Réunion de la délégation pour l'Union européenne du mardi 29 janvier 2008


Table des matières

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Économie, finances et fiscalité

Suivi des activités économiques et financières de l'Union
européenne dans la perspective de la présidence française

Audition de Mme Christine Lagarde,
ministre de l'économie, des finances et de l'emploi1(*)

M. Jean Arthuis :

Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation pour cette audition à moins de six mois de la présidence française de l'Union européenne.

Nous souhaitons vous entendre sur les thèmes de cette présidence et sur le paquet fiscal tel qu'il a été évoqué lors du Conseil Ecofin du mois de décembre, notamment en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). À cet égard, je m'étonne de l'obstination du Grand Duché du Luxembourg qui entend percevoir le produit de la TVA sur le commerce électronique. La TVA étant un impôt de consommation, son produit devrait revenir au pays dans lequel sont installés les consommateurs ; or nombre d'opérateurs de commerce électronique se concentrent sur le territoire du Luxembourg du fait d'une TVA au taux de 15 %. Ce n'est pas une situation acceptable. Ne rien faire d'ici l'échéance de 2019 serait certainement un mauvais coup porté à la construction européenne.

Pourriez-vous également nous donner votre sentiment sur les appréciations portées par le commissaire européen Almunia sur le programme de stabilité de la France ? Quelle est par ailleurs votre analyse de la crise financière née l'été dernier aux États-Unis dans les prêts immobiliers ? À propos du rôle de la Banque centrale européenne (BCE), quelle est, selon vous, la réponse qui serait adaptée au besoin de gouvernance économique de l'Europe ?

Mme Christine Lagarde :

Si vous m'aviez interrogée il y a un an sur la situation économique de l'Europe, j'aurais sans doute été pessimiste. Grâce à l'énergie apportée par la France et par les présidences allemande et portugaise, la scène européenne a considérablement changé grâce à la signature du traité de Lisbonne. À Davos, il y a un an, les vedettes étaient les États-Unis, l'Inde et la Chine. Cette année, c'est l'Europe. Je reconnais néanmoins que la situation financière internationale est inquiétante, en particulier du fait de la dispersion de la crise dans l'ensemble du monde.

Après la semaine difficile de cet été et dès le 16 août, le Président de la République a pris l'initiative de saisir la présidence allemande du G7 afin de travailler sur un renforcement de la transparence bancaire, sur les conditions de valorisation des risques et sur la mise en jeu de la responsabilité des acteurs financiers. Lors du Conseil Ecofin informel de Porto le 14 septembre 2007, la France et l'Allemagne ont fait des propositions dans ce sens qui ont reçu un soutien unanime. Au Conseil Ecofin de Luxembourg du 9 octobre, j'ai proposé des mesures supplémentaires pour corriger certains excès des opérations de titrisation de crédits hypothécaires à risque américains.

À la mi-octobre, le Conseil européen a demandé aux ministres des finances de prendre des mesures en matière de liquidités, de gestion des risques, de transparence, de fonctionnement des agences de notation et, d'une manière générale, de gestion des crises. Le Conseil Ecofin de décembre a arrêté un programme complet de travail couvrant 2008 pour traiter ces sujets. Le message des Européens sur la concertation et la convergence entre organismes de régulation va être à nouveau porté au niveau international au cours du prochain G7 de février. L'Europe fait une analyse commune de la crise financière et elle est décidée à agir de manière coordonnée entre États membres, même s'il n'y a pas encore d'accord sur l'enregistrement des agences de notation et sur la régulation complémentaire applicable aux produits de titrisation.

Si des divergences subsistent sur les actions à entreprendre, nous sommes en revanche tous d'accord sur la situation des économies européennes. « La croissance européenne est saine et solide », comme l'a souligné le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, à la différence de ce qui se passe pour l'économie américaine. Or l'économie française n'est dépendante qu'à 8 % de ses échanges avec les États-Unis. C'est pourquoi son économie est beaucoup plus concernée par l'évolution économique au sein de la zone euro que par celle des États-Unis. Dans les mois qui viennent, il est probable que la croissance mondiale sera plus dépendante des économies de l'Asie du Sud-est que de l'économie américaine. De ce point de vue, les résultats de nos économies - notamment l'emploi et les créations d'entreprises - sont très satisfaisants. Le taux d'endettement des ménages en France - généralement à taux fixe - n'est que de 68 % alors que le taux d'endettement des ménages américains (immobiliers et cartes de crédits) - généralement à taux variable - est de 110 %. Par ailleurs, le marché de l'immobilier américain a fortement baissé, alors que le marché français a connu une hausse de 3,7 % au 4ème trimestre 2007. Le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunts des ménages pour l'acquisition d'un bien immobilier, décidé l'été dernier, est en outre une mesure de nature à amortir un éventuel choc de restriction du crédit pour les ménages français.

