrions réfléchir.

Mme Marietta Karamanli, députée. - Il est certain que les critiques qui viennent d'être formulées nous conduisent à envisager l'avenir d'une façon différente. Il est question d'un « pacte de stabilité et de croissance ». Or je ne vois ni « stabilité », ni « croissance » dans le dispositif de surveillance et de sanction qui nous est proposé.

Comment améliorer la coordination des budgets européens et nationaux en matière d'investissements destinés au développement durable ou ayant un impact sur l'emploi ? Quelles sont les mesures envisagées pour favoriser ces secteurs ?

L'Europe dispose de ressources humaines, techniques et industrielles qui sont, si j'ose dire, sous-employées, mais elle n'a pas de plan d'emploi. En 1929, Keynes écrivait déjà : il y a du travail et il y a des hommes, il faut trouver le moyen de les mettre ensemble. Concernant les investissements d'avenir, l'Union européenne entend-elle mobiliser l'épargne, et sur quelles priorités ?

J'en viens aux ressources propres de l'Union européenne. On ne peut éclipser le débat et la question récurrente de son budget, aujourd'hui composé des contributions des États et essentiellement affecté à la politique agricole et aux aides structurelles accordées aux régions les plus pauvres. Pourquoi ne pas conférer au Parlement européen le droit de lever un impôt européen ? Sachant que 1 % du PIB européen représente 100 milliards d'euros, cela permettrait de prévenir et de limiter la spéculation contre les finances publiques des États membres et leurs dettes.

L'Union européenne doit aller au-delà de la surveillance et de la sanction car, si elles peuvent être nécessaires pour les pays qui n'ont pas joué leur rôle comme ils auraient dû le faire, elles ne suffisent pas. Les « élèves » doivent, certes, faire des efforts, mais, pour qu'ils soient motivés, ils doivent savoir qu'ils ont un avenir.

M. Yves Bur, député. - Je me demande si les contraintes imposées par la cohérence économique européenne ne sont pas finalement une chance pour la France, tant nous avons dans notre pays du mal à nous défaire d'une politique de déficit et de dette. Quel regard les Européens portent-ils sur la France ? Faisons-nous partie des pays du Nord, de ceux du Sud, ou sommes-nous quelque part entre les deux ? Le fait d'être contraints à davantage de rigueur budgétaire est une chance formidable pour nous, car cela nous oblige à nous inscrire - enfin ! - dans une politique pluriannuelle de rétablissement des comptes publics.

Selon vous, les mesures imposées à la Grèce sont-elles catastrophiques pour ce pays ou vont-elles l'aider à sortir de ses difficultés ?

Enfin, une chose m'étonne : la France donne des leçons à l'Europe entière en matière de pilotage budgétaire ; pourtant, je n'ai pas l'impression que notre pays soit particulièrement vertueux...

M. Marc Goua, député. - S'agissant de la répartition de la dette en deux parties, la « bleue » et la « rouge », je ne suis pas convaincu. Depuis la nouvelle dégradation des notes du Portugal et de la Grèce, j'ai le sentiment que toutes les autres mesures seront sans effet et que l'existence de dettes souveraines excessives, qui ne seront pas remboursées en totalité, emportera à terme l'ensemble du système.

Mme Sylvie Goulard, députée européenne. - Monsieur Bur, votre remarque est très pertinente. Déjà le rapport Pébereau, en 2005, c'est-à-dire avant la crise, faisait apparaître que les tendances de la dette française étaient insoutenables. Même en redéployant les dépenses - il ne s'agit nullement de faire plaisir à Bruxelles ou à Berlin -, la dette n'est pas soutenable pour nos enfants.

S'agissant de la Grèce, les informations sont contrastées. Ce pays a tout d'abord fait l'objet d'une condamnation quasi générale, puis le Gouvernement grec a pris des mesures redoutablement dures, que l'on peut porter au crédit du peuple grec. Vont-elles suffire à créer un appel d'air ? Je ne suis pas en mesure de le dire. Une note récente de Jean Pisani-Ferry, président du think tank Bruegel, laisse penser que l'on en est toujours au stade de l'analyse du défaut, mais d'autres économistes ont un avis différent. Pour l'instant, la Grèce est à l'abri en termes de besoins de refinancement, ce qui lui permet d'engager des réformes structurelles.

