Réunion de la délégation pour l'Union européenne du mardi 23 septembre 2008


Table des matières

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Subsidiarité

Subsidiarité et proportionnalité

M. Hubert Haenel :

Notre réunion d'aujourd'hui, une semaine avant que le Sénat ne se reconstitue à la suite de son renouvellement partiel, était nécessaire afin qu'il nous soit possible de procéder en temps utile à l'examen de certaines propositions de textes européens au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité.

Nous devons notamment examiner sans tarder la proposition de directive qui a été retenue par la COSAC pour un test de subsidiarité. Je vous rappelle que l'intérêt de ces tests de subsidiarité est d'amener tous les parlements nationaux des vingt-sept États membres à travailler au même moment sur une même proposition européenne pour juger si elle respecte la subsidiarité et la proportionnalité.

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Le test porte cette fois-ci sur la proposition de directive relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes, sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle.

Ce texte vise à renforcer la lutte contre les discriminations. L'Union européenne a déjà adopté tout un appareil juridique afin de lutter contre les discriminations. Il existe ainsi trois directives sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes, une directive pour lutter contre les discriminations relatives à la race ou à l'origine ethnique et une directive traçant le cadre général de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Nous avons d'ailleurs eu un débat en séance plénière il y a quelques mois sur le projet de loi qui doit permettre d'assurer une bonne transposition de l'ensemble de cet appareil juridique.

La nouvelle proposition dont nous sommes saisis aujourd'hui peut se caractériser par son but et par le domaine visé. Le but est de lutter contre les discriminations résultant de la religion, des convictions, du handicap, de l'âge ou de l'orientation sexuelle. L'égalité entre hommes et femmes et les discriminations racistes ou ethniques ne sont pas concernées puisqu'elles font l'objet de textes antérieurs. Quant au domaine visé, il s'agit de la protection sociale, des avantages sociaux, de l'éducation ainsi que de l'accès aux biens et services, y compris en matière de logement. La proposition ne vise pas le marché du travail qui est déjà couvert par une directive antérieure.

La Commission avance deux arguments à propos de la subsidiarité. Tout d'abord, elle fait valoir que : « seule une mesure à l'échelon communautaire peut garantir un niveau minimal de protection standard ». Nous sommes là en présence d'une de ces argumentations tautologiques qu'affectionnent les services de la Commission. Il va de soi que seule une mesure communautaire peut assurer un niveau minimal communautaire de protection. Mais cela peut s'appliquer pour n'importe quelle intervention. On peut aussi bien dire par exemple que seule une mesure communautaire peut garantir la taille minimale des cerises sur l'ensemble du territoire communautaire. La question est en fait de savoir s'il est nécessaire d'imposer une taille minimale des cerises. Cependant, le deuxième argument paraît plus solide et plus convaincant. La Commission fait valoir qu'il faut un acte juridique communautaire pour assurer la sécurité juridique des acteurs économiques et des citoyens qui se déplacent entre les États membres. Il est vrai que les citoyens européens se déplacent de plus en plus souvent et qu'ils peuvent légitimement s'attendre à un niveau minimal de garantie d'égalité de traitement lorsqu'ils se déplacent d'un État membre à l'autre. Or, d'après la Commission, ce niveau de protection juridique est actuellement très variable selon les États membres.

On peut en déduire qu'une intervention communautaire paraît justifiée dans son principe.

Il convient maintenant d'examiner si la proposition de directive ne va pas plus loin qu'il n'est nécessaire. À cet égard, il apparaît clairement que la Commission a été tout à fait sensible à la nécessité de définir le champ d'application de la directive de manière restrictive afin de respecter pleinement l'esprit de la subsidiarité. Le texte précise en effet que l'organisation et le contenu de l'éducation, la reconnaissance du statut marital ou familial, l'adoption, les droits de procréation, restent de la compétence du niveau national. De plus, la directive n'affecte pas non plus la législation nationale qui garantit la laïcité de l'État ou de l'éducation, ni le statut ou les activités des églises. Enfin, la proposition ne couvre pas les différences de traitement fondées sur la nationalité. J'ajoute que les mesures qui doivent être prises pour assurer l'égalité de traitement des personnes handicapées ne doivent pas représenter « une charge disproportionnée ». Enfin, le texte n'empêche pas les États membres de mettre en oeuvre des mesures de discrimination positive, ni d'aller plus loin que les obligations prévues par la directive. Compte tenu des débats que nous avons connus en France il y a quelques années, je signale tout particulièrement qu'il est précisé, dans les considérants de la proposition de directive, que « les États membres peuvent également autoriser ou interdire le port ou l'exhibition de symboles religieux dans les établissements scolaires ».