Pour la Banque centrale européenne (BCE), il faut constater qu'elle a parfaitement rempli son rôle depuis l'été dernier pour gérer la crise de liquidité du système financier et pour assurer le refinancement des banques. Les chefs des gouvernements français, britannique, allemand et italien se réunissent aujourd'hui même à Londres. Ils vont sans doute adopter les suggestions qui leur sont faites par leurs ministres des finances :

- en matière de transparence des produits titrisés, dans leur composition et leurs sous-jacents ;

- en matière de transparence des acteurs financiers, dans leur exposition aux risques des subprimes américains sous le contrôle de leurs commissaires aux comptes ;

- en matière de responsabilisation des agences de notation, dans le cadre de l'adoption d'un code de bonne conduite en cours d'élaboration au sein du G7 ;

- en matière de renforcement de l'intégration de la supervision financière européenne et de la gestion des risques de liquidité, grâce à des méthodes de test des situations de crises.

Ce travail, engagé depuis le mois d'août 2007, peut certes apparaître comme dérisoire à la lumière des crises ou des turbulences récentes. Mais il reste indispensable pour éviter des dissonances au plan européen dont les conséquences pourraient être très graves sur les marchés financiers ou des changes. On peut d'ailleurs espérer que les désordres actuels permettront de surmonter les obstacles nationaux qui s'opposent à la mise en place d'une supervision européenne.

Pour la TVA, la France a joué un rôle certain dans l'accélération du traitement du dossier lors de l'Ecofin de décembre, alors que certains ne souhaitaient l'aborder qu'en décembre 2009. Nous avons ainsi obtenu de la Commission que l'examen des taux réduits pour les produits verts et pour les services soit engagé sous présidence française au second semestre 2008. Sur le commerce électronique, et malgré l'opposition farouche du Luxembourg, un accord politique a été finalement obtenu le 4 décembre 2007. Cet accord prévoit la taxation des transactions dans le pays de consommation à compter du 1er janvier 2015, l'État où sont effectuées les transactions conservant 30 % des recettes de l'impôt du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 et 15 % des recettes entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2018.

M. Jean Arthuis :

Cette situation dans laquelle le Luxembourg conservera la totalité des recettes de TVA du commerce électronique en Europe jusqu'en 2015 n'est pas supportable. Notre partenaire luxembourgeois doit en être conscient.

Mme Christine Lagarde :

J'ai exprimé ce point de vue de manière forte et je ne peux que vous rendre compte du compromis laborieux auquel nous sommes parvenus.

M. Jean Arthuis :

On ne pourrait accepter un compromis où il nous faudrait approuver la situation concernant le commerce électronique pour obtenir plus de liberté pour la TVA à taux réduit. Allez-vous revenir sur cette situation ?

Mme Christine Lagarde :

L'ensemble du paquet TVA sera évoqué à nouveau sous présidence française au 1er juillet prochain.

M. Jean Arthuis :

Quelle est votre appréciation sur l'affaire de la Société Générale ?

Mme Christine Lagarde :

Les quatre types de mesures qui ont été proposées aux chefs de gouvernement ne concernent que la question des subprimes. Elles ne répondent pas aux problèmes soulevés par les pertes de 4,9 milliards d'euros de la Société Générale du fait des activités suspectes d'un de ses traders sur les marchés d'indices d'actions.

M. Jean Arthuis :

Est-ce que les règles fixées par le Parlement et le Gouvernement en matière de régulation financière, et que les autorités compétentes - Commission bancaire et Autorité des marchés financiers - sont chargées d'appliquer, sont remises en cause par cette affaire ou bien s'agit-il uniquement d'un problème de défaut de contrôle interne dans cet établissement ?