Qu'il soit clair que la France et la Grèce ne sont pas au même niveau. La dette de la Grèce avoisine 155 % de son PIB, tandis que celle de la France se situe entre 85 et 90 %. Il faut admettre qu'il y a eu des dérives et, s'agissant de la Grèce, des manipulations. C'est le message qu'il faut adresser aux peuples qui sont plus respectueux des règles.

Le fait de scinder la dette en deux parties n'est qu'un projet. Nous recherchons une méthode qui permettrait de mettre en commun une partie de la dette pour créer le marché mondial, et qui, en générant de la liquidité, permettrait d'abaisser les taux d'intérêt, sans pour autant creuser l'endettement. Les pays du Nord acceptent à peine d'y réfléchir, ce n'est donc pas pour demain. J'avais simplement à coeur de dire que, dans ce paquet, nous devons à la fois tirer les leçons de la crise, remettre de l'ordre, discipliner les États et ouvrir quelques lucarnes sur l'avenir. Il est important de ne pas renoncer à des projets qui, même s'ils ne sont pas pour demain, pourront se révéler utiles à moyen ou à long terme. Je rappelle que cette méthode n'est qu'une hypothèse et que le travail de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale (CRIS) permet d'ouvrir d'autres pistes.

Mme Constance Le Grip, députée européenne. - Je partage l'avis d'Yves Bur, et c'est pourquoi j'ai fait référence dans mon propos introductif à l'adoption par le conseil des ministres, le 16 mars dernier, du projet de loi constitutionnel relatif à l'équilibre des finances publiques, qui inscrit dans la Constitution l'obligation pour le Gouvernement de présenter au Parlement les programmes de stabilité avant leur transmission à la Commission européenne, ainsi que la nécessité d'un retour à l'équilibre des finances publiques. C'est un acte politique fort ! Faire adopter ce projet de loi par le Congrès, compte tenu de la majorité qu'exige cet exercice, sera un moment de vérité pour l'ensemble des parlementaires français : sont-ils prêts à aller jusqu'à la révision de la Constitution pour affirmer l'objectif de retour à l'équilibre des finances publiques, qui fait partie des engagements pris dans le « pacte pour l'euro plus » ?

Ce pacte est avant tout destiné à exprimer les engagements des États membres de la zone euro, mais il est ouvert aux États qui ne font pas encore partie de cette zone. A ce jour, six pays qui ne sont pas membres de la zone euro - d'où la formule « euro plus » - ont montré leur intérêt pour le pacte.

M. Pierre Forgues, député. - Faisons donc de la politique ! Chacun est convaincu de la nécessité de réduire la dette des États, mais toute la question est de savoir comment. J'ignore si les mesures qui ont été prises à l'échelle européenne auront un effet vertueux ; l'important est que les efforts consentis pour réduire la dette soient justement répartis. Or ce n'est pas le cas avec ces mesures inspirées par le FMI, l'OMC et autres instances de la mondialisation. Si, pour réduire la dette, nous augmentons le chômage et créons de la misère - car c'est bien ce qui se passe en Espagne, en Grèce ou ailleurs en Europe -, nous allons droit à l'échec. Nous n'obtiendrons que la révolte, et nous finirons par être contraints de tout lâcher pour l'apaiser.

Mais il y a plus inquiétant encore : l'absence de solidarité en Europe. Si les problèmes financiers - qui ne se posent pas avec la même acuité dans tous les pays - aboutissent à créer une fracture Nord-Sud à l'intérieur même de l'Europe, cette dernière ne progressera pas, et la question est d'importance. Je suis pour l'Europe, mais s'y prendre de cette façon ne mènera qu'à la régression.