Compte tenu de l'ensemble de ces précautions, il me semble que nous pouvons considérer que cette proposition de directive respecte les principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Je tiens quand même à signaler que, parmi les autres assemblées qui se sont penchées sur ce texte, deux ont soulevé quelques critiques. La première est le Sénat tchèque qui a estimé que le meilleur niveau d'action contre les discriminations en dehors de l'emploi est celui des États membres qui permet plus de flexibilité et d'adaptation aux situations particulières. La seconde est le Bundesrat allemand qui a considéré que la Commission n'avait pas établi que l'objectif ne pourrait pas être atteint par une coordination entre les États membres et par un échange des meilleures pratiques.

Je vous laisse la parole. Êtes-vous en accord avec ma proposition ?

Il en est ainsi décidé.

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Nous allons maintenant examiner la proposition de directive relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers. C'est notre collègue Roland Ries qui a examiné ce texte. Il va nous donner sa position aujourd'hui au regard de l'appréciation du respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité et je crois qu'il reviendra plus tard sur ce texte pour un examen au fond.

M. Roland Ries :

La Commission européenne a établi une proposition de directive visant à définir un cadre clair et transparent pour la fourniture de soins de santé transfrontaliers dans l'Union européenne, c'est-à-dire lorsque les patients souhaitent bénéficier de soins dans un autre État membre que le leur. On rappellera que les services de soins de santé, qui figuraient dans la version initiale de la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive services », avaient finalement été exclus de son champ d'application. Ce texte, nécessairement moins ambitieux, constitue dès lors une nouvelle initiative de la Commission pour éliminer les obstacles à la fourniture de soins de santé transfrontaliers.

La proposition de directive doit permettre d'instituer des principes communs pour tous les systèmes de santé de l'Union européenne, de préciser les dispositions applicables aux soins de santé transfrontaliers, en particulier en codifiant la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) dans ce domaine, et de renforcer et formaliser la coopération européenne en matière de soins de santé.

Elle poursuit un double objectif. D'abord, disposer de règles claires et prévisibles en matière de remboursement des soins de santé dispensés dans d'autres États membres ; ensuite, veiller à ce que, pour les soins de santé transfrontaliers, les exigences de qualité, de sécurité et d'efficacité soient satisfaites.

Cette proposition ne modifierait ni le cadre réglementaire existant pour la coordination des régimes de sécurité sociale, issu du règlement (CEE) n° 1408/71, ni celui concernant la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, établi par la directive 2005/36/CE.

Quelles sont les motivations avancées par la Commission ?

La Commission, au titre des aspects juridiques généraux, évoque à plusieurs reprises le principe de subsidiarité.

En premier lieu, elle précise que son texte, tout en étant fondé sur l'article 95 du Traité, relatif à l'établissement et au fonctionnement du marché intérieur, respecte « pleinement les responsabilités des États membres en matière d'organisation et de prestation des services de santé et des soins médicaux ». Elle affirme également la compatibilité des soins de santé transfrontaliers avec « les objectifs généraux des États membres en matière d'accessibilité, de qualité et de sécurité des soins de santé dispensés par leurs systèmes ». La proposition de directive « respecte le fait que les systèmes de santé relèvent de la compétence primaire des États membres ».

En second lieu, elle consacre des développements spécifiques au principe de subsidiarité. Elle estime que les questions soulevées par sa proposition « ne peuvent être traitées par les États membres seuls ». Si elle rappelle que, conformément à l'article 152 du Traité, l'action communautaire dans le domaine de la santé publique doit pleinement respecter les responsabilités des États membres, cette disposition, selon la jurisprudence de la CJCE, « n'exclut toutefois pas la possibilité d'imposer aux États membres des adaptations de leurs régimes nationaux de soins de santé et de sécurité sociale ». Elle ajoute que « cela n'équivaut pas à une atteinte aux pouvoirs souverains de l'État membre dans ce domaine ».