Mme Christine Lagarde :

Le travail d'investigation est en cours : j'ai demandé au directeur du Trésor, au gouverneur de la Banque de France et au président de l'Autorité des marchés financiers de me remettre leurs conclusions dans les prochains jours. Des membres de la Commission bancaire enquêtent sur les systèmes informatiques pour connaître les circonstances de l'affaire. Votre commission entendra en outre le gouverneur de la Banque de France et le président de l'Autorité des marchés financiers. Je ne doute pas qu'ils auront continué à progresser dans leurs travaux quand vous les entendrez. Pour l'instant, je n'ai pas de raison de penser que les faits qui se sont déroulés avant l'annonce faite par le président de la Société Générale soient différents de la qualification qu'il leur a donnée. Le Premier ministre m'a par ailleurs demandé de lui transmettre un rapport auquel nous travaillons de notre côté.

M. Philippe Marini :

La présidence française de l'Union européenne va s'ouvrir sous des auspices imprévus, du moins en ce qui concerne votre champ d'attributions. La crise des subprimes s'est transformée en crise de confiance et en crise systémique. Elle concerne maintenant des compartiments de marchés très importants. Vous avez souligné à juste titre que certains établissements qui conservent certaines catégories d'actifs ou de créances à risque ont pu bénéficier des injections de liquidités de la BCE en l'absence de contreparties sur les marchés. Cette action de la Banque centrale a maintenu la continuité des opérations de marché. Elle a permis d'éviter le pire. Mais il apparaît très clairement que nous ne sommes pas encore techniquement sortis de la crise.

Pourriez-vous nous préciser vos analyses et les positions de la future présidence française autour de quatre questions importantes : la gouvernance de la BCE, le fonctionnement de la régulation bancaire, les effets des nouvelles normes comptables et la surveillance des agences de notation ?

La question de la gouvernance de la BCE est absolument centrale et cruciale. Quand on s'interroge sur la transmission des perturbations de la sphère financière à la sphère réelle, alors que tout le monde s'attend à une raréfaction et à une cherté accrue du crédit avec les conséquences prévisibles pour le rythme des affaires, les investissements et l'emploi, peut-on imaginer un seul instant avoir la Banque centrale la plus figée de l'univers ? Or, au moment où le Parlement va bientôt ratifier le traité de Lisbonne, je constate qu'aucun progrès n'a été fait en ce qui concerne la gouvernance de la BCE.

Sur la régulation, chacun voit bien que la transmission de l'onde de choc financière est indifférente à la réalité des bilans des personnes physiques et morales. Les risques sont commercialisés et transmis de banques à compagnies d'assurances, fonds d'investissements, organismes de marchés, chacune de ces catégories d'acteurs se rapportant à des mécanismes spécifiques de régulation.

Lorsque le Sénat a examiné ces dernières années l'architecture de ces régulations, notre commission des finances a chaque fois insisté sur la nécessaire cohérence des solutions. Pour la Société Générale, ce sont ainsi les présidents de la Commission bancaire et de l'AMF qui vont devoir répondre ensemble aux mêmes questions. Peut-on vraiment continuer à raisonner avec les diverses autorités que sont la Commission bancaire, l'AMF, l'Autorité de contrôle des assurances, alors que les risques circulent indifféremment d'une catégorie de bilans à une autre ? Le temps n'est-il pas venu de prendre une initiative si on veut vraiment que la zone euro soit une réalité ? Ne faudrait-il pas fusionner de manière claire et simple les autorités de régulation en leur donnant une compétence globale et en les dotant de tous les moyens de surveillance appropriés ?

Pour les bilans des banques, nous nous sommes inquiétés à plusieurs reprises des tendances anglo-saxonnes dans le domaine des normes comptables, normes qui ont été validées dans le cadre européen par le processus dit Lamfalussy et qui conduisent à une volatilité de plus en plus profonde des bilans, et donc des marchés. La crise que nous vivons n'est-elle pas une illustration des effets pervers que peuvent comporter ces principes de comptabilisation auxquels l'Europe a fini par se rallier avec quelques réserves dans le cadre d'un processus de décision qu'on ne peut réellement qualifier de transparent ? Quant à la question de la valorisation des actions dans le portefeuille des fonds d'investissement et des institutions de retraites, peut-on attendre de la France, dans le cadre de sa présidence de l'Union européenne, des prises de position de nature à éviter que nos marchés et le contrôle de nos entreprises ne soient encore plus mis à mal ?