On peut bien changer les normes, réformer le pacte de stabilité, souvent d'ailleurs dans l'indifférence générale ! Il demeure que l'Europe ne se fera pas malgré ses habitants. Il faut donc susciter un élan : pour que les gens puissent vivre et travailler, il importe qu'il y ait du développement. Je reste donc sceptique sur toutes ces mesures. Si les politiques, à l'échelle européenne comme à celle des États, n'appréhendent ces problèmes qu'à travers une vision technocratique, cela ne marchera pas. Notre perspective doit être d'organiser la solidarité et le développement. Or, pour l'instant, nous préférons - en dépit de tous les dégâts que cela peut produire - nous « caler » sur les positions du FMI et de l'OMC.

M. Dominique Riquet, député européen. - Que ce soit à l'échelle des États, de l'Europe ou du monde, le souci du développement est là. Aucun développement ne peut cependant se fonder sur la dette, et c'est pourquoi ce développement passe par l'assainissement de nos finances publiques. La vraie difficulté est que nous sommes aujourd'hui confrontés à une crise de la dette sur laquelle se greffe une crise financière - le service financier de la dette, dont certains ont tiré des bénéfices indus.

Le problème est que la dette, qui est une facilité pour les États, ruine leur développement. Ainsi, en Europe, les pays très endettés le sont notamment auprès des pays à faible dette, qui sont aussi ceux qui connaissent le développement le plus solide.

Ne nous leurrons donc pas : si nous voulons le développement, il faut réduire la dette !

M. Pierre Bernard-Reymond, vice-président de la commission des affaires européennes du Sénat. - Permettez-moi d'abord d'exprimer une satisfaction : du point de vue de la construction européenne, la gouvernance économique européenne, qui avait été négligée, voire oubliée, au moment de la création de l'euro, est en train de franchir des étapes que nous n'aurions osé imaginer il y a encore deux ans. Je ne commenterai pas toutes les mesures positives qui ont été arrêtées au dernier Conseil européen, mais elles constituent un tout cohérent, qui pourra, je l'espère, être encore amélioré par le Parlement européen dans le cadre de la co-décision. Je pense, par exemple, à la majorité inversée dans la prise des sanctions, au versement des amendes, au mécanisme de stabilité financière, ainsi qu'à d'autres mesures qu'ont évoquées les rapporteurs au Parlement européen.

Pour autant, ce Conseil, présenté comme historique, l'a-t-il vraiment été ? Certes, il marque une étape importante sur le chemin qui nous reste à parcourir, mais la bouteille n'est qu'à moitié pleine. Je me contenterai pour ma part de poser quelques questions. Tout d'abord, il reste des points à finaliser lors du Conseil de juin, et quelques réticences à vaincre, notamment du côté de la Finlande et de l'Allemagne. Cela ne posera sans doute pas de gros problèmes, mais il demeure que le dernier Conseil européen n'a pas achevé le processus annoncé.

Nous avons d'autre part une incertitude sur la conjoncture dans les deux ou trois mois à venir. Dans quelles conditions la crise portugaise - à la fois politique et financière - va-t-elle se dénouer ? Le Portugal finira t-il par accepter l'aide de l'Europe ? Par qui souhaite t-il être aidé ? La Chine et le Brésil auraient fait des propositions, l'Espagne également ; mais à trop tergiverser, ne court-on pas le risque d'une catastrophe financière qui s'étendrait à toute la zone euro ?

Je pense aussi qu'il va être très difficile pour la Grèce de ne pas se résoudre, à un moment ou à un autre, à une restructuration de sa dette.

L'Irlande, pour sa part, va-t-elle évoluer sur le plan de la fiscalité ? Acceptera-t-elle au moins une harmonisation de l'assiette de la fiscalité des entreprises au niveau européen ? Il me semble que nous aurions tout intérêt à lui laisser le temps nécessaire pour adapter sa législation financière.

Où en sommes-nous par ailleurs sur les stress tests ? Comment les marchés réagiront-ils s'ils se révèlent mauvais ? Les États ont-ils pris l'engagement de recapitaliser les établissements défaillants ? Auront-ils les moyens de le faire ?

Mes questions suivantes concerneront davantage le moyen et le long terme.

S'agissant de la taxe sur les transactions financières, sommes-nous vraiment prêts à aller au-delà des déclarations ? Est-il possible d'instaurer cette taxe au seul niveau de l'Eurogroupe, ou doit-on attendre qu'elle soit mise en oeuvre au niveau mondial pour ne pas porter atteinte à nos potentialités ?