Enfin, pour la proportionnalité, la Commission européenne indique que sa proposition « fixe seulement des principes généraux établissant un cadre communautaire, mais laisse une grande marge de manoeuvre aux États membres pour la mise en oeuvre de ces principes, en fonction de leur situation nationale, régionale ou locale ». Son texte n'entamerait donc en rien les compétences des États membres.

Quelle appréciation pouvons-nous porter ?

La proposition de directive de la Commission est un texte dont les répercussions sont potentiellement considérables. Les débats, longs et difficiles, sur la « directive services » ont montré que les services de santé ne peuvent, de par leur nature et leur mission d'intérêt général, être considérés comme des services ordinaires. Leur spécificité avait ainsi été affirmée à cette occasion.

Les doutes quant au respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité par la proposition de directive sont substantiels et très largement partagés. Des dissensions sont apparues au sein du collège des commissaires lui-même, à tel point que l'adoption du texte a dû être reportée à plusieurs reprises. Cette adoption, initialement prévue début novembre 2007 et ensuite annoncée pour le 19 décembre suivant, a finalement eu lieu le 2 juillet 2008. Certains commissaires avaient en effet exprimé de fortes réserves sur ce texte, considérant qu'il ne respectait pas les compétences nationales en la matière. Les remaniements successifs du texte témoignent ainsi de l'âpreté des discussions lors de la consultation interservices.

Quant aux États membres, tout en reconnaissant l'importance de disposer d'un cadre juridique codifiant les principes dégagés par la CJCE, ils ont, à plusieurs reprises, insisté sur la nécessaire préservation de leurs compétences dans ce domaine sensible. La majorité d'entre eux a notamment estimé qu'il était indispensable que le remboursement de soins hospitaliers dans un autre État membre reste conditionné à une autorisation préalable établie au niveau national. La recherche de l'équilibre financier des systèmes de sécurité sociale et la planification de l'offre de soins sont des aspects fondamentaux pour les États membres. Il est donc indispensable qu'ils puissent continuer de maîtriser les flux de patients.

Des positions identiques ont été exprimées au Parlement européen, auquel la sensibilité politique du sujet n'a naturellement pas échappé.

Afin de prendre en compte ces critiques et inquiétudes, le texte définitif de la Commission a notamment :

- réaffirmé la responsabilité des États membres en matière d'organisation et de prestations de soins de santé (article 5.1) ;

- rétabli la possibilité pour un État membre de prévoir une autorisation préalable pour le remboursement du coût de soins hospitaliers, lorsque deux conditions sont réunies : 1°) si le traitement avait été dispensé sur son territoire, les coûts y afférents auraient été pris en charge par son système de sécurité sociale ; 2°) si l'application de cette disposition ne porte pas ou n'est pas susceptible de porter « une atteinte grave » à l'équilibre financier de son système de sécurité sociale ni à la planification hospitalière mise en place (surcapacité hospitalière par exemple) (article 8.3).

Si ces évolutions étaient tout à fait souhaitables, il n'en demeure pas moins que le texte continue de poser un certain nombre de difficultés, en particulier sur deux points.

D'une part, la réaffirmation des responsabilités des États membres par l'article 5.1, si elle est bienvenue, doit dépasser les limites de l'exercice convenu. Or, la rédaction de cet article ne semble pas encore suffisamment respectueuse du principe de subsidiarité. En effet, son paragraphe 3 accorde à la Commission des prérogatives pour « élabore[r] des orientations » lui permettant de « faciliter » la définition, par les États membres, de normes de qualité et de sécurité applicables aux soins de santé dispensés sur leur territoire. L'imprécision de la rédaction ne permet pas de percevoir le rôle exact qui sera celui de la Commission. Celle-ci pourra-t-elle aller jusqu'à établir des standards de qualité et de sécurité des soins ? Dans ce cas, le risque encouru, compte tenu de la grande diversité des situations dans l'Union européenne, serait celui d'une harmonisation « par le bas ».