Enfin, pour les agences de notation, le temps n'est-il pas venu, compte tenu des incidences de la crise du crédit immobilier américain et au moment où nos économies sont réellement en péril, de passer à une proposition qui aille au-delà des concertations habituelles ou des codes de bonne conduite ?

Mme Christine Lagarde :

Sur la base des derniers chiffres connus (novembre 2007), on n'observe pas de contraction, ni d'aggravation des conditions du crédit en France. Dès le mois de septembre, le Premier ministre et moi-même avions d'ailleurs demandé aux représentants de l'ensemble des banques de la place de Paris de nous informer de leurs taux d'intérêts et de l'évolution de leurs crédits. Je ne suis pas sûre que nous soyons dans une situation de crise systémique et je pense plutôt que nous sommes dans un corridor de sortie de crise.

En revanche, il est certain que les engagements réitérés du président de la BCE au regard de l'objectif de stabilité des prix, confortés par une partie de l'opinion allemande, correspondent à une époque dépassée. L'impératif de croissance doit être présent à l'esprit de tous les gouvernements en Europe, comme l'avait d'ailleurs clairement souligné le président de la République dès l'été dernier. Il nous faut donc trouver un forum pour communiquer cet impératif politique au président de la BCE. C'est une position qui trouve maintenant des échos, même en Allemagne, du fait de l'évolution du cours du dollar. Avec un euro qui vaut environ 1,50 dollar, la situation devient en effet plus délicate pour les exportateurs germaniques. La réponse appropriée relève certainement des choix de politique monétaire, comme le montre l'exemple américain, même s'il est peut-être excessif.

M. Jean Arthuis :

On voit bien qui s'occupe de la stabilité des prix. Mais qui s'occupe de la politique de change ? La situation est déséquilibrée parce qu'il n'y a pas de gouvernement européen. Comment faire pour que le président de la BCE ait en face de lui un représentant politique ?

Mme Christine Lagarde :

Je note que le président de la BCE, le président de l'Eurogroupe et le président de la Commission sont allés ensemble rencontrer leurs homologues chinois en décembre pour leur demander de réévaluer leur monnaie, non seulement par rapport au dollar, mais aussi par rapport à l'euro. C'est la première fois que ces trois autorités se rendent sur le terrain pour dialoguer avec d'autres autorités étrangères. Les taux d'intérêt sont bien l'un des moyens dont disposent les banques centrales pour peser sur les taux de change des monnaies, comme le fait précisément la Banque centrale américaine.

Faut-il ou non maintenir une pluralité de régulateurs en France ? Je partage pleinement votre point de vue sur ce sujet et il me semblerait normal que le régulateur bancaire et le régulateur des assurances ne constituent qu'un seul organe de contrôle. Pour autant, dans l'affaire de la Société Générale, je souligne que les deux autorités de contrôle concernées se sont comportées de manière parfaitement indépendante, conformément au statut qui est le leur, et qu'elles se sont parfaitement coordonnées entre elles.

Une des limites des nouvelles normes comptables porte en effet sur l'application de la notion de valeur de marché quand il n'y a plus de prix de marché. Cela conduit à créer des marchés artificiels avec des contreparties sollicitées dans des superconduits, dont on a vu l'inefficacité sur le marché américain. Il faut entamer en effet un travail de réflexion sur ces problèmes de valorisation des actifs et des passifs dans le cadre des nouvelles normes comptables.

Les agences de notation ne doivent pas être les victimes expiatoires d'un système qui a besoin de plus de transparence, d'une meilleure régulation et d'une plus grande coordination. Pour autant, le régulateur doit améliorer le fonctionnement de ces agences au regard des conflits d'intérêt, de leurs capacités d'élaboration d'un produit financier et des conditions de la notation. Après les grands scandales comme Enron ou Worldcom, le législateur américain a résolu la question au sein des banques par la séparation des activités susceptibles de provoquer des conflits d'intérêts. C'est la même évolution qu'il conviendrait sans doute de mettre en place pour les agences de notation.