Je m'interroge également sur le budget européen, point qui fait partie intégrante du gouvernement économique européen. Pourrons-nous rester crédibles avec un budget qui ne représente que 1 % du PIB ? Contrairement à ce que l'on entend parfois, il ne s'agit pas de dépenser plus globalement, mais de faire en sorte que l'on dépense davantage au niveau européen et moins au niveau national. Nous avons en effet besoin de politiques plus intégrées. Aucun de nos États ne s'en sortira seul face à la concurrence internationale. Il nous faut donc convaincre nos opinions publiques que des politiques plus intégrées - dans les domaines de la recherche, des communications, de l'énergie, des biotechnologies, ou encore de l'espace, par exemple - donneraient des résultats globaux supérieurs à la somme des résultats de chaque État. Si nous n'en sommes pas convaincus, nous ne sommes pas à l'abri, après celui de la stratégie de Lisbonne, d'un échec pour Europe 2020.

Où en sommes-nous par ailleurs de la réflexion sur les ressources propres ? J'ai appris qu'Alain Lamassoure - qui n'a pu venir cet après-midi - allait prochainement s'exprimer sur le sujet sous le titre « Des improbables ressources propres ». Comme je l'en sais fervent partisan, son scepticisme m'inquiète quelque peu.

Nous devons également nous interroger sur notre politique en matière d'emprunt - mais cela a été évoqué tout à l'heure.

Enfin, ne faudrait-il pas élargir les objectifs de la BCE au-delà des seuls objectifs d'inflation, qui ont été atteints ? Je pense par exemple à la croissance.

Il faut également poser la question de la politique de change européenne, qui apparaît souvent comme une simple résultante des politiques de change chinoise et américaine, et non comme le fruit d'une véritable politique.

Enfin, la Cour des comptes européenne ne devrait-elle pas jouer, à l'instar de notre Cour des comptes française, un rôle plus important en matière de contrôle budgétaire ? Cela permettrait de renforcer ce dernier, à un moment où l'on peut se demander si l'Europe est capable d'aller au-delà des bonnes intentions pour mettre en oeuvre tous les mécanismes dont nous parlons. A cet égard, avons-nous dressé un bilan de la politique de régulation au niveau mondial ? Je crains que rien n'ait véritablement changé. Le commissaire Michel Barnier a d'ailleurs expliqué publiquement qu'il n'avait pas le sentiment d'avoir été à cet égard parfaitement entendu.

A moyen et à long terme, le gouvernement économique européen devra donc être conforté, afin de pouvoir s'assurer régulièrement que les mesures prises sont correctement mises en oeuvre et portent leurs fruits. Il conviendra de toute façon de compléter ce qui a pu être fait aujourd'hui.

Mme Sylvie Goulard, députée européenne. - Il s'agit d'un magnifique programme, dont je partage nombre d'orientations. Mais il ne faut pas oublier - on a parfois du mal à l'imaginer à Paris - qu'il y a des sensibilités très diverses en Europe. L'idée de modifier le mandat de la BCE ne remporterait donc qu'un succès mitigé.

Nous avons atteint l'objectif d'inflation, ce qui met à l'abri l'épargne des ménages les plus modestes. Il faut saluer ce que nous avons réussi à faire justement parce que la Banque centrale avait un mandat clair.

Nous avons créé l'année dernière, dans le cadre du paquet « supervision », un Comité européen du risque systémique et un certain nombre d'autorités, dont celles chargées des stress tests. Le Comité européen du risque systémique, censé surveiller la stabilité financière - et non pas seulement la stabilité monétaire - est rattaché à la BCE. Cela devrait aider celle-ci à prendre progressivement en compte d'autres objectifs.

N'oublions pas que les institutions liées à l'euro sont très jeunes, et que l'on pourra d'autant plus les faire évoluer que notre crédibilité sera assise.

La taxe sur les transactions financières a fait l'objet d'un débat et d'un vote au Parlement européen. C'était déjà une bataille en soi que d'envisager son existence au niveau européen. Beaucoup de collègues nous ont opposé l'argument qu'il n'était pas possible de l'instaurer tant que rien n'était fait au niveau mondial. Pour ma part, je le juge fallacieux, même si le risque de délocalisation de nos activités financières doit nous inciter à la vigilance.

J'en viens aux stress tests. Nous avons contribué à renforcer leur efficacité en rendant l'autorité bancaire plus solide et plus indépendante, dans la continuité de ce qui avait été proposé par le groupe de travail piloté par Jacques de Larosière ainsi que par Michel Barnier. La contradiction est cependant évidente : nous voulons qu'ils prennent en compte les scénarios les plus catastrophiques, mais nous savons qu'afficher ces derniers devant les marchés porte atteinte à la crédibilité de nos établissements.

Permettez-moi enfin, en forme de provocation, de demander aux élus ici présents s'ils accepteraient de voir un grand laboratoire quitter leur circonscription pour aller s'installer à Heidelberg, à Cambridge ou à Bologne au nom des intérêts de la recherche européenne. Je n'ai pas le sentiment qu'il y ait tant de volontaires que cela ! Ce n'est pas un reproche, mais il faut en avoir conscience. Sur l'Europe, nous avons souvent tendance à nous contenter de beaux discours. J'avais par exemple suggéré de regrouper à Francfort les autorités de supervision financière, ce qui me semblait nécessaire d'un point de vue global, mais exigeait de faire partir l'Autorité bancaire européenne de Londres et l'Autorité européenne des marchés financiers de Paris. Je dois avouer que ma proposition n'a pas suscité un grand enthousiasme.

Si nous voulons être forts, crédibles et vraiment européens, il faut accepter d'en payer le prix !

M. Dominique Riquet, député européen. - Je reviens sur l'exemple du grand laboratoire, qui vient d'être cité. S'il n'est pas le plus performant dans son domaine, il est de toute façon appelé à partir, et sans doute bien plus loin qu'à Heidelberg. Et nous aurons alors tout perdu ! Le reconnaître est certes difficile - presque autant que de payer ses dettes - mais, si nous ne le faisons pas, nous continuerons sur la même lancée, à savoir la perte progressive de notre autonomie. Or la capacité des parlements - nationaux comme européen - à prendre des décisions est fortement corrélée à leur autonomie. Il est évident que les Allemands ont plus d'autonomie en Europe que la Grèce ou le Portugal.

Si nous ne sommes pas capables d'optimiser nos ressources, ce qui suppose d'accepter des évolutions du type de celle qu'a évoquée Mme Goulard, nous perdrons donc tout. Le problème ne se pose d'ailleurs plus seulement au niveau local ou régional. C'est aussi un problème de temps et d'échelle. Et, comme pour la dette, ce sont nos enfants qui paieront...

M. Pierre Forgues, député. - Mais c'est aussi pour eux que nous contractons cette dette.

Mme Sylvie Goulard, députée européenne. - Pas lorsque nous finançons des dépenses courantes par l'endettement !

Je suis frappée de constater que l'on s'insurge contre le fait que Bruxelles pose des conditions au Portugal, alors que nul ne se formalise que l'on se vende à des Chinois ou à d'autres. Pour ma part, je préfère le partage de souveraineté dans un système organisé, où même les pays de taille modeste jouent un rôle - M. Barroso n'est-il pas président de la Commission ? - au sacrifice d'un certain nombre d'intérêts européens au nom même du souverainisme. Les Grecs ont déjà vendu le port du Pirée. Demain, d'autres prendront des décisions similaires. Cessons donc de présenter le fait de recourir à l'argent des Européens comme un sacrifice de souveraineté : en réalité, ce n'est rien d'autre qu'un dispositif de solidarité !

M. Dominique Riquet, député européen. - Nous sommes en train de nous faire vendre par appartements.

M. Pierre Bernard-Reymond, vice-président de la commission des affaires européennes du Sénat. - Notre prochaine réunion devrait se tenir au Sénat le 18 mai à seize heures trente. Notre collègue Brigitte Girardin nous a proposé de retenir le thème de la politique commerciale de l'Union.