D'autre part, les conditions posées par l'article 8.3 à l'établissement d'une autorisation préalable au remboursement des soins hospitaliers relèvent d'une interprétation extensive des principes dégagés par la CJCE et vont donc au-delà de l'exercice de codification. En effet, la Cour a posé un principe de justification générale de l'autorisation préalable pour les soins hospitaliers, à savoir l'existence d'une raison impérieuse d'intérêt général (par exemple, le risque d'atteinte grave à l'équilibre des comptes sociaux, des motifs de santé publique ou encore l'accès aux services hospitaliers). Or, la Commission procède en quelque sorte à un renversement de la charge de la preuve, puisqu'elle propose que l'État membre soit dans l'obligation de démontrer, au cas par cas, en quoi l'absence d'une autorisation préalable mettrait en péril le financement et l'organisation des soins. Une telle démonstration serait naturellement très délicate à réaliser. De surcroît, la rédaction est également imprécise. Comment, par exemple, apprécier la gravité de l'atteinte portée à l'équilibre financier ou à la planification du système ?

Quant au principe de proportionnalité, l'appréciation de son respect par la proposition de directive est relativement délicate. Comme indiqué ci-dessus, la Commission est parfois allée au-delà de l'affirmation de principes généraux. Surtout, il paraît difficile de percevoir la portée concrète de ce texte, compte tenu de l'insuffisance, voire de l'absence de données statistiques. La mobilité des patients dans l'Union européenne, quoique encore très limitée mais probablement appelée à se développer, reste un phénomène aujourd'hui mal connu. Ses conséquences pratiques, positives ou négatives, ne peuvent dès lors être anticipées qu'avec la plus grande précaution. Le résumé de l'analyse d'impact fourni par la Commission en appui de son texte n'apporte que peu d'éléments sur ce point.

M. Hubert Haenel :

Cette proposition de directive illustre bien le rôle que les parlements nationaux doivent jouer en matière de respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité. La rédaction de ce texte est sans doute appelée à connaître d'importantes évolutions au cours des négociations au Conseil, notamment sur des points touchant au respect de ces deux principes.

Roland Ries a notamment attiré notre attention sur le paragraphe 3 de l'article 5 de la proposition de directive. Je remarque que nos collègues du parlement danois nous ont fait savoir qu'ils allaient également examiner précisément cette disposition au regard de la subsidiarité.

J'ajoute que cette démarche danoise montre que le parlementarisme danois fonctionne d'une manière très différente du parlementarisme français puisque c'est le gouvernement danois qui a alerté son parlement et lui a demandé son évaluation de l'article 5 paragraphe 3 au regard de l'article 152 du traité qui prévoit que « l'action de la Communauté dans le domaine de la santé publique respecte pleinement les responsabilités des États membres en matière d'organisation et de fourniture de services de santé et de soins médicaux ».

Pour ma part, je serais très heureux que le gouvernement français nous alerte de la même façon.

Mme Monique Papon :

Je souhaiterais savoir quelle autorité nationale établit l'autorisation préalable pour le remboursement des soins de santé.

M. Roland Ries :

La proposition de directive laisse à chaque État membre la liberté de régler cette question. En France, cette autorisation préalable sera accordée par les caisses de Sécurité sociale.

Mme Alima Boumediene-Thiery :

Je regrette que nous ne disposions pas de davantage de données chiffrées sur la mobilité des patients dans l'Union européenne. La proposition de directive soulève également la question du remboursement des soins par les mutuelles, qui sont souvent de droit privé. L'organisation de la Sécurité sociale relevant de la compétence des États membres, il me semble que l'examen du texte au fond demandera d'étudier cette question. Par ailleurs, je voudrais savoir comment la proposition de directive traitera la prise en charge des soins psychiatriques, les États membres n'ayant pas tous la même définition de ce type de soins.

M. Pierre Bernard-Reymond :

La proposition de directive concerne-t-elle les soins prodigués aux étrangers en situation irrégulière ?

M. Roland Ries :

Les chiffres fournis par la Commission à l'appui de sa proposition de directive sont très approximatifs. Il n'en demeure pas moins que le « nomadisme médical » est une réalité. Certaines spécialités médicales sont plus concernées que d'autres, par exemple en raison de l'importance de l'offre hospitalière française par rapport à celle d'autres États membres, celle de la Grande-Bretagne par exemple. Il existe également des catégories de patients qui vont consulter des médecins européens prodiguant des soins moins chers, les dentistes polonais ou hongrois par exemple. Il est de toute façon évident que la mobilité des patients en Europe va s'accroître au cours des prochaines années.

La proposition de directive est applicable aux étrangers en situation régulière, mais pas à ceux qui sont en situation irrégulière.

M. Jacques Blanc :

Le texte prévoit-il des dispositions relatives aux établissements hospitaliers situés dans une région frontalière ?

M. Hubert Haenel :

Je rappelle que notre réunion d'aujourd'hui est consacrée à l'examen du texte sous l'angle de la subsidiarité et de la proportionnalité et que les questions de fond seront examinées lors d'une réunion ultérieure.

M. Roland Ries :

En attendant cet examen au fond, je vous propose d'adopter le projet d'observations ci-après :

- Proposition de directive relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers (COM (2008) 414 final) ;

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La délégation pour l'Union européenne du Sénat estime que, pour respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité, la proposition doit traduire de façon concrète la réaffirmation des compétences des États membres dans l'organisation et la prestation des soins de santé.

À cet effet, il est notamment nécessaire :

- que soit supprimé le paragraphe 3 de l'article 5 de la proposition, qui permet à la Commission européenne d'élaborer des orientations pour faciliter la définition, par les États membres, de normes de qualité et de sécurité applicables aux services de santé dispensés sur leur territoire ;

- que l'article 8.3 de la proposition soit modifié en sorte que seuls les États membres puissent apprécier la gravité de l'atteinte portée au financement et à l'organisation des soins, pour l'établissement d'une autorisation préalable pour le remboursement des soins hospitaliers.

De plus, la délégation pour l'Union européenne du Sénat souhaite que la Commission européenne complète son étude d'impact afin d'améliorer l'information permettant d'évaluer les conséquences du texte.

Le projet d'observations est adopté.

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M. Hubert Haenel :

Parmi les autres textes que la Commission européenne nous a fait parvenir au cours des derniers mois, aucun ne semble poser de problème de subsidiarité ou de proportionnalité. Toutefois, il est deux textes pour lesquels il pourrait être utile que nous nous manifestions auprès de la Commission européenne.

Le premier est la proposition de directive relative à la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins. Ce texte vise à allonger la durée de protection des droits des interprètes et producteurs de phonogrammes de 50 à 95 ans. Il prévoit également la création d'un fonds spécial destiné aux musiciens de studio. Une telle prolongation de la durée de protection mérite réflexion et débat. Mais ce n'est pas notre préoccupation aujourd'hui où nous n'examinons que les questions de subsidiarité et de proportionnalité.

À cet égard, la Commission mentionne simplement que le principe de subsidiarité n'a pas à s'appliquer du fait que le texte « relève de la compétence exclusive de la Communauté ». Nous retrouvons là une question que nous avons déjà évoquée plusieurs fois et à propos de laquelle nous avons adressé à plusieurs reprises des observations à la Commission. Les domaines où l'Union dispose d'une compétence exclusive sont peu nombreux et ne doivent pas être confondus avec ceux où l'Union a exercé une compétence partagée. Dans les domaines de compétence partagée, dès lors que l'Union a pris des mesures, les États membres ne peuvent plus légiférer dans le champ de ces mesures, mais l'Union n'en a pas pour autant une compétence exclusive et ses interventions restent soumises au principe de subsidiarité. Au cours d'échanges précédents que nous avons eus avec la Commission, celle-ci a reconnu avoir utilisé le terme de « compétence exclusive » à mauvais escient. Je pense donc qu'il est souhaitable que nous formulions à nouveau cette remarque et que nous restions en éveil à ce sujet.

Je vous propose en conséquence d'adopter les observations suivantes :

- Proposition de directive modifiant la directive 2006/116/CE relative à la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins (COM (2008) 464 final)

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La délégation pour l'Union européenne du Sénat :

- estime que cette proposition ne porte pas atteinte aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ;

- demande à la Commission de veiller, à l'avenir, à n'utiliser le terme de « compétence exclusive » que dans les domaines, strictement circonscrits, où la Communauté jouit effectivement, en vertu des traités, de telles compétences.

Le projet d'observations est adopté.

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Enfin, le dernier texte tend à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).

Cette proposition de directive est un texte très technique qui vise :

- d'une part, à refondre la directive 85/611/CEE portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie ainsi que les nombreuses modifications qui y ont été ultérieurement apportées, et à codifier d'autres dispositions dans le domaine des services financiers, soit au total neuf directives. La directive de 1985 a permis le développement du marché des fonds d'investissement européens, dont 75 % sont constitués d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ;

- d'autre part, à mettre en oeuvre les dispositions législatives annoncées dans le Livre blanc sur les fonds d'investissement de 2006.

Cette proposition poursuit des objectifs d'amélioration de l'organisation et du fonctionnement des fonds d'investissement, et de simplification des procédures. Elle devrait ainsi contribuer à réaliser les objectifs de la stratégie de Lisbonne dans le secteur concerné.

Toutefois, la motivation de la proposition de directive de la Commission européenne au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité est quasiment inexistante. Dans l'exposé des motifs, la Commission n'évoque pas le principe de subsidiarité, tout en reconnaissant que « la directive [lui] confère des pouvoirs d'exécution étendus ». Et, à propos de la proportionnalité, elle se limite à indiquer que « les nouvelles dispositions proposées ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre » les objectifs du texte.

C'est seulement dans le considérant 66 du texte que la Commission mentionne ces deux principes : « Étant donné que les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres, dans la mesure où ils impliquent l'adoption de règles comportant des éléments communs applicables au niveau transnational, et peuvent donc en raison des dimensions ou des effets de l'action être mieux réalisés au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité. Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, la présente directive n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs ».

La motivation retenue par la Commission apparaît très insuffisante. Rédigée selon des formules convenues, qui pourraient être utilisées pour tout autre texte, elle ne permet pas d'engager un dialogue véritable avec la Commission.

C'est pourquoi je vous propose d'adopter les observations suivantes :

- Proposition de directive portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) (COM (2008) 458 final)

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La délégation pour l'Union européenne du Sénat demande à la Commission européenne de motiver sa proposition de directive au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Le projet d'observations est adopté.

M. Hubert Haenel :

Il nous faut en outre examiner six textes dont nous sommes saisis en urgence par le Gouvernement. Les cinq premiers textes relèvent de la politique étrangère et de défense.

Le premier concerne la participation de la Croatie à l'opération militaire EUFOR Tchad/RCA (texte E 3968).

Ce texte a pour objet d'approuver la convention visant à associer la République de Croatie à l'opération EUFOR Tchad/RCA. Par ailleurs, il fixe les modalités de mise sous commandement européen des forces et du personnel croates.

Avec la volonté de limiter les violences dans la région du Darfour et en application de la résolution 1778 du Conseil de sécurité des Nations Unies, le Conseil de l'Union européenne a adopté le 15 octobre 2007 une action commune (2007/677/PESC) prévoyant une opération militaire de transition en République du Tchad et en République centrafricaine. Lancée le 28 janvier 2008, cette opération a pour objectifs d'améliorer la sécurité dans l'est du Tchad et dans le nord-est de la République centrafricaine, de contribuer à la protection des réfugiés et des personnes déplacées et de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire. Devenue opérationnelle le 15 mars, elle devrait prendre fin douze mois plus tard.

C'est l'opération la plus multinationale envoyée par l'Union européenne en Afrique : 22 États membres participent au quartier général opérationnel et 14 sont présents sur le terrain. En plus des États membres, l'article 10 de l'action commune 2007/677/PESC prévoit que « les États tiers peuvent être invités à participer à l'opération ». Ainsi, le 9 juin 2008, le Conseil a déjà autorisé la République d'Albanie à participer à l'opération EUFOR Tchad/RCA. Le texte E 3968 prévoit d'associer aujourd'hui la Croatie.

Je vous propose de lever la réserve parlementaire pour ce projet de décision qui renforce la présence européenne dans la région et témoigne de la vocation européenne de la Croatie, candidat officiel à l'adhésion.

Il en est ainsi décidé.

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Les trois textes suivants concernent diverses mesures liées à la mise en place de la mission EUMM Géorgie (textes E 3973, E 3974 et E 3975).

Ces trois textes font suite à la décision des chefs d'États et de gouvernement européens, au cours du Conseil européen exceptionnel du 1er septembre 2008, d'envoyer une mission d'observation en Géorgie, afin de contrôler l'application de l'accord en six points, obtenu par l'Union européenne le 12 août 2008, qui a conduit à un cessez-le-feu dans le cadre du conflit ouvert opposant la Géorgie à la Russie. Cette mission, baptisée « EUMM Géorgie », a été définitivement adoptée le 15 septembre dernier au cours du Conseil « Affaires générales et Relations extérieures ». Notre délégation avait été saisie au préalable dans le cadre d'une procédure d'urgence (Examen du 12 septembre 2008 - Texte E 3964).

Le texte E 3973 vise à augmenter le budget prévisionnel de la mission. Fixé à 31 millions d'euros le 15 septembre, il « devrait être augmenté afin de tenir compte des besoins opérationnels additionnels de la mission ». Le nouveau montant de référence financière n'est malheureusement pas communiqué. La consultation du Parlement sur ce texte apparaît, dans ces conditions, purement formelle, étant donné que l'objet principal du texte n'est pas connu.

Les textes E 3974 et E 3975 sont liés. Le premier, conformément aux conclusions du Conseil européen du 1er septembre 2008, nomme un Représentant spécial de l'Union européenne (RSUE) pour la crise en Géorgie. Il s'agit de l'ambassadeur Pierre Morel qui occupera ses fonctions jusqu'au 15 mars 2009. Son mandat n'est pas détaillé dans le projet qui nous a été transmis. On peut néanmoins dire que son rôle consistera à favoriser la coordination politique générale de l'Union dans le cadre du règlement du conflit en Géorgie. Il devra entre autres coordonner son action avec celle du Représentant spécial de l'Union pour le Caucase du Sud, déjà présent dans la région. À cet égard, le texte E 3975 opère quelques modifications au mandat de ce dernier qui s'exercera désormais « dans le respect des objectifs spécifiques du mandat du RSUE pour la crise en Géorgie » et dont un des objectifs sera de « fournir au chef de la mission d'observation de l'Union européenne en Géorgie des orientations politiques au niveau local ». Ces deux textes ne semblent pas poser de difficultés.

Au final, je vous propose de ne pas intervenir plus avant sur ces trois projets d'action commune concernant la crise en Géorgie.

Il en est ainsi décidé.

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Le cinquième texte vise au renouvellement de mesures de soutien à l'action du TPIY (texte E 3976).

Ce projet de position commune vise à renouveler des mesures existantes consistant à geler les capitaux et ressources économiques appartenant aux personnes qui ont été officiellement inculpés par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) pour crimes de guerre mais qui n'ont pas été arrêtées.

La position commune 2004/694/PESC prévoit actuellement l'application de ces mesures jusqu'au 10 octobre 2008. Il est proposé de les renouveler pour une période de 12 mois.

Ce texte ne pose pas de problème en soi. Il est logique que l'Union européenne continue d'apporter son soutien aux activités du TPIY alors que deux personnalités inculpées portant une lourde responsabilité dans les crimes de guerre commis en ex-Yougoslavie, Ratko Mladic et Goran Hadúic, sont toujours en fuite. En revanche, il peut sembler étonnant de voir l'Union prolonger ces mesures au-delà du 31 décembre 2008 alors que le mandat du TPIY, en l'état actuel, ne permet pas au tribunal de poursuivre ses travaux au-delà de cette date pour les jugements de première instance, et que, à notre connaissance, aucune prolongation n'est programmée.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose de ne pas intervenir plus avant sur ce projet de position commune.

Il en est ainsi décidé.

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Enfin, un dernier texte concerne la négociation d'un accord avec la Norvège sur la fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts (texte E 3942).

Je vous rappelle d'abord le contexte.

La directive n°2003/48/CE du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts, appliquée depuis le 1er juillet 2005, garantit au sein de l'Union une imposition effective des revenus de l'épargne. Elle permet d'assujettir à une imposition minimale les intérêts touchés par un ressortissant communautaire dans un État membre autre que son État de résidence, même si ledit État applique le secret bancaire. Elle prévoit à cet effet, un échange automatique d'informations, lorsque le bénéficiaire effectif d'intérêts est résident d'un État membre de l'Union européenne autre que celui où est établi l'agent payeur. Celui-ci doit alors communiquer un certain nombre de données à l'autorité compétente de l'État membre dans lequel il exerce ses activités. Ces informations sont les suivantes :

- l'identité et la résidence du bénéficiaire effectif ;

- le nom ou la dénomination et l'adresse de l'agent payeur ;

- le numéro de compte du bénéficiaire effectif ou, à défaut, l'identification de la créance génératrice des intérêts ;

- la différenciation des intérêts selon les différentes catégories de placement.

- les paiements d'intérêts entrant dans le champ de la directive sont constitués :

 des intérêts payés, ou inscrits en compte, qui se rapportent à des créances de toute nature ;

 des intérêts courus ou capitalisés obtenus lors de la cession, du remboursement ou du rachat des créances précédemment énoncées ;

 des revenus provenant de paiements d'intérêts, soit directement soit par l'intermédiaire de certaines entités limitativement énumérées, distribués par les organismes de placement collectif en valeur mobilières (OPCVM) ou certains organismes de placement collectif ;

 des revenus réalisés lors de la cession, du remboursement ou du rachat de parts ou d'unités dans les OPCVM, lorsque ceux-ci investissent, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'autres organismes de placement collectif ou entités, plus de 40 % de leurs actifs dans les créances.

L'article 10 de la directive prévoit, par ailleurs, une période de transition au cours de laquelle la Belgique, le Luxembourg et l'Autriche ne sont pas tenus de mettre en oeuvre l'échange automatique d'informations. Destinée à garantir la protection du secret bancaire, la période de transition doit durer six ans. Au cours des trois premières années, les États concernés ont prélevé une retenue à la source de 15 % sur les revenus d'intérêts perçus par les non-résidents. Le taux s'établit à 20 % depuis le 1er juillet 2008. À l'issue d'une nouvelle période de trois ans, ce taux sera porté à 35 %. La directive impose aux États concernés de conserver 25 % des recettes et d'en transférer 75 % à l'État membre de résidence du bénéficiaire effectif des intérêts. Cette période de transition doit prendre fin un an après la conclusion d'accords d'échanges d'information sur demande avec un certain nombre d'États tiers : Suisse, Liechtenstein, Saint-Marin, Monaco, Andorre ainsi que les États-Unis.

La signature d'accords avec les cinq premiers États était également une des conditions d'entrée en vigueur de la directive. Le retard pris dans les négociations et la signature en fin d'année 2004 de la plupart de ces accords ont conduit la Commission à différer au 1er juillet 2005 l'application de la directive. L'absence d'engagement des États-Unis à échanger des informations « sur demande » avec l'Union européenne retarde toujours, quant à elle, la fin de la période transitoire.

C'est dans ce contexte que s'inscrit l'accord avec la Norvège.

Le texte E 3942 prévoit d'étendre cette coopération à la Norvège. Aux termes de l'accord recommandé par la Commission, la Norvège s'engage à échanger de manière automatique des informations avec 24 États membres et encaissera 75 % de la retenue à la source prélevée sur ce type de paiement lorsqu'ils sont effectués dans les trois États membres bénéficiant de la période de transition.

A la différence des accords entérinés avec Andorre, la Suisse, le Liechtenstein, Monaco et Saint-Marin, le projet d'accord aboutit à un véritable échange automatique d'informations. Les accords précédents optaient, en effet, pour la solution minimale de la retenue à la source appliquée en Autriche, Belgique et Luxembourg, dérogeant de fait à l'objectif fondamental de la directive 2003/48 que représente l'échange automatisé.

Dans ces conditions, je vous propose de ne pas intervenir plus avant sur ce texte qui permet de franchir une nouvelle étape dans la lutte contre la concurrence fiscale dommageable. Nous pourrions néanmoins profiter de ce texte pour rappeler notre volonté de voir aboutir rapidement les négociations avec les États-Unis afin que soit mis fin à la dérogation dont bénéficient trois États membres.

Il en est ainsi décidé.