Mme Nicole Bricq :

Nous sommes quelques-uns à avoir soulevé dès cet été la question des risques encourus par le monde bancaire et par l'économie réelle à la suite de la crise financière américaine. Je partage comme vous le sentiment que ce qui va être important dans le proche avenir est ce qui va se passer dans la zone euro. Ce constat soulève ainsi les conditions dans lesquelles la présidence française va aborder un certain nombre de dossiers, car la France et l'Allemagne ne mènent pas des politiques budgétaires semblables et elles ne font pas non plus les mêmes prévisions pour l'avenir. La structure des exportations françaises n'est pas orientée en direction des pays émergents, à la différence de l'Allemagne. En outre, la variable d'ajustement des finances publiques en France relève du versement de l'impôt sur les sociétés par les grands comptes, notamment les grandes banques. Un problème risque ainsi d'apparaître lors de la révision des comptes....

M. Jean Arthuis :

Les cinq milliards de pertes de la Société Générale constituent-ils une charge déductible ? Vous avez encouragé les banques à passer les provisions rendues nécessaires par la crise financière par souci de sincérité des comptes. Avez-vous le sentiment que l'acompte du 15 décembre de l'impôt sur les sociétés tenait compte de ces provisions ? Ce n'est pas une question sans importance pour les finances publiques.

Mme Nicole Bricq :

Les deux dossiers principaux à faire avancer sous présidence française ne rencontrent pas nécessairement le soutien des Allemands ; il s'agit, d'une part, du gouvernement économique de la zone euro et, d'autre part, de l'intégration de la régulation européenne. Quels sont les alliés de la France sur ces deux dossiers ? Enfin, quelles pressions le gouvernement français peut-il exercer pour obtenir le départ de M. Bouton ?

Mme Christine Lagarde :

À l'occasion du Conseil Ecofin de Porto, il a été reconnu que la France s'est engagée dans un programme de réformes que la Commission et nos partenaires - principalement l'Allemagne - considèrent comme indispensables. La Commission souhaiterait sans doute que nous allions plus vite et plus fort dans ce programme de réforme. L'Allemagne, qui s'est engagée dans cette voie depuis sept ans, nous soutient dans nos efforts. Il est vrai que l'Allemagne atteint déjà l'objectif budgétaire que nous nous sommes fixé pour 2010 alors que nous ne tiendrons pas cette année l'objectif de réduction du déficit structurel. Les Allemands sont, certes, hostiles à une communauté de régulation. Mais la situation actuelle des marchés et les difficultés récentes des grandes banques d'affaires les ont conduits à modifier leur position sur la régulation et aussi sur la gestion des taux d'intérêt au bénéfice d'une politique de change, car le niveau de l'euro par rapport au dollar constitue maintenant une gêne pour leurs exportateurs.

Quant à la démission du Président de la Société Générale, je pense qu'il revient aux administrateurs de cette société de prendre les décisions appropriées en fonction de deux critères qui sont, d'une part, la confiance qu'ils accordent à la direction et, d'autre part, le souci de l'intérêt général de la collectivité - salariés et clients, mais aussi place financière. À titre personnel, je ne suis pas persuadée que ce soit lorsque le bateau gîte qu'il faille changer le capitaine. Et ce n'est pas au Gouvernement de prendre la décision à la place des administrateurs, fût-ce pour une grande banque française. Nous souhaitons évidemment que cette grande banque reste française. Mais il faut aussi savoir que toute difficulté concernant un acteur financier à Paris peut réjouir d'autres places financières et d'autres opérateurs étrangers. La solidarité à l'échelon national en la matière n'est pas nécessairement une mauvaise chose.

M. Jean Arthuis :

L'essentiel est d'avoir des fonds français. Or le capitalisme français manque souvent de capitaux. Une recapitalisation va être nécessaire. Dans le passé, la présence de la Caisse des Dépôts et Consignations, le « fonds souverain » français, avait été évoquée.

Mme Christine Lagarde :

La Caisse des Dépôts est déjà présente au capital de la Société Générale. Dans l'augmentation en cours qui est garantie par JP Morgan et Morgan Stanley, elle bénéficiera naturellement d'un droit préférentiel de souscription d'actions réservé aux actionnaires actuels.


* Cette audition est en commun avec la